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La France se lance dans le conflit gréco-turc

La France est alliée à la Grèce pour le prochain conflit maritime.

C’est une situation qui est à la fois nouvelle et dans le prolongement de ce qui s’est déroulé ces derniers mois. La Grèce s’arme, la Turquie s’arme, et la France fournit les armes à la Grèce, en se posant également comme allié. Cela a pris un tournant officiel, bien que non public, à la fin du mois de septembre avec la visite en France des plus hautes représentants officiels grecs (le premier ministre accompagné des ministres de la Défense et des Affaires étrangères).

Si des armes ont été achetées à cette occasion – des frégates et des avions de chasse – il y a surtout un partenariat stratégique qui a été signé et dont le document n’est pas rendu public, ce qui a justement été dénoncé par le PCF(mlm) comme un pacte secret (Pacte militaire secret franco-grec : préparez-vous au grand défi de la guerre franco-turque!).

C’est que l’article 2 du partenariat stratégique dit que si l’un des pays est attaqué, l’autre le soutiendra y compris de manière militaire. Comme en théorie c’est déjà le cas normalement puisqu’il y a des accords entre les pays de l’Union européenne, entre les pays de l’OTAN, c’est qu’on parle ici d’une alliance pour la prochaine guerre maritime.

Il ne faut pas, en effet, s’imaginer que l’armée turque va envoyer ses tanks en Grèce ou inversement. C’est bien entendu possible, mais un regard sur la carte montre aisément que là n’est pas le centre du problème.

Car, si l’on regarde bien, on peut s’apercevoir qu’il y a de nombreuses îles grecques qui sont très proches de la Turquie. Il y a donc d’incessants conflits territoriaux. On a frôlé l’affrontement militaire en 1987 et en 1996 déjà.

Source Wikipédia

Un autre problème qui s’ajoute est Chypre, que la Turquie occupe en partie, que la Grèce considère comme lui revenant de droit, avec pareillement autant de contentieux pour les frontières maritimes

En bleu : zone revendiquée par la Grèce et Chypre
En rouge : zone revendiquée par la Turquie

Voici comment le quotidien Le Monde présente cette question en 2020 :

« Premièrement, celle de « mer territoriale ». Depuis 1982, la largeur des eaux territoriales peut atteindre 12 milles depuis les côtes (environ 22,2 km) et l’État y dispose des mêmes droits que sur son territoire terrestre.

Dans le cas de la Turquie et de la Grèce, la limite est fixée à 6 milles depuis 1936. Si la Grèce décidait d’étendre sa mer territoriale à 12 milles, comme elle l’a laissé entendre ces dernières semaines et comme le droit l’y autorise, les Turcs ne pourraient plus traverser la mer Égée sans passer par les eaux grecques, tant les îles sont nombreuses.

Ce serait « un motif de guerre », a prévenu la Turquie début septembre.

La seconde notion d’importance est celle de zone économique exclusive (ZEE), instaurée par la convention dite de Montego Bay de 1982. D’une largeur maximale de 200 milles (environ 370 km), la ZEE assure à l’État côtier un droit exclusif à l’exploration, à l’exploitation et à la gestion des ressources de la zone. Dit autrement : tout ce qui est découvert dans la ZEE d’un pays lui appartient.

Si un État démontre que son territoire terrestre se prolonge sur le fond des océans au-delà des 200 milles de la ZEE, il peut également demander à étendre ce qu’on appelle son « plateau continental » jusqu’à 350 milles (650 km) et en exploiter ainsi le sol et le sous-sol. »

Cette présentation tout à fait neutre est exemplaire de toute une éducation faite en France à ce sujet, parce que la France, puissance de seconde zone par rapport à la superpuissance américaine et son challenger chinois, vise d’autant plus la Turquie qui est à sa portée et qui plus est dans une zone méditerranéenne toujours considérée comme essentielle.

Tout est fait pour pousser l’opinion publique dans le sens d’une position « naturelle » de la France en Méditerranée, avec une hégémonie qui en découlerait – il suffit de penser à comment la France s’arroge perpétuellement un droit de regard très prononcé sur le Liban.

Et là, avec une alliance officielle de la France avec la Grèce – officielle, mais en même temps « secrète » – on est dans la préparation du conflit, en posant les bases pour celui-ci. Et cela dans l’indifférence complète de l’opinion publique, dépolitisée, prisonnière de la consommation ininterrompue et sans esprit du capitalisme.

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Manœuvres militaires iraniennes à la frontière avec l’Azerbaïdjan

L’Iran fait directement face à l’Azerbaïdjan, le Pakistan et la Turquie.

C’est un nouveau front qui s’ouvre, et qui vient s’ajouter au conflit Russie/Ukraine et à la zone de conflit indo-pacifique. Les pays les plus directement concernés sont l’Iran, l’Azerbaïdjan, la Turquie et le Pakistan, mais en fait tout le Caucase est impliqué, ainsi que la Russie.

Comme on le sait, l’Azerbaïdjan a récupéré le Nagorny-Karabakh, dans le cadre d’une guerre rapide ayant affaibli une Arménie déjà dans une situation particulièrement tourmentée. Or, à cette occasion, le président turc Recep Tayyip Erdogan est venu à Bakou pour le défilé militaire célébrant la victoire, le 10 décembre 2020.

Il a, à cette occasion, récité un poème célébrant le panturquisme – contenant des vers exprimant le regret que le peuple azéri soit coupé en deux. L’auteur est le célèbre poète Bahtiyar Vahabzade (1925-2009), bien que cela ne soit pas certain.

Il faut comprendre ici cet aspect de l’Orient compliqué. Les Azéris sont de culture turque, au point que la Turquie souligne le mot d’ordre Iki devlet, Tek millet, c’est-à-dire deux Etats, une nation. Mais l’Azerbaïdjan est un pays en grande partie musulman chiite, comme l’Iran, et non pas comme la Turquie. Par contre, c’est un Etat très tourné vers la laïcité, comme la Turquie avant ces dernières décennies. Il suffit de voir la candidate de l’Azerbaïdjan à l’Eurovision 2020 pour comprendre que l’Islam n’a pas un poids majeur dans les mœurs.

Et, pour compliquer le panorama, il y a davantage d’Azéris en Iran qu’en Azerbaïdjan. La plus grande erreur qu’on puisse faire sur l’Iran est de l’assimiler d’ailleurs aux Perses (une erreur qu’avait fait le Shah d’Iran par ailleurs). Pour encore plus compliquer les choses, il y a d’ailleurs en Iran une Azerbaïdjan occidentale, mais elle est peuplée surtout… de Kurdes.

L’Iran, historiquement, est très ennuyée par les possibilités de troubles que l’Azerbaïdjan pourrait fomenter, même si elle se sent proche de l’Azerbaïdjan chiite, surtout face à la Turquie. Mais en août 2021 des camionneurs iraniens ont été maltraités par des militaires d’Azerbaïdjan alors qu’ils se rendaient Arménie. L’Azerbaïdjan compte en fait faire cesser le passage clandestin de camions vers l’Arménie et la Russie.

Et, surtout, il vient d’y avoir des manœuvres militaires communes de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et du Pakistan, trois pays frontaliers de l’Iran. Elles ont été même nommées « les trois frères ».

Pire encore, la veille du début des manœuvre, le quotidien Yeni Safak qui exprime le point de vue du gouvernement a interviewé un membre du parlement d’Azerbaïdjan qui a sobrement expliqué… que bientôt l’Iran n’existerait plus !

L’Iran a donc subitement activé elle-même des manœuvres, le premier octobre 2021, à la frontière avec l’Azerbaïdjan. C’est la première fois qu’une telle chose est réalisée depuis la fin de l’URSS.

C’est que l’Iran a compris qu’elle risquait d’être prise à la gorge, d’autant plus que l’Azerbaïdjan a de très bons rapports avec l’État israélien qui fait tout pour faire tomber le régime iranien, jusqu’aux opérations de sabotage. L’État israélien vise notamment des navires, ainsi que du personnel technique contribuant au projet nucléaire iranien.

L’Iran considère d’ailleurs même que l’Azerbaïdjan converge avec l’État israélien dans son opération de déstabilisation. Et conformément à une démarche amenant la confusion entre antisionisme et antisémitisme ou antijudaïsme, les manœuvres, d’ampleur significative (tanks, hélicoptères, drones, etc.), s’appellent Fatehan-e Khaybar, les conquérants de Khaybar.

C’est le nom d’une zone de population juive pillée et soumise par Mahomet à la suite d’une bataille, marquant l’instauration d’un statut de « dhimmi ».

C’est assez exemplaire de la fuite identitaire dans la zone. La Turquie se veut l’héritière de l’empire ottoman, l’Azerbaïdjan nie sa fraternité historique avec l’Arménie, le Pakistan s’invente une origine turque pour justifier sa séparation de l’Inde.

Toutes ces petites puissantes délirent d’autant plus qu’elles deviennent expansionnistes, et leur militarisme converge avec les grandes puissances en compétition pour le repartage du monde.

On notera d’ailleurs, pour encore plus compliquer les choses, que l’Iran est allié à la Russie et que, pourtant, le président turc Recep Tayyip Erdogan vient de se rendre en Russie, avec à la clef l’annonce d’une possible coopération militaire pour la construction de navires, de sous-marins, d’avions de combat. Cela, alors que la Turquie est membre de l’OTAN et un soutien de l’Ukraine…

On l’aura compris : cela part dans tous les sens, comme avant 1914. Il n’y a pas de cohérence, juste une fuite en avant, une compétition, une pression militariste… C’est l’escalade.

D’ailleurs le 30 août 2021, pour la fête nationale turque (marquant la victoire sur l’offensive grecque), le président turc Recep Tayyip Erdogan a posé la première pierre du futur « pentagone » turc…

Il n’aura pas la forme d’un pentagone, mais d’un croissant islamique ; la surface totale sera de 12,6 millions de m², avec 900 000 de surface pour les bâtiments (soit un tiers de plus que le Pentagone américain).

La tendance à la guerre est très claire et c’est le principal aspect de l’évolution du monde.

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Escalade militaire au Kosovo

La Serbie est obligée de réagir, mais converge avec la Russie.

La situation au Kosovo a connu une très intense transformation en très peu de temps. Le Kosovo, c’est une région balkanique d’un peu moins de deux millions d’habitants qui a appartenu à l’ex-Yougoslavie et qui a obtenu son indépendance en pratique en 1999 grâce à l’OTAN, au grand dam de la Serbie qui revendique ce territoire comme lui revenant historiquement.

Les États-Unis servent depuis de puissance tutélaire à ce nouveau pays (depuis 2008) totalement satellisé où il y a la seconde base militaire américaine la plus grande en Europe.

La base américaine Camp Bondsteel au Kosovo

Il y a une population majoritairement albanaise au Kosovo, l’Albanie ayant d’ailleurs diffusé un intense nationalisme dans la région depuis plusieurs décennies (l’Albanie de Enver Hoxha était un régime farouchement nationaliste-ethnique albanais). Les Serbes vivent dans le Nord du pays, formant 15% de la population totale.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est d’ailleurs la décision du Kosovo de ne plus reconnaître les voitures ayant des plaques serbes. Cela implique, de fait, d’obliger la population serbe à se soumettre à l’État du Kosovo, que la Serbie ne reconnaît pas et que les Serbes du Kosovo veulent éviter.

Il y a donc eu dix jours de protestation de la part de la population serbe, jusqu’à un pic de tension. La Serbie a alors envoyé des blindés à la frontière, le président serbe Aleksandar Vucic a lancé un ultimatum à l’OTAN et publié un message Instagram soulignant que la Serbie était avec les Serbes du Kosovo…

Le ministre serbe de la Défense Aleksandar Vulin et l’ambassadeur russe en Serbie Aleksandar Bocan-Harchenko sont allés rendre visite aux troupes serbes à la frontière, deux avions de chasse serbe ont survolé à basse altitude la frontière… L’OTAN a réagi en remplaçant la police des frontières du Kosovo par sa propre mission, la KFOR…

Bref, c’est une véritable escalade militaire qui est strictement parallèle au conflit Russie-Ukraine. Il faut se rappeler ici que la Russie et la Serbie sont très proches historiquement, que la Chine a une présence massive en Serbie… La Serbie est d’ailleurs clairement elle-même un satellite russo-chinois, avec une situation telle que l’émigration est une norme depuis longtemps d’ailleurs (un Serbe sur trois vit à l’extérieur du pays et il existe des communautés serbes massives en Allemagne, en Australie, en Autriche, en Suisse).

Il faut souligner également que la Serbie est historiquement un des grands bastions du mouvement ouvrier depuis le début du 20e siècle. Il est vrai malheureusement que le nationalisme serbe est terriblement puissant et brutal, pour ne pas dire sanglant, et qu’il a ainsi démoli bon nombre de traditions.

Si on ajoute à cela un nationalisme albanais extrêmement développé et fanatique, on a tous les ingrédients pour une situation de tension très forte, pouvant largement aller à la guerre parallèlement au conflit russo-ukrainien. Il s’agit d’ailleurs aussi d’un avertissement russe pour montrer que la région était instable et que s’il y avait une guerre Ukraine-OTAN/Russie, ce serait le brasier régional.

Tout cela, naturellement, ne peut que sembler particulièrement obscur aux Français, qui ont énormément de mal avec les Balkans et avec tous les peuples de l’Est en général, qui leur semblent pittoresques, douteux, étranges, voire dangereux ou semi-barbares. Et pourtant il est capital d’y comprendre quelque chose : faut-il rappeler que la première guerre mondiale s’est déclenché en raison des volontés hégémoniques dans les Balkans, avec comme arrière plan la compétition mondiale pour le repartage du monde?

Et soulignons aussi, dans une même perspective régionale balkanique, que mardi 28 septembre 2021 le premier ministre de Grèce Kyriákos Mitsotákis était à Paris, qu’il a annoncé l’achat de trois frégates, avec Emmanuel Macron apportant son soutien complet, avec en perspective la guerre contre la Turquie.

Il n’est pas une semaine, voire un jour, sans que la tendance à la guerre ne s’exprime. L’engrenage se renforce toujours plus, implacablement.

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Une étude militaire française de 600 pages appelle à renverser le gouvernement chinois

L’agressivité est ouverte.

« Les opérations d’influence chinoises » : tel est le titre d’une étude de 646 pages rendue publique par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française (et disponible en Google drive). C’est une œuvre historiquement importante de par sa portée symbolique sur le plan de l’agressivité militariste.

Elle affirme en effet que, désormais, la Chine opère comme la Russie, celle-ci étant considéré comme opérant à tous les niveaux pour gagner massivement en influence. C’est appelé la « guerre hybride » en langage « géopolitique ».

Par « à tous les niveaux », il faut comprendre par la diplomatie, l’espionnage, l’intimidation, les coups tordus, les coups de force, les médias, l’économie, etc. Naturellement, toutes les grandes puissances font pareil. Cependant, comme en Chine les monopoles sont encore plus puissants que dans les autres pays, et qu’ils tiennent totalement en main l’État, cela rend les choses plus flagrantes, plus directes.

Lorsque Amazon exige, comme ces jours-ci, la légalisation du cannabis aux États-Unis, cela apparaît, aux yeux d’une opinion libérale occidentale, moins arbitraire que les discussions internes du gouvernement chinois– même si cela revient au même dans le fond. La propagande des films hollywoodiens – tels les Marvel – sont « invisibles » pour l’opinion libérale occidentale, à rebours du nationalisme étatique chinois, même si le principe est le même.

Il faut ici simplement comprendre que chaque bloc, même s’il a le même fond capitaliste, critique la forme de l’autre. C’est le sens de la très longue étude qui est une sorte d’organigramme de l’État chinois et de l’éventail de ses initiatives « hybrides ».

Et ce qui est ici essentiel, c’est que l’étude pose la France comme relevant du bloc visé par le challenger, donc comme relevant du bloc dont le leader est la superpuissance américaine. C’est le même point de vue que dans la chronique militariste du Monde, c’est le même point de vue que le think tank qu’on doit qualifier d’impérialiste l’Institut Montaigne (et l’article à ce sujet a d’ailleurs été publié dans Le Monde). Cet institut regroupe hauts fonctionnaires et hauts cadres d’entreprises, en étant financé par LVMH, Total, Vinci et Carrefour ! Difficile d’être plus clair !

C’est là le premier aspect : un choix stratégique et il est considéré comme définitif.

« La prise de conscience, en France, des risques posés par l’influence chinoise est vive et croissante depuis 2019, avec une nette accélération en 2020-2021. C’est dans ce contexte de « réveil français », qui semble désormais irréversible, que s’inscrit la publication du présent rapport en septembre 2021. »

Le second aspect est que le document appelle ouvertement au changement de régime en Chine. C’est tout à fait significatif : un document officiel de l’armée française appelle au renversement du gouvernement chinois et même à la destruction de toutes ses institutions.

Non pas qu’il faille défendre le régime chinois, qui est de type fasciste. Mais critiquer le régime chinois et même vouloir son renversement doit se faire sur une base démocratique, pas avec une mise en perspective militariste au service des couches sociales dominantes des pays riches réfutant le challenger chinois.

L’étude dresse d’ailleurs le panorama de ce qui est présenté comme une déstabilisation générale du monde par la Chine ; c’est un véritable manuel à destination des hauts fonctionnaires, et en même temps une inscription dans le bloc américain, puisque le document est en anglais.

Et la dimension raciste anti-chinoise est très bien calibrée, en prévision des futures campagnes anti-chinoise dans le cadre de la montée des tensions à venir. On a par exemple ce poncif sur l’oriental séducteur – enjôleur et brutal, qui est tout à fait exemplaire cet état d’esprit.

« Pékin vise dans le même temps à séduire et subjuguer, d’une part, et à infiltrer et contraindre, d’autre part. »

Il faut rappeler ici l’importance de la pandémie, qui va servir d’argumentaire pour la superpuissance américaine : c’est la Chine qui serait responsable, c’est elle qui doit payer, etc. On rentre en fait directement dans la phase propagandiste en ce sens.

D’où d’ailleurs l’émergence de contradictions en France sur la manière de s’y prendre. Les auteurs du document ont été obligés de publier un long message pour expliquer que, contrairement aux apparences, ils n’étaient pas pour un blocus total anti-chinois (ce qui est ridicule vu le contenu ouvertement militariste anti-chinois), et cela a provoqué une très violente polémique avec l’Institut de relations internationales et stratégiques, accusé en quelque sorte d’être l’idiot utile de la Chine.

Cela reflète les contradictions au sein des couches dominantes françaises : si la ligne est celle d’un alignement américain malaisé (comme le montre l’affaire des sous-marins australiens), il y a les tenants d’une ligné néo-gaulliste cherchant à trouver un espace (illusoire) entre les deux blocs…

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Le rapport français à la Chine : la violente polémique IRSEM/IRIS

L’institut militaire présente l’IRIS comme en convergence avec la Chine.

La publication du document intitulé « Les opérations d’influence chinoises » par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire de l’armée française (IRSEM) a provoqué les foudres de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), un think tank associatif.

L’IRIS a une ligne en effet très différente, résumée comme suit par son président Pascal Boniface :

« Je ne pense pas que la lutte pour la suprématie mondiale qui se déroule entre Pékin et Washington doive interférer sur les positions
françaises et européennes. »

Cette position est à l’image de la nature de l’IRIS. Le président du conseil d’administration est Alain Richard, issu du Parti Socialiste Unifié et ensuite du Parti socialiste… Le président d’honneur est le socialiste Pascal Lamy (ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce), le vice-président est le socialiste Hubert Védrine (ancien ministre des Affaires étrangères), le secrétaire est Jean Musitelli auparavant administrateur de l’institut François-Mitterrand le, trésorier est Pascal Cherki, socialiste puis Génération-s avec Benoît Hamon…

On a du côté administrateur notamment Pouria Amirshahi, ancien parlementaire, directeur de Politis et ancienne grande figure du syndicat étudiant l’UNEF-ID passé ensuite au Parti socialiste…

Aux côtés par exemple du socialiste Marc-Antoine Jamet, secrétaire général de Louis Vuitton – Moët Hennessy (LVMH), l’ancien conseiller diplomatique de François Hollande Jacques Audibert (désormais secrétaire général du groupe Suez) et de Michel Edouard Leclerc, président du groupe de distribution E.Leclerc.

Bref c’est du capitalisme « social », autrement dit la gauche caviar, et historiquement les socialistes français ont toujours eu d’excellents rapports avec la direction chinoise. L’idée est donc de maintenir une sorte de ligne à la fois sociale et capitaliste agressive en cherchant à éviter le conflit sino-américain… Ce qui est bien entendu inacceptable du point de vue de la ligne actuelle de la France.

Voici la réponse de l’IRIS à l’accusation de l’IRSEM et la contre-réponse de l’IRSEM. Il faut prendre cela comme quelque chose de terrible, car c’est un débat impérialiste au sein des intellectuels au service des couches dominantes… C’est de « géopolitique » qu’il est parlé, de choix au plus haut niveau, contre donc les décisions par en bas, démocratiques, celles du peuple…

On notera absolument le dernier paragraphe de la contre-réponse de l’IRSEM, d’une violence!

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La chronique militariste-stratégique pro Etats-Unis du Monde

Le cynisme règne en maître.

Le Monde a publié une chronique (payante) à la fois particulièrement militariste et de portée stratégique. Son auteur en est Alain Frachon, éditorialiste de ce quotidien, auquel il appartient depuis 1985. Si la chronique se veut une simple proposition-réflexion, c’est en fait surtout le reflet de la ligne moderniste à la Emmanuel Macron ; ce qui est vraiment nouveau, c’est le fait de le dire ouvertement, de manière cynique.

C’est que l’idée est simple : les États-Unis vont faire la guerre à la Chine et ils vont gagner, il n’y aura jamais d’unité européenne autour du moteur franco-allemand, il faut donc une défense européenne de bas niveau allié aux États-Unis, pour que la France profite d’une part du gâteau chinois.

Voici le titre de la chronique.

« La crise des sous-marins n’est pas une affaire de qualité de navire, c’est un grand pas en avant dans l’affrontement entre la Chine et les États-Unis »

Voici l’annonce cynique de la guerre sino-américaine.

« C’est un grand pas en avant dans l’affrontement sino-américain, d’ailleurs justifié de manière pro-américaine. »

« Le pacte Aukus – Australia, United Kingdom, United States – confirme la priorité stratégique des Etats-Unis : la Chine. »

« La Chine militarise à tout-va les îlots – territoires disputés avec ses voisins – dont elle s’est emparée par la force dans le Pacifique occidental. Elle a multiplié opérations d’espionnage et d’influence politique à Canberra. »

Voici la présentation « géopolitique » de la chronique, dans une démarche totalement cynique.

« L’épisode Aukus devrait confirmer la ligne d’Emmanuel Macron : en ces temps de réorientation des priorités états-uniennes, l’UE doit plus que jamais acquérir un minimum d’autonomie stratégique. Elle doit notamment se doter des moyens de résister à la pression revancharde de la Russie de Vladimir Poutine et d’exister dans un monde de blocs. C’est ce qu’on appelle l’Europe de la défense. »

« Nos partenaires – par ailleurs indifférents aux affaires du Pacifique – rechignent. Ils craignent qu’une telle perspective n’amène les Etats-Unis à s’éloigner plus encore du Vieux Continent.

Quant aux Américains, ils semblent, politiquement, psychologiquement, génétiquement, incapables de soutenir une autonomie stratégique européenne, serait-elle limitée.

Cette orientation serait pourtant conforme à leur nouvel axe stratégique : priorité à l’Asie-Pacifique parce qu’ils estiment que c’est là, face à la Chine, que se joue le maintien de leur leadership mondial. »

Le fait que le quotidien Le Monde montre à quel point on a changé totalement de contexte avec la crise (partir de la pandémie pour arriver à l’économie, puis la politique, les rapports de force entre pays…). Il est parlé de la troisième guerre mondiale comme si de rien n’était.

Une guerre sino-américaine serait un désastre pour l’Humanité – et la seule chose dont il est parlé, c’est de comment la France peut tirer son épingle du jeu. Ce n’est ni plus ni moins que de l’impérialisme – c’est sur des millions de mort d’une guerre que danse cette sinistre chronique du Monde.

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Le rappel des ambassadeurs français d’Australie et des États-Unis

Emmanuel Macron est pris à son propre piège.

Le Figaro, dans un éditorial, a réagi à l’affaire des sous-marins et à la naissance de l’AUKUS en disant qu’il était hors de question de rappeler les ambassadeurs ou de sortir de l’OTAN. Et pourtant, dans la foulée, Emmanuel Macron a demandé au ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian de rappeler les ambassadeurs français à Washington et Canberra.

En langage diplomatique, c’est un avertissement qu’une ligne rouge a été franchie. Les ambassadeurs ne reviennent pas avant quelques temps – un jour, un mois, une année, etc. -, pour signaler une certaine dimension antagonique à la question.

Le message officiel du ministre des affaires étrangères est le suivant :

« A la demande du Président de la République, j’ai décidé du rappel immédiat à Paris pour consultations de nos deux ambassadeurs aux États-Unis et en Australie.

Cette décision exceptionnelle est justifiée par la gravité exceptionnelle des annonces effectuées le 15 septembre par l’Australie et les États-Unis.

L’abandon du projet de sous-marins de classe océanique qui liait l’Australie à la France depuis 2016, et l’annonce d’un nouveau partenariat avec les États-Unis visant à lancer des études sur une possible future coopération sur des sous-marins à propulsion nucléaire, constituent des comportements inacceptables entre alliés et partenaires, dont les conséquences touchent à la conception même que nous nous faisons de nos alliances, de nos partenariats et de l’importance de l’Indopacifique pour l’Europe. »

On voit que le ministre met sur le même plan l’abandon du partenariat et l’introduction de la technologie américaine en Australie. C’est que la France joue la carte de « l’intermédiaire », du pays de puissance moyenne favorable à un monde « multipolaire ». Or, l’introduction de la propulsion nucléaire a deux conséquences : à moyen terme, d’autres pays vont demander la même chose, comme la Corée du Sud et le Japon. Qui plus est, l’Australie va aller dans le sens de posséder des bombes atomiques.

C’est là multiplier les puissances de taille moyenne, assumer ouvertement la formation de blocs… autant dire que la France a tout à y perdre dans ses ambitions littéralement impérialistes. Elle dispose, rappelons-le, de la seconde Zone Économique Exclusive du monde en raison de tous ses territoires au Pacifique et elle ne compte pas les perdre. Mais toute militarisation, tout conflit implique de les perdre, au profit de la Chine ou des puissances locales (il faut se souvenir de l’attentat français contre le Rainbow Warrior, dans le cadre de telles contradictions).

La France a d’ailleurs immédiatement pris contact avec l’Inde au niveau diplomatique, des discussions ayant eu lieu entre le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian et le ministre indien des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar, une rencontre étant bientôt prévue à New York. Il y a même eu un communiqué officiel français à ce sujet :

« M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, s’est entretenu aujourd’hui par téléphone avec son homologue indien, M. Subrahmanyam Jaishankar.

Les deux ministres ont décidé d’approfondir leur partenariat stratégique, fondé sur une relation de confiance politique entre deux grandes nations souveraines de l’Indopacifique. Ils ont également échangé sur la situation en Afghanistan, qui se détériore.

Les deux ministres sont convenus de se revoir à New York la semaine prochaine, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, pour travailler sur un programme commun d’actions concrètes pour défendre ensemble un ordre international réellement multilatéral. »

Mais c’est là ni plus ni moins qu’une tentative de former un nouveau bloc. En fait, on ne peut pas échapper à la logique des blocs – à moins de s’opposer résolument à la guerre, telle que l’a toujours fait la Gauche historique.

Emmanuel Macron est pris à son propre piège ici, car il s’est posé comme libéral-moderniste faisant « avancer » le capitalisme – et il est dans une situation de crise mondiale où la bataille pour le repartage du monde s’ouvre toujours davantage. Pro-américain par définition, il a été obligé de faire face à un affront diplomatique – mais quelle solution peut-il proposer ?

On voit très bien comment les réactions en France ont été massives sur le plan politique, lors de cette affaire. Cela montre que les prochaines présidentielles vont tendanciellement se jouer sur la ligne stratégique choisie par la haute bourgeoisie française dans une situation mondiale où la guerre est à l’ordre du jour pour la prochaine décennie.

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Instauration de l’alliance Australie – Royaume-Uni – Etats-Unis

L’esprit impérialiste s’exprime ouvertement et l’ennemi, c’est la Chine.

Le 15 septembre 2021 au soir, une conférence vidéo a réuni le président américain Joe Biden, le premier ministre britannique Boris Johnson et le premier ministre australien Scott Morrison. Il a été annoncé une alliance stratégique allant dans les sens d’une unification militaire pour la région indo-pacifique.

Plus précisément, l’alliance Australie – Etats-Unis – Royaume-Uni, présentée sous l’acronyme AUKUS, implique en effet un partage d’information et de technologie, une intégration des connaissances scientifiques liées à la défense et la sécurité ainsi que des bases industrielles et des chaînes d’approvisionnements.

En ce sens, les Etats-Unis vont fournir à l’Australie de quoi mettre en place des sous-marins à propulsion nucléaire ; la seule fois où un tel partage d’un tel type de connaissances a eu lieu, c’était pour le Royaume-Uni en 1958.

Les trois pays sont déjà membres de la  » Five Eyes alliance », avec la Nouvelle-Zélande et le Canada, une collaboration générale au niveau des services secrets. Cette fois, on rentre dans le dur puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’élever le niveau matériel de l’Australie sur le plan militaire dans le cadre de la future confrontation avec la Chine.

D’ailleurs, en plus des sous-marins eux-mêmes, la technologie nucléaire acquise peut également permettre à l’Australie d’aller dans le sens de posséder la bombe nucléaire, même si évidemment elle prétend actuellement ne pas vouloir de prolifération.

On notera que cela implique également l’annulation de la commande effectuée il y a deux ans auprès de la France de douze sous-marins de ce type (pour 31 milliards d’euros). Cela ne peut que déplaire à la France. Et c’est très dangereux pour la Gauche en France, car cette situation va renforcer les excitations militaristes, les fantasmagories stratégiques, les velléités impérialistes d’aller à la guerre.

Car la superpuissance américaine ne veut pas perdre son hégémonie, la Chine veut devenir une superpuissance et obtenir l’hégémonie (le régime tente en ce moment de recadrer les esprits dans un sens nationaliste – étatique d’ailleurs). Le Royaume-Uni veut être aux premières loges de la victoire américaine espérée, d’où le BREXIT.

De son côté, la Russie cherche à maintenir sa position à l’ombre chinoise, alors que l’Allemagne espère compter les points et profiter de son hégémonie en Europe. C’est une véritable course impérialiste comme avant 1914.

Que va faire la France? Au rythme où vont les choses, c’est cette question de savoir se placer dans la bataille pour le repartage du monde qui va devenir de plus en plus central, et il va être essentiel de comprendre ce qui va en être pour la présidentielle 2022.

On notera d’ailleurs qu’aucun des trois pays concernés par l’alliance AUKUS n’a daigné ne serait-ce que faire semblant d’avoir un débat dans le pays à ce sujet. L’information au sujet de l’alliance a filtré quelques heures avant son annonce, toutes les décisions ont été prises par en haut, dans l’esprit de la diplomatie secrète. C’est tout à fait révélateur d’une marche à la guerre et les institutions doivent s’effacer substantiellement devant elle.

Le fait qu’en France les classes dominantes ne soient pas unies sur les choix stratégiques est ainsi une chance, car cela peut permettre de percer cette muraille du secret, des décisions lointaines, comme cela peut être un terrible danger car cela peut renforcer l’attrait, pour faire avancer la marche à la guerre, d’utiliser le nationalisme avec une grande ampleur.

En tout cas, avec AUKUS, on a déjà un bloc de formé pour la guerre pour le repartage du monde. C’est le second bloc clairement défini avec celui Russie-Chine. Les choses vont vite, très vite.

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Montée des tensions entre la mer Noire et le Golfe Persique en passant par la Transcaucasie

La ligne de front des conflits est immense géographiquement parlant.

Cela barde de plus en plus dans tout un arc de confrontations allant de la mer Noire au Golfe persique, en passant par la Transcaucasie. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, après avoir changé de ministre de l’Intérieur (qui trustait cette position depuis de longues années), a remplacé le ministre de la défense, le chef d’Etat-major, le commandant des forces aériennes d’assaut et celui des forces opérant dans le Donbass.

Et un opposant biélorusse, Vitali Chychov, a été retrouvé pendu en Ukraine, laissant planer bien sûr l’intervention des services secrets biélorusses, alors qu’inversement une opération de propagande est menée avec une athlète biélorusse « fuyant » le Japon pour éviter d’avoir à retourner dans son pays, où des problèmes l’attendraient en raison de sa critique de l’équipe technique des Jeux Olympiques.

Autrement dit, cela n’arrête pas. Et, désormais, il semble que l’Iran soit arrivé de manière directe dans la ligne de mire occidentale. Israël, les États-Unis et le Royaume-Uni accusent en effet ce pays d’avoir mené une attaque faisant deux morts, au moyen de drones contre le pétrolier japonais Mercer Street, battant pavillon libérien, géré par une société britannique, appartenant à un milliardaire israélien.

Le ton israélien et britannique est particulièrement violent concernant l’exige d’une réplique occidentale collective. En réalité, cela fait des mois que l’Iran et Israël mènent des attaques contre des navires, au moyen de drones, de mines, de saboteurs, etc.

Mais vu avec attention, la montée des tensions s’explique aisément. Comme en Ukraine, il s’agit de cibler un régime favorable à la Chine, là-bas la Russie de Poutine, ici l’Iran islamique chi’ite. À chaque fois, il s’agit de puissance moyenne en terme industriel et militaire, avec un régime fragile, voire bancal concernant l’Iran.

En Ukraine, la pression était retombée du fait de l’échec, relatif, du bloc britannico-américain à entraîner les pays capitalistes de l’Union européenne dans un conflit ouvert contre la Russie. En particulier, l’Allemagne s’était opposée à un tel conflit du fait de ses intérêts propres et de sa stratégie allant dans le même sens que « l’Eurasianisme » promeut par le régime de Moscou.

Concernant Iran, le bloc britannico-américain peut compter sur le ralliement de l’Arabie saoudite et des Émirats, ainsi que sur celui d’Israël, qui sont chauffés à blanc face à l’Iran, sur lequel sont projetés toutes les difficultés internes. Dans ces pays, une large propagande entretient depuis des années une hostilité ouverte contre l’Iran avec des accents militaristes et chauvins toujours plus poussés.

Pour autant, le ralliement des pays de l’Union européenne n’est pas là non plus garanti, avec la France notamment, qui entretient d’importantes forces navales et aériennes dans le secteur, aux Émirats et à Djibouti en particulier, ne se montre pas favorable à un conflit ouvert et reste pour le moment alignée sur l’Allemagne.

C’est cet arrière-plan général qui aide à comprendre la pression qui s’exerce sur les pays de la Transcaucasie, en particulier l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et dans une moindre mesure la Géorgie.

Parce que, effectivement, toute cette partie du monde a été transformé en poudrière.

C’est vrai en particulier pour une Transcaucasie qui participe avec engouement à cette vaste confrontation, dont les intérêts la dépasse, mais qui appuie localement les régimes ou les tendances militaristes et nationalistes chauvines, constituant plus largement des factions ralliées à tel ou tel bloc impérialiste, et pensant ainsi en profiter pour « tirer les marrons du feu ».

L’Azerbaïdjan est ici le pivôt de ces enjeux tragiques. Son régime corrompu, tenu par le clan Aliev, l’entraîne à toutes les compromissions et toutes les aventures.

De fait, l’Azerbaïdjan est poussé à la fuite en avant nationaliste. Le pays a bien tenté ces derniers mois d’exister sur la scène internationale par les compétitions sportives en mode démagogique : grand prix de F1 à Bakou, tenue de matchs de la coupe d’Europe de football, participation aux championnats d’échecs, etc… mais aucune de ces tentatives n’a suscité d’entrain populaire.

Les réseaux sociaux azéris, plus libres que les médias en termes de contrôle de la parole, ont vu fleurir ces derniers mois les critiques acerbes contre la corruption du régime et son caractère cosmopolite décadent, au point même que la presse arménienne a pu largement contribuer à diffuser toutes les nouvelles permettant de discréditer le régime.

Bien sûr, cela se heurte au fait que le plus grand titre de gloire d’Ilham Aliev est l’écrasante victoire obtenue sur l’Arménie, en particulier la reconquête symbolique de Chouchi/Shusha.

Bloqué sur toutes les autres voies, le régime ne cesse ainsi de radicaliser sa position face à l’Arménie et multiplie les provocations et les tentatives d’intimidation contre son voisin. Malgré la position officielle, qui voudrait que la question du Karabagh serait réglée pour Bakou, la propagande chauvine et raciste anti-arménienne ne cesse ainsi de gagner en ampleur.

Et les accrochages meurtriers à la frontière Arménie-Azerbaïdjan ont été nombreux.

De l’autre côté, en Arménie, Nikol Pashinyan est parvenu à se maintenir au pouvoir malgré la défaite, sur la même ligne nationale-libérale. Il faut voir que l’ancien régime militariste pro-russe est très largement déconsidérée dans la population, notamment la jeunesse, mais aussi que Nikol Pashinyan a révisé ses positions en partie.

D’un côté, il s’est aligné officiellement sur Moscou, réclamant même que les frontières avec l’Azerbaïdjan soient désormais gardées par l’armée russe, comme le sont déjà les frontières avec la Turquie. C’est là quelque chose de très clair.

La position militaire de la Russie dans le secteur n’a pour cette raison jamais été aussi forte.

Mais de l’autre, il poursuit néanmoins sa politique pro-européenne : multipliant les accords avec l’Allemagne, notamment en terme de liaison aérienne, et avec la France, en terme de coopération militaire. L’immense ambassade des États-Unis à Yerevan se fait aussi plus active.

En résumé, on a donc un Azerbaïdjan puissant, grand acheteur d’armements et où s’ouvre d’immenses chantiers délirants en terme de BTP financés à coup de pétrodollars, avec tout un projet devant faire de Chouchi/Shusha une ville moderne à l’équipement complet en terme d’infrastructures.

La Turquie notamment cherche à s’y faire une place, voire à satelliser l’Azerbaïdjan, mais elle est dépassée en terme de capitaux par les moyens de l’Allemagne et de ses alliés, notamment la Suisse et l’Autriche, soucieux de renforcer leurs positions dans ce pays.

La Suisse est de fait un élément clef de toutes les finances d’Azerbaïdjan, qui vient d’ailleurs d’ouvrir un bureau commercial en Israël.

L’Arménie de son côté n’est qu’une bonne affaire que chacun soutient en vue de faire pression sur Bakou afin de pousser le régime à toujours plus de dépendance, de militairisme et de corruption, entraînant l’Arménie sur la même pente.

Mais avec la confrontation ouverte qui se dessine entre le bloc britannico-américain et les pays favorables à Pékin, Russie et Iran notamment, la situation risque bien de virer du tragique à l’apocalyptique.

L’Iran a annoncé la semaine passée sa volonté d’intervenir au Karabagh pour assurer la paix, afin d’éviter que l’Azerbaïdjan ne bascule trop nettement dans le camp occidental, ou du moins afin de verrouiller la situation, là aussi en instrumentalisant l’Arménie contre Bakou.

Il faut voir que pour Téhéran il y a là une question essentielle : tout le nord du pays autour de Tabriz consiste en une zone turcophone traditionnellement instable, voire hostile, qui est d’ailleurs l’Azerbaïdjan historique, le pays nommé aujourd’hui « Azerbaïdjan » n’en étant que le prolongement Transcaucasien.

Il faut également souligner que l’Afghanistan, en proie à un désastre depuis sa conquête par la superpuissance soviétique en 1979, est en train de tomber de nouveau aux mains des Talibans, avec pour le coup cette fois un appui chinois.

Toute offensive ouverte dans le Golfe persique contre l’Iran aura donc nécessairement des répercussions dramatiques en Transcaucasie d’un côté, vers l’Afghanistan de l’autre, et dans tous les cas notamment sur l’Arménie, dont l’existence ne tient de plus en plus qu’aux intérêts instables et aux manœuvres machiavéliques des puissances engagées dans ces conflits.

Il n’y a là pourtant aucun « plan » justement, c’est littéralement le sac de nœuds et l’issue, c’est la guerre et le déchirement de la région, tout cela pour satisfaire les intérêts des grandes puissances.

Et la clef, ce qui décide de la tendance générale, c’est l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger chinois.

Les autres affrontements sont ce même affrontement, indirect et oblique, avec comme objectif de « bloquer » l’influence de la Chine et de ses soutiens plus ou moins alignés sur un front coupant le Proche-Orient sur cet axe mer Noire-Golfe Persique d’une part et d’autre part dans le Pacifique.

Le long de ces « fronts » la superpuissance américaine et ses alliés allument des foyers de tensions visant à multiplier les crises et à fragiliser toujours plus Pékin, alors que la Mer de Chine devient un point névralgique. L’Allemagne vient d’ailleurs d’y envoyer une frégate d’attaque et l’Inde envoie elle quatre navires de guerre de première ligne.

Le dispositif de guerre, avec des visées impériales, s’installe de manière plus forte, plus complexe, et comme avant 1914, les masses sont aveugles encore… d’où la nécessité, comme à l’époque, d’assumer les fondements de la Gauche historique et de présenter cette actualité, de la dénoncer, de la combattre!

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L’Allemagne choisit la Russie, les Etats-Unis cèdent sur l’Ukraine

L’Allemagne a réussi à revenir au centre du jeu dans le conflit Russie-Ukraine.

Test le 19 juillet 2021 du missile de croisière hypersonique russe Tsirkon

« Trahison » : voici comment le journal Kyiv Post – un média fondé aux États-Unis traitant de tout ce qui concerne l’Ukraine avec une ligne pro-occidentale agressive – résume la visite de la chancelière allemande Angela Merkel aux États-Unis. En effet, le président américain Joe Biden a fini, contrairement à certaines attentes, par céder et à accepter l’existence du Nord Stream 2, un gazoduc germano-russe passant par la mer Baltique, doublant le Nord Stream 1 déjà existant.

Or, la principale conséquence est que les gazoducs venant de Russie passaient jusqu’ici principalement par l’Ukraine, et perdent leur importance. L’un des éléments importants donnant de la valeur à l’intégrité territoriale ukrainienne aux yeux des pays européens disparaît.

Les gazoducs provenant de Russie

Les 1200 km du gazoduc Nord Stream 2 étaient en passe d’être terminés, mais les États-Unis avaient bien insisté pour dire que ce n’était pas une raison et qu’il était encore temps de l’arrêter. L’objectif américain était d’isoler la Russie ; stopper Nord Stream 2 quasiment terminé, c’était établir une détermination sans faille contre la Russie, réaliser un vrai bloc européen.

L’opération a échoué. En Allemagne la bataille interne, très remuante, a tourné à la victoire des tenants de l’affirmation hégémonique, contre une soumission – intégration aux États-Unis. Le choix a été fait d’exiger la mise en place de Nord Stream 2. Comme le constate l’éditorial du Monde du 23 juillet 2021, c’est toute la diplomatie européenne dans son opposition à la Russie qui tombe à l’eau.

Le désarroi ukrainien est, de fait, très grand. Il y a peu le pays était sur des charbons ardents, gonflé à bloc, prêt à en découdre avec la Russie en s’estimant soutenu par toute l’Union européenne et les États-Unis. Fin juillet, le pays se retrouve clairement comme un pion qui a été plus ou moins abandonné.

Officiellement, bien sûr, ce n’est pas le cas. Victoria Nuland, la numéro trois du département d’État américain, a résumé comme suit l’accord germano-américain du 21 juillet 2021 :

« Si la Russie devait tenter d’utiliser l’énergie comme une arme ou commettre d’autres actes agressifs à l’égard de l’Ukraine, l’Allemagne s’engage, dans cet accord avec nous, à prendre des mesures au niveau national, et à faire pression pour des mesures efficaces au niveau européen, y compris des sanctions pour limiter les capacités d’exportation russes vers l’Europe dans le secteur énergétique. »

Si les choses se passent rapidement sur le terrain, un tel engagement ne signifie pourtant pas grand chose, l’Ukraine le sait bien.

De toutes façons, l’Allemagne, la principale puissance européenne, décidera comme elle l’entend. C’est d’autant plus vrai que toute l’Europe de l’Est et du Sud dépend du gaz russe. L’Allemagne et son satellite autrichien ont donc vite fait de prendre partie.

Et si l’accord russo-ukrainien sur le transit du gaz finit en 2024 et si l’accord germano-américain prévoit que l’Allemagne soutienne la reconduite du contrat pour dix ans, cela veut simplement dire que l’Allemagne compte passer à l’offensive pour littéralement faire passer sous sa coupe toute cette région du monde, en partenariat avec la Russie.

On peut ainsi constater ici que la vaste offensive de l’OTAN contre la Russie, si puissante il y a quelques jours, quelques semaines, vient de se voir mettre en échec par les contradictions germano-américaines. On a ici un moment clef avec une affirmation profondément agressive de l’Allemagne comme grande puissance avec des visées hégémoniques.

La Russie a accompagné ce processus de manière prononcée.

Le 16 juillet 2021, à Tachkent en Ouzbékistan, les ministres des affaires étrangères chinois et russe, Wang Yi et Sergueï Lavrov, se sont rencontrés, soulignant l’entente sino-russe et son opposition à une « stratégie indo-pacifique » emplie d’une « mentalité de Guerre froide ». Sergueï Lavrov a mis en valeur que :

« Les relations sino-russes sont à leur meilleur niveau dans l’histoire et elles ne constituent pas une alliance militaro-politique similaire à celles forgées pendant la période de la Guerre froide, mais un nouveau type de relations bilatérales. »

Le 19 juillet s’est tenue une réunion sur le développement stratégique russe et le premier vice-Premier ministre russe Andreï Belousov a affirmé que le transit maritime par l’Arctique passerait de 1,3 million de tonnes en 2020 à 30 millions de tonnes en 2030.

Le même jour a eu lieu le test d’un nouveau missile hypersonique, Tsirkon, lancé depuis la frégate Admiral Gorshkov contre une cible de surface à 350 km. Tsirkon a atteint Mach 7. Ce missile de croisière, dont la vitesse maximale est Mach 8 (10.780 km/h), peut parcourir 600 kilomètres à une moyenne de 6 000 km/h ; il doit équiper tous les sous-marins et tous les navires de surface de l’armée russe.

L’armée russe a également mis en place l’étude systématique par son personnel de l’article sur l’Ukraine du président russe Vladimir Poutine. Rappelons que l’existence de l’Ukraine comme nation indépendante y est niée.

Et lors du Salon international aérospatial MAKS 2021, s’ouvrant le 20 juillet 2021, l’armée russe a présenté le Soukhoï Su-75, surnommé Checkmate. Ce chasseur de haute qualité, sorte d’équivalent low cost du Rafale français, doit être produit à partir de 2025 pour être exporté. C’est un élément essentiel dans une politique hégémonique que d’être capable de fournir du matériel de guerre à ses satellites.

Le Soukhoï Su-75

La Russie a donc réussi à échapper à une offensive de l’OTAN et à renverser la partie par l’intermédiaire de l’Allemagne. Désormais, elle redevient la menace principale dans la région, avec clairement un risque pour l’unité territoriale ukrainienne.

Et la tension principale se déplace. Il est évident que les États-Unis entendent éviter deux fronts. Une seconde réunion au sommet américano-russe a d’ailleurs été mis en place en urgence et doit se tenir dans quelques jours ; comme celle du 16 juin 2021, elle se tiendra à Genève.

Il faut donc désormais porter une attention significative à la mer de Chine, puisque l’affrontement sino-américain direct redevient, comme sous Donald Trump, l’aspect principal. Et déjà le 20 juillet le Royaume-Uni a annoncé le déploiement permanent de deux navires de guerre en mer de Chine…

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Le chef d’état-major des armées nomme les ennemis: Turquie, Iran, Russie, Chine

C’est une véritable agression idéologique et diplomatique.

Le Figaro Magazine a interviewé le général Lecointre, dans son numéro du week-end du 16-17 juillet 2021.

C’est que chef d’état-major des armées (Cema) depuis 2017, le général Lecointre a en fait choisi de partir afin de ne pas avoir un mandat qui corresponde à celui du président de la République Emmanuel Macron. C’est bien entendu un acte d’indépendance, sous-entendu : l’armée obéit au chef de l’Etat mais ne se confond pas avec lui ni avec sa personne. On doit littéralement parler de défiance d’ailleurs, car en France la dimension « personnelle » du président de la République est fondamentale.

Pour donner un exemple de cela, dans l’interview, le général Lecointre se permet une pique, pour souligner qu’Emmanuel Macron ne parle pas le « langage » de l’armée. C’est anecdotique, mais très révélateur :

« Pour annoncer la fin de Barkhane, le président Macron dit : « Notre présence sous forme d’opération extérieure n’est plus adaptée à la réalité des combats. » Qu’est-ce que cela signifie ?

Sa phrase a suscité une certaine interrogation dans les armées parce que l’expression « opération extérieure » correspond à un statut. Cet encadrement juridique est essentiel et il protège nos soldats engagés à l’extérieur de nos frontières.

En fait, ce que le chef de l’État a voulu dire, c’est qu’il ne fallait plus que la France combatte seule face à un ennemi identifié susceptible de conquérir tout le pays, comme ce fut le cas au déclenchement de Serval. On passe de cette logique-là à une autre dans laquelle l’armée française ne doit plus être en première ligne. »

La réponse n’a pas satisfaite le Figaro, du moins en apparence puisque on peut être certain que les questions avaient l’accord du général, en fonction des messages à faire passer. Et, donc, en rapport avec la réponse précédente, il est bien entendu parler de la Russie et de la Chine, puisque c’est la vraie raison de la fin de Barkhane :

« Les coups d’État successifs au Mali ont-ils changé la donne ?

La légitimité de notre engagement repose sur le fait d’opposer une vision de stabilisation et de développement de l’Afrique fondée sur l’état de droit et la démocratie à celle des islamistes tenants d’un État religieux dur.

Notre conception s’oppose également à celles portées par la Russie ou la Chine qui sont dans une logique de prédation et se désintéressent de la légitimité du pouvoir en place et du respect de l’état de droit.

Ces valeurs universelles donnent un sens à la mission de nos soldats et j’y tiens beaucoup. »

C’est là le coup classique du « bon » conquérant par rapport au mauvais. Au-delà, il y a le fait de nommer de manière ouverte des « ennemis ». Le général Lecointre en nomme d’autre encore, en mentionnant de nouveau la Russie :

« Les confrontations avec des acteurs régionaux – Turquie, Iran, Russie – vont être de plus en plus dures et de plus en plus fortes.

Elles se rapprochent de nous. La France ne peut imaginer qu’elle va rester à l’écart comme dans une bulle protégée. »

On peut dire que, pour la première fois, un général français, le numéro 1 même (ou 2 si on place le président de la République avant, administrativement parlant), nomme de manière ouverte les protagonistes ou plus exactement les ennemis de la guerre que va mener la France.

C’est historique.

Mentionnons pour conclure, car c’est d’un grand intérêt, l’élan lyrique du général qui parvient à résumer de manière parfaite la mentalité militaire française. C’est là un tour de force, car l’idéologie de l’armée française est tellement existentialiste qu’elle est complexe à définir. Le général Lecointre y arrive très bien :

« Le militaire s’isole dans la société?

Je ne crois pas. Il est différent. Et sa différence peut provoquer une incompréhension. Une incompréhension à sens unique. Le militaire comprend la société dont il est issu mais le civil, qui ignore souvent comment les armées transforment les hommes, ne comprend pas le militaire.

Antoine de Saint-Exupéry a écrit (il ouvre un vieux cahier où il note des citations depuis qu’il était élève d’hypokhâgne) : « Il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde : rendre aux hommes une signification spirituelle des inquiétudes spirituelles. »

Les armées, parce qu’elles ont cette communauté de vie et cette proximité avec la perspective de la mort, sont naturellement enclines à des inquiétudes spirituelles. »

C’est vraiment très bien tourné. On ne peut absolument pas comprendre l’armée française si on ne comprend pas que son moteur idéologique est l’inquiétude quant à une transcendance, d’où le fait qu’elle se permette d’intervenir au nom d’une exigence morale « supérieure ». Le coup d’Etat de 1958, celui de 1961, mais c’est vrai également avant… ne relèvent pas tant d’une logique « militariste » que d’une sorte d’impulsion idéologique spiritualiste découlant en militarisme.

Si on ne comprend pas cela, on ne peut pas saisir les ressorts de l’armée française ni comprendre le sens de la « mission » que s’est donné le général de Villiers… Ni comprendre la fascination d’une large partie de la population française pour l’armée comme garante des valeurs, réelle éducatrice, lieu de fraternité au-delà de la souffrance et de la mort, etc.

C’est littéralement du socialisme inversé en communautarisme autoritaire et le fascisme français, historiquement totalement spiritualiste, a ici un bastion inexpugnable.

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Avertissement russe au Royaume-Uni et grand ménage intérieur ukrainien

Les plaques tectoniques continuent de se mouvoir.

Le 14 juillet 2021, Mikhail Popov, secrétaire député du Conseil de Sécurité de la Russie, a abordé la question de l’incident avec le navire de guerre britannique HMS Defender, en Mer Noire, dans les eaux de la Crimée (conquis à l’Ukraine par la Russie et annexée). Dans une interview accordée à la Rossiiyskaya Gazeta, un média institutionnel, il a donné un grand avertissement :

« Des actions similaires seront contrecarrées à l’avenir par les méthodes les plus dures de la part de la Russie, quelle que soit l’allégeance étatique du contrevenant. Nous suggérons à nos opposants de bien réfléchir à la pertinence d’organiser de telles provocations compte tenu des capacités des forces armées russes. »

Il a spécifiquement nommé deux figures institutionnelles britanniques, le premier ministre Boris Johnson et le secrétaire d’État aux affaires étrangères Dominic Raab, abordant ouvertement le sort des soldats britanniques :

« Ce ne sont pas les membres du gouvernement britannique qui seront à bord des navires et navires utilisés à des fins de provocation. Et c’est dans ce contexte que je veux poser une question aux mêmes Boris Johnson et Dominic Raab – que diront-ils aux familles des marins britanniques qui seront blessés au nom de si « grandes » idées? »

C’est là un avertissement très clair.

Du côté ukrainien, il y a eu un événement capital, puisque le ministre de l’Intérieur Arsen Avakov  a été débarqué. Il faut s’imaginer ce que cela peut représenter, en prenant compte les faits suivants au sujet de Arsen Avakov :

– il était ministre de l’Intérieur depuis 2014 ;

– il a été nommé dans le gouvernement provisoire issu de la révolte de l’Euromaïdan ;

– il a survécu à des dizaines de scandales, de protestations contre lui ;

– la Garde Nationale de 60 000 hommes et des dizaines de bataillons de volontaires mis en place étaient sous sa direction directe, notamment le fameux bataillon Azov, lui-même étant lié au dirigeant nationaliste Andriy Biletsky ;

– il accompagnait souvent l’actuel président ukrainien Volodymyr Zelensky au début de sa présidence et jouait un rôle essentiel dans la politique ukrainienne comme représentant de la ligne offensive anti-russe.

On peut pratiquement parler de coup d’État, dans le prolongement de l’exigence américaine de mettre au pas les oligarques. La grande question actuellement en Ukraine est de connaître le prochain rôle d’Arsen Avakov.

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Hypothèse d’engagement majeur: la France double le budget de la Défense

La crise implique inéluctablement la guerre.

C’est une information relayée ici et là par les médias français, à la suite de la traduction par Courrier International d’un article de The Economist, un magazine britannique. C’est intéressant comme parcours, car cela montre comment cette information est originellement passée sous silence, et pour cause ! Elle est trop claire dans ses fondements. C’est tout le militarisme français qui s’expose, impudemment.

Voici comment Valeurs Actuelles, l’hebdomadaire ultra-conservateur, résume cela, sans fards.

« L’état-major français a même lancé, en janvier 2021, dix groupes d’études « chargés d’analyser la capacité du pays à faire face » à ce type de « HEM » – comprendre, « hypothèse d’engagement majeur ». Parmi les sujets traités par ces groupes de recherche, déterminer si les Français sont « prêts à accepter un niveau de pertes inconnu depuis la Seconde guerre mondiale » (…).

« Les opérations futures pourraient impliquer des brigades, ou une division, soit entre 8 000 et 25 000 soldats », explique The Economist. D’ici là, il s’agit de moderniser l’équipement, via le programme Scorpion – budgété à hauteur de 5,7 milliards d’euros. Concrètement, l’état-major entend remplacer « tous les engins blindés et motorisés de première ligne » (…).

Un gigantesque entraînement devrait avoir lieu en Champagne-Ardenne en 2023. Sous le nom de code « Opération Orion », 10 000 soldats français [en fait peut-être jusqu’à 25 000] devraient y participer à des exercices de simulation, incluant opérations de déploiement et tirs à balles réelles.

Concomitamment, précise le magazine britannique, le budget attribué à la Défense par l’Etat va quasiment doubler : d’ici à 2025, il devrait atteindre 50 milliards par an, soit une augmentation de 46% par rapport à 2018. »

Voilà qui est tout à fait clair. Et on notera que le média russe Spoutnik présente directement cette question en la reliant à la question de la guerre de l’OTAN contre la Russie, dans son article Les faiblesses de l’armée française en cas de conflit entre l’Otan et la Russie inquiètent aux USA faisant référence à une évaluation de l’armée française par un très important think tank américain.

Est-ce juste ? Oui et non, car le conflit entre l’OTAN et la Russie, à travers la question ukrainienne, est déjà brûlant. Mais c’est tendanciellement vrai, parce que les choses changent très rapidement, au point que le sens d’un exercice militaire change de mois en mois, même de semaine en semaine. C’est le principe même du militarisme que d’être à la fois très concret matériellement et particulièrement volatile dans sa substance. Alliances, retournements d’alliances, pauses, accélérations… Comme avant 1914, tout cela se déroule sur un fond de crise.

On avait ainsi les États-Unis de Donald Trump désireux de pratiquer l’isolationnisme et de se focaliser sur la Chine uniquement, alors qu’avec Joe Biden la ligne est interventionniste avec l’OTAN et vise la Russie en priorité… La France et l’Allemagne sont proches de la Russie et en même temps pas du tout…

L’important, pour chaque militarisme, c’est d’élever le niveau, d’être prêt à la confrontation. Et, d’ailleurs, ces exercices relèvent eux-mêmes de la confrontation. Le général Lecointre, chef d’état-major des Armées, l’exprime de manière très franche.

Nous prévoyons […] d’organiser en 2023 un exercice, dénommé Orion, qui sera multi-milieux, interarmées, interallié, de niveau divisionnaire et qui impliquera 17’000 à 20’000 hommes et 500 véhicules de l’armée de Terre, deux porte-hélicoptères amphibies, le porte-avions Charles-de-Gaulle pour la Marine et 40 avions de l’armée de l’Air et de l’Espace (…).

Les exercices que cette préparation nous amène à réaliser constituent, en eux-mêmes, une forme de démonstration de puissance, donc de confrontation.

La France va à la guerre, c’est une évidence. Qui ne fait pas du thème de la guerre un sujet récurrent n’a pas saisi le cours de l’Histoire.

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Mer Noire : Poutine accuse les États-Unis et lance un avertissement dans un regain de tension

Le président russe a été très diplomate sur la forme, ultra-violent sur le fond.

Ce sont d’impressionnantes photos que le ministère de la Défense des Pays-Bas a diffusé à la toute fin juin 2021. On y voit de vraiment très près des chasseurs russes, pour ce qui s’est déroulé parallèlement à l’affaire du HMS Defender, un navire britannique ayant provoqué la Russie sur la côte de Crimée.

En fait, de la même manière, le même jour, la frégate néerlandaise HNLMS Evertsen a navigué au sud-est de la Crimée et a subi pendant cinq heures des passages multiples d’avions russes. Le ministère de la Défense des Pays-Bas a affirmé que les avions avaient même feint des attaques.

Pourquoi le ministère de la Défense des Pays-Bas ne donne-t-il l’information qu’une semaine après? Tout simplement parce que, depuis l’échec de la Russie dans sa tentative de montée de la tension avec l’Ukraine, la pression de l’OTAN est énorme. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poussent à la guerre face à un ennemi qui s’est raté et chaque jour apporte son lot de contribution à une guerre psychologique pour faciliter la mise en place de la guerre.

D’ailleurs, lors du sommet de l’Union Européenne, le 25 juin 2021 à Bruxelles, la chancelière allemande Angela Merkel (appuyée par le chancelier autrichien Sebastian Kurz) et le président français Emmanuel Macron ont bien tenté de proposer une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, mais ils se sont fait rejeter. Les 27 pays de l’Union Européenne sont très largement passés sous le contrôle de l’OTAN et de sa ligne anti-russe.

La Russie s’est prise les pieds dans le tapis face à l’Ukraine, elle connaît une terrible crise sanitaire en raison de la pandémie, l’Ukraine peut servir de chair à canon… Il y a toutes les raisons pour pousser à la guerre de la part de toute une série de pays, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête.

Le président russe Vladimir Poutine a donc remis de l’huile sur le feu le 30 juin 2021, lors d’une grande interview à la télévision russe. Il a expliqué que ce qu’a fait la Grande-Bretagne avait été une provocation. Il a ajouté que cette provocation avait été manigancée en commun avec les Etats-Unis. Et il a ouvertement parlé de couler le navire britannique, expliquant que cela n’aboutirait pas à une guerre, qui serait totale et qui par conséquent n’aurait pas lieu.

C’est une banalisation ouverte d’un conflit armé, en présentant les choses comme si de toutes façons il serait limité. C’est pratiquement une invitation, même.

«Vous avez dit que le monde était au bord d’une guerre mondiale. Bien sûr que non.

Même si nous avions coulé ce navire, il serait encore difficile d’imaginer que le monde serait au bord d’une Troisième Guerre mondiale, parce que ceux qui le font savent qu’ils ne peuvent pas sortir victorieux de cette guerre. C’est une chose très importante.  

Je ne pense pas que nous serions contents du développement des événements dont vous parlez, mais au moins nous savons pour quoi nous nous battons.

Nous nous battons pour nous-mêmes, pour notre avenir sur notre territoire.

Ce n’est pas nous qui sommes venus vers eux à des milliers de kilomètres, qui sommes venus par les airs ou par la mer.

Ce sont eux qui se sont approchés de nos frontières et ont violé nos eaux territoriales.

Voici le passage où Vladimir Poutine explique cela, mis en ligne par le média russe Spoutnik, qui déverse une propagande pro-russe de manière ininterrompue, avec comme public un extrême-Droite viriliste, « occidentaliste », etc.

Vladimir Poutine a alors tenté de développer une théorie en faveur de l’expansionnisme russe, de la manière suivante. La Russie aurait eu le malheur de faire des manœuvres militaires à côté de l’Ukraine, ce qui aurait fait peur et donc celles-ci auraient été stoppées. Mais l’OTAN en voudrait toujours plus et a comme réponse d’ailleurs de mener des manœuvres militaires en Mer Noire.

Au passage, il a d’ailleurs expliqué.

«À quoi bon rencontrer Zelensky, s’il a abandonné son pays à un contrôle total depuis l’étranger? Les questions clés, vitales pour l’Ukraine, ne sont pas résolues à Kiev mais à Washington. Et dans une certaine mesure à Paris et Berlin.

Cela est tout à fait vrai, mais les manœuvres militaires russes – littéralement les préparatifs d’une invasion – ont largement contribué à cette soumission aux Etats-Unis et à l’OTAN. Et Vladimir Poutine parle de la Crimée comme russe, alors que sur le plan du droit international, c’est un territoire ukrainien.

Tant l’expansionnisme russe que l’OTAN sont ici de sacrés monstres. Tous deux expriment un militarisme provoqué par une crise mondiale qui, loin de se terminer, prolonge ses ramifications dans tous les domaines.

Et ici, en fait, l’expansionnisme russe par l’intermédiaire de Vladimir Poutine dit ouvertement qu’il est prêt à faire la guerre pour conserver la Crimée… Qu’un affrontement localisé serait sans conséquences mondiales. Que, donc, les hostilités peuvent bientôt commencer…

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Incident militaire russo-britannique en Mer Noire

La tension continue de monter en vue de la prochaine crise russo-ukrainienne.

Au milieu juin il y a eu, en Suisse à Genève, une rencontre entre les présidents américain et russe, Joe Biden et Vladimir Poutine. L’escalade en cours est donc passée par un protagoniste très actif du militarisme mondial, le Royaume-Uni, à l’offensive depuis le Brexit.

Le 23 juin 2021, le destroyer britannique HMS Defender s’est ainsi rapproché de la Crimée, annexée par la Russie. Cette dernière considère, selon les critères internationaux, que l’espace maritime de 12 miles nautiques de large depuis la côte est son territoire national. Or, le HMS Defender s’est placé à dix miles nautiques, soit 18,5 km.

La Russie a averti le destroyer, puis procédé à des tirs de semonce au moyen des navires garde-côtes, puis a envoyé dix minutes plus tard un avion Su-24M afin de larguer quatre bombes à fragmentation hautement explosives de 250 mm le long du parcours du destroyer.

L’ambassadeur britannique à Moscou a été convoqué. De leur côté, les forces britanniques nient d’avoir pénétré l’espace maritime de la Crimée, tout comme d’avoir été pris à partie par la marine militaire russe, parlant d’exercices d’artillerie russe se déroulant au même moment.

On notera les couleurs LGBT du Ministère britannique de la Défense

Cet incident se produit alors que le Royaume-Uni est très actif pour fournir à l’Ukraine des navires militaires ainsi qu’une aide pour construire deux bases navales (une en Mer Noire et l’autre en Mer d’Azov). Il s’agit de la pointe d’une tendance générale, puisque du 28 juin au 10 juillet se déroule en Mer Noire militaires Sea Breeze 2021, des manœuvres militaires avec l’Ukraine et l’OTAN.

L’OTAN vise très clairement à faire de l’Ukraine un élément central dans son dispositif d’affrontement avec la Russie. Le peuple ukrainien doit servir de chair à canon et le pays de zone tampon. En ce sens, les survols des avions-espions de l’OTAN sont ininterrompus (ici le parcours du Usaf Boeing RC-135V Rivet Joint le 23 juin 2021).

La grande opération de militarisation de sa frontière par la Russie s’est ainsi avérée un échec. L’Ukraine a tenu le choc, ne permettant pas une offensive russe, amenant même inversement un soutien militaire massif des Etats-Unis et du Royaume-Uni, avec le renforcement de la perspective de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN (si ce n’est formellement, du moins techniquement).

Si la Russie était la plus agressive à l’origine, ce sont désormais très clairement les forces américano-britanniques qui poussent pour profiter d’une situation jouant en leur faveur, alors que le nationalisme le plus fantasmatique se déverse en Ukraine.

C’est une preuve de la tendance à la guerre toujours davantage prédominante dans les rapports internationaux ; la crise russo-ukrainienne n’a pas disparu, son affaiblissement relatif ne correspond qu’à une vague nouvelle, plus haute que la précédente, alors que désormais la Biélorussie est totalement isolée par les pays occidentaux en raison de l’affaire de l’avion détourné.

L’élan en ce sens est d’autant plus violent qu’il s’agit à terme pour la superpuissance américaine de se confronter à la Chine. Or l’effondrement du régime russe est un objectif qui doit être réalisé auparavant, afin d’isoler encore plus la Chine, de renforcer le bloc occidental en faisant en sorte que l’Allemagne sorte renforcée et accepte de se placer dans le giron américain, etc.

La guerre est le seul horizon concret du capitalisme en crise.

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Centrafrique, Mali : la France sort un peu, la Russie entre beaucoup

La bataille pour le repartage du monde fait rage.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane, l’opération militaire menée au Sahel et au Sahara par l’Armée française. L’opération vise les terroristes islamistes, ainsi qu’à maintenir l’hégémonie politico-militaire sur la région. Tout comme l’OTAN a dans de nombreux pays le rôle d’exercer une intimidation étouffant toute vélléité de contestation généralisée (comme en Italie ou en Allemagne avec ses bases), les forces militaires françaises au Mali servent d’outil préventif et, éventuellement, offensif.

Il y a eu principalement deux interprétations à l’annonce du retrait. La première a consisté à accepter la version officielle d’une passation de relais aux Européens et aux Nations Unies. La seconde tient à affirmer que la France est hypocrite et conserve en réalité ses soldats sur place.

La réalité est bien plus complexe, ou plus simple, ce qui revient en même. Concrètement, la France reste, tout en partant, car c’est la Russie qui a désormais acquis une place significative au Mali. Cela ne veut pas dire que la France sorte entièrement. Cependant, elle cède une bonne partie de sa place.

C’est là le fruit d’un intense conflit. D’ailleurs, au sens strict, s’il a beaucoup été parlé du Mali en France ces derniers temps, c’est justement parce que la France et la Russie lançaient des campagnes à ce sujet. Certains gens de Gauche en France découvrant le Mali au Printemps 2021 ont simplement été les relais de la campagne russe… alors que faux comptes maliens mis en place par la Russie ont d’ailleurs été fermés par Facebook.

Mais ce n’est pas tout : en décembre 2020 Facebook avait fermé de faux comptes maliens mis en branle par l’armée française! Ces faux comptes concernaient d’ailleurs non seulement le Mali, mais également la Centrafrique, le Niger, le Burkina Faso, l’Algérie, la Côte d’Ivoire et le Tchad…

Et justement, le 8 juin 2021, la France cessait toute coopération militaire et aides économiques à la Centrafrique, en raison de son passage dans l’orbite russe. Voici comment Challenges présente la situation dans ce pays.

Une mission partiellement réussie en République centrafricaine, pays emblématique de la Françafrique qui accueillait autrefois deux bases militaires à Bouar et à Bangui. La Russie a déboulé dès 2016 concomitamment au retrait de la force Sangaris en s’appuyant sur son porte-voix: le groupe Wagner (ChVK).

Fondée par Evgueni Prigojine, un intime de Vladimir Poutine, cette société paramilitaire déploie plusieurs centaines de mercenaires sur le terrain pour contenir les multiples groupes armés. Durant la présidentielle de décembre 2020 ces hommes, appuyés par des éléments rwandais et les Forces armées centrafricaines (Faca), ont empêché l’incursion de rebelles dans la capitale.

Ils sécurisent par ailleurs les institutions (Assemblée nationale, ministères…) et forment la garde rapprochée de Faustin-Archange Touadéra. Sur toutes les questions sécuritaires le chef de l’Etat centrafricain est d’ailleurs conseillé par Valéry Zakharov.

Cet ancien membre du renseignement russe dispose d’un bureau attitré au palais de la Renaissance, siège de la présidence.

La cessation de l’opération Barkhane se situe dans la même perspective. Cela suit directement la décision en mai 2021 du président de la « transition » suivant le coup d’Etat au Mali, Assimi Goïta, de nommer comme nouveau Premier ministre Choguel Maiga, issu de la coalition M5-RFP partisane de chasser la France, et ayant suivi des études de télécommunications en Russie. Emmanuel Macron a alors parlé de « coup d’État dans le coup d’État inacceptable ».

La Russie a tout simplement réussi son opération.

Pour en rajouter à la compréhension de cette poudrière, il faut savoir que l’Algérie fait en sorte d’autoriser l’intervention militaire légale à l’étranger au moyen d’une réforme de la constitution, alors qu’en 2020 le Maroc a augmenté son budget militaire de 30%, se procurant notamment des hélicoptères Apache AH-64E dernier cri, au grand dam de l’Espagne y voyant un avantage tactique massif déstabilisant encore plus les rapports de force, puisqu’il y a également l’acquisition de chasseurs F-16, de chasseurs F-35, du système de défense aérienne Patriot, de missiles air-air AMRAAM de Raytheon AIM-120, de drones MQ-9 Reaper, de chars de combat M1 Abrams…

L’Arabie Saoudite et les États-Unis sont ici derrière le Maroc. Car il ne faut jamais perdre de vue l’arrière-plan principal : l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger chinois. Aux États-Unis, John Biden a mis en place un budget militaire américain record pour 2022, avec 753 milliards de dollars, dont 112 milliards de dollars pour la recherche et le développement.

Le général Mark Milley, le chef d’état-major interarmées, a expliqué à la toute fin mai 2021 à la sous-commission de la Défense de la commission des crédits de la Chambre, que :

La Chine est notre premier défi géostratégique en matière de sécurité.

La Chine remet en question le statu quo de paix dans le Pacifique et a l’intention de réviser l’ordre international mondial d’ici le milieu du siècle. La Chine mène des exercices à grande échelle dans la région, en mettant l’accent sur les débarquements amphibies, les feux conjoints et les scénarios de frappe maritime.

Ces actions menacent l’autonomie de nos alliés et partenaires, mettent en péril la liberté de navigation, de survol et les autres utilisations légales de la mer, et compromettent la paix et la stabilité régionales. En bref, la Chine a développé d’importantes capacités militaires nucléaires, spatiales, cybernétiques, terrestres, aériennes et maritimes et continue de le faire (…).

Les États-Unis, en tant que nation, ont toujours eu l’avantage et le temps d’un long renforcement militaire avant le début des hostilités. L’environnement opérationnel de l’avenir ne nous offrira probablement pas le luxe du temps nécessaire à la projection de la force. Alors, le fait de disposer de forces modernisées, suffisamment importantes et prêtes, sera la clé du maintien de la dissuasion et de la paix et, si la dissuasion échoue, du combat et de la victoire.

La guerre s’affirme chaque jour davantage. La bataille pour le repartage du monde prend toujours plus le dessus sur toute autre considération.

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La France veut renverser le régime biélorusse

La Gauche doit dénoncer cette agression.

La France, tout comme l’ensemble des pays de l’Union européenne, vise au renversement du régime biélorusse. Bien entendu celui-ci est intolérable, il n’est ni démocratique, ni populaire. C’est un régime où les expressions du peuple sont étouffées, quitte à le faire violemment afin d’intimider, de terroriser. Mais l’objectif de la France n’est pas une Biélorussie démocratique, une Biélorussie populaire. L’objectif de la France est une Biélorussie qui devienne demain un satellite de la France et de l’Allemagne, tout comme elle est aujourd’hui une satellite de la Russie.

C’est pour cela que la France et les pays de l’Union européenne subventionnent et soutiennent des « opposants » biélorusses qui sont en fait des activistes en faveur d’une grande puissance contre une autre, parfois sans même s’en apercevoir. C’est pour cela que de nombreuses associations et institutions poussent dans chaque pays en faveur d’un changement de régime en Biélorussie, avec un basculement en faveur de l’Union européenne et de l’OTAN.

Qui accepte cette intense propagande est objectivement l’allié des tentatives du capitalisme français d’élargir son périmètre de domination, aux dépens du peuple biélorusse. La Gauche doit par définition critiquer le régime biélorusse, mais de par sa position tout d’abord dénoncer la démarche française visant à intervenir dans les affaires biélorusses en appuyant une opposition façonnée de l’Union européenne et de l’OTAN. C’est essentiel non seulement pour ne pas dévoyer l’opposition biélorusse, même si c’est trop tard… et afin de ne pas converger avec les intérêts capitalistes cherchant à trouver de nouveaux terrains d’accumulation, par les coups d’État ou les guerres.

Tout comme la Gauche doit s’opposer aux guerres, elle doit s’opposer aux contributions aux coups d’État !

Naturellement, tout cela n’a en soi rien de nouveau, malheureusement, on sait comment la France décide directement de la direction étatique de plusieurs pays africains. Cependant, le contexte a totalement changé depuis l’irruption de la crise sanitaire, avec ses aspects économiques (et écologiques dans sa nature). Désormais, on est en pleine bataille pour le repartage du monde. La France vise ainsi un pays jamais visé jusque-là.

Dans les années 1930, la Roumanie était par exemple sous hégémonie française. Mais depuis 1945, la France n’a plus de réel impact dans l’Est européen, alors qu’après 1989 c’est l’Allemagne et l’Autriche qui ont développé leurs réseaux. Et là elle participe à une vaste campagne non pas simplement de déstabilisation, mais d’organisation d’un coup d’État, dans une capitale à plus de 1800 kilomètres de Paris.

Cela exprime un changement de perspective et cela montre bien d’ailleurs que l’actualité principale est devenue en France un double phénomène consistant en des restructurations d’un côté, la tendance à la guerre de l’autre. Tout le reste devient secondaire, s’efface devant ces deux marqueurs de l’ensemble de l’actualité politique. Le capitalisme a besoin de se moderniser et de s’étendre ; les partis politiques se positionnent différemment afin d’y contribuer, sauf la Gauche authentique, historique, qui doit se confronter à cela, en affirmant la démocratie et et le peuple !

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La Biélorussie isolée et sous pression de l’OTAN

Une pierre de plus à l’édifice monstrueux de la guerre.

La crise biélorusse est désormais entièrement superposée à la crise ukrainienne et on en a un triste exemple avec le passé de l’opposant biélorusse Roman Protassevitch, dont l’arrestation a été la motivation pour la Biélorussie du détournement d’un avion au motif qu’il y aurait eu une menace d’attentat. Le régime biélorusse a d’ailleurs fini par sortir du placard un communiqué de menace provenant… du Hamas palestinien, à travers la Suisse, envoyé après l’arraisonnement de l’avion. Cela ne tient pas du tout, naturellement.

Il semble donc, par contre, acquis que Roman Protassevitch ait été un membre, en 2015-2015, du bataillon néo-nazi Azov opérant au sein de l’armée ukrainienne (et devenu un régiment de la garde nationale directement supervisé par le ministre de l’Intérieur ukrainien). L’information a bien entendu été balancée par la Russie et après des dénégations initiales, un haut responsable du bataillon Azov a confirmé cela, en expliquant que Roman Protassevitch avait agi comme journaliste. Le problème, c’est que les images de lui en armes ou avec un t-shirt néo-nazi ne disent pas la même chose…

Tout comme l’Ukraine, la Biélorussie se retrouve ainsi coincée entre des forces pro-OTAN et des forces pro-russes, qui sont tous les deux hideuses. Cela fait deux cibles (très proches géographiquement) de la bataille pour le repartage du monde. Et cela se passe dans une tension extrême afin d’obtenir ou de maintenir l’hégémonie.

Depuis son arrestation, Roman Protassevitch apparaît ainsi dans une courte vidéo où il semble se « repentir », alors qu’il semble à peu près clair que les forces de répression biélorusses l’ont maltraité, tout comme le sont les 426 opposants déjà emprisonnés. Un jeune de 17 ans, Dima Stakhovsky, vient d’ailleurs de se suicider dans sa cellule ; il avait été condamné à quinze ans de prison pour émeute.

Et, après l’appel de l’Union européenne à isoler l’espace aérien biélorusse, ce qui n’est pas une obligation formelle pour les États membres, certains pays ont franchi le pas, tels la France, le Royaume-Uni, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Suède, la République tchèque, l’Ukraine. On notera d’ailleurs que la France a mit cela le jeudi 27 mai 2021, seulement, sans crier gare, obligeant l’avion de la compagnie d’aviation biélorusse Belavia réalisant la liaison Minsk-Barcelone venant de décoller à tourner en rond pour vider son carburant et à retourner d’où il était parti.

Le président du Parlement européen David Sassoli a également proposé d’afficher la photo de Roman Protassevitch dans tous les aéroports de l’Union européenne, la Roumanie de renommer la rue de l’ambassade de Biélorussie à Bucarest du nom de Roman Protassevitch, Emmanuel Macron appelant à se confronter avec la Russie :

« Nous avons besoin de recadrer très profondément notre relation avec la Russie pour ne pas être simplement réactif mais définir une stratégie de court, moyen et long terme compte tenu du fait que l’espace de sécurité européen passe par une discussion exigeante avec la Russie. »

L’opposition est frontale et l’objectif des pays de l’OTAN très clair : il s’agit de parvenir à faire tomber le régime biélorusse, pour l’arracher à l’orbite russe. En ce sens, l’Union européenne compte prendre des mesures contre des entreprises et le secteur bancaire biélorusse. Heiko Maas, ministre allemand des Affaires étrangères, parle d’une « spirale de sanctions » qui va se mettre en place : l’Allemagne, qui a freiné tout soutien à l’Ukraine, espère par contre clairement avoir le dessus pour prendre le contrôle de la Biélorussie.

D’où la déclaration commune dans le cadre du G7 :

« Nous, les ministres des Affaires étrangères du G7, soit l’Allemagne, le Canada, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni, ainsi que le haut représentant de l’Union européenne, condamnons fermement l’acte sans précédent des autorités bélarusses, qui ont arrêté le journaliste indépendant Roman Protassevicht et sa compagne Sofia Sapéga après avoir forcé le vol FR4978 dans lequel ils se trouvaient à atterrir à Minsk le 23 mai.

Cet acte a mis en danger la sécurité des passagers et de l’équipage du vol. Il s’agissait également d’une atteinte grave aux règles régissant l’aviation civile. Nos pays, et nos citoyens, dépendent du fait que chaque État agit de manière responsable en remplissant ses obligations en vertu de la Convention de Chicago, afin que les avions civils puissent opérer en toute sécurité. Nous demandons à l’Organisation de l’aviation civile internationale de se pencher d’urgence sur ce manquement à ses règles et à ses normes.

Cet acte représente également une grave attaque contre la liberté de la presse. Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Roman Protassevicht, ainsi que de tous les autres journalistes et prisonniers politiques détenus au Bélarus. 

Nous renforcerons nos efforts, notamment par l’intermédiaire de nouvelles sanctions le cas échéant, afin de veiller à ce que les autorités bélarusses assument la responsabilité de leurs actes. »

L’OTAN est évidemment ouvertement de la partie, avec un communiqué où Roman Protassevitch est présenté comme un « journaliste » (les médias parlant même d’un simple blogueur!) :

« 1. Le Conseil de l’Atlantique Nord condamne fermement le détournement vers Minsk (Bélarus), le 23 mai, d’un vol de la compagnie Ryanair qui reliait Athènes à Vilnius, ainsi que le débarquement forcé et l’arrestation de Roman Protassevitch, éminent journaliste bélarussien qui se trouvait à bord, et de Sofia Sapega.

Cet acte inacceptable, qui a mis en danger la vie des passagers et membres d’équipage, constitue une violation grave des normes régissant l’aviation civile. Nous nous associons à ceux qui réclament en urgence une enquête indépendante, qui serait menée notamment par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Nous approuvons les mesures prises par les Alliés, à titre individuel ou collectif, en réaction à cet incident.

2. La détention de M. Protassevitch est un affront aux principes de la liberté d’opinion politique et de la liberté de la presse. Le Bélarus doit relâcher M. Protassevitch et Mme Sapega immédiatement et sans condition.

Les pays de l’OTAN engagent le Belarus à respecter les libertés et droits fondamentaux de la personne et à se conformer aux règles qui fondent l’ordre international. Les Alliés sont solidaires de la Lettonie à la suite de l’expulsion injustifiée de diplomates lettons. »

La Biélorussie a par contre des appuis. Le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que des agents secrets aient été à bord du vol Athènes-Vilnius. La Chine est du côté biélorusse, et la Turquie a fait en sorte que la déclaration de l’OTAN soit moins brutale qu’elle ne devait l’être initialement.

Quant à la Russie, dont la Biélorussie est largement un satellite, elle refuse à ce que les avions allant chez elle évitent la Biélorussie, d’où des annulations pour Air France et Austrian Airlines.

La confrontation est ainsi très clairement posée et cette fois on n’est plus simplement dans un affrontement Ukraine-Russie, mais littéralement face à un incendie régional, voire européen.

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Antonio Gramsci, « Je hais les indifférents »

 » Je hais les indifférents. Je crois comme Friedrich Hebbel que « vivre signifie être partisans ». Il ne peut exister seulement des hommes, des étrangers à la cité. Celui qui vit vraiment ne peut qu’être citoyen, et prendre parti. L’indifférence c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie. C’est pourquoi je hais les indifférents.

L’indifférence est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet de plomb pour le novateur, c’est la matière inerte où se noient souvent les enthousiasmes les plus resplendissants, c’est l’étang qui entoure la vieille ville et la défend mieux que les murs les plus solides, mieux que les poitrines de ses guerriers, parce qu’elle engloutit dans ses remous limoneux les assaillants, les décime et les décourage et quelquefois les fait renoncer à l’entreprise héroïque.

L’indifférence œuvre puissamment dans l’histoire. Elle œuvre passivement, mais elle œuvre. Elle est la fatalité; elle est ce sur quoi on ne peut pas compter; elle est ce qui bouleverse les programmes, ce qui renverse les plans les mieux établis; elle est la matière brute, rebelle à l’intelligence qu’elle étouffe.

Ce qui se produit, le mal qui s’abat sur tous, le possible bien qu’un acte héroïque (de valeur universelle) peut faire naître, n’est pas tant dû à l’initiative de quelques uns qui œuvrent, qu’à l’indifférence, l’absentéisme de beaucoup. Ce qui se produit, ne se produit pas tant parce que quelques uns veulent que cela se produise, mais parce que la masse des hommes abdique devant sa volonté, laisse faire, laisse s’accumuler les nœuds que seule l’épée pourra trancher, laisse promulguer des lois que seule la révolte fera abroger, laisse accéder au pouvoir des hommes que seule une mutinerie pourra renverser.

La fatalité qui semble dominer l’histoire n’est pas autre chose justement que l’apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme. Des faits mûrissent dans l’ombre, quelques mains, qu’aucun contrôle ne surveille, tissent la toile de la vie collective, et la masse ignore, parce qu’elle ne s’en soucie pas. Les destins d’une époque sont manipulés selon des visions étriquées, des buts immédiats, des ambitions et des passions personnelles de petits groupes actifs, et la masse des hommes ignore, parce qu’elle ne s’en soucie pas. Mais les faits qui ont mûri débouchent sur quelque chose ; mais la toile tissée dans l’ombre arrive à son accomplissement: et alors  il semble que ce soit la fatalité qui emporte tous et tout sur son passage, il semble que l’histoire ne soit rien d’autre qu’un énorme phénomène naturel, une éruption, un tremblement de terre dont nous tous serions les victimes, celui qui l’a voulu et celui qui ne l’a pas voulu, celui qui savait et celui qui ne le savait pas, qui avait agi et celui qui était indifférent. Et ce dernier se met en colère, il voudrait se soustraire aux conséquences, il voudrait qu’il apparaisse clairement qu’il n’a pas voulu lui, qu’il n’est pas responsable.

Certains pleurnichent pitoyablement, d’autres jurent avec obscénité, mais personne ou presque ne se demande: et si j’avais fait moi aussi mon devoir, si j’avais essayé de faire valoir ma volonté, mon conseil, serait-il arrivé ce qui est arrivé ? Mais personne ou presque ne se sent coupable de son indifférence, de son scepticisme, de ne pas avoir donné ses bras et son activité à ces groupes de citoyens qui, précisément pour éviter un tel mal, combattaient, et se proposaient de procurer un tel bien.

La plupart d’entre eux, au contraire, devant les faits accomplis, préfèrent parler d’idéaux qui s’effondrent, de programmes qui s’écroulent définitivement et autres plaisanteries du même genre. Ils recommencent ainsi à s’absenter de toute responsabilité. Non bien sûr qu’ils ne voient pas clairement les choses, et qu’ils ne soient pas quelquefois capables de présenter de très belles solutions aux problèmes les plus urgents, y compris ceux qui requièrent une vaste préparation et du temps. Mais pour être très belles, ces solutions demeurent tout aussi infécondes, et cette contribution à la vie collective n’est animée d’aucune lueur morale; il est le produit d’une curiosité intellectuelle, non d’un sens aigu d’une responsabilité historique qui veut l’activité de tous dans la vie, qui n’admet aucune forme d’agnosticisme et aucune forme d’indifférence.

Je hais les indifférents aussi parce que leurs pleurnicheries d’éternels innocents me fatiguent. Je demande à chacun d’eux de rendre compte de la façon dont il a rempli le devoir que la vie lui a donné et lui donne chaque jour, de ce qu’il a fait et spécialement de ce qu’il n’a pas fait. Et je sens que je peux être inexorable, que je n’ai pas à gaspiller ma pitié, que je n’ai pas à partager mes larmes. Je suis partisan, je vis, je sens dans les consciences viriles de mon bord battre déjà l’activité de la cité future que mon bord est en train de construire.

Et en elle la chaîne sociale ne pèse pas sur quelques uns, en elle chaque chose qui se produit n’est pas due au hasard, à la fatalité, mais elle est l’œuvre intelligente des citoyens. Il n’y a en elle personne pour rester à la fenêtre à regarder alors que quelques uns se sacrifient, disparaissent dans le sacrifice; et celui qui reste à la fenêtre, à guetter, veut profiter du peu de bien que procure l’activité de peu de gens et passe sa déception en s’en prenant à celui qui s’est sacrifié, à celui qui a disparu parce qu’il n’a pas réussi ce qu’il s’était donné pour but.

Je vis, je suis partisan. C’est pourquoi je hais qui ne prend pas parti. Je hais les indifférents.

Antonio Gramsci, 11 février 1917″

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Armée: la Droite dure remet une pièce dans la machine avec une nouvelle tribune militaire

Une nouvelle tribune militaire a été publiée par le magazine de la Droite conservatrice et nationaliste Valeurs Actuelles. Il s’agissait la première fois de gradés à la retraite appelant à un éventuel coup d’État, il s’agit cette fois de militaires actifs soutenant les premiers. Il est prétendu que cela correspond à un mouvement de fond, que la tribune circulait déjà et que Valeurs Actuelles ne ferait encore une fois que relayer (tout en proposant le texte à la signature…)

L’ampleur réelle de ce mouvement de fond dans l’armée reste à déterminer. En attendant, ce qui est certain c’est qu’il existe concrètement et en pratique une démarche politico-culturelle venant de la Droite pour faire du nationalisme militaire un levier de mobilisation, et que cela a beaucoup d’écho.

Cela converge directement avec Marion Maréchal, qui s’était fait porte-parole de la première tribune disant peu ou prou la même chose qu’elle. On notera qu’elle était présente à Moscou pour les défilés du 9 mai 2021.

Cela converge aussi de manière évidente avec la mise en avant de la figure du Général Pierre de Villiers comme homme providentiel censé « redresser » le pays.

Les propos de la tribune sont d’une grande radicalité, avec l’utilisation systématique d’un « vous » abstrait pour désigner une classe politique vague, lointaine, etc. C’est une formulation typique du romantisme fasciste ou fascisant, qui se prétend « contre », qui se prétend populaire, qui prétend à un ordre nouveau. Il est aussi typique de la Droite la plus dure que ce genre de propos agressifs sur un mode viril appelant à cogner fort :

« On nous a demandé de nous en méfier pendant des mois, en nous interdisant de circuler en uniforme, en faisant de nous des victimes en puissance, sur un sol que nous sommes pourtant capables de défendre. »

Voici donc cette tribune, qui une nouvelle fois est un document d’une importance politique majeure. Il est de la responsabilité historique de la Gauche d’être à la hauteur, de prendre à bras-le-corps la lutte contre le poison nationaliste, d’organiser la mobilisation démocratique des secteurs populaires contre la tendance au coup d’État venant de l’armée et des secteurs pro-militaires.

« Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs les ministres, parlementaires, officiers généraux, en vos grades et qualités,

On ne chante plus le septième couplet de la Marseillaise, dit « couplet des enfants ». Il est pourtant riche d’enseignements. Laissons-lui le soin de nous les prodiguer :

« Nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus. Nous y trouverons leur poussière, et la trace de leurs vertus. Bien moins jaloux de leur survivre que de partager leur cercueil, nous aurons le sublime orgueil de les venger ou de les suivre »
Nos aînés, ce sont des combattants qui ont mérité qu’on les respecte. Ce sont par exemple les vieux soldats dont vous avez piétiné l’honneur ces dernières semaines. Ce sont ces milliers de serviteurs de la France, signataires d’une tribune de simple bon sens, des soldats qui ont donné leurs plus belles années pour défendre notre liberté, obéissant à vos ordres, pour faire vos guerres ou mettre en œuvre vos restrictions budgétaires, que vous avez salis alors que le peuple de France les soutenait.
Ces gens qui ont lutté contre tous les ennemis de la France, vous les avez traités de factieux alors que leur seul tort est d’aimer leur pays et de pleurer sa visible déchéance.

Dans ces conditions, c’est à nous, qui sommes récemment entrés dans la carrière, d’entrer dans l’arène pour avoir simplement l’honneur d’y dire la vérité.

Nous sommes de ce que les journaux ont nommé « la génération du feu ». Hommes et femmes, militaires en activité, de toutes les armées et de tous les grades, de toutes les sensibilités, nous aimons notre pays. Ce sont nos seuls titres de gloire. Et si nous ne pouvons pas, réglementairement, nous exprimer à visage découvert, il nous est tout aussi impossible de nous taire.

Afghanistan, Mali, Centrafrique ou ailleurs, un certain nombre d’entre nous ont connu le feu ennemi. Certains y ont laissé des camarades. Ils ont offert leur peau pour détruire l’islamisme auquel vous faites des concessions sur notre sol.

Presque tous, nous avons connu l’opération Sentinelle. Nous y avons vu de nos yeux les banlieues abandonnées, les accommodements avec la délinquance. Nous avons subi les tentatives d’instrumentalisation de plusieurs communautés religieuses, pour qui la France ne signifie rien -rien qu’un objet de sarcasmes, de mépris voire de haine.

Nous avons défilé le 14 juillet. Et cette foule bienveillante et diverse, qui nous acclamait parce que nous en sommes l’émanation, on nous a demandé de nous en méfier pendant des mois, en nous interdisant de circuler en uniforme, en faisant de nous des victimes en puissance, sur un sol que nous sommes pourtant capables de défendre.

Oui, nos aînés ont raison sur le fond de leur texte, dans sa totalité. Nous voyons la violence dans nos villes et villages. Nous voyons le communautarisme s’installer dans l’espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme.

Ce n’est peut-être pas à des militaires de dire cela, arguerez-vous. Bien au contraire : parce que nous sommes apolitiques dans nos appréciations de situation, c’est un constat professionnel que nous livrons. Car cette déchéance, nous l’avons vue dans bien des pays en crise. Elle précède l’effondrement. Elle annonce le chaos et la violence, et contrairement à ce que vous affirmez ici où là, ce chaos et cette violence ne viendront pas d’un « pronunciamento militaire » mais d’une insurrection civile.

Pour ergoter sur la forme de la tribune de nos aînés au lieu de reconnaître l’évidence de leurs constats, il faut être bien lâche. Pour invoquer un devoir de réserve mal interprété dans le but de faire taire des citoyens français, il faut être bien fourbe. Pour encourager les cadres dirigeants de l’armée à prendre position et à s’exposer, avant de les sanctionner rageusement dès qu’ils écrivent autre chose que des récits de batailles, il faut être bien pervers.
Lâcheté, fourberie, perversion : telle n’est pas notre vision de la hiérarchie.
L’armée est au contraire, par excellence, le lieu où l’on se parle vrai parce que l’on engage sa vie. C’est cette confiance en l’institution militaire que nous appelons de nos vœux.

Oui, si une guerre civile éclate, l’armée maintiendra l’ordre sur son propre sol, parce qu’on le lui demandera. C’est même la définition de la guerre civile. Personne ne peut vouloir une situation aussi terrible, nos aînés pas plus que nous, mais oui, de nouveau, la guerre civile couve en France et vous le savez parfaitement.

Le cri d’alarme de nos Anciens renvoie enfin à de plus lointains échos. Nos aînés, ce sont les résistants de 1940, que, bien souvent, des gens comme vous traitaient de factieux, et qui ont continué le combat pendant que les légalistes, transis de peur, misaient déjà sur les concessions avec le mal pour limiter les dégâts ; ce sont les poilus de 14, qui mouraient pour quelques mètres de terre, alors que vous abandonnez, sans réagir, des quartiers entiers de notre pays à la loi du plus fort; ce sont tous les morts, célèbres ou anonymes, tombés au front ou après une vie de service.

Tous nos aînés, ceux qui ont fait de notre pays ce qu’il est, qui ont dessiné son territoire, défendu sa culture, donné ou reçu des ordres dans sa langue, ont-ils combattu pour que vous laissiez la France devenir un Etat failli, qui remplace son impuissance régalienne de plus en plus patente par une tyrannie brutale contre ceux de ses serviteurs qui veulent encore l’avertir ?

Agissez, Mesdames et Messieurs. Il ne s’agit pas, cette fois,  d’émotion sur commande, de formules toutes faites ou de médiatisation. Il ne s’agit pas de prolonger vos mandats ou d’en conquérir d’autres. Il s’agit de la survie de notre pays, de votre pays. »