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Écologie

Sur le rapport du GIEC remis aux « décideurs politiques »

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a remis aux « décideurs politiques » le résumé d’un rapport de 400 pages, afin de présenter la perspective de limiter le réchauffement climatique à une augmentation de 1,5°C par rapport au niveau pré-industriel. Ses constats alarmistes tranchent toujours davantage avec son positionnement élitiste et bien entendu le refus de changer le mode de production.

NASA Anomalies de température

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été formé à l’initiative de l’ONU, il se veut objectif et utile à toute l’humanité. Son résumé du rapport n’existe donc pourtant que pour les décideurs politiques, même s’il est accessible en ligne, et par ailleurs uniquement en anglais.

Cela correspond à une lecture élitiste, propre à l’organisation des États et au mode de production capitaliste, où seulement une poignée de gens décident. D’ailleurs, le document de 400 pages était déjà prêt en juin : si le résumé a tardé, c’est qu’il vient d’être rédigé en Corée du Sud, par des experts soucieux de trouver un compromis dans la présentation.

Le réchauffement climatique n’est pourtant pas un problème dont la solution ne peut être porté que par quelques uns, ni même par quelques mesures, aussi importantes soient-elles. Ou bien le modèle change entièrement, et on raisonne en termes de système-Terre où tout est relié, tout demande une analyse par rapport à l’ensemble, ou bien d’une manière ou d’une autre, le dérèglement climatique empirera.

Comment veut-on sinon, comme le demande le GIEC pour limiter le réchauffement à 1,5°C, qu’on supprime de 45 % les émissions de Co2 en 2030 et qu’on atteigne la neutralité en 2050 ?

Surtout que l’augmentation de 1,5°C par rapport au niveau pré-industriel se produira entre 2030 et 2052. Chaque année passée a été un luxe terrible, en contradiction avec ce qu’il fallait faire. Et le fait de ne rien faire a renforcé la pesanteur, la passivité…

Ce que doit faire la Gauche, c’est souligner que tout est une question de mode de vie, d’organisation de la production et donc de planification, tant pour la vie quotidienne que pour la production. Or, une humanité divisée n’a pas les moyens de mettre en place quelque chose de concret, tout comme des valeurs sociales libérales empêchent des mesures claires et nettes. D’ailleurs, ne pas avoir une vue d’ensemble, à l’échelle planétaire, à l’échelle de l’humanité, condamne à la base tout projet, quel qu’il soit.

Il faut donc une humanité unifiée, planifiant ses mesures économiques, rationalisant son économie, modifiant radicalement les villes et son mode de vie, rompant avec le tourisme de masse, la surconsommation de biens inutiles, l’esclavage des animaux, la nature bétonnée des villes, l’esprit de concurrence, l’engloutissement agro-industriel des campagnes, etc. etc. etc.

Soit on remet tout à plat et on en discute démocratiquement, en prenant les mesures qui s’imposent en s’y tenant. Soit on laisse décider les entreprises, la concurrence entre celles-ci, entre les pays, la consommation aliénée de masse. Et alors il n’y aura rien de décidé, car le capitalisme ne décide rien, et il n’agit même pas selon ses intérêts : il n’agit que par l’intérêt, à court terme.

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Société

Des médecins contre l’ordre des médecins pro-PMA

Des médecins s’insurgent contre le docteur Jean-Marie Faroudja qui a exprimé le soutien à la PMA pour toutes au nom de l’Ordre des médecins lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Ils expriment le refus de voir la médecine être dégradée à un outil au service de la marchandisation des corps. Seul problème, et de taille : c’est dans le Figaro que la tribune a été publiée.

Tribune Figaro PMA Ordre des médecins

La tribune qui suit souligne un point central : la médecine répare, la médecine compense un organe défaillant, mais la médecine n’est pas là pour remplacer ce qui n’existe pas. C’est une vision normale de la médecine comme support de la vie naturelle, à l’opposé du transhumanisme de la gauche postindustrielle qui veut se « libérer » des diktats du corps, afin de faire de l’esprit une affirmation toute puissante.

Mais pourquoi est-ce dans Le Figaro qu’une telle tribune a été publiée ? C’est la Gauche qui devrait assumer ce combat contre le capitalisme. Si la Droite réussit à imposer son idéologie romantique du « c’était mieux avant », tout est perdu !

PMA : nous, médecins, réclamons d’être consultés par l’Ordre qui parle en notre nom

Plus de 340 cosignataires* protestent contre la position de l’Ordre des médecins qui, auditionné par l’Assemblée nationale, a déclaré ne pas être opposé à la légalisation de la PMA pour les femmes seules et pour les couples de femmes.

Le 19 septembre lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le docteur Jean-Marie Faroudja, parlant au nom de l’Ordre des médecins, a déclaré ne pas être hostile à l’extension de la « procréation médicalement assistée » (PMA) aux femmes célibataires et aux couples de femmes. Cette position est confirmée sur le site de l’Ordre où l’on peut lire : « L’Ordre ne doit pas être une instance moralisatrice face à une demande sociétale. Si la société veut une aide médicale à la procréation (AMP) élargie aux femmes seules ou homosexuelles en couple, c’est à elle de trancher. L’Ordre ne peut s’y opposer. »

Nous, médecins signataires de cette tribune, souhaitons nous désolidariser de cette prise de position car elle nous semble contraire à la vocation de la médecine et au serment d’Hippocrate pour quatre raisons principales.

La PMA pour les femmes célibataires ou pour les couples de femmes n’est pas une indication médicale. La médecine est par définition un art dont les buts exclusifs sont de prévenir les maladies, restaurer les fonctions défaillantes de l’organisme, réparer les malformations anatomiques. Au-delà de ces indications, tout acte intrusif chez une personne qu’on sait en bonne santé sort du champ médical. C’est le cas de l’insémination artificielle avec sperme de donneur en dehors de la complémentarité homme-femme. Il est donc paradoxal pour ne pas dire antinomique que l’Ordre des médecins ne s’oppose pas à l’élargissement de la PMA. Le rôle de l’Ordre est pourtant de rappeler les limites et les exigences de notre profession.

La « souffrance des femmes » en désir de maternité invoquée par le représentant de l’Ordre des médecins lors de son audition à l’Assemblée pour justifier le bien-fondé de l’insémination des femmes seules ou des couples de femmes n’est pas un argument recevable. Il postule que ces femmes souffriront moins ou ne souffriront plus lorsqu’elles auront un enfant. Qui peut l’affirmer ? Aucune étude sérieuse n’a été menée sur la question. En outre, même si le médecin doit être à l’écoute de son patient, la souffrance affective n’est pas un passe-droit accordé au médecin pour s’immiscer de manière active dans la vie intime et privée des personnes qui viennent le consulter.

Surtout, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être au centre des préoccupations. « L’assistance à la procréation avec donneur prive volontairement l’enfant de la relation structurante avec deux adultes de sexe différent », comme l’a souligné le comité d’éthique de l’Académie nationale de médecine le 2 mai 2018 lors de son audition devant le Comité consultatif national d’éthique. La tradition médicale nous apprend Primum non nocere, « d’abord ne pas nuire ». Et « fabriquer » des enfants sans père revient à leur nuire.

En ne s’opposant pas à la PMA non médicale, l’Ordre des médecins laisse la porte ouverte à tous les abus. Qui pourra s’opposer demain aux demandes de couples hétérosexuels qui voudront un bébé parfait et se tourneront vers le corps médical pour répondre à leur attente au nom de l’égalité ? Nous savons que le marché de la procréation est immense. Ouvrir la PMA non médicale aux femmes en bonne santé, c’est ouvrir le marché du corps humain.

Nous regrettons que l’Ordre n’ait pas questionné l’ensemble de la profession médicale sur cette question fondamentale. Il était facile de le faire par informatique durant les États généraux de la bioéthique auxquels l’Ordre s’est soustrait. Il ressort des sondages effectués sur la question que la majorité des médecins est hostile à l’extension de la PMA.

Nous, médecins, avons l’impression d’avoir été utilisés à des fins politiques et idéologiques par l’institution censée nous représenter. Cela va créer des fractures dans notre profession.

Il est encore temps de rattraper cette faute grave et lourde de conséquences. Il serait judicieux et constructif que, par un communiqué officiel, le Conseil national de l’ordre désavoue dans les jours qui viennent la position exprimée par son représentant à l’Assemblée nationale et en revienne à un discours strictement médical. Cela serait salutaire pour notre profession.

* Parmi les cosignataires figurent notamment le docteur Raphaël Nogier, président de l’association Cosette et Gavroche, ainsi que des représentants des différents domaines de la médecine : pédiatrie, psychiatrie, gynécologie, chirurgie, cardiologie, pneumologie, ophtalmologie, dermatologie, gériatrie, médecine d’urgence, médecine généraliste, etc. La liste complète des cosignataires peut être consultée sur FigaroVox.

TRIBUNE COLLECTIVE DE MÉDECINS

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Écologie

Chasse à courre : les policiers de l’Oise ont raison !

Certains policiers de l’Oise se plaignent de devoir protéger les véneries de « quelques aristocrates ». Ils posent avec justesse la question du fonctionnement de la police, censé servir le droit et donc le peuple, et non pas servir de milice armée privée au service de quelques uns.

La prolétarisation des policiers est flagrante depuis quelques décennies ; loin de l’image d’Épinal du flic facho d’antan, brutal et coupé du reste de la population, même s’il en reste, le policier est aujourd’hui un type normal vivant comme tous les autres, et même parfois un fonctionnaire qui n’hésite pas à revendiquer de manière bruyante.

Le fait que des policiers de l’Oise critiquent de manière véhémente la décision du préfet de les envoyer protéger une chasse à courre est exemplaire de cela. Tout le monde sait dans l’Oise que le préfet soutient totalement la chasse à courre, pratiquée par la haute bourgeoisie locale. Dénoncer la protection du préfet à la chasse à courre, en la qualifiant de « sécurité privée », c’est assumer un positionnement démocratique tout à fait clair.

« Alors qu’ils réclament « à cors et à cris » des effectifs supplémentaires,
Alors que l’administration s’est engagée à supprimer les taches indues,
A l’heure où les parlementaires étudient la coproduction de sécurité,
les policiers sont détournés des missions de sécurité publique afin d’assurer les privilèges de la noblesse.
ALLIANCE est sur ce sujet, comme sur d’autres, à cheval sur les principes. La Police n’est pas et ne deviendra pas une force de sécurité privée ! »

A l’opposé de tous les discours anarchistes, il faut bien pour la Gauche saisir que ce n’est qu’un début. Car le socialisme, c’est la défense du principe du Droit, dans une perspective universelle. Or, l’État tombe toujours plus les masques, révélant sa nature d’outil pour le maintien de l’ordre au service de la conservation du capitalisme. Et comme beaucoup de policiers entendent servir toute la société, ils ne comptent pas servir seulement quelques uns.

Il s’apercevront donc qu’ils l’ont fait en partie jusqu’à présent, dans la mesure où l’ordre social est à la base inique, injuste, inégalitaire.En fait, les policiers vont commencer à faire du droit, cessant de le déléguer à la magistrature. Et alors ils pourront devenir une vraie police populaire.

En assumant le droit universel, ils fusionneront entièrement avec le peuple. Ce processus, inévitable pour une partie de la police, se déroulera de manière contraire dans l’armée, qui elle va se couper de plus en plus de la société, devenant de manière toujours plus flagrante un service de mercenaires.

Car tout est une question d’État. Veut-on un État au service du peuple, porté par le peuple ? Ou bien un État comme organisme de maintien de l’ordre, comme force de conservation, de l’extérieur du peuple, et contre lui ?

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Société

« Des siècles d’esclavage et de colonisation »

Le Monde a publié un article, dont voici le titre et la présentation : « Décoloniser les arts : « Les Blancs doivent apprendre à renoncer à leurs privilèges ». Deux ouvrages invitent à déconstruire le mythe d’une culture et d’une société françaises que « des siècles d’esclavage et de colonisation n’auraient pas contaminées. Par Séverine Kodjo-Grandvaux. »

Séverine Kodjo-Grandvaux

La justification de cette initiative se situe dans le paragraphe suivant, dont le passage le plus important est ici mis en gras :

« Il est vrai qu’en France la culture a été un lieu de contestation et d’ouverture, explique Françoise Vergès au Monde. Mais le monde culturel a construit son propre récit en oubliant sa complicité avec la misogynie, le racisme et le sexisme. Persiste cette fiction très occidentale de l’artiste comme génie, à part de la société, sage, dans une France dont le peuple porterait en soi, par nature, la liberté et l’égalité. Ce mythe vivace fait comme si des siècles d’esclavage et de colonisation n’avaient pas contaminé l’ensemble de la société française. »

Tout est dit quand on voit cela : la gauche « décoloniale », c’est-à-dire la gauche postmoderne, postindustrielle, adepte de la déconstruction, n’est que l’expression de la petite-bourgeoisie d’origine immigrée, cherchant des leviers pour faire sa place dans la bourgeoisie.

Pourquoi ? Pour deux raisons.

La première, c’est bien entendu qu’il n’y a pas du tout eu des siècles d’esclavage et de colonisation. N’importe qui connaissant un peu d’histoire voit bien que c’est absolument n’importe quoi.

La seconde, c’est que de toutes façons ce ne sont pas les « blancs » qui ont pratiqué la colonisation, mais certaines nations particulières. Les gens de couleur blanche ne se résument pas à la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal ou encore la Belgique. Ni les tchèques ni les slovaques n’ont colonisé personne, les Hongrois l’ont fait mais il s’agissait de « blancs » comme les slovaques, tout comme les Suédois ont colonisé les Finlandais, etc. etc.

L’esclavagisme et la colonisation obéissent à des lois économiques, propre à des régimes économiques particuliers. Il ne s’agit pas de choses se baladant au-delà des rapports entre les classes sociales… Mais il est vrai que là est toute la question.

Car en quoi la classe ouvrière française aurait-elle profité de la colonisation ? Qu’aujourd’hui elle profite indirectement du pillage des pays du tiers-monde, c’est évident. Cependant, tout le monde sait bien que la colonisation du passé n’a jamais profité qu’à la bourgeoisie, et même surtout une partie de la bourgeoisie.

A l’époque de la colonisation, en France les enfants travaillaient dans les mines… Les ouvriers se faisaient tirer dessus lors des grèves, vivant dans la misère la plus complète…

Cela, la gauche « postcoloniale » ne le sait pas, car elle ne l’a jamais su, se situant en-dehors de toute connaissance de la réalité historique du parcours du peuple, ne connaissant que les rêves petit-bourgeois.

Que ces gens lisent donc Emile Zola, au lieu de faire de la colonisation un phénomène transcendant qui aurait déformé toutes les mentalités. La seule chose qui déforme les mentalités, c’est le capitalisme car il a besoin d’individualisation, de concurrence. Et c’est à cela que contribue la gauche « décoloniale », « postcoloniale », tout ce que l’on voudra !

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Politique

Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

Les adhérents du PCF avaient jusqu’à hier pour choisir un texte servant de base commune en vue du congrès extraordinaire le moi prochain. En optant pour le texte alternatif « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » mené par André Chassaigne, ils ont sanctionné la direction de Pierre Laurent et les orientations prises ces dernières années.

André Chassaigne

Le résultat du vote a mis en avant un texte d’opposition qui va dans le sens de la sauvegarde à tout prix du « parti ». Le contexte est celui de la bataille du PCF pour sa survie dans le cadre de la recomposition de la Gauche, et beaucoup considèrent qu’il y a péril en la demeure.

Dans le fond, ce qui y est dit par l’opposition n’est pas très différent de la base commune qui était proposée par la direction. Les divergences concernent surtout des choix stratégiques et politiques.

Le texte de la direction avait déjà été adopté avec difficulté au Conseil National par 49 sur 91 votants et 168 membres, montrant de nombreuses tensions internes. Cette fois, il a été rejeté largement par la base des militants avec seulement 11 461 votes (38%) contre 12 719 voix (42%) pour le principal texte d’opposition.

La proposition alternative « Pour un printemps du communisme », qui représente une minorité favorable à La France Insoumise, a réuni pour sa part 3 607 votes (12%) et celle de la minorité « orthodoxe » intitulé « PCF : Reconstruire le parti de classe », a réunit 2 385 voix (8%).

> Lire également : « Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Ce que reproche la base à la direction, c’est surtout d’avoir affaibli le PCF et de risquer sa déliquescence. Le choix de l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon dans le cadre du Front Gauche a en effet surtout servi de tremplin à des ambitions personnelles.

L’absence d’un candidat « communiste » au profit de Jean-Luc Mélenchon lors des dernières élections Présidentielles a ensuite été vécue comme un échec terrible par un certain nombre de militants. Le très faible score aux dernières élections législatives (2,72%) n’est ainsi pas tant compris comme un échec sur le plan idéologique mais le résultat de mauvais choix incarnés par Pierre Laurent.

Celui-ci pourrait d’ailleurs démissionner avant même le congrès qui aura lieu fin novembre. Plusieurs fédérations très fortes ont en effet largement voté contre la direction, notamment dans le Pas-de-Calais, qui est la plus importante :

– Le Val de Marne (2343 inscrits) avec 446 votes pour la base commune et 770 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Nord (2679 inscrits) avec 307 votes pour la base commune et 1020 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Pas-de-Calais (2876 inscrits) avec 51 votes pour la base commune et 1414 pour le « manifeste du XXIe siècle ».

Il faut remarquer par contre que la direction a été très soutenue dans deux fédérations importantes :

– La Seine-Saint-Denis (2096 inscrits) avec 826 votes pour la base commune et 221 pour le « manifeste du XXIe siècle »

– Les Bouches-du-Rhône (2470 inscrits) avec 855 votes pour la base commune et 534 pour le « manifeste du XXIe siècle

Si cette mise en minorité de la direction représente quelque-chose d’important, il serait erroné de considérer pour autant que cela est un immense coup de tonnerre au sein du PCF. Il s’agit surtout d’une expression de la base réclamant des garanties quant à la sauvegarde de la structure et des traditions qu’elle représente, ou qu’elle s’imagine qu’elle représente.

Le texte vainqueur est surtout celui qui est le plus conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la fin du XXe siècle.

Pour autant, les deux « tendances » ne devraient justement pas former de tendances, mais s’unir pour proposer une nouvelle base commune de discussion en vue du congrès. L’idée étant de maintenir coûte que coûte l’unité, comme l’a expliqué le président de la Fédération Loire-Atlantique Aymeric Seassau :

« Il va falloir rapprocher les deux textes arrivés en tête […]. Il y a des ponts et des intentions comparables… Chacun a conscience que le PCF est un outil précieux et je pense que tout le monde aura à cœur de préserver le parti.»

La question qui se pose par contre est celle de la tête de liste de Ian Brossat pour les prochaines élections européennes. La position qu’il représente à propos de l’Union Européenne, qu’il défend de manière sociale-libérale, est ouvertement critiquée dans le texte « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ».

> Lire également : Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

On peut en effet y lire de manière assez tranchée :

« Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. »

Le texte reproche à la direction de ne pas avoir mené de véritable débat sur le sujet :

« Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.
Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.
De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.
Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.
Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.
Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité. »

Cependant, il ne faut pas s’imaginer que le PCF va se déchirer sur cette question. Cela fait plusieurs années déjà que le PCF accompagne la Gauche postmoderne et postindustrielle sur un certains nombres de thématiques sociétales. L’apparition de Ian Brossat n’est que l’aboutissement de ce processus. De nombreux points de vues libéraux sont assumés, comme par exemple sur la question de l’immigration, avec ces derniers jours un soutien total à l’association « SOS Méditerranée » et son navire « l’Aquarius ».

> Lire également : La fausse gauche et les migrants de l’Aquarius

Pendant que les militants finissaient de voter pour un texte de base commune hier, les deux figures que sont Ian Brossat (représentant la direction) et Andrée Chassaigne (représentant l’opposition) se présentaient ensemble au Sommet annuel de l’élevage à Clermont Ferrand. Cela symbolise une volonté d’unité et de relativiser le résultat du vote.

Le PCF réussira-t-il malgré ces tensions à se maintenir comme force importante de la Gauche, avec ses 50 000 adhérents ? Ou bien va-t-il devenir de plus en plus une relique du passé, se maintenant contre contre vents et marrées avec une présence seulement anecdotique à Gauche, malgré ses 50 000 adhérents ?

> La base commune de la direction : « Le communisme est la question du XXIe siècle »

> La nouvelle base commune : « Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

> Le texte de l’opposition « orthodoxe » : « PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

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Politique

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

Ce texte a été proposé par des adhérents du PCF comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018. Il a remporté la majorité des suffrages lors du vote des adhérents terminé le 6 octobre 2018 et remplace la base commune proposée par la direction du parti.

> Lire également : Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle » est tout à fait conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la deuxième moitié du XXe siècle.

Il n’exprime pas le point de vue d’un courant à proprement parlé mais plutôt une réunion de différentes sensibilités pour faire opposition à la direction, de manière non radicale.

Le texte parle de « révolution » à de nombreuses reprises mais n’avance qu’un contenu social-démocrate non révolutionnaire. Le vocabulaire traditionnel communiste est utilisé avec les termes classe ouvrière, travailleurs, marxisme, capitalisme, crise systémique, capital, suraccumulation des capitaux, contradictions, etc.

L’écologie est comprise formellement mais pas en pratique, il y a une simplement bienveillance sur la question mais avec aucun contenu.

PCF congrès 2018

 

« Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle (complet)

version déposée le 6 Juillet 2018

Le texte issu du Conseil National n’a été voté que par 49 de ses membres sur 91 votants et 168 membres. L’unité des communistes exige un texte beaucoup plus audacieux, cohérent et clair, pour un congrès vraiment extraordinaire. C’est pourquoi, dans notre diversité et pour sortir le PCF de l’effacement et de l’immobilisme, nous proposons une autre base commune de discussion. Pour rassembler elle propose des réponses pour fonder un véritable débat sur les questions de fond (bilan, orientation nouvelle, changement de direction) très mal traitées dans le texte proposé par la direction.

Après le vote des 4 au 6 octobre, ce texte de base commune, s’il est adopté, sera amendé jusqu’au congrès.

Notre 38ème congrès est vital.

Au mois de juin 2017, les communistes décidaient, à l’issue de la séquence électorale des présidentielles et des législatives, de convoquer un congrès extraordinaire. Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au cœur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps.

C’est au Parti communiste, français et internationaliste, d’assumer cette ambition face à la force du capital qui se pare des atours de la modernité, face à la profondeur de sa crise systémique, mais aussi face à l’attraction des idées réformistes de conciliation, comme de celles nationalistes et xénophobes désignant des boucs émissaires.

C’est d’autant plus nécessaire que Macron et son gouvernement mettent à profit la confusion politique et l’absence d’alternative progressiste crédible pour conduire à marche forcée la destruction du modèle social français. Ils cherchent à faire de la France, à côté de l’Allemagne, le second pilier d’une Europe au service du capital, des marchés financiers et de l’ordre mondial dont ils ont besoin.

Macron prétend que ses options sont les seules à même d’arracher la France et l’Europe à la crise très profonde d’un système capitaliste qu’il entend sauver. En réalité cette politique va accentuer les vulnérabilités de la France et les fractures sociales dans un monde en crise alors que se prépare une nouvelle aggravation des difficultés mondiales, plus brutale que la crise de 2007-2008 dont les forces du capital n’ont voulu retenir aucune leçon.

Après une période d’observation, des luttes importantes se développent. Elles concernent les bases même du modèle social français, dont elles cherchent un nouveau développement : services et entreprises publiques, exigences d’égalité, notamment entre femmes et hommes, refus du déclassement et des discriminations, égalité des territoires et enjeux écologiques, la protection sociale et son mode de financement à partir des richesse produites, l’emploi, sa sécurité et sa promotion, l’augmentation des salaires, toutes les batailles sur l’éducation et la formation, les droits et pouvoirs des salariés sur les lieux de travail.

Il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires ; d’un parti et d’un projet communistes pour permettre au mouvement populaire de s’élargir et de se renforcer jusqu’à contraindre le gouvernement à des reculs, imposer de nouvelles conquêtes, ouvrir une issue politique. Leur absence dans le champ politique laisse la voie libre à toutes les récupérations nationalistes, populistes, xénophobes, racistes ou antisémites.

Quel défi pour le Parti communiste français !

Mais après son effacement en 2017 et son résultat désastreux aux législatives, son pronostic vital est engagé.

Tout cela constitue un électrochoc. C’est pour cela que les communistes ont voulu un congrès extraordinaire pour une réorientation stratégique, une mobilisation nouvelle dans l’action et le développement d’une ambition communiste.

Un bilan stratégique et organisationnel est nécessaire pour permettre un débat sans tabou et des décisions audacieuses.

Nous considérons que la proposition de base commune votée le 3 juin (par 49 voix sur 91 votants et 168 membres du CN) ne répond pas aux exigences du débat, pas plus qu’elle ne permet d’analyser précisément la situation du monde et celle de notre parti. Se refusant à formuler clairement les termes du débat, elle ne permet ni la discussion sur la réorientation et les changements que les communistes sont si nombreuses et nombreux à penser nécessaires, ni la prise d’initiatives par celles et ceux qui aspirent à changer l’ordre existant.

Ce n’est pas d’un collage d’options et de synthèses habiles que notre parti a besoin pour construire une unité réelle et agissante des communistes.

Nous proposons une base commune qui permette de répondre à cette question essentielle :

faut-il continuer dans l’effacement, dans une pratique du coup par coup, dans une stratégie illisible, et dans le manque d’ambition et d’incarnation ? Ou construisons-nous collectivement la voie d’un renouvellement politique profond de notre organisation, à même de renforcer notre influence et notre place au sein d’un rassemblement efficace pour notre peuple ?

Pour le débat le plus conséquent des communistes et des choix clairs, cette proposition de base commune entend apporter des éléments de réponse précis aux questions centrales suivantes, en les conjuguant à l’ambition d’un nouvel internationalisme :

  • nos difficultés actuelles résultent-elles d’une mauvaise mise en œuvre des choix faits depuis une vingtaine d’années, ou bien ces choix mêmes sont-ils à remettre en question ?
  • quel bilan faisons-nous, aux plans stratégique, organisationnel et électoral ? Quel bilan de l’activité de la direction nationale ?
  • quelle place du marxisme vivant pour armer le combat et pour la confrontation d’idées à tous les niveaux ?
  • une réorientation stratégique est-elle nécessaire ou suffit-il de chercher à mieux tenir le même cap sous l’appellation « nouveau front social et politique » ?
  • faut-il se résigner, aux élections européennes, à un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique ? Ne s’agit-il pas plutôt de construire une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF ?
  • comment définir l’objectif du communisme, les voies et moyens de l’atteindre ? Quelle dialectique nécessaire entre nos propositions, les luttes immédiates, les étapes indispensables et la visée communiste qui se construit dans ce mouvement tout en l’éclairant ?
  • un changement profond de la direction nationale est-il nécessaire ? Quel engagement des dirigeantes et des dirigeants pour un effort de réorientation des idées, de la pratique et de l’action ?
    L’heure est critique pour notre force politique, et par conséquent, pour sa capacité à servir efficacement dans l’avenir les intérêts populaires et de classe.

Nous ne nous résignons pas à l’idée que le congrès extraordinaire puisse sombrer dans les habitudes, les redites et le refus des remises en cause.

Nous voulons sortir le PCF de la spirale de l’effacement et de l’affaiblissement.

Nous partageons cette conviction qu’il ne peut y avoir de transformation révolutionnaire sans un Parti communiste fort et influent, porteur de cette ambition.

Nous partageons la nécessité d’un renouvellement de notre organisation et d’une relance ambitieuse de notre travail politique, étroitement liés à la mise en dynamique nationale de nos militants.

Ce sont ces enjeux prioritaires qui nous réunissent et nous rassemblent.

C’est pourquoi, dans la diversité de nos analyses et réflexions, nous proposons ce texte comme base commune pour la discussion du 38ème congrès du Parti communiste.

Nous le mettons dès aujourd’hui à la disposition de toutes et tous les communistes pour permettre le développement d’actions transformatrices ambitieuses de notre parti au lieu de la paralysie liée à la recherche de faux équilibres.

Nous souhaitons que le plus grand nombre de militantes et de militants s’en saisisse, dans une recherche de convergence et d’unité indispensables à la réussite d’un congrès extraordinaire, redonnant demain à notre parti sa pleine capacité d’action à travers une perspective politique et stratégique claire.

Nous la formulons en six chapitres :

  • Un bilan critique
  • Nos responsabilités face à la nouvelle phase de la crise du capitalisme et de la société
  • Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte
  • Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste
  • Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaires
  • Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire.

I.Un bilan critique

Un bilan critique est nécessaire pour évaluer les causes de la situation actuelle du parti et pour redéfinir notre démarche stratégique.

Les échecs successifs sont dans toutes les mémoires :

- 2002 : notre effacement politique dans la « gauche plurielle » au lieu d’une action autonome sur les idées et dans les luttes conduit à l’échec à l’élection présidentielle ;
- 2007 : notre immersion dans les « comités anti-libéraux », alors que nous aurions dû prendre l’étendard du rassemblement avec nos propositions de fond dès le lendemain du référendum de 2005, débouche sur un nouvel effondrement de notre résultat à la présidentielle.
- 2007-2008 : les communistes refusent majoritairement, lors de l’assemblée extraordinaire des délégué·e·s de section, une dilution du parti au sein d’une « nouvelle force politique ». La crise de 2007-2008 ouvre un champ nouveau à l’apport d’idées et à l’action des communistes. Le 34ème congrès confirme alors la volonté majoritaire de continuer le PCF et de développer ses idées. Mais la direction privilégie peu à peu, au détriment de la promotion de nos idées pour l’action et pour une remontée de l’influence du parti, une conception du Front de gauche comme processus d’alliance électorale et de rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a certes quitté le PS mais en affichant son attachement à François Mitterrand. Il ne cache pas son objectif : fusionner au sein d’une nouvelle formation sociale-démocrate les composantes du Front de gauche, dans la confusion entre réformistes et révolutionnaires.
- 2012 : le Front de gauche, niant notre idée de « fronts de luttes », tend à se transformer en machine électorale d’un candidat, promu par le sommet du parti afin de « ne pas recommencer 2007 » ; il a pourtant ouvert un espoir de changement et poussé le PS à bouger jusqu’au fameux « mon ennemi c’est la finance  ». Mais il n’a pas su offrir une alternative radicale et crédible à toute la gauche, son candidat portant de moins en moins ce qui dans L’humain d’abord était l’apport original des communistes.
- 2012-2017 : le Parti communiste délègue la prise d’initiatives populaires à Jean-Luc Mélenchon. Hormis l’amorce d’une campagne sur le coût du capital vite abandonnée, notre parti s’efface, malgré les efforts de ses militants sur le terrain : il laisse une place démesurée au PG sur ses listes aux élections successives (européennes, municipales, régionales) et limite son rôle à être un facilitateur de rencontres de sommet, sans bataille sur les contenus.
- 2017 : la décision du 37ème congrès d’engager une candidate ou un candidat communiste dans la perspective de la présidentielle n’est pas respectée. Le champ est ouvert à Mélenchon. Malgré la forte demande d’autonomie des communistes exprimée très majoritairement en conférence nationale, le PCF s’aligne derrière un candidat au discours de plus en plus populiste et agressif, voire nationaliste, qui préconise des solutions économiques social-démocrates. Et tout cela au prix d’un gâchis inouï de moyens financiers et militants !

Dans ces conditions, après des reculs importants aux élections municipales et régionales, marquées par la perte de nombreuses élues et de nombreux élus communistes, notre résultat aux législatives (2,72 % des exprimés) est le plus mauvais de notre histoire.

En effet, la France Insoumise bénéficiant de l’identification nationale de son candidat à la présidentielle, la concurrence s’est révélée mortifère pour nos candidats dans la très grande majorité des circonscriptions. Nous obtenons cependant 11 députés dont 5 élus dans le cadre des très rares accords de retrait de la FI au premier tour.

Ces résultats ne traduisent pas l’audience réelle du PCF dans le pays, ni les potentialités de reconquête de son influence. Mais ils sont un nouveau facteur d’affaiblissement, de perte de visibilité nationale.

Cet affaiblissement n’est pas une fatalité. Il a pour cause principale des choix politiques initiés par nos principaux dirigeants et obstinément poursuivis malgré les alertes et les échecs.

Ces erreurs ont un lien avec le doute qui s’est installé sur le communisme après la disparition de l’URSS, semblant consacrer un triomphe définitif du capitalisme. Les enseignements de cette tentative de révolution, qui a ébranlé le monde mais a finalement été défaite, continuent de susciter des débats importants dans le mouvement communiste. Ce qui est certain, c’est que la disparition de l’URSS nous plaçait, dans les années 90, au défi d’une analyse approfondie et du choix d’une novation communiste. Au lieu de cela, les directions successives du PCF ont été gagnées par le renoncement, jusqu’à des choix qui ont déstabilisé et déstructuré notre parti, comme l’abandon de la bataille à l’entreprise, et qui ont brouillé le repérage de classe du parti dans la société.

II. Relever les défis de la crise

2.1 Rassembler pour une issue à la crise du capitalisme financiarisé et mondialisé

Alors qu’une nouvelle catastrophe s’annonce, la crise du capitalisme nous place au défi de rassembler pour ouvrir une issue.

En 2007-2008, c’est une suraccumulation de capitaux matériels et financiers qui est venue à éclater dans l’ensemble des pays capitalistes développés. Après le krach de 2000-2001, en effet, les États et les institutions internationales avaient été mobilisés pour sauver le capital et accroître la rentabilité financière : l’argent des profits, des fonds publics et du crédit a servi à alimenter la flambée des cours et des investissements ; les nouvelles technologies, génératrices d’économies massives de travail humain, ont été monopolisées par les multinationales. La suraccumulation des capitaux a alors été relancée, et a débouché sur la crise financière de 2007-2008. Résultats : un chômage et une surexploitation fortement aggravés, une insuffisance accrue des débouchés amplifiant la guerre économique mondiale, le prélèvement de monstrueuses rentes néocoloniales sur les peuples des pays les moins développés et des risques multipliés d’affrontements armés.

Cette crise a déstabilisé les schémas intellectuels dominants et mis en cause la légitimité du système capitaliste. L’idée qu’il est nécessaire de rompre avec ce système peut grandir : encore faut-il dessiner les chemins d’une telle rupture.

À droite comme chez les socialistes, la réponse à la crise du système a été d’accroître l’intervention publique en faveur des profits et d’un marché prétendument « régulé ».

Pour sortir de la crise, il aurait fallu au contraire une nouvelle intervention publique pour mettre l’argent, les richesses produites et la monnaie créée, au service non pas de la rentabilité du capital, mais du développement de chacune et chacun, de toutes et tous, dans le respect de la planète. L’urgence était de faire reculer la domination du capitalisme mondialisé en faisant progresser, dans les luttes, dans les urnes et dans les institutions, l’exigence d’autres règles, d’autres critères et, en particulier, de pouvoirs décisionnels nouveaux pour les travailleuses et les travailleurs sur tous les choix d’investissement.

Ce défi n’a pas été relevé. La domination des idées de concurrence pour le profit a persisté. La domination des idées social-démocrates sur toute la gauche, insuffisamment combattue, a persisté elle aussi. Tout cela a ouvert la voie à une réaction néolibérale, ultra-réactionnaire et autoritaire ainsi qu’aux populistes qui ont rajouté au désarroi et à la confusion.

Les contradictions entre la logique du capital et les besoins de développement humain nouveaux ont ainsi été accentuées.

Avec la révolution numérique et informationnelle, une nouvelle efficacité économique, fondée sur le développement des capacités humaines et sur le partage des informations, devient possible. Les aspirations aux savoirs et à la créativité sont de plus en plus vives ; la place nouvelle des connaissances dans la société ouvre des possibilités inédites d’émancipation ; mais les multinationales utilisent les gains de productivité pour faire baisser le « coût du travail », précariser les emplois, soumettre les formations à leurs exigences de rentabilité. Les salarié·e·s dont l’emploi est supprimé sont rejeté·e·s dans le chômage.

La révolution démographique, avec l’allongement de la durée de la vie et les besoins de santé et de dignité associés, la possibilité pour les femmes de maîtriser la procréation, les nouvelles relations qui s’instaurent dans les couples et dans les familles, est porteuse de libertés nouvelles, mais le capitalisme l’utilise pour marchandiser l’ensemble des temps de la vie.

Enfin, l’humanité a aujourd’hui le pouvoir de menacer sa niche écologique : la planète. L’exigence d’expansion du capital met radicalement en cause notre environnement, l’écologie, et met en danger l’espèce humaine.

Nous devons développer en grand le chantier de la compréhension marxiste de ces transformations et de la conquête par les travailleurs comme par les peuples de leur maîtrise sociale et démocratique.

L’un des effets les plus sensibles de la crise est l’aggravation sans précédent des inégalités, au point que se développent des batailles nouvelles pour l’égalité et la solidarité.

2.2 La revendication d’égalité entre les femmes et les hommes : un mouvement mondial sans précédent et profondément révolutionnaire

La libération de la parole des femmes contre les violences sexistes et sexuelles vient de dénoncer l’illusion d’une « fin de l’Histoire » en matière d’égalité femme-homme. Le droit à disposer de son corps est au cœur d’une lutte féministe décisive partout sur la planète. Le combat pour l’égalité au travail – notamment salaire et déroulement de carrière – comme hors travail, pour le partage des pouvoirs et des rôles, doit être mené avec détermination jusque dans notre organisation.

Les transformations qui bouleversent le monde contemporain donnent à ce combat une portée profondément nouvelle. En finir avec les racines profondes du patriarcat et des discriminations touchant les femmes va de pair avec la perspective d’un dépassement du capitalisme jusqu’à son abolition et à la construction d’une nouvelle civilisation.

2.3 Face à la progression du racisme et de la xénophobie, des solidarités nouvelles se cherchent

Le racisme et la xénophobie se nourrissent des divisions engendrées par le chômage et par la compétition pour l’accès à l’emploi. Ils s’appuient sur l’ampleur des discriminations, trop fréquentes dans les actions policières, mais aussi sur la négation du droit au travail et au logement, de l’accès aux services publics dans les zones déshéritées, de l’accès au savoir et à la culture. Ils sont utilisés pour organiser la guerre de tous contre tous, à partir des replis identitaires et communautaires qui, pour certaines et certains parmi les plus dominé·e·s, semblent seuls pouvoir répondre aux besoins de protection face aux violences sociales. Ils offrent un terrain à l’instrumentalisation par des groupes sectaires, voire terroristes, des détresses sociales et morales qui frappent trop de jeunes. Nous devons montrer que ces humiliations insupportables, ces formes visibles de l’absence d’égalité réelle dans la République, révèlent l’ampleur et le caractère multidimensionnel des inégalités de classes.

Les politiques migratoires et le traitement indigne des réfugiés en France et en Europe relancent les idées racistes, traduisent la volonté d’une Europe « forteresse ». Elles vont de pair avec l’acceptation des guerres néocoloniales et du pillage des pays dominés qui engendrent des migrations de survie. Elles masquent le refus d’un grand essor des services publics pour répondre aux besoins de toutes les populations au lieu de les opposer.

Mais tout cela suscite des mobilisations et des solidarités nouvelles qui témoignent de potentiels de rapprochement car, comme l’a écrit Marx, « le travail sous peau blanche ne peut s’émanciper là où le travail sous peau noire est stigmatisé et flétri  ».

Les réponses capitalistes à la crise nourrissent des dérives autoritaires lourdes de danger pour la démocratie, la stabilité du monde et la paix. Il est urgent de reconquérir, individuellement et collectivement, le pouvoir sur nos vies.

La marchandisation effrénée qui réduit les personnes à des choses et à des coûts se heurte à l’aspiration, de plus en plus largement partagée, à l’épanouissement des personnes et à la liberté. La logique capitaliste a de plus en plus besoin, pour s’imposer, d’autoritarisme et de violence.

2.4 Les luttes de la jeunesse sont symptomatiques des aspirations nouvelles et de la violence à laquelle elles se heurtent

La jeunesse paie très cher les reculs sociaux, démocratiques, culturels imposés par le capital. Elle est lourdement frappée par le chômage. Les jeunes sont obligés de passer par de longs sas de précarité, avant d’espérer accéder à une situation stable leur permettant de se projeter dans l’avenir. Bien que mieux formés que leurs parents, ils et elles vivront probablement moins bien qu’eux. Ils et elles sont victimes de stigmatisation et de discriminations, surtout celles et ceux des quartiers les plus pauvres.

C’est source de détresse, mais aussi, de plus en plus, de révolte et de mobilisation : les lycéennes et les lycéens, les étudiantes et les étudiants contre « Parcoursup » revendiquent leur droit à une formation de haut niveau, les jeunes cheminotes et cheminots, les jeunes salarié·e·s de la fonction publique et dans les entreprises sont souvent en première ligne dans des luttes dures pour les droits, la dignité, les salaires.

** *
Le capital se nourrit de tout ce qui divise les êtres humains. Chercher ce qui les unit et y travailler activement, c’est combattre l’ordre établi. Conjuguons luttes de classes et d’émancipations.

Notre époque est celle d’un conflit violent entre le vieux monde capitaliste, rongé par la surexploitation et le cancer financier, et d’immenses possibilités d’émancipation et de partage qui ouvrent la voie vers une nouvelle civilisation. Un nouveau choc se prépare, plus profond et plus mondial. Tout donne à penser qu’il sera plus violent. Pour affronter ce choc, pour mener cette bataille, nous avons besoin du Parti communiste.

Nous devons nous donner les moyens d’alerter sur la catastrophe qui vient, d’agir, de rassembler et d’éclairer dans l’action sur la nécessité de mettre en cause le capitalisme pour un changement de société et de civilisation. Ouvrons le débat sur ce que peut être une société qui se dégage de sa domination mais ne l’a pas encore dépassée pour l’abolir vraiment, une société qui construit sa transition socialiste vers une civilisation supérieure, le communisme.

Le développement des idées et des propositions communistes, dans la société, au service d’actions et de transformations de portée révolutionnaire, est aujourd’hui un enjeu politique majeur, en France, en Europe et dans le monde. C’est la clé de notre congrès extraordinaire.

III. Le communisme de notre temps : idéal éthique, visée historique, chemin de lutte

Le projet communiste vise une transformation radicale de notre société pour une société de partage des richesses, mais aussi des pouvoirs, des savoirs et des rôles : une société sans classes, sans guerres, dépassant les nations ; une société où exploitation et aliénations sont abolies. En cela le communisme s’oppose radicalement au capitalisme et à son idéologie, le libéralisme.

Le communisme est à la fois l’objectif et le chemin menant à une société dont le but et le moyen deviennent progressivement le développement émancipé de chacune et de chacun, comme personne et en société, ou comme disait Marx comme « individu intégral ». Une société où « le libre développement de chacun devient la condition de libre développement de toutes et tous ».

En ce sens, les luttes immédiates à organiser et les rassemblements à construire doivent contribuer à ouvrir le chemin vers cette nouvelle société. Le communisme est donc inséparable d’objectifs sociaux ambitieux, de pouvoirs et de moyens financiers nouveaux qui dessinent une étape radicale vers le but final.

3.1 Le communisme à l’ordre du jour

La crise du système capitaliste et ses contradictions d’une profondeur inédite ouvrent une nouvelle période historique. Avec les débuts de la révolution technologique informationnelle, et ses exigences de partage, la perspective d’aller « au-delà » du marché capitaliste prend un caractère plus concret.

Le développement des capacités de chacune et chacun, l’émancipation de la personne dans toutes ses dimensions, devient nécessaire pour le bien commun de toute la société. Cela rencontre les formidables aspirations à l’émancipation personnelle.

Les besoins nouveaux de créativité dans le travail comme dans le débat démocratique poussent en faveur d’une prise de pouvoir par les travailleuses et les travailleurs dans l’entreprise, les citoyennes et les citoyens dans les institutions.

Tout le système de délégation de pouvoir doit être dépassé, comme y invite la crise profonde de la démocratie parlementaire, mais aussi l’étouffement de la créativité des salarié·e·s dans les entreprises par les monopoles de pouvoirs patronaux.

Un dépassement du capitalisme pour l’abolir n’est donc plus seulement une utopie, une idée qu’il s’agirait de formuler sans la mettre en pratique.

C’est un processus de transformation révolutionnaire et démocratique que nous devons chercher à construire par nos propositions et notre projet, et à faire vivre au cœur des luttes sociales et d’idées.

Cela suppose pour les communistes un grand débat sur ce que peut être le dépassement du capitalisme.

Un effort de renouvellement et de novation est en effet devant nous, de même qu’une bataille d’idées est à mener. Car l’idéal communiste, longtemps identifié au grand espoir soulevé dans le monde par la révolution soviétique et l’édification de l’URSS à partir d’une Russie arriérée, a été défiguré par de terribles dérives du système soviétique et a été atteint par son effondrement dans une crise profonde.

3.2 Un processus révolutionnaire

Le communisme est un processus historique d’abolition réussie du capitalisme, poussant tous les acquis de civilisation de ce système, et supprimant ses maux, vers une nouvelle civilisation. C’est cela le dépassement du capitalisme.

Il s’agit de dépasser l’enfermement de chacune et chacun dans les aliénations d’un travail, d’une consommation et d’une vie sociale dominées par une production au service de la marchandisation et de l’accumulation ; et, en dépassant la soumission des activités à l’accumulation capitaliste, de faire avancer une efficacité sociale pour le droit au bonheur de chacune et chacun.

Cela signifie une révolution des rapports sociaux de production :

  • une appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement, de la gestion des entreprises ;
  • l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe.
    Cela suppose une révolution politique qui, à chaque étape, arrache toujours plus au capital la maîtrise des leviers de pouvoir, notamment ceux de l’État Cela signifie une transformation ininterrompue des institutions, avec des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et des citoyens. Cela permettrait de pousser la démocratie jusqu’au développement de l’autogestion économique et politique.

Dans cette nouvelle civilisation, chacune et chacun aurait tous les moyens effectifs de contribuer à son propre bonheur. Forte de nouvelles valeurs, cette civilisation permettrait l’épanouissement et la créativité de chaque individu et de toutes et tous, ensemble.

L’humanité pourrait mettre un terme à toutes les dominations sociales et à toutes les formes de discrimination, pour une société d’égalité dans la différence. Elle deviendrait capable de transmettre la Terre aux générations futures, en respectant son intégrité, sa diversité, sa beauté.

3.3 Porter un projet communiste

Travail, emploi, salaires (marché du travail), services publics, biens communs et développement humain, rôle de l’entreprise et de la production, pouvoirs, institutions politiques, finance et mondialisation : tels sont les chantiers du communisme que nous devons investir immédiatement. Un projet communiste doit comporter des axes de transformation sur tous ces chantiers. Sans constituer un programme, ceux-ci doivent être cohérents pour une transformation effective. Sa configuration doit se modifier au rythme de l’expérience acquise par les luttes pratiques, comme au rythme de l’avancée des connaissances. Il s’agit, au total, d’avancer en pratique en rassemblant largement, malgré les conflits inévitables, les contradictions, les compromis et les incertitudes dans une construction qui puisse changer réellement la société.

Des objectifs sociaux transformateurs

L’emploi au cœur de la transformation sociale : notre proposition de sécurité d’emploi et de formation

Le chômage, la précarité et les « jobs de merde » ne sont pas des fatalités. Prenant appui sur l’aspiration partagée à une formation et à une mobilité choisie, à un travail utile et qui ait du sens, comme sur la nécessité pour la société d’élever le niveau de formation et de qualification pour répondre aux besoins de souplesse et d’adaptabilité de la production moderne, nous voulons avancer vers une sécurité d’emploi et de formation permettant à chacune et chacun de conjuguer mobilité choisie et sécurité accrue de ses revenus et de ses droits. Ce système pleinement réalisé permettrait de supprimer le chômage, de révolutionner le contenu du travail, de dépasser l’opposition travail-hors travail, tout en répondant au besoin de souplesse, de progrès et d’adaptabilité de la production moderne. Il ouvre la voie à une nouvelle organisation des temps de la vie, donnant à toutes et tous plus de temps pour se former, plus de temps à consacrer à sa famille, plus de temps pour la vie sociale. Progresser dans sa construction est inséparable de la défense et de la promotion d’une protection sociale efficace parce que financée à partir des richesses créées dans les entreprises. Des éléments essentiels d’avancées immédiates vers ce projet ont déjà fait l’objet d’une proposition de loi des députés communistes.

La culture et l’émancipation humaine sont au cœur de ce projet. Plus celui-ci va se développer, plus il va appeler à une nouvelle culture, à un dépassement des anciennes cloisons, plus il va nécessiter la participation de chacune et chacun aux activités culturelles et créatrices.

Une nouvelle expansion des services et du secteur publics

Les services publics doivent être une pierre angulaire de la construction d’une nouvelle citoyenneté et de la promotion de biens communs dans tous les domaines. Il s’agit de contester la domination de l’Union européenne par le marché et la concurrence aveugle, pour promouvoir un système de coopération où les services publics rénovés et de nouvelles entreprises publiques joueraient un rôle décisif d’entraînement.

Il est indispensable de promouvoir des entreprises publiques dans les secteurs de la production et des services, visant la réponse efficace aux besoins populaires et la sécurisation de l’emploi et de la formation. Cela implique une transformation profonde des gestions avec de nouveaux critères, une barrière efficace à l’entrée des capitaux privés, des financements émancipés des marchés financiers, des pouvoirs d’intervention des salariés et de concertation avec les usagers, des coopérations très nombreuses et intimes en France, en Europe, dans le monde.

Une refonte écologique et culturelle de la production et de la consommation

Le capitalisme exploite l’humain et les ressources naturelles pour son profit égoïste. La nature devrait être un bien commun de l’humanité tout entière au lieu d’être marchandisée, voire parfois privatisée. Il est le principal responsable de la crise écologique, provocant pollutions, réfugiés climatiques, famines, difficulté d’accès à l’eau, guerres… Le sort de l’humanité et de la planète sont indissociables : comment protéger les écosystèmes, la biodiversité quand l’humain est en souffrance ?

Notre vision communiste, originale, juge complémentaires développement humain et écologie, sans les opposer. Pour nous, l’enjeu écologique renforce nos combats. Bien loin de les décentrer, il les élargit. Il confirme qu’il faut vraiment changer le mode de production et de consommation, qu’il faut une véritable révolution. Il faut une révolution dans les rapports sociaux de production, jusqu’aux techniques de production, une révolution de la répartition et de la consommation, et une révolution des pouvoirs et de la culture.

Services publics et entreprises sont au cœur de l’enjeu écologique : service public de l’écologie, mais aussi de la santé ou de la recherche ou du financement, mais aussi entreprises productives, avec de nouveaux critères de gestion (donc de production et de localisation), banques (avec de nouveaux critères d’investissement et de financement). Nous pouvons faire converger des forces du « dedans » et du « dehors » de l’entreprise, à partir du double enjeu social et écologique qui se rejoignent contre la domination du capital, les critères de rentabilité financière, l’austérité et le système de pouvoirs.

De nouvelles conquêtes sociales et écologiques doivent être gagnées par des batailles concrètes sur tous les sujets. Par exemple :

  • la bataille pour des relocalisations industrielles, le développement de l’emploi, converge avec celle des circuits courts, pour réduire pollutions et réchauffement climatique ; elle suppose une nouvelle politique industrielle et de services ;
  • un plan pour développer un nouveau mix énergétique remplaçant les énergies carbonées et associant développement des énergies renouvelables avec la maîtrise publique, sociale et démocratique d’une filière nucléaire sécurisée et renouvelée : s’inscrivant dans une transition énergétique, écologique et non malthusienne, ce plan nécessiterait un grand effort de recherche, d’embauches, de formation, d’investissement et d’innovation sociale ; il serait élaboré avec tous les acteurs sociaux et citoyens ;
  • un plan d’urgence contre le réchauffement climatique exige des mesures rapides telles que la gratuité des transports en commun et de s’attaquer au pouvoir de la finance et des actionnaires pour relancer le ferroviaire, fret et voyageurs, avec des dépenses d’infrastructures et pour les entreprises publiques, à l’inverse du démantèlement de la SNCF programmé par Macron.
    C’est désormais une bataille idéologique structurante, pour donner à voir la nouvelle société que nous voulons construire.

Des pouvoirs et droits nouveaux

La conquête d’une égalité réelle pour toutes et tous, émancipée des origines assignées, des discriminations liées à l’âge, au genre, à l’orientation sexuelle, à la catégorie sociale, à l’apparence physique, au handicap, doit être instaurée et affirmée en donnant les mêmes droits à chacune et à chacun, dans une égale dignité de participation et d’intervention. La politique des boucs émissaires, des relégations territoriales, de l’incitation au racisme et de la stigmatisation masque les vrais problèmes et les entretient. Cela appelle tout à la fois un effort culturel, un effort démocratique, une justice réaffirmée, une autre police et un nouvel âge des services publics.

La démocratie participative et d’intervention doit devenir un principe actif, un impératif des politiques publiques, avec de réels moyens d’intervention directe des citoyennes et des citoyens. Elle suppose la création de nouveaux pouvoirs, un essor considérable des libertés et la conquête d’une égalité effective, en faisant en sorte que chacun dispose des moyens nécessaires à son accomplissement. Le rôle des salarié·e·s dans l’entreprise et des populations concernées doit prédominer, au lieu du monopole du capital et de ses représentants. Cet enjeu est au cœur de la lutte de classes d’aujourd’hui. Il s’agit de transformer les gestions d’entreprises pour leur faire assumer un but d’efficacité sociale, territoriale et écologique. Il faut aussi de nouvelles institutions permettant l’intervention populaire à tous les niveaux (des collectivités territoriales à l’État) pour une nouvelle République allant de pair avec une nouvelle construction européenne.

Cela implique de permettre à toutes et tous de comprendre le monde pour le transformer, de s’approprier des savoirs complexes et de construire une culture commune de haut niveau grâce à des services publics de l’éducation, de la formation et de la culture renforcés et profondément transformés.

Des moyens financiers

Émanciper société et économie des marchés financiers

L’argent et la monnaie sont l’instrument majeur de la domination du capital sur l’économie et la société. Un projet communiste doit promouvoir par la lutte un tout autre système de financement. Les marchés financiers, les grands actionnaires et le grand patronat imposent une logique de financement et de gestion qui soumet les entreprises à la domination du capital. Pour imposer une tout autre logique, nous voulons prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent des entreprises (profits), de l’État (fond publics), des banques (crédit), des assurances (épargne). Au lieu de servir les profits, le coût du capital, l’évasion fiscale, cet argent doit financer les investissements efficaces, l’emploi, la formation, la recherche, l’écologie, l’égalité femmes-hommes, etc. Il doit aussi financer les services publics dans les territoires au lieu de laisser la dette publique sous la coupe des marchés financiers. Cet axe de transformation concerne tous les niveaux d’intervention : régional, national, européen et mondial.

IV. Un nouvel internationalisme pour relever le défi de la mondialisation capitaliste

Les communistes français ne peuvent penser leur rôle dans la société sans penser les profonds bouleversements vécus par la planète, sans travailler aux liens de solidarité avec les communistes et les forces progressistes, sans inscrire la lutte pour la paix dans l’exigence d’une autre société.

4.1 De profonds changements du monde

Ce début de XXIe siècle est une époque de bouleversements démographiques, écologiques, technologiques, économiques, géopolitiques. Ainsi par exemple le PIB de la Chine est désormais comparable à celui des États-Unis ; l’Afrique pourrait devenir le continent le plus peuplé d’ici la fin du siècle ; en France, un salarié sur deux travaille dans une multinationale.

On assiste à la généralisation et à l’exacerbation des fléaux du système mais aussi à l’apparition de nouveautés radicales et de potentielles transformations d’ensemble :

  • le salariat se généralise dans tous les pays et l’humanité se concentre dans les villes, mais avec un chômage massif, une envolée de la précarisation, la mise en concurrence des salariés du monde entier, et l’explosion de nouveaux problèmes écologiques et sanitaires ;
  • alors que se poursuit l’industrialisation du monde, le début de la révolution informationnelle s’accompagne d’une domination des entreprises réelles par des capitaux financiers de plus en plus monopolistiques et spéculatifs ;
  • le défi climatique mondial, le recul drastique de la biodiversité, les déforestations, l’artificialisation des sols, les maladies liées à l’environnement montent, mais monte aussi une conscience mondiale de ces défis, les potentiels technologiques et les alternatives pratiques pour y faire face ;
  • face au cancer financier qui se généralise, la responsabilité des banques, des multinationales, des paradis fiscaux et des organisations mondiales (FMI…) fait l’objet d’une prise de conscience mondiale ;
  • partout s’affirme une volonté d’émancipation des individus, hommes et femmes, mais qui peut aussi être dévoyée en un individualisme destructeur des solidarités traditionnelles ;
  • la nouvelle situation mondiale porte à la fois des possibilités nouvelles de communication et de partage, une ouverture croissante aux autres nations et à la diversité des cultures, et la mise en cause des protections étatiques traditionnelles, la régression des droits sociaux acquis, l’exacerbation des dominations supranationales ;
  • des intégrismes et des conservatismes opposés, occidentaliste, suprémaciste blanc, « islamiste », se développent en même temps que montent des mouvements d’émancipation multiformes.
    Après la chute du mur de Berlin et l’échec de l’expérience soviétique, avoir cru qu’il suffisait d’affirmer l’histoire propre du communisme français pour se dégager des conséquences de cet échec était une erreur : un bilan communiste de ce qu’a représenté l’Union soviétique est indispensable pour sortir de la diabolisation construite contre nous par les porte-voix du capital et poursuivre avec ténacité le développement de notre projet original autogestionnaire vers un communisme de notre temps.

4.2 Affrontement généralisé ou coopération et paix ?

Loin de la « fin de l’histoire », les concurrences inter-impérialistes et les dominations ont été relancées : hyper-marchandisation du monde ; financiarisation massive débouchant sur la domination technologique et commerciale des multinationales ; unilatéralisme américain et renforcement de l’OTAN alors que le monde devenait déjà plus multipolaire.

La crise de 2007-2008, qui a frappé les seuls pays capitalistes développés, a fragilisé l’image du capitalisme et la position d’hégémonie mondiale des États-Unis.

Face à cela, l’impérialisme américain utilise de façon de plus en plus agressive le dollar, son avance technologique informationnelle, son poids économique et son potentiel militaire, pour relancer son hégémonie.

Des phénomènes de fond s’y opposent :

  • la révolution informationnelle accentue les contradictions entre développement des forces productives et rapports sociaux de production ;
  • les institutions politiques, financières, culturelles et politiques qui assuraient jusqu’ici l’hégémonie mondiale du capital sont ébranlées car elles deviennent incapables de canaliser le mécontentement des peuples. De nouvelles organisations émergent, dans une recherche d’émancipation vis-à-vis des tutelles américaine voire occidentale (BRICS – Organisation de coopération de Shanghai – COP, etc.). Un nouveau type de multilatéralisme se cherche, à travers des ententes zonales contre l’unilatéralisme et le protectionnisme américain ;
  • Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, s’est ouverte une nouvelle phase de la contre-offensive des États-Unis. Elle se heurte cependant à des résistances diverses sur tous les continents.
    La Chine et l’Europe, la Russie, à des titres différents, sont particulièrement mises au défi.

Pour les communistes, il s’agit de construire un nouvel internationalisme capable d’opposer des réponses de coopération à ces logiques. Il s’agit de faire vivre en toutes circonstances nos valeurs anti-impérialistes, de paix et de solidarité.

Un axe de bataille essentiel est que la France sorte de l’OTAN et qu’elle joue un rôle moteur en Europe et dans le monde pour un rapprochement, une nouvelle alliance, avec les pays en développement et émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Mexique, Turquie, etc.). La Chine, immense pays en état de contester le leadership mondial des États-Unis, mérite une analyse conséquente et sans a priori, d’autant qu’il est dirigé par un Parti communiste se réclamant du marxisme.

L’action contre les guerres, pour le désarmement et pour la paix, qu’il faut décider d’amplifier, doit aller de pair avec l’action contre l’insécurité sociale et économique. Dans ce but, il s’agit de transformer radicalement les institutions internationales et de contribuer à l’avènement d’un instrument monétaire de coopération mondiale alternatif au dollar. Cela répond aux attentes de nombreux pays.

Il faut donner une place bien plus grande à la dimension internationale de notre action et à notre apport à une autre mondialisation. Le conseil national et les communistes doivent être régulièrement saisis de l’analyse de la situation internationale, informés des débats au sein du PGE, des relations avec les partis communistes et progressistes. Celles-ci doivent être développées dans une démarche d’écoute, de respect mutuel et de solidarité. La situation nécessite une nouvelle capacité d’initiative de notre parti en Europe et dans le monde pour des actions communes.

4.3 Une autre construction européenne

Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. On lui doit aussi la montée des populismes et de l’extrême droite, jusqu’à des positions de pouvoir comme en Italie, une domination renforcée des États-Unis et du dollar. Il n’est donc pas étonnant qu’elle concentre la colère populaire comme en a témoigné le résultat du référendum de 2005. Notre responsabilité est de donner une perspective à cette colère.

Nous sommes toutes et tous d’accord là-dessus. Mais nous avons des différences sur la façon d’en finir avec cette construction.

Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.

Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.

De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.

Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.

Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.

Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité.

Si nous ne pourrons sans doute pas trancher ces questions au prochain congrès, il est indispensable de les instruire et de les confronter à la réalité de grandes batailles populaires permettant à la fois de porter la colère et de remporter des victoires.

Battons-nous, en France, en Europe, avec les forces progressistes, avec les partis communistes :

  • pour mobiliser la monnaie au service de l’emploi, des services et biens publics et de la protection sociale, et donc pour un autre rôle de la BCE ;
  • contre la concurrence destructrice et pour de nouvelles coopérations solidaires entre nations souveraines égales et respectées ;
  • contre la militarisation du bloc européen accélérant la course folle vers des conflits majeurs ;
  • pour d’autres traités permettant des coopérations solidaires entre nations égales et peuples souverains.
    Nous voulons changer l’Europe pour une autre mondialisation.

V. Pour une nouvelle stratégie de rassemblement et d’unité populaire

L’échec du Front de gauche met en cause une conception stratégique du rassemblement, de la relation aux luttes, à la bataille d’idée et à notre visée, ainsi que d’une pratique politique. L’entente au sommet, limitée à un plus petit dénominateur commun, a pris le pas sur tout le reste, renouvelant en cela les travers d’expériences antérieures.

Notre projet est démocratique et révolutionnaire. Il faut donc un rassemblement majoritaire, dont le contenu soit à la hauteur pour transformer réellement l’ordre existant dans la société, les entreprises et les institutions : c’est la stratégie du PCF.

Elle implique de mener le débat en permanence, aussi bien avec les partenaires de constructions unitaires, qu’avec les travailleuses et les travailleurs, les citoyennes et les citoyens.

Notre stratégie exige en permanence d’évaluer, jusqu’à les réajuster, en quoi nos initiatives dans les luttes et notre action dans les institutions contribuent à avancer vers nos objectifs. Aussi importantes soient-elles, les élections ne sont qu’un moment de l’activité révolutionnaire des communistes. Et l’entente sur un programme ne peut être qu’un levier.

5.1 Les bases sociales du rassemblement

Une unité populaire est possible. Elle reste toutefois à construire, d’autant plus que le ressenti des fractures et divisions a progressé. L’unification du salariat est décisive. Tout le salariat est aujourd’hui pris dans un rapport d’exploitation, des ouvrières et ouvriers sans-papiers jusqu’aux intellectuel·le·s prolétarisé·e·s. Bien loin d’être une forme d’indépendance, l’ubérisation apparaît de plus en plus comme un rapport d’exploitation. Les travailleuses indépendantes et les travailleurs indépendants sont pris dans cette même logique, qui met en péril les petites entreprises et leurs atouts humain. Le monde du travail et de la création dans sa grande diversité (de la classe ouvrière aux cadres, avec ou sans statut spécifique, des infirmiers et infirmières aux enseignantes et enseignants jusqu’aux chercheuses et chercheurs, des chômeuses et chômeurs aux précaires, des jeunes aux retraité·e·s, des artistes aux artisans, jusqu’aux petits paysans) a fondamentalement des intérêts communs : faire reculer la domination du capital financier. Cela s’exprime par une protestation commune grandissante contre le chômage, la précarisation, les bas salaires, les risques de déclassement et l’aliénation au travail. Cela s’exprime aussi par des aspirations à la formation tout au long de la vie, à la maîtrise du sens de son travail, au partage des responsabilités jusqu’à l’intervention dans la gestion, à la maîtrise des trajectoires personnelles, à la réduction du temps de travail pour le développement de soi et pour une meilleure vie hors travail.

Le progrès de ces facteurs communs est une menace pour le grand patronat, pour sa conception de l’entreprise. Pour appuyer les dirigeants, Macron engage toute la force de l’État avec ses réformes réactionnaires. Ils s’emploient à récupérer la sensibilité des salarié·e·s qualifié·e·s aux enjeux de compétitivité, de modernisation, d’efficacité et de financement, tout en jouant sur la sensibilité des couches urbaines aux enjeux écologiques. Ils cherchent à les intégrer dans un rassemblement qui sacrifierait les ouvrières et les ouvriers, les couches populaires, les chômeuses et les chômeurs.

En même temps, ils cherchent à couper les revendications sociales d’autres luttes aux potentiels émancipateurs considérables : les luttes des femmes, des jeunes, des travailleuses étrangères et des travailleurs étrangers, ainsi que celles concernant les identités ou encore l’écologie.

À l’opposé de ce travail de division, il s’agit de faire prendre conscience à toutes et tous du fait qu’ils et elles s’affrontent à la même logique, au même adversaire et combien leurs aspirations propres à s’accomplir ont en commun un double besoin : des services publics de qualité sur tout le territoire et une sécurité d’emploi, de formation et de revenus.

Les dominations – genre, générations, capitalisme, racisme… – se renforcent entre elles. Les luttes contre ces dominations peuvent s’épauler pour une émancipation commune.

C’est tout cela, la base sociale du rassemblement que nous voulons.

5.2 Le rôle irremplaçable du Parti communiste

Il faut viser des objectifs sociaux audacieux, travailler sans cesse les contradictions pour faire grandir la conscience de la nécessité, pour les réaliser, de bouleverser la logique du système, aussi bien en ce qui concerne les moyens financiers que les pouvoirs institutionnels. Qui d’autre que le Parti communiste peut assumer ce rôle, alors que les idées dominantes pèsent tant, jusque chez tous nos partenaires de gauche ? La conception de l’entente qui a prévalu s’est opposée jusqu’ici à tout cela et a conduit à notre effacement.

Nous prêtons une grande attention à ce que les luttes expriment comme besoin de société nouvelle, comme aux difficultés du mouvement social et à ses contradictions. Pour contribuer à leur dépassement, nous développons un corps d’idées et de propositions qui, avec l’apport du marxisme vivant, permettent de ne pas subir l’hégémonie des idées dominantes, de les bousculer et d’apporter des réponses efficaces aux problèmes posés. C’est essentiel pour faire bouger les rapports de force, jusqu’à des changements dans les institutions en lien avec les élections et avec les luttes.

5.3 Être présents avec nos propres candidats à toutes les élections

Il est essentiel d’être présents avec nos propres candidats à toutes les élections. Notre ambition est d’avoir, en renforçant l’influence de nos idées, le plus d’élu·e·s possible, à tous les niveaux. Ils et elles agissent au service des travailleurs et de leurs familles, et pour faire bouger la situation. L’élection présidentielle, dont nous combattons le principe, est cependant un moment structurant de la vie politique. Elle est l’occasion pour chaque formation de mettre en débat son projet et ses idées. Le parti doit travailler à créer les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022.

Les élections européennes de 2019 portent sur des enjeux majeurs et sont une étape de la recomposition politique en cours. L’enfermement du débat dans la fausse alternative « pour ou contre l’Europe » est mortifère pour nos combats de classe. Un nouvel effacement du parti et de ses idées au nom du rassemblement derrière une possible tête de liste issue d’une autre formation politique aurait de graves conséquences aux élections municipales. Menons la bataille sur nos idées et construisons une liste de large rassemblement initiée et conduite par le PCF.

5.4 La recomposition politique

L’élection présidentielle de 2017 a déclenché une recomposition politique d’ampleur. Macron arrive à faire passer des dispositions dont le grand patronat rêve depuis longtemps. Il ne serait, prétend-il, ni de droite ni de gauche, et le seul à prendre à bras le corps les enjeux de modernité. Il n’y aurait pas d’alternative. Il utilise comme repoussoirs l’extrême-droite d’un côté et Jean-Luc Mélenchon de l’autre. Il le peut d’autant mieux que, à droite, et plus encore à gauche avec l’effacement de notre parti, nul ne lui oppose des contre-propositions à la hauteur des défis du XXIe siècle.

Il nous appartient de dissiper les illusions : on ne peut sortir le pays de la crise sans mettre en cause la dictature capitaliste de la rentabilité, en luttant pour prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent. De nombreux exemples actuels permettent d’en faire la démonstration : Ehpad, hôpitaux, délocalisations, Alstom, SNCF, écologie, collectivités territoriales, etc.

Pour l’heure, il y a des différences importantes à gauche : il est de la responsabilité du PCF d’en expliciter publiquement les termes pour chercher à les dépasser.

Le paysage à gauche est dévasté. Le PS, très affaibli, reste incapable de se dégager du social-libéralisme et de faire un bilan critique du quinquennat Hollande. Des socialistes cherchent à reconstruire un pôle social-démocrate. Le mouvement écologiste est en crise. France Insoumise canalise une partie de l’électorat de gauche, mais l’isole dans l’impasse de l’électoralisme, dans une posture protestataire qui cherche un contrôle sur le mouvement social sans respect pour ses priorités revendicatives et son besoin d’indépendance. Le risque est réel que cette posture conduise à des options populistes voire nationalistes. Une parole, forte en apparence, peut masquer des options très réformistes. Déclarer que la gestion de l’entreprise est l’affaire des seuls patrons évacue la dimension de classe du combat.

La démarche communiste doit se déployer dans trois directions : construction politique, bataille d’idées et luttes sociales.

5.5 Une union populaire et politique agissante

Il faut marcher sur deux jambes : luttes et constructions politiques. Cela exige des initiatives autonomes du PCF politisant les luttes, avec la constante ouverture au débat d’idées, et dans le même temps la formulation d’une proposition stratégique à toute la gauche pour ouvrir une perspective vraiment alternative à Macron.

Les communistes doivent travailler en permanence au rassemblement le plus large de toutes les couches salariales et populaires, à développer la conscience des contenus et conditions des changements nécessaires, et à créer les conditions de l’union des forces de progrès. Celle-ci n’est pas un but en soi : elle est un moyen pour la mise en œuvre de choix politiques nouveaux. Il s’agit de construire une union populaire et politique agissante pour sortir de la crise.

Dans un cadre de rassemblement politique, il nous faut continuer à mener des campagnes autonomes afin de faire progresser le rapport de forces en faveur de nos idées.

Il nous faut tendre la main et mettre au défi toutes les forces politiques de gauche, sans partenaire privilégié a priori, sur les réponses aux questions précises posées par les luttes.

S’attaquer à la domination du capital est décisif. Mais l’idée que ce n’est pas une question politique prédomine, de même que prédomine dans notre peuple, y compris à gauche, l’idée qu’on pourrait se contenter de s’y adapter. C’est l’obstacle majeur auquel notre parti doit s’attaquer. C’est décisif pour réorienter notre stratégie et l’ancrer.

5.6 La bataille d’idées

On ne peut plus commencer par la recherche d’entente au sommet, en y soumettant des «  campagnes communes  ». Cette façon de décréter une unité par le haut corsète l’initiative d’action et de proposition du PCF. Elle rabaisse le niveau des exigences et le besoin de cohérence à partager le plus largement pour gagner.

Aussi, outre les fronts que les luttes et l’actualité imposent, nous proposons que le congrès décide d’une campagne permanente sur le coût du capital. Nous voulons faire grandir la contestation radicale des critères de rentabilité imposés par le patronat, les actionnaires, les banques et les marchés financiers, en leur opposant le besoin une autre utilisation de l’argent pour l’emploi, la formation, la création de richesses dans les territoires, la satisfaction des revendications sociales et des besoins écologiques. Jugée nécessaire par une écrasante majorité de communistes, cette campagne serait transversale à nos différentes batailles communistes, sociales comme sociétales, et les renforcerait.

De telles batailles dans une stratégie du PCF comme vecteur du rassemblement et de l’unité populaire contribueraient à construire le socle nécessaire au redressement de notre influence et de nos forces organisées. Elles doivent permettre de mobiliser conjointement militantes et militants, à l’entreprise et dans les localités, et élu·e·s communistes, dans la diversité de leurs rôles respectifs et des moments politiques.

5.7 De nouvelles relations avec le mouvement social

Nos rapports avec le mouvement social (syndicalisme, associations, mobilisations écologistes, ZAD, Nuits debout…) doivent être repensés. Il part de revendications concrètes pour la satisfaction desquelles il réclame des pouvoirs d’intervention, dans une dimension non-délégataire qui lui fait refuser de se couler dans le jeu des alternances politiques.

Le PCF se propose, lui, de faire reculer l’étatisme, la délégation de pouvoir. Il veut s’inscrire dans la construction d’une véritable alternative aux formes politiques du libéralisme en crise. Il lui est donc nécessaire et possible de construire de nouvelles relations avec le mouvement social, syndical, associatif. La recherche d’alternative serait impuissante sans jonction avec celles et ceux qui luttent sur des objectifs concrets. Et se pose, aux composantes du mouvement social, la question de relier leurs luttes à la visée d’une alternative d’ensemble sans laquelle elles ne peuvent pas déboucher sur des victoires durables.

VI. Pour un Parti communiste utile, agissant, audacieux et novateur, internationaliste et révolutionnaire

Il y a besoin d’un parti révolutionnaire. Ce parti ne peut s’en tenir au soutien des luttes et à faire écho à la protestation contre le néo-libéralisme. Il doit contribuer à ouvrir les perspectives politiques dont les luttes ont besoin pour gagner durablement. Il doit organiser et travailler cela dans la continuité, développer en son sein éducation populaire, élaboration théorique et échanges.

La rupture mal conduite avec la conception d’un « parti guide » nous a conduit à abandonner l’ambition d’être à l’avant-garde des luttes et des idées, de jouer le rôle actif d’éclaireur qui devrait être le nôtre. Cela a conduit à la suppression de ce qui faisait la force de notre organisation, particulièrement le parti à l’entreprise, et à un relativisme théorique éclectique au détriment d’un marxisme vivant et ouvert sur les grands débats d’idées.

De nombreux travaux ont été menés dans le parti pour analyser, comprendre la situation contemporaine, ses différents aspects, ses contradictions, son aggravation et formuler des propositions. Mais les directions nationales successives n’ont pas su ou voulu créer les conditions de la réflexion collective des communistes pour qu’ils et elles s’approprient ces travaux et les enrichissent. Sous prétexte de faciliter un rassemblement a minima, la direction n’a jamais cherché à faire le travail de simplification populaire de nos propositions dans le débat public avec des initiatives d’action capables de rassembler.

Nos propositions n’ont quasiment servi que dans les textes de congrès et, très peu, dans les campagnes électorales. Cela n’est-il pas à la racine de la perte de visibilité et de crédibilité du parti ? Nombre de camarades ont tiré la sonnette d’alarme, à différents moments.

Aujourd’hui, Macron aurait-il autant d’espace pour imposer des réformes qui ont toutes pour pivot la baisse du « coût du travail » si le Parti communiste avait mené dans la durée une campagne sur le coût du capital ?

Ce congrès doit permettre de redonner à notre parti une grande ambition révolutionnaire et de redéfinir son rôle.

Le mouvement populaire et l’intervention citoyenne, aussi essentiels qu’ils soient, ne sont pas spontanément transformateurs, pas plus que le communisme ne se développe naturellement dans la société. Défendre les avancées sociales menacées, contester le partage des richesses ne conduit pas spontanément à mettre en cause les pouvoirs patronaux et du capital.

Ainsi, la création de la Sécurité Sociale, innovation sociale majeure qui a donné un avant-goût de communisme, n’est pas tombée du ciel. Elle a été le produit d’une jonction entre des luttes considérables et une idée révolutionnaire, traduite par les communistes dans les institutions après la Libération.

Pour rendre majoritaire l’exigence d’autres choix, il faut avancer des idées originales capables de faire reculer l’emprise des idées dominantes. Il faut avancer sur des solutions transformatrices à la hauteur du défi de transformation posé par la crise. Confrontons nos propositions avec les autres forces politiques de gauche, agissons pour que les luttes s’en emparent.

L’identité du PCF, dans le combat de classe de notre temps, est indissociablement démocratique et révolutionnaire.

Notre action doit avoir une double dimension : contribuer au rassemblement pour faire reculer Macron jusqu’à créer les conditions d’une politique alternative et, inséparablement, favoriser l’avancée vers un dépassement du capitalisme.

L’expérience montre qu’il ne suffit pas de faire adopter en congrès un relevé de décisions détaillé, voué à rester inappliqué. Il revient au congrès de définir une conception du parti et une orientation d’organisation. C’est le nouveau Conseil National qui doit être chargé de la mise au point de décisions précises en inscrivant ces questions à son ordre du jour. Il faudra examiner les transformations éventuelles de nos statuts que ces transformations appellent à partir d’un bilan d’expérience, en vue du 39ème congrès.

6.1 Relancer l’organisation du parti à l’entreprise

Portons le combat jusqu’au cœur du système capitaliste : les entreprises et les banques. Il faut relancer l’organisation du parti à l’entreprise. Ce terrain a été abandonné. Le 37ème congrès avait même décidé d’un conseil national sur cette question. Il n’a jamais eu lieu.

Pourtant l’entreprise est un lieu décisif de la lutte de classes. Lieu de pouvoir sur l’économie, la société et la vie quotidienne, c’est aussi un lieu où le patronat peut imposer ses idées. Un lieu où se forge un vécu d’expériences et des mentalités sur lesquelles peuvent s’imposer les idées dominantes comme se construire une conscience de classe.

C’est si vrai que les gouvernements successifs, dans le sillage du Medef, n’ont cessé de faire de l’entreprise la pièce centrale de leur politique, cherchant ce que Hollande a pu qualifier de « compromis historique » de soumission des salariés et de la société aux objectifs patronaux. Avec Macron, ce chantier prend une bien plus grande ampleur en visant une destruction sans précédent des acquis sociaux, tout en cherchant à intégrer le plus possible le salariat à ses choix politiques à partir de l’entreprise.

Pour libérer la politique de la dictature du marché, il faut une appropriation sociale effective des entreprises et des banques, et de toutes les institutions qui leur sont liées. De même que nous n’entendons pas déléguer la politique et l’intérêt général au sommet de l’État, nous devons refuser de déléguer la gestion des entreprises, avec la production des richesses, aux capitalistes. La séparation entre l’économie et la politique est au cœur du capitalisme et de ses aliénations. Nous voulons la dépasser.

Il est donc vital de relancer réellement, sans se contenter de promesses de congrès, la vie du parti et le combat organisé si indispensables dans les entreprises et autour d’elles. C’est aussi la condition pour faire progresser une conscience de classe et une unité politique du salariat dans sa diversité, sur l’ensemble des enjeux qui le concerne, dans l’entreprise comme dans la cité.

6.2 Faire vivre les batailles politiques dans les territoires

Sur les territoires aussi, le Parti communiste doit s’investir dans des luttes locales immédiates, tout en cherchant à faire progresser les idées de changement de politique et de société. Ainsi au travers de la défense des différents services publics si nécessaires aux populations, nous pouvons faire percevoir les enjeux nationaux et politiques des décisions locales. À nous d’expliquer qu’elles résultent d’une logique politique : réduire coûte que coûte les dépenses publiques et sociales, tout en épargnant les gâchis capitalistes source des déficits et des dettes publiques, livrer des pans entiers de l’activité humaine au marché et aux profits capitalistes. Nous pouvons à partir de ces luttes locales porter des propositions pour une autre logique que celle du taux de profit.

6.3 Les élu·e·s

L’existence du parti et de son organisation sont essentielles pour faire vivre de telles batailles dans la proximité. Le rôle des élu·e·s est précieux pour les crédibiliser et leur donner de la visibilité, pour accéder à des informations indispensables, pour porter ces combats jusque dans les lieux de pouvoirs institutionnels, dont il faut utiliser tous les leviers d’action tout en en montrant les limites. C’est ensemble, militantes et militants, élues et élus, que nous pouvons créer les rapports de force permettant d’arracher les moyens d’une vie digne pour tout un chacun.

L’enjeu aujourd’hui pour notre parti est de permettre d’avancer vers une démocratie participative et d’intervention, ouvrant ainsi la voie à la construction progressive d’une démocratie autogestionnaire.

6.4 La formation

La formation des militantes et des militants est une demande très forte. Son développement est une nécessité absolue. Elle exige un nouvel effort méthodique et suivi de réorganisation à tous les niveaux de responsabilité à partir des apports du marxisme vivant. Il s’agit non seulement de permettre aux communistes de se les approprier, mais aussi de pouvoir être actrices et acteurs de l’élaboration de nos avancées et propositions.

Partant du rôle fondamental de la lutte de classes dans l’histoire, et du rôle du capital, l’analyse critique de Marx, dépassant le socialisme dit utopique, a posé les bases d’une vision beaucoup plus rigoureuse du socialisme et du communisme. C’est à partir de cette analyse qu’il a montré la nécessité de l’existence de partis communistes et d’une Internationale. Aujourd’hui, ni sclérose dogmatique ni éclectisme confondu avec ouverture, il faut encourager le travail de création théorique en liaison avec les luttes et expériences, avec l’ambition d’une nouvelle hégémonie culturelle sur la gauche et dans la société.

6.5 Travailler à une nouvelle organisation du parti et à son renforcement

Pour tout cela il nous faut analyser lucidement le fonctionnement du parti. Depuis 2012, nous assistons à une dérive présidentialiste dans le parti lui-même, qui dessaisit les instances de direction et les communistes de toute maîtrise réelle sur les décisions engageant l’avenir du parti. La disparition de l’élection du secrétaire national par le CN au bénéfice du congrès a participé de cette présidentialisation.

Il est vital de travailler vraiment à une nouvelle organisation de notre parti et à son renforcement.

Revalorisons le rôle, les moyens et la souveraineté des organisations de proximité (territoires et entreprises). L’abandon des cellules a en effet gravement appauvri la vie démocratique du parti et affaibli son ancrage de terrain. Cela a contribué à réduire les capacités d’action des sections et diminué le nombre de camarades participant aux débats et initiatives. À partir de nos forces existantes et de leur renforcement, nous devons viser une nouvelle efficacité pour l’action, renforcer notre ancrage social mis à mal et rechercher une liaison avec ce qui émerge de neuf dans la société.

Les sections doivent être conçues pour le développement de leur vie politique et la prise de décision d’action, bien au-delà des AG de section.

Les fédérations départementales sont essentielles. Elles doivent permettre l’échange, la prise de décisions, l’action coordonnées sur un même département et l’appui aux sections.

Sans affaiblir le niveau départemental et sans le « coiffer », il est nécessaire de donner au niveau régional un rôle à la hauteur des responsabilités du parti.

Le principe de réseaux, thématiques ou d’entreprise, dans le PCF, a été acté depuis plusieurs années. Beaucoup de communistes y sont investi·e·s. Ne faut-il pas, pour concevoir un développement efficace au regard des objectifs du parti, procéder à une évaluation sous la responsabilité du CN ?

Une restructuration de notre organisation demande un effort tenace et intense. Pour progresser, les maîtres-mots devraient être recensement des expériences et des potentiels, expérimentation de nouvelles manières de faire, évaluation, mutualisation et formation. Et ce à tous les niveaux, de la cellule au conseil national, en passant par les sections et fédérations. La direction nationale doit en assumer un rôle d’impulsion et de suivi dans la durée.

6.6 Renouveler nos directions et leur fonctionnement

Nous avons besoin de directions qui travaillent, construisent collectivement une ligne politique et l’incarnent, dans le parti et dans la société. Nous nous donnons comme objectif de transformer la manière dont nous choisissons nos directions et leur pratique de travail pour :

  • Permettre à des milliers de femmes et d’hommes, notamment issus des milieux populaires, de zones rurales comme de grandes agglomérations, de prendre des responsabilités militantes et électives ;
  • Rendre possible la pleine implication de camarades salarié·e·s dans le travail de direction ;
  • Rendre possible un travail collectif soutenu et efficace, quelles que soient les différences de culture et d’expérience politique ;
  • Articuler le développement du débat démocratique interne à tous les niveaux, la liberté de chaque communiste avec la mise en œuvre des décisions du parti ;
  • Rendre possible une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans les directions : non seulement une composition à parité, mais une égale possibilité d’intervention.
    Le congrès précédent avait pris des décisions en ce sens (désignation d’une équipe de porte-paroles, à parité, chargés de faire entendre la voix du PCF dans les médias ; organisation d’un service de garde d’enfants pour toutes les réunions importantes des directions…). Il est incompréhensible qu’elles n’aient jamais été mises en œuvre.

Le conseil national, élu par le congrès, est la seule instance de direction nationale. Il doit pouvoir assumer pleinement cette responsabilité. Le CEN doit servir à préparer ses décisions et en impulser la mise en œuvre en liaison avec l’actualité, et non se substituer à lui. Le CN doit pouvoir décider de ses ordres du jour et faire très régulièrement le bilan de l’application de ses décisions. Il doit être tourné vers la réorganisation et le renforcement du parti.

6.7 Partage d’informations, communication et bataille pour L’Humanité

Les nouvelles technologies sont un outil d’efficacité, d’initiative, de transmission de l’information, de concertation. Il faut se garder d’en faire un moyen de centralisation du pouvoir, travailler à des formations permettant à chaque communiste d’y accéder et combattre ainsi la fracture numérique au sein même de notre parti. Ces moyens technologiques aident au travail militant mais ne remplacent pas les débats nécessaires dans les organisations territoriales et d’entreprises.

CommunisteS devrait devenir un support ouvert de partage d’informations et d’expériences, au lieu d’être seulement conçu comme un bulletin de la direction.

L’Humanité : l’existence du journal de création communiste est menacée. Par-delà les débats de contenu ponctuels et critiques, le journal demeure quotidiennement le vecteur des idées de progrès, des valeurs et des combats communistes dans le pays et dans le monde. Les sorts de L’Humanité et du PCF sont liés. Les communistes financent, vendent, diffusent et promeuvent L’Huma. Ils et elles la lisent quotidiennement. Elle est parfois le poumon du parti. Il faut qu’ils et elles puissent mieux s’en sentir partie prenante. Cela demandera très probablement de trouver les voies de nouveaux liens entre L’Humanité et les communistes, permettant de renforcer les deux, en toute indépendance journalistique.

Le contenu de la communication nationale du parti est très critiqué. En liaison avec des décisions de réorientation politique, nos moyens de communication doivent en particulier être des outils au service de la bataille d’idées précise sur nos propositions et permettre une identification du parti.

** *
Donnons-nous quatre grandes priorités immédiates  :

  • recenser, structurer et développer nos forces dans les entreprises ;
  • faire de notre parti une organisation féministe exemplaire ;
  • redevenir attractif pour la jeunesse et donner, avec les moyens et l’aide nécessaires, dans le respect de leur autonomie, un nouvel élan aux organisations des jeunes et des étudiantes et étudiants communistes ;
  • prendre des initiatives pour contribuer à organiser un réseau international de forces révolutionnaires pour une bataille internationaliste visant une autre mondialisation (paix, économie, climat, migrations …).
    Tout cela représente des transformations importantes de notre parti.

Pour changer cette société, le parti doit permettre l’intervention politique des travailleuses, des travailleurs, comme de toutes celles et de tous ceux qui en sont exclus, dans la proximité comme au plan national et international. Cela demandera un effort acharné. Mais vie politique de proximité, formation et accès aux responsabilités sont indispensables pour, dans un même mouvement, repolitiser, répondre à la crise de la politique et commencer à engager des transformations de portée révolutionnaire.

Nous faisons le choix du communisme

Le monde a besoin de révolution. Il a besoin d’idées communistes, d’un manifeste communiste pour le XXIe siècle. Notre peuple a besoin d’un Parti communiste, riche de l’engagement et de la diversité des hommes et des femmes qui y militent, d’un Parti communiste rassemblé dans l’action pour ce qui est sa raison d’être : dépasser le capitalisme jusqu’à son abolition, jusqu’à la construction d’une nouvelle civilisation libérée de l’exploitation et de toutes les oppressions.

« Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche »

Aragon

 

 

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Une loi sur l’alimentation favorable à l’agro-industrie capitaliste

L’Assemblée nationale a voté en lecture définitive ce mardi 2 octobre 2018 une loi issue des États généraux de l’alimentation. Elle focalise largement sur la question de la grande distribution et des prix, dans un sens favorable au modèle agro-industriel français.

Lors de son discours de Rungis il y a presque un an, Emmanuel Macron avait expliqué qu’il fallait un « changement profond de paradigme » concernant l’alimentation. L’idée derrière cette expression n’était pas de remettre en cause le modèle agro-industriel français mais d’encadrer mieux la position dominante exercée par le secteur de la grande distribution.

Le modèle agro-industriel français qui s’est développé durant les « Trente Glorieuses » a en effet engendré ce monstre de la grande distribution. Ce secteur n’existe que parce que lagro-industrie capitaliste a eu besoin d’écouler massivement et rapidement ses marchandises. Toutefois, sa position privilégiée vis-à-vis des consommateurs lui permet un certain rapport de force.

Essentiellement, cela consiste en une bataille pour baisser plus ou moins artificiellement les prix des marchandises alimentaires, afin d’attirer les clients. Cela rend totalement dépendante la population, et surtout les classes populaires, qui se dirigent forcément vers là où les prix sont les plus bas.

Ce mécanisme a renforcé la position dominante des grandes surfaces, qui se sont largement développées jusqu’à façonner entièrement le quotidien alimentaire des familles ainsi que l’organisation des villes elles-mêmes.

La loi s’inscrit précisément dans ce contexte, avec comme panorama l’épisode récent de la ruée dans des supermarchés pour des pots de « Nutella » à prix cassé, cela alors qu’une simple pomme « bio » est vendue très chère et est finalement assez difficile à se procurer.

La loi présentée par le Ministre de l’agriculture Stéphane Travert ne vise pas à remettre en cause ce modèle. Son intitulé exact est « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable ».

Son objet est surtout une tentative de régulation des contradictions entre le secteur de la production des marchandises alimentaires et celui de leur distribution. La pression à la baisse sur les prix perturbe l’ensemble de l’économie agro-industrielle, et affaiblit notamment la rémunération d’une grande partie des agriculteurs qui sont déjà largement subventionnés.

Seulement, on est pas là dans un modèle cohérent et organisé, mais dans une succession de conflits d’intérêts privés entre différents secteurs et différent groupes qui rend impossible toute tentative d’avancer concrètement. Cela a engendré d’importantes luttes d’influence avec des débats très houleux tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, avec plusieurs milliers d’amendements déposés et en arrière-plan la démission de l’ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot.

La loi vise surtout à encadrer les excès sur les prix avec des promotions sur les produits alimentaires limitées à 34 % de leur valeur et à 25 % des volumes de vente. Le seuil de vente à perte a également été relevé à 10 %, mais tout cela ne représente pas grand-chose. Aucune des parties, agriculteurs ou distributeurs, n’est réellement satisfaite.

L’aspect essentiel qu’il faut bien voir cependant, c’est que le modèle alimentaire français ne changera pas, qu’il restera conforme aux intérêts de l’agro-industrie capitaliste qui le façonne presque entièrement. Cela d’autant plus que les agriculteurs eux-mêmes se sont montré réfractaires à tout changement, assumant totalement leur soumission à cette agro-industrie via leur dépendance aux produits phytosanitaires.

> Lire également : Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

La bataille pour l’interdiction des néonicotinoïdes et du glyphosate qu’ont mené quelques députés est un échec, de même que la plupart des prétentions réformistes d’améliorer le sort des animaux exploités.

La loi a même reconnu une revendication forte des industriels de la viande qui est d’interdire des termes comme « steak végétal » ou « saucisse vegan ».

Toutes les dispositions visant à plus de transparence sur les produits industriels (OGM, mode d’élevage, origine géographique, pesticide, engrais) ont été rejetées. Par contre, la loi favorise l’encadrement des secteurs protégés, des origines contrôlées. Ce sont des domaines permettant de fortes valeurs ajoutées, destinés à une clientèle aisée, n’existant qu’à la marge du modèle agro-industriel classique qui est la norme pour la majorité de la population.

L’obligation faite à la restauration collective d’avoir un objectif de 50% des achats de produits locaux ou avec un signe de qualité de type « Label Rouge » d’ici à 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique, n’est qu’une tentative de modernisation du secteur.

Il n’y a aucune disposition stratégique agricole et industrielle allant dans ce sens, ni aucun véritable plan productif qui est établi. L’obligation ne concerne que des labels, dont les grands groupes pourront tout à fait s’accommoder d’ici là si cela permet d’assurer et d’élargir les bénéfices.

Cette loi n’a aucune ambition d’améliorer les choses, et la seule mesure allant éventuellement dans un sens positif n’est qu’une mesure d’accompagnement à la marge d’un phénomène qui existe déjà de plus en plus. En l’occurrence, les restaurants collectifs de plus de 200 couverts par jour devront présenter un plan pluriannuel de « diversification des protéines » avec « des alternatives à base de protéines végétales ».

Seulement, il ne suffit pas de décréter les choses par en haut de manière abstraite, sans bataille sur le plan culturel, si c’est pour en même temps laisser la main libre à l’agro-industrie capitaliste qui a totalement façonné les habitudes alimentaires de la population depuis plusieurs dizaines d’années.

L‘obligation, à titre expérimental pour une période de deux ans, d’instaurer dans les cantines scolaires un menu végétarien au moins une fois par semaine n’est par contre pas du tout une bonne chose. Dans le cadre actuel, avec les impératifs tarifaires que l’on connaît, avec les habitudes alimentaires qu’ont les chefs de cantines et avec la position dominante des grands groupes de l’alimentation pour fournir ces cantines, on sait déjà ce que cela donnera. Au lieu de la viande, il y aura des substituts type « nugget » ou « cordon bleu », à base de blé ou de soja industriels insipide, que les enfants n’apprécieront pas du tout (ou qu’ils n’apprécient déjà pas du tout, puisque beaucoup de cantines proposent déjà régulièrement ce genre de produits).

C’est absolument contre-productif, mais cela est conforme à l’agro-industrie capitaliste qui trouve là un nouveau débouché pour diversifier sa production.

Cela fait d’ailleurs quelques années que la grande distribution propose largement ce genres produits. Ce sont des marchandises hautement transformées, ne changeant absolument pas le modèle alimentaire dans un sens meilleur, ni nutritivement, ni gustativement (qui sont deux aspects totalement liés par ailleurs).

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Où en est le meurtrier « État islamique » ?

Les attentats sanglants en France ont profondément marqué les esprits, et pourtant l’État et les médias en France font comme si la question de l’État islamique était réglée. Tout comme « Je suis Charlie » a été effacé des marqueurs culturels, une réflexion critique sur le fanatisme religieux est censée passer à la trappe. Or, l’évolution de l’État islamique laisse entrevoir une contribution future directe et indirecte de celui-ci à la confusion et au meurtre.

L’État islamique a disposé d’un grand prestige dans une partie significative des musulmans du monde, pour une plusieurs raisons très simples :

– il proposait un « retour » fictif à des mœurs datant de l’époque suivant immédiatement l’émergence de l’islam ;

– il proposait un « retour » à une base territoriale considérée comme le patrimoine « naturel » de l’islam ;

– il concrétisait la nécessité dans la religion musulmane de vivre sous un califat.

Quelle que soit l’interprétation de l’islam des musulmans sunnites, ils ne pouvaient que considérer que ces points avaient au moins une certaine valeur. L’État islamique n’est cependant plus en mesure de conserver intact ces promesses à la communauté musulmane mondiale.

À son apogée, l’État islamique revendiquait 35 wilayas, c’est-à-dire des provinces. 19 se trouvaient en Syrie et en Irak, 16 dans d’autres pays. Le terme sous-entendait une idée d’administration et l’État islamique menait une intense propagande médiatique pour souligner sa capacité d’organisation étatique au niveau local et régional. Désormais, l’État islamique ne revendique plus pour l’Irak et la Syrie que la Wilayat al-Sham et la Wilayat al-Iraq. Les trois provinces qu’il revendiquait en Libye ont également été condensées en une seule.

Dans le Sinaï, l’État islamique est très fortement actif, bien plus que les groupes alignés sur Al Qaïda, comme le Jamaat Jund al-Islam, mais ses perspectives sont bloquées par l’État égyptien, dans une région de toute façon isolée. En Afghanistan, il réalise encore des attentats comme à Kaboul et dispose d’une petite enclave dans le Khorasan, mais il reste absolument marginal comparé aux Talibans qui allient de leur côté un discours islamiste combiné à un patriotisme très affirmé excluant toute perspective mondiale à court terme.

En Arabie Saoudite et en Algérie, l’État islamique ne semble plus véritablement actif. Le territoire gagné au Nigéria en mars 2015 a été perdu dès août 2016 et qui plus est son dirigeant, celui de la Jamaat Ahl al-Sunnah lil-Dawa wa al-Jihad (connu comme « Boko Haram »), a fait sécession, ce qui aboutit à des affrontements internes alors que l’État islamique tente de se maintenir dans le nord-est du Nigéria et autour du lac Tchad.

Rappelons ici qu’au Mali, la grande offensive islamiste avait été menée non pas par l’État islamique, mais Al Qaïda, encore active surtout avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Il y a désormais 12 000 soldats de l’ONU actifs, 4500 Français pour l’opération « Barkhane », alors que l’État malien dépense désormais 23% de son budget pour son armée.

Et c’est là que le problème commence à se poser justement. L’État islamique a échoué dans sa perspective territoriale, que justement Al Qaïda considérait comme impossible à mener. L’échec de l’un va profiter au second. Non seulement l’État islamique, dans son effondrement, va continuer à semer la confusion et le malheur, jusqu’à son extinction… mais son échec va profiter à son concurrent direct, qui lui raisonne en termes de terrorisme mondial.

A l’ultra-centralisme de l’État islamique – tout est décidé par le noyau dur, de manière absolue – va succéder une relative décentralisation du terrorisme islamiste, par Al Qaïda. Qui plus est, Al Qaïda raisonne en termes de cadres, et non pas en termes de recrutement rapide de personnes en rupture. Cela pose donc une menace terrible pour le futur.

Il serait en effet absurde de considérer que, malgré l’absurdité des religions en général et l’échec de l’islam à réaliser un projet social positif (que ce soit avec l’Arabie Saoudite wahhabite ou l’Iran chiite, deux théocraties, ou bien l’Algérie militaro-musulmane actuelle, la Libye et le « livre vert » de Kadhafi, l’État islamique, etc.), il ne reste pas le romantisme. En fait, il ne restera justement plus que ce romantisme ! Et il y a là matière à beaucoup d’irrationalisme, y compris meurtrier.

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« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

Ce texte a été proposé par des adhérents du Parti Communiste Français comme base commune alternative en vue du congrès extraordinaire 23 au 26 novembre 2018.

« PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes » représente une tendance de type syndicaliste. C’est une opposition qui se veut « orthodoxe », prônant le retour au Parti de George Marchais, qu’il désigne comme la dernière vraie figure du PCF.

Sa principale figure est Emmanuel Dang Tran, qui dresse un bilan très critique de la direction actuelle, proposant de « faire vivre le PCF avec, sans ou contre la direction ».

On peut résumer cette tendance par quatre points :

  1. une ligne « économiste » qui ne s’intéresse pas aux questions culturelles ;
  2. une ligne largement opposée à la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ;
  3. contre faire de l’Union Européenne et des migrants des thèmes principaux ;
  4. contre l’association à un mouvement général de gauche et à la reconstruction de la sociale-démocratie.

PCF

« Le PCF a besoin d’un congrès vraiment extraordinaire : celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-effacement-liquidation ». La direction du Parti s’applique à ce que ce ne soit pas le 38ème, qui n’a d’extraordinaire que le nom et qu’elle entend boucler comme d’habitude. Les élections législatives de 2017 ont pourtant mis en évidence les résultats catastrophiques de cette stratégie, peut-être pas pour les tenants de l’institution, mais gravement pour les communistes sincères, le monde du travail, son avant-garde, ceux qui sont à la recherche de l’outil politique pour résister à l’intensification de l’attaque capitaliste dans la lutte des classes.

A l’exigence renforcée d’un congrès extraordinaire, nous, militants, responsables d’organisations locales du PCF, nous répondons par un texte alternatif d’une autre forme que précédemment. Nous proposons une motion d’actualité, de circonstance. Elle constitue d’abord une motion de censure pour exprimer le rejet des choix de la direction et montrer que le PCF ne se réduit pas à elles. Elle est aussi un appel à s’organiser plus largement pour se réapproprier le Parti par la base, en le faisant vivre, sur les rails de la lutte des classe, avec, sans ou malgré ses directions.

Il y a deux ans, pour le 37ème congrès, nous avons produit le texte « Reconstruire le parti de classe, donner la priorité au rassemblement dans les luttes ». Il continue à porter largement les analyses de la situation politique générale, suivant nos fondamentaux théoriques. Nous posons quelques points d’actualisation – Macron/Trump/UE/Syrie… – dans la motion pour le 38ème congrès, sans reprendre toutes les questions. Elle en reprend le titre, résumé de notre démarche.

Rompre avec le réformisme mortifère, renouer avec des positions communistes

Le résultat des législatives, 613.000 voix, et encore en comptant les candidats soutenus par d’autres partis, est le plus mauvais de toute l’histoire du PCF. Avec 1,23% des inscrits, on frôle l’insignifiance. Nous ne considérons pas que la cause profonde de ce désastre soit un accident de l’histoire ou une erreur tactique, ou encore le grand méchant Mélenchon. C’est le reflet de la stratégie d’effacement du Parti, de ses positions et son organisation, à la date actuelle. Les 613.000 voix de 2017 sont à situer dans une série, suivant les 960.000 de Hue en 2002 et les 707.000 de Buffet aux présidentielles de 2002 et 2007, élections réputées plus difficiles. Petit rappel : nos candidats avaient obtenu 5.793.000 suffrages aux législatives de 1978.

La seule chose que n’avait sans doute pas envisagée la direction en 2016/2017, c’est d’avoir à présenter, seule, des candidats étiquetés PCF. 450 ont été envoyés au casse-pipe pour que quelques-uns, aux prix de négociations humiliantes, soient possiblement élus. Les promoteurs de la Mutation au congrès de Martigues en 2000 posaient le primat de la présence dans les institutions sur l’action dans les luttes. En 2017, ils sont exaucés ! Malgré la perte d’influence sans précédent, le PCF gagne 4 députés. Déjà, à Paris, en 2014, grâce à l’accord octroyé par la municipalité social-libérale Delanoë-Hidalgo, les élus PCF ont 4 fois plus de places que ne leur en aurait données la proportionnelle intégrale… Rappelons combien cet accord a lourdement plombé les candidats communistes ailleurs.

En juin 2017, le contraste était béant. Quand les communistes sincères étaient accablés par le résultat électoral, la direction poussait un ouf de soulagement, puisque le groupe parlementaire, donc l’institution, était préservé. Ensuite, le choix de temporiser, le refus de réagir, même symboliquement, à la hauteur du nouveau désaveu ont donné aux communistes et à ceux qui s’intéressent au PCF un signal désastreux. Chez les camarades – et nous le mesurons à cette phase du congrès – cela va de la colère à la résignation, en passant par l’éloignement en douceur, le découragement et le dégoût. Dans le monde du travail, dans les syndicats, chez les sympathisants, dans la population l’indifférence gagne, au point que chez certains plus jeunes, le sigle PCF ne soit même plus toujours identifié.

Depuis un an, la direction du Parti a poursuivi comme si de rien n’était, ajoutant à la consternation de ceux qui attendent encore une position de lutte du PCF. Aux adhérents, on a proposé un questionnaire/sondage bidon, en s’appuyant, comme nous l’avons dénoncé, sur un logiciel de fichage et de marketing politiques acheté à la société américaine « Nation Builder ». Sur l’UE, la direction du PCF a organisé un forum à Marseille en novembre 2017, pour le compte du Parti de la Gauche européenne. Sous l’égide d’une vidéo de Tsipras, les dirigeants du PCF et du PGE, en vue des élections européennes, ont illustré leur ligne réformiste de « réorientation » du l’UE du capital et ses institutions. Nous demandons, plus que jamais, la sortie du PCF du PGE, outil d’intégration des partis progressistes à l’UE du capital.

Plutôt que songer à relever le Parti, la direction a repris immédiatement sa recherche d’intégration dans une recomposition politique à gauche. La phase de décomposition-recomposition de la social-démocratie, après les élections de 2017, offre de nouveaux partenaires possibles, moins directement plombés par le bilan de Hollande : le Rocardien Hamon, ministre pendant la réforme ferroviaire de 2014, Maastrichien convaincu ou les rescapés d’EELV, le parti cofondé par Cohn-Bendit. Dans ce contexte, la direction du PCF espère sortir du tête-à-tête avec Mélenchon, les présidentielles passées. Le caractère hétéroclite et la concurrence entre dirigeants de la « France insoumise » (FI) offre aussi d’autres interlocuteurs potentiels. Dans cet esprit, la direction a pris l’initiative d’un meeting, raté, le 30 avril 2018 (Hamon se décommandant au dernier moment). Surtout, elle a officiellement lancé une offre de rassemblement de toutes les forces de « gauche », qui se disent anti-Macron, pour les élections européennes (qu’elles soient pro- ou anti-maastrichiennes).

Dire stop aux combinaisons politiciennes qui accélèrent notre effacement

Pour nous, la question n’est pas de refuser systématiquement des alliances politiques. Mais elles dépendent de l’objectif et leur recherche ne peut être un préalable. Ce qui est un préalable, pour pouvoir s’allier, c’est exister soi-même ! Et le rassemblement prioritaire auquel doit viser un parti communiste, c’est le rassemblement dans la lutte des classes.

Face à la politique au service du Capital, encore accélérée, par Macron, l’orientation maintenue du PCF l’a rendu incapable de contribuer efficacement à la convergence des luttes. La direction s’est inscrite dans les manifestations des samedis 21 septembre 2017 et 5 mai 2018, malgré les réticences de la CGT. Avec les leaders de gauche, en concurrence pour prendre le leadership de l’opposition, ces manifestations politiciennes « pot-au-feu » ont court-circuité l’objet essentiel des convergences de luttes (et de grève). Le samedi 26 mai 2018, la manifestation à laquelle la CGT a appelé à participer, dans des conditions précises, a montré qu’une juxtaposition de luttes diverses ne faisait pas la convergence, notamment autour des cheminots, tandis que les récupérations politiciennes évidentes ont démobilisé. La direction du PCF fait, dans son texte de congrès, un symbole de sa perspective d’union de cette modeste marée.

Agir dans les luttes pour des ruptures immédiates

La lutte des cheminots est appelée à se poursuivre, sans doute sous d’autres formes. Elle était et reste porteuse de très larges convergences : services publics, statuts du travail, retraites. La ligne de la direction du PCF, après le refus de s’opposer frontalement à la réforme ferroviaire de 2014, sans revenir à la collaboration de Gayssot dans le gouvernement de « gauche plurielle », est inapte à construire ces convergences, malgré l’élan de solidarité des communistes vers les grévistes. Aucune initiative nationale, de type pétition ou « votation », n’était envisageable en dehors d’une unité – impossible – de la gauche (hors PS) : voir la réunion du 10 avril « unitaire des partis de gauche et écologique », dont un bon nombre ont soutenu la « réforme ferroviaire » de 2014. Pour la direction du PCF, il n’est pas question non plus de remettre, nationalement, en cause le cadre européen (malgré l’opposition de classe massive à l’UE et, là, sur un sujet économique et social fondamental !). Du coup, sur le fond, elle s’est limitée à évoquer des « dérogations » possibles, notamment dans les régions, aux directives de mise en concurrence. Elle a sorti une pétition aussi peu lisible et mobilisatrice que fausse et abracadabrantesque pour « faire pression sur le BCE pour une réorientation de sa politique de Quantitative Easing en vue de la création d’un fonds européen pour les services publics, notamment le ferroviaire, qui pourrait reprendre la dette de la SNCF ». Le salut par l’UE et la planche à billets ? Alors même, de surcroît, que la question, importante, de la dette n’est pas dans le projet de loi (le gouvernement, ayant gagné sur la concurrence et la transformation en sociétés anonymes, est prêt à la reprendre).

Dans sa logique, la direction a rejeté notre proposition de pétition pour le maintien du monopole public SNCF sur les trains de voyageurs, le retour au monopole pour le fret, la réunification dans un seul établissement public de la SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et pour la défense du statut et des conditions sociales des cheminots. Nous avons dû la déployer à partir de nos organisations de base du Parti. Quel gâchis !

Le vrai congrès extraordinaire sera celui de la rupture avec 25 ans de stratégie de « mutation-liquidation ».

A défaut d’être « extraordinaire », le 38ème congrès s’annonce-t-il donc exactement comme les précédents ? Non pas tout à fait. Pour deux raisons. Devant la violence du désaveu électoral, la direction a pris, d’abord, la précaution d’avancer de 6 mois la tenue du congrès normal pour éviter que les communistes se prononcent, au bon moment, en connaissance, sur les candidatures et les ralliements aux élections européennes. Ensuite, les clans dirigeants se divisent sur deux textes, celui adopté par le Conseil national du 3 juin 2017 et celui, alternatif, porté par les « économistes », des ex-huistes, des personnalités comme André Chassaigne et André Gerin, des « identitaires », ralliés par différents groupes trotskystes. Nous dénommerons par la suite ce texte « texte direction-bis » puisqu’il reprend globalement les thèses les plus réformistes, celles des économistes, l’acceptation de l’UE du capital et du PGE, les théories révisionnistes de la « visée communiste » et du « dépassement du capitalisme », inventées sous Hue pour renoncer au socialisme et à la rupture avec le capitalisme. Dans un contexte de lutte des places, illustrée par la scandaleuse tribune de jeunes dirigeants dans la presse bourgeoise pour réclamer des places correspondant à leurs ambitions (le PCF parti comme les autres !), le texte « direction-bis » vise avant tout à faire porter le chapeau de l’échec à Pierre Laurent, son équipe rapprochée et aux choix tactiques qu’ils ont assumés en 2016 et 2017 (dont les « primaires » pourtant défendues par des tenant du texte-bis).

Divisée, la direction du PCF continue à faire l’impasse sur le bilan de 25 ans d’abandons et de reniements des fondements du Parti.

Mais, les deux clans dirigeants s’entendent notamment sur l’entourloupe principale de la préparation du congrès. Toute la préparation des élections européennes est décidée en dehors de l’expression des communistes, c’est-à-dire du vote sur les différentes motions le 6 octobre. La ligne, dans l’axe du PGE, élaborée pour les européennes a été actée par le Conseil national du 31 mars 2018. Un « chef de file » des candidats a été désigné hors de toute procédure statutaire. Il s’agit d’un des « trentenaires » ayant affiché sa disponibilité à ses ambitions. Ian Brossat, symbole de l’alignement sur le social-libéralisme à Paris, se trouve érigé de fait porte-parole du Parti. Le tour de passe-passe consiste à faire croire aux adhérents qu’il y aura une présence communiste autonome aux élections européennes. Après le 6 octobre, même après le congrès lui-même, tous les arrangements à « gauche » seront possibles, indépendamment de l’avis des communistes.

Dans le contexte nouveau, après le résultat des présidentielles, et les nouvelles perspectives de recomposition à gauche, on retrouve le plan B de la consultation de fin 2016 sur les présidentielles, tronquée et non statutaire déjà, sans appel à candidature et dans le refus d’une candidature communiste sur un programme communiste. Le plan A, porté par Pierre Laurent, posait le soutien à Mélenchon. Le plan B, porté notamment par André Chassaigne, proposait d’attendre, de porter une candidature virtuelle, « rétractable », jusqu’au résultat des primaires du PS. Le plan B préférait s’assurer de miser sur le bon cheval, préférait un candidat issu du PS et souhaitait donner une visibilité, même factice, au PCF dans la période. Le plan A a prévalu car il commençait à être clair dans les sondages que Mélenchon, déjà lancé, devancerait Montebourg ou Hamon, que peu voyaient encore en piste.

Il n’a jamais été sérieusement question de présenter un candidat communiste aux présidentielles. Les sondages culminaient à 1 ou 2% comme aujourd’hui, lorsqu’une liste PCF aux européennes est sondée. Comment pourrait-il en être autrement après un tel effacement des positions communistes et le choix de le poursuivre, notamment en étant « eurocompatible » ? Aux européennes, le seuil pour obtenir des sièges, désormais sur une liste nationale est de 5%. Les élections auront lieu en juin 2019, la constitution des listes en mars. Bien après la consultation biaisée des adhérents, les directions pourront combiner et choisir le « bon cheval » ou le moins mauvais pour conserver quelques sièges.

Unis dans cette opération politicienne (meeting Laurent-Chassaigne-Brossat du 2 juillet), les textes du Conseil national et de la « direction-bis » diffèrent très peu – appel au bilan biaisé et partiel, autocritique superficielle, thèmes de diversion, socle idéologique réformiste, sauf dans la charge dirigée par le texte-bis sur le secrétaire national et sa gestion récente. Les deux tendances de la direction se rejoignent désormais aussi dans la condamnation, l’épisode présidentiel passé, du « populisme » de Mélenchon. Dire que lorsque nous avions démasqué le Mitterrandien et Maastrichien Mélenchon, dès 2008, on nous avait qualifiés de calomniateurs…

Un troisième texte, issu d’un autre groupe dirigeant, dont les « refondateurs » et certains idéologues de la Mutation, affiche son attirance pour la FI et sa volonté d’un dépassement de la forme parti en général et d’une disparition maîtrisée du PCF en particulier. Dans leur clarté, ces poissons-pilotes de la liquidation devraient avoir l’honnêteté de quitter le PCF et de laisser ceux qui veulent le continuer.

La FI « populiste », le contraire du parti de classe

Si ce n’avait pas été Mélenchon et la FI, d’autres auraient « plumé la volaille communiste », tant notre Parti est désarmé. Dans notre texte du 37ème congrès, nous avons longuement analysé, de façon très critique, la forme d’organisation prônée par Mélenchon et le Parti de Gauche. La critique est à affiner et à approfondir avec la FI et son succès relatif uniquement ou presque électoral, en partie (seulement) dans la classe laborieuse. Electoralisme, méthodes lobbyistes, fond politique social-démocrate et keynésien (aides ciblées au capitalisme) : les formules, à comparer à celles de Podemos en Espagne, de Syriza en Grèce, ou de « Cinque Stelle » en Italie sont les plus éloignées de notre conception du parti de classe en lien avec les luttes. Dans son ensemble très hétéroclite, qui semble lié par l’opportunisme, le populisme propre de Mélenchon nous est inacceptable quand il rejoint le chauvinisme, fait le lit du populisme de droite et confine à la xénophobie, quand il dénonce « les travailleurs détachés qui mangent le pain des Français » ou conspue les retraités allemands qui saigneraient les peuples du sud. Il n’y a aucun avenir pour des communistes dans la FI !

Le concept historique de « gauche » est mis en question, notamment par certains de la FI qui, comme l’ex-FN (dans les limites du parallèle), se disent ni de droite, ni de gauche. Pour nous le repère historique de « gauche » continue d’exister dans le pays comme ferment progressiste, même si la « gauche institutionnelle » est complètement discréditée et discrédite la notion « gauche », ce qui est grave. Pour autant, Parti communiste, nous nous adressons en priorité, bien sûr d’un point de vue de « gauche » anticapitaliste, aux travailleurs suivant leurs intérêts de classe objectifs, avant leur identification politique.

La lutte des classes traverse aussi le PCF

Notre texte-motion alternative a pour objectif de permettre de sanctionner ces choix des groupes dirigeants du PCF, mais pas seulement. Nous sommes conscients d’à quel point sont consternants, décourageants, pénibles les démêlages des stratégies et calculs politiciens. Nous devons nous faire à l’idée que la lutte des classes traverse, depuis longtemps maintenant, les organisations révolutionnaires historiques de notre pays, dont le PCF. Le PCF, son histoire, son existence, l’existence d’un parti communiste indépendant, entièrement tourné vers l’intérêt des travailleurs dans la lutte des classes, sont devenues des questions de lutte en soi.

La contradiction fondamentale est la même depuis plus de 25 ans et la victoire de la contre-révolution à l’est (ceci constaté indépendamment de nos critiques). L’anticommunisme s’est trouvé considérablement renforcé au point que l’idéologie dominante espère aujourd’hui renvoyer aux oubliettes de l’histoire le seul mouvement politique qui a mis en échec le capitalisme sur une partie du monde.

L’existence et le rayonnement des partis communistes est un enjeu de la lutte des classes.

Les partis communistes ont tous subi la déflagration. Ils ont réagi en fonction du niveau de leur intégration dans la démocratie bourgeoise et de leur ancrage dans la lutte des classes. Après souvent des luttes internes douloureuses, des partis sont clairement restés communistes : le KKE en Grèce, le PCP au Portugal, les « petits » partis luxembourgeois ou allemand, le PC du Venezuela, etc. D’autres appareils dirigeants ont fait aussitôt leur « coming out » socio-démocrates, en Suède, dans la plupart des pays de l’Est, et surtout en Italie allant jusqu’à se convertir en parti démocrate à l’américaine. L’étude comparée de ces situations est un point très important de notre démarche.

En France, les nouvelles directions successives se sont retrouvées devant une contradiction qu’elles n’ont pas encore surmontée. La préservation des fortes positions institutionnelles, héritées de l’Union de la gauche, a largement prévalu et, pour cela, elles ont courbé l’échine devant l’idéologie dominante. Les reniements en série au moment de la « gauche plurielle » en ont été le révélateur. Mais elles n’ont jamais réussi à changer le nom du Parti. C’était exclu au congrès de 1991. La tentative a avorté avant le congrès de 2000. La tentative, même, d’autodissolution après juin 2007 a été retirée. Notre appel d’alors « Pas d’avenir sans PCF » y a beaucoup contribué.

Elles se sont heurtées à la résistance des adhérents, même après le sabordage des organisations de base, les cellules. Le PCF a perdu de l’ordre de 90% de ses adhérents de 1995 en nombre, et encore davantage en militants. Elles sont heurtées au fait historique PCF, à ce que le Parti des grandes conquêtes sociales et de la Résistance, notamment, continue à représenter dans l’inconscient intellectuel du pays. L’appareil dirigeant a compris qu’il perdait tout s’il cessait d’être le dépositaire, ingrat, de ce glorieux héritage.

Une solution s’est alors imposée : rester gardiens du PCF, mais l’effacer dans un ensemble, dans une recomposition politique à « gauche ». Plusieurs scénarios ont été et sont toujours, plus que jamais, envisagées, concurrents ou complémentaires, impliquant tous l’effacement du PCF : gauche plurielle avec tout le PS, maintenant avec une partie ou les ex-PS et EELV, « maison commune de la gauche », « collectifs antilibéraux », « front de gauche » etc. La liste « Bouge l’Europe » en 1999 avait déjà donné un avant-gout caricatural de cette stratégie.

Après l’échec de la candidature unique des « collectifs anti-libéraux » en 2006, la direction est allée chercher Mélenchon pour créer avec lui, en 2008, en parallèle du 28ème congrès, et en doublant les communistes (encore une fois), le « Front de gauche ». La suite de l’histoire est rappelée plus haut.

« Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre sa direction »

Nous sommes lucides sur les effets de tant d’années de reniements. Le Parti est en déliquescence. Sa vie a disparu de la plupart des localités, presque complètement des entreprises. Elle se limite à la préparation des élections dans d’autres, à des élus, souvent (pas toujours) coupés de base.

Les directions successives portent, de façon absolument incontestable, la responsabilité de la destruction du Parti. Nous ne nous sommes jamais fait l’illusion de « remettre sur les rails de la lutte des classes » ces directions. Leur survivance institutionnelle implique de lui tourner le dos, de « transformations en transformations ». Le slogan de ce congrès « révolutionner le Parti », et non le système, révèle la perspective de tourner en rond et de s’enfoncer.

Tout observateur peut vérifier ce processus. Nous ne le contrerons pas en faisant des choix illusoires du moindre mal, de congrès « de la dernière chance » en congrès de la « dernière chance ». L’expérience est déjà faite, s’ajoutant à l’analyse.

Face au capital, aujourd’hui plus que jamais, notre peuple a besoin du PCF !

Nous voulons maintenir un parti communiste en France, issu du marxisme et du léninisme, de l’organisation du mouvement ouvrier français qu’ils ont fécondée depuis 1920. Pour cela, nous ne lâchons pas et ne lâcherons pas la bataille du PCF, de ce qu’il représente d’historiquement irremplaçable, dans la population, dans la classe ouvrière, dans le mouvement syndical d’origine révolutionnaire. La bataille pour la légitimité de ce que représente le PCF doit aller jusqu’au bout.

Nous appelons, à nouveau, les communistes, qui ont quitté le PCF ou, cas le plus fréquent, en ont été écartés mécaniquement, faute de fonctionnement, à se réapproprier le Parti, cellule par cellule, section par section. Nous entendons et affirmons vouloir, mieux que précédemment, appuyer ce processus, en partant de la base, avec une visibilité nationale. Les communistes et ceux qui n’aspirent qu’à le devenir sont plus forts que les directions gestionnaires de la faillite.

Relancer partout l’action communiste

La démarche que nous mettons en avant est loin d’être uniquement critique, c’est avant tout une démarche constructive, une démarche de RECONSTRUCTION du PCF à partir des luttes. Notre démarche reste une coordination respectant la situation de chaque organisation du PCF et militant. Nous revendiquons d’être identifiés nationalement comme « RECONSTRUCTEURS » dans le PCF (maintenant qu’une expérience complètement différente portant ce nom est tombée dans l’oubli).

C’est dans ce sens que nous avons abordé, depuis nos organisations locales du PCF et leur coordination, les batailles essentielles contre la politique au service du capital de Hollande, puis de Macron, depuis le dernier congrès. C’est dans ce sens que nous envisageons la suite des grandes batailles en cours et qu’annonce le pouvoir.

Nous nous reconnaissons dans la formule que prononça le grand résistant communiste André Tollet lors d’une conférence de presse, en 1999, de camarades décidés, déjà, à combattre la ligne de mutation-liquidation du Parti. Certains d’entre nous y participaient. « Nous ferons vivre le PCF, avec, sans ou contre (malgré) sa direction ». Pour nous, ce n’est pas qu’une formule. C’est une pratique essentielle. Le cas général, en partant des priorités de la lutte, ce n’est ni « avec », ni « contre » mais « sans ». Les directions du Parti ont abandonné le terrain de classe, l’animation du Parti de classe et de masse. Leurs transformations en ont fait un parti de postures, replié sur les enjeux électoraux et institutionnels. Nous l’avons analysé comme un choix politique méthodique de dévitalisation, des années 1990 à aujourd’hui (« révolutionner le Parti » !). Pour autant rarement, sauf sur l’UE, la direction n’est en état de désavouer officiellement les positions « naturelles » des communistes, celles que les travailleurs attendent d’eux. Elle ne les défend plus. Elle les substitue par un galimatias réformiste, notamment produit par les « économistes ». Elle les contredit par ses pratiques dans ses compromis et compromissions dans les organes exécutifs, gouvernement de « gauche plurielle », régions, etc. Mais elle se trouve rarement en état de s’opposer ouvertement à ces positions. A nous de les tenir, dans cette contradiction, pour faire vivre l’organisation communiste, pour rester fidèles à notre engagement.

Développer un programme communiste dans une perspective de rupture avec le capitalisme: le socialisme

Notre priorité est l’orientation du Parti. Nous utilisons tous les moyens d’expression, sites internet, échanges de matériels de propagande, appels nationaux pour aller dans cet objectif. Pour l’essentiel, nous continuons à affirmer et mettre en débat les analyses de notre texte du 37ème congrès, annexé à celui-ci.

Notre campagne récente, avec la pétition nationale pour le maintien du monopole public SNCF, contre la transformation en sociétés anonymes et la casse, avec celle du statut, des conditions de travail des cheminots en est l’illustration.

De même, nous impulsons une large campagne rassembleuse, par toujours partant de nos préoccupations prioritaires, mais ne s’y opposant pas, contre le « prélèvement à la source », la hausse de la CSG, la perspective de fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG.

C’est une bataille capitale, de l’ordre de celle que le PCF, seul, en 1990 a mené contre le gouvernement Rocard, mais aujourd’hui dans un cadre aggravé de remise en cause du financement de la sécurité sociale par la solidarité et la cotisation sociale.

Plus que jamais, la défense de la production répondant aux besoins, dans le cadre social national, est notre revendication. Le cas d’Alstom, filière énergie, comme filière ferroviaire a soulevé les possibilités de mobilisations populaires. La nationalisation, en régime capitaliste, n’est pas toujours le remède, si elle n’est que la nationalisation des pertes. Dans une possibilité d’élévation du rapport de force dans le pays, suivant les exemples de 1936 et 1945, elles restent une solution que le Parti soit défendre.

Nous renvoyons les camarades vers notre texte précédent pour les grandes campagnes de luttes en cours.

Le capitalisme n’a plus besoin de la démocratie bourgeoise ?

L’avènement de Macron, suite à une manipulation de l’idéologie dominante a permis, momentanément, au système de contourner la crise de la démocratie bourgeoise, de l’alternance gauche institutionnelle/droite menant la même politique. Nous avons analysé l’effondrement de la social-démocratie comme le résultat de la dégradation du rapport de classe mondial et national et de la disparition ou de l’effacement des partis communistes. Macron concentre le ventre mou de ceux qui pensent qu’ils ont le moins intérêt à ce que les choses changent. Est-ce durable ? C’est douteux.

Le risque figuré par les exemples voisins est celui d’une alliance électorale, dans un contexte général de dépolitisation, à droite, notamment sur les questions, mises en avant de migration. Notre riposte, plus que jamais, implique, au plan national et internationaliste, la recherche de la concordance sur la base de l’intérêt de classe de chacun. A la fois contre les guerres impérialistes, les exploitations, et contre la mise en concurrence des travailleurs.

Le capitalisme mondialisé, c’est la guerre

La montée des tensions inter-impérialistes mondiales fait monter les risques d’affrontements voire de guerre. Communistes, nous devons mesurer ce que représente l’élection de Trump comme président des Etats-Unis et la lutte politique interne, inédite, qui a traversé le capitalisme américain entre Hillary Clinton et Trump. Elle se poursuit. La puissance capitaliste, encore dominante, est traversée par une contradiction interne qu’il nous faut mesurer, entre option nationaliste et option « cosmopolite ».

Notre parti doit reprendre son combat contre l’impérialisme et pour la paix

Notre campagne pour la paix, historiquement contre notre propre impérialisme, pour le désarmement unilatéral de la France, nucléaire et non-nucléaire, pour la sortie de l’OTAN et des politiques de défense européennes est notre priorité. Quel sens peut avoir la perspective d’un monde multipolaire ? Hier, le bloc socialiste, divergent sur le fond du bloc capitaliste, pouvait représenter un équilibrage. Aujourd’hui, suivant notre interprétation du développement capitaliste chinois, nous risquons d’être exposés à une montée des blocs impérialistes, et de leurs alliances conflictuelles, comme avant 1914.

Notre conception du socialisme charpente nos luttes

D’ici le prochain congrès, nous célébrerons le 100ème anniversaire du congrès de Tours et de la fondation de notre parti. Ces derniers mois ont vu les commémorations, malheureusement modestes, du centenaire de la Révolution d’Octobre et du bicentenaire de la naissance de Karl Marx auxquels nous avons cherché à donner le plus d’échos possible.

Nous n’oublions pas que le PCF que nous voulons continuer est issu d’une triple origine : premièrement, l’organisation et l’expérience nationales du mouvement ouvrier, notamment certaines étapes de la Révolution française, la Commune de Paris, après 1920, les grandes conquêtes sociales, la Résistance, les combats anticoloniaux, deuxièmement les théories de Marx et d’Engels ET, troisièmement, la conception léniniste du Parti. Le marxisme et le léninisme ont fécondé le mouvement ouvrier français et abouti, dans le cadre de la lutte des classes mondiale, à l’organisation ouvrière anticapitaliste la plus efficace, dans notre pays, dans l’intérêt des travailleurs et de la population.

Nous avons pu, en pleine lutte cheminote, envoyer des délégations à Trèves pour la manifestation du Parti communiste allemand, le 5 mai 2018, jour de l’anniversaire de Marx. Le raccourci d’expérience fut saisissant. Quelques fanatiques divers de l’anticommunisme associaient Marx à des crimes contre l’Humanité. Mais l’idéologie dominante, notamment par la voix du Président de la Commission européenne, Junker, ou par les dirigeants allemands, pas seulement socio-démocrates, n’ont pas hésité à commémorer Marx, pour mieux le renvoyer vers un passé révolu, un musée de la philosophie. Pour sa part, le pouvoir chinois a célébré en grandes pompes l’anniversaire. Un résumé caricatural peut en être : les enseignements du marxisme nous ont montré comment le capitalisme permettait de hausser les moyens de production, de s’enrichir – nous avons déjà gagné le socialisme – nous utilisons, momentanément, le capitalisme. L’expérience chinoise, dans laquelle nous ne pouvons pas nous reconnaître, appelle toute notre attention, sur ce plan théorique aussi.

L’actualité des théories de la plus-value, de la baisse tendancielle du taux de profit, de la crise capitaliste, de la lutte des classes comme moteur de l’histoire, que nous devons à Marx et Engels, est pour nous évidente. Nous affirmons que, plus que jamais, elles doivent faire l’objet d’une diffusion et d’une étude de masse.

Plus que jamais, l’exigence de rupture avec le capitalisme !

En juin 2008, Marie-George Buffet affirmait à propos du Congrès de Tours : « Nous sommes au 21ème siècle, le monde a changé, les modèles se sont écroulés. Aussi, dans cette belle ville de Tours, si nous ne retenions de son célèbre congrès qu’une seule chose : le formidable espoir, cette énorme volonté politique de la part de nos camarades de construire une société meilleure. » En novembre 2017, Pierre Laurent déclare : « Le communisme, pour nous, c’est précisément le mouvement continu de cette émancipation humaine contre toutes les dominations, toutes les aliénations. C’est un mouvement continu de conquête démocratique… »

Comment peut-on être révolutionnaire sans envisager de rupture ? Comment peut-on conquérir des progrès immédiats pour les travailleurs et le peuple sans, dans le cadre de la lutte des classes, porter des ruptures, une perspective de rupture avec le capitalisme ? C’est impossible.

Pour nous cette rupture porte toujours le nom de socialisme. Et sa conquête a besoin d’un outil politique: le Parti communiste.

La différence entre réformisme et révolution est toujours fondamentale.

En 1920, nos glorieux aînés faisaient le choix, longuement débattu, d’adopter les 21 conditions de l’adhésion à l’Internationale communistes. Certaines sont devenues obsolètes. Mair remettre, encore et toujours, en débat, celles qui sont essentielles et d’actualité est notre préoccupation première de communistes, au 21ème siècle.

Nous mettrons toute notre énergie à une célébration du 100ème anniversaire du PCF, en décembre 2020, qui réaffirme toute l’actualité de son organisation révolutionnaire.

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » Karl Marx – Manifeste du Parti communiste »

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Culture

Le départ de Charles Aznavour, grande figure de la chanson de variété

Charles Aznavour, de son vrai nom Shahnourh Varinag Aznavourian, fut l’un des plus grands représentants mondiaux de la variété, une figure de la chanson comme construction musicale ; son décès frappe la France non seulement sur le plan culturel, mais également sur le plan historique : c’est la fin d’une époque, tout un monde qui s’en va.

Il existe un phénomène culturel qu’on appelle la variété : ce sont des chansons accessibles, remplies d’émotions et parfois bien trop, avec une certaine approche mélancolique capable de toucher tout un chacun de par l’expérience vécue. Il faut donc avoir vécu un tant soit peu et c’est pour cela que la variété ne concerna jamais la jeunesse, même si d’une certaine manière le rap contemporain est devenu un strict équivalent pour jeunes de la variété.

Charles Aznavour, décédé hier, fut une grande figure de la variété, non seulement comme chanteur, mais également comme compositeur, même si ce qui marqua toujours les esprits, c’est sa voix de tenor et sa présence scénique indéniable, dans la grande tradition du music-hall. Ces deux derniers aspects contribuèrent de manière essentielle à en faire une figure internationale des pays occidentaux : le dernier concert qu’il fit, en septembre 2018, se déroula ainsi à Osaka, alors qu’il avait fait plus tôt, malgré son grand âge, des concerts à Madrid, Rome, Londres, Amsterdam, Vienne, Sydney, etc.

Bien qu’il connut une carrière qui mit du mal à se lancer, une fois établi il devint incontournable dans le show-business de la variété, à travers toute la culture music-hall à partir des années 1940, lui-même étant longtemps lié à Édith Piaf dont il fut pendant de longues années le confident et l’homme à tout faire.

Ses chansons sont ainsi parfaitement calibrées, accessibles et avec un texte cherchant à dresser un portrait souvent nostalgique, comme une sorte de regard sur une vie passée (« Hier encore, j’avais vingt ans, je caressais le temps / J’ai joué de la vie /
Comme on joue de l’amour et je vivais la nuit / Sans compter sur mes jours qui fuyaient dans le temps / J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air / J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés / Que je reste perdu, ne sachant où aller »).

Charles Aznavour, par souci de reconnaissance, se cantonna dans cette démarche très « jazzy » – music-hall, non plus seulement accessible mais ouvertement commerciale. Il balança lui-même par-dessus bord tous les idéaux très à gauche de sa jeunesse pour adopter un mode de vie de grand-bourgeois (résidant en Suisse pour échapper à l’impôt) et le soutien traditionnel à la Droite (Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy), même s’il s’investit tout de même dans le soutien à l’Arménie, surtout suite au tremblement de terre de 1988.

Ses chansons ont un indéniable sens de la mélodie, mais elles sont souvent marquées profondément par le pittoresque, la mélancolie très forcée, même si l’on sentait la profondeur du vécu ; s’il n’était sa voix et sa présence captivante, l’ensemble resterait dans une tonalité uniquement réduite à de la variété, sans trop marquer.

Charles Aznavour se sentit toujours comme un Français avec une grande reconnaissance pour ses origines, ses parents fuyant le génocide arménien en 1915 et lui-même baignant dans une atmosphère artistique bohème marqué par ces origines dans son enfance.

Cependant, devenu une figure arménienne mondialement célèbre, il assuma de servir comme en quelque sorte un représentant de l’Arménie. C’est peut-être là que sa profondeur la plus authentique ressurgit, la dignité de la vie triomphant des aspects trop gratuits, comme si Charles Aznavour voyait là le moment de ressaisir.

Cet ensemble fit que notre pays considéra Charles Aznavour comme un grand monsieur ; il était la preuve qu’après tout, il y avait bien une dimension culturelle et que tout n’allait pas à la perdition. Il y a là cependant toute une limite historique, car on reconnaît indéniablement ici la France qui cherche un certain confort bourgeois, quitte à le trouver dans la nostalgie. La décès de Charles Aznavour frappe ainsi d’autant plus qu’avec lui s’en va toute une époque.

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Société

De Michel Audiard au Raptor dissident et sa bande, un style réactionnaire modernisé

Le « Raptor dissident », c’est d’abord un style. Un style exprimé par la connexion entre deux formes symétriques de la réaction que le YouTuber a su réaliser et développer de manière réussie, l’amenant à être suivi par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux et la plateforme YouTube. Il s’agit donc d’un style qu’il faut analyser, dénoncer et dépasser depuis les valeurs de la Gauche.

Raptor dissident

Un « dissident 2.0 » propre à flatter sa génération.

Ismaïl Ouslimani, dit le « Raptor », s’est d’abord appuyé sur les codes expressionnistes propres à rassembler et à toucher toute une frange de sa génération. Cela autour d’un univers largement alimenté par des références aux jeux vidéos, au hip hop, aux mangas, aux blockbusters américains, aux émissions de télévision des années 1990-2000. On retrouve ici cet univers geek largement développé sur les réseaux ou sur YouTube par le Joueur du Grenier ou même Usul par exemple selon un style parallèle, assez similaire en tout cas sur la forme, le ton, le montage.

Mais cette forme, le « Raptor » l’a considérablement approfondie et politisée par toute une démarche culturelle, de nature « méta-politique », propre à l’extrême-droite. C’est-à-dire, un mélange d’individualisme aristocratique mêlant dans une perspective romantique, un appel aux vertus chevaleresques, aux valeurs « identitaires » et à l’esprit de communauté, dans le but de produire et d’affirmer des cadres culturels en capacité d’influencer le débat public, par leurs idées et leur style.

Et pour cela, le Raptor a bénéficié de l’espace politique ouvert par Dieudonné et Alain Soral, en s’inscrivant lui-même dans ce courant de la « dissidence » populiste réactionnaire. Le Raptor a donc poussé cette démarche à fond, rassemblant autour de lui d’autres figures en mesure de renforcer cette ligne, comme Papacito ou le dessinateur Marsault.

La tentative de constituer une base réactionnaire identifiable.

D’autre part, le Raptor et sa bande ont perçu l’impasse vers laquelle se dirigeaient Dieudonné et Soral, qui après leurs premiers succès, se sont contentés d’une situation de rente propre à simplement leur assurer une existence confortable, mais ayant échoué à produire un changement culturel significatif selon leur perspective. Il s’agit alors d’approfondir la démarche en passant au-dessus de Dieudonné ou Soral, sans les considérer comme des adversaires mais comme des précurseurs, ou des concurrents, outranciers et surtout pas au niveau de la ligne qu’entend promouvoir le Raptor.

> Lire égalementAlain Soral et le « Raptor », produits de la décadence complète de la société française

Celui-ci entend compléter la culture geek dont il est issu par tout un parallèle avec la culture réactionnaire antérieure. L’idée étant de renvoyer à la France gaullienne d’avant Mai 1968, comme base idéalisée permettant de produire une image propre à marquer par son style et à rallier de manière large.

On a donc ici toute une démarche consistant à mettre en avant des codes identifiables comme ceux de l’acteur Jean Gabin par exemple, notamment avec ce qu’essaye de reproduire quelqu’un comme Papacito. C’est-à-dire une mise en scène qui se pense irrésistible, « virile », avec des poses et des répliques surjouées, théâtralisées, forcées pour tout dire, une esthétique qui mélange les pages « culture » du Figaro ou de Valeurs Actuelles avec ses lunettes de soleil hors de prix et son goût pour la consommation distinctive et luxueuse, avec une attitude et un jeu, des punch-lines pour faire « populaire ». Par exemple en vantant la nécessité d’éduquer à coup de « gifle avec élan » les immigrés récalcitrant à se sentir français. Ou encore affirmant qu’au fond s’il y a des agressions contre les femmes, c’est aussi parce que les hommes ne sont plus des « bonhommes à l’ancienne », qu’il manquerait donc plus de patriarcat et d’autorité virile.

On a là le même anti-réalisme, caricaturant les types et forçant les traits mais qui s’affirme toutefois authentique, rejetant la modernité corrompue au nom de la liberté individuelle et de l’esprit du terroir et de « ceux qui triment » et qui se retrouvent dans leur temps libre à dialoguer entre copains, quand ils ne sont pas à salle pour « pousser » ou mettre les gants, entre hommes de préférence, échangeant sur leur écoeurement face à l’écroulement du monde. Tout cela entourés de filles reflétant symétriquement leur vulgarité désabusée, sur le ton de la dérision semi-sophistiquée et du bon mot, qu’on peut se permettre, parce qu’on a du muscle et qu’on est « street credible ».

C’est-à-dire qu’on a littéralement ici des petit-bourgeois qui se travestissent en ouvrier, méprisent les masses dont ils sont issus pour vivre romantiquement une aventure individualiste, une entreprise contre le reste du monde dont ils rejettent la médiocrité de manière unilatérale, en hommes libres et solitaires. Évidement, on a là aussi tout un écho avec le style développé par le réalisateur Michel Audiart, qui a mieux que personne joué sur cette confusion entre les valeurs de la Gauche et le soi-disant pragmatisme « concret » de la Droite, exprimant faussement le « bon sens » populaire de la seconde contre la première.

Une démarche vaine et vouée à l’échec.

« C’est la gauche qui me rend de droite » disait Audiard, et toute la démarche, tout le style du Raptor s’inscrit dans cette filiation, et mieux dans la posture, le style, de la « rébellion » petite-bourgeoise contre le monde moderne. Le Raptor a compris qu’un écho était jouable en affirmant le parallèle avec cette forme identifiable et malheureusement appréciée car mal comprise au sein de la culture de notre pays, et qui permet d’apparaître crédible, de dire quelque chose de familier, avec un style qui apparaît faussement « français » et authentique en surface.

La vulgarité de l’esthète désabusé, mais fort d’esprit et de corps, prolonge donc ici des figures propres à flatter l’esprit réactionnaire d’une partie des masses, piégées dans la culture beauf à qui elle donne une forme « noble », « cultivée », « aristocratique ». Comme l’a fait Louis-Ferdinand Céline dans le domaine littéraire ou Jean-Marie Le Pen dans celui de la politique, que le Raptor présente comme le « daron du game trop stylée et déter » face à sa fille surnommée ironiquement « Malika Le Pen » qui ne porte pas « ses couilles » et ne consiste en rien.

La « dissidence » du Raptor consiste donc à se reconnecter directement à ce style démagogique et à ces figures, en proposant une enveloppe modernisée, établissant une continuité propre à permettre l’héritage, d’exprimer faussement la « permanence » d’une rébellion française face à la Modernité, d’affirmer « l’homme ancien » contre le monde moderne. Il s’agit bien là en ce sens d’une offensive culturelle de la réaction, d’un populisme réactionnaire sur une ligne menant très clairement au fascisme.

Bien entendu, tout cela est sans consistance et dans sa dernière vidéo, le Raptor se présente face caméra dans un genre de FAQ prétexte à présenter sa pure et simple capitulation, son incapacité à assumer sa ligne jusqu’au bout. Finalement, il se révèle lui aussi rentier de la situation qu’il a pu constituer à son avantage, se contentant du rôle de trublion un peu stylé et de n’être qu’un entrepreneur du Fitness. Il est tout ce qu’il critique ou prétend critiquer, illustrant la pure vanité, tout le néant et l’impasse de sa démarche et de la perspective qu’il a  proposé.

Cette impasse, cet échec traduit aussi symétriquement le reflet du besoin d’affirmer de manière ouverte, authentique et visible, un style véritablement démocratique, propre au cadre français et rejetant cette imposture petit-bourgeoise.

Pour aller plus loin : Saisir la dimension petite-bourgeoise et réactionnaire du cinéma de Michel Audiard au sein de la culture française.