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L’OTAN ferme la porte à la Russie

La Russie doit s’effacer devant l’OTAN.

General view of the meeting

L’OTAN s’est réunie avec la Russie le 12 janvier 2022 pour la première fois depuis deux ans et demi ; normalement de telles réunions se tiennent deux-trois fois par an, mais les intérêts tellement divergent ont provoqué une cassure. La crise internationale provoquée par la pandémie a ramené l’existence d’une telle réunion, mais celle-ci s’est bien entendu conclu sur rien de concret.

La Russie, par l’intermédiaire d’Alexandre Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères, exige en effet que l’Ukraine et la Géorgie ne rejoignent pas l’OTAN, et cette dernière dit qu’elle n’y peut rien, qu’elle laisse la porte ouverte. Ce qui implique qu’elle les acceptera, alors qu’en plus il existe en ce moment une intense campagne anti-Russie dans le Nord de l’Europe. Après la Suède, c’est ainsi la Norvège qui affirme qu’elle est menacée d’une possible invasion russe, et il y a un discours officiel appelant à renforcer la présence militaire de l’OTAN en Europe de la part du Danemark, de la Suède, de la Norvège et de l’Estonie. De plus, le Royaume-Uni a envoyé en Ukraine toute une équipe de généraux.

La superpuissance américaine met également le paquet. Le 12 janvier 2022, la Secrétaire d’État adjointe des États-Unis Wendy R. Sherman présente lors de la réunion Russie-OTAN a également eu une rencontre avec le  secrétaire général du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères François Delattre, le secrétaire d’État allemand aux affaires étrangères Andreas Michaelis, le directeur politique italien des affaires étrangères Pasquale Ferrara, le ministre d’État britannique pour le moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Amérique du Nord James Cleverly.

Et lors de la réunion de l’OTAN en tant que tel, Wendy R. Sherman a dit au représentant russe qu’il était une seule personne parmi 30, mais qu’en fait les 29 représentants de l’OTAN ne formaient également qu’une seule personne, au sens où l’OTAN formait un bloc. Et lorsqu’elle a pris la parole et qu’en même temps la délégation russe s’échangeait des documents en murmurant, elle les a rappelés à l’ordre.

La Russie est donc prise à la gorge : soit elle essaie de passer en force en envahissant l’Ukraine, un pays qu’elle ne reconnaît somme toute pas, ou bien elle recule et alors elle s’effiloche sous la pression occidentale. Tant la Russie que l’OTAN n’ont comme seule possibilité d’existence que l’expansion territoriale, politique, militaire.

Pour l’instant, elle ne cède pas, elle continue ses renforcements à la frontière ukrainienne, et 3000 soldats se sont entraînés le 12 janvier à balles réelles à Voronezh, Belgorod, Bryansk et à la frontière ukrainienne.

Mais de toutes façons, il ne faut pas faire de « géopolitique ». Ce qui compte, c’est de voir que les grandes puissances cherchent à agglomérer un empire autour d’elles-mêmes, alors que la tendance est à la bataille pour le repartage du monde. C’est cela qui compte et il y a deux premières victimes : des pays entiers tout d’abord, qui sont des cibles de l’expansion voulue, comme ici l’Ukraine qui n’a comme horrible choix que d’être qu’un satellite occidental ou russe, ou bien les deux si le pays connaît une partition suite à une invasion.

Les travailleurs ensuite puisque c’est à leurs dépens que se font les guerres du capitalisme, tout comme c’est à leurs dépens qu’existe le capitalisme. Il est aisé de voir comment la guerre est d’ailleurs devenue une actualité du capitalisme de manière tout à naturelle, avec un effet d’entraînement dans toute la société. On ne peut pas ne pas voir qu’Eric Zemmour, au discours nationaliste brutal, est une expression directe de la crise généralisée du capitalisme due à la pandémie, avec même Marine Le Pen mise de côté.

Pratiquement 80 000 personnes ont d’ailleurs rejoint le mouvement d’Eric Zemmour, « Reconquête », ce qui est également une expression de la crise, du nationalisme, du bellicisme, de la tendance au repli sur soi, à la mobilisation nationale pour que le pays « retrouve son rang », etc. Le BREXIT et l’élection de Donald Trump ont été les signes annonciateurs que le capitalisme rentrait dans le mur et qu’on était en train de passer au repli national pour le repartage du monde, en raison d’une expansion capitaliste au rythme cassé.

Dans un tel panorama, les négociations ne sont que formelles, apparentes. La réunion Russie-OTAN du 12 janvier 2022 n’a été qu’une formalité, sans contenu aucun, car désormais tout se passe en arrière-plan, avec les exigences historiques de la crise. Ce qui se reflète concrètement dans les esprits des couches dominantes comme la grande bataille sino-américaine en cours et à venir.

Chacun se place par rapport à cela, en comptant profiter du maximum de forces pour le moment où tout basculera. Il est ainsi absolument évident que les pays occidentaux voient l’occasion historique de pouvoir ébranler la Russie. Tout comme la Russie voit l’occasion historique de reforger son empire en profitant d’un capitalisme occidental relativement enrayé et de sociétés occidentales déconnectées de tout dans leur bulle consommatrice.

Cette leçon historique, on est train de l’apprendre ; la crise ukrainienne est la principale leçon dans ce cheminement historique et, malheureusement, n’anticipant pas les événements à venir et ne comprenant pas les tendances de fond, les gens s’éparpillent dans de pseudos-actualités, se dispersent dans des choses totalement secondaires.

On est désormais dans le processus qui mène à la future guerre mondiale, un processus contradictoire qui va avoir des tours et des détours, et là on a le premier moment de vérité, la première étape, la première polarisation, la première grande leçon.

C’est l’Histoire qui est en train de se faire et il est dommage que cela se déroule ainsi ; mais sans doute qu’en raison de la corruption capitaliste, il fallait que l’humanité en passe par là pour saisir avec maturité le socialisme, avec sa planification, son collectivisme, ses valeurs morales et culturelles.

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La guerre moderne et les brigades russes

Frapper fort, passer en force : c’est la tactique militaire russe.

Les années 2020 sont aussi éloignées des années 1980 que les années 1980 des années 1940. La guerre moderne a donc un visage fondamentalement différent des périodes précédentes, et le mot clef, c’est transmission. Les données sont transmises plus rapidement et elles sont bien plus nombreuses, ce qui fait qu’au niveau de la direction militaire, il est possible d’obtenir une gestion bien plus avancée des troupes, et par conséquent également une bien meilleure coordination.

La Russie a particulièrement mis le paquet il y a une décennie à ce niveau, avec la modernisation de l’armée, fondée désormais sur les brigades. C’est le prolongement de la conception de la superpuissance soviétique dans une guerre en Europe dans les années 1980. L’idée soviétique était la suivante : il faut être capable d’envoyer des missiles précis d’un côté et d’occuper rapidement le terrain de l’autre, pour provoquer un état de fait si rapide que cela empêche l’OTAN de réagir de manière nucléaire.

Les brigades russes mises en place il y a dix ans sont donc le fruit d’une intense réflexion concernant, de fait, l’Ouest de la Russie. Les brigades ne forment pas un modèle exportable pour d’autres situations. En extrême-Orient, d’ailleurs, la Russie a des troupes différentes, adaptées aux très rudes conditions locales et surtout fondées sur l’emploi massif de missiles. Voici la carte des quatre districts militaires russes, chacun ayant donc ses spécificités opérationnelles.

Une brigade est composée de 800-900 soldats, avec trois compagnies d’infanteries munie chacune de onze véhicules de transports, avec également une compagnie de 10 tanks. On parle là d’une brigade concentrée sur l’infanterie ; il existe une variante tankiste, avec trois compagnies de tanks accompagnées d’une compagnie d’infanterie.

Chaque brigade compte qui plus est deux ou trois batteries d’artillerie ou d’obusiers, soit au total 12-18 systèmes d’artillerie. Il faut ajouter à cela une ou deux batteries de missiles anti-aériens, une compagnie anti-tank, une équipe de reconnaissance gérant également la guerre électronique.

On voit là qu’on est dans le cadre de la guerre moderne. Il y a une combinaison opératoire très poussée. Les brigades disposent ainsi d’une gigantesque force de frappe, qui est employée de manière pour ainsi dire auto-suffisante et massive, pour que dans la foulée une zone passe sous contrôle militaire par l’occupation directe au moyen des troupes.

Autrement dit la tactique militaire russe repose sur l’artillerie, au plus exactement il y a trois moments : d’abord l’envoi massif de missiles à moyenne distance et des opérations de guerre électronique massive, puis le passage à l’action des brigades avec l’artillerie pour briser l’ennemi en l’écrasant sous la puissance de feu et pouvoir directement passer en force.

Ce n’est pas du tout une bataille avec une artillerie ici, des soldats là, des tanks encore ailleurs. Chaque brigade combine ces aspects et, évidemment, les brigades sont combinées ensemble, le tout dépendant des missiles envoyés pour décapiter l’armée adverse, détruire les entrepôts, bombarder les troupes, etc.

Ce principe est considéré comme très fiable… quand il marche, que tout va bien. En cas de souci, les brigades ont un gros problème défensif, car ils ne sont pas assez massifs (la superpuissance américaine fonctionne justement inversement avec des troupes structurées « massivement »). En clair, cela passe ou ça casse.

Tout cela est bien entendu tout à fait schématique. Tout cela est bien plus complexe dans le détail et il faut distinguer les brigades interarmes de celles servant d’appui. Cela permet cependant d’avoir une vue d’ensemble et de comprendre le mode de fonctionnement de l’armée russe à sa frontière occidentale et donc dans son rapport militaire avec l’Ukraine dans le cadre d’une confrontation.

L’Ukraine ne dispose en effet ni de missiles pouvant atteindre la Russie (ni même de missiles efficaces d’ailleurs), ni d’aviation, ni de capacité réelle anti-chars. Si la Russie se lance contre l’Ukraine, elle peut en 24-72h obtenir une victoire massive rien qu’avec les missiles et les avions, pour ensuite ravager les troupes restantes avec ses brigades.

Or, la superpuissance américaine compte bien fournir à l’Ukraine tout ce qui lui manque pour tenir (et même passer à l’offensive, car tel est le plan de l’OTAN qui est tout aussi belliciste que la Russie). Chaque jour qui passe rend la situation plus difficile pour une éventuelle invasion russe.

C’est cela le piège pour l’Ukraine : tant la superpuissance américaine que la Russie fermant la porte à toute reculade en raison de la pression de la crise mondiale généralisée, elle est fatalement prise au piège dans un sens ou dans un autre. Soit la Russie tente de reformer un empire autour d’elle, soit la superpuissance américaine en fait le porte-avions d’une pression systématisée pour faire en sorte que la Russie soit déstabilisée et bascule dans une soumission aux forces occidentales.

Le capitalisme a façonné la guerre moderne : de la même manière que le capitalisme implique la guerre en raison de la nécessité à un moment de la bataille pour le repartage du monde, la structuration des armées modernes des pays capitalistes obéit à une logique d’écrasement et de conquête.

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Guerre

De l’Ukraine au soulèvement au Kazakhstan

La Russie est prise à revers.

Alors que le 5 janvier 2022, le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell s’est rendu en Ukraine et dès le premier jour à la frontière avec les républiques séparatistes, le Kazakhstan a connu un véritable soulèvement faisant déjà des dizaines de morts et des centaines de blessés.

Les insurgés ont fait tomber la statue de Noursoultan Nazarbaïev, au pouvoir depuis 1990, même si officiellement en 2019 le président est désormais Kassym-Jomart Tokaïev. C’est un immense symbole quand on sait que la capitale, Astana, a été renommé Nour-Soultan en l’honneur de ce « chef de la nation ».

A Alma-Ata, ancienne capitale politique et toujours capitale économique, ils ont désarmé des militaires, pillés des armureries, incendié la mairie ainsi que le siège du parti au pouvoir Nour-Otan (Lumière de la patrie), occupé l’aéroport international et le bâtiment du Comité National de Sécurité. Mais l’insurrection se déroule également dans plusieurs villes.

Tout est parti de la hausse du prix du gaz liquide (jouant un rôle essentiel pour les transports), avec des protestations montant en puissance depuis quelques jours, mais le 5 janvier est marqué par une démarche littéralement insurrectionnelle. L’état d’urgence est d’ailleurs décrété, internet a été coupé avant de partiellement reprendre, la Russie a été appelée à l’aide par le gouvernement.

Cette aide se fait de manière automatique dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective, dont sont membres l’Arménie (actuellement à sa tête), la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan. Ces deux derniers pays ont commencé à envoyer des troupes spéciales (parachutistes, troupes de choc des forces de sécurité).

Le régime étouffant la société de manière fasciste au Kazakhstan connaît bien entendu une crise propre à notre époque, où tout vacille, où l’ordre ancien s’effondre.

Mais la question se pose bien entendu de savoir dans quelle mesure les insurgés sont objectivement les alliés (ou les valets) de la superpuissance américaine, ils ne le sont peut-être pas et même subjectivement peut-être pas du tout. Malheureusement, il y a bien peu de chances que cela soit une insurrection portée par des valeurs démocratiques et populaires… De par le timing (et le professionnalisme apparent des insurgés ce qui reste discutable par ailleurs), il faut bien plutôt penser à un contre-feu mis en oeuvre par la superpuissance américaine.

Et cela s’insère naturellement dans le conflit OTAN-Russie. Il suffit de voir la carte pour comprendre l’importance immense du Kazakhstan pour la Russie. C’est littéralement tout le flanc sud, et on peut voir au passage que l’Ukraine et la Mer Noire ne sont pas loin. Même pour la Chine, un régime pro-superpuissance américaine au Kazakhstan serait un désastre complet.

Il va de soi que cela modifie déjà radicalement la situation pour les échanges Russie – superpuissance américaine qui doivent se tenir dans les jours prochains, suivis des échanges Russie – OTAN et Russie – OSCE, alors que la Russie a exigé des garanties par écrit sur sa sécurité.

La Russie est désormais dans une situation où en fait c’est elle-même qui peut basculer en raison de l’incroyable pression qu’il y a sur elle. La Russie est littéralement prise à revers alors qu’elle tentait d’exercer une pression à l’Ouest.

Dans tous les cas, la Russie est mise au pied du mur par l’Histoire. Le défi ukrainien se voit associer le défi kazakh. La bataille pour le repartage du monde fait rage, le monde plonge dans le chaos.

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« Pourquoi voudrions-nous un monde sans la Russie? »

La bataille pour le repartage du monde est l’aspect principal des événements historiques.

L’actualité s’est fortement ralentie concernant le conflit Ukraine/Russie, qui apparaît désormais ouvertement comme un conflit OTAN/Russie. Le président américain Joe Biden a téléphoné le 2 janvier 2022 au président ukrainien Volodymyr Zelenski pour lui dire qu’en cas d’invasion russe, il y aurait des sanctions terribles. Le président russe Vladimir Poutine a lui téléphoné au président turc Recep Tayyip Erdoğan.

Pour le reste, la Russie se dit très contente de pouvoir discuter prochainement avec les Etats-Unis et affirme sa confiance dans la diplomatie… Elle ne va pas dire le contraire, bien entendu. Tout le monde attend donc la discussion américano-russe qui va se tenir les 9-10 janvier. Le timing est plus précisément le suivant : pourparlers à Genève les 9 et 10 entre la vice-secrétaire d’État américaine Wendy Sherman et son homologue russe Sergueï Riabkov, rencontre Russie-OTAN le 12, réunion dans le cadre de l’OSCE le 13.

Et deux écoles se font face ici dans l’interprétation des faits. La première dit que tout est une question géopolitique, qui est comme on le sait une conception universitaire – bourgeoise pour qui une civilisation, un Etat, un pays serait en mesure de « penser » et de calculer ses coups.

On a un bon exemple avec l’article de Révolution Permanente (Conflit Russie-Ukraine. Ni bluff ni ultimatum) qui utilise le mot « géopolitique » dès qu’il faut essayer d’expliquer quelque chose, car après tout, cela reste bien mystérieux que tout cela :

« Il est difficile de déterminer avec exactitude pourquoi Poutine décide aujourd’hui de montrer ses muscles face à l’Ukraine et ses soutiens européens et principalement étatsuniens. Un facteur plus local est sans doute l’utilisation de drones turcs par le gouvernement ukrainien contre les forces rebelles du Donbass en octobre dernier. »

Ici on pense que peut-être que la Russie n’attaquera pas… peut-être qu’elle le fera quand même… ou inversement… on ne sait pas… Après tout qui peut savoir… tout est géopolitique… Bref, ce sont des observateurs extérieurs ne comprenant pas la tendance à la guerre et s’imaginant que le capitalisme est organisé et la guerre « planifiée ».

La seconde école dit inversement que tout a changé, et que par conséquent le rentre-dedans est généralisé est inévitable. Elle s’appuie au fond sur une citation de Vladimir Poutine, de 2018, qui a le mérite de la clarté en termes d’affrontement éventuellement atomique :

« Pourquoi voudrions-nous un monde sans la Russie? »

La Russie est une grande puissance et dans la situation de crise, elle veut avoir sa place au soleil. C’est une tendance irrépressible. C’est la bataille pour le repartage du monde et la Russie considère que le bloc occidental va se lézarder en raison de la paralysie relative du capitalisme, alors que la Russie forme un Etat – civilisation – continent tout à fait autonome des événements. Une réaffirmation hégémonique russe ouverte est donc à l’ordre du jour.

Bien entendu, les experts bourgeois concernés ici ne disent pas cela ainsi, mais cela y ressemble fortement et on lira à grand profit l’article de Que signifie l’ultimatum russe aux occidentaux ? du site Desk Russie, qui est ni plus ni moins que la base de l’article du Figaro Poutine veut faire plier l’Otan et l’Europe.

Car le fond de la question est le suivant. 2022 est-il comme 2019 ou pas? La pandémie nous a-t-elle fait passer dans une nouvelle époque? La bataille pour le repartage du monde est-il le sens même de cette époque?

Disons le directement : tout a changé, qui ne le voit pas est aveugle concernant les faits, qui ne le comprend pas a des raisonnements figés dans les livres universitaires, qui ne le saisit pas a une vie semi-confortable et au moins corrompue dans le capitalisme.

Tout est en train de basculer… le capitalisme a connu son apogée, maintenant il s’effondre, et la guerre est sa tentative de s’en sortir.

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Culture

Bishkek: du post-punk russe de Berlin

Voici l’album БЕЗУСЛОВНОСТЬ de l’artiste Bishkek, suivi de son interview !

Pourrais-tu te présenter toi et ta musique ?

Bonjour, je m’appelle Jan, j’ai 25 ans et je vis en Allemagne. Il y a 6 mois, j’ai déménagé depuis la petite ville de Würzburg vers Berlin. Merci de m’avoir invité, je suis très heureux de l’interview, c’est ma toute première !

Je joue du post-punk russe très classique, c’est-à-dire de la batterie synthétique, une ligne de basse accrocheuse, des synthétiseurs et une voix assez monotone. Mes plus grandes inspirations musicales sont bien sûr des groupes comme Molchat Doma, Ploho et Lebanon Hanover mais aussi des artistes post-punk/darkwave allemands modernes comme Edwin Rosen.


Pourquoi voulais-tu écrire des chansons et faire de la musique ?

Je viens à l’origine d’un milieu hardcore/metalcore et j’ai toujours voulu jouer ce genre de musique quand j’étais adolescent. Au fil du temps, j’ai commencé à écouter beaucoup de post-punk, de shoegaze, d’indie et de pop en plus du hardcore. En raison de ma socialisation en Allemagne, j’ai toujours eu peu de contacts avec la musique russe et j’ai été totalement flashé lorsque les groupes post-punk russes ont connu un énorme battage médiatique en occident. J’étais très impressionné par les thèmes sombres et mélancoliques et je voulais vraiment jouer ce genre de musique. Faire de la musique en russe en particulier était spécial pour moi car ici c’est une langue que je parle presque exclusivement avec ma famille. Malheureusement, cela n’a jamais fonctionné pour trouver des gens pour un groupe, alors j’ai commencé à écrire et enregistrer des chansons moi-même dans ma chambre.

Tu chantes en russe et tu t’appelles Bichkek en tant que capitale kirghize, as-tu des racines russes ou kirghizes ?

Oui, je suis né en 1996 à Bichkek. Mes parents ont émigré en Allemagne avec moi et la moitié de ma famille en 1998. Nous sommes venus en tant que réfugiés du contingent juif de l’union soviétique brisée dans le but de trouver une vie meilleure.

Ton dernier projet « БЕЗУСЛОВНОСТЬ » est sorti ce mois-ci, de quoi s’agit-il ?

Traduit, l’EP signifie « inconditionnalité » et il s’agit principalement d’amour, d’inadaptation du logement et de folie des loyers et de la peur du changement. J’ai choisi ce nom parce que de nombreux domaines de la vie sont souvent liés à une sorte d’inconditionnalité. Par exemple, l’amour pour les personnes importantes peut être inconditionnel. Mais je comprends aussi certains droits fondamentaux, comme le droit à un toit au-dessus de la tête, comme des choses qui ne devraient pas être liées à des conditions telles que le revenu.


Avant cet EP, tu as sorti « скоро », ce nouvel EP est-il la suite du précédent ?

Oui, lyriquement en partie. Le premier EP était plus sur mes problèmes personnels. L’émigration de mes parents et moi en Allemagne et les questions qui l’accompagnent sur l’identité, l’adaptation et la peur sont des thèmes centraux à la fois dans le premier et le nouveau EP.

Musicalement, j’ai essayé de trouver un meilleur son cette fois. En plus de meilleurs samples de batterie, j’ai aussi essayé de trouver de plus beaux sons de synthé. Mon pote Felix, qui a fait le mix/master, a aussi beaucoup contribué au son.

Ton album БЕЗУСЛОВНОСТЬ est fortement expressif sur la vie quotidienne, les difficultés à vivre dans un monde où il y a un individualisme si fort, où l’amour n’a pas de place. Était-ce une critique du quotidien ?

Oui, cela peut être compris comme une critique de mon quotidien personnel. En fait, je ne suis pas un grand fan de musique explicitement politique, c’est souvent assez brutal et peut vite devenir embarrassant. Néanmoins, la deuxième chanson крыша (dach) [toit en français] est quelque part une chanson politique, car elle traite des problèmes du marché du logement. Mais je ne ferais jamais une chanson avec des slogans de manif dedans.

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Guerre

Joe Biden et Vladimir Poutine, assassins de l’Ukraine

La superpuissance américaine et la Russie décident du sort d’une nation.

Parmi les innombrables initiatives que prennent en ce moment la superpuissance américaine et la Russie, il y en a une qui est plus importante que toutes les autres. Est même secondaire la loi que met en ce moment en place la Russie et qui prévoit… de reconnaître la nationalité russe au territoire rejoignant nouvellement la Russie!

Car Vladimir Poutine a demandé, le 29 décembre 2021, à avoir Joe Biden au téléphone le 30 décembre. C’est d’une importance capitale, car cela reflète la centralisation politico-militaire propre à toute expression de la crise dans le capitalisme. La guerre n’est pas un choix démocratique, c’est toujours une tendance de conquête, d’expansion, d’hégémonie, de destruction. Et le choix relève de toute une coagulation au sein de l’appareil d’Etat, à travers sa tête particulièrement réduite.

C’est cela qui donne l’impression que le dictateur choisit de manière individuelle (ou personnelle), alors que par exemple Adolf Hitler était le serviteur zélé de toute la haute bourgeoisie allemande. Les dirigeants bellicistes sont toujours le fruit d’un choix raffiné fait par les puissants – il suffit de regarder comment en ce moment Eric Zemmour se contorsionne dans tous les sens afin de justement être conforme à ce qui est attendu.

En ce qui concerne l’appel demandé ou exigé par Vladimir Poutine, c’est naturellement catastrophique. Les médias russes bombardent d’une propagande anti-occidentale forcenée ces derniers jours, et avant d’autant plus de facilité que, effectivement, les forces occidentales comptent bien terminer leur conquête de l’Est.

Normalement, il y a une discussion américano-russe prévue le 10 janvier 2022, mais comme on le voit la Russie ne compte pas attendre, elle exige des garanties concrètes, et elle le fait d’autant plus facilement qu’elle compte bien prendre le contrôle d’une partie de l’Ukraine.

Qu’est-ce que cela veut dire? Que le piège se referme sur l’Ukraine. Qu’il y ait la guerre ou que la superpuissance américaine fasse un « deal » avec la Russie, cela sera forcément sur le dos de l’Ukraine. Il y a d’ailleurs un grand ménage en ce moment en Ukraine où des lois et condamnations tombent sur les acteurs politiques et les médias non inféodés au pouvoir actuel directement soumis aux Américains.

La question qui se pose désormais est de savoir si la Russie peut au moins utiliser une partie de l’Ukraine contre elle-même, au nom de l’amitié russo-ukrainienne ou panslave, pour en arracher une partie. Il y a ainsi trois possibilités : une Ukraine colonie américaine, une Ukraine colonie russe, une Ukraine coupée en deux avec les deux parties elles-mêmes des colonies.

Le coup de fil Joe Biden – Vladimir Poutine, quel que soit son résultat, est résolument anti-démocratique et anti-populaire ; il est exemplaire de notre époque qui se caractérise par la bataille pour le repartage du monde, dans le cadre de la crise ouverte par la pandémie. Le capitalisme a besoin d’espaces pour se développer malgré tout, les régimes ont été mis à mal, tout part en dépression (autant les gens que les administrations, la santé, l’éducation, la culture…).

On est exactement comme dans les années 1930, avec des figures « puissantes » décidant du sort du monde, et ici l’Ukraine dont l’existence même en tant que nation est menacée.

On peut dire, bien entendu, que le régime actuel de l’Ukraine a conduit le pays à la faillite en raison de son orientation pro-occidentale, ultra-nationaliste, fanatiquement anti-Gauche. On peut et on doit le dire. Mais la nation ukrainienne est avant tout la victime de la bataille d’influence existant depuis 1991 entre la Russie et la superpuissance américaine, cette dernière prenant le dessus en 2014.

C’est cette situation de faiblesse qui conduit cet endroit du monde a être aussi rapidement un lieu conflictuel. Le Nagorny Karabakh est un autre exemple d’une faiblesse historique amenant un incendie militaire. Cependant cela explique seulement le fait que ces zones soient les premières à basculer : par la suite aucune zone n’échappera à l’exigence des grandes puissances de refaçonner le monde, de remodeler les pays, à l’échelle de continents, selon les besoins « impériaux », avec l’objectif d’un empire capitaliste.

Joe Biden et Vladimir Poutine sont les assassins de l’Ukraine. L’Ukraine est victime de la bataille pour l’hégémonie. Il faut lever le drapeau de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans un cadre démocratique et populaire, contre l’influence des puissances, pour l’indépendance. Vive l’Ukraine!

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La Russie lance une « salve » de Zircon le 24 décembre 2021

C’est une vraie partie d’échecs belliciste.

Les troupes russes selon le ministère ukrainien de la Défense, qui considère que la Russie fait encore monter la pression avant une possible offensive

Après avoir été dans les médias le 23 décembre 2021 pour sa conférence de presse, le président russe Vladimir Poutine y est revenu le 24 décembre, pour saluer un événement de portée militaire. Alors que Noël est fêté dans les pays occidentaux, un avertissement leur a été lancé avec le lancement en Russie d’une « salve » de missiles hypersoniques Zircon en Russie. Il s’agit d’un missile de croisière mer-mer ou mer-terre, allant à 10 000 kilomètre à l’heure et pouvant toucher une cible à moins de mille kilomètres. Il peut transporter une charge nucléaire et il est calibré pour avoir une dimension furtive et ne pas apparaître au radar. Il est en effet à vitesse hypersonique dans l’atmosphère, ce qui provoque une nuage de plasma devant lui empêchant les émissions radio.

Un lancement avait également eu lieu le 16 décembre dans la région d’Arkhangelsk, mais sans annonce présidentielle à ce sujet, et naturellement le choix du 24 décembre est significatif. Déjà, parce que l’alerte est maximale quant à une possibilité d’invasion russe de l’Ukraine, les services secrets britanniques parlant justement du 24 décembre comme date possible. Ensuite, parce que c’est la veille des 30 ans de la disparition de l’Union Soviétique, le 25 décembre 1991, avec la démission de Mikhaïl Gorbatchev, remplacé le jour même par Boris Eltsine, le drapeau soviétique cédant la place au drapeau tricolore de l’époque du tsar.

Mikhaïl Gorbatchev a d’ailleurs été interviewé à cette occasion et, alors qu’il est très clairement pro-occidental depuis cette époque, il a accusé les États-Unis de pratiquer désormais « l’arrogance, l’autosatisfaction », le « triomphalisme » ; selon lui, l’élargissement de l’OTAN vise à bâtir un « nouvel empire ». Or, c’est l’agence de presse russe RIA Novosti qui l’interviewait : cela donne le ton actuellement en Russie, où les médias bombardent, entre réalisme et mauvaise foi, au sujet de la menace occidentale.

D’ailleurs, un cocktail molotov a été lancé sur le consulat russe à Lviv, la grande ville de l’ouest de l’Ukraine et bastion de l’ultra-nationalisme ukrainien. Cela a été prétexte à un matraquage russe au sujet d’un « acte terroriste » qui prolonge la « russophobie » du régime ukrainien. La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a d’ailleurs parlé d’une « croisade contre sa population » du régime ukrainien, avec l’appui de l’OTAN qui a envoyé en Ukraine 10 000 experts militaires, dont 4 000 sont Américains. Elle a également souligné que le régime ukrainien envisageait clairement de régler par la force la question au Donbass.

Autre accusation contre l’Ukraine, un soldat russe a été arrêté par le FSB dans la région de Voronezh et accusé d’être un espion ukrainien. Et on a également une vidéo des « partisans » du groupe « Odessa ville libre » qui a été diffusée, avec la revendication de l’incendie de véhicules de l’armée ukrainienne. C’est là un élément essentiel, en raison de l’horreur qui s’est déroulée là-bas en 2014.

Le groupe « Odessa ville libre » existe depuis 2020 et avait déjà revendiqué l’incendie d’un véhicule d’un dirigeant du « corps national » formé par le bataillon Azov

Odessa est une ville sur la Mer Noire, elle a été fondée en 1794 par une décision de la fameuse impératrice Catherine II de Russie, qui est par ailleurs une Allemande avant son mariage avec Pierre III de Russie, qu’elle fit emprisonné et étranglé, lançant la dynastie des Romanov. Odessa devint rapidement une grande ville portuaire née de l’immigration, la plus grande ville même de l’empire tsariste derrière Moscou, Saint-Pétersbourg et Varsovie, et abritant par la suite la plus importante communauté juive d’URSS.

Odessa, dont les catacombes sont par ailleurs cinq fois de la taille de celles à Paris

Or, le 2 mai 2014, les tenants de l’euro-Maïdan pro-occidental et nationaliste ont pourchassé des partisans de la Russie, qui se sont réfugiés dans la maison des syndicats. Celle-ci a été incendiée, une quarantaine de personnes mourant brûlés vifs. C’est un très grand marqueur des pro-Russie et Vladimir Poutine n’a pas manqué de rappeler cet événement lors de sa conférence de presse du 23 décembre 2021. L’apparition ou plutôt la réapparition du groupe « Odessa ville libre » rentre ainsi exactement dans le faisceau de convergence que monte la Russie : l’Ukraine « russe » serait prête au soulèvement et à se détacher du reste.

Et comme reflet des contradictions entre les grandes puissances, quel navire était présent à Odessa le 24 décembre 2021 ? La frégate Auvergne de la Marine nationale, dans le cadre de la participation française aux activités de l’OTAN dans la région…

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Vladimir Poutine et la nostalgie impériale russe

Les forces occidentales doivent reculer ou c’est la guerre.

Vladimir Poutine a tenu une conférence de presse le 23 décembre 2021, un exercice assez régulier, durant autour de trois heures. Il a bien évidemment abordé la question ukrainienne, dans le prolongement de la conférence élargie annuelle du ministère de la Défense du 21 décembre, marquée par une « notre informelle » stratégique.

Il a développé en fait la même thématique, ce qui est ici d’un intérêt très important. Pour faire la guerre, il faut en effet mobiliser l’opinion publique en ce sens et on a ici une opération qui s’est mise en place très rapidement.

En dix jours, la Russie a posé le problème ukrainien de manière frontale, mais indirecte. En effet, la Russie ne parle pas tant de l’Ukraine que des États-Unis, ne s’adressant qu’aux États-Unis, et présentant très clairement l’OTAN, l’Union Européenne et l’Ukraine comme des suiveurs de la superpuissance américaine.

Ce qu’a dit Vladimir Poutine consiste ainsi en la chose suivante. Nous nous sommes adressés aux États-Unis pour des garanties et nous ne parlons qu’à eux. Nous attendons des réponses concrètes rapides – début janvier – ou bien nous sommes obligés de nous en occuper directement. Il est hors de question qu’il y ait des bases militaires occidentales en Ukraine.

Cependant, il y a un processus de discussion lancée, nous avons fait tous les efforts diplomatiques en ce sens, les choses vont avancer. Ce qui permettra de dire ensuite : les États-Unis nous rejettent en bloc (ce qui est par ailleurs vrai), nous n’avons malheureusement pas le choix, nous devons intervenir en Ukraine.

Mais même là cela est masqué par un discours de légitimation « russe ». Autrement dit, une intervention armée en mode expansionniste est justifiée de manière indirecte. L’action est toujours chez Vladimir Poutine « justifiée » par la situation existentielle de la Russie – dans absolument tous les cas. La première question de la conférence de presse portait ainsi sur le coronavirus. Et là, Vladimir Poutine explique la chose suivante :

« 146 millions [d’habitants] pour un territoire aussi vaste, ce n’est certainement pas suffisant ; économiquement aussi, nous avons une pénurie de main-d’œuvre.

Pour autant que je sache, la population en âge de travailler est maintenant juste au-dessus de 81 millions. Nous devons augmenter drastiquement ce chiffre d’ici 2024, 2030.

C’est l’un des facteurs de croissance économique, sans parler – je tiens à le souligner une fois de plus – des composantes géopolitiques et humanitaires de cette question des plus importantes.

Par conséquent, préserver les personnes sur lesquelles [l’écrivain ultra-conservateur et anti-soviétique] Soljenitsyne a écrit devient l’une de nos tâches les plus importantes et l’un des moteurs de la croissance. »

On peut prendre ici les choses de manière « géopolitique », comme expression de l’obsession nationaliste russe pour parvenir au statut de puissance majeure. Mais on doit surtout voir que le régime russe, anti-démocratique et dirigé par des oligarques, étouffe la vie populaire et aboutit à un effondrement démographique.

La guerre est toujours le moyen de la crise et ici on a un aspect essentiel de la crise russe. L’intégration d’une (large) partie de l’Ukraine au moyen d’une annexion par une offensive militaire trouve ici un sens évident.

Plus directement au sujet de l’Ukraine, Vladimir Poutine pose d’ailleurs l’argument qui sera employé pour une attaque contre l’Ukraine : on aurait appelé la Russie à l’aide en 2014… Et, de toutes façons, l’Ukraine serait une invention bolchevique. Ce dernier point a été longuement explicité dans son article « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens » du 12 juillet 2021.

Voici ce qu’il dit pour parler de l’annexion de la Crimée en 2014 à la conférence de presse, avec une argumentation qui pourra être largement reprise contre l’Ukraine :

« Puis la Crimée est arrivée. Mais comment pourrions-nous refuser la demande de Sébastopol et de Crimée, les gens qui y vivaient, de les prendre sous notre protection, sous notre aile ? Ce n’était pas possible.

Nous étions simplement mis dans une situation où nous n’aurions pas pu agir différemment.

Ou bien étions-nous censés simplement regarder passivement ce qui se passait dans le sud-est, dans le Donbass, qui ne s’est jamais considéré comme faisant partie de la Russie, même lors de la formation de l’URSS en 1922-1924 ?

Mais Lénine et ses camarades y ont coincé le Donbass par la force. Au début, ils ont décidé d’en faire une partie de la Russie et ont ensuite déclaré que la décision devait être révisée. Ils l’ont révisé et ont créé un pays qui n’avait jamais existé auparavant. »

Et dans la foulée, Vladimir Poutine ajoute, de manière malheureusement juste : l’Ukraine ne reconnaît pas l’existence d’une minorité russe et rejette la langue russe. Cela lui permet une argumentation au sujet des Russes menacés là où ils vivent pourtant historiquement. On l’aura compris, Vladimir Poutine justifie par avance une intervention armée en disant qu’il existe une menace sur les Russes. D’où d’ailleurs les passeports distribués par centaines de milliers dans les « républiques populaires » séparatistes.

D’où l’accusation contre l’Ukraine de vouloir mener une intervention armée sur une base nationaliste, ce qui est malheureusement vrai aussi.

« On pourrait avoir l’impression qu’une troisième opération militaire [ukrainienne contre le Donbass séparatiste] est peut-être en préparation.

De plus, ils nous préviennent d’avance : « N’intervenez pas, ne protégez pas ces personnes. Si vous interférez pour protéger ces personnes, certaines sanctions suivront. » Il se pourrait bien qu’ils s’y préparent.

C’est la première option à laquelle nous devons répondre et agir, tout en gardant cela à l’esprit.

La deuxième option est, en général, de créer, comme je le disais dans mon article [« Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens » du 12 juillet 2021], une sorte d’anti-Russie sur ce territoire en y stockant constamment les dernières armes et en faisant un lavage de cerveau à la population locale.

Imaginez simplement comment la Russie doit vivre et continuer, d’un point de vue historique. Doit-on vivre, en gardant constamment un œil sur ce qui se passe là-bas, et quels nouveaux systèmes d’armes ont été livrés ?

Sous le couvert de ces nouveaux systèmes d’armes, des radicaux pourraient bien décider de régler la question du Donbass, ainsi que la question de la Crimée, par des moyens militaires.

Pourquoi ont-ils soutenu la plate-forme de Crimée ? En marge, ils n’arrêtent pas de dire : « Très bien, oublions la Crimée. » Mais non! Ils veulent même aller jusque là-bas.

Après tout, nous devons être attentifs à notre propre sécurité, pas seulement pour aujourd’hui et pas seulement pour la semaine prochaine, mais à court terme. Comment la Russie vivra-t-elle avec tout cela ? Doit-on toujours rester sur ses gardes, surveiller ce qui s’y passe et quand une frappe peut arriver ?

C’est on ne peut plus clair et c’est malheureusement très intéressant de voir comment un vrai problème est posé de manière déformée dans une réponse nationaliste. Et lorsqu’on lui demande s’il y aura une guerre avec l’Ukraine, Vladimir Poutine ne répond pas directement, disant simplement que le régime refuse tout compromis, que ce qui compte c’est la discussion sur la sécurité de la Russie menée avec les États-Unis.

C’est une véritable opération, à grande échelle, d’orientation belliciste forcée dans l’opinion publique au travers de véritables questions (la conquête de l’Est par les occidentaux, l’OTAN comme menace militaire) et d’obsessions nationalistes (avec la particularité propre à chaque pays, donc ici la Russie comme « mère Russie »).

On a là une leçon très importante. Trop souvent, en regardant 1914, on pense que les événements se sont précipités et que la guerre a été provoquée d’un coup. En réalité, il y a eu toute une mise en place belliciste et nationaliste, qui n’a eu de cesse d’être à l’époque dénoncée par la seconde Internationale, notamment avec le congrès de Bâle de 1912. Il est vrai qu’à force de parler de la guerre à venir, la seconde Internationale a fini par croire qu’elle n’arriverait plus vraiment. Néanmoins, il faut ici bien retenir que ce qui compte, c’est qu’il y a toujours une nécessité particulière de façonner l’opinion publique vers la guerre.

Là, l’Ukraine a un régime ultra-nationaliste, fanatiquement anti-Gauche et anti-russe, avec à sa tête des pro-américains soutenus directement par des nazis. Et désormais la Russie a réorganisé son idéologie très rapidement, de manière ultra-offensive, pour légitimer son « sauvetage » de ceux qui relèvent de la « mère Russie ». Avec l’arrière-plan militaire en place – les troupes continuent d’affluer de part et d’autre aux frontières – on a la base pour une guerre « moderne ».

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Tout est en place pour le conflit en Ukraine

L’impasse est complète entre les grandes puissances.

Alors que l’Ukraine procède à de nouvelles mises en place de tranchées, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a accusé 120 contractants américains d’avoir installé des dispositifs militaires dans les villages d’Avdeïevka et de Priazovskoïe à la frontière des « républiques populaires » séparatistes, dont des installations sans doute chimiques.

C’est là une accusation très forte, qui reflète globalement de l’avalanche des dénonciations russes à l’encontre de l’OTAN en général et de plus en plus de l’Ukraine en particulier. Vladimir Poutine a également pris la parole lors d’une conférence élargie annuelle du ministère de la Défense. Si l’on regarde bien sur la photographie, on voit que cette conférence a été retransmise à l’ensemble des responsables militaires russes eux-mêmes réunis, ce qui est une « nouveauté ».

Dans son discours, Vladimir Poutine a parlé en général des questions militaires, jusqu’à traiter en détail de la question des salaires. Il remercie les participants, on s’attend donc à ce que ce soit fini… puis il enchaîne.

« Dans une note informelle, j’aimerais ajouter quelques mots à ce que le ministre a dit et à ce que j’ai dit dans mes remarques liminaires.

Tout le monde en parle et, bien sûr, principalement les forces armées.

Je fais référence à nos documents, nos projets de traités et d’accords pour assurer la stabilité stratégique que nous avons envoyés aux dirigeants des États-Unis et de l’OTAN.

Nous voyons déjà que certains de nos détracteurs les interprètent comme l’ultimatum de la Russie. Est-ce un ultimatum ou pas ? Bien sûr que non. Pour rappel : tout ce que notre partenaire – appelons-le ainsi – les États-Unis ont fait au cours des années précédentes, pour soi-disant assurer leurs intérêts et leur sécurité à des milliers de kilomètres de leur territoire national – ils ont fait ces choses dures, les plus audacieuses, sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU.

Quel était le prétexte pour bombarder la Yougoslavie ? Est-ce que c’était autorisé par le Conseil de sécurité, ou quoi ? Où sont la Yougoslavie et où sont les États-Unis ? Ils ont détruit le pays.

En effet, il y avait un conflit interne, ils avaient leurs propres problèmes, mais qui leur a donné le droit de mener des frappes aériennes contre une capitale européenne ? Personne ne l’a fait. Ils ont juste choisi de le faire, et leurs satellites couraient derrière eux en glapissant.

Voilà pour le droit international.

Sous quel prétexte sont-ils allés en Irak ? C’était l’Irak qui développait des armes de destruction massive. Ils sont entrés, ont détruit le pays, créé un foyer de terrorisme international, puis il s’est avéré qu’ils ont fait une erreur : « Les renseignements nous ont trompé. » Eh bien ! Ils ont détruit un pays.

L’intelligence a échoué – c’est tout ce qu’ils avaient à dire pour justifier leurs actions. Il s’est avéré qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive là-bas. Au contraire, tout avait été détruit comme convenu.

Comment sont-ils allés en Syrie ? Avec l’autorisation du Conseil de sécurité ? Non.

Ils font ce qu’ils veulent.

Cependant, ce qu’ils font, essaient ou prévoient de faire en Ukraine ne se passe pas à des milliers de kilomètres de notre frontière nationale.

C’est à la porte de notre maison. Ils doivent comprendre que nous n’avons tout simplement nulle part où nous retirer.

Il y a des experts ici, assis avec nous, je reste en contact permanent avec eux. Les États-Unis ne possèdent pas encore d’armes hypersoniques, mais nous savons quand ils en auront. Cela ne peut pas être caché. Tout est enregistré, tests réussis ou infructueux. Nous avons une idée du moment où cela pourrait arriver.

Ils fourniront des armes hypersoniques à l’Ukraine et les utiliseront ensuite comme couverture – cela ne veut pas dire qu’ils commenceront à les utiliser demain, car nous avons déjà le [missile de croisière hypersonique] Zircon et pas eux – pour armer les extrémistes d’un État voisin et les inciter contre certaines régions de la Fédération de Russie, comme la Crimée, lorsqu’ils pensent que les circonstances sont favorables.

Pensent-ils vraiment que nous ne voyons pas ces menaces ?

Ou pensent-ils que nous resterons les bras croisés à regarder émerger des menaces contre la Russie ?

C’est le problème : nous n’avons tout simplement pas de place pour battre en retraite. Telle est la question.

Les conflits armés et les effusions de sang ne sont absolument pas notre choix. Nous ne voulons pas que les événements se déroulent ainsi. Nous voulons utiliser des moyens politiques et diplomatiques pour résoudre les problèmes, mais nous voulons au moins disposer de garanties juridiques clairement formulées.

C’est l’objet de nos propositions. Nous les avons consignées sur papier et envoyées à Bruxelles et à Washington, et nous espérons recevoir une réponse claire et complète à ces propositions.

Il y a certains signaux que nos partenaires semblent prêts à travailler là-dessus. Mais il y a aussi le danger qu’ils tentent de noyer nos propositions dans les mots, ou dans un marécage, pour profiter de cette pause et faire ce qu’ils veulent.

Que ce soit clair pour tout le monde : nous en sommes conscients, et cette tournure des événements, ces évolutions, ne fonctionneront pas pour nous.

Nous attendons avec impatience des pourparlers constructifs et significatifs avec un résultat visible – et dans un délai précis – qui garantirait une sécurité égale pour tous.

C’est ce que nous nous efforcerons d’atteindre, mais nous ne pourrons le faire que si les Forces armées se développent correctement.

Au cours des dernières années, nous avons réussi à gérer cela et nous avons atteint un bon niveau de préparation au combat.

J’en ai parlé et le ministre vient d’en faire rapport. Nous avançons à un rythme décent – le genre de rythme dont nous avons besoin.

Il y a des questions qui nécessitent plus d’attention, comme la production, que nous traitons de façon continue. Comme vous le savez peut-être, nous nous réunissons à Sotchi deux fois par an. Pourquoi Sotchi ? Ce n’est pas à cause du beau temps, mais parce que tout le monde s’y rend et que nous éliminons les distractions telles que les affaires de routine et nous concentrons sur l’industrie de la défense et le développement des forces armées.

Ces réunions sont très significatives et efficaces. Je le répète, il y a beaucoup de questions, mais nous sommes au-dessus d’elles. J’espère vivement que nous continuerons à maintenir ce rythme alors que nous progressons dans nos efforts pour assurer la sécurité de la Russie et de ses citoyens.

Merci beaucoup. Bonne année!

L’armée russe doit être prête au combat : tel est le message. La Russie a d’ailleurs rendu public sans médias la sortie d’un nouveau drone de combat, l’Okhotnik, qui fait vingt tonnes. Mais c’est une sorte d’anecdote militariste dans un contexte de guerre : la Russie veut faire reculer l’OTAN, l’OTAN ne veut pas reculer, la Russie n’attendra pas que l’Ukraine rentre dans l’OTAN, l’Ukraine veut forcer pour récupérer le Donbass et la Crimée.

Le tout dans un contexte de crise du capitalisme au niveau mondial, et alors que la Russie a littéralement asséché l’oléoduc Yamal, ayant déjà verrouillé celui passant par l’Ukraine, précipitant le prix du gaz à un niveau inégalé en raison des pénuries!

Tous les phénomènes se combinent, c’est là la nature même d’une crise à tous les niveaux.

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La superpuissance américaine rejette les propositions russes

Oui au dialogue, mais sans aucun compromis : telle est la position américaine.

La Russie a organisé une offensive diplomatique extrêmement rapide, repoussée aussi sec. Elle a annoncé qu’elle ferait des propositions concrètes aux Etats-Unis, le lendemain elle les a envoyées, puis la réponse américaine a été un refus clair. Pour la forme, la superpuissance américaine a annoncé qu’elle était prête au dialogue. Pour autant, tout est refusé. La Russie a alors rendu public ses propositions.

Les « experts » sont atterrés par cet épisode, qui a duré trois jours. Parce qu’en trois jours, toute possibilité de sortie diplomatique de la situation d’extrême tension que l’on connaît s’est évaporée. Cela est vrai même pour ceux pensant initialement que le rassemblement de troupes russes à la frontière ukrainienne était un levier de négociation mis en place par le président Vladimir Poutine. Car maintenant, que peut faire la Russie? Si elle enlève ses troupes, elle perd la face, sa réputation militaire internationale est ruinée et cela lui coûté une fortune. Sans compter que des troupes continuent de venir, que de la logistique de guerre se met en place (hôpitaux de campagne, essence, huile, munitions, etc.).

Et il faut bien souligner que du côté ukrainien, c’est l’escalade aussi. C’est même l’aspect principal vu comment la superpuissance américaine pousse l’Ukraine au jeu de massacre.

Les propos suivants de Maria Zakharova, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, le 15 décembre 2021, ne sont nullement de la propagande, mais un simple constat :

« Les pays de l’Otan intensifient leurs livraisons d’armes à l’Ukraine et forment ses soldats. Ils ne le font pas pour une quelconque mission « mythique » de maintien de la stabilité et de la sécurité, mais pour « jeter de l’huile sur le feu » et accroître l’ampleur de la guerre civile dans le pays.

Depuis 2014, je le rappelle, les États-Unis ont fourni 2,5 milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, dont plus de 400 millions de dollars cette année.

Récemment, Washington a livré 30 lance-missiles antichars Javelin (nous avons déjà commenté cet « effort », qui ne vise manifestement pas à une résolution pacifique de la situation dans le Sud-Est de l’Ukraine) et 180 missiles allant avec pour 60 millions de dollars.

En 2022, 300 millions de dollars sont prévus pour la fourniture d’armes et d’équipements militaires à Kiev. Le premier lot – d’une valeur de 20 millions – est en cours de préparation pour une expédition en janvier. Il contient des équipements de vidéosurveillance et de communication, des véhicules spéciaux, des drones, etc.

Cela ne résoudra certainement pas les problèmes humanitaires des habitants du Donbass, ne contribuera pas à une résolution pacifique du conflit armé et ne créera pas les conditions nécessaires à la mise en œuvre des accords de Minsk.

Ces fonds auraient pu être utilisés à des fins bien plus pacifiques, humanitaires. Par exemple, cela suffirait presque à rembourser la dette de l’Etat envers les retraités du Donbass. Cette dette, selon les représentants officiels ukrainiens, s’élève à environ 3 milliards de dollars américains. Ont-ils ou non oublié leurs obligations envers les citoyens dont ils prétendent qu’ils font partie de leur pays? La question est rhétorique. Je voudrais que le régime de Kiev y réponde d’une manière ou d’une autre.

Des instructeurs occidentaux continuent de former les militaires ukrainiens (nous le disons pratiquement à chaque conférence de presse), y compris – comme l’a montré le récent scandale à l’Académie nationale de l’armée de terre Hetman Sagaïdatchniy – des néo-nazis notoires. Environ 10.000 soldats de l’Otan sont stationnés dans le pays du Maïdan victorieux – 4.000 des États-Unis et 6.000 d’autres pays de l’Alliance. »

La Russie a l’habitude de mener une intense propagande, mais là elle n’a même pas à forcer. La seule sortie possible apparaît donc comme la guerre, car tant les uns que les autres comptent aller de l’avant dans la bataille pour le repartage du monde. La crise du capitalisme ouverte par la pandémie a vraiment ouvert la boîte de Pandore.

Cela se voit avec les propositions russes, mélange d’ultra-réalisme logiquement acceptable et de folie de grandeur expansionniste ne pouvant qu’être balayée d’un revers de la main, au point qu’on peut penser que ce n’était qu’un prétexte au fond pour se justifier dans un conflit à venir.

Qu’a proposé la Russie ?

1.

Elle propose déjà que la Russie et l’Otan n’envoient ni troupes ni matériel nulle part à part dans les pays où ils étaient présents en mai 1997.

Or, le problème est ici facile à comprendre. L’OTAN a vu l’ensemble des adhésions à l’Est après cette date. L’Allemagne de l’Est est le seul pays à avoir rejoint indirectement l’OTAN auparavant, en 1990, avec la réunification allemande, mais il y a eu à l’époque un « deal » : la Russie ne s’opposerait pas à la réunification en échange de l’absence d’envois de force de l’OTAN dans la partie Est.

Pour le reste, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque ont adhéré en mars 1999, puis il y a eu une grande vague d’adhésions en mai 2004 : Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie. Ont suivi en avril 2009 l’Albanie et la Croatie, en juin 2017 le Monténégro, en mars 2020 la Macédoine du Nord. Et il faut ajouter à cela les processus en cours d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine, de la Géorgie et de l’Ukraine.

Cette proposition russe est donc par définition inacceptable pour l’OTAN ayant réussi son expansion. C’est comme si la Russie tentait de rattraper tout ce qu’elle avait perdu au moment de l’effondrement de la superpuissance soviétique, en faisant de l’Est de l’Europe au minimum une zone tampon. On ne peut que penser aux propos du président russe Vladimir Poutine comme quoi la chute de l’URSS a été « plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle ».

2.

La seconde proposition est que la Russie et la superpuissance américaine ne déploient pas d’armes atomiques dans des pays étrangers, ni ne forment du personnel de ces pays à l’emploi des armes atomiques.

Ce point est capital. Pour résumer : la Russie pense que l’OTAN peut très rapidement modifier certains missiles basés en Pologne pour les munir de têtes nucléaires. Inversement, l’OTAN pense qu’il y a des missiles nucléaires à Kaliningrad, la poche séparée géographiquement du reste de la Russie.

Cette proposition, si elle est refusée, implique un retour de missiles à têtes nucléaire se faisant face à face à moyenne distance en Europe. Cela renforce évidemment deux choses. Tout d’abord la possibilité d’une attaque nucléaire, ici contre la Russie. Il faut 15-30 mn pour un missile pour faire Moscou-New York, mais il n’en faudrait que quelques minutes pour faire Varsovie-Moscou. Ensuite, la possibilité de l’emploi de l’arme atomique comme outil de guerre contre les troupes, dans le cadre d’un affrontement sur le sol européen, avec l’espoir d’un gain tactique très rapide prenant l’autre au dépourvu.

On notera ici que la stratégie française en cas d’invasion de l’Europe de l’Ouest par la Pacte de Varsovie prévoyait de lancer en masse des armes nucléaires sur les troupes ennemies arrivant aux frontières du pays!

3.

La troisième proposition est que ni la Russie ni la superpuissance américaine ne pratiquent de wargames prévoyant l’emploi de l’arme atomique.

Ce point est capital pour la Russie. Si la première proposition est une provocation, celle-ci est logique et vitale alors que des bombardiers stratégiques américains se baladent aux frontières russes.

4.

La quatrième proposition découle du reste : l’OTAN doit cesser son expansion, en particulier ne pas faire adhérer les « Etats de l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques ».

Cela désigne bien sûr ici surtout la Géorgie et l’Ukraine, que l’OTAN veut intégrer, mais le choix russe pour les désigner en dit long!

5.

La cinquième proposition, qui est en fait la première dans la proposition russe, dit que la Russie et les Etats-Unis ne font rien l’un contre l’autre, à quelque niveau que ce soit. On remarquera que c’était ici la ligne de Donald Trump et ses partisans au plus haut niveau militaire sont encore sur cette ligne, critiquant justement le président américain Joe Biden pour sa ligne.

Et c’est peut-être là la ligne russe : trouver un moyen de passer au-delà de l’affrontement sino-américain, par une sorte de gigantesque compromis. C’était indéniablement le sens du soutien russe à Donald Trump (ainsi qu’à Marine Le Pen en France et aux sociaux-démocrates en Allemagne). Mais même en admettant que cette utopie stratégie soit possible… elle ne le serait qu’à court terme, les contradictions entre les pays se développant à très grande vitesse avec la crise.

Comment imaginer quelque chose de stable, alors que 600 000 Ukrainiens ont émigré dans les dix premiers mois de 2020 (3,3 millions en onze ans), que la dette publique française vient de passer à 116,3%, que l’inflation américaine sur un an frôle les 7%, que le promoteur immobilier géant chinois Evergrande s’effondre, que la pandémie reprend en Europe…

Les pays capitalistes tentent de sortir dans le cadre du repartage du monde : quoiqu’ils fassent, ils produisent une sorte de mécano qui aboutira à la guerre.

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Le G7 prolonge l’OTAN dans l’offensive anti-Russie

L’objectif est de briser la Russie.

Si la Russie continue ses mouvements de troupe, il en va de même pour l’Ukraine qui place toujours plus d’armements offensifs dans la zone de conflit, une chose normalement non permise de par le cessez-le-feu en vigueur. Obusiers automoteur, chars de combat, mortiers automatiques, canons antichars, systèmes d’armes de missiles antichars… Tout cela est listé par les observateurs de l’OSCE, mais absolument aucun média n’en parle, tous se focalisant sur une propagande ininterrompue contre la Russie.

Il faut également à cela des missiles anti-chars FGM-148 Javelin fournis par la superpuissance américaine, sur lequel l’Ukraine a décidé un embargo médiatique. Il y a également un avion de reconnaissance RC-135W Rivet Joint américain passant dans la région, au lieu des traditionnels drones, et la France a pareillement envoyé un avion de reconnaissance. Tout est fait pour permettre l’offensive ukrainienne.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre le message des ministres des affaires étrangères du G7 le 12 décembre 2021 :

« Nous, ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni, ainsi que le Haut représentant de l’Union Européenne, sommes unis dans notre condamnation du renforcement de la présence militaire et du discours agressif de la Russie à l’encontre de l’Ukraine.

Nous appelons la Russie à la désescalade, à la recherche de solutions diplomatiques, et au respect de ses engagements internationaux de transparence sur ses activités militaires comme le Président Biden l’a fait dans son appel avec le Président Poutine le 7 décembre.

Nous reconfirmons notre soutien aux efforts de la France et de l’Allemagne au sein du format Normandie pour atteindre la pleine mise en œuvre des Accords de Minsk afin de résoudre le conflit dans l’Est de l’Ukraine.

Tout recours à la force pour modifier les frontières est strictement interdit par le droit international.

La Russie ne devrait avoir aucun doute que toute nouvelle agression militaire contre l’Ukraine aurait des conséquences massives et un coût sévère en réponse.

Nous réaffirmons notre soutien sans faille à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi qu’au droit de tout Etat souverain à déterminer son propre avenir. Nous saluons l’attitude de retenue de l’Ukraine.

Nous intensifierons notre coopération en vue d’une réponse commune et globale. »

Il faut en effet bien voir que ce n’est pas que l’invasion de l’Ukraine qui est ici condamnée, mais bien toute intervention russe en général. En clair, si l’Ukraine tente de reprendre le contrôle des « républiques » séparatistes en lançant une offensive militaire, toute réaction russe sera considérée comme une agression militaire contre l’Ukraine.

Ou, plus exactement comme le dit le document, une « nouvelle agression militaire », car il est considéré que les « républiques séparatistes » sont directement une manipulation russe, à quoi s’ajoute bien attendu l’annexion de la Crimée. L’Ukraine ne parle d’ailleurs pas de « séparatistes » mais de « militaires russes », niant toute existence d’une contestation contre le régime par ailleurs.

Le régime bascule d’ailleurs en ce moment. Depuis 2014, c’est une sorte d’alliance de forces libérales et pro-Union européenne, de partis liés aux oligarques, de forces conservatrices directement pro-OTAN, de forces nationalistes et fascistes se revendiquant de Stepan Bandera qui s’était allié aux nazis.

La Russie parle d’ailleurs d’une Ukraine « fasciste », « banderiste ». C’était totalement réducteur. Mais là les « banderistes » donnent le ton, même s’ils ne dirigent pas directement le pays. Auparavant, saluer la résistance soviétique était interdit, saluer les alliés des nazis autorisé. Maintenant, on passe à une valorisation ultra-nationaliste d’une sorte d’Ukraine mythique qui aurait connu pendant tout le 20e siècle de multiples tentatives d’extermination par la Russie (le « holodomor »).

C’est d’autant plus fort que l’économie ukrainienne est à l’agonie, en raison de la main-mise des oligarques, d’une corruption systématique (jusqu’à avoir son diplôme de médecin), avec 10% d’inflation en 2021, aucun investissement étranger non plus d’ailleurs dans un tel contexte, etc.

Cela en fait d’autant plus le jouet de l’OTAN ou plus exactement de la superpuissance américaine. L’Ukraine est l’outil de la superpuissance américaine dans sa tentative de briser la Russie – qui elle aimerait bien que l’Ukraine redevienne son satellite.

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Ukraine : escalade militaire en mer d’Azov

La course à la guerre se renforce d’une narration victimaire de part et d’autre.

Après la discussion Biden-Poutine du 7 décembre 2021, la Russie et les États-Unis ont présenté les faits de la manière suivante : nous avons fait ce qu’il fallait pour arrondir les angles, nous avons bien discuté, nous ne voulons pas d’escalade, etc.

Pour autant, les renforts militaires n’ont pas cessé tant en Ukraine qu’en Russie, aux frontières des deux pays. On a même eu le ministre de la Défense lituanien venant lui-même dans un avion cargo avec plusieurs millions d’euros de matériel pour l’offrir à l’armée ukrainienne.

La rhétorique accusatrice ne cesse pas. Le 9 décembre, à une réunion du Conseil des droits de l’ homme, le président russe Vladimir Poutine a dit au sujet de l’Ukraine, dans ce qui est une narration justifiant une éventuelle intervention :

« Je dois parler de la russophobie comme d’un premier pas vers un génocide. C’est ce qui se passe en ce moment dans le Donbass, nous le voyons bien, nous le savons. »

Il est tout à fait vrai que le régime ukrainien est nationaliste, ignoble et qu’il a mis en place une nouvelle loi visant à supprimer dans les faits la langue russe. Mais on est ici dans une logique belliciste dans les deux camps. Pour preuve, l’escalade militaire en mer d’Azov, avec un scénario digne de Hollywood.

Voici une image présentant l’Ukraine. La zone à droite en jaune consiste en les « républiques populaires » séparatistes pro-russe, la zone en-dessous en jaune consiste en la Crimée. La mer d’Azov se situe en haut à droite de la Crimée.

Comme on le voit les villes au Sud de l’Ukraine qui ont des port voient leurs navires être placés dans une zone désormais bloquée par la Russie.

On remarquera à l’Ouest les montagnes carpathiques (« carpathians mountains »), un obstacle naturel à la logistique de guerre que la Russie aimerait avoir le plus proche possible de sa frontière, d’où l’importance accordée à la Moldavie (« Mol. »)

Un aspect important consiste ici en le détroit de Kertch, qui est désignée sur la carte suivante par le petit cercle rouge.

Récapitulons : à gauche du détroit, il y a donc la Crimée, occupée et annexée par la Russie, à droite la Russie. Ce qui signifie que la Russie contrôle désormais ce détroit, qui n’est pas fermé, mais il y a donc des exigences administratives russes, des navires de guerre russes dans la zone, etc.

La Mer d’Azov, au-dessus du cercle rouge montrant le détroit de Kertch, fait 39 000 km2

Le 9 décembre 2021, un vieux navire ukrainien – construit en 1969 il servait d’atelier flottant de la marine soviétique – est parti de Marioupol, en haut de la Mer d’Azov, en direction du détroit de Kertch, ne répondant ensuite à aucun appel russe. L’armée russe s’est alors mise en branle, le détroit a été fermé bloquant 80 navires. Le navire ukrainien ne répondait même pas aux signaux des garde-côtes.

Puis, à 18 miles nautiques du détroit (soit 33 kilomètres), il a finalement fait demi-tour, toujours en refusant les contacts. Cet événement est pour le moins étrange, mais il prend tout son sens quand on voit que le nom du navire est… « Donbass ». C’est un message de l’Ukraine à la Russie après la téléconférence Biden-Poutine : nous comptons quoiqu’il arrive récupérer la partie occupée du Donbass.

Les médias russes ont très largement informé de ce fait, mis en avant comme un exemple de provocation. On notera que le même jour, au-dessus de la Mer Noire (juste en dessous de la Mer d’Azov), deux avions de guerre… français ont été interceptés par l’armée russe et « accompagnés ». La même chose s’était déroulée la veille ! C’est dire tout de même de la tension qu’il y a là-bas…

La Russie a alors réagi de la manière suivante. Elle a annoncé le lendemain… des manœuvres militaires avec tirs d’artillerie en Mer d’Azov. Qui commencent immédiatement, et qui durent… un mois. Et qui concernent 70% de la Mer d’Azov. Et qui ont lieu en partie dans les eaux territoriales ukrainiennes…

La réponse russe à la provocation ukrainienne est donc très claire. De toutes façons, les deux camps sont fanatiques et si on rajouter à cela l’OTAN, c’est la compétition de fous pour qui contribuera le plus au déclenchement de la guerre.

De toutes façons, la Russie a, le même jour que l’annonce des exercices (donc le 10 décembre), officiellement demandé à l’OTAN d’annuler l’annonce de 2008 du début du processus d’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN. L’OTAN a refusé dans la foulée. Personne ne recule sur rien, chacun cherche à avoir l’air bien par rapport à son opinion publique, cherchant une faille laissant craindre les pires provocations pour pousser l’autre à la faute.

L’ombre de la guerre continue ainsi de s’étendre et d’obscurcir cette partie du monde. L’Horreur se profile toujours davantage. Le slogan « guerre à la guerre », si important, doit devenir un mot d’ordre essentiel !

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Discussion Biden-Poutine du 7 décembre 2021: l’OTAN en fer de lance, l’UE satellisée

La superpuissance américaine est à l’offensive.

L’horaire de la téléconférence entre le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine n’a été annoncée que très tardivement, et de manière surprenante, le compte-rendu de cette « discussion » géopolitique de 125 mn a été inexistant. Il a fallu attendre une heure pour qu’une conférence de presse américaine ait lieu, la Russie annulant la sienne. La porte-parole américaine de la Maison Blanche, Jen Psaki, a carrément expliqué qu’on verrait si la Russie a compris le message si elle n’envahit pas l’Ukraine.

Car la situation s’est puissamment retourné. La Russie n’est pas intervenue militairement en Ukraine, du moins pas encore, même si bien entendu les républiques séparatistes lui sont inféodées. Elle a joué le chaud et le froid, sans résultat.

Or, depuis avril, son accumulation militaire aux frontières de l’Ukraine a galvanisé le nationalisme ukrainien, permis aux forces pro-américaines et pro-OTAN d’avoir unanimement le dessus, avec un envoi d’experts, de formateurs, d’armes, etc. Les Etats-Unis ont prêté 390 millions de dollars, l’Union Européenne 600 millions d’euros, et ce n’est qu’un début. Il y a 4 000 experts américains, militaires ou des services secrets, en Ukraine, ainsi que 8 000 autres experts de pays de l’OTAN, dont la France.

La Russie se retrouve avec un résultat contraire à ce qu’elle espérait.

Et là, qu’a dit Joe Biden, même si rien n’est sorti de la téléconférence? Que les Etats-Unis feraient en sorte de mesures de rétorsions économiques en cas d’intervention russe, avec notamment la sortie forcée de la Russie de SWIFT, le système bancaire international. C’est improbable, car alors par exemple l’Allemagne ne pourrait même plus payer les achats de gaz russe, mais les Etats-Unis s’en moquent ils sont loin. Il y aurait également l’envoi de matériel américain et de troupes américaines dans les pays baltes, la Pologne et la Roumanie.

Ce n’est pas tout. Dans les faits, l’Union Européenne est inexistante politiquement et son positionnement est entièrement aligné sur l’OTAN, dont c’est devenu un satellite sur le plan « géopolitique ». C’est un effondrement complet de la ligne allemande de « neutralité », avec l’espoir de grandir en laissant passer le conflit sino-américain. Désormais, l’Union Europénne est insérée dans l’OTAN. Voici d’ailleurs le communiqué de l’Elysée le 6 décembre 2021, la veille de la téléconférence.

Entretien avec les chefs d’État et de gouvernement du format « Quint ».

Le Président de la République s’est entretenu ce lundi 6 décembre avec les chefs d’État et de gouvernement du format « Quint » (Allemagne, États-Unis, France, Italie, Royaume-Uni). 

Les cinq chefs d’État et de gouvernement ont partagé leur analyse des tensions existant entre la Russie et l’Ukraine, exprimé leur détermination à ce que la souveraineté de celle-ci soit respectée et dit leur engagement à agir pour maintenir la paix et la sécurité en Europe. 

Ils ont tous rappelé la nécessité que la Russie se réengage dans les négociations avec l’Ukraine, dans le cadre du groupe dit « Normandie » sous l’égide de la France et de l’Allemagne.

Joe Biden a même dit qu’il contactait les pays membres de l’OTAN juste après la téléconférence. Mais pas l’Ukraine, qui officiellement ne sera contactée que le 9 décembre 2021! Mais il a fait une fleur à la Russie et à l’Allemagne, puisque, à peine la téléconférence terminée, il a été annoncé qu’un vote éventuel pour que le budget américain contienne des sanctions contre le gazoduc NS2 ne se ferait pas.

En clair, la Russie doit rester à l’écart et s’effacer. Il y a donc un choix à faire de sa part et naturellement cela n’en sera pas un. C’est dicté par sa réalité sociale.

Soit le pays né de la fin de l’URSS a tenté une aventure de grande puissance sur des restes et cela termine tout un cycle, les oligarques voulant continuer de faire acte de présence à Londres, Paris, Saint-Tropez. La Russie deviendrait alors celle qu’elle était avant Octobre 1917 : un colosse aux pieds d’argile avec une bureaucratie et une oligarchie plus ou moins pieds et poings liés par rapport aux puissances occidentales.

La Russie va donc céder et s’effacer, après avoir tenté d’obtenir le plus d’acquis. L’OTAN va s’élargir à l’Ukraine, le continent passant sous très large influence américaine. On a même déjà l’Albanie et le Kosovo qui ont affirmé être prêts à envoyer des troupes aux côtés des Américains en Ukraine! C’est caricatural, mais tout à fait représentatif.

Soit la Russie née en 1991 n’est pas tant sous le contrôle des oligarques que d’une sorte de bourgeoisie bureaucratique militaro-oligarchique, qui considère qu’elle a un moyen de s’affirmer historiquement à l’échelle continentale de la Russie par un alignement complet sur la Chine, ce qui implique l’affrontement avec l’Ukraine, la satellisation d’une partie de celle-ci, quitte à se replier ensuite avec la Biélorussie dans un bloc largement coupé de l’occident.

La Russie, avant la crise qui a émergé en 2020, c’était ces deux aspects en même temps. Désormais, ces deux aspects sont antagoniques. Entre la possibilité d’être une grande puissance et les nouveaux riches consommant en occident, c’est l’antagonisme. La crise force la décision historique et dans un cas comme dans un autre, tout est redéfini.

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Le sens historique pour les Européens de l’appel téléphonique Biden-Poutine

La vie telle qu’on la connaît est suspendue par les puissants.

Ce 7 décembre 2021 a lieu un entretien téléphonique entre le président américain Joe Biden et le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier va lui dire que l’entrée dans l’OTAN de l’Ukraine est une ligne rouge, que la Russie ne peut pas accepter des bases militaires de l’OTAN et des missiles à sa frontière. L’Ukraine doit être neutre et d’ailleurs fédérale afin d’assurer un équilibre minimal entre les pro-européens et les pro-russes. C’est un gage de paix, mais c’est aussi une entourloupe pour tenter de resatelliser l’Ukraine.

Joe Biden va lui répondre que l’Ukraine est un pays souverain, que si ce pays veut se tourner vers l’OTAN c’est son droit, comme l’ont fait les pays baltes, la Roumanie, la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie, la Bulgarie. Aucune garantie ne peut être donné pour l’avenir et, d’ailleurs, Joe Biden a dit il y a deux jours qu’il ne reconnaissait aucune « ligne rouge ».

En pratique c’est l’expansion de la superpuissance américaine qui ne voit aucune raison de reculer, puisqu’elle ne risque rien, qu’en cas d’affrontement il resterait bien au pire un bout d’Ukraine à satelliser, et au mieux la Russie se heurte à une série de problèmes.

Tel est le jeu cynique des puissants aux dépens de la paix en Europe et avant tout de la nation ukrainienne qui risque bien d’être dépecée. Le président biélorusse Loukashenko a d’ailleurs annoncé la couleur le 6 décembre 2021 en disant que :

« Les plans de l’OTAN dans la région sont inacceptables à la fois pour la Russie et le Belarus. Donc, il y aura beaucoup de changements ce mois-ci. Nous verrons un résultat de la Mer Noire à la Baltique. Il y aura également de grands résultats après le nouvel an. »

C’est qu’il est une chose qu’il faut bien comprendre : la crise change tout. La pandémie a précipité la crise du capitalisme, finie la croissance commencée à la chute du mur de Berlin, avec l’intégration de l’Est de l’Europe, avec la Chine devenant l’usine bon marché du monde. Cela a été une croissance formidable d’ailleurs, améliorant incroyablement le niveau de vie, mais provoquant des choses incroyables, tel le réchauffement climatique, une condition animale dantesque, des pollutions chimico-industriels monstrueuses, une aliénation immense, une exploitation au travail incroyablement renforcée aboutissant à des crises nerveuses sans pareil.

Les gens pètent un plomb dans un tel système qui, à bout de souffle, va à la guerre, car pour obtenir une expansion, il faut conquérir de nouveaux espaces, dans la mesure où la pression capitaliste sur les travailleurs ne suffit pas et qu’on a beau développer des choses absurdes comme les LGBT ou l’art contemporain, il n’y a pas assez de nouveaux marchés qui s’ouvrent.

L’appel téléphonique Joe Biden – Vladimir Poutine, avec les deux ne faisant même pas l’effort de se rencontrer, est donc d’une importance historique. Ses conséquences peuvent être immenses et s’annoncent immenses. Il faut se rappeler qu’il n’y a pas eu de conflit majeur impliquant deux pays dans leur ensemble, sur un vaste territoire, littéralement depuis la guerre du Golfe en 1991. Alors, là, en Europe même, qu’en résulterait-il ? Un effondrement des bourses, une panique des entrepreneurs, une angoisse des populations, un désarroi de nations entières comme l’Ukraine et ses voisins.

Et une fois qu’une telle entreprise a été réalisée, on peut encore plus aisément recommencer, on aurait alors encore plus de pression militaire, belliciste, à Taiwan avec la Chine, en Arménie avec l’Azerbaïdjan, sans parler des conflits Grèce-Turquie, Serbie-Kosovo, Maroc-Algérie… des troubles très graves en Bosnie, des instabilités dans nombre de pays africains… et la liste est très longue encore.

L’appel téléphonique Biden-Poutine est peut-être un tournant historique ; dans quelques années, on dira : c’est là que le drame a commencé, que la crise a basculé dans une troisième guerre mondiale au long cours, avec comme point culminant la bataille sino-américaine.

C’est de cela dont on parle. Et les masses sont totalement endormies, sans conscience du cauchemar qu’elles sont en train de vivre !

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Ukraine : le retour du « scénario cauchemardesque »

Les intérêts impériaux américain et russe s’affrontent jusqu’au bout.

La Russie a affirmé avoir arrêté en Crimée le 2 novembre 2021 trois espions des services secrets ukrainiens (le SBU) avec des armes et des explosifs, et le même jour, Dmitri Peskov, secrétaire de presse du président russe Vladimir Poutine, a clairement expliqué que :

« Le risque d’un conflit armé général dans le Sud-Est de l’Ukraine est extrêmement haut et devient un réel motif d’inquiétude pour la Russie. »

Quant au président biélorusse Alexandre Loukachenko, dans une interview au média russe RIA Novosti, il a expliqué qu’un référendum se tiendrait en Biélorussie le 20 décembre…

« à moins que la guerre ne commence ».

Cela donne le ton et toute solution diplomatique semble définitivement bloquée. La rencontre du 2 décembre 2021 du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avec son homologue américain Antony Blinken, dans le cadre d’une réunion de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), à Stockholm, a en effet échoué.

Elle n’aura même duré qu’une demi-heure, Antony Blinken tenant même des propos qui normalement n’ont pas leur place dans un cadre diplomatique feutré :

« Si la Russie décide de continuer sur la voie de la confrontation, elle subira de graves conséquences. »

C’est une menace brutale, qui puise sa source dans le fait que la superpuissance américaine a les cartes en main. Cette image proposée par l’ambassade russe en Grande-Bretagne est totalement caricaturale, mais elle a sa part de vérité : l’Ukraine est utilisée comme pion par la superpuissance américaine (ainsi que par la Grande-Bretagne) pour étendre sa zone d’influence et de contrôle.

On notera que cette caricature représente de manière stéréotypée l’Ukraine sous les traits d’un cosaque à la Taras Boulba simplet et dépassé par les événéments.
Ce genre de représentation est typique de la propagande expansionniste russe anti-ukrainienne, les Ukrainiens étant considéré comme incapable de raisonnement autonome par rapport au grand frère russe.

La rumeur bien informée veut d’ailleurs que la véritable négociation entre les ministres américain et russe des affaires étrangères avait eu lieu la veille, à l’occasion d’un dîner organisé par la diplomatie suédoise. La mésentente serait allée jusqu’à « l’hostilité ».

La Russie rappelle sa ligne rouge : l’OTAN doit affirmer qu’elle n’intégrera pas l’Ukraine et doit cesser de placer des armements à ses frontières. Les Etats-Unis répliquent qu’ils n’en ont rien à faire. Les Etats-Unis exigent que la Russie cesse d’intervenir directement ou indirectement en Ukraine, la Russie répond qu’elle n’en a rien à faire. La confrontation est objectivement inévitable, et si on ajoute à l’arrière-plan la crise mondiale en raison de la pandémie, la tendance à la guerre l’emporte.

Les dés semblent donc jetés et la question n’est même plus de savoir qui va tirer le premier, car la confrontation est déjà choisie. Reste à mettre en place une narration suffisante pour avoir une image de victime acculée.

D’où les propos très défensifs du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans son discours de neuf minutes le 2 novembre à l’OSCE, comme quoi on était en train de revenir au « scénario cauchemardesque » de la confrontation de l’époque de la guerre froide, mentionnant notamment la possibilité de missiles intermédiaires placés en Pologne (et en Roumanie) et visant la Russie.

D’où la déformation complète de ces propos, les médias occidentaux récitant à tue-tête que Sergueï Lavrov menaçait l’Europe d’un « scénario cauchemardesque ».

Soulignons d’ailleurs un fait très simple. Voici une carte faite par le média ukrainien nv.ua au sujet des armées russes et pro-russes (sont pris en compte la Biélorussie et le Donbass). C’est énorme, bien sûr.

115 000 soldats, 40 bataillons de groupes tactiques, 1200 tanks, 2900 véhicules blindés, 1600 pièces d’artillerie, 28 systèmes de missiles, 330 avions, 240 hélicoptères, 75 navires, 6 sous-marins (on notera que la liste compte les soldats des « républiques » séparatistes comme intégrés dans l’armée russe)

Mais, inversement, il y a la moitié de l’armée ukrainienne dans le Donbass, soit 125 000 soldats!

La Russie peut attaquer l’Ukraine, c’est un fait. Il y a peu de soldats pour une offensive massive… Mais l’aviation militaire ukrainienne est très faible numériquement et a technologiquement deux générations de retard. La supériorité aérienne russe amènerait une destruction des bases, des principes infrastructures et de la logistique ukrainienne en 72 heures grand maximum.

Tout comme l’Ukraine peut attaquer les deux « républiques » séparatistes, alors qu’elle ne cesse d’utiliser son artillerie par ailleurs et qu’elle aussi cache ses installations militaires aux missions de l’OSCE censés superviser un « cessez-le-feu » dans le Donbass.

Bombardement (les petits points lumineux dans le ciel) de Dokuchaevsk, village de la « république » séparatiste de Donetzk, par l’armée ukrainienne le 2 décembre 2021

Donc, si la Russie est expansionniste, l’Ukraine est forcenée aussi en tant uqe bras armé d’une superpuissance américaine qui s’empresse en ce moment de fermer toutes les portes diplomatiques et d’attiser les braises. Rappelons ici les propos du 30 novembre 2021 du secrétaire de l’OTAN, Jens Stoltenberg :

« La russie n’avait pas de veto, aucun droit d’interférer dans le processus [d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN] ».

Et le président finlandais Sauli Niinistö en a rajouté une couche en disant de son côté que l’adhésion de son pays à l’OTAN était une option et que cela ne regardait pas la Russie.

Tout cela est de la folie. Et cela devient une folie aux proportions toujours plus meurtrières.

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Ukraine : la Biélorussie interviendra en cas de guerre

La confrontation englobera toute la région.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a expliqué le 29 novembre 2021 qu’il n’était pas au courant d’une opération russe de l’invasion de l’Ukraine et que, s’il y avait un plan en ce sens, il serait au courant. Puis il a expliqué que si l’ouest provoquait une guerre à la frontière occidentale de la Russie, la Biélorussie ne resterait pas passive, et il était tout à fait clair quant au camp qu’elle choisirait. Ces propos ont été tenus alors qu’il était en uniforme militaire dans le cadre d’une rencontre avec les plus hauts représentants de l’armée.

Ont en même temps été annoncé des manoeuvres militaires Biélorussie-Russie à la frontière avec l’Ukraine.

C’est là bien entendu une contribution puissante à la tendance à la guerre. Et c’est aussi une réponse à l’OTAN. L’élargissement de l’OTAN vise en effet directement à asphyxier la Biélorussie et la Russie. Et Alexandre Loukachenko a raison de dire que s’il y a une guerre régionale, alors l’Union Européenne perdra sa substance en étant amené à s’aligner sur l’OTAN sous l’impulsion américaine.

La superpuissance américaine et la Grande-Bretagne poussent l’Ukraine à la guerre de manière littéralement fantasmatique. Et cela marche, de par la base nationaliste agressive du régime ukrainien. Ainsi, l’Ukraine bombarde comme jamais les territoires séparatistes en ce moment.

Et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a joué avec le feu. Le 26 novembre 2021, il répondait à « trente questions pour le président », une émission durant cinq heures. Et comme en passant, il a expliqué qu’un coup d’Etat était prévu le premier décembre. Il en a profité pour accuser un oligarque historiquement proche de la Russie, Rinat Akhmetov, de relever d’une guerre contre l’Ukraine.

Cela a provoqué un gigantesque scandale en Ukraine, alors qu’en plus les médias ayant eu accès à l’émission étaient restreints. Et au milieu de tout cela, le président ukrainien a limogé le 29 novembre 2021, Alexander Rusnak, le chef du département de contre-espionnage des services secrets ukrainiens, le SBU. Autant dire que cela ajoute de l’huile sur le feu d’une ambiance ukrainienne explosive.

Pour ajouter dans le délire, il y a des fous furieux cherchant à se rendre « intéressant ». Il y a les nationalistes qui mènent des opérations incessantes ces derniers jours (destruction filmée d’une stèle en l’honneur de combattants face à l’invasion nazie, attaque d’un bar gay, etc.). Il y a un ancien ministre ukrainien des affaires étrangères, Vladimir Ohrzyko, qui explique que l’Ukraine est préparée à attaquer la Russie à coup de missiles sur des villes et des centrales nucléaires. On a un journaliste ukrainien, Iouri Boutoussov, qui se filme en tenue de soldat en train d’utiliser un obusier pour tirer sur les territoires séparatistes, afin de « venger les morts de l’holodomor » (suivant la théorie que les Russes auraient voulu pendant cent ans génocider les ukrainiens).

Du côté russe, on n’est pas en reste. Il semble que des troupes spéciales aéroportées soient en place et actives dans les territoires séparatistes. Leur rôle est de procéder comme sapeur pour préparer le terrain en cas d’offensive russe. Difficile d’en savoir plus car il existe une mission de l’OSCE afin de procéder à des inspections, mais leur accès aux deux parties est de plus en plus difficile voire impossible ces derniers jours. Il y a d’ailleurs un avion ayant survolé le Donbass… ce qui est normalement interdit. On ne sait pas à quel camp il appartient, les deux camps accusant l’autre.

Il y a également la zone frontalière de la Russie avec l’Ukraine passée sous la coupe des militaires ; elle est fermée à part pour les habitants qui doivent passer des checkpoints. Et l’armée procède encore et encore à l’envoi de matériel à l’ouest. Il y a l’annonce subite le 30 novembre 2021 d’un entraînement de 10 000 soldats à côté de l’Ukraine… Avec également, le même jour l’annonce d’une réunion le soir même du président russe Vladimir Poutine avec les plus hauts responsables militaires et ceux des services secrets.

Il a même attendu une éventuelle prise de parole de Vladimir Poutine à minuit! C’est dire à quel point l’atmosphère est irrespirable, alors qu’en plus ces derniers jours les hauts responsables russes ne cessent de dire que l’Ukraine va tenter une provocation. Ce qui est largement possible, alors que son économie s’effondre littéralement et qu’il y a pénurie de gaz et de charbon…

L’OTAN s’est également réuni le 30 novembre 2021, pour évoquer les sanctions à prendre en cas d’offensive russe. Bref, c’est comme si tout semblait prêt au grand jeu de massacre. Sur le dos principalement du peuple ukrainien, voire de la nation ukrainienne qui risque de se faire dépecer.

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Ukraine: l’avertissement russe

Il est clair, mais formulé indirectement.

Fyodor Lukyanov est un journaliste russe qui est notamment membre du Club Valdai, un organe de réflexion sur le rôle de la Russie mis indirectement en place par les institutions elles-mêmes. Il est professeur d’Économie mondiale et de Relations internationales et depuis 2002 rédacteur en chef de Russia in Global Affairs journal.

Autant dire que ce qu’il dit… ne doit rien au hasard quand il s’agit de certains thèmes à certains moments, comme évidemment celui qu’on connaît en ce moment. Son article du 24 novembre 2021, NATO’s Mistake Is That It Still Thinks It’s Dealing with the Weakened Russia of the 1990s, a donc été compris en ce sens.

Le titre choisi par Fyodor Lukyanov dit déjà pratiquement tout. L’OTAN fait une erreur en considérant que la Russie est toujours le pays faible des années 1990. Car, à l’époque, de par le vide provoqué par l’effondrement de l’URSS, il était dans l’ordre des choses que l’Union européenne et l’OTAN s’étendent.

Cependant, c’était là une situation tout à fait particulière, et temporaire. Il ne saurait en effet exister une situation où un pays organise des alliances comme bon lui semble, sans se préoccuper des conséquences « géopolitiques ».

C’est d’autant plus vrai alors que l’Union européenne et l’OTAN se chevauchent au niveau des pays membres… Alors que le centre de gravité n’est pas le même, puisque dans le premier cas il est en Europe, dans le second cas il est aux États-Unis. Cela renforce les complications.

Aussi, la meilleure solution est la « finlandisation » de l’Ukraine, c’est-à-dire sa reconnaissance par les « blocs » comme un pays neutre, comme la Finlande durant la guerre froide. Pour donner un exemple de ce que cela implique, on peut prendre l’Autriche au statut similaire : aujourd’hui encore il est possible d’y espionner le pays qu’on veut, du moment qu’on n’espionne pas l’Autriche elle-même!

Et s’il n’y a pas la « finlandisation » de l’Ukraine, que va-t-il se passer? Fyodor Lukyanov prévient alors que la Russie devra faire comme avec la Géorgie en 2008. Ce pays, sous la présidence de Mikheil Saakachvili, a voulu adhérer à l’OTAN, s’est rapproché plus que fortement de l’Union européenne et des États-Unis.

La Russie a alors déstabilisé le pays en soutenant des séparatistes, diffusé massivement des passeports russes, et maintient une situation très délicate dans la région.

Autrement dit, la Russie ne tolérera pas de nouvel élargissement de l’OTAN à ses frontières. L’Ukraine et la Géorgie doivent voir leur statut gelé, et officiellement gelé du côté de l’OTAN.

Le message est clair. Il est compréhensible du point de vue russe, qui n’a aucune envie de voir une tête de pont de l’OTAN à ses frontières, peuplé de 45 millions d’habitants et avec un régime fanatiquement anti-russe et d’idéologie ultra-nationaliste faisant du fasciste historiquement pro-nazi Stepan Bandera un héros. Pour dire le délire, en Ukraine on raconte que la Russie extermine par millions les Ukrainiens depuis cent ans, etc.

Qui plus est, l’OTAN est très satisfaite d’utiliser l’Ukraine comme chair à canon… car l’arrière-plan, c’est le conflit sino-américain, et il s’agit d’affaiblir la Russie, alliée de la Chine, pour isoler cette dernière.

En même temps, la Russie a déjà fait en sorte d’occuper la Crimée ukrainienne, de fomenter des troubles avec les « républiques populaires » séparatistes, et elle a dominé le pays pendant des années en le transformant en satellite après la chute de l’URSS. Et la Russie raconte elle-même officiellement que la nation ukrainienne n’existe pas, que c’est une petite-Russie annexe, etc.

La Russie utilise donc également la question comme prétexte pour justifier son expansionnisme.

En un sens, l’affrontement est décidé et là on a une mise en scène pour se « couvrir » devant l’opinion du pays, l’opinion internationale… Exactement comme en 1914.

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Escalade en Ukraine: la France se lance dans la sinistre partie

La France s’aligne sur l’OTAN.

Le 20 novembre 2021, le média institutionnel russe RT, dans sa version anglophone, a publié un article d’un universitaire norvégien intitulé… « La guerre Russie – OTAN devient toujours plus inévitable ». C’est un message d’une agressivité très claire. Naturellement, l’article dit que la situation est imposée par l’expansion de l’OTAN – ce qui est une partie de la vérité. Même s’il n’y avait pas l’expansionnisme russe, l’OTAN vise de toutes façons à faire tomber la Russie. Pour cela, l’Ukraine sert littéralement de porte-avions et l’OTAN ne cesse d’envoyer du matériel, de fournir des instructeurs militaires, etc.

Le président russe Vladimir Poutine a tenu un discours portant notamment voire principalement sur ce sujet, le 18 novembre 2021, au ministère russe des Affaires étrangères. Il a expliqué que l’OTAN cherchait la confrontation et qu’elle ne portait pas attention aux inquiétudes russes quant à son élargissement en Europe de l’Est. Les « lignes rouges » dont il avait parlé récemment ne sont prises en compte que de « manière superficielle » et il a souligné l’importance de ce qui se passe en mer Noire.

« Nos partenaires occidentaux aggravent la situation en livrant des armes modernes et létales à Kiev et en menant des exercices militaires provocants en mer Noire et dans d’autres régions proches de nos frontières, a déclaré le président russe. 

En ce qui concerne la mer Noire, cela dépasse vraiment certaines limites. Des bombardiers stratégiques volent à 20 kilomètres de nos frontières et transportent, comme on le sait, des armes très dangereuses. »

Et que fait l’École de guerre française dans la foulée ? Elle annonce que vient d’avoir lieu une simulation d’une intervention de l’armée française dans la région de la mer d’Azov, c’est-à-dire en mer Noire (la mer d’Azov, peu profonde, est imbriquée entre différents pays depuis la mer Noire). C’est une affirmation ouverte du militarisme français, avec un alignement sur l’OTAN et un soutien au militarisme du nationalisme ukrainien.

De leur côté, les médias américains considèrent que la guerre est prévue pour janvier (plus ou moins au plus tard) et qu’en tout cas il est clair et net qu’en l’état de la situation, il y aura un conflit.

Il faut bien saisir ce que cela implique. Vu le degré de conflictualité, il est clair alors que la Russie visera à récupérer toute la partie orientale de l’Ukraine, là où les locuteurs russes sont majoritaires, et encore au sens le plus large possible, puisqu’il s’agit d’aller jusqu’à la Transnistrie et de protéger tout le flanc nord de la Crimée.

L’idée est qu’en effet l’Ukraine va basculer dans l’Otan, donc autant jouer le tout pour le tout. Les troupes russes qui s’accumulent à la frontière avec l’Ukraine rendent cette hypothèse tout à fait plausible… Plus que plausible. Il faut ici rappeler que pour la Russie, l’Ukraine n’existe pas en tant que nation et que le texte de Vladimir Poutine à ce sujet doit même être étudié par les soldats.

Le massacre à la tronçonneuse de l’Ukraine espéré notamment par le courant « eurasien« 

Dans tous les cas, l’Ukraine est une nation qui serait la première victime de la guerre. Aux mains des nationalistes et d’une sorte de couche capitaliste ultra-bureaucratique dans un pays pauvre et entièrement corrompu, elle bascule dans le giron américain, avec en face une Russie qui ne reconnaît pas la légitimité de son existence.

Et il est devenu clair que la France est devenue partie prenante et qu’elle n’est plus dans l’attentisme comme l’est l’Allemagne, qui aimerait ménager la Russie. La France espère la défaite de la Russie et s’aligne pour profiter du gâteau. C’est de l’impérialisme comme à la veille de 1914.

Il faut que tous les partisans de la Gauche historique saisissent l’importance de ce qui se déroule et joue le rôle d’aiguillon pour faire progresser les consciences dans ce moment dramatique de l’Histoire. Ce n’est pas pour rien que personne – à part agauche.org – n’aborde ce thème. C’est trop brûlant, c’est trop essentiel, il y a trop de choses en jeu.

C’est justement de là qu’il faut partir (et non pas y arriver péniblement en constatant qu’il y a une guerre, ce que feront les populistes et l’ultra-gauche qui vivent dans leur bulle, déconnectés de la réalité, totalement hors-sol). L’Histoire existe et elle a une ampleur immense. Qui n’est pas à la hauteur est condamné intellectuellement, moralement, politiquement, culturellement, psychologiquement, physiquement même, de par l’ampleur des désastres.

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Culture

Ukraine et Donbass séparatiste : les mysticismes « romantiques »

Le fascisme est une idéologie ici hautement développée.

Lorsqu’il y a eu la guerre civile en Yougoslavie, l’extrême-Droite a été très partagée. Certains sont partis rejoindre les forces armées serbes, d’autres les forces croates. On peut résumer la différence de sensibilité comme suit :

– la Serbie avait une identité nationale bien identifiée, il y avait une forte dimension conservatrice avec l’Eglise orthodoxe, voire étatique-autoritaire avec un Etat fort déjà en place ;

– la Croatie était une nation posant une indépendance avec d’autant plus d’idéalisme et par conséquent on pouvait plaquer dessus beaucoup de rêves.

La même césure s’est déroulée au moment de la crise dans le Donbass. Certains activistes d’extrême-Droite ont rejoint les pseudos « républiques populaires », parce que c’était l’Eglise orthodoxe, la Russie sacrée avec ses rêves impériaux, l’idée d’un continent eurasiatique comme puissance mondiale. C’est ici un romantisme à la fois religieux et impérial. L’article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne» présente de manière incontournable cette idéologie.

En voici un exemple aussi avec une vidéo d’un Français ayant rejoint les forces armées séparatistes et s’étant converti au catholicisme orthodoxe, exposant à travers une chanson mystique – chevaleresque sa vision du monde.

Ceux qui sont partis en Ukraine ont un autre profil. Déjà, il ne faut pas tant parler de volontaires militaires que de cadres politiques rejoignant l’idée d’une Ukraine comme base pour un nationalisme européen. On parle ici de visites, de fréquentations, d’échanges d’expérience, d’inspiration. On est ici aussi dans la mystique national-socialiste extrêmement puissante en Ukraine en raison des multiples organisations fascistes et de l’idéologie de l’Etat ukrainien, qui valorise Stepan Bandera, qui s’était allié aux nazis pendant la seconde guerre mondiale pour tenter de former une Ukraine fasciste.

Il y a ainsi un Français qui a été arrêté en Ukraine en 2015 alors qu’il comptait revenir avec 125 kilos d’explosifs et 5 fusils d’assaut (il a été condamné à six ans de prison pour terrorisme, la justice française y voyant par contre un simple trafiquant d’armes…). Il y a surtout le groupe de metal « Peste Noire » qui est régulièrement valorisé en Ukraine, de mouture identitaire, nihiliste et élitiste (qui ne correspond pourtant pas du tout à l’idéologie national-socialiste « populaire » voire « basiste » promue en Ukraine).

Si l’on veut vaincre le fascisme, il faut avoir conscience de ces idéologies, notamment de leur rôle en France dans la réactivation de l’extrême-Droite, dans la cristallisation de son idéologie. Mais ce n’est pas tout : le fascisme a besoin de porter un faux romantisme, un romantisme idéaliste, pour parvenir à concurrencer la Gauche historique et lui enlever sa base.

Cela, bien entendu, la gauche caviar ne le voit pas en raison de ses préoccupations gouvernementales, tout comme la gauche kebab des « antifas » dans leur version d’ultra-gauche ne le comprennent pas, car leur camp est finalement celui des libéraux et des turbocapitalistes. Ceux-là sont finalement bien souvent autant opposés à l’extrême-Droite qu’à la Gauche historique.

Cependant, les gens portant les valeurs de la Gauche historique ne doivent pas perdre cela de vue. Il s’agit de changer la vie et d’être à la hauteur de la promotion d’un idéal amenant tous les êtres humains à changer dans le plus profond de leur être. C’est une humanité nouvelle qui est à l’ordre du jour.

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Guerre

L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne»

L’idéologie vise à justifier le rôle impérial – hégémonique de la Russie.

L’idéologie « eurasienne » de la Russie est extrêmement complexe, elle mêle religion, nationalisme, nostalgie de l’empire russe des tsars, mysticisme asiatique… C’est totalement pittoresque et farfelu, mais très fonctionnel pour l’Etat russe. Il est vrai qu’on connaît en France une variante de « l’eurasisme », avec le « national-bolchevique » Édouard Limonov qui a été une certaine star dans certains milieux intellectuels parisiens. Mais c’est Alexandre Douguine qui est la véritable figure tutélaire de cette mouvance, qui à la fois est reconnu officiellement par l’Etat russe, et à la fois non.

Nous reproduisons ici le précieux article à ce sujet, publié dans la revue pdf Crise (numéro 12, avril 2021).


Né en 1962, Alexandre Douguine est le principal théoricien nationaliste russe ; il avait notamment fondé en 1993, avec Edouard Limonov, le Parti national-bolchevique. Son importance idéologique est ensuite devenue immense dans la vision du monde de l’expansionnisme russe en général.

Alexandre Douguine fournit en effet les éléments idéologiques justifiant l’ensemble des manœuvres russes pour satisfaire ses ambitions et permettre de former des alliances en ce sens. Et l’idée de base est relativement simple, même si elle est ornée de justifications métaphysiques, religieuses, mystiques, etc.

La Russie ne serait pas un pays, mais un pays continent, où viendrait s’enliser tout ce qui vient des États-Unis. Cela signifie que tout ce qui s’oppose aux États-Unis doit, logiquement, venir s’appuyer sur la Russie, rentrer en convergence avec elle.

C’est un appel ouvert aux pays capitalistes de moyenne taille cherchant à s’arracher à l’hégémonie américaine, tels l’Allemagne et la France, mais aussi aux pays semi-féodaux semi-coloniaux, telle la Turquie, l’Iran ou encore la Syrie.

Mais c’est surtout un moyen de s’étendre territorialement, comme avec le Donbass et la Transnistrie.

L’Eurasie ou la Russie comme continent

Dans la conception d’Alexandre Douguine, la Russie aurait été irriguée par les invasions asiatiques et est ainsi devenue porteuse d’une psychologie impériale supra-nationale, de type conservatrice « révolutionnaire ».

Le vaste territoire impliquerait la psychologie de la conquête, de l’expansion, d’une virilité guerrière ; l’existence de multiples communautés au sein de ce vaste territoire s’associerait à l’idée de petites sociétés conservatrices repliées sur elles-mêmes au sein de l’empire.

La Russie, cœur d’un large territoire appelé « l’Eurasie », mêlerait ainsi les religions catholiques orthodoxe et musulmane, dans un élan communautaire opposé à l’esprit insulaire de la Grande-Bretagne et des États-Unis, bastion du protestantisme « matérialiste » et individualiste.

Le bien serait porté par la Russie ancrée dans la terre, le mal serait porté par les Anglo-saxons et leur puissance maritime.

Une lecture apocalyptique

La conception « eurasienne » se fonde directement sur le catholicisme orthodoxe avec une insistance très grande sur la dimension apocalyptique. On est, tout comme dans le national-socialisme, dans la tentative de fournir l’idée d’une révolution totale… mais de manière contre-révolutionnaire.

Voici comment Alexandre Douguine présente sa vision à une revue conservatrice révolutionnaire belge en 1991 :

« Après la perestroïka, il adviendra un monde pire encore que celui du prolétarisme communiste, même si cela doit sonner paradoxal.

Nous aurons un monde correspondant à ce que l’eschatologie chrétienne et traditionnelle désigne par l’avènement de l’Antéchrist incarné, par l’Apocalypse qui sévira brièvement mais terriblement.

Nous pensons que la “deuxième religiosité” et les États-Unis joueront un rôle-clef dans ce processus. Nous considérons l’Amérique, dans ce contexte précis, non pas seulement dans une optique politico-sociale mais plutôt dans la perspective de la géographie sacrée traditionnelle.

Pour nous, c’est l’île qui a réapparu sur la scène historique pour accomplir vers la fin des temps la mission fatale.

Tout cela s’aperçoit dans les facettes occultes, troublantes, de la découverte de ce continent, juste au moment où la tradition occidentale commence à s’étioler définitivement.

Sur ce continent, les positions de l’Orient et de l’Occident s’inversent, ce qui coïncide avec les prophéties traditionnelles pour lesquelles, à la fin des temps, le Soleil se lèvera en Occident et se couchera en Orient. »

L’eurasisme originaire renversé

L’eurasisme n’a pas été inventé par Alexandre Douguine, qui développe son point de vue au tout début des années 1990.

C’est initialement une conception délirante provenant de milieux ultra-conservateurs à la fin du XIXe siècle, comme le moine Constantin Léontiev qui voit en « l’asiatisme » un support à la religion catholique orthodoxe face au monde moderne, alors que l’historien Nikolaï Danilevski pense que ce support se trouve à l’opposé dans le panslavisme (« La Russie et l’Europe », 1869).

Le baron Roman von Ungern-Sternberg tenta, pendant la guerre civile suivant la révolution russe, de former une armée blanche nommée la « division sauvage » au moyen de cavaliers de la partie asiatique de la Russie, dans un syncrétisme orthodoxe-bouddhiste littéralement apocalyptique d’ailleurs soutenu par le Dalaï-Lama.

Puis cet espoir de revivifier le conservatisme russe au moyen d’un soutien extérieur a été développé par des émigrés russes fuyant la révolution d’Octobre 1917 établis en Bulgarie.

Le géographe et économiste Piotr Savitsky, le pionnier de cette idéologie, considérait que l’Eurasie était un « lieu de développement » façonnant un mode de pensée continental, non océanique, les Russes passant dans l’esprit des steppes grâce aux Mongols.

On trouve à ses côtés le linguiste Nikolai Troubetskoï, le théologien Georges Florovski, le critique musical Piotr Suvchinski ; ce groupe publia en 1921 Exode vers l’Orient, renversant les arguments anti-bolcheviks des sociaux-démocrates occidentaux. Ceux-ci accusaient les bolcheviks, c’est-à-dire les sociaux-démocrates russes, d’être trop orientaux dans leur approche ; les eurasistes affirmèrent que les bolcheviks ne l’étaient pas assez.

Des émigrés russes à Prague développèrent la même année une conception très similaire, avec la publication commune Orientations ; ce fut également le cas de George Vernadsky, le fils de l’immense savant Vladimir Vernadsky, qui devint professeur d’université aux États-Unis.

Après 1991, cette idéologie fut récupérée par le régime post-soviétique… Cependant, l’eurasisme est renversé. Alors qu’initialement il s’agissait de soutenir la Russie en appuyant son propre conservatisme par des aides extérieures, asiatiques, désormais la Russie se veut le bastion du conservatisme prêt à épauler les autres.

Une idéologie impériale

L’eurasisme a un aspect impérial : la Russie serait le seul moyen, de par son poids, de s’opposer au « monde moderne ». Il faut donc se tourner vers elle, d’autant plus qu’elle serait naturellement encline à abriter des communautés très différentes.

L’eurasisme s’oppose ainsi aux affirmations nationales, il est d’ailleurs de ce fait résolument opposé au romantisme slave. Il affirme une logique communautaire, où une sorte d’empire protège ses communautés intérieures vivant selon ses valeurs traditionnelles.

La Tchétchénie, avec son président qui est polygame, revendique son identité islamique précisément au nom d’une telle intégration communautaire dans une Russie « continent ».

Il ne s’agit pas d’une idéologie de type nationaliste classique, mais d’une logique impériale-syncrétiste, ce qui fait que n’importe qui n’importe où en Europe ou en Asie peut prétendre que « sa » communauté doit relever de l’approche eurasienne.

De manière « philosophique », on peut dire que les tenants de l’Eurasie opposent un espace au temps du libéralisme : c’est un anti-capitalisme romantique, une révolte irrationaliste contre le monde moderne.

Le « récentisme », une variante de l’eurasisme

Les « récentistes » sont un aspect de l’idéologie eurasiste. Ce sont des illuminés affirmant que la chronologie historique telle qu’on la connaît est fausse ; les civilisations antiques auraient en réalité existé durant le moyen-âge et c’est au 16e-17e-18e siècles qu’il y aurait eu une réécriture du passé.

Il y aurait ainsi au moins 800 années d’événements en trop ; la guerre de Troie serait en réalité une écriture poétique des Croisades, Jésus aurait été crucifié au 11e siècle, les Hittites seraient les Goths, Salomon serait le Sultan ottoman Soliman le Magnifique, etc.

Le fondateur du récentisme est le mathématicien russe de haut niveau, Anatoli Fomenko, né en 1945, qui affirme qu’il faut étudier l’histoire au moyen des statistiques, notamment afin d’éviter les « copies fantômes » relatant les mêmes faits historiques de manière « différente ».

Prenant par exemple les textes historiques de la Rome antique et de la Rome médiévale de manière statistique, il les compare et considère par exemple que la première est une « copie » de la seconde.

Et il explique que la falsification de la chronologie historique vise à « cacher » que, jusqu’à la fin du moyen-âge, le monde avait comme base une « horde russe » de type slave et mongole, qui aurait d’ailleurs même colonisé l’ouest américain ! Les Ukrainiens, les Mongols, les Turcs… seraient une composante historique de cette « horde russe ».

Le récentisme, idéologie relativiste jusqu’au délire, est le prolongement de l’eurasisme comme vision « civilisationnelle », où la Russie serait à travers l’Eurasie la vraie porteuse de la civilisation. L’Histoire est réécrite s’il le faut.

Le club d’Izborsk et les milieux du pouvoir

L’eurasisme ne réécrit pas seulement l’Histoire passée : il prône des orientations dans le temps présent, ce qui est sa véritable fonction en tant qu’idéologie justifiant l’expansionnisme russe. Un élément-clef est ici joué par le Club d’Izborsk.

Izborsk est une localité du nord-ouest de la Russie où l’on trouve des tumulus slaves du 6e siècle et une forteresse historique ayant entre le 12e et le 16 siècle résisté à huit sièges. C’est un symbole de la « résilience » russe, de son caractère « imprenable ».

Le Club d’Izborsk, qui est très lié à Vladimir Poutine et dont fait partie Alexandre Douguine, est le lieu de synthèse « géopolitique » de l’eurasisme. C’est là où sont produits les conceptions concrètes de l’eurasisme, les objectifs d’un expansionnisme agressif au nom d’un « traditionalisme technocratique », qui « allie modernisation technologique et conservatisme religieux ».

Le club dit d’ailleurs ouvertement que :

« Le club d’Izborsk est inclus dans des réseaux de pouvoir influents qui lui permettent de diffuser ses idées.

En juillet 2019, le président du club, Alexander Prokhanov, a été invité au Parlement pour projeter son film « Russie – Une nation de rêve », dans lequel il promeut sa vision d’une mythologie scientifique et spirituelle nationale.

Le club d’Izborsk est également proche de personnalités clés de l’élite conservatrice, comme l’oligarque monarchiste Konstantin Malofeev ou le directeur de l’agence [spatiale] Roskosmos, Dmitri Rogozin. Enfin, il est proche du cœur du complexe militaro-industriel. Témoin de ces liens, le bombardier à missiles stratégiques Tupolev Tu95-MK, qui a été baptisé Izborsk en 2014. »

Ce club a publié une déclaration à sa fondation en janvier 2013 :

« Afin de prévenir une catastrophe imminente, nous appelons tous les hommes d’État qui apprécient l’avenir de la Russie à agir comme un front patriotique et impérial uni, opposé à l’idéologie libérale de la mondialisation et à ses adhérents qui agissent dans l’intérêt de nos ennemis géopolitiques.

L’aspect le plus important de notre unité est la compréhension correcte de la difficile situation actuelle. La Russie a besoin d’une fusion de deux énergies puissantes issues des idéologies « rouge » et « blanche » du patriotisme russe.

Cette fusion implique l’introduction dans la structure et le système de l’activité de l’État d’un puissant élément de justice sociale hérité de l’URSS, et un retour aux valeurs orthodoxes − spiritualité chrétienne et universalité de la Russie traditionnelle.

Une telle synthèse rendra notre pays et notre puissance invincibles, nous permettra d’offrir à l’humanité une voie universelle de développement social basée sur l’expérience de la civilisation russe.»

Une idéologie d’alliance

Si l’on regarde les idéologies des « républiques populaires » de Donetzk et Lougansk dans le Donbass, elles témoignent dans un mélange de religiosité orthodoxe et de nostalgie « soviétique » sur un mode impérial. Elles sont dans la ligne droite du Club d’Izborsk et de l’eurasisme.

Un militaire français engagé comme volontaire dans les forces armées de la « République populaire » de Donetzk présente de la manière suivante la mentalité des combattants :

« Ici, les fantasmes hégémoniques d’une Russie blanche, d’un empire soviétique, d’une Europe chrétienne sont incompatibles avec la réalité d’un front où se battent ensemble dans la même tranchée des européens, caucasiens, ouzbeks, tatars, tchétchènes, asiatiques, des orthodoxes, musulmans, païens, athées, des communistes, nationaux-bolcheviques, impériaux, cosaques, anarchistes etc. »

Il est du propre de l’eurasisme de considérer que l’idéologie est un moteur idéaliste personnel et que la question concrète est celle d’un « front » anti-libéral. C’est valable au niveau des États : en 2014 a été fondée l’Union économique eurasiatique avec la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie, rejoints par l’Arménie ; les idéologies des États biélorusse, russe et kazakh sont directement « eurasiennes » d’ailleurs.

Ces États se veulent les bastions d’un conservatisme impénétrable à « l’occidentalisme », avec un idéalisme conservateur. Et cet anti-« occidentalisme » serait populaire et donc révolutionnaire.

Il n’est pas difficile ici de voir justement qu’en Europe il existe de nombreuses structures « conservatrices » mais « révoltées » qui convergent directement avec l’eurasisme (comme en France La France Insoumise, le PRCF, l’hebdomadaire Marianne, Égalité & Réconciliation), ou bien convergent avec malgré des réticences concernant l’Islam (le Vlaams Belang en Belgique, Marine Le Pen en France).

La question de l’alliance avec les républiques séparatistes en Ukraine a cependant amené le premier grand défi.

Alexandre Douguine et la partition de l’Ukraine

Dans une interview de 2014 à une revue conservatrice autrichienne, Alexandre Douguine expliqua que l’Ukraine était condamnée, en raison de l’appel de l’eurasisme pour sa « meilleure » partie.
C’est là très exactement l’idéologie de l’expansionnisme russe aux dépens de l’Ukraine.

Il dit :

« Professeur Douguine, le 1er janvier 2015, l’Union Économique Eurasienne deviendra une réalité. Quel potentiel détient cette nouvelle organisation internationale ?

L’histoire nous enseigne que toute forme d’intégration économique précède une unification politique et surtout géopolitique. C’est là la thèse principale du théoricien de l’économie allemand,

Friedrich List, initiateur du Zollverein (de l’Union douanière) allemand dans la première moitié du XIXe siècle.

Le dépassement du « petit-étatisme » allemand et la création d’un espace économique unitaire, qui, plus tard, en vient à s’unifier, est toujours, aujourd’hui, un modèle efficace que cherchent à suivre bon nombre de pays.

La création de l’Union Économique Eurasienne entraînera à son tour un processus de convergence politique. Si nous posons nos regards sur l’exemple allemand, nous pouvons dire que l’unification du pays a été un succès complet : l’Empire allemand s’est développé très rapidement et est devenu la principale puissance économique européenne.

Si nous portons nos regards sur l’Union Économique Eurasienne, on peut s’attendre à un développement analogue. L’espace économique eurasien s’harmonisera et déploiera toute sa force. Les potentialités sont gigantesques.

Toutefois, après le putsch de Kiev, l’Ukraine n’y adhèrera pas. Que signifie cette non-adhésion pour l’Union Économique Eurasienne ? Sera-t-elle dès lors incomplète ?

Sans l’Est et le Sud de l’Ukraine, cette union économique sera effectivement incomplète. Je suis d’accord avec vous.

Pourquoi l’Est et le Sud ?

Pour la constitution d’une Union Économique Eurasienne, les parties économiquement les plus importantes de l’Ukraine se situent effectivement dans l’Est et le Sud du pays.

Il y a toutefois un fait dont il faut tenir compte : l’Ukraine, en tant qu’État, a cessé d’exister dans ses frontières anciennes.

Que voulez-vous dire ?

Nous avons aujourd’hui deux entités sur le territoire de l’Ukraine, dont les frontières passent exactement entre les grandes sphères d’influence géopolitique.

L’Est et le Sud s’orientent vers la Russie, l’Ouest s’oriente nettement vers l’Europe.

Ainsi, les choses sont dans l’ordre et personne ne conteste ces faits géopolitiques.

Je pars personnellement du principe que nous n’attendrons pas longtemps, avant de voir ce Sud et cet Est ukrainiens, la “nouvelle Russie”, faire définitivement sécession et s’intégrer dans l’espace économique eurasien.

L’Ouest, lui, se tournera vers l’Union Européenne et s’intégrera au système de Bruxelles.

L’État ukrainien, avec ses contradictions internes, cessera pratiquement d’exister. Dès ce moment, la situation politique s’apaisera. »

Alexandre Douguine prônait ainsi que les séparatistes pro-russes en Ukraine établissent une « Nouvelle Russie » dans tout l’Est du pays. Ce fut même le plan initial du séparatisme pro-russe.

Toutefois, les défaites militaires amenant une perte de territoire et de ce fait l’incapacité à conquérir la partie orientale de l’Ukraine amena un « gel » en 2015 du projet, alors qu’en novembre 2014 est limogé le gouverneur de la « République populaire » de Donetzk, Pavel Goubarev.

Alexandre Douguine fut parallèlement mis de côté en Russie, considéré comme allant trop loin dans la logique du conflit avec l’occidental, nuisant ainsi à une partie des oligarques profitant largement du capitalisme occidental.

Alexandre Douguine au club d’Izborsk

Dans un article du 9 avril 2021 pour le club d’Izborsk, intitulé « La géopolitique de la Nouvelle-Russie sept ans après », Alexandre Douguine formule le point de suivant au sujet de la crise du Donbass.

« En 2014, c’est-à-dire il y a 7 ans, la Russie a fait une énorme erreur de calcul. Poutine n’a pas utilisé la chance unique qui s’est présentée après [la révolte pro-occidentale de la place] Maidan, la prise de pouvoir de la junte à Kiev et la fuite de Ianoukovitch en Russie.

Cohérent dans sa géopolitique, le Président n’a pas été fidèle à lui-même cette fois-ci. Je le dis sans aucune réjouissance, mais plutôt avec une profonde douleur et une rage sincère.

Cette occasion manquée a été appelée « Novorossiya » [Nouvelle-Russie, un nouvel « État » dans l’Est de l’Ukraine], « printemps russe », « monde russe ». Sa signification était la suivante :

– Ne pas reconnaître la junte de Kiev, qui avait pris le pouvoir lors d’un coup d’État violent et illégal,

– demander à [Viktor] Ianoukovytch [alors président ukrainien et destitué lors de l’Euromaïdan] de se lever pour restaurer l’ordre constitutionnel,

– soutien au soulèvement dans l’est de l’Ukraine,

– introduction de troupes à la demande du président légitime (modèle Assad),

– établir le contrôle sur la moitié du territoire ukrainien,

– mouvement sur Kiev (…).

Le rejet d’un tel développement était motivé par un « plan astucieux ». Sept ans plus tard, il est clair qu’il n’y avait, hélas, aucun « plan astucieux ». Ceux qui l’ont préconisé étaient des scélérats et des lâches (…).

C’est alors, et précisément pour ma position sur la Novorossiya, que le Kremlin m’a envoyé en disgrâce. Qui dure jusqu’à aujourd’hui (…).

Le projet Novorossiya a été esquissé par Poutine lui-même, mais il a immédiatement été abandonné (…).

La Syrie a été une manœuvre géopolitique réussie et correcte, mais elle n’a en rien supprimé ou sauvé l’impasse ukrainienne. Une victoire tactique a été obtenue en Syrie.

C’est bien. Mais pas aussi important qu’une transition vers un effort eurasien complet pour restaurer une puissance continentale. Et cela ne s’est pas produit. La Nouvelle Russie était la clé (…).

Aujourd’hui, après l’arrivée brutale de Biden à la Maison Blanche, les choses sont revenues là où les choses s’étaient arrêtées en 2014 (…).

Seule l’armée ukrainienne a pu, en 7 ans, se préparer, se rapprocher de l’adhésion à l’OTAN et élever une génération entière de russophobes radicaux.

Pendant tout ce temps, le Donbass a été dans un état de flottement. Oui, il y a eu de l’aide ; sans elle, il n’aurait tout simplement pas survécu. Mais pas plus que ça (…).

Au cours des 20 dernières années, la Russie a tenté de trouver un équilibre entre deux vecteurs.

– continental-patriotique et

– modéré-occidental.

Il y a 20 ans déjà, lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, j’ai écrit que cet exercice d’équilibre serait extrêmement difficile et qu’il valait mieux choisir l’Eurasie et la multipolarité.

Poutine a rejeté − ou plutôt reporté indéfiniment − le continentalisme ou s’en rapproche au rythme d’un petite cuillère par heure. Ma seule erreur a été de suggérer qu’une telle tiédeur ne pouvait pas durer longtemps. C’est possible et c’est toujours le cas. Mais tout a toujours une fin.

Je ne suis pas sûr à 100% que c’est exactement ce qui se passe actuellement, mais il y a une certaine − et très significative – possibilité (…). Je dis simplement que si Kiev lance une offensive dans le Donbass, nous n’aurons pas la possibilité d’éviter l’inévitable. Et si la guerre ne peut être évitée, elle ne peut être que gagnée.

Ensuite, nous reviendrons sur ce qui a été décrit en détail dans le livre « Ukraine. Ma guerre » − c’est-à-dire à la Novorossiya, le printemps russe, la libération finale de la sixième colonne [= « c’est-à-dire les libéraux au pouvoir, les oligarques et une partie importante, sinon la majorité, de l’élite russe qui, bien que formellement loyale au cours patriotique du président Poutine, est organiquement liée à l’Occident], la renaissance spirituelle complète et finale de la Russie.

C’est un chemin très difficile. Mais nous n’avons probablement pas d’autre issue. »

Pas d’espace pour l’Ukraine

La ligne dure appliquée par la Russie au début avril 2021 indique un retour à la ligne d’Alexandre Douguine. On est dans une perspective annexionniste agressive, plus dans une temporisation comme choisie en 2014. C’est bien évidemment la crise générale qui est la source du renforcement de la fraction la plus agressive de l’expansionnisme russe.

Et dans une telle approche eurasiste, l’Ukraine n’a pas le droit à l’existence, pour deux raisons.

La première tient à ce que dans une perspective purement « eurasiste », l’Ukraine est une petite Russie, une annexe, qui ne peut exister face au « libéralisme » que comme communauté inféodée à l’État-continent. L’expansionnisme russe peut en fait légitimer n’importe quelle subversion en prétendant que les forces « saines » prennent le dessus et qu’il s’agit de les soutenir – en attendant la suite.

La seconde, c’est que la nature nationale ukrainienne n’est finalement qu’une sorte d’accident, de malentendu, la Russie étant le véritable noyau civilisationnel authentique.

La Russie-continent s’imagine ainsi avoir une vocation expansionniste naturelle, allant de l’Atlantique à l’Oural. Et l’Ukraine est sur sa route.