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Ignoble déferlement de haine anti-russe

Le nationalisme suinte de partout.

La Russie est un peuple qui, historiquement, a porté une immense culture. On ne compte pas les savants dans absolument tous les domaines, les artistes que ce soit en musique, en peinture, en littérature, en sculpture, en architecture, en cinéma, etc. ; on ne compte pas non plus les révoltes populaires, les révolutions (1905, 1917). Bref, c’est un peuple qui a participé de plein-pied à l’Histoire humaine.

Cela fait d’autant plus mal, alors qu’en plus les Russes ont un tempérament attachant empreint de vague-à-l’âme et de chaleur humaine exprimée dans une candeur frappante, de voir qu’en France il s’est répandu une haine anti-russe farouche et totalement stupide.

Depuis l’annonce par le président russe Vladimir Poutine, le 21 septembre 2022, d’une mobilisation partielle de 300 000 hommes, cette haine s’est d’autant plus systématisée ; désormais ce sont les médias à l’échelle de l’Union européenne qui déversent une propagande anti-russe sans commune mesure.

L’objectif est bien entendu de faire tomber le régime et, surtout, de démanteler la Fédération de Russie. C’est un objectif à visée impérialiste et tous les appétits s’en voient excités. La conquête économique de la Russie, son asservissement, voilà de quoi relancer toutes les économies occidentales.

Et pour les pays de l’Est de l’Europe, il y a également la possibilité de grappiller pas mal de choses, surtout si en plus l’Ukraine est totalement affaiblie à la suite de son hypothétique victoire. On comprend que la Pologne soit un pays va-t-en guerre cumulant les positions ultras.

L’opportunisme, voilà ce qui caractérise des gens et des pays alors que la superpuissance américaine assume de vouloir faire tomber un grand pays, suffisamment riche pour qu’il y est beaucoup de miettes.

Lorsque la Femen Inna Shevchenko découvre son propre pays, l’Ukraine, le jour de l’invasion, et répète depuis toutes les incantations délirantes de l’OTAN et de l’extrême-Droite ukrainienne sur son compte Twitter, elle ne le fait pas par patriotisme ukrainien, mais comme plan de carrière, afin de s’insérer impeccablement dans ce qui doit découler du repartage du monde, aux dépens de la Russie.

Les Russes seraient des idiots creusant des tranchées dans la zone ultra radio-active autour de la centrale de Tchernobyl : un bon exemple de convergence avec la propagande occidentale. En réalité, creuser le sol de cette zone n’est nullement dangereux, la vie sauvage ayant également repris ses droits depuis bien longtemps.

C’est là que réside le double danger de la haine anti-russe. D’abord, elle s’appuie sur des préjugés nationalistes, où les Français seraient éduqués et civilisés, les autres peuples barbares. Beaucoup de Français, rendus incultes par la société de consommation, alors que la Russie était bien connue et appréciée auparavant, voient en les hommes russes des sortes de brutes à têtes d’assassins et en les femmes russes des beautés manipulatrices prêtes à se vendre.

Ensuite, cette haine anti-russe appelle à faire carrière en son sein. Devenir un spécialiste de cette haine permet d’aller sur les plateaux de télévision, d’écrire des articles, bref d’obtenir une reconnaissance sociale, voire d’être rémunéré. On peut faire carrière en adoptant la haine anti-russe.

Même Stéphane Courtois, le grand intellectuel de l’anticommunisme en France, avec le « livre noir du communisme », s’est transformé désormais en « spécialiste » de la Russie et de ses méfaits !

L’universitaire qui, demain, publiera un ouvrage pour expliquer que la Russie n’existe pas, qu’il y a une Moscovie coloniale qui a toujours tyrannisé les pays et les peuples voisins, se verra couvrir d’éloges. Et cet ouvrage sera publié, n’en doutons pas, car cela correspond à l’idéologie du régime ukrainien, et à la ligne de la superpuissance américaine.

Et ce processus de déferlement de propagande n’est pas prêt de s’arrêter. La France assume totalement de participer à la bataille contre la Russie que portent désormais l’OTAN et l’Union européenne de manière conjointe, sous l’égide de la superpuissance américaine.

On doit donc même considérer que la propagande va aller toujours plus loin, tout comme il y aura davantage d’armes remises à l’Ukraine. Tout comme l’Ukraine basculera toujours plus dans le fanatisme anti-russe le plus démentiel.

Sur ce plan d’ailleurs, la nation ukrainienne est en train de se suicider historiquement en acceptant de sortir entièrement de toute valeur démocratique ou populaire. En laissant le champ libre à des nationalistes vendus à des impérialistes, il y a une transformation de l’Ukraine en une simple fonction de conquête militaire anti-Russie.

Croire que la Russie va se laisser faire est autant aberrant que de rendre l’énorme service aux nationalistes russes, comme c’est fait actuellement, qui prétendent que l’Ukraine n’existe pas et ne sert que les intérêts occidentaux.

C’est un piège qui se referme sur les peuples. Il ne faut pas y participer, il faut même le combattre. Il ne doit pas y avoir de place pour la haine anti-russe. L’internationalisme – et pas l’internationalisme comme cosmopolitisme, non, l’internationalisme prolétarien doit primer, toujours.

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Les caractéristiques fondamentales du discours de Vladimir Poutine du 21 septembre 2022

Il est essentiel de les saisir pour comprendre ce qui se passe.

Voici les aspects fondamentaux du discours de Vladimir Poutine du 21 septembre 2022 ; jusqu’à présent, depuis six mois avant le déclenchement du conflit Ukraine-Russie, les analyses faites sur agauche.org ont été parfaitement justes, il s’agit de maintenir la capacité à disposer d’une analyse profonde.

Il faut souligner que le discours a été relativement court, d’une dizaine de minutes, qu’il est ainsi très ramassé, très conceptuel.

L’aspect principal est que Vladimir Poutine a parlé de la Russie comme patrie, mais en soulignant bien qu’elle s’appuyait sur différents peuples, différentes nationalités. L’expression qu’il emploie est celle de « Russie historique ». Ce point, abordé régulièrement ici, est essentiel et personne ne peut comprendre la Russie, ni son régime, sans considérer que c’est à la base même de toute initiative de la Russie. Tous les Russes ne sont pas « russes », pour résumer.

Vladimir Poutine a d’ailleurs immédiatement souligné l’unité des composantes de la Russie, accusant, avec justesse dans les faits, les pays occidentaux de vouloir la démanteler.

« Le but de cet Occident est d’affaiblir, de diviser et finalement de détruire notre pays. Ils disent déjà directement qu’en 1991, ils ont pu diviser l’Union soviétique, et maintenant le moment est venu pour la Russie elle-même, qu’elle devrait se désintégrer en de nombreuses régions et régions mortellement hostiles. »

On ne peut pas comprendre le soutien interne au régime sans saisir qu’effectivement, la Russie apparaît sous sa forme actuelle comme une réalité politique au moins supérieure aux fragmentations néo-féodales possibles, et qui suit un parcours historique lui accordant une réelle légitimité (avec l’URSS à l’arrière-plan).

De manière subtile, Vladimir Poutine a toutefois abordé une question directement russe en disant que le régime ukrainien, façonné par l’occident depuis 2014, aurait de lui-même de toutes façons lancé une guerre, avec notamment comme objectif de récupérer la Crimée. C’est là un point sensible plus que fondamental pour les Russes « russes » : la Crimée est russe et absolument aucun retrait n’est envisageable sur ce point.

Comme en plus, ces derniers jours notamment mais également depuis des mois, le régime ukrainien est assez stupide pour expliquer qu’il vise la Crimée et qu’il ne cédera jamais, rien qu’avec cela les jeux sont faits et le régime russe s’assure la légitimité.

Reste à savoir comment Vladimir Poutine envisage la question des régions de l’Est de l’Ukraine. Initialement, les objectifs de l’opération spéciale n’ont pas été définis avec exactitude, à part avec la chute du régime de Kiev aligné sur le bandérisme et la démilitarisation de l’Ukraine, c’est-à-dire sa rupture avec l’OTAN.

Désormais, il est dit que c’est la question de la libération du Donbass qui est fondamentale.

« La décision d’une opération militaire préventive était absolument nécessaire et la seule possible. Ses principaux objectifs – la libération de tout le territoire du Donbass – ont été et restent inchangés.

La République populaire de Louhansk a déjà été presque complètement débarrassée des néonazis.

Les combats dans la République populaire de Donetsk se poursuivent. Ici, pendant huit ans, le régime d’occupation de Kiev a créé une ligne profondément échelonnée de fortifications à long terme.

Leur assaut frontal aurait entraîné de lourdes pertes, de sorte que nos unités, ainsi que les unités militaires des républiques du Donbass, agissent systématiquement, avec compétence, utilisent l’équipement, protègent le personnel et libèrent progressivement les terres de Donetsk, débarrassent les villes et villages de néo-nazis, viennent en aide aux personnes que le régime de Kiev a transformées en otages, en boucliers humains. »

Cependant, attention, cela ne veut nullement dire qu’il s’agit d’un repli et que l’objectif russe concernant l’Ukraine a reculé. C’est simplement la fermeture de l’option du peuple ukrainien retournant au bercail.

C’est que les Ukrainiens, depuis le début de la guerre, se sont alignés sur un positionnement révulsant de soutien à leur propre régime, de soutien à l’OTAN. Toute personne connaissant cette partie du monde ne peut qu’être éberluée de l’attitude de ces Ukrainiens, parlant le plus souvent russe, pétri de culture russe (tout en ayant leurs spécificités), ayant forcément des amis russes, mais déversant une haine hallucinée sur la Russie.

Il y a, du point de vue russe, une fierté terriblement blessée, un sentiment d’être fondamentalement trahi. Si on ne comprend pas ça, on peut pas comprendre la démarche actuelle du régime russe, et l’acceptation d’un « tant pis pour les Ukrainiens » du côté de la population russe.

C’est le sens du discours sur l’intégration de zones relevant historiquement de la « Nouvelle Russie » mise en place par l’impératrice Catherine II, à l’ouest du Donbass. On parle donc de l’intégration des « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk, des régions de Kherson et de Zaporozhye.

Cela officialise un positionnement déjà flagrant en avril 2022 (voir ici de manière incontournable La réorientation russe de début avril 2022 dans la guerre en Ukraine: la « Nouvelle Russie »), ce qui souligne encore une fois la justesse des analyses faites sur agauche.org depuis avril 2021.

Si l’officialisation ne se produit que maintenant, c’est qu’il a été tenté en Russie de ne pas trop valider les thèses des ultras, considérant qu’il faut se débarrasser de la question ukrainienne et se focaliser sur la Nouvelle Russie, sur un mode plus « tsariste » que soviétique à la années 1970-1980. Vladimir Poutine se situe idéologiquement entre ces deux options.

« Je tiens à souligner que nous savons que la majorité des personnes vivant dans les territoires libérés des néonazis, et ce sont avant tout les terres historiques de la Nouvelle Russie, ne veulent pas être sous le joug du régime néonazi.

A Zaporozhye, dans la région de Kherson, à Lougansk et à Donetsk, ils ont vu et voient les atrocités commises par les néo-nazis dans les zones occupées de la région de Kharkov. Les héritiers de Bandera et les punisseurs nazis tuent les gens, les torturent, les jettent en prison, règlent leurs comptes, sévissent, tourmentent les civils.

Plus de sept millions et demi de personnes vivaient dans les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, dans les régions de Zaporozhye et de Kherson avant le déclenchement des hostilités. Beaucoup d’entre eux ont été contraints de devenir des réfugiés, de quitter leur foyer. Et ceux qui sont restés – environ cinq millions de personnes – sont aujourd’hui soumis aux tirs constants d’artillerie et de roquettes des militants néonazis. Ils frappent des hôpitaux et des écoles, organisent des attaques terroristes contre des civils.

C’est cela qui justifie la mobilisation partielle. Les Ukrainiens, auparavant à ramener dans le giron russe, sont mis de côté, désormais il en va uniquement des régions de la Nouvelle Russie.

« Dans cette situation, j’estime nécessaire de prendre la décision suivante – elle est tout à fait adéquate aux menaces auxquelles nous sommes confrontés – à savoir : protéger notre Patrie, sa souveraineté et son intégrité territoriale, assurer la sécurité de notre peuple et des peuples dans les territoires libérés – j’estime nécessaire de soutenir la proposition du ministère de la Défense et de l’état-major général de procéder à une mobilisation partielle dans la Fédération de Russie.

Je le répète, nous parlons spécifiquement de mobilisation partielle, c’est-à-dire que seuls les citoyens qui sont actuellement dans la réserve seront soumis à la conscription, et surtout ceux qui ont servi dans les forces armées, ont certaines spécialités militaires et une expérience pertinente.

Les appelés au service militaire suivront sans faute une formation militaire complémentaire, tenant compte de l’expérience d’une opération militaire spéciale, avant d’être envoyés dans les unités. »

L’économie de guerre est instaurée, de manière relative et non absolue.

« J’ajouterai que le décret sur la mobilisation partielle prévoit également des mesures supplémentaires pour remplir l’ordre de défense de l’État. Les chefs d’entreprises de l’industrie de la défense sont directement chargés de résoudre les problèmes d’augmentation de la production d’armes et d’équipements militaires et de déployer des capacités de production supplémentaires. Inversement, toutes les questions de matériel, de ressources et de soutien financier aux entreprises de défense doivent être résolues immédiatement par le gouvernement. »

Tout cela ne doit toutefois pas faire oublier que l’aspect principal des événements, ce n’est pas la guerre fratricide Russie – Ukraine, mais l’affrontement entre grandes puissances pour le repartage du monde.

Voici ce que dit justement Vladimir Poutine ; on notera de manière significative que ces propos concluent son petit discours !

« Dans sa politique anti-russe agressive, l’Occident a franchi toutes les limites. Nous entendons constamment des menaces contre notre pays, notre peuple. Certains politiciens irresponsables en Occident ne parlent pas seulement de plans visant à organiser la fourniture d’armes offensives à longue portée à l’Ukraine – des systèmes qui permettront des frappes contre la Crimée et d’autres régions de Russie.

De telles frappes terroristes, y compris avec l’utilisation d’armes occidentales, sont déjà menées sur les colonies frontalières des régions de Belgorod et de Koursk. En temps réel, à l’aide de systèmes modernes, avions, navires, satellites, drones stratégiques, l’OTAN effectue des reconnaissances dans tout le sud de la Russie.

A Washington, Londres, Bruxelles, ils poussent directement Kiev à transférer les opérations militaires sur notre territoire. Ne se cachant plus, ils disent que la Russie doit être vaincue par tous les moyens sur le champ de bataille, suivie de la privation de toute souveraineté politique, économique, culturelle, en général, avec le pillage complet de notre pays.

Le chantage nucléaire a également été lancé. Nous parlons non seulement du bombardement de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, qui est encouragé par l’Occident, qui menace d’une catastrophe nucléaire, mais aussi des déclarations de certains représentants de haut rang des principaux États de l’OTAN sur la possibilité et l’admissibilité de utiliser des armes de destruction massive contre la Russie – des armes nucléaires.

A ceux qui se permettent de faire de telles déclarations sur la Russie, je voudrais rappeler que notre pays dispose également de divers moyens de destruction, et pour certaines composantes plus modernes que ceux des pays de l’OTAN. Et si l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple.

Ce n’est pas du bluff.

Les citoyens de la Russie peuvent être sûrs que l’intégrité territoriale de notre patrie, notre indépendance et notre liberté seront assurées – je le souligne à nouveau – avec tous les moyens dont nous disposons. Et ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que les vents peuvent aussi tourner dans leur direction.

C’est dans notre tradition historique, dans le destin de notre peuple, d’arrêter ceux qui luttent pour la domination du monde, qui menacent du démembrement et de l’asservissement de notre Patrie. Nous le ferons maintenant – et il en sera ainsi.

Je crois en votre soutien.

Les portes des enfers sont ouvertes.

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La Russie ouvre la porte des enfers le 21 septembre 2022

C’est la guerre !

Dans une vidéo enregistrée très attendue, le président russe Vladimir Poutine a annoncé le matin du 21 septembre 2022 qu’il était nécessaire de procéder à une mobilisation partielle. Sont concernés trois types de gens : ceux qui sont dans les réserves de l’armée à court, mais aussi à long terme (il existe en Russie un tel type de contrat, intitulé Boevoy Armeyskiy Rezerv Strany, BARS), ainsi que tous ceux ayant eu une expérience militaire. Les étudiants sont exemptés. Cela fait un total de 300 000 personnes, soit 100 000 de plus que ce que l’armée russe emploie depuis février 2022.

La raison de la mobilisation partielle est double : déjà organiser l’intégration des régions occupées, ce que Vladimir Poutine a présenté ainsi :

«Certaines provinces nous ont sollicité pour mettre en place des référendums. Je vous annonce que nous allons appuyer leurs démarches. Il convient de prendre les décisions suivantes : il est nécessaire de soutenir la décision et la proposition lancée par le ministère de la Défense, de mettre en place une mobilisation partielle. Seuls les citoyens se trouvant sur les listes de réserve seront mobilisés. La date du départ de cette mobilisation est aujourd’hui, le 21 septembre. Les appelés auront les mêmes avantages et privilèges que les militaires contractuels».

Ensuite, assurer l’escalade face aux pays occidentaux qui espèrent démanteler la Fédération de Russie. L’armée ukrainienne est en pratique dirigée par les occidentaux, armée par les occidentaux. La Russie fait une mise à niveau.

« Il est important de déployer des capacités militaires supérieures. L’Occident, dans sa politique agressive, a dépassé toutes les limites. Ils sont capables de frapper la Crimée et d’autres territoires russes. Il y a des bâtiments, des avions de l’OTAN qui sont mobilisés.

Les Occidentaux poussent l’Ukraine à se montrer encore plus agressive à l’égard de la Russie. Ils sont là pour écraser notre pays. Et même un chantage nucléaire est en marche, nous voyons très bien cela. La Russie est également dotée d’un certain nombre d’armes suffisamment lourdes. Si jamais les intérêts de la Russie sont menacés, nous allons utiliser toutes les armes à notre disposition. »

La principale conséquence est que la nation ukrainienne se retrouve dans une position totalement intenable. Historiquement liée à la Russie, cherchant à résister au chauvinisme grand-russe, elle a échoué à formuler autre chose qu’une allégeance ultra-nationaliste anti-Russie soumise à l’OTAN, tout en restant culturellement fondamentalement lié à la Russie. Comment va-t-elle se sortir d’une situation comme on la connaît désormais?

Les médias occidentaux se sont également beaucoup moqué de l’expression utilisée par la Russie pour désigner le conflit avec l’Ukraine : « opération spéciale ». C’était cependant quelque chose qui correspondait concrètement à la ligne russe, puisque le pays n’était pas passé en économie de guerre et que la Russie n’a pas utilisé toutes ses capacités militaires. L’armée russe n’a ainsi pas bombardé les centres de décisions du régime ukrainien à Kiev, elle n’a mobilisé que les soldats engagés et avait donc moins de soldats que l’armée ukrainienne, elle n’a pas employé tout son armement.

L’arrière-plan de cela, c’est le rapport schizophrène entre la Russie et l’Ukraine, entre les Russes et les Ukrainiens. La Russie espérait régler le « problème » ukrainien directement avec les Ukrainiens… à sa propre manière bien entendu. Cela a échoué, car la Russie nie l’Ukraine de manière aberrante et que les Ukrainiens sont majoritairement passés dans le camp du fanatisme anti-russe le plus halluciné. Le 21 septembre 2022, le président russe Vladimir Poutine a donc annoncé le grand changement d’orientation : c’est désormais une guerre, une guerre contre l’occident, pour la survie de la Russie.

Ce qui est vrai, mais ce que Vladimir Poutine ne dit pas, c’est qu’il a lui-même poussé en ce sens, notamment en brûlant les vaisseaux la semaine dernière, car ses décisions obéissent aux intérêts des couches dominantes de la Russie. La Russie obéit désormais entièrement au capitalisme monopoliste directement mêlé à l’État. Le régime russe est désormais de même nature que le régime ukrainien, à ceci près qu’il est indépendant, alors que l’Ukraine est une colonie américaine.

Tout cela confirme entièrement que la question de la guerre pour le repartage du monde est bien l’aspect principal des événements de notre époque.

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Ukraine : un 20 septembre 2022 annonciateur du cauchemar

La guerre va passer un cap, la France se subordonne à la superpuissance américaine.

Le soir du 20 septembre 2022, il était attendu que Vladimir Poutine prenne la parole à la télévision. Les heures précédentes, la tension ne cessait de monter et il semblait évident que la Russie allait annoncer la mobilisation générale, c’est-à-dire le passage à une guerre ouverte, frontale.

La prise de parole du président russe a cependant été repoussée. Ce n’est que reculer pour mieux sauter, car la thèse ici développée d’une Russie ayant brûlé ses vaisseaux la semaine précédente semble s’avérer entièrement juste.

Il a en effet été annoncé, de manière subite, la tenue de référendums pour rejoindre la Russie, dans les régions de Donetsk et de Lougansk, de Kherson et de Zaporijjia, du 23 au 27 septembre 2022. Or, ce que cela implique, c’est que si les référendums amènent ces régions à rejoindre la Russie, elles deviendront une composante légale de la Fédération de Russie du point de vue de celle-ci. La Russie se retrouverait alors de facto en guerre et cela déclencherait la mobilisation générale, l’état d’urgence, la loi martiale.

Tout cela forme un scénario parfait et l’offensive ukrainienne « réussie » par le retrait russe joue ici un rôle adéquat dans ce cadre. De son côté, le régime ukrainien ne le voit pas et d’ailleurs s’en moque ; le discours officiel est que la Russie va être défaite militairement. Des troupes sont amassées en ce moment depuis l’ouest du pays pour chercher à capitaliser l’avancée effectuée ces derniers jours.

Ce qui est aberrant quand on sait qu’une mobilisation peut aller jusqu’à deux millions de personnes, sept en cas de mobilisation absolue. Et sil es commentateurs occidentaux disent que la Russie ne peut pas réussir une telle mobilisation rapidement, cela ne tient pas. Mais si la France l’a réussi en 1914, la Russie le peut en 2022, d’autant plus que le pays est déjà militarisé depuis des décennies, avec l’apprentissage des armes étant assez répandu. De plus, le régime russe jouerait ici son va tout, donc cela va aller dans le sens d’une économie de guerre.

Le 20 septembre 2022, Vladimir Poutine a justement appelé les industries militaires russes à davantage produire. Ce qu’il va annoncer le 21 septembre ira dans le sens d’une escalade, comme annoncé ici ces derniers jours.

Et la France est de la partie. Le 20 septembre 2022, l’ambassadeur français a été convoqué au ministère russe des affaires étrangères, où il s’est fait signifier que l’utilisation des fameux canons CAESAr contre des civils, notamment dans la ville de Donetzk, était une ligne rouge. La Russie a résumé cela dans un communiqué, comme suit :

« L’accent a été mis sur le caractère inacceptable de la poursuite du gavage de l’Ukraine avec des armes occidentales, dont des françaises, que le régime de Kiev utilise pour bombarder des installations civiles et des infrastructures. »

Autrement dit : ces armes seront bientôt considérées comme frappant la Russie elle-même. C’est un avertissement très clair.

Cela n’a pas empêché le président français Emmanuel, le 20 septembre 2022 toujours, de prendre la parole à l’ONU pour appeler à unilatéralement soutenir le régime ukrainien, et à combattre la Russie. Son discours a été entièrement aligné sur les intérêts de la superpuissance américaine.

Cela fait que, sans même attendre le changement officiel d’orientation de la Russie, on a déjà passé un cap historiquement. La France et l’Allemagne ne comptent plus temporiser en rien. Le découpage possible de l’Ukraine publié ici le 26 juin 2022 est caduc. Désormais, il y aura un perdant dans l’affrontement.

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Mikhaïl Gorbatchev (1931-2022)

Il représente la fin de l’URSS.

Aujourd’hui, l’URSS ne signifie strictement rien pour les jeunes Français. C’est que l’URSS s’est effondrée d’un coup, et la presse occidentale en attribue le mérite à Mikhaïl Gorbatchev, qui vient de décéder le 30 août 2022.

C’est que Mikhaïl Gorbatchev a accompagné effectivement le démantèlement du système soviétique, qui était en faillite totale en raison du poids massif du complexe militaro-industriel. L’URSS visait la suprématie mondiale et maintenait sous son joug de nombreux pays, principalement à l’Est de l’Europe. A un moment il fallait aller à la guerre totale et mondiale, ou s’effacer.

C’est là où intervient Mikhaïl Gorbatchev. Il est arrivé à la tête de l’URSS en 1985, à 54 ans, soit un âge très jeune si on pense à ses prédécesseurs Konstantin Tchernenko et Iouri Andropov, qui ne restèrent qu’un an à la tête du pays, en raison de leur décès dû à leur âge avancé. Il prôna la Glasnost, c’est-à-dire la transparence, et la Perestroïka, c’est-à-dire la restructuration.

Autrement dit, il comptait réformer l’économie soviétique, qui était à la fois un capitalisme militarisé bureaucratique et un chaos concurrentiel de regroupements corrompus, voire mafieux. Il n’y est pas arrivé et il a décidé d’accompagner en douceur l’effacement du régime.

Photo TASS / Alexander Chumichev

Les nostalgiques de l’URSS ne lui ont jamais pardonné, pas plus que les Russes d’ailleurs. Si après la dissolution de l’URSS en 1991 il est dans toute la presse occidentale, dans des conférences et des publicités, après avoir obtenu le prix Nobel de la paix en 1990, en Russie plus personne ne veut entendre parler de lui. Lorsqu’il se présente à la présidentielle russe de 1996, il obtient 0,5% des voix.

C’est que les années de gouvernance du président russe Boris Eltsine, de 1991 à 1999, furent effroyables, avec une pauvreté systématique jusqu’à la misère, une corruption accompagnée de guerres mafieuses ouvertes ; la Russie manqua de s’effondrer. Si Vladimir Poutine est populaire aujourd’hui en Russie, c’est en raison précisément du dépassement de cette situation, du « retour » de la Russie, dont l’opération militaire en Ukraine est par ailleurs un prolongement.

C’est que Mikhaïl Gorbatchev pensait que l’URSS se maintiendrait sous une forme ou une autre, sauf que ce ne fut pas le cas. L’implosion de l’URSS le dépassa ainsi totalement, Boris Eltsine représenta une oligarchie prenant les commandes de la Russie qui le mit hors-jeu. Mikhaïl Gorbatchev apparaissait alors comme celui qui fut, en quelque sorte, un simple pion occidental au service du sabotage interne de l’URSS.

En réalité, Mikhaïl Gorbatchev est le fruit d’une société soviétique pourrie et lui-même n’a été qu’un bureaucrate carriériste essayant de gérer les choses de la meilleure manière possible, de son propre point de vue. Ce n’est pas Mikhaïl Gorbatchev qui a donné naissance à l’effondrement de l’URSS, mais l’effondrement de l’URSS qui a donné naissance à Mikhaïl Gorbatchev. Il était aussi vide de contenu que le Parti Communiste d’Union Soviétique qu’il dirigeait. Et c’était lui ou un militaire fou lançant la guerre mondiale pour la suprématie mondiale.

A l’annonce de son décès, Vladimir Poutine a tout de même salué la mort de celui qui a joué un grand rôle historiquement, ce qu’il avait déjà formulé il y a quelques années. Bien entendu, Vladimir Poutine n’a pas souligne le caractère positif ou négatif de ce rôle. Mais Mikhaïl Gorbatchev aura marqué les esprits justement, car il s’est retrouvé le grand accompagnateur d’un événement historique majeur, la fin de l’URSS. Ce que Vladimir Poutine a défini comme « la plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle ».

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L’attentat contre Alexandre Douguine et l’armée nationale républicaine russe

Quelque chose se passe.

Dans la nuit au 21 août 2022, non loin de Moscou, le véhicule de Darya Douguine a explosé car il avait été piégé, son père Alexandre Douguine devait s’y trouver mais avait changé d’avis à la dernière minute. L’action a été revendiquée depuis l’Ukraine par une Armée nationale républicaine russe.

Les gens s’intéressant à la question ukrainienne et lisant agauche.org connaissent déjà Alexandre Douguine, qui a été avec Edouard Limonov décédé en mars 2020 à la tête du mouvement « national-bolchevique » en Russie. Plusieurs mois avant le déclenchement de la guerre en Ukraine avait été publié le très important document L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne», qui présentait l’idéologie d’Alexandre Douguine et son rôle dans la négation russe de l’Ukraine.

En mars 2022, il était également souligné dans Alexandre Douguine, la guerre en Ukraine et l’extrême-Droite française que la démarche russe « impériale » provoquerait un certain élan idéologique en France, qui s’est effectivement produit dans certains secteurs nationalistes français avec une idéologie prônant empire multi-communautaire contre le mondialisme.

Sa fille Darya Douguine, tuée dans l’explosion, était sur la même ligne et participait pareillement à des réseaux d’information sur la ligne eurasienne ; elle avait été à Bordeaux et parlait par ailleurs français.

Alexandre Douguine et sa fille Darya Douguine

Il a beaucoup été dit dans les médias français qu’Alexandre Douguine est l’éminence grise de Vladimir Poutine, son Raspoutine. Ce n’est pas exact ; Vladimir Poutine est sur une ligne nationaliste imprégnée de religion orthodoxe, dans la tradition du philosophe Ivan Iline et de l’écrivain Alexandre Soljenitsyne.

Ce qui est vrai par contre est que la conception « eurasienne » d’Alexandre Douguine forme un arrière-plan idéologique incontournable dans le dispositif russe impérial à prétention anti-capitaliste, avec Moscou comme troisième Rome représentant le « continent » contre l’esprit commerçant des « îles » (avec la Grande-Bretagne et les États-Unis), soit les forces « telluriques » contre les forces « thalassocratiques ».

Une telle démarche ne peut pas être toutefois reprise telle quelle par le régime russe, car il y a une dimension mystique délirante à tous les niveaux, Alexandre Douguine se situant ici dans le prolongement de la conception d’un affrontement « à travers les âges » développé par le nazi italien Julius Evola.

Pour cette raison, le choix d’Alexandre Douguine est assez particulier si c’est réellement une opposition interne russe, car sur le plan pratique il ne représentait rien, alors que sur le plan idéologique il était en première ligne pour nier l’Ukraine et prôner depuis 2014 son effacement historique, tout comme sa fille d’ailleurs.

Cela veut dire l’alignement complet de l’opposition russe sur l’Ukraine, et donc sur les États-Unis, ce qui enlève directement tout sol en Russie à une telle opposition. La revendication par l’Armée nationale républicaine a d’ailleurs été faite depuis Kiev par l’entrepreneur Ilya Ponomarev ayant depuis plus de deux décennies une carrière d’opposant en Russie.

Cette revendication s’aligne sur les multiples actions que tentent l’Ukraine contre la Crimée ; Ilya Ponomarev s’était opposée à l’annexion de la Crimée, une chose strictement inconcevable en Russie où la Crimée est vue comme une composante historique absolument inaliénable, avec une très grande insistance sur la ville de Sébastopol.

On est ici dans la tentative de faire s’effondrer la Russie, en générant une opposition interne qui puisse servir d’intermédiaire pour sa vassalisation, l’Ukraine se voyant prendre un rôle majeur dans la région, du moins l’imagine-t-elle car en réalité c’est la Pologne qui deviendra centrale. On retrouve ici toutes les problématiques impérialistes des années 1910-1920-1930, avec un rebattage des cartes géographiques, pour un repartage général du monde.

Il est évident ici que quelque chose de profond se passe, une tentative de prévoir les événements d’après – d’après la défaite d’un des deux protagonistes de la guerre russo-ukrainienne. L’escalade apparaît donc comme inévitable : aucune porte de sortie n’est plus possible.

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« Contre la marine chinoise, nous gagnerons si nous nous battons ensemble »

Tels sont les propos de l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine.

Le chef d’état-major de la Marine a répondu, à huis-clos, à des questions de parlementaires dans le cadre de la Commission de la défense nationale et des forces armées, le 27 juillet 2022. Les propos tenus sont cependant retranscrits par la suite.

C’est le genre de situation où on voit que tous les députés sans exception cherchent à moderniser et à renforcer l’armée française, y compris le député LFI M. Aurélien Saintoul. Et les propos de l’amiral Pierre Vandier ont été à leurs attentes, car tout a été d’un militarisme et d’un bellicisme assumés.

Voici les propos les plus significatifs, où l’ennemi c’est la Chine et la Russie, ainsi que la Turquie ; il est ouvertement dit qu’il y aura une guerre maritime contre la Chine, que la France doit pour cela être membre d’une coalition anti-chinoise, qu’on devine évidemment dirigée par la superpuissance américaine. « Il est donc temps de se battre comme des diables. »

« Les problèmes que nous rencontrons sont profonds et durables. Il ne s’agit plus de crises, comme nous en avons connu dans les trente dernières années, mais de ruptures profondes, d’ordre géopolitique, militaire et environnemental, dans un contexte de délitement accéléré de l’ordre international.

Nul besoin de dresser la liste des traités qui se sont effondrés depuis 2015 : en mer, la marine le mesure chaque jour, avec la fragilisation du respect du droit de la mer et de la liberté de navigation.

La marine est aux premières loges de ces ruptures (…).

Je vous invite maintenant à regarder les défis à venir dans leur globalité, avec la bonne focale. Le conflit en Ukraine montre le caractère global des crises. Ses effets sont ressentis bien au-delà des terres meurtries du Donbass. Si les destructions se concentrent sur l’Ukraine, le blocus naval russe a des effets sur la sécurité alimentaire de millions d’êtres humains sur plusieurs continents.

Sur le plan naval, le dispositif russe est aussi déployé en Méditerranée, dans l’océan Atlantique et dans l’océan Pacifique. Le potentiel militaire naval russe est quasiment intact, à l’exception du Moskva. La force sous-marine russe n’a quasiment pas été utilisée depuis le début du conflit.

Le conflit en Ukraine est d’abord terrestre, mais il a révélé l’effet direct de la compétition pour les flux sur nos économies. Le blocus imposé à l’Ukraine a contraint à une reconfiguration majeure des flux d’exportation de ce pays et fait peser à terme une grave hypothèque sur son avenir, récemment illustrée par les discussions autour de l’exportation du blé ukrainien.

La dépendance européenne aux flux maritimes est aussi considérable pour les biens de consommation et, depuis peu, pour l’énergie.

La mer n’est pas vide, de très nombreux bateaux de plus de quarante mètres participent à un trafic qui bouge en permanence. Chaque jour, quinze super porte-conteneurs, transportant 20 000 « boîtes » chacun, franchissent le canal de Suez en direction des ports européens. Débarqués, ces 300 000 containers représentent une file de camions ininterrompue de Brest à Berlin !

La voilà, notre dépendance. Ce que vous avez sur vos bureaux, dans votre frigidaire, vos costumes, tout cela transite en partie par le canal de Suez, qui voit passer chaque jour l’équivalent d’un Rungis annuel.

La marine et les marines alliées sont les acteurs de la sécurisation de ces flux. Tel est notamment le cas dans le détroit d’Ormuz, depuis que nous avons déployé la mission AGÉNOR en 2019, à la suite de vives tensions entre Américains et Iraniens, ces derniers menaçant le trafic commercial dans la zone. Le Surcouf, qui y participait, vient de rentrer de patrouille. Coordonnés par un état-major aux Émirats arabes unis, les Européens se relèvent pour assurer cette mission.

La route qui nous sépare des gisements de gaz du Golfe n’est pas simple.

Les navires doivent franchir trois points resserrés, dont la maîtrise à moyen terme n’est pas garantie : le détroit d’Ormuz, sécurisé par la mission AGÉNOR ; le détroit de Bab-el-Mandeb, sur lequel donne Djibouti et où une base chinoise prend un essor assez inquiétant ; le canal de Suez, qui, dans l’histoire, n’a pas toujours été simple à utiliser et à la sortie duquel se trouve aujourd’hui la base russe de Tartous qui déploie une activité militaire loin d’être négligeable.

Il suffit d’une montée en tension pour que les choses se compliquent et que ces flux soient rapidement menacés.

Nul ne peut nier les effets de ces ruptures sur le quotidien des Français, sur leur niveau de vie, sur la continuité de nos approvisionnements et sur notre économie, aujourd’hui et demain plus encore. Nous le constaterons probablement cet hiver lorsque nous devrons rationner l’énergie.

Pour la marine, obéir au mot d’ordre du chef d’état-major des armées (CEMA), « gagner la guerre avant la guerre », c’est surveiller, comme nous le faisons depuis des mois, les flottes de surface et sous-marines russe et chinoise, en assurant le maintien de notre liberté de manœuvre et de la liberté de navigation.

C’est enfin atteindre le niveau d’agilité voulue par le CEMA dans l’emploi des forces. C’est ainsi qu’en quarante-huit heures, nous avons fait basculer la mission du GAN [Groupe aéronaval autour d’un porte-avions], qui était engagé en soutien de l’Irak, pour participer à la réassurance aérienne du flanc oriental de l’OTAN.

Des patrouilles aériennes de combat (Combat Air Patrol, CAP) sont parties du porte-avions pour voler au-dessus de la Roumanie, de la Croatie et de la Bosnie, où des tensions émergeaient, en appui de nos alliés, notamment un GAN américain. Pendant toute cette période, nous étions au contact permanent de la flotte russe (…).

Pour aller de Chine en Atlantique, il faut soit franchir les nombreux détroits précédemment cités, soit emprunter la route maritime du Nord. À l’heure actuelle, les Chinois construisent une flotte de cinq brise-glace pour s’offrir la possibilité de basculer leurs forces du Pacifique vers l’Atlantique, avec l’amitié des Russes.

Mon homologue norvégien, que j’ai rencontré en Norvège au mois de mars, ne m’a pas parlé de la flotte russe du Nord, basée juste à côté, à Mourmansk, mais de l’arrivée prochaine de la marine chinoise dans l’océan Atlantique.

Bientôt, il ne sera pas nécessaire d’aller en mer de Chine pour trouver des forces militaires chinoises.

J’ai passé les deux dernières années à expliquer un peu partout que nous assistons à un mouvement de réarmement naval sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

En 2030, le tonnage de la marine chinoise sera 2,5 fois supérieur à celui de la marine américaine qui, en dépit de ses efforts, restera stable, voire continuera à se réduire, tandis que la flotte chinoise croît de façon géométrique.

En Méditerranée aussi, certaines marines affichent des croissances de leurs tonnages à trois chiffres de 2008 à 2030. Il aura fallu que les Turcs achètent aux Russes des missiles S-400 pour que les Américains renoncent à leur donner les F-35 qui devaient équiper leurs deux porte-avions !

La question qui se pose, et que vous devez vous poser dans cette commission, est la suivante : pourquoi tout ce monde réarme-t-il ? Pourquoi consacrer tant d’argent et d’énergie à l’équipement des marines, alors même que certains des pays concernés, notamment la Chine et la Turquie, sont d’abord des puissances continentales ? (…)

Nous devons aller chercher, dans la coopération avec nos alliés, ce qui nous manque, pour parvenir à la masse critique. Pour ce faire, il faut continuer à développer l’interopérabilité de nos systèmes, d’autant que l’accélération technologique la rend plus complexe.

Il faut que les systèmes se parlent et que les armes soient compatibles. Nous devons préparer la capacité à combattre ensemble. Contre la marine chinoise, nous gagnerons si nous nous battons ensemble, en coalition (…).

Pour reprendre les mots du Président de la République, « la guerre resurgissant à nos portes, à nos frontières, a tout changé. Et elle va nous impliquer de changer encore davantage. ». Cela demande un esprit combatif, d’avoir une ambition lucide et réaliste, d’avoir du courage et de la persévérance, de savoir inventer et imaginer.

Il ne faut jamais désespérer de notre talent, dirait Marc Bloch. Lorsqu’on dit d’une chose qu’elle est impossible, qu’il y a des objections insurmontables, alors il est temps, disait l’amiral Fisher, First Sea Lord de la marine britannique pendant la Première Guerre mondiale, de se battre comme un diable.

Les temps qui sont devant nous vont être durs. Notre responsabilité vis-à-vis des générations futures est historique. Il est donc temps de se battre comme des diables. »

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La menace nucléaire (tactique) française sur la Russie de mars 2022

Une démarche criminelle du militarisme.

C’est le Canard enchaîné qui le « révèle ». Il faut mettre des guillemets car le Canard enchaîné n’est pas un organe de presse « neutre », mais une caisse de résonance du combat fratricide des factions des classes dominantes. L’information donnée vise d’ailleurs clairement les bourgeois pour qu’ils se mettent à la page, ce n’est nullement une initiative anti-guerre !

D’ailleurs, tous les milieux informés savent que la Russie et la Chine procèdent depuis trois mois à des attaques internet massives en France. Pour autant, ce n’est dit nulle part, car il y a une opération de remue-ménage pour habituer la bourgeoisie dans son ensemble à mettre le pays sur le pied de guerre.

L’initiative militariste des 8-9 mars 2022 est ici exemplaire. L’armée française a mené un exercice de telle manière que le satellite russe puisse l’observer ; il s’agissait de 43 Rafales s’entraînant à lancer un missile atomique, dans le cadre d’une simulation avec un pays ennemi ayant, justement, toutes les caractéristiques de la Russie.

C’est là naturellement jouer avec le feu ; cela relève d’un esprit d’escalade. C’est typique d’un état-major d’un pays capitaliste visant à être aux premières loges de la bataille pour le repartage du monde.

Mais on aurait tort toutefois de penser que c’est une simple démonstration de force concernant le feu nucléaire global. Pas du tout ! C’est bien pire.

La doctrine militaire française concernant l’emploi du feu nucléaire implique en effet que l’utilisation d’un avion transportant un missile nucléaire soit symbolique. C’est pour indiquer la détermination de l’armée française, car l’avion est repérable sur les radars. Les missiles nucléaires eux-mêmes partent toutefois des « Sous-Marins Nucléaires Lanceurs d’Engins » (SNLE).

Le Canard enchaîné indique d’ailleurs que trois SNLE avaient pris la mer au début de la guerre Russie-Ukraine, au lieu d’un seul normalement. A ce niveau on est effectivement dans l’avertissement du feu nucléaire global.

En ce qui concerne les avions, par contre, on fait face à la question des petites bombes nucléaires, celles qu’on considère désormais comme pouvant être utilisés sans déclencher la guerre nucléaire globale. On parle ici d’armes nucléaires tactiques ; elles sont de maximum 300 kilotonnes, de moindre puissance par rapport aux armes nucléaires traditionnelles. Voici un exemple pour une bombe de 100 kilotonnes lancée à la surface de Paris.

En jaune, la boule de feu nucléaire, entouré en rose claire du souffle principal ; en vert la zone radioactive, et la petite zone autour est celle des dégâts moyens ; en orange clair la zone concernée par la chaleur (brûlure au 3e degré) ; en gris les dégâts légers.

Voici un exemple pour une bombe de 10 kilotonnes.

Cela n’a jamais été rendu officiel, mais en cas de conflit entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie dans les années 1980, il était prévu des deux côtés d’utiliser ces armes nucléaires tactiques en cas de victoire rapide du camp ennemi. Du côté de l’OTAN par exemple, si jamais les tanks du Pacte de Varsovie réussissaient à massivement passer, que ce soit par la trouée de Fulda, la plaine d’Allemagne du Nord ou la vallée du Danube en Autriche, les armes nucléaires tactiques seraient employées.

La France entendait faire elle-même pareillement si le Pacte de Varsovie arrivait vers ses frontières, ce qui signifie que la Belgique et l’Allemagne seraient la cible d’armes nucléaires tactiques françaises visant les troupes ennemies.

Plus qu’une guerre nucléaire généralisée détruisant tout, la guerre entre les deux camps ennemis dans les années 1980 aurait été une sorte de guerre totale avec l’emploi d’armes nucléaires tactiques de manière régulière, du moins au départ.

Cela étant, cela aurait vite débordé. La technologie n’était en fait pas encore assez au point. Les forces américaines en Allemagne de l’Ouest devaient ainsi déclencher à la main les bombes nucléaires tactiques, dans un contexte de guerre venant de commencer et donc de chaos relatif dans le commandement. Il n’y avait pas encore des satellites comme aujourd’hui, des missiles efficaces, précis et rapides, etc.

Il était donc prévu du côté de l’OTAN d’anéantir directement l’Autriche avant que le Pacte de Varsovie ne passe, afin de ne rien risquer, et les deux camps auraient lancé massivement leurs missiles nucléaires en cas de perte de vitesse pour ne pas se laisser vaincre par surprise, tellement il était difficile d’avoir un aperçu général de la situation, de par la situation technologique alors.

Désormais, une guerre nucléaire tactique est par contre tout à fait jouable… On peut gérer les choses de manière « millimétrée ». Cela rejoint la question du contournement de l’équilibre de la terreur (qu’on trouve exposée dans l’article « Les stratégies impérialistes de contournement de l’équilibre de la terreur à l’époque de la seconde crise générale du capitalisme : l’asphyxie comme approche de la superpuissance américaine, le délitement comme approche sino-russe » dans la revue pdf Crise de Février 2022).

En fait, l’arme nucléaire, de stratégique, devient tactique. C’est cela qui est en train de se mettre en place. Personne ne lancera une guerre nucléaire globale pour la destruction nucléaire de quelques kilomètres carrés sur un territoire – tout en répondant de la même manière.

C’est la bataille pour le repartage du monde, c’est le processus en cours, c’est la catastrophe en cours.

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Vidéo et discours du 9 mai 2022 à Moscou

C’était une séquence très attendue.

Le 9 mai est pour les pays de l’ex-Union Soviétique l’équivalent du 8 mai pour nous en France, le jour de la victoire sur le nazisme ; le décalage tient à la différence de fuseau horaire lors de la reddition de l’Allemagne nazie.

Cela dit le régime ukrainien a désormais modifié la date en le 8 mai, « arrangeant » son contenu, afin de se conformer à l’idéologie des pays capitalistes occidentaux, c’est-à-dire de gommer le côté « soviétique » donc, ce qui converge avec sa propre approche de se revendiquer du nationalisme ukrainien allié au nazisme.

Rappelons qu’en Ukraine, toute valorisation de l’URSS à quelque niveau que ce soit est interdite, tout comme tout ce qui relève de l’idéologie communiste. Les monuments célébrant la résistance soviétique au nazisme sont systématiquement détruits, tout comme d’ailleurs tout ce qui a une dimension « soviétique » dans l’architecture, la décoration, etc.

Le discours de Vladimir Poutine, incontournable pour qui veut saisir les tenants et aboutissants de la guerre en Ukraine, prend bien entendu cette position à contre-pied, insistant sur le passé soviétique, présentant la Russie comme le vrai rempart multi-ethnique au nationalisme, etc.

On notera ici que les commentateurs occidentaux n’ont cessé de dire qu’il n’y aurait pas assez de troupes pour le défilé, que Vladimir Poutine déclarerait officiellement la guerre, car l’armée russe est en train d’être défaite, etc.

Le 9 mai 2022 s’est cependant tenu très exactement comme il se déroule chaque année, à tous les niveaux. Tout est très protocolaire, et c’est resté entièrement traditionnel.

Voici donc la vidéo du défilé militaire, suivi du discours de Vladimir Poutine. On notera au passage que de tels défilés militaires ont lieu dans toutes les principales villes de Russie, comme les manifestations de masse du « régiment des Immortels », où les gens défilent en tenant des pancartes avec une photographie d’un ancêtre ayant participé à la « grande guerre patriotique » contre l’Allemagne nazie et ses alliés.

On notera également absolument, à la fin de la vidéo du défilé militaire, le moment profondément intense et pathétique où le président russe Vladimir Poutine assume un air débonnaire et profondément mélancolique, typiquement russe, foncièrement russe, au moment il pose une fleur sur chaque symbole des « villes héroïques » de la grande guerre patriotique, dont Kiev et Odessa.

Citoyens russes, Chers vétérans, Camarades soldats et marins, sergents et sergents-majors, aspirants et sous-officiers, Camarades officiers, généraux et amiraux,

Je vous félicite pour le Jour de la Grande Victoire !

La défense de notre Patrie lorsque son destin était en jeu a toujours été sacrée.

C’est avec le sentiment du vrai patriotisme que la milice de [Kouzma] Minine [simple boucher qui souleva Moscou contre les Polonais au 16e siècle] et [du prince Dmtri] Pojarski [qui participa à cette lutte et devint le « Sauveur de la mère-patrie »] s’est soulevée pour la patrie, que les soldats sont passés à l’offensive sur le champ de Borodino [contre Napoléon, non loin de Moscou] et ont chassé l’ennemi de Moscou et Leningrad, Kiev et Minsk, Stalingrad et Koursk, Sébastopol et Kharkov.

Aujourd’hui, comme par le passé, vous vous battez pour notre peuple dans le Donbass, pour la sécurité de notre mère-patrie, pour la Russie.

Le 9 mai 1945 a été inscrit à jamais dans l’histoire du monde comme un triomphe du peuple soviétique uni, sa cohésion et sa puissance spirituelle, un exploit sans précédent sur les lignes de front et sur le front intérieur.

Le Jour de la Victoire est intimement cher à nous tous. Il n’y a pas de famille en Russie qui n’ait été brûlée par la Grande Guerre patriotique.

Sa mémoire ne s’efface jamais.

Ce jour-là, les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants des héros défilent dans un flux sans fin du Régiment Immortel. Ils portent des photos des membres de leur famille, des soldats tombés qui sont restés jeunes pour toujours et des anciens combattants qui sont déjà partis.

Nous sommes fiers de la génération courageuse invaincue des vainqueurs, nous sommes fiers d’être leurs successeurs, et il est de notre devoir de préserver la mémoire de ceux qui ont vaincu le nazisme et nous ont confié la vigilance et tout pour contrecarrer l’horreur d’une autre guerre mondiale.

C’est pourquoi, malgré toutes les controverses dans les relations internationales, la Russie a toujours prôné la mise en place d’un système de sécurité égal et indivisible, indispensable à l’ensemble de la communauté internationale.

En décembre dernier, nous avons proposé de signer un traité sur les garanties de sécurité. La Russie a exhorté l’Occident à mener un dialogue honnête dans la recherche de solutions significatives et de compromis, et à tenir compte des intérêts de chacun.

En vain. Les pays de l’OTAN ne voulaient pas nous écouter, ce qui signifie qu’ils avaient des plans totalement différents. Et nous l’avons vu.

Une autre opération punitive dans le Donbass, une invasion de nos terres historiques, dont la Crimée, était ouvertement en préparation. Kiev a déclaré qu’il pourrait parvenir aux armes nucléaires. Le bloc de l’OTAN a lancé un renforcement militaire actif sur les territoires qui nous sont adjacents.

Ainsi, une menace absolument inacceptable pour nous se créait à nos frontières en montant en puissance. Tout indiquait qu’un affrontement avec les néo-nazis et les banderistes soutenus par les États-Unis et leurs sbires était inévitable.

Permettez-moi de répéter que nous avons vu l’infrastructure militaire se construire, des centaines de conseillers étrangers commencer à travailler et des équipements d’armes de pointe être régulièrement livrées en provenance des pays de l’OTAN.

La menace grandissait chaque jour.

La Russie a lancé une frappe préventive contre l’agression. C’était une décision forcée, opportune et la seule correcte. Une décision d’un pays souverain, fort et indépendant.

Les États-Unis ont commencé à revendiquer leur exceptionnalisme, en particulier après l’effondrement de l’Union soviétique, dénigrant ainsi non seulement le monde entier mais aussi leurs satellites, qui doivent faire semblant de ne rien voir et docilement le suivre.

Mais nous sommes un pays différent. La Russie a un caractère différent. Nous n’abandonnerons jamais notre amour pour notre mère-patrie, notre foi et nos valeurs traditionnelles, les coutumes de nos ancêtres et le respect de tous les peuples et cultures.

Pendant ce temps, l’Occident semble prêt à annuler ces valeurs millénaires. Une telle dégradation morale sous-tend les falsifications cyniques de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, aggravant la russophobie, célébrant les traîtres, se moquant de la mémoire des victimes et effaçant le courage de ceux qui ont remporté la Victoire dans la souffrance.

Les milices du Donbass aux côtés de l’armée russe se battent aujourd’hui sur leur terre, où les serviteurs des princes Svyatoslav et Vladimir Monomakh [tous deux grands-ducs de la Rus’ de Kiev au 10e-11e siècle], les soldats sous le commandement de Roumiantsev et Potemkine, Souvorov [tous d’immenses grandes figures militaires du 18e siècle] et Brusilov [responsable militaire durant la première guerre mondiale rejoignant l’armée rouge] ont écrasé leurs ennemis, où les héros de la Grande Guerre patriotique [le commandant du premier front ukrainien libérant Kiev et tué par les banderistes en 1944] Nikolai Vatoutine, [la grande figure des partisans anti-nazis l’Ukrainien] Sidor Kovpak et [la tireuse d’élite ukrainienne] Lyudmila Pavlichenko ont résisté jusqu’au bout.

Je m’adresse à nos forces armées et aux milices du Donbass. Vous vous battez pour notre patrie, son avenir, pour que personne n’oublie les leçons de la Seconde Guerre mondiale, pour qu’il n’y ait pas de place dans le monde pour les tortionnaires, les escadrons de la mort et les nazis.

Aujourd’hui, nous nous inclinons devant la mémoire sacrée de tous ceux qui ont perdu la vie dans la Grande Guerre patriotique, les mémoires des fils, filles, pères, mères, grands-pères, maris, épouses, frères, sœurs, parents et amis.

Nous inclinons la tête à la mémoire des martyrs d’Odessa qui ont été brûlés vifs à la Maison des syndicats en mai 2014 [par les nationalistes ukrainiens], à la mémoire des personnes âgées, des femmes et des enfants du Donbass qui ont été tués dans des bombardements atroces et barbares par des néo-nazis [de 2014 à 2022].

Nous inclinons la tête devant nos camarades combattants qui sont morts courageusement dans la juste bataille – pour la Russie.

Je déclare une minute de silence.

[Une minute de silence.]

La perte de chaque officier et soldat est douloureuse pour nous tous et une perte irrémédiable pour les familles et les amis.

Le gouvernement, les autorités régionales, les entreprises et les organismes publics feront tout pour entourer ces familles et les aider. Un soutien particulier sera apporté aux enfants des compagnons d’armes tués et blessés.

Le décret présidentiel à cet effet a été signé aujourd’hui.

Je souhaite un prompt rétablissement aux soldats et officiers blessés, et je remercie les médecins, les ambulanciers, les infirmières et le personnel des hôpitaux militaires pour leur travail désintéressé. Notre plus profonde gratitude va à vous pour avoir sauvé chaque vie, n’épargnant souvent aucune pensée pour vous-mêmes sous les bombardements sur les lignes de front.

Camarades,

Des soldats et des officiers de nombreuses régions de notre immense mère-patrie, y compris ceux qui sont directement arrivés du Donbass, de la zone de combat, se tiennent maintenant côte à côte ici, sur la Place Rouge.

Nous nous souvenons comment les ennemis de la Russie ont essayé d’utiliser des gangs terroristes internationaux contre nous, comment ils ont essayé de semer des conflits interethniques et religieux afin de nous affaiblir de l’intérieur et de nous diviser.

Ils ont complètement échoué.

Aujourd’hui, nos guerriers de différentes ethnies se battent ensemble, se protégeant mutuellement des balles et des éclats d’obus comme des frères.

C’est là que réside la puissance de la Russie, une grande puissance invincible de notre nation multiethnique unie.

Vous défendez aujourd’hui ce pour quoi vos pères, grands-pères et arrière-grands-pères se sont battus. Le bien-être et la sécurité de leur patrie étaient leur priorité absolue dans la vie.

La loyauté envers notre patrie est la principale valeur et un fondement fiable de l’indépendance de la Russie également pour nous, leurs successeurs.

Ceux qui ont écrasé le nazisme pendant la Grande Guerre patriotique nous ont montré un exemple d’héroïsme pour tous les âges. C’est la génération des vainqueurs, et nous les admirerons toujours.

Gloire à nos forces armées héroïques ! Pour la Russie ! Pour la victoire ! Hourra !

[Les soldats répondent par plusieurs « Hourras », suit l’hymne russe fondé sur le thème musical l’hymne soviétique, alors que sont tirées des salves d’artillerie par des armes d’époque, rappelant la tradition soviétique de marquer les victoires pendant la « grande guerre patriotique ».]

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Nihilisme anti-russe : un tableau de Degas rebaptisé « ukrainien » par la National Gallery de Londres

C’est simplement du fanatisme belliciste.

La National Gallery est en quelque sorte l’équivalent du musée du Louvre, version britannique. Elle possède un tableau du peintre français Edgar Degas, Danseuses russes, peint vers 1899, d’ailleurs non exposé. En raison de la guerre en Ukraine, la National Gallery a pris l’initiative de renommer le tableau, dans une relecture forcée et artificielle de l’Histoire. Ce sont désormais des « danseuses ukrainiennes ».

On ne peut pas ici montrer le tableau, car si le musée est gratuit, la reproduction des œuvres ne l’est pas, le capitalisme ayant conquis ce domaine également. On peut voir le tableau ici ; on remarquera alors que les danseuses ont dans les cheveux et sur les jupes des danseuses des rubans bleus et jaunes. C’est le prétexte pour la National Gallery pour dire que les danseuses sont en fait ukrainiennes. Officiellement, cela répond à une demande de Tanya Kolotusha, une Ukrainienne vivant à Londres.

C’est là un exemple de nationalisme, de bellicisme, de décadence des institutions bourgeoises, et donc de barbarie et de nihilisme. Pour deux raisons. Tout d’abord, on ne peut pas renommer un tableau dont le titre a été choisi par son réalisateur. Cela n’a pas de sens. On peut faire une précision, un panneau critique à côté de l’œuvre, mais on ne décide pas arbitrairement de réécrire l’Histoire.

Ensuite, il y a la nature du tableau en lui-même. Car il ne faudrait pas croire qu’Edgar Degas, en peintre réaliste, s’est promené dans les contrées paysannes ukrainiennes à la fin du 19e siècle pour faire un portrait du peuple. Edgar Degas est un impressionniste parisien, qui n’en fait qu’à sa tête. Le quotidien Le Figaro se moquait de lui ainsi en 1877 :

« Essayez donc de faire entendre raison à M. Degas ; dites-lui qu’il y a en art quelques qualités ayant nom : le dessin, la couleur, l’exécution, la volonté, il vous rira au nez et vous traitera de réactionnaire. »

Et l’une de ses sources d’inspiration pour ses œuvres impressionnistes, ce sont les danseuses de l’opéra. Voilà où Edgar Degas a vu les danseuses russes et d’ailleurs il y a plusieurs tableau de danseurs russes. Car Edgar Degas s’était focalisé sur ce thème. Cela est présenté ainsi par le site du ministère français de la culture L’Histoire par l’image, dans l’article Degas et la célébration de la danse féminine à l’opéra :

« Peintre des danseuses » : ainsi Manet définit-il Degas dans une lettre adressée à Fantin-Latour en 1868, anticipant d’une dizaine d’années le jugement des critiques ; ainsi est-il encore connu aujourd’hui en raison du grand nombre d’œuvres qu’il a consacrées à ce sujet de 1860 jusqu’aux années 1890.

Degas ne partage pourtant pas, à l’égard des danseuses, l’admiration intéressée de la plupart des habitués de l’Opéra, notamment des riches abonnés. Si le peintre insiste auprès de l’administration du théâtre pour obtenir l’abonnement annuel à trois soirées hebdomadaires, partageant les frais – et la place – avec des amis, et s’il se réserve le très convoité droit d’accès aux coulisses et au foyer de la danse, ce n’est pas pour des aventures galantes.

Degas est fasciné par le monde des danseuses et le représente tel qu’il est, sans tomber dans le voyeurisme ou dans les préjugés qu’il suscite dans la société de son temps. Comme il peut assister aux classes, aux répétitions, aux spectacles et au repos des danseuses et que, de plus, il en invite souvent dans son atelier, Degas connaît bien leurs habitudes et leur milieu de travail, le dur entraînement caché derrière les gestes légers et élégants et les sourires affichés sur la scène.

Ce que cela implique, c’est qu’il y a une très faible probabilité pour que ces danseuses aient été ukrainiennes. La danse était déjà en Russie une activité extrêmement développée, le ballet russe était déjà professionnel. Comme l’Ukraine paysanne était marginalisée et exploitée dans l’empire russe, il y a peu de chances matérielles qu’elle ait pu envoyer des danseuses. Il y a par contre bien plus de chances que ce soit des danseuses russes, de Moscou ou de Saint-Pétersbourg, célébrant un aspect culturel, ukrainien, de l’empire russe…

Mais raisonner ainsi c’est déjà raisonner et on sort de ce qu’a fait la National Gallery, qui se place simplement en convergence avec le bellicisme délirant du Royaume-Uni. Tous ces gens qui travaillent dans la culture sont formés par le capitalisme, ils ont des mentalités capitalistes, et ils se précipitent toujours pour être en phase avec le capitalisme.

On a un exemple français parlant avec l’orchestre philharmonique de Strasbourg qui, devant jouer Stravinski, Rachmaninov et Prokofiev, a début mars 2022 supprimé les titres des représentations « De Paris à Moscou », « Esthétiques russes » et « Maîtres russes ».

C’est là directement servir les grandes puissances voulant dépecer la Russie et, pour pouvoir le faire, il faut prétendre qu’elle n’a jamais vraiment existé.  C’est du nihilisme et cela correspond à la réécriture fasciste de l’Histoire.

La directrice générale de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg a justifié cette décision en expliquant :

« Il y a des mots qu’on ne peut plus manier aujourd’hui sans provoquer un risque de controverse. Que se serait-il passé si on avait affiché partout en ville un concert intitulé « Maîtres russes » ? Je pense que cela n’est plus à propos dans le contexte géopolitique actuel. »

Marie Linden, directrice générale de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, ce n’est pas n’importe qui. Sa ville est parsemée d’affiches de son orchestre. Et elle fait de la « géopolitique » . Et elle a décidé : les maîtres russes n’en sont plus, l’esthétique russe n’est ni esthétique ni russe, Moscou est un mot banni.

A part ça, ni elle ni la National Gallery ne sont dans le fanatisme anti-Russie, non, pas du tout !

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Les réactionnaires poussent en France à la guerre contre la Russie

Ils convergent avec l’OTAN en prenant comme prétexte le « génocide ».

Un yacht d’une valeur de 90 millions d’euros a été saisi aux Baléares. Il y a en effet le soupçon qu’il appartienne à l’oligarque russe Viktor Vekselberg. Celui-ci n’est pourtant pas visé par les sanctions de l’Union européenne. Mais la saisie s’est faite à la demande du Département du Trésor des États-Unis, qui vise quant à lui cet oligarque depuis 2018, dans le cadre des sanctions américaines en général contre la Russie. Cela en dit long sur le rôle de la superpuissance américaine et sur son influence. Ce qu’elle décide est, peu ou prou, appliqué.

Et l’objectif américain est de faire tomber la Russie et de la démanteler. C’est tout à fait clair. La ligne de Donald Trump était de mettre la Russie de côté pour se focaliser entièrement sur la Chine, la ligne de Joe Biden est que le chemin à Pékin passe par Moscou. Dans ce cadre, l’Ukraine sert de chair à canon, d’une part, de levier militariste pour faire des pays européens de la chair à canon également, d’autre part.

L’accusation de « génocide » à l’encontre de l’armée russe contre la population civile de Boutcha concerne précisément le second aspect. Il s’agit d’une levée en masse politique et médiatique pour mobiliser l’opinion publique européenne en faveur de la guerre. L’objectif est de tout mettre en œuvre pour fragiliser, agresser la Russie, la faire vaciller, le faire tomber. Le moyen est le blocus généralisé – jusqu’à l’effacement culturel comme on l’a vu avec les auteurs et compositeurs russes passant à la trappe – et la fourniture massive d’armes, avec la tendance à aller le plus possible à l’intervention de l’OTAN en Ukraine.

La thèse de l’armée russe massacrant les civils ukrainiens est unanimement acceptée. Elle est reprise dans une grande convergence avec les intérêts de l’OTAN, car il n’existe pas de fausse naïveté : quand on reprend pour argent comptant ce que dit l’armée ukrainienne, on ne peut pas dire qu’on ne sait pas ce qu’on fait. Car la source, c’est l’armée ukrainienne, avec des médias directement inféodée à elle. Qui croit que les choses se passent différemment n’a rien compris au capitalisme et aux grandes puissances.

Et la pression est énorme. Elle oblige à converger avec la superpuissance américaine à moins d’être démocratique et populaire, parce que là il est clair, du point de vue occidental, qu’il y a un moyen de faire tomber la Russie et de la conquérir. Les intérêts de la grande puissance française s’imposent… Il est d’ailleurs clair ici que Jean-Luc Mélenchon, en admettant l’hypothèse qu’il soit élu président de la République, n’aurait jamais sorti la France de l’OTAN. Pareil pour Eric Zemmour d’ailleurs. Leur acceptation de la prédominance américaine en acceptant le discours sur le « génocide » est ici opportuniste et révèle bien leur nature.

On notera le discours plus ambigu de Marine Le Pen, mais tendanciellement il vans la même direction.

Tout cela a une raison très simple : l’actualité mondiale, c’est l’affrontement pour l’hégémonie mondiale entre la superpuissance américaine et son challenger chinois. C’est par rapport à cela que tout se place. Et inévitablement, ceux qui sont pour le capitalisme en substance se mettent à converger, d’une manière ou d’une autre, avec cet affrontement.

La question de la future guerre mondiale est totalement décisive, elle impose la formation de blocs et aspire les forces qui sont incapables d’indépendance – en raison de faiblesses sur le plan des idées, sur le plan de la base sociale, sur le plan des analyses, sur le plan programmatique, etc.

Personne ne peut contourner cette réalité. Et l’accusation de « génocide » relève d’une phase très précise de mobilisation sous l’égide de la superpuissance américaine, pour la guerre contre la Russie.

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Politique

Le meeting de Vladimir Poutine du 18 mars 2022

Il synthétise l’idéologie de l’Etat russe et de sa guerre en Ukraine.

C’est une initiative politique au sens le plus pur du terme que Vladimir Poutine a pris le 18 mars 2022. Traditionnellement, le 18 mars est une journée de célébration à la fois patriotique et nationaliste du retour de la Crimée à la Russie en 2014. Cette fois, le paquet a été mis pour une démonstration de force alors que la Russie connaît une avalanche de sanctions de la part des pays capitalistes occidentaux et des pays qui leur sont directement reliés dans l’Est de l’Europe. 80 000 personnes se sont rassemblées dans le stade Loujniki à Moscou, 30 000 étant à l’extérieur devant des écrans géants, pour un concert avec, en son cœur, un discours de Vladimir Poutine.

La nature de ce discours est naturellement de la plus haute importance, puisqu’elle résume la position de l’État russe, qui plus est en quelques minutes seulement. Qu’a dit Vladimir Poutine? Il a commencé son discours déjà par les premiers mots de la longue phrase inaugurant la constitution de la Russie. Voici la phrase, les mots cités par Vladimir Poutine étant en gras.

« Nous, peuple multinational de la Fédération de Russie, uni par un destin commun sur notre terre, affirmant les droits et libertés de l’homme, la paix civile et la concorde, conservant l’unité de l’État historiquement constituée, nous fondant sur les principes universellement reconnus d’égalité en droit et d’autodétermination des peuples, vénérant la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis l’amour et le respect de la Patrie, la foi dans le bien et la justice, faisant renaître l’État souverain de la Russie et rendant intangible son fondement démocratique, visant à assurer le bien-être et la prospérité de la Russie, mus par la responsabilité pour notre Patrie devant les générations présentes et futures, nous reconnaissant comme une part de la communauté mondiale, adoptons LA CONSTITUTION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE. »

En quoi est-ce essentiel? Eh bien parce que si Vladimir Poutine rappelle ces mots pour célébrer le retour de la Crimée à la Russie, il entend en même temps souligner que la Crimée n’a pas été « siphonnée » par la Russie, mais qu’elle l’a rejoint dans une communauté de destin de type fédéral. Vladimir Poutine ne dit pas d’ailleurs « la Crimée », mais « la Crimée et Sébastopol », parce que dans la Fédération de Russie la ville de Sébastopol en Crimée a un statut de ville d’importance fédérale.

Maintenant si on raisonne sans être stupide, on comprend tout de suite ce que cela signifie pour l’Ukraine. C’est un appel du pied pour dire : n’ayez crainte, l’Ukraine ne sera en aucun cas englouti par Moscou, rejoignez la Russie pour être relié à d’autres structures de dimension fédérale, il y a tout à gagner à agir ainsi pour les régions ukrainiennes, pour les villes ukrainiennes significatives.

C’est là un point essentiel, qui se concrétise de manière symbolique à Marioupol, où l’armée met en première ligne des forces tchétchènes. Il s’agit là de souligner la dimension multi-ethnique, multi-nationale de la Russie, de manière marquée, et ce d’autant plus que ces forces se revendiquent de l’Islam et que Marioupol, c’est « la ville de Marie ».

Le bref discours de Vladimir Poutine y fait d’ailleurs référence. Il a cité les propos suivants, tirés de la Bible (Jean Chapitre 15, verset 13) :

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »

Et il a enchaîné en disant que c’était vrai pour toutes les nations et toutes les religions, que dans « l’opération spéciale » en Ukraine il y avait dans l’armée russe un tel sens du sacrifice les uns pour les autres, que les soldats luttent côte à côte, prêts à se jeter sur les balles pour empêcher les autres de mourir, etc. Il y a là la dimension mystico-religieuse de ce qui est bien entendu l’idéologie « eurasienne » de la Russie (qu’on trouve exposée dans l’article L’expansionnisme russe anti-ukrainien et sa base idéologique «eurasienne»).

« Pour un monde sans nazisme » (fond blanc)
« Pour la Russie » (fond bleu)
« Pour le Président » (fond rouge)
Avec à chaque fois un « Z » de l’alphabet latin remplaçant la lettre russe « З » se prononçant justement « Z »

On notera par ailleurs qu’il y a une forte dimension idéologique dans les forces tchétchènes en première ligne à Marioupol, car l’armée ukrainienne est là-bas composé des nazis du régiment Azov, d’ailleurs épaulés par des rebelles tchétchènes djihadistes. La ville en train de tomber dans les mains de l’armée russe va connaître un bain de sang, alors que déjà les hommes fuyant la ville voient leurs corps inspectés à la recherche de tatouages nazis.

Vladimir Poutine a conclu son discours en faisant référence à l’amiral Fiodor Ouchakov, qui a triomphé dans 40 batailles navales au 18e siècle, avant de se retirer sobrement près d’un monastère en Mordovie à la fin de sa vie. C’est une référence très subtile.

Il y a la dimension militaire, puisque l’amiral en question est resté victorieux, Vladimir Poutine rappelant que Fiodor Ouchakov voyait en ces batailles des orages qui glorifieraient la Russie. Il y a la dimension mystique puisque l’amiral est resté un pur loin des richesses et des intrigues de la Cour royale, il a d’ailleurs été canonisé par l’Église catholique orthodoxe russe en 2001.

Il y a une dimension impériale, car c’est à l’époque que la Crimée devient russe et c’est Fidor Ouchakov qui s’occupe de superviser la construction de la base navale de Sébastopol. Il a également supervisé la construction de docks d’une ville à 80 km de la Mer Noire si l’on remonte deux fleuves (le Dniestr et le Boug méridional), Kherson. Maintenant, si on dit que Kherson a été conquise par l’armée russe le 2 mars, on a tout compris…

On peut voir un large extrait du concert de Moscou ici. Et voici deux vidéos de chansons emblématiques qui y ont été joués par leurs chanteurs. La première, c’est la chanson d’Oleg Gazmanov, avec une chanson disant que mon pays c’est l’URSS (« je suis né en URSS »), avec la liste de tous les pays qui l’ont composé. Naturellement, l’Ukraine est mentionnée et ce même dès le départ.

La chanson est nostalgique de l’empire soviétique à 2000% et de par son ton, son approche, elle est une sorte d’inversion impériale « soviétique », prétentieuse et boursouflée, de la grande chanson de l’URSS des années 1930 « Vaste est ma patrie », d’orientation patriotique, « réaliste socialiste ». Elle a en même temps une fabuleuse dignité populaire pour les Russes, c’est d’une sincérité sentimentale débordante insaisissable pour les esprits cartésiens français. Il faut être russe sans doute pour avoir même la nostalgie du KGB, en effet..

La seconde, c’est la (fameuse et très belle) chanson Kukushka du groupe Kino (des années 1980), chantée par Polina Gagarina. La version de cette dernière est très connue pour avoir fait partie du film La bataille pour Sébastopol (en français « Résistance ») de 2015, un film (de qualité assez secondaire) sur la fameuse tireuse d’élite soviétique de la seconde guerre mondiale Lioudmila Pavlitchenko. La vidéo est pour le coup entraînante à souhait.

La présence des deux chanteurs avec ces deux chansons au concert moscovite en dit long, voire même résume tout.

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Politique

La position chauvine du Parti communiste de la fédération de Russie sur la guerre en Ukraine

Lénine peut se retourner dans sa tombe.

Né en 1993, le Parti communiste de la Fédération de Russie est le successeur du Parti Communiste d’Union Soviétique qui a dirigé l’URSS ; il est sur une ligne mêlant affirmation des acquis sociaux « soviétiques » et nostalgie de l’époque où l’URSS était une grande puissance dans les années 1970-1980. Son dirigeant est Guennadi Ziouganov et c’est le principal parti d’opposition en Russie. Le parti « Russie Unie » de Vladimir Poutine fait grosso modo plus de 50%, le Parti communiste de la Fédération de Russie tout de même autour de 20% en comptant qu’il y a un bourrage des urnes en sa défaveur.

Le Pôle de Renaissance Communiste en France, qui en est très proche idéologiquement, a traduit un article exprimant sa position du 14 mars 2022, formulé par l’un de ses dirigeants, Viatcheslav Tetekin (Ukraine : ce qu’en disent les communistes russes du KPRF). Ce qu’on lit est simple : le régime russe est réactionnaire, mais… il défend les intérêts nationaux, donc il faut le soutenir. Ce qui contredit directement la thèse de Lénine selon laquelle l’ennemi est dans son propre pays. Lénine, en suivant la ligne du Parti communiste de la Fédération de Russie, aurait dû finalement bien soutenir le tsar afin de défendre les « intérêts nationaux »…

Voici comme cela est présenté : la politique étrangère expansionniste, c’est très bien, par contre sur le plan intérieur il faut davantage de social.

« Depuis 30 ans, je suis l’un des critiques les plus actifs de la politique intérieure et étrangère de l’élite russe. Dans son caractère de classe, le pouvoir oligarchique-bureaucratique en Russie n’est pas très différent du pouvoir en Ukraine (sauf sans fascisme et sans contrôle total des États-Unis).

Cependant, dans les cas malheureusement rares où les dirigeants russes poursuivent une ligne qui répond aux intérêts historiques du pays et du peuple, le principe de la critique « automatique » n’est guère approprié.

Je fais valoir depuis longtemps que les sanctions auront un effet bénéfique sur la suppression de la dépendance imposée par la Russie à l’égard de l’Occident dans divers domaines de la vie.

Le gouvernement russe fait déjà les premiers pas dans cette direction. La tâche des forces de gauche est d’encourager vigoureusement les autorités à changer non seulement la politique étrangère, mais aussi le cours socio-économique, qui ne correspond pas aux intérêts du peuple. »

Comment peut-on dire que Vladimir Poutine et ce qu’il représente – l’oligarchie et le complexe militaro-industriel russes – peuvent défendre les « intérêts historiques du pays et du peuple »? C’est aberrant. C’est typiquement la position sociale-chauvine prise pratiquement partout en 1914 : notre pays a un régime mauvais, mais celui d’en face est pire, il faut donc soutenir la guerre et il en ressortira quelque chose bien car l’ennemi le plus mauvais aura été supprimée, etc.

Car dans son article, Viatcheslav Tetekin dit bien de l’Ukraine que :

« La nature de l’État ukrainien actuel est une alliance du grand capital et de la bureaucratie de l’État, s’appuyant sur des éléments criminels et fascistes sous le plein contrôle politique et financier des États-Unis.

Enlevons comme le dit Viatcheslav Tetekin le fascisme et la soumission à la superpuissance américaine. Il reste tout de même une « alliance du grand capital et de la bureaucratie de l’État » – et c’est cette alliance qui serait capable d’orienter correctement les intérêts de la Russie comme nation, des Russes comme peuple? Lénine peut se retourner dans sa tombe. C’est la négation de la lutte des classes au profit d’une conception nationale tout à fait bourgeoise validant les intérêts de l’oligarchie russe dans son expansionnisme.

Ce que fait d’ailleurs le Parti communiste de la fédération de Russie depuis trente ans. C’est ce parti qui a ouvert la voie à la catastrophe en demandant au parlement russe la reconnaissance des républiques séparatistes du Donbass – permettant à Vladimir Poutine de s’engager dans l’invasion de l’Ukraine au nom d’une exigence « nationale ».

Cela ne veut pas dire que le régime ukrainien n’était pas (et n’est pas) une plate-forme de l’OTAN contre la Russie. Mais il faudrait savoir si oui non la thèse de Lénine et de Rosa Luxembourg comme quoi l’ennemi dans son propre pays est juste ou pas.

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Guerre

Ukraine : avalanche de sanctions économiques contre la Russie

Les puissances liées à l’OTAN mènent leur « guerre hybride » sur le plan économique.

Suite à l’invasion de l’Ukraine, la Russie subit une réponse très agressive de la part des principales puissances du capitalisme liées aux États-Unis et à l’OTAN. Via une salve de mesures, c’est la mise en place d’un véritable embargo politique et financier ayant pour but d’isoler et d’affaiblir drastiquement le régime russe.

Si ces mesures ne se situent pas strictement sur le plan militaire, il n’en reste pas moins qu’elles ont une perspective fortement hostile, typique de la guerre moderne. Il s’agit, par tous les moyens, d’affaiblir l’ennemi, de le pousser à la faute, de profiter de la situation et d’appuyer à fond sur les contradictions. Il y a là une tendance terrible qui s’exprime, menant inévitablement à une nouvelle grande guerre inter-impérialiste, une troisième guerre mondiale.

L’Union européenne a fait en sorte de limiter drastiquement l’accès de la Russie aux marchés de capitaux européens et d’interdire les exportations vers la Russie des avions, pièces et équipements de l’industrie aéronautique et spatiale, composants électroniques, logiciels, ainsi que des technologies de raffinage pour l’industrie pétrolière. Concrètement, l’État russe et les principales entreprises russes ne peuvent plus lever de dette en se finançant sur les marchés financiers européens.

La déclaration commune des États membres parle de « conséquences massives et sérieuses », avec l’objectif clair et assumé de nuire profondément à la Russie, considérée désormais unilatéralement comme une puissance ennemie. Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov sont même directement visés, avec le gel de leurs avoirs européens, autrement dit le blocage net de leurs des comptes bancaires et titres financiers dans les banques européennes.

La délivrance de visas aux Russes par les États européens est bien sûr fortement limitée. Dans le giron de l’Union européenne et de ses États membres, il faut noter les mesures, symboliques mais agressives, de suspension de la Russie de l’Eurovision et du déplacement en région parisienne de la finale de Ligue des Champions de football qui était prévue le 28 mai à Saint-Pétersbourg.

Il faut noter également la décision du Conseil de l’Europe, dont la Russie est membre, de suspendre la participation des diplomates et délégués russes aux principales instances de l’organisation. Peu connu, ce Conseil de l’Europe est une institution ayant pour but de promouvoir une idéologie européenne bourgeoise de type libéral-démocrate ; elle institue notamment la Cour européenne des droits de l’homme.

Le Royaume-Uni est particulièrement agressif dans la réponse à l’attaque russe. D’une part car la stratégie du pays est d’être le « meilleur élève » des alliés américains, donc d’agir de manière marquée en se montrant, mais aussi car le Royaume-Uni est directement concerné par l’attaque en Ukraine, notamment de part les visées qu’il avait (ou qu’il a) sur la ville d’Odessa comme base navale.

Il s’agit concrètement d’exclure totalement les banques russes du secteur financier britannique, celles-ci voyant leurs actifs gelés et sont dorénavant interdites de lever de fond. Plus de cent entreprises et conglomérats, dans tous les secteurs, sont également concernés par cet embargo financier. La compagnie aérienne russe Aeroflot (membre du même réseau qu’Air France, l’alliance Skyteam) est également interdite de vol sur le sol britannique. De nombreuses personnalités russes sont interdites de territoire.

Les États-Unis bien sûr sont également très hostiles dans leur réponse, avec des représailles financières qui « dépassent tout ce qui a jamais été fait » selon le président Joe Biden. Ce sont d’abords les banques russes qui sont visées par des sanctions. Sur le plan financer également, plusieurs grandes entreprises russes, dont le géant Gazprom, ont interdictions de se financer sur le marché financier américain ; c’est également le cas pour l’État russe lui-même, privé d’accès. De nombreuses restrictions d’exportation ont aussi été décidées, surtout concernant les produits technologiques destinés aux secteurs de la défense et de l’aéronautique.

De plus, une longue liste d’ »oligarques » russes a été établie, de manière couper les vivres et les possibilités d’achat, à tous un tas de grandes fortunes considérées comme proches de Vladimir Poutine. Ce dernier devant devenir, selon Joe Biden, « un paria sur la scène internationale ».

Dans le giron américain direct, il y a le Canada qui pareillement a dressé une liste de 58 personnes et entités russes, afin de sanctionner directement « l’élite russe ». Entre autres sont nommés les ministres russes de la Défense, des Finances et de la Justice, afin de leur empêcher toutes interactions économiques. Enfin, de manière très radicale, tous les permis d’exportation pour la Russie sont suspendus.

C’est la même chose pour l’Australie, qui vise pour sa part directement plus de 300 membres du Parlement russe qui ont approuvé « l’invasion illégale de l’Ukraine ». Du côté du Japon, en plus du gel des actifs des personnes et organisations russe, de la suspension des visas, il y a également la suspension des exportations de tout un tas de produits tels les semi-conducteurs

En arrière plan de toutes ces mesures, il y a la menace brandie de couper la Russie du réseau interbancaire Swift, le système qui permet à l’immense majorité des banques mondiales d’échanger entre elles. De manière furieusement belliciste, le ministre des Finances français Bruno Le Maire a d’ailleurs fait à ce sujet un parallèle indécent avec l’arme nucléaire.

D’abord, il a expliqué l’enjeu :

« Toutes les options sont sur la table. Il reste que quand on a une arme nucléaire financière entre les mains [c’est-à-dire l’exclusion du système Swift], on réfléchit avant de l’utiliser. »

Puis il a expliqué que la France était justement favorable à l’utilisation de cette « arme nucléaire financière »…

Voilà donc le panorama actuel, avec une tendance à la guerre extrêmement marquée. L’Ukraine, prise au piège, servant ici de prétexte, les puissances liées à la superpuissance américaine profitant de l’occasion pour infliger des coups à la puissance russe concurrente et surtout à la couper du monde « occidental ».

Celle-ci, tout autant belliciste, se voit directement poussée dans le giron de la superpuissance chinoise, maintenant sur le plan économique et financier, et bientôt sur le plan strictement militaire. Tout cela dessinant de manière très nette les contours de la grande bataille pour le repartage du monde à venir avec deux grands blocs s’affrontant.

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Guerre

L’armée française concurrencée par l’armée russe en Méditerranée

La mer Méditerranée est au cœur de la bataille pour le repartage du monde.

Historiquement, la France est très présente en Méditerranée, qu’elle entend contrôler de sa puissance navale. Depuis Toulon jusqu’à Beyrouth, l’armée française a normalement les coudées franches dans ces eaux, patrouillant, manœuvrant et s’exerçant comme elle le souhaite.

C’est de moins en moins le cas notamment en raison de la présence de l’armée russe, qui elle aussi entend accroître son hégémonie dans la région depuis quelques années, comme le constate de manière ultra-détaillée un rapport parlementaire sur les enjeux de défense en Méditerranée de février 2022.

Le document traite de toute la zone, évoquant la Turquie et son « enhardissement », les tensions Algérie/Maroc, la question de la Libye ou encore en parlant d’un réarmement généralisé comme le montre la carte suivante.

Mais c’est la question de la Russie qui est particulièrement intéressante dans ce rapport. Bien que Vladimir Poutine le réfute mot pour mot, sa politique expansionniste de grande puissance consiste en effet en un retour à l’Empire russe. Cela est particulièrement flagrant sur la question brûlante de l’Ukraine et la reconnaissance le 21 février 2022 des deux régions séparatistes, avec tout l’escalade militaire allant avec.

Et c’est également flagrant en ce qui concerne donc la présence dans les eaux méditerranéennes.

Il est constaté à quel point « l’établissement d’une présence navale russe permanente en Méditerranée est redevenu prioritaire », notamment depuis 2013 et la création de la « force opérationnelle permanente de la marine russe en Méditerranée », rattachée à la « flotte de la mer Noire ».

Selon les experts auxquels se réfère le rapport parlementaire, ce groupement peut compter sur « plus d’une quinzaine de bâtiments de combat, dont certains sont équipés du missile de croisière Kalibr ». Il s’appuie sur deux bases principales, acquises de part le soutien militaire russe au régime syrien. Il y en a une dans le port de Tartous dont la gestion opérationnelle a été confiée par la Syrie à la Russie pour une durée de 49 ans en décembre 2017, une autre consistant en la base aérienne près de Lattaquié.

Voici l’inventaire (au conditionnel) des capacités militaires majeurs russes sur ces bases :

  • de façon permanente une dizaine de bâtiments de tonnages faibles mais relativement récents, dont deux sous-marins de type Kilo  ;
  • des systèmes de défense anti-aérienne de type S-400 ;
  • un système de défense côtière Bastion-P dotée de missiles de croisière anti-surface ;
  • une trentaine d’avions (Su-35, SU-34 et Su-24) et hélicoptères (Mi-35 et Mi-8) ;
  • des bombardiers supersoniques TU 22 ainsi que celui MiG-31K, dotés de missiles aérobalistiques et hypersoniques Kinjal.

Le document parlementaire français constate alors :

« Cette implantation russe en Syrie fait donc de la Méditerranée orientale le pôle de rayonnement de la puissance russe en Europe. »

Précisons bien évidemment ici que la France ne constate pas tout cela de manière neutre et pacifique, mais bien dans le cadre de sa concurrence de grande puissance dans la région. Les parlementaires évoquent directement « un défi pour nos forces », en insistant sur l’importance de cette concurrence russe :

« Le dispositif russe est de nature à restreindre fortement la liberté d’action de la France et de ses partenaires dans la zone.

Tout d’abord, les déploiements de nos capacités en Méditerranée orientale sont désormais régulièrement sources d’interactions, d’intensité variable, avec les forces russes, comme l’ont confirmé le capitaine de vaisseau Hervé Siret et le colonel Romain Canepa, représentant le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des Armées auditionnés par les rapporteurs (…).

Par ailleurs, la mise en place par la Russie de systèmes de défense anti-aérienne participe à la création de bulles de déni d’accès.

Dans cette perspective, la réitération de l’opération Hamilton serait aujourd’hui plus complexe à mettre en œuvre, comme l’a reconnu le général Philippe Moralès.

Ainsi, en cas de crise, « ces dispositifs russes pourraient être mis à profit à des fins offensives et être mobilisés par les armées russes pour restreindre l’accès des forces occidentales au canal de Suez, à la mer Noire et à la Méditerranée orientale », comme le relève une note de la Fondation pour la recherche stratégique. »

Il faut prendre ici toute la mesure de cette dernière citation ; l’actualité est belle et bien la tendance à la guerre, avec une grande bataille à venir pour le repartage du monde, avec la Méditerranée comme un hotspot stratégique. Cela d’autant plus qu’il est question pour la Russie, d’après ce rapport, « d’élargir son influence dans les autres zones de Méditerranée », avec comme points d’appuis et d’alliance la Libye et l’Algérie ainsi que l’Égypte.

On n’a pas ici un « calcul » de la part de la Russie consistant en un « besoin d’accès » géographique, ni à une quelconque situation historique ou des enjeux strictement économiques. Ce qui est en jeu, c’est une concurrence entre grandes puissances qui veulent assurer leur hégémonie dans un contexte mondial de tensions guerrières. Le rapport parlementaire français parle d’ailleurs très bien, dans le titre de la partie consacrée à la Russie, de « compétiteurs stratégiques mondiaux à nos portes » (le pluriel est employé, mais il n’est en fait question que de la Russie, même si bien entendu la question turque se pose parallèlement).

Ce rapport, sous influence de la majorité parlementaire favorable à Emmanuel Macron, prend forcément le point de vue de l’OTAN et de la concurrence hostile à la Russie. Il est regretté notamment le « désengagement » américain en Méditerranée, avec également le constat suivant :

« La Russie pourrait profiter de façon opportuniste d’une crise en Indo-Pacifique qui aboutirait à une concentration des moyens américains et otaniens dans cette zone, pour faire avancer ses intérêts en Méditerranée. »

Mais ce point de vue pro-OTAN du rapport parlementaire, qui dénonce en quelque sorte le déploiement russe en Méditerranée, peut tout autant servir dans le sens inverse. C’est-à-dire que la fraction nationaliste de la bourgeoisie française, représentée par Eric Zemmour et Marine Le Pen (et relativement par Jean-Luc Mélenchon), hostile à l’OTAN, peut faire de ce constat de la force russe en Méditerranée, justement une occasion d’alliance avec la Russie.

Cela d’autant plus que l’armée russe est toujours tout à fait bienveillante vis-à-vis de la France, bien que les deux armées se marchent ici ouvertement dessus. Le rapport parlementaire français précise en effet très bien que les nombreuses « interactions » se déroulent « de façon professionnelle » (en langage militaire cela veut dire de manière amicale), tout en constatant que ce n’est pas le cas en ce qui concerne les interactions russes avec les armées américaines et britanniques.

On est dans une période de basculement, d’alliances, de contre-alliances… Comme juste avant 1914 !

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Guerre

Ukraine : ballet diplomatique franco-allemand à Kiev, Moscou et Washington

La France et l’Allemagne espèrent parvenir à se placer.

La photographie officielle de la rencontre le 7 février 2022 entre le président russe Vladimir Poutine et le président français Emmanuel Macron à Moscou ne laissera pas d’étonner en raison de la longueur de la table. Il ne faut pas y voir malice : lorsque le premier ministre hongrois Viktor Orbán est venu à Moscou le 1er février 2022, il a trinqué avec Vladimir Poutine à plusieurs mètres de distance. C’est pour souligner la nécessité de la distanciation physique, dans un pays où le régime a du mal à faire vacciner.

D’ailleurs, la Russie est toujours très polie avec la France. Les médias et le ministère des affaires étrangères n’attaquent jamais la France, alors qu’ils ne se gênent pas pour se moquer des Etats-Unis, du Royaume-Uni, etc., et ce de manière parfois grotesque. Lorsque des navires russes se font « accompagner » par la marine française parce qu’ils passent proche de la France, le ton entre les interlocuteurs est toujours fort courtois également.

La Russie souligne absolument toujours que la France est dans l’OTAN, mais qu’elle n’est jamais agressive avec la Russie et qu’elle a des tendances à l’indépendance… Rappelons ici que trois candidats majeurs à la présidentielle de 2022 sont d’ailleurs ouvertement tournés vers la Russie et non l’OTAN : Marine Le Pen, Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon.

Rappelons aussi que si le Français moyen prend les Russes pour des alcooliques ou des call-girls, les gens éduqués ont un respect extrêmement profond pour la Russie, connue pour être un pays d’une grande histoire, d’une grande culture, d’un grand intellect. On ne peut pas s’intéresser à la littérature, la musique, la physique, les mathématiques, le cinéma, le théâtre, la danse, la peinture… sans savoir qu’il y a un énorme apport russe, sans compter que dans bien d’autres domaines la Russie préserve ses connaissances (notamment en chimie et en biologie).

Lorsque Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des affaires étrangères, écrit une tribune dans le Figaro le 17 janvier 2022 (« Pour résister à Poutine, l’Ukraine a besoin de la France« ), il est ainsi obligé de prendre malgré sa haine de la Russie des précautions oratoires extrêmes :

« Je suis bien conscient qu’une partie de l’élite intellectuelle française a encore des attachements particuliers à la Russie.

Certains sont charmés par la culture russe, de Tolstoï au ballet du Bolchoï. D’autres sont américano-sceptiques et considèrent la relation avec la Russie comme une alternative. D’autres encore proposent un pari géopolitique: s’engager davantage avec la Russie pour l’empêcher de se rapprocher de la Chine.

Je ne veux décevoir personne. Mais la Russie d’aujourd’hui n’est pas un contrepoids entre les Etats-Unis et la Chine. Et elle a aussi bien peu à voir avec le ballet et la littérature russes. A la frontière ukrainienne aujourd’hui, on ne voit ni ballerines ni poètes ! »

Par contre, pour en revenir plus directement à la rencontre, Emmanuel Macron n’a pas échappé au style de Vladimir Poutine qui est de préférer ce qui n’est pas matinal. La discussion a eu lieu pendant cinq heures et la conférence de presse commune a commencé autour de 23 heures en France, soit 1 heure du matin à Moscou. Mais enfin, tout a été cordial, constructif comme on dit en diplomatie, ce que Vladimir Poutine a joliment tourné de la manière suivante en disant d’Emmanuel Macron :

« Je crois que certaines de ses idées, certaines propositions dont il est trop tôt encore de parler, peuvent servir de base pour nos démarches communes ultérieures. »

On en saura pas plus, alors que par contre Emmanuel Macron est parti directement pour Kiev pour discuter de ces dites propositions avec le président ukrainien Volodymir Zelensky. Pour quel résultat, là est la question, mais on comprend tout lorsqu’on sait que le 7 février il y a eu également le chancelier allemand Olaf Scholf à Washington pour rencontrer le président Joe Biden, rencontre qui avait été repoussée jusque-là du côté allemand. Et le même jour encore, la ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock était à Kiev. Elle n’a pas pu rencontrer le président ukrainien, qui avait un agenda trop chargé officiellement ; en réalité, l’Allemagne a mauvaise presse en Ukraine de par son rôle de « médiateur ».

Car l’Allemagne n’a pas seulement besoin du gaz russe et donc du gazoduc Nord Stream 2. L’Allemagne, qui est la 4e puissance économique mondiale (derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon),  a besoin de la Russie comme alliée pour faire contrepoids à la superpuissance américaine et son appendice qu’est le Royaume-Uni, ainsi qu’à la Chine.

Il y a la même tentation de beaucoup en France, bien que ces derniers mois Emmanuel Macron et le gouvernement français aient été entièrement pro-américain, avant ces derniers jours et une sorte de recentrage. C’est là très important, car cela va être un aspect important voire principal pour l’élection présidentielle à venir. La tendance à la guerre l’emporte partout.

En effet, depuis 2014, l’Union Européenne a fourni 17 milliards d’euros à l’Ukraine, dont 90% en prêt. Depuis six mois, la superpuissance américaine et quelques autres ont fourni… mille tonnes de matériel militaire, pour un total de 1,5 milliards de dollars. L’Ukraine est devenue une sorte de colonie occidentale.

Autrement dit, la superpuissance américaine a donné naissance à un mouvement d’entraînement à une conquête de l’Est passant aussi par le prisme de l’Union Européenne et de l’OTAN, deux entités désormais s’assimilant l’une à l’autre, l’Ukraine étant une nouvelle tête de pont pour l’objectif final : faire tomber la Russie.

Cette dernière, n’ayant pas la capacité d’avoir une proposition générale par manque de puissance, pratique donc comme la Chine une stratégie visant à bousculer très grandement les choses. Comme dit fort justement (dans le numéro 18 de Crise), les Etats-Unis visent l’asphyxie, les challengers chinois et russe visent au délitement pour s’affirmer.

La France et l’Allemagne aimeraient bien pouvoir se placer dans tout cela, mais comment faire au mieux du point de vue de l’expansion capitaliste? Conquérir le butin russe est tentant mais subordonne à la superpuissance américaine, au Royaume-Uni (qui vise clairement le port d’Odessa sur la Mer Noire d’ailleurs), inversement choisir la Russie impliquerait une rupture avec la superpuissance américaine lourde de conséquences…

En même temps, une guerre en Ukraine aurait des conséquences dévastatrices sur le plan de l’instabilité régionale, ainsi qu’un impact ravageur sur l’économie.

Tel est le capitalisme en crise : ce qui a l’air solide peut s’avérer plus que fragile par un retournement rapide de situation, tout devient précaire dans ses fondements, c’est la course permanente…

Et ce n’est que le début d’un processus catastrophique. Qui se déroule, soulignons le encore une fois, dans l’indifférence la plus générale en France, y compris des gens ayant un certain niveau de conscience sociale. Le poison de la vie quotidienne capitaliste a anéanti pratiquement tous les esprits, pour ne pas dire tous. Le réveil de ce sommeil hypnotique par le bruit de la guerre va s’avérer particulièrement brutal.

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Les éléments de l’alliance Chine – Russie

Vladimir Poutine s’est rendu à Pékin à l’occasion des Jeux Olympiques d’Hiver 2022.

Les Jeux Olympiques d’Hiver 2022 se sont ouverts le 4 février et les pays occidentaux ont pratiqué leur boycott diplomatique, permettant aux présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine d’occuper le terrain. Ils en ont profité pour publier un long texte commun consistant en une alliance stratégique, le titre étant évocateur : Déclaration conjointe de la Fédération de Russie et de la République populaire de Chine sur les relations internationales entrant dans une nouvelle ère et le développement durable mondial.

Le document est explicite sur le plan de l’unité dans le cadre du conflit en Ukraine et de l’opposition à l’OTAN.

« Les parties sont gravement préoccupées par la création par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie (AUKUS) d’un « partenariat de sécurité triangulaire », qui prévoit un approfondissement de la coopération entre ses participants dans des domaines affectant la stabilité stratégique, en particulier leur décision d’entamer une coopération dans le domaine des sous-marins nucléaires. 

La Russie et la Chine estiment que de telles actions vont à l’encontre des objectifs d’assurer la sécurité et le développement durable de la région Asie-Pacifique, augmentent le risque de déclencher une course aux armements dans la région et créent de graves risques de prolifération nucléaire. 

Les parties condamnent fermement de telles mesures et appellent les participants à AUKUS à remplir fidèlement leurs obligations en matière de non-prolifération nucléaire et de missiles, ensemble pour protéger la paix, la stabilité et le développement dans la région (…).

Les parties estiment que le retrait des États-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), l’accélération des études et du développement de missiles à portée intermédiaire et à courte portée basés au sol et la volonté de les déployer en Asie-Pacifique et en Europe, ainsi que de les transférer à leurs alliés, entraînent une augmentation des tensions et de la méfiance, augmentent les risques pour la sécurité internationale et régionale, conduisent à un affaiblissement du système international de non-prolifération et de maîtrise des armements, et compromettent la stabilité stratégique mondiale.

La partie chinoise comprend et soutient les propositions avancées par la Fédération de Russie sur l’établissement de garanties de sécurité juridiquement contraignantes à long terme en Europe (…).

La partie russe note la signification positive du concept de la partie chinoise de construire une « communauté avec un destin commun pour l’humanité » afin de renforcer la solidarité de la communauté mondiale et d’unir les efforts pour répondre aux défis communs. La partie chinoise note la signification positive des efforts de la partie russe pour former un système multipolaire équitable des relations internationales.

Les parties ont l’intention de défendre fermement l’inviolabilité des résultats de la Seconde Guerre mondiale et de l’ordre mondial établi d’après-guerre, de défendre l’autorité de l’ONU et de la justice dans les relations internationales, et de résister aux tentatives de nier, de déformer et de falsifier l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Afin d’éviter une répétition de la tragédie de la guerre mondiale, les Parties condamneront résolument les actions visant à niveler la responsabilité des atrocités des agresseurs fascistes, des envahisseurs militaristes et de leurs complices, souiller et ternir l’honneur des pays vainqueurs .

Les parties défendent la formation d’un nouveau type de relations entre les puissances mondiales fondées sur le respect mutuel, la coexistence pacifique et la coopération mutuellement bénéfique. Ils confirment que les relations interétatiques russo-chinoises d’un nouveau type sont supérieures aux alliances militaro-politiques de l’ère de la guerre froide. »

Vladimir Poutine a également pour l’occasion écrit un article intitulé La Russie et la Chine : un partenariat stratégique tourné vers l’avenir. On y lit un grand descriptif des initiatives communes russo-chinoises.

« A la veille de ma prochaine visite en Chine, j’ai le plaisir de communiquer directement avec le public chinois et étranger de Xinhua, la plus grande agence de presse.

Nos deux pays sont de proches voisins liés par des traditions séculaires d’amitié et de confiance. Nous apprécions hautement le fait que le partenariat de coordination stratégique globale Russie-Chine, qui est entré dans une nouvelle ère, a atteint un niveau sans précédent et est devenu un modèle d’efficacité, de responsabilité et d’aspiration pour l’avenir.

L’an dernier, nous avons célébré le 20e anniversaire du Traité sino-russe de bon voisinage et de coopération amicale. Les principes fondamentaux et les lignes directrices du travail commun ont été définis par nos deux pays dans ce traité. Il s’agit avant tout d’égalité, de prise en compte des intérêts de l’autre, d’absence de circonstances politiques et idéologiques, ainsi que des vestiges du passé (…).

Fin 2021, le volume des échanges mutuels a augmenté de plus d’un tiers, dépassant le niveau record de 140 milliards de dollars. Nous sommes en bonne voie pour atteindre notre objectif de porter le volume commercial à 200 milliards de dollars par an. Un certain nombre d’initiatives importantes sont mises en oeuvre dans les secteurs de l’investissement, de la manufacture, de l’industrie et de l’agriculture.

En particulier, le portefeuille de la Commission intergouvernementale sur la coopération en matière d’investissements comprend 65 projets d’une valeur de plus de 120 milliards de dollars. Il s’agit d’une collaboration dans une série de domaines tels que l’exploitation minière et le traitement des minéraux, la construction d’infrastructures et l’agriculture.

Nous ne cessons d’étendre les règlements en devises nationales et de créer des mécanismes pour compenser l’impact négatif des sanctions unilatérales. Un jalon important à cet égard a été la signature en 2019 d’un accord entre les gouvernements de la Russie et de la Chine sur les paiements et les règlements.

Un partenariat énergétique mutuellement bénéfique est en train de se former entre nos deux pays. Avec l’approvisionnement à long terme de la Chine en pétrole et en gaz, nous prévoyons de mettre en oeuvre un certain nombre de projets conjoints de grande envergure.

La construction depuis l’an dernier de quatre nouvelles unités d’énergie dans des centrales nucléaires chinoises, avec la participation de la compagnie nucléaire publique russe Rosatom, en est un exemple. Tout cela renforce considérablement la sécurité énergétique de la Chine et de la région asiatique dans son ensemble.

Nous voyons toute une série d’opportunités dans le développement des partenariats en matière de technologies de l’information et de la communication, de médecine, d’exploration spatiale, y compris l’utilisation de systèmes de navigation nationaux et le projet de station de recherche lunaire internationale. Une forte impulsion au renforcement des liens bilatéraux a été donnée aux Années croisées d’innovation scientifique et technologique russo-chinoises en 2020 et 2021.

Nous sommes reconnaissants à nos collègues chinois pour leur aide au lancement de la production des vaccins russes Spoutnik V et Spoutnik Light en Chine et pour la fourniture en temps voulu d’équipements de protection à notre pays. Nous espérons que cette coopération se développera et se consolidera.

L’un des objectifs stratégiques de la Russie est d’accélérer le développement socio-économique de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe. Ces territoires se trouvent dans le voisinage immédiat de la Chine. Nous avons également l’intention de développer activement la coopération infranationale. Ainsi, la modernisation de ligne ferroviaire Baïkal-Amour et du Transsibérien a été engagée.

D’ici 2024, leur capacité sera multipliée par 1,5 grâce à l’augmentation du volume de fret en transit et à la réduction du temps de transport. Les infrastructures portuaires de l’Extrême-Orient russe se développent. Tout cela devrait consolider la complémentarité des économies russe et chinoise. »

Dans une interview du président russe Vladimir Poutine au président de China Media Group, Shen Haixiong, il est également précisé que :

« Le « Traité de bon voisinage et de coopération amicale Russie-Chine » a été signé il y a plus de 20 ans. Il s’agit d’un document politique fondateur, qui a établi le cadre juridique pour un développement cohérent et à long terme du partenariat global et d’interaction stratégique sino-russe. C’est pourquoi, le 28 juin dernier, j’ai décidé, avec le président Xi Jinping, de le prolonger de cinq ans.

Le document est très riche en matière d’idées, nombre de ses dispositions étant redécouvertes dans le contexte international d’aujourd’hui, qui évolue relativement rapidement.

Les relations entre la Russie et la Chine se développent sur une base égalitaire et sans idéologie. Notre partenariat est durable, intrinsèquement précieux. Il n’est pas affecté par le climat politique et n’est pas dirigé contre qui que ce soit. Il repose sur le respect, la considération des intérêts fondamentaux de chacun, l’adhésion au droit international et à la Charte des Nations Unies.

L’atmosphère de confiance politique qui a été créée, partiellement grâce à ce traité, a permis à nos deux pays d’établir une structure de coopération interétatique à multiples facettes, les rencontres des deux dirigeants y jouant un rôle clé.

La Chine reste ancrée en tête de liste des partenaires commerciaux de la Russie. Selon des données préliminaires, l’année dernière, y compris avec les restrictions liées à la pandémie, le commerce bilatéral a atteint un sommet historique en totalisant 140 milliards de dollars.

La Chine est notre partenaire stratégique sur la scène internationale. Nos approches sur la plupart des questions relatives à l’agenda mondial sont concordantes, ou très proches. Nous sommes engagés dans une étroite coordination au sein de nombreuses organisations et plateformes multilatérales de premier plan, à l’instar de l’ONU, des BRICS, de l’OCS, du G20, de l’APEC et de l’EAS. Et cela a un effet stabilisant sur la situation mondiale actuelle, qui reste difficile.

Pour résumer, je voudrais réitérer que les concepts énoncés dans le « Traité de bon voisinage et de coopération amicale Russie-Chine » ont permis à nos pays d’atteindre un niveau de partenariat sans précédent, qu’ils ont fondamentalement changé son caractère et sa portée, et créé les conditions pour nous permettre d’avancer ensemble. »

Voici donc les éléments de l’alliance russo-chinoise, ce bloc qui fait face au bloc occidental ayant l’OTAN comme centre et la superpuissance américaine… Dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde.

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Message du ministre russe des affaires étrangères Sergeï Lavrov

Ce document résume la position diplomatique russe par rapport à l’OTAN.

Ce message est en date du premier février 2022 et a été rendu public par la suite ; il concerne « l’indivisibilité de la sécurité » et il est destiné aux « ministres des affaires étrangères des États-Unis, du Canada et de plusieurs autres pays ».

Il est impératif de documenter un tel document afin de disposer d’un aperçu historique adéquat dans ce monstrueux processus de tendance à la guerre qui s’impose.

« Vous n’êtes pas sans savoir que la Russie est sérieusement préoccupée par l’aggravation des tensions politico-militaires aux abords immédiats de ses frontières occidentales.

Afin d’éviter toute nouvelle escalade, la partie russe a présenté le 15 décembre 2021 les projets de deux documents juridiques internationaux interconnectés – un Traité entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique sur les garanties de sécurité et un Accord sur des mesures visant à assurer la sécurité de la Fédération de Russie et des États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.

Les réponses des États-Unis et de l’OTAN à nos propositions reçues le 26 janvier 2022 démontrent de sérieuses différences dans la compréhension du principe de sécurité égale et indivisible qui est fondamental pour l’ensemble de l’architecture de sécurité européenne.

Nous pensons qu’il est nécessaire de clarifier immédiatement cette question, car elle déterminera les perspectives d’un dialogue futur.

La Charte de sécurité européenne signée lors du Sommet de l’OSCE à Istanbul en novembre 1999 énonçait les principaux droits et obligations des États participants de l’OSCE en matière d’indivisibilité de la sécurité. Elle a souligné le droit de chaque État participant d’être libre de choisir ou de modifier ses accords de sécurité, y compris les traités d’alliances, en fonction de leur évolution, ainsi que le droit de chaque État à la neutralité.

Le même paragraphe de la Charte conditionne directement ces droits à l’obligation de chaque État de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de la sécurité des autres États. Il précise en outre qu’aucun État, groupe d’États ou organisation ne peut avoir la responsabilité prééminente du maintien de la paix et de la stabilité dans l’espace de l’OSCE ou ne peut considérer aucune partie de l’espace de l’OSCE comme sa sphère d’influence.

Lors du Sommet de l’OSCE à Astana en décembre 2010, les dirigeants de nos nations ont approuvé une déclaration qui réaffirme cet ensemble complet d’obligations interconnectées.

Cependant, les pays occidentaux continuent à n’en retenir que les éléments qui leur conviennent, à savoir le droit des États à être libres de choisir des alliances pour assurer exclusivement leur propre sécurité.

Les mots « en fonction de leur évolution » sont impudemment omis, car cette disposition faisait également partie intégrante de la compréhension de la « sécurité indivisible », et plus particulièrement dans le sens où les alliances militaires doivent abandonner leur fonction initiale de dissuasion et s’intégrer dans l’architecture paneuropéenne sur la base d’approches collectives plutôt qu’en groupes étroits.

Le principe de sécurité indivisible est interprété de manière sélective comme une justification de la course en cours vers un élargissement irresponsable de l’OTAN.

Il est révélateur que les représentants occidentaux, tout en se déclarant prêts à engager un dialogue sur l’architecture de sécurité européenne, évitent délibérément de faire référence à la Charte de sécurité européenne et à la Déclaration d’Astana dans leurs commentaires.

Ils ne mentionnent que des documents antérieurs de l’OSCE, particulièrement la Charte de Paris de 1990 pour une nouvelle Europe qui ne contient pas l’obligation de plus en plus « gênante » de ne pas renforcer sa propre sécurité au détriment de la sécurité des autres États.

Les capitales occidentales tentent également d’ignorer un document clé de l’OSCE, le Code de conduite de 1994 sur les aspects politico-militaires de la sécurité, qui dit clairement que les États choisiront leurs arrangements de sécurité, y compris l’adhésion à des alliances, en gardant à l’esprit les préoccupations légitimes de sécurité des autres États. »

Cela ne fonctionnera pas de cette façon.

L’essence même des accords sur la sécurité indivisible est que soit il y a sécurité pour tous, soit il n’y a de sécurité pour personne.

La Charte d’Istanbul prévoit que chaque État participant de l’OSCE a un droit égal à la sécurité, et pas seulement les pays de l’OTAN qui interprètent ce droit comme un privilège exceptionnel d’appartenance au club « exclusif » de l’Atlantique Nord.

Je ne commenterai pas d’autres directives et actions de l’OTAN qui reflètent l’aspiration du bloc « défensif » à la suprématie militaire et à l’utilisation de la force en contournant les prérogatives du Conseil de sécurité de l’ONU.

Qu’il suffise de dire que de telles actions contreviennent aux obligations fondamentales paneuropéennes, y compris les engagements pris en vertu des documents susmentionnés de ne maintenir que des capacités militaires proportionnées aux besoins de sécurité individuels ou collectifs, compte tenu des obligations découlant du droit international, ainsi que des intérêts légitimes de sécurité d’autres États.

Évoquant la situation actuelle en Europe, nos collègues des États-Unis, de l’OTAN et de l’Union européenne lancent des appels constants à la « désescalade » et appellent la Russie à « choisir la voie de la diplomatie ».

Nous tenons à rappeler que nous avançons sur cette voie depuis des décennies. Les étapes clés, telles que les documents des sommets d’Istanbul et d’Astana, sont exactement le résultat direct de la diplomatie.

Le fait même que l’Occident essaie maintenant de réviser à son avantage ces réalisations diplomatiques des dirigeants de tous les pays de l’OSCE suscite de vives inquiétudes. La situation exige une franche clarification des positions.

Nous voulons recevoir une réponse claire à la question de savoir comment nos partenaires comprennent leur obligation de ne pas renforcer leur propre sécurité aux dépens de la sécurité des autres États sur la base de l’attachement au principe de sécurité indivisible.

Concrètement, comment votre gouvernement entend-il s’acquitter dans ses pratiques de cette obligation dans les circonstances actuelles?

Si vous renoncez à cette obligation, nous vous demandons de l’indiquer clairement.

Sans une clarté totale sur cette question clé liée à l’interconnexion des droits et obligations approuvée au plus haut niveau, il est impossible d’assurer l’équilibre des intérêts incarnés dans les instruments des sommets d’Istanbul et d’Astana.

Votre réponse permettra de mieux comprendre l’étendue de la capacité de nos partenaires à rester fidèles à leurs engagements, ainsi que les perspectives d’avancées communes vers la diminution des tensions et le renforcement de la sécurité européenne.

Nous sommes dans l’attente de votre réponse rapide. Elle ne devrait pas prendre de temps, car il s’agit de clarifier l’accord sur la base duquel Votre Président/Premier Ministre a signé les obligations correspondantes.

Nous espérons également que la réponse à cette lettre sera donnée à titre national, car les engagements susmentionnés ont été pris par chacun de nos États individuellement et non au sein d’un bloc ou au nom de celui-ci. »

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Culture

Ukraine : les pleurs de Slavia

C’est un nouveau drame slave qui se joue.

Comme elle est loin l’année 1848 où les peuples slaves, opprimés notamment par l’Autriche et la Hongrie, organisaient un congrès slave à Prague. Comme elle apparaît lointaine cette épopée slave réalisée au début du 20e siècle par l’artiste Alfons Mucha, avec ses tableaux monumentaux retraçant les principaux événements des nations slaves.

Le premier de la série, intitulée Les Slaves dans leur site préhistorique – Entre le knout touranien et le glaive des Goths indique le fond de l’approche : malgré les invasions et les oppressions, les Slaves ont tenu bon.

Comme est aussi lointain le film de 1938 d’Eisenstein Alexandre Nevski, qui retrace la victoire de celui-ci sur les chevaliers teutoniques au 13e siècle. Le film a bien entendu une portée anti-nazie et la dimension slave de la victoire soviétique a été maintes fois souligné alors. Lorsque Staline s’adresse au peuple le 9 mai 1945 pour annoncer la victoire, il dit notamment :

« La lutte séculaire des peuples slaves pour leur existence et leur indépendance a abouti à la victoire sur les envahisseurs allemands et sur la tyrannie allemande. »

Et où en est-on au début du 21e siècle? Les peuples yougoslaves se méprisent ou se haïssent. Les Tchèques et les Slovaques se sont tournés le dos, alors que les premiers se veulent « européens » et sans rapport avec les Slaves arriérés, et que les seconds vivent dans leur bulle pleine d’autosatisfaction nationaliste. Les Polonais ne jouent qu’à passer pour des victimes tout en regrettant secrètement l’époque où ils avaient un grand empire, alors que les Russes veulent manger des Ukrainiens qui de leur côté se verraient bien devenir un État américain.

Pour les occidentaux, les pays slaves ne sont que des pays étranges et lointains au bas niveau de vie, où l’on peut cyniquement profiter des « filles de l’Est » (tout autant « jolies » et féminines que les hommes seraient « moches » et grossiers), placer des usines à bas salaires, éventuellement faire du tourisme pas cher avec alcool à volonté, etc. Quel drame !

Les langues slaves

Il faut savoir que Karl Marx et Friedrich Engels avaient tiré à boulets rouges sur les Slaves du Sud au milieu du 19e siècle. Ils considéraient que ces peuples étaient le plus souvent trop petits et trop arriérés, qu’ils devaient se raccrocher au développement plus avancé des nations développés dont ils faisaient partie au lieu de prôner un séparatisme ayant toujours le mauvais goût de se tourner vers la Russie tsariste.

Dire qu’ils avaient surmonté cela avec la Yougoslavie (ou la Tchécoslovaquie) et que tout a été réduit à néant! Les peuples slaves sont désormais typiques de ces petits pays aux mentalités étroites, avec un mépris ou une haine pour le voisin, entièrement autocentrés, coupés des grandes évolutions du monde et attendant que les choses se passent sans eux. Tout cela les amène à relever du tiers-monde dans l’Europe. Et à tomber d’autant plus dans le nationalisme, tout en assumant une émigration massive. Un Serbe sur trois se revendique foncièrement serbe… Tout en n’habitant pas en Serbie. Sept millions de personnes ont quitté l’Ukraine depuis 2001…

Quel drame ! Il ne reste plus que les pleurs pour la déesse Slavia.

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Guerre

La superpuissance américaine et l’OTAN disent non à la Russie

Un camp doit désormais céder ou c’est la guerre.

Au sens strict, dire que la superpuissance américaine et l’OTAN disent non à la Russie est erroné, car l’OTAN est un outil américain. Il y a beau avoir des nuances au sein de l’OTAN, cela n’y change rien. Bien entendu, la Bulgarie vient d’affirmer qu’elle ne voulait pas de soldats américains sur son sol (mais d’autres pays), la Croatie a dit qu’en cas de conflit Ukraine/Russie elle enlevait ses soldats de l’OTAN, ce sont mille soldats français que la Roumanie va accueillir, enfin cela ne change pas grand chose au final.

Le fait est que, le 26 janvier 2022, c’est l’ambassadeur américain à Moscou, John Sullivan, qui a remis aux affaires étrangères russes une lettre des États-Unis et une lettre de l’OTAN (il a ensuite été prétendu qu’il n’avait pas remis la seconde lettre, car le symbole est plus que grossier tout de même). Les deux lettres disent la même chose : les exigences russes sont réfutées, mais tant les États-Unis que l’OTAN sont prêts à continuer à discuter.

En ce sens, le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le chef de l’Otan Jens Stoltenberg ont chacun de leur côté tenu une conférence de presse, campant sur leurs positions.

Pendant ce temps-là, à Paris, avait lieu une réunion des partenaires des accords dit de Minsk, au format dit « Normandie », sous la forme des conseillers des présidents allemand, français, russe et ukrainien. C’était à une époque où la France suivait l’Allemagne dans la tentative de s’éloigner de la superpuissance américaine.

LAllemand Jens Plötner, le producteur de film et avocat ukrainien (à la mère russe) Andriy Yermak, un conseiller Russe dont le nom n’est mentionné nulle part enfin le Français Emmanuel Bonne

Voici le communiqué de la réunion, qui ne dit rien du tout, à part : « on va se revoir bientôt ». On remarquera qu’il est parlé d’un cessez-le-feu qui est dans les faits bafoués depuis 2014 de toutes façons.

Les conseillers des Chefs d’État et de gouvernement du format Normandie, avec la participation de représentants des ministères des affaires étrangères, se sont réunis à Paris le 26 janvier 2022.

Ils réaffirment que les Accords de Minsk sont la base du travail du format Normandie, et restent engagés pour atténuer les désaccords actuels dans les travaux à venir.

Ils soutiennent un respect inconditionnel du cessez-le-feu et une pleine adhésion aux mesures de renforcement du cessez-le-feu du 22 juillet 2020, indépendamment des différences sur d’autres sujets relatifs à la mise en œuvre des accords de Minsk.

Ils ont discuté de l’importance du groupe de contact trilatéral et ses groupes de travail pour intensifier leurs activités en vue de progrès rapides dans la mise en œuvre des accords de Minsk.

Ils sont convenus de se réunir de nouveau à Berlin dans deux semaines.

Que va-t-il se passe maintenant? L’Ukraine dit… qu’il n’y a pas de menace d’invasion à court terme, tout en armant 130 000 miliciens, avec naturellement toute l’extrême-Droite qui se précipite. Les États-Unis et le Royaume-Uni considèrent que c’est imminent ; il a d’ailleurs été demandé aux ressortissants américains de quitter l’Ukraine. La Russie répète sans cesse qu’elle ne veut pas envahir, mais alerte sans cesse sur les provocations ukrainiennes contre les « républiques populaires » du Donbass. La France et l’Allemagne aimeraient temporiser.

Au niveau militaire, l’Ukraine reçoit des centaines de tonnes de matériel militaire (américain et britannique principalement) mais cela ne changera pas grand chose face à l’armada russe en place. Il ne manque qu’une chose à celle-ci désormais : beaucoup plus de soldats, mais ceux-ci peuvent être très rapidement sur place alors que l’immense matériel militaire est déjà présent.

On notera ici au passage que si on lit très régulièrement que la Russie est pauvre, elle n’est pas pour autant ruinée ; elle n’est en fait non seulement pas endettée, mais dispose de plus 600 milliards d’euros de réserves. C’est cela qui joue aussi dans la confrontation dans le cadre de la crise ouverte par la pandémie, donnant naissance à la logique impériale.

La Russie fait partie du bloc avec les Chinois, à l’écart du grand impact causé sur le capitalisme mondial dont le cœur sont les pays occidentaux. Elle considère qu’il y a l’opportunité d’établir une dimension impériale face à un bloc très puissant mais devant, pense-t-elle, s’effriter.

Autrement dit, il est clair que l’objectif russe est de partir d’un incident du Donbass pour détruire l’armée ukrainienne et les milice nationalistes, former un gouvernement ukrainien pro-russe en abandonnant ce qui sera appelé les « Galiciens » (à l’ouest de l’Ukraine, avec la ville de Lviv comme centre) considérés comme étrangers à l’histoire « russe » intégrant les Ukrainiens.

Quant à la superpuissance américaine et au Royaume-Uni, ils rêvent que la Russie échoue et s’effondre, et tablent cyniquement pour cela sur une résistance ukrainienne à l’afghane.

La France est partante pour manger le gâteau russe, l’Allemagne aussi mais elle n’y croit que moyennement et pense que la Russie tiendra, aussi qu’il est bien de se rapprocher d’elle pour laisser passer le grand conflit sino-américain à venir.

Nous sommes comme avant 1914, avec les puissances manœuvrant pour leurs visées impériales. La guerre est l’actualité du monde capitaliste.