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Volodymyr Zelensky appelle à des frappes préventives contre la Russie

La marionnette des États-Unis sert à renforcer l’ampleur de la guerre.

Depuis février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky adresse chaque jour un message de portée militariste, destiné à l’opinion publique ukrainienne, ou russe, ou mondiale. Il n’est pas une journée sans qu’il soit parlé de crimes de guerre russe, de volonté russe d’aller jusqu’à Prague ou Varsovie, etc.

Mais Volodymyr Zelensky a beau être comédien, ce n’est pas lui qui a la capacité de produire de telles positions. Un tel story telling de si haut niveau est forcément produit par la CIA. Et les propos hallucinés qu’il a tenu le 6 septembre 2022 lors d’une interview le montrent parfaitement.

Il a ainsi affirmé qu’il fallait que l’OTAN lance des attaques préventives contre la Russie :

« Que doit faire l’Otan ? Éliminer la possibilité que la Russie utilise des armes nucléaires. Mais surtout, je lance à nouveau un appel à la communauté internationale, comme avant le 24 février : des frappes préventives, pour qu’ils sachent ce qui leur arrivera s’ils les utilisent.

Et non l’inverse, attendre des frappes nucléaires de la Russie pour pouvoir dire: “Oh, eh bien, tu fais ça, alors maintenant prends ça de notre part !” Revoir sa façon de faire pression, voilà c’est ce que doit faire l’OTAN, revoir sa façon de l’utiliser. »

C’est là un appel ouvert à l’intervention de l’OTAN et au passage on remarquera qu’il assume d’avoir voulu une telle attaque avant même l’offensive russe de février 2022 ! Le régime de Kiev a d’ailleurs essayé de rétropédaler en disant que le président ukrainien parlait… de sanctions, pas de frappes préventives… Mais donc des sanctions préventives ? Cela ne veut rien dire et c’est pour tenter d’effacer la mauvaise image issue de tels propos va-t-en-guerre.

Mais en quoi est-ce si clairement un story telling américain ?

C’est que les propos de Volodymyr Zelensky font écho à ceux de David Petraeus, ancien général de l’armée américaine, commandant de la « Force internationale d’assistance et de sécurité en Afghanistan » entre 2010 et 2011 et directeur de la CIA de 2011 à 2012, avant de démissionner pour une affaire d’adultère et de devenir un très haut cadre d’un des plus importants fonds d’investissement, KKR.

Le 3 octobre 2022, lors d’une interview, David Petraeus a affirmé qu’il se passerait vraisemblablement cela si la Russie utilisait hypothétiquement une bombe nucléaire :

“Pour vous donner une idée, nous répondrions en menant un effort collectif avec l’OTAN qui aurait pour but d’éliminer toutes les forces russes que nous pouvons voir et identifier sur le champ de bataille en Ukraine et aussi en Crimée, ainsi que tous les navires en mer Noire. »

Il va de soi que si l’OTAN réagissait ainsi, intervenant ouvertement dans le conflit Russie-Ukraine, il y aurait une réplique russe contre les troupes conventionnelles et les navires de l’OTAN. Et là ce serait le début d’un scénario catastrophe où il vaudra mieux ne pas habiter Paris, Londres, Bruxelles, Berlin, Washington, New York, Moscou et Saint-Pétersbourg.

Dans tous les cas, en suivant Volodymyr Zelensky avec des frappes préventives, ce serait la guerre nucléaire, car on parle là de frappes contre les installations de lancement d’armes nucléaires. Le principe est alors que pour éviter de se retrouver sans rien, on lance ses missiles.

On est chez les fous de guerre. Mais le plus incroyable dans cette histoire, c’est que cela déroule totalement à la marge des peuples, qui se moquent royalement de ce qui se passe. C’est à croire que seuls les Russes et les Ukrainiens sont concernés.

Alors que la Russie vient par exemple le 6 octobre 2022 justement de convoquer l’ambassadeur français à Moscou,  Pierre Lévy, après la publication dans le Figaro dans un article rendant compte de 50 agents secrets français agissant en Ukraine pour épauler l’armée dans sa guerre à la Russie.

De toute façon il suffit de voir qu’aucun média à gauche n’aborde régulièrement la guerre en Ukraine ; au mieux on a de rares articles de loin en loin. C’est totalement aberrant. Qu’on ne « devine » pas comme agauche.org six mois avant que le conflit allait se déclarer, soit. Mais une fois les armées entrant en action, c’est totalement incroyable de ne pas en faire la grande actualité, surtout alors que l’OTAN et la France en premier lieu arme le régime ukrainien, le finance !

C’est exemplaire de comment l’Histoire se déroule à côté des gens, malgré eux, tout en les entraînant avec elle. C’est ainsi que se nouent les drames historiques.

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L’Assemblée nationale célèbre à l’unanimité la guerre et le régime ukrainien

La France est un valet de la superpuissance américaine !

L’Assemblée nationale, pavoisant aux couleurs du drapeau ukrainien et en présence honorifique de l’ambassadeur ukrainien Vadym Omelchenko, a « débattu » de guerre en Ukraine. Ce pseudo débat a été inauguré par Élisabeth Borne, la Premier ministre, qui a décrit la Russie comme un pays ignoble pratiquant toutes les atrocités, et qui allait à la ruine.

Le régime ukrainien s’est vu par contre présenté comme un pays européen exemplaire dans son positionnement, devant par conséquent disposer du soutien complet de l’Union européenne. L’armée ukrainienne est également présentée comme victorieuse, triomphante, etc.

Tout serait de la faute de « l’impérialisme russe », et seulement de « l’impérialisme russe ». L’Ukraine doit être appuyée jusqu’au bout, sans hésitations aucune.

On est à un niveau de propagande à 100%, d’ailleurs l’ensemble des médias bombardent désormais l’opinion publique de manière entièrement unilatérale. Plus aucune voix différente, à défaut de critique, n’est tolérée. La seule chose acceptée, c’est l’appel à la mobilisation en faveur du régime ukrainien, avec le plus d’armes possibles, tout en cherchant prétendument à éviter de rentrer directement en guerre.

Cela reflète le positionnement de la société française, capitaliste, qui a décidé d’accepter la guerre contre la Russie, et même de la vouloir. Ce faisant, la France assume d’être un valet de la superpuissance américaine, puisque c’est elle qui est à l’oeuvre à l’arrière-plan dans l’ensemble de la situation. Le conflit Ukraine-Russie est en fait un conflit OTAN-Russie, ou plutôt États-Unis-Russie, voire États-Unis-Chine. On est en pleine bataille pour le repartage du monde.

Il n’existe d’ailleurs aucune opposition à la tendance à la guerre à l’Assemblée. Les socialistes ont, lors du pseudo débat, dénoncé la Russie. Les écologistes d’EELV assument de converger entièrement avec la ligne de la superpuissance américaine. Le PCF a dénoncé « l’impérialisme russe », avec ses « crimes de guerre », ses « crimes contre l’humanité », saluant l’armée ukrainienne et sa « bravoure » contre le Kremlin.

La France Insoumise a repris tous les clichés propagandistes sur une armée russe massacrant les civils, bombardant les hôpitaux et les maternités, une centrale nucléaire, multipliant les « crimes de guerre ». Elle a même appelé les Russes à contester la mobilisation partielle et à la refuser. La France doit être aux côtés de l’Ukraine, etc.

Le Rassemblement national de Marine Le Pen a condamné les annexions russes à l’Est de l’Ukraine, se contentant de demander plus de militarisme, et d’appeler à ce que les sanctions contre la Russie n’aient pas d’impact « sur les Français ».

Emmanuelle Ménard, député de l’Hérault et femme de Robert Ménard de qui elle partage la ligne, a été extrêmement agressive dans la dénonciation de la Russie, espérant qu’on fournisse assez d’armes au régime ukrainien.

Ce qui est une ligne qui est celle de la Droite nationaliste identitaire en général, comme le mouvement Reconquête d’Eric Zemmour, qui n’est pas au Parlement. Damien Rieu, une de ses principales figures, a dénoncé le discours de Vladimir Poutine du 30 septembre 2022, en raison de ses propos sur la Russie s’appuyant sur plusieurs peuples différents.

C’est que tous les identitaires sont en faveur de l’Ukraine, toute une scène ultra-nationaliste allant même s’engager dans l’armée ukrainienne, sous l’égide du fameux bataillon Azov. On voit très bien ici comment ces gens sont un simple outil de l’OTAN, servant à celle-ci de mercenaires pour épauler le régime ukrainien.

On a typiquement une situation avec une Droite qui, quelles que soient ses variantes, est entièrement favorable à la guerre contre la Russie, et une « Gauche » qui n’est pas contre, se contenant de donner une façade vaguement humaniste au militarisme.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, est d’ailleurs également intervenu et a expliqué, comme il l’a déjà fait, que les aides militaires françaises ne sont pas du tout rendues publiques. Le ministre avait déjà expliqué cela en juillet 2022. Il a également expliqué que l’armée française en Roumanie a coûté cette année 700 millions d’euros. Cela ne provoque aucun remous.

C’est tout à fait cohérent. La France capitaliste compte maintenir ses positions internationales, au mieux y a-t-il des inquiétudes sur les factures dans le pays, ce qui est le maximum de préoccupation de la CGT, du PCF, de la France Insoumise.

Même à l’extrême-Gauche, on a au mieux de gens disant qu’il faut opposer la Russie à l’Otan. C’est une position erronée : il faut souhaiter la défaite de son propre pays, donc il faut souhaiter la défaite du régime ukrainien. C’est l’aspect principal de toute position correcte sur la guerre, et la guerre est elle-même l’aspect principal de la réalité politique française, quel que soit ce que pensent les gens, ou justement malgré les gens et leur mauvaise foi capitaliste.

Tel est le sens d’un réel engagement ayant une portée historique. Rien ne peut avoir de signification sans passer par le prisme de cet engagement anti-guerre.

Et il faut voir les choses en face : La France Insoumise et le PCF ne combattent pas l’OTAN, ils ne combattent pas le soutien militaire de la France au régime ukrainien. Quant au Rassemblement national, il n’est qu’un accompagnateur protectionniste de l’évolution du monde.

Qui veut défendre les intérêts des larges masses doit se concentrer résolument dans le combat contre la guerre impérialiste, principalement contre son propre pays, valet de la superpuissance américaine !

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Pour maintenir sa puissance à bout de souffle, la France se militarise toujours plus

Le budget militaire continue de grimper…

Alors que la superpuissance soviétique s’effondrait, le 10 juin 1990, dans un discours devant l’Assemblée nationale, Laurent Fabius, alors première secrétaire du Parti Socialiste, appelait à la baisse du budget militaire français pour engranger les « dividendes de la paix ».

Que l’expression ait été justifiée ou non, elle est restée dans les mémoires comme l’illustration des années 1990-2000 où le rêve de la fin des guerres conventionnelles devait profiter au progrès collectif. Si la baisse du budget dévolu aux armées commençait dès 1981, cela devait s’approfondir tout au long des années 1990, passant de 3,2 % du PIB en 1990 à 1,1 % à la fin de cette décennie marquée par la fin de la conscription obligatoire décrétée par Jacques Chirac en 1996.

Mais voilà, le capitalisme restant ce qu’il est, avec ses inégalités de développement, le rêve devait prendre fin quelque part dans les années 2010 avec la remontée des antagonismes entre puissances, et surtout la montée de l’affrontement entre les États-Unis et la Chine.

En 2018 est ainsi votée la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025 qui vise à renforcer l’armée et « rattraper » les lacunes des décennies précédentes. De fait, depuis 2019, le budget militaire augmente en moyenne de 1,7 milliards d’euros dans l’objectif d’atteindre les 2 % du PIB exigé par l’OTAN en 2025 (50 milliards d’euros par an).

C’est dans cette optique qu’une nouvelle rallonge de 3 milliards a été intégrée dans le cadre de la loi de finances 2023, le budget militaire s’élevant pour l’année prochaine à pratiquement 44 milliards d’euros, soit le deuxième poste de dépense après l’enseignement scolaire.

Si cette rallonge était prévue depuis la publication d’un rapport sur la « préparation à des conflits de haute intensité » par une mission d’information parlementaire en février 2022, l’accélération de la tendance à la guerre de repartage avec la guerre en Ukraine implique le renforcement de chaque militarisme national.

Depuis la fin de la guerre d’Algérie, jamais la France n’avait connu de tels niveaux de dépenses militaires et la raison est bien simple. La France est une puissance déclinante qui tente de sauvegarder sa place dans le monde, et cela passe forcément par la modernisation, le maintien en condition opérationnelle (MCO) et l’augmentation du matériel et des stocks d’une armée qui se veut complète.

Par armée complète, il faut attendre la capacité à intervenir de manière autonome sur terre, mer et air, mais aussi et surtout à bénéficier d’une dissuasion nucléaire là-aussi sur les trois types de champ de bataille, qui coûte cher, très cher. Environ 6,5 milliards d’euros par an.

Dans des propos très clairs, le journal La Tribune écrivait à propos de cette hausse du budget militaire que « ce n’est donc pas le moment de baisser la garde pour la France, qui a des prétentions mondiales notamment en Afrique et Indo-Pacifique », cela alors même que l’Angleterre et l’Allemagne annoncent une hausse de budget de 100 milliards d’euros, allant bénéficier principalement à l’industrie militaire américaine au détriment du rêve d’Emmanuel Macron d’une « Europe de la défense » pilotée par les fabricants de canons français.

Ce qui est clair, c’est que la bourgeoisie française prépare la guerre de haute intensité pour assurer ses zones d’influences dans le monde et c’est pourquoi l’armée de l’air va bénéficier de 13 rafales supplémentaires (stock réduit par l’envoi ou la vente d’appareils à la Grèce et la Croatie) ainsi que la marine avec 6 nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque, et l’armée de terre va être modernisée avec la rénovation de 18 chars Leclerc et l’acquisition de 280 nouveaux blindés (programme Scorpion). Cela sans compter la montée en puissance du service national universel, appelé à devenir obligatoire dans les années à venir.

En effet, la France doit assurer une vaste zone d’influence dans le monde, en tant que seconde puissance maritime mondiale mais aussi dans ses relations avec certains pays d’Afrique de l’ouest, rivés à la domination française par la monnaie et des accords « bilatéraux » de « défense »…

C’est pourquoi pour s’assurer de ces intérêts stratégiques se renforce la puissance militaire, avec des divergences entre le ministre de l’économie, le ministre des armées et l’état-major militaire lui-même sur les fonds à allouer pour la future LPM 2024-2031, cela oscillant entre 370 et 410 milliards d’euros demandés selon les cas.

Car la France qui a opté dans les années 1960 pour l' »autonomie stratégique », permise d’ailleurs par son vaste empire colonial, en a toujours moins les moyens car la situation n’est plus celle d’un capitalisme dans une phase d’accumulation mais bien celle d’une crise générale et dont la France apparaît comme un maillon faible.

C’est tout le sens de l’appel d’Emmanuel Macron en juin au sommet de l’armement européen Eurosatory, à forger une « économie de guerre », c’est-à-dire à augmenter les capacités productives de guerre et à sortir de la logique de flux-tendu pour aller vers la constitution à long terme de stocks.

Mais avec un endettement massif et un important déficit public, la bourgeoisie française n’a plus de grandes marges de manœuvre financière pour assurer le maintien de sa puissance déclinante dans un contexte où la guerre de repartage menace chaque jour de prendre un tournure antagoniste ouverte.

A cela s’ajoute le fait que sur les 4 000 entreprises de la « base industrielle technologique de défense », nombreuses sont celles qui sont confrontées aux retards de livraison de composants et de pénurie de main d’œuvre, en plus du remboursement des PGE accordés pendant la période du covid-19.

Évidemment la principale difficulté reste la hausse du coût de l’énergie, d’autant plus difficile à encaisser que les entreprises de l’armement sont des industries dites duales, combinant productions civiles et militaires tout à la fois, caractéristique qui s’est approfondie dans les années 1990-2000 pour faire face à la baisse des budgets militaires dans le monde.

Alors la bourgeoisie française n’a pas 36 000 solutions pour faire face aux difficultés : il lui faut préparer l’affrontement de haut intensité au plus vite, et cela passe par décider des choses par en haut, de manière technocratique, ce qui concrètement se traduit par le renforcement du complexe militaro-industriel dans l’appareil d’État.

Pour preuve ces paroles à propos de l’ « économie de guerre » de Thierry Gaiffe, présenté comme le responsable des chaînes d’approvisionnement de la BITD et officiellement président de la Commission défense du Comité Richelieu, une sorte de regroupement de PME axées sur l’innovation technologique, devant la commission de défense de l’assemblée nationale :

L’ensemble de la supply chain (chaîne d’approvisionnement) doit être capable de produire, pas de manière immédiate mais avec des délais infiniment plus courts que ce qu’ils sont aujourd’hui. Aujourd’hui on est plutôt sur l’ordre d’un an, maintenant il faut ramener ça à plutôt l’ordre du mois. Alors comment faire quand on a, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, des délais qui sont délirants ? Et bien il faut évidemment constituer des stocks stratégiques, il n’y a pas d’autres alternative, c’est la seule. Donc ça demande à ce que l’ensemble de la chaîne, du maillon le plus grand à celui le plus petit compose un stock stratégique qui va lui permette de réagir au besoin de l’État. Donc ça demande une structuration peut-être par système d’armes, avec l’État là-haut qui va donner en fonction des scénarii une vision, une visibilité […] et en bas les délais de livraison.

La puissance française affaiblie prépare sa survie en assumant d’aller à l’affrontement militaire. Elle va tout faire pour sauver ce qu’elle peut et fera même tout ce qui est en son pouvoir pour se sortir du bourbier mondial actuel, quels qu’en soient les coûts sociaux, politiques et moraux. A la gauche historique d’en tirer les conclusions adéquates.

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L’utilisation du concept de crise par Vladimir Poutine le 30 septembre 2022

On parle ici d’économie politique.

L’un des aspects très particuliers du discours stratégique de Vladimir Poutine du 30 septembre 2022, c’est son utilisation du concept de crise. Il y a quelque chose de très surprenant, car normalement aucun régime fondé sur le capitalisme n’admet le concept de crise. Le capitalisme se présente comme à la fois inévitable et en mouvement perpétuel, il n’y a pas de place pour quoi que ce soit qui le présente sous un jour temporaire, relatif.

Or, Vladimir Poutine a dans son discours utilisé le concept de crise littéralement de la manière avec laquelle l’Internationale Communiste abordait la « crise générale du capitalisme » durant la période de l’entre-deux guerres. Plus encore, il utilise une présentation de « périodes » tout à fait en phase avec ce principe de crise générale conçu par l’Internationale Communiste.

Cela ne veut bien entendu nullement dire que Vladimir Poutine soit devenu communiste. Cependant, comme la Russie est à la marge du capitalisme mondial et converge avec la Chine, elle joue un rôle explosif dans la remise en cause de l’ordre mondial capitaliste actuel – pour le remplacer par un autre, mais bien entendu ce n’est pas dit ainsi.

Si on fait attention aux commentaires des lecteurs bourgeois du Figaro dans les articles sur la Russie, on peut d’ailleurs remarquer que justement en raison de cette remise en cause par la Russie, Vladimir Poutine est assimilé à un communiste. Il contribue à déstabiliser le capitalisme, il est donc communiste, même si en réalité il déstabilise le capitalisme sous une certaine forme, pour en vouloir une autre.

Mais voici les mots de Vladimir Poutine lors de son discours.

« Qu’est-ce que je veux souligner ? Tout porte à croire que les élites occidentales ne vont pas chercher de solutions constructives à la crise alimentaire et énergétique mondiale, qui a surgi par leur faute, précisément à cause de leur politique de longue date, bien avant notre opération militaire spéciale en Ukraine, et dans le Donbass.

Ils n’ont pas l’intention de résoudre les problèmes d’injustice, d’inégalité. On peut craindre qu’ils soient prêts à utiliser d’autres recettes, qui leur sont familières.

Et il convient ici de rappeler que l’Occident est sorti des contradictions du début du 20e siècle par la Première Guerre mondiale.

Les récompenses de la Seconde Guerre mondiale ont permis aux États-Unis de surmonter enfin les effets de la Grande Dépression et de devenir la première économie mondiale, imposant à la planète la puissance du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

L’Occident a largement surmonté la crise des années 1980 – et la crise s’est aggravée dans les années 1980 – en s’appropriant l’héritage et les ressources de l’Union soviétique, qui s’est effondrée et a fini par s’écrouler. C’est un fait.

Maintenant, pour se sortir d’un nouvel enchevêtrement de contradictions, il leur faut à tout prix casser la Russie, et les autres États qui choisissent la voie souveraine du développement, afin de voler encore plus la richesse des autres et à ce prix de boucher, de colmater leurs trous.

Si ce n’est pas le cas, je n’exclus pas qu’ils tentent de provoquer l’effondrement du système, sur lequel tout pourra être imputé, ou, Dieu nous en préserve, qu’ils décident d’utiliser la formule bien connue ‘‘la guerre va tout effacer’’. »

Si l’on regarde bien, ce que dit Vladimir Poutine c’est que le capitalisme a connu une certaine forme pendant cent ans, à partir de 1914, et que maintenant il va en prendre une nouvelle. Certains pays ont dominé le 20e siècle, mais le 21e siècle ne sera pas dominé par ces pays, ni par personne – en réalité bien entendu il s’agit simplement de remplacer les pays dominants.

La Russie exprime ici, par la voix de Vladimir Poutine, son entière convergence avec la Chine. Ce que dit Vladimir Poutine, c’est que le capitalisme monopoliste russe a tout à gagner et même ne peut se maintenir que si la Chine devient la superpuissance dominante.

C’est cela qui permet, dans une forme récupérée à l’Internationale Communiste mais déformée, le réemploi du concept de crise et même de bouleversement de la situation mondiale.

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Le discours « échecs en quatre dimensions » de Vladimir Poutine le 30 septembre 2022

Le point de non-retour est désormais dépassé.

Le 30 septembre, le président russe Vladimir Poutine a tenu un court discours sur la fameuse place rouge de Moscou, afin de présenter l’intégration de quatre régions qui, il n’y a même pas dix ans, relevaient de l’Ukraine. Cela relevait d’un meeting-concert, intitulé « Le choix du peuple, ensemble pour toujours ».

Ses propos ont été cependant assez brefs ; il s’est voulu volontaire, très volontaire, mais n’a pas réussi car trop sous le coup de l’émotion. S’il a présenté le jour comme historique, ce n’est pas pour rien de son point de vue, puisque la Russie « retrouve » des Russes ou plus exactement ces derniers reviennent dans le giron de la mère-Russie.

De manière plus terre à terre, on parle tout de même ici d’une zone à peu près grande comme le Portugal, avec les régions de Louhansk et de Donetzk, qui avaient formé des « républiques populaires » à la suite du coup d’État nationaliste et pro-occidental à Kiev en 2014, ainsi que les régions de Kherson et de Zaporojié passées sous contrôle militaire russe à la suite de l’offensive de février 2022.

Une partie des régions de Zaporojié et de Donetzk sont par ailleurs encore sous le contrôle du régime ukrainien, ce qui implique que la Russie va elle-même entrer légalement en guerre avec l’Ukraine.

Le discours était comme on le sait l’aboutissement de référendums, pour la séparation d’avec l’Ukraine tout d’abord pour Kherson et Zaporojié, pour rejoindre le « peuple multinational de la Fédération de Russie » pour l’ensemble des quatre dans la foulée. La dimension « légale » est une tradition russe historique.

Voici les résultats officiels, qui sont naturellement forcés par le cours des choses, sans pour autant qu’il soit possible de nier que l’attachement à la Russie prime d’une manière ou d’une autre dans cette partie du monde, le régime ultra-nationaliste ukrainien servant de repoussoir.

Il ne faut pas se leurrer : l’idée de rejeter à 100% la Russie, comme l’exige le régime ukrainien, même dans le cas où on soutient l’Ukraine, est absolument intenable humainement pour les gens ayant des liens, d’une manière ou d’une autre, avec la Russie.

La région de Kherson a d’ailleurs été prise sans coup férir dès le début de l’offensive russe, en raison de trahisons massives dans l’appareil d’État ukrainien régional.

ParticipationPour l’adhésion à la Fédération de Russie
Donetzk97,5%99,23%
Louhansk92,6%98,42%
Kherson76,9%87,05%
Zaporojié85,4%93,11%

L’intégration formelle des quatre régions s’est déroulée dans la salle Georgievsky du palais du Kremlin, une salle résolument splendide dédiée aux plus grandes cérémonies honorifiques historiquement en Russie. C’est à cette occasion que Vladimir Poutine a tenu un discours d’une quarantaine de minutes.

Et là le discours a été d’un tout autre calibre que le discours lors du meeting. Il reflète une transformation radicale de la ligne de l’appareil d’État russe. On ne peut pas comprendre l’État russe, sa stratégie, sans saisir précisément les contours de ce qu’il a formulé.

Vladimir Poutine a tout d’abord souligné le lien historique des régions de Kherson et de Zaporojié avec la « Nouvelle Russie » établie par Catherine II de Russie, dénonçant le « coup d’État néo-nazi de 2014 » et demandant une minute de silence pour les « martyrs » tombés depuis sous les coups des nationalistes ukrainiens.

Il a parlé d’un amour maintenu pour la Russie, y compris pour ceux nés « après la tragédie de l’effondrement de l’Union soviétique », une « catastrophe nationale », et même si le passé ne peut pas être restitué, il reste une volonté de vivre ensemble de la part de ceux « dont les ancêtres ont vécu dans un seul État pendant des siècles ».

L’intégration des quatre régions est considérée comme inaliénable, l’Ukraine devra céder quoi qu’il en soit :

« Je veux que les autorités de Kiev et leurs vrais maîtres en Occident m’entendent, afin que tout le monde s’en souvienne : les habitants de Lougansk et de Donetsk, de Kherson et de Zaporojié deviennent nos citoyens pour toujours.

Nous appelons le régime de Kiev à un immédiat cessez-le-feu, à cesser toutes les hostilités, la guerre qu’il a déclenchée en 2014, et à retourner à la table des négociations. Nous sommes prêts pour cela, cela a été dit plus d’une fois.

Mais nous ne discuterons pas du choix des habitants de Donetsk, Lougansk, Zaporojié et Kherson, il a été fait, la Russie ne le trahira pas. »

Cet aspect du discours ne concerne toutefois que le début et une petite partie de celui-ci. La grande majorité a tenu à une dénonciation acharnée des pays occidentaux et de leur tentative de transformer la Russie en « colonie ». La Russie se défendant, se protégeant, serait donc le phare du refus de l’ordre mondial décidé par les occidentaux, au point que Vladimir Poutine argue que la Russie est séparée de l’histoire du colonialisme et même que, à travers l’URSS, elle a été à la pointe de l’anti-colonialisme !

C’est là bien entendu totalement tiré par les cheveux, mais correspond à ce mélange Russie/URSS aux contours adaptables selon les besoins. Il faut se souvenir que Vladimir Poutine cherche ici à toucher notamment ou surtout des dirigeants de pays du tiers-monde, ce qu’il dit là est parfait pour la junte militaire au Mali ou bien l’État nationaliste-social syrien par exemple.

« Qu’est-ce sinon du racisme que la conviction péremptoire de l’Occident que sa civilisation, sa culture néolibérale est un modèle incontestable pour le monde entier ? (…)

Il convient de rappeler à l’Occident qu’il a commencé sa politique coloniale au Moyen Âge, la traite mondiale des esclaves a suivi, le génocide des tribus indiennes en Amérique, le pillage de l’Inde, de l’Afrique, les guerres de l’Angleterre et de la France contre la Chine, à la suite de quoi il a été contraint d’ouvrir ses ports au commerce de l’opium.

Ce qu’ils ont fait, c’est mettre des nations entières sous drogue, exterminer délibérément des groupes ethniques entiers pour le bien de la terre et des ressources, organiser une véritable chasse aux gens comme des animaux.

Ceci est contraire à la nature même de l’homme, vérité, liberté et justice. Et nous, nous sommes fiers qu’au XXe siècle, ce soit notre pays qui ait dirigé le mouvement anticolonial, qui ait ouvert des possibilités à de nombreux peuples du monde de se développer, afin de réduire la pauvreté et les inégalités, de vaincre la faim et la maladie. »

L’intégration des quatre régions permet à la Russie de ne plus être faible, malade, poussive :

« Je souligne que l’une des raisons de la russophobie séculaire, l’hostilité non dissimulée de ces élites occidentales envers la Russie tient précisément à ce que nous ne nous sommes pas laissé voler pendant la période des conquêtes coloniales, nous avons forcé les Européens à commercer pour un bénéfice mutuel.

Cela a été réalisé en créant un État centralisé fort en Russie, qui s’est développé et s’est renforcé sur les grandes valeurs morales de l’orthodoxie, de l’islam, du judaïsme et du bouddhisme, sur la culture russe et la parole russe ouverte à tous.

On sait que des plans d’interventions en Russie ont été élaborés à plusieurs reprises, ils ont essayé d’utiliser le temps des troubles au début du XVIIe siècle et la période de bouleversements après 1917 a échoué. L’Occident a néanmoins réussi à s’emparer des richesses de la Russie à la fin du XXe siècle, lorsque l’État a été détruit.

Ensuite, nous avons été appelés à la fois amis et partenaires, mais en fait, ils nous ont traités comme une colonie – des milliards de dollars ont été détournés du pays dans le cadre de divers stratagèmes. Nous nous souvenons tous de tout, nous n’avons rien oublié.

Et ces jours-ci, les habitants de Donetsk et de Louhansk, de Kherson et de Zaporijia se sont prononcés en faveur de la restauration de notre unité historique. Merci ! »

Et vient alors, comme en passant, une remarque de portée dramatique :

« Les États-Unis sont le seul pays au monde à avoir utilisé deux fois l’arme nucléaire, détruisant les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki. Soit dit en passant, ils ont créé un précédent. »

Cette remarque selon laquelle il y a un « précédent » est bien entendu un avertissement sur l’usage russe éventuel de la bombe atomique.

Et il s’ensuit une très fine allusion à la Chine. Les propos suivants de Vladimir Poutine montrent parfaitement comment ici, à travers lui, c’est la Chine qui parle et qui dresse un avertissement à la superpuissance américaine. On a ici directement affaire à la théorie dite « des trois mondes », non pas dans la version de Mao, mais dans la version de Deng Xiao Ping.

Les pays en développement doivent faire front contre l’hégémonie, mais d’une manière en fait particulière, puisqu’ils doivent concrètement passer sous le giron de la Chine en passe de devenir la principale superpuissance en remplacement de la superpuissance américaine.

« Le diktat américain est basé sur la force brute, sur la loi du plus fort. Parfois magnifiquement emballé, parfois sans emballage, mais l’essence est la même – la loi du plus fort.

D’où le déploiement et l’entretien de centaines de bases militaires dans tous les coins du monde, l’expansion de l’OTAN, les tentatives de constituer de nouvelles alliances militaires telles que AUKUS et autres.

Un travail actif est également en cours pour créer un lien politico-militaire entre Washington, Séoul et Tokyo.

Tous les États qui possèdent ou cherchent à posséder une véritable souveraineté stratégique et sont capables de défier l’hégémonie occidentale sont automatiquement inclus dans la catégorie des ennemis.

C’est sur ces principes que sont construites les doctrines militaires des USA et de l’OTAN, n’exigeant rien de moins qu’une domination totale.

Les élites occidentales présentent leurs plans néocoloniaux de la même manière hypocrite, même avec un semblant de paix, elles parlent d’une sorte d’endiguement, et un mot aussi rusé erre d’une stratégie à l’autre, mais, en fait, ne signifie qu’une seule chose : saper tous les centres souverains de développement.

On a déjà entendu parler du confinement de la Russie, de la Chine, de l’Iran. Je crois que d’autres pays d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient, ainsi que les partenaires et alliés actuels des États-Unis, sont les suivants. »

Vladimir Poutine a également, bien entendu, fait remarquer la crise énergétique dans les pays occidentaux, après avoir dénoncé les sanctions contre la Russie :

« Mais les gens ne peuvent pas être nourris avec des dollars et des euros imprimés. Impossible de se nourrir avec ces bouts de papier, et impossible de chauffer un foyer avec la capitalisation virtuelle et gonflée des réseaux sociaux occidentaux. »

Et il a souligné la décadence de l’occident, de manière bancale bien entendu car on sait bien que la Russie est tout à fait pareillement contaminée par le capitalisme le plus cynique, en mode oligarchique. Mais même si c’est de la démagogie, cela tape fort là où la Russie n’a pas sombré :

« Je veux maintenant revenir sur ce que j’ai dit, je veux m’adresser à tous les citoyens du pays – pas seulement aux collègues qui sont dans la salle – à tous les citoyens de Russie : voulons-nous avoir, ici, dans notre pays , en Russie, au lieu de maman et papa, « parent numéro un », « numéro deux », « numéro trois » – sont-ils déjà complètement fous?

Voulons-nous vraiment que des perversions qui conduisent à la dégradation et à l’extinction soient imposées aux enfants de nos écoles dès le primaire ? Se faire leurrer qu’il existe soi-disant d’autres genres que les femmes et les hommes, et se voir proposer une opération de changement de sexe ? »

Cela débouche sur un appel ouvertement « conservateur révolutionnaire » :

« Je le répète, la dictature des élites occidentales est dirigée contre toutes les sociétés, y compris les peuples des pays occidentaux eux-mêmes. C’est un défi pour tout le monde.

Un tel déni complet de l’homme, le renversement de la foi et des valeurs traditionnelles, la suppression de la liberté acquiert les caractéristiques d’une « religion inversée » – le satanisme pur et simple.

Dans le Sermon sur la montagne, Jésus-Christ, dénonçant les faux prophètes, dit : C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Et ces fruits toxiques sont déjà évidents pour les gens – pas seulement dans notre pays, dans tous les pays, y compris pour de nombreuses personnes et en Occident même.

Le monde est entré dans une période de transformations révolutionnaires, elles sont de nature fondamentale.

De nouveaux pôles de développement se forment, ils représentent la majorité – la majorité ! – de la communauté mondiale et sont prêts non seulement à déclarer leurs intérêts, mais aussi à les protéger, et à voir la multipolarité comme une opportunité de renforcer leur souveraineté, et donc d’acquérir une vraie liberté, une perspective historique, leur droit à une liberté indépendante, créative, développement original, à un processus harmonieux.

Partout dans le monde, y compris en Europe et aux États-Unis, comme je l’ai dit, nous avons de nombreuses personnes partageant les mêmes idées, et nous ressentons, nous voyons leur soutien. Un mouvement de libération anticolonial contre l’hégémonie unipolaire se développe déjà au sein des pays et des sociétés les plus diverses.

Sa subjectivité ne fera que grandir. C’est cette force qui déterminera la future réalité géopolitique.

Et il a conclu en citant le philosophe conservateur Ivan Iline, qui a émigré à la révolution russe et est devenu une référence ultra-conservatrice nationaliste après 1989 :

« Si je considère la Russie comme ma patrie, cela signifie que j’aime en russe, contemple et pense, chante et parle russe, que je crois en la force spirituelle du peuple russe. Son esprit est mon esprit, son destin est mon destin, sa souffrance est ma douleur, sa floraison est ma joie. »

Pour résumer : le régime russe adopte officiellement une ligne conservatrice révolutionnaire qui, auparavant, était sous-jacente. Cela correspond forcément à la transformation de la Russie en capitalisme monopoliste d’État, c’est-à-dire en dictature d’une petite minorité, de type oligarchique, dans une perspective militariste ouverte.

La Russie s’arqueboute ainsi et la ligne du régime est de se poser comme outil historique nécessaire aux pays du tiers-monde en « développement » : si le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Iran, la Turquie, la Chine, l’Inde… veulent parvenir à passer un cap, alors ils ont obligatoirement besoin de la Russie pour contrer la superpuissance américaine hégémonique qui compte maintenir sa position de force au niveau mondial.

Cela montre le très haut niveau stratégique de l’appareil d’État russe, ce qu’on appelle en anglais le 4D chess, les échecs en quatre dimensions, c’est-à-dire une analyse ultra-poussée avec des enchevêtrements tels que vu de l’extérieur on n’en saisit pas les fils conducteurs.

La Russie considère qu’il y a une crise et elle veut passer entre les mailles du filet. Elle fait, à sa manière, ce que le Royaume-Uni a fait avec le Brexit.

Le régime ukrainien a très bien compris ce que cela impliquait pour lui et a le même jour demandé son entrée officielle dans l’OTAN puisque, sur le terrain, l’Ukraine est déjà entièrement opérationnelle selon le mode de l’OTAN et avec son matériel. Le secrétaire de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a accepté la demande mais immédiatement expliqué que ce n’était pas possible, puisque cela impliquerait immédiatement une guerre OTAN-Russie.

Reste à voir comment vont réagir les pays européens. Le maintien de la Russie sur une ligne dure, sur une position forte, va bouleverser le paysage politique après l’hiver si l’Ukraine n’a pas réalisé de succès militaire majeur. Les plaques tectoniques des contradictions entre puissances ne sont de toutes façons pas près de cesser – on n’échappera pas à la 3e guerre mondiale, à moins d’un bouleversement révolutionnaire d’ampleur sur la face du monde. Et sinon ce bouleversement sera produit par la guerre.

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Escalade américaine, Nord Stream saboté, référendums russes et menace atomique

Nous vivons un drame et l’indifférence est complète.

Les événements ne cessent de s’accélérer dans une tendance inexorable à l’affrontement général pour le repartage du monde. Très objectivement, l’indifférence prédominante face à tout cela est glaçante. Si agauche.org n’avait pas annoncé le conflit militaire Russie-Ukraine six mois avant qu’il ne se déclenche, s’il n’y avait pas les analyses justes de la décision historique de cet affrontement, où serions-nous? A errer sans fin… déjà que la situation est ignoble !

Et on peut compter sur la superpuissance américaine pour être aux premières loges du désastre. Elle vient de passer commande pour 1,1 milliard de dollars à son propre complexe militaro-industriel, afin d’aider le régime ukrainien, tant militairement (18 artilleries de précision HIMARS et leurs munitions,150 véhicules blindés, 150 véhicules tactiques tracteurs d’armement, des radars et des armes anti-drones, etc.) que financièrement.

On parle ici au total de 16,2 milliards de dollars  distribués depuis le début de la guerre en Ukraine. Et il y a eu aussi, vraisemblablement également de la part des Américains, des actions contre les gazoducs Nord Stream et Nord Stream 2. On parle de trois explosions sous-marines provoquant de très importantes fuites de gaz, à environ 70 mètres de profondeur. Qui peut avoir intérêt à rendre définitivement caduc ces gazoducs, à part les Américains? Ils ne cessent depuis février 2022 de dire à leur sujet que c’est de l’histoire ancienne, et le Wahsington Post est heureux d’expliquer désormais que :

« Cet épisode sonne la fin définitive des projets Nord Stream, qui a renforcé la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe. »

L’absence de gaz russe rend en effet l’Europe dépendante de la superpuissance américaine et de son gaz naturel liquéfié, qui provient en grande majorité du gaz de schiste. Et le gouvernement français est un simple valet de la superpuissance américaine. Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères française, s’est rendue pour la troisième fois depuis février 2022 à Kiev, le 27 septembre 2022. L’Union européenne met quant à elle en place le huitième paquet de sanctions contre la Russie.

Et la propagande est ininterrompue. Il est par exemple parlé de référendums bidons tenus dans les régions de Zaporijjia, Kherson, Donetzk et Lougansk, avec des résultats ultra-majoritaires pour rejoindre la Russie. Mais au-delà de toute considération sur la nature du régime russe et la mise en place militarisée de ces référendums, il est absurde de ne pas voir qu’à l’arrière-plan il y a une question russo-ukrainienne brûlante, avec un régime ukrainien pro-occidental fanatisé et niant tout lien historique avec la Russie.

Il ne s’agit pas de dire comme le régime russe que l’Ukraine n’existe pas, mais pour une partie significative des gens, entre une Ukraine fictive issue des rêves cauchemardesques des nationalistes et une Russie qui est ce qu’elle est mais qui est la Russie… la réflexion est alors « tant pis ».

Cette absence de réalisme de médias notamment français, au nom de l’esprit occidental de conquête porté par le capitalisme en crise, mène au désastre. Car la Russie a le dos au mur, également par choix naturellement. Dimitri Medvedev, qu’on doit présenter comme le numéro 2 du régime et qui se met en scène comme le successeur de Vladimir Poutine à la tête du pays, a tenu à ce sujet des propos très clairs.

Dans un long message posté sur le réseau social Telegram, où il revient sur la question de l’emploi des armes nucléaires, il dit les choses suivantes. Le « monde anglo-saxon » ne cesse de parler de « liberté » et de « démocratie », mais c’est uniquement pour maintenir sa direction exclusive sur le cours du monde.Et il ne cesse de dénoncer la Russie et son possible emploi de l’arme atomique.

Ce à quoi répond Dimitri Medvedev de la manière suivante : la Russie a une doctrine très claire, l’arme atomique ne sera employée qu’en cas d’attaque atomique ou bien si l’existence même de l’État russe est menacé.

L’État russe a une approche ultra-légaliste des choses, donc tout est effectivement très codifié. Il est clair que les pays occidentaux font une propagande hallucinée en accusant la Russie de vouloir employer l’arme atomique à la première occasion. Le bourrage de crâne est immense.

Dimitri Medvedev continue toutefois son propos. Il dit que la Russie n’acceptera jamais que des voisins hostiles, à l’instar de « l’Ukraine nazie qui est est aujourd’hui directement contrôlée par les pays de l’OTAN », disposent de la bombe atomique. Et s’il n’y a rien à attendre du « régime de Kiev » à ce niveau, les pays qui le contrôlent savent bien qu’il y a des limites à ne pas franchir. Il dit de ces pays :

« Ils comprennent que dans le cas où la menace contre la Russie dépasse la limite établie pour le danger, nous devrons réagir. Sans demander la permission à personne, sans de longues consultations. Et ce n’est certainement pas du bluff. »

Et, de toutes façons, l’OTAN ne réagirait pas si la Russie frappait le « régime ukrainien qui a commis un acte d’agression à grande échelle présentant un danger pour l’existence même de notre État ». L’OTAN chercherait à préserver « Washington, Londres et Bruxelles » avant tout ; on remarquera que Paris et Berlin ne sont pas mentionnés, afin d’appuyer les fractions hostiles ou étrangères à l’OTAN de ces pays.

Autrement dit, si les choses tournent mal en raison de l’appui massif de l’OTAN au régime ukrainien, la Russie vitrifiera Lviv et mettra de toutes façons le régime ukrainien à genoux, suivant le principe qu’on ne peut pas gagner une guerre contre un pays ayant l’arme atomique et une capacité à les envoyer efficacement.

La Russie accepte ainsi l’escalade occidentale, ce que montre d’ailleurs la mobilisation partielle, et l’intégration officielle à la Russie des régions de Zaporijjia, Kherson, Donetzk et Lougansk va provoquer une nouvelle onde de choc.

 

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Ignoble déferlement de haine anti-russe

Le nationalisme suinte de partout.

La Russie est un peuple qui, historiquement, a porté une immense culture. On ne compte pas les savants dans absolument tous les domaines, les artistes que ce soit en musique, en peinture, en littérature, en sculpture, en architecture, en cinéma, etc. ; on ne compte pas non plus les révoltes populaires, les révolutions (1905, 1917). Bref, c’est un peuple qui a participé de plein-pied à l’Histoire humaine.

Cela fait d’autant plus mal, alors qu’en plus les Russes ont un tempérament attachant empreint de vague-à-l’âme et de chaleur humaine exprimée dans une candeur frappante, de voir qu’en France il s’est répandu une haine anti-russe farouche et totalement stupide.

Depuis l’annonce par le président russe Vladimir Poutine, le 21 septembre 2022, d’une mobilisation partielle de 300 000 hommes, cette haine s’est d’autant plus systématisée ; désormais ce sont les médias à l’échelle de l’Union européenne qui déversent une propagande anti-russe sans commune mesure.

L’objectif est bien entendu de faire tomber le régime et, surtout, de démanteler la Fédération de Russie. C’est un objectif à visée impérialiste et tous les appétits s’en voient excités. La conquête économique de la Russie, son asservissement, voilà de quoi relancer toutes les économies occidentales.

Et pour les pays de l’Est de l’Europe, il y a également la possibilité de grappiller pas mal de choses, surtout si en plus l’Ukraine est totalement affaiblie à la suite de son hypothétique victoire. On comprend que la Pologne soit un pays va-t-en guerre cumulant les positions ultras.

L’opportunisme, voilà ce qui caractérise des gens et des pays alors que la superpuissance américaine assume de vouloir faire tomber un grand pays, suffisamment riche pour qu’il y est beaucoup de miettes.

Lorsque la Femen Inna Shevchenko découvre son propre pays, l’Ukraine, le jour de l’invasion, et répète depuis toutes les incantations délirantes de l’OTAN et de l’extrême-Droite ukrainienne sur son compte Twitter, elle ne le fait pas par patriotisme ukrainien, mais comme plan de carrière, afin de s’insérer impeccablement dans ce qui doit découler du repartage du monde, aux dépens de la Russie.

Les Russes seraient des idiots creusant des tranchées dans la zone ultra radio-active autour de la centrale de Tchernobyl : un bon exemple de convergence avec la propagande occidentale. En réalité, creuser le sol de cette zone n’est nullement dangereux, la vie sauvage ayant également repris ses droits depuis bien longtemps.

C’est là que réside le double danger de la haine anti-russe. D’abord, elle s’appuie sur des préjugés nationalistes, où les Français seraient éduqués et civilisés, les autres peuples barbares. Beaucoup de Français, rendus incultes par la société de consommation, alors que la Russie était bien connue et appréciée auparavant, voient en les hommes russes des sortes de brutes à têtes d’assassins et en les femmes russes des beautés manipulatrices prêtes à se vendre.

Ensuite, cette haine anti-russe appelle à faire carrière en son sein. Devenir un spécialiste de cette haine permet d’aller sur les plateaux de télévision, d’écrire des articles, bref d’obtenir une reconnaissance sociale, voire d’être rémunéré. On peut faire carrière en adoptant la haine anti-russe.

Même Stéphane Courtois, le grand intellectuel de l’anticommunisme en France, avec le « livre noir du communisme », s’est transformé désormais en « spécialiste » de la Russie et de ses méfaits !

L’universitaire qui, demain, publiera un ouvrage pour expliquer que la Russie n’existe pas, qu’il y a une Moscovie coloniale qui a toujours tyrannisé les pays et les peuples voisins, se verra couvrir d’éloges. Et cet ouvrage sera publié, n’en doutons pas, car cela correspond à l’idéologie du régime ukrainien, et à la ligne de la superpuissance américaine.

Et ce processus de déferlement de propagande n’est pas prêt de s’arrêter. La France assume totalement de participer à la bataille contre la Russie que portent désormais l’OTAN et l’Union européenne de manière conjointe, sous l’égide de la superpuissance américaine.

On doit donc même considérer que la propagande va aller toujours plus loin, tout comme il y aura davantage d’armes remises à l’Ukraine. Tout comme l’Ukraine basculera toujours plus dans le fanatisme anti-russe le plus démentiel.

Sur ce plan d’ailleurs, la nation ukrainienne est en train de se suicider historiquement en acceptant de sortir entièrement de toute valeur démocratique ou populaire. En laissant le champ libre à des nationalistes vendus à des impérialistes, il y a une transformation de l’Ukraine en une simple fonction de conquête militaire anti-Russie.

Croire que la Russie va se laisser faire est autant aberrant que de rendre l’énorme service aux nationalistes russes, comme c’est fait actuellement, qui prétendent que l’Ukraine n’existe pas et ne sert que les intérêts occidentaux.

C’est un piège qui se referme sur les peuples. Il ne faut pas y participer, il faut même le combattre. Il ne doit pas y avoir de place pour la haine anti-russe. L’internationalisme – et pas l’internationalisme comme cosmopolitisme, non, l’internationalisme prolétarien doit primer, toujours.

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Septembre 2022 : que restera-t-il de l’Arménie ?

La situation est catastrophique.

Depuis maintenant plus d’une semaine les forces armées de l’Azerbaïdjan assaillent les frontières de la République d’Arménie. Les opérations ont jusque là fait officiellement plus de 280 morts de chaque côté parmi les militaires, et l’Azerbaïdjan occuperait plusieurs dizaine de km2 du territoire arménien.

Depuis novembre 2020, et de fait déjà auparavant, il est attentivement suivi la situation se développant en Arménie et plus largement dans le Caucase. Les personnes lisant agauche.org peuvent aisément consulter les archives documentant et analysant de manière approfondie tout ce contexte, ses implications et ses développements.

Il était annoncé depuis l’effondrement du Karabagh arménien que les régimes nationalistes, profondément bellicistes, de Bakou et d’Ankara ne contenteraient pas de l’écrasement du Karabagh arménien. Ceci d’autant que celui-ci reste encore incomplet dans une certaine mesure, puisqu’il se maintient, péniblement, sous occupation russe.

Les développements de la guerre en Ukraine devaient immanquablement avoir des répercussions
sur le Caucase, et pour l’Arménie, cela signifiait de notre point de vue, que c’était son existence
même en tant qu’État qui était en jeu.

Conformément à nos analyses donc, les régimes de Bakou et d’Ankara s’élancent dans la bataille pour le repartage du monde, sur la base de leur idéologie guerrière et expansionniste du « pantourisme ». Plus spécifiquement même, sur l’idée considérant que l’Azerbaïdjan et la Turquie forment « deux États, mais une nation ».

Voici les éléments d’analyse qu’il faut prendre en compte ici :

– La Turquie et l’Azerbaïdjan forment une alliance sur la base idéologique du pantouranisme (c’est-à-dire de l’idée d’unifier un supposé ensemble de pays « turcs ») allant au fascisme sur le plan interne, et justifiant sur le plan externe un écrasement large, sinon total de l’État arménien.

Il faut donc voir au-delà de la question de la réoccupation et de l’épuration ethnique du Karabagh arménien. La charge nationaliste attendue de cette conquête est l’aspect principal sur le plan idéologique du régime de Bakou. Pour la Turquie d’Erdogan, c’est une question parmi d’autres de son idéologie néo-ottomane, sur laquelle il est assuré quasiment d’une victoire.

– L’objectif territorial vise en priorité la conquête du sud du territoire arménien, appelé le Syunik
en arménien (en Zangezur en turc), mince bande territoriale peu peuplée permettant de relier l’Azerbaïdjan à la Turquie de manière directe. A minima, il s’agit d’obtenir un « corridor » ouvert entre les deux pays, c’est-à-dire le contrôle direct de la route Latchine-Nakhtichevan qui traverse cette région.

Cela suppose bien sûr la réoccupation complète de ce qui reste du Karabagh arménien, sous protection russe. À ce stade, les troupes d’Azerbaïdjan occupent toute la ligne de crête séparant le Karabagh arménien reconquis de l’Arménie, notamment suite à la prise du mont Ichkanasar (Işıklı en turc) qui domine de ses 3550 mètres toute la partie centrale de la route que visent les Azerbaïdjanais.

À cet objectif militaire principal s’ajoute une revendication supplémentaire sur le lac Sevan, qui fait partie sur le plan hydrologique du bassin de la Koura, et qui historiquement est tourné vers la ville de Gandjak, aujourd’hui en Azerbaïdjan. La carte ci-dessous permet de voir l’étendue des revendications territoriales maximum du régime, qui imaginent donc réduire l’Arménie à la zone de sa capitale, Yerevan, et aux secteurs où sont déployées les forces russes (frontière avec la Turquie et base de Gyumri).

Mais de toute façon en réalité, les revendications azerbaïdjanaises, et turques, sur l’Arménie concernent potentiellement l’ensemble du territoire, dont selon cette perspective, l’effacement doit être à terme total, afin de souder l’Azerbaïdjan et la Turquie de manière complète, ce qui serait autant pour Ilham Alyev, le président de l’Azerbaïdjan, que pour Recep Tayyip Erdogan, dirigeant de la Turquie, un triomphe « historique » validant le militarisme et toute la rhétorique néo-ottomane folle furieuse d’Erdogan.

L’action de Bakou est soutenue par la Turquie d’Erdogan, et plus discrètement par l’OTAN à travers l’appui des services de renseignement britannique.

La Turquie a déployé ses drones d’attaque Bayraktar TB2, dont l’un s’est écrasé en Iran, officiellement de manière accidentelle. L’ouverture d’un éventuel nouveau conflit de haute intensité dans le sud-Caucase est clairement une manière d’affaiblir la Russie, et l’Azerbaïdjan tout comme la Turquie entendent saisir cette opportunité pour leur propre agenda expansionniste, alimentant la marche précipitant le monde dans la guerre.

– Une telle offensive ouvre potentiellement les possibilités de repartage du Caucase, menaçant
les positions russes et iraniennes, et donnant un éventuel espace d’intervention à la France dans le cadre de sa confrontation croissante avec la Turquie, en laissant l’Arménie se faire écraser afin de satelliser ce qui reste, reprenant de fait à son compte la stratégie russe. La Droite française, par ses figures politiques ou ses médias, y pousse avec insistance, sans que cela ne prenne encore forme d’engagement concrète.

– L’Arménie et son peuple sont désormais complètement aux abois, réalisant de manière vertigineuse à quel point leur rhétorique nationaliste fondée sur une vision romantisée à outrance d’une « Grande Arménie » illusoire, qui a nourri la vie politique du pays, masquant le militarisme et la corruption du régime a été une catastrophe.

C’est ce que tente désespérément d’enrayer le gouvernement de Nikol Pachinian, mis en place suite à une vaste révolte populaire contre le régime et cherchant aujourd’hui, mais en vain, à ouvrir un dialogue avec l’Azerbaïdjan ou la Turquie, sous l’égide de la Russie. Cela avec le seul horizon déprimant de trouver une pauvre voie d’existence comme État satellisé entre deux blocs expansionnistes, poussés de toute façon à un moment ou un autre à la confrontation.

À ce contexte lamentable s’ajoute encore les agissement des puissances occidentales, jouant toutes les cordes permettant d’affaiblir les uns et les autres pour prendre pied dans le secteur, ou du moins pour y bloquer tous leurs rivaux.

Les forces de Gauche authentiquement démocratiques et populaires doivent donc mobiliser Arméniens et Turcs de notre pays contre cet abominable machine à broyer les peuples, à dresser des murs et à faire couler le sang.

Il faut dénoncer sans aucune concession les idéologies bellicistes maquillant l’expansionnisme d’États piégés dans les contradictions du mode de production capitaliste. La Turquie comme l’Azerbaïdjan sont entraînés vers l’abyme par leurs régimes chauvins, cultivant un pseudo-romantisme identitaire et territorial flattant les pires préjugés nationaux des uns et des autres. Voilà pourquoi il faut opposer à la guerre impérialiste du capitalisme en Crise un projet, une perspective.

Cette perspective ne peut être que celle de la Gauche historique, reposant sur les valeurs les plus avancées du mouvement ouvrier. Seule la classe ouvrière échappe à la décadence, et dialectiquement ce n’est que consciente qu’elle peut transformer l’Histoire comme l’exige notre époque.

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Les caractéristiques fondamentales du discours de Vladimir Poutine du 21 septembre 2022

Il est essentiel de les saisir pour comprendre ce qui se passe.

Voici les aspects fondamentaux du discours de Vladimir Poutine du 21 septembre 2022 ; jusqu’à présent, depuis six mois avant le déclenchement du conflit Ukraine-Russie, les analyses faites sur agauche.org ont été parfaitement justes, il s’agit de maintenir la capacité à disposer d’une analyse profonde.

Il faut souligner que le discours a été relativement court, d’une dizaine de minutes, qu’il est ainsi très ramassé, très conceptuel.

L’aspect principal est que Vladimir Poutine a parlé de la Russie comme patrie, mais en soulignant bien qu’elle s’appuyait sur différents peuples, différentes nationalités. L’expression qu’il emploie est celle de « Russie historique ». Ce point, abordé régulièrement ici, est essentiel et personne ne peut comprendre la Russie, ni son régime, sans considérer que c’est à la base même de toute initiative de la Russie. Tous les Russes ne sont pas « russes », pour résumer.

Vladimir Poutine a d’ailleurs immédiatement souligné l’unité des composantes de la Russie, accusant, avec justesse dans les faits, les pays occidentaux de vouloir la démanteler.

« Le but de cet Occident est d’affaiblir, de diviser et finalement de détruire notre pays. Ils disent déjà directement qu’en 1991, ils ont pu diviser l’Union soviétique, et maintenant le moment est venu pour la Russie elle-même, qu’elle devrait se désintégrer en de nombreuses régions et régions mortellement hostiles. »

On ne peut pas comprendre le soutien interne au régime sans saisir qu’effectivement, la Russie apparaît sous sa forme actuelle comme une réalité politique au moins supérieure aux fragmentations néo-féodales possibles, et qui suit un parcours historique lui accordant une réelle légitimité (avec l’URSS à l’arrière-plan).

De manière subtile, Vladimir Poutine a toutefois abordé une question directement russe en disant que le régime ukrainien, façonné par l’occident depuis 2014, aurait de lui-même de toutes façons lancé une guerre, avec notamment comme objectif de récupérer la Crimée. C’est là un point sensible plus que fondamental pour les Russes « russes » : la Crimée est russe et absolument aucun retrait n’est envisageable sur ce point.

Comme en plus, ces derniers jours notamment mais également depuis des mois, le régime ukrainien est assez stupide pour expliquer qu’il vise la Crimée et qu’il ne cédera jamais, rien qu’avec cela les jeux sont faits et le régime russe s’assure la légitimité.

Reste à savoir comment Vladimir Poutine envisage la question des régions de l’Est de l’Ukraine. Initialement, les objectifs de l’opération spéciale n’ont pas été définis avec exactitude, à part avec la chute du régime de Kiev aligné sur le bandérisme et la démilitarisation de l’Ukraine, c’est-à-dire sa rupture avec l’OTAN.

Désormais, il est dit que c’est la question de la libération du Donbass qui est fondamentale.

« La décision d’une opération militaire préventive était absolument nécessaire et la seule possible. Ses principaux objectifs – la libération de tout le territoire du Donbass – ont été et restent inchangés.

La République populaire de Louhansk a déjà été presque complètement débarrassée des néonazis.

Les combats dans la République populaire de Donetsk se poursuivent. Ici, pendant huit ans, le régime d’occupation de Kiev a créé une ligne profondément échelonnée de fortifications à long terme.

Leur assaut frontal aurait entraîné de lourdes pertes, de sorte que nos unités, ainsi que les unités militaires des républiques du Donbass, agissent systématiquement, avec compétence, utilisent l’équipement, protègent le personnel et libèrent progressivement les terres de Donetsk, débarrassent les villes et villages de néo-nazis, viennent en aide aux personnes que le régime de Kiev a transformées en otages, en boucliers humains. »

Cependant, attention, cela ne veut nullement dire qu’il s’agit d’un repli et que l’objectif russe concernant l’Ukraine a reculé. C’est simplement la fermeture de l’option du peuple ukrainien retournant au bercail.

C’est que les Ukrainiens, depuis le début de la guerre, se sont alignés sur un positionnement révulsant de soutien à leur propre régime, de soutien à l’OTAN. Toute personne connaissant cette partie du monde ne peut qu’être éberluée de l’attitude de ces Ukrainiens, parlant le plus souvent russe, pétri de culture russe (tout en ayant leurs spécificités), ayant forcément des amis russes, mais déversant une haine hallucinée sur la Russie.

Il y a, du point de vue russe, une fierté terriblement blessée, un sentiment d’être fondamentalement trahi. Si on ne comprend pas ça, on peut pas comprendre la démarche actuelle du régime russe, et l’acceptation d’un « tant pis pour les Ukrainiens » du côté de la population russe.

C’est le sens du discours sur l’intégration de zones relevant historiquement de la « Nouvelle Russie » mise en place par l’impératrice Catherine II, à l’ouest du Donbass. On parle donc de l’intégration des « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk, des régions de Kherson et de Zaporozhye.

Cela officialise un positionnement déjà flagrant en avril 2022 (voir ici de manière incontournable La réorientation russe de début avril 2022 dans la guerre en Ukraine: la « Nouvelle Russie »), ce qui souligne encore une fois la justesse des analyses faites sur agauche.org depuis avril 2021.

Si l’officialisation ne se produit que maintenant, c’est qu’il a été tenté en Russie de ne pas trop valider les thèses des ultras, considérant qu’il faut se débarrasser de la question ukrainienne et se focaliser sur la Nouvelle Russie, sur un mode plus « tsariste » que soviétique à la années 1970-1980. Vladimir Poutine se situe idéologiquement entre ces deux options.

« Je tiens à souligner que nous savons que la majorité des personnes vivant dans les territoires libérés des néonazis, et ce sont avant tout les terres historiques de la Nouvelle Russie, ne veulent pas être sous le joug du régime néonazi.

A Zaporozhye, dans la région de Kherson, à Lougansk et à Donetsk, ils ont vu et voient les atrocités commises par les néo-nazis dans les zones occupées de la région de Kharkov. Les héritiers de Bandera et les punisseurs nazis tuent les gens, les torturent, les jettent en prison, règlent leurs comptes, sévissent, tourmentent les civils.

Plus de sept millions et demi de personnes vivaient dans les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, dans les régions de Zaporozhye et de Kherson avant le déclenchement des hostilités. Beaucoup d’entre eux ont été contraints de devenir des réfugiés, de quitter leur foyer. Et ceux qui sont restés – environ cinq millions de personnes – sont aujourd’hui soumis aux tirs constants d’artillerie et de roquettes des militants néonazis. Ils frappent des hôpitaux et des écoles, organisent des attaques terroristes contre des civils.

C’est cela qui justifie la mobilisation partielle. Les Ukrainiens, auparavant à ramener dans le giron russe, sont mis de côté, désormais il en va uniquement des régions de la Nouvelle Russie.

« Dans cette situation, j’estime nécessaire de prendre la décision suivante – elle est tout à fait adéquate aux menaces auxquelles nous sommes confrontés – à savoir : protéger notre Patrie, sa souveraineté et son intégrité territoriale, assurer la sécurité de notre peuple et des peuples dans les territoires libérés – j’estime nécessaire de soutenir la proposition du ministère de la Défense et de l’état-major général de procéder à une mobilisation partielle dans la Fédération de Russie.

Je le répète, nous parlons spécifiquement de mobilisation partielle, c’est-à-dire que seuls les citoyens qui sont actuellement dans la réserve seront soumis à la conscription, et surtout ceux qui ont servi dans les forces armées, ont certaines spécialités militaires et une expérience pertinente.

Les appelés au service militaire suivront sans faute une formation militaire complémentaire, tenant compte de l’expérience d’une opération militaire spéciale, avant d’être envoyés dans les unités. »

L’économie de guerre est instaurée, de manière relative et non absolue.

« J’ajouterai que le décret sur la mobilisation partielle prévoit également des mesures supplémentaires pour remplir l’ordre de défense de l’État. Les chefs d’entreprises de l’industrie de la défense sont directement chargés de résoudre les problèmes d’augmentation de la production d’armes et d’équipements militaires et de déployer des capacités de production supplémentaires. Inversement, toutes les questions de matériel, de ressources et de soutien financier aux entreprises de défense doivent être résolues immédiatement par le gouvernement. »

Tout cela ne doit toutefois pas faire oublier que l’aspect principal des événements, ce n’est pas la guerre fratricide Russie – Ukraine, mais l’affrontement entre grandes puissances pour le repartage du monde.

Voici ce que dit justement Vladimir Poutine ; on notera de manière significative que ces propos concluent son petit discours !

« Dans sa politique anti-russe agressive, l’Occident a franchi toutes les limites. Nous entendons constamment des menaces contre notre pays, notre peuple. Certains politiciens irresponsables en Occident ne parlent pas seulement de plans visant à organiser la fourniture d’armes offensives à longue portée à l’Ukraine – des systèmes qui permettront des frappes contre la Crimée et d’autres régions de Russie.

De telles frappes terroristes, y compris avec l’utilisation d’armes occidentales, sont déjà menées sur les colonies frontalières des régions de Belgorod et de Koursk. En temps réel, à l’aide de systèmes modernes, avions, navires, satellites, drones stratégiques, l’OTAN effectue des reconnaissances dans tout le sud de la Russie.

A Washington, Londres, Bruxelles, ils poussent directement Kiev à transférer les opérations militaires sur notre territoire. Ne se cachant plus, ils disent que la Russie doit être vaincue par tous les moyens sur le champ de bataille, suivie de la privation de toute souveraineté politique, économique, culturelle, en général, avec le pillage complet de notre pays.

Le chantage nucléaire a également été lancé. Nous parlons non seulement du bombardement de la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, qui est encouragé par l’Occident, qui menace d’une catastrophe nucléaire, mais aussi des déclarations de certains représentants de haut rang des principaux États de l’OTAN sur la possibilité et l’admissibilité de utiliser des armes de destruction massive contre la Russie – des armes nucléaires.

A ceux qui se permettent de faire de telles déclarations sur la Russie, je voudrais rappeler que notre pays dispose également de divers moyens de destruction, et pour certaines composantes plus modernes que ceux des pays de l’OTAN. Et si l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple.

Ce n’est pas du bluff.

Les citoyens de la Russie peuvent être sûrs que l’intégrité territoriale de notre patrie, notre indépendance et notre liberté seront assurées – je le souligne à nouveau – avec tous les moyens dont nous disposons. Et ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que les vents peuvent aussi tourner dans leur direction.

C’est dans notre tradition historique, dans le destin de notre peuple, d’arrêter ceux qui luttent pour la domination du monde, qui menacent du démembrement et de l’asservissement de notre Patrie. Nous le ferons maintenant – et il en sera ainsi.

Je crois en votre soutien.

Les portes des enfers sont ouvertes.

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La Russie ouvre la porte des enfers le 21 septembre 2022

C’est la guerre !

Dans une vidéo enregistrée très attendue, le président russe Vladimir Poutine a annoncé le matin du 21 septembre 2022 qu’il était nécessaire de procéder à une mobilisation partielle. Sont concernés trois types de gens : ceux qui sont dans les réserves de l’armée à court, mais aussi à long terme (il existe en Russie un tel type de contrat, intitulé Boevoy Armeyskiy Rezerv Strany, BARS), ainsi que tous ceux ayant eu une expérience militaire. Les étudiants sont exemptés. Cela fait un total de 300 000 personnes, soit 100 000 de plus que ce que l’armée russe emploie depuis février 2022.

La raison de la mobilisation partielle est double : déjà organiser l’intégration des régions occupées, ce que Vladimir Poutine a présenté ainsi :

«Certaines provinces nous ont sollicité pour mettre en place des référendums. Je vous annonce que nous allons appuyer leurs démarches. Il convient de prendre les décisions suivantes : il est nécessaire de soutenir la décision et la proposition lancée par le ministère de la Défense, de mettre en place une mobilisation partielle. Seuls les citoyens se trouvant sur les listes de réserve seront mobilisés. La date du départ de cette mobilisation est aujourd’hui, le 21 septembre. Les appelés auront les mêmes avantages et privilèges que les militaires contractuels».

Ensuite, assurer l’escalade face aux pays occidentaux qui espèrent démanteler la Fédération de Russie. L’armée ukrainienne est en pratique dirigée par les occidentaux, armée par les occidentaux. La Russie fait une mise à niveau.

« Il est important de déployer des capacités militaires supérieures. L’Occident, dans sa politique agressive, a dépassé toutes les limites. Ils sont capables de frapper la Crimée et d’autres territoires russes. Il y a des bâtiments, des avions de l’OTAN qui sont mobilisés.

Les Occidentaux poussent l’Ukraine à se montrer encore plus agressive à l’égard de la Russie. Ils sont là pour écraser notre pays. Et même un chantage nucléaire est en marche, nous voyons très bien cela. La Russie est également dotée d’un certain nombre d’armes suffisamment lourdes. Si jamais les intérêts de la Russie sont menacés, nous allons utiliser toutes les armes à notre disposition. »

La principale conséquence est que la nation ukrainienne se retrouve dans une position totalement intenable. Historiquement liée à la Russie, cherchant à résister au chauvinisme grand-russe, elle a échoué à formuler autre chose qu’une allégeance ultra-nationaliste anti-Russie soumise à l’OTAN, tout en restant culturellement fondamentalement lié à la Russie. Comment va-t-elle se sortir d’une situation comme on la connaît désormais?

Les médias occidentaux se sont également beaucoup moqué de l’expression utilisée par la Russie pour désigner le conflit avec l’Ukraine : « opération spéciale ». C’était cependant quelque chose qui correspondait concrètement à la ligne russe, puisque le pays n’était pas passé en économie de guerre et que la Russie n’a pas utilisé toutes ses capacités militaires. L’armée russe n’a ainsi pas bombardé les centres de décisions du régime ukrainien à Kiev, elle n’a mobilisé que les soldats engagés et avait donc moins de soldats que l’armée ukrainienne, elle n’a pas employé tout son armement.

L’arrière-plan de cela, c’est le rapport schizophrène entre la Russie et l’Ukraine, entre les Russes et les Ukrainiens. La Russie espérait régler le « problème » ukrainien directement avec les Ukrainiens… à sa propre manière bien entendu. Cela a échoué, car la Russie nie l’Ukraine de manière aberrante et que les Ukrainiens sont majoritairement passés dans le camp du fanatisme anti-russe le plus halluciné. Le 21 septembre 2022, le président russe Vladimir Poutine a donc annoncé le grand changement d’orientation : c’est désormais une guerre, une guerre contre l’occident, pour la survie de la Russie.

Ce qui est vrai, mais ce que Vladimir Poutine ne dit pas, c’est qu’il a lui-même poussé en ce sens, notamment en brûlant les vaisseaux la semaine dernière, car ses décisions obéissent aux intérêts des couches dominantes de la Russie. La Russie obéit désormais entièrement au capitalisme monopoliste directement mêlé à l’État. Le régime russe est désormais de même nature que le régime ukrainien, à ceci près qu’il est indépendant, alors que l’Ukraine est une colonie américaine.

Tout cela confirme entièrement que la question de la guerre pour le repartage du monde est bien l’aspect principal des événements de notre époque.

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Ukraine : un 20 septembre 2022 annonciateur du cauchemar

La guerre va passer un cap, la France se subordonne à la superpuissance américaine.

Le soir du 20 septembre 2022, il était attendu que Vladimir Poutine prenne la parole à la télévision. Les heures précédentes, la tension ne cessait de monter et il semblait évident que la Russie allait annoncer la mobilisation générale, c’est-à-dire le passage à une guerre ouverte, frontale.

La prise de parole du président russe a cependant été repoussée. Ce n’est que reculer pour mieux sauter, car la thèse ici développée d’une Russie ayant brûlé ses vaisseaux la semaine précédente semble s’avérer entièrement juste.

Il a en effet été annoncé, de manière subite, la tenue de référendums pour rejoindre la Russie, dans les régions de Donetsk et de Lougansk, de Kherson et de Zaporijjia, du 23 au 27 septembre 2022. Or, ce que cela implique, c’est que si les référendums amènent ces régions à rejoindre la Russie, elles deviendront une composante légale de la Fédération de Russie du point de vue de celle-ci. La Russie se retrouverait alors de facto en guerre et cela déclencherait la mobilisation générale, l’état d’urgence, la loi martiale.

Tout cela forme un scénario parfait et l’offensive ukrainienne « réussie » par le retrait russe joue ici un rôle adéquat dans ce cadre. De son côté, le régime ukrainien ne le voit pas et d’ailleurs s’en moque ; le discours officiel est que la Russie va être défaite militairement. Des troupes sont amassées en ce moment depuis l’ouest du pays pour chercher à capitaliser l’avancée effectuée ces derniers jours.

Ce qui est aberrant quand on sait qu’une mobilisation peut aller jusqu’à deux millions de personnes, sept en cas de mobilisation absolue. Et sil es commentateurs occidentaux disent que la Russie ne peut pas réussir une telle mobilisation rapidement, cela ne tient pas. Mais si la France l’a réussi en 1914, la Russie le peut en 2022, d’autant plus que le pays est déjà militarisé depuis des décennies, avec l’apprentissage des armes étant assez répandu. De plus, le régime russe jouerait ici son va tout, donc cela va aller dans le sens d’une économie de guerre.

Le 20 septembre 2022, Vladimir Poutine a justement appelé les industries militaires russes à davantage produire. Ce qu’il va annoncer le 21 septembre ira dans le sens d’une escalade, comme annoncé ici ces derniers jours.

Et la France est de la partie. Le 20 septembre 2022, l’ambassadeur français a été convoqué au ministère russe des affaires étrangères, où il s’est fait signifier que l’utilisation des fameux canons CAESAr contre des civils, notamment dans la ville de Donetzk, était une ligne rouge. La Russie a résumé cela dans un communiqué, comme suit :

« L’accent a été mis sur le caractère inacceptable de la poursuite du gavage de l’Ukraine avec des armes occidentales, dont des françaises, que le régime de Kiev utilise pour bombarder des installations civiles et des infrastructures. »

Autrement dit : ces armes seront bientôt considérées comme frappant la Russie elle-même. C’est un avertissement très clair.

Cela n’a pas empêché le président français Emmanuel, le 20 septembre 2022 toujours, de prendre la parole à l’ONU pour appeler à unilatéralement soutenir le régime ukrainien, et à combattre la Russie. Son discours a été entièrement aligné sur les intérêts de la superpuissance américaine.

Cela fait que, sans même attendre le changement officiel d’orientation de la Russie, on a déjà passé un cap historiquement. La France et l’Allemagne ne comptent plus temporiser en rien. Le découpage possible de l’Ukraine publié ici le 26 juin 2022 est caduc. Désormais, il y aura un perdant dans l’affrontement.

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Guerre

Les États-Unis s’engagent à défendre militairement Taïwan

Joe Biden est prêt à faire la guerre à la Chine.

Le 19 septembre 2022, le président américain Joe Biden a franchi une nouvelle ligne rouge. Il a affirmé que les États-Unis défendraient directement l’île de Taïwan en cas d’attaque par la Chine. Pour comprendre, c’est comme si juste avant le conflit ukrainien, les États-Unis avaient dit qu’ils défendraient militairement l’Ukraine en faisant la guerre à la Russie. On comprend tout de suite ce que cela sous-entend militairement, cela ne signifie ni plus ni moins que le fait d’assumer la troisième guerre mondiale.

Pierre après pierre, la superpuissance américaine se défait de tous ses engagements diplomatiques vis-à-vis de la République populaire de Chine et provoque le conflit.

Bien entendu, Joe Biden prétend toujours ne pas faire interférence et ne pas pousser le gouvernement de l’île à déclarer son indépendance. Il assume toutefois l’engagement militaire, ce qui revient de fait au même, faisant ouvertement de l’île de Taïwan ce qu’elle est : un avant-poste américain en Mer de Chine.

Le gouvernement de la République populaire de Chine a immédiatement réagit à cette provocation, dénonçant « une grave violation de l’engagement important des États-Unis à ne pas soutenir l’indépendance de Taïwan . »

Le ministère chinois des Affaires étrangères explique qu’il est envoyé « un mauvais signal « , poussant les séparatistes à l’indépendance. En effet, du côté chinois la pression est également immense.

La République populaire de Chine, en tant que superpuissance challenger de la superpuissance américaine, joue sa place dans le monde et elle considère comme un devoir de conquérir enfin l’île de Taïwan et d’écraser le gouvernement « rebelle » de la République de Chine.

D’ailleurs, la pression militaire chinoise contre l’île est de plus en plus grande, avec récemment tout une série de drones militaires qui sont envoyés, comme partie d’un dispositif militaire très poussé.

En plus des avions de chasse classique, on a donc des drones de haute technologie militaire déployés aux abords de l’île. Ils sont probablement armés, en tous cas c’est ce que considèrent les autorités de l’île. Il y a des Guizhou BZK-007, ayant l’apparence d’un avion de tourisme, des BZK-005, avec une autonomie immense, de 40 heures, des KVD-001, servant de relais de communication pour les hélicoptères d’attaque et des Tengden TB-001, probablement armés.

De plus, mi-septembre, il a été signalé par les autorités de Taïwan la présence du drone de haute altitude et longue endurance WZ-7, qui est conçu par l’armée chinoise pour des missions de reconnaissance et de ciblage pour les missiles

Cela est assumé par la partie chinoise, et il est expliqué dans la presse du régime :

« davantage de drones de l’APL [l’armée chinoise] devraient rejoindre les patrouilles et les exercices de routine autour de l’île de Taïwan dans le but de sauvegarder la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale au milieu des provocations des sécessionnistes taïwanais et des forces d’ingérence extérieure ».

L’agressivité est de part et d’autre, l’emballement militaire est inéluctable dans la région, d’autant plus qu’une loi vient d’être voté par le congrès américain pour une aide militaire directe à Taïwan, en plus d’un plan récent de vente d’un milliard de dollars d’armes.

Et ce n’est là qu’un des fronts mondiaux, car la puissance américaine pousse à la guerre de manière acharnée, comme en Ukraine face à la Russie. De manière très significative, les États-Unis viennent de lever leur embargo sur les armes à destination de la République de Chypre, directement en concurrence avec la Turquie.

C’est un point chaud depuis des décennies : avec cette décision américaine, la situation est directement explosive là encore. Tout se met en place, la bataille pour le repartage du monde est déjà en cours.

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La campagne « Rheinmetall Entwaffnen » en Allemagne

Un pacifisme héritier du mouvement ouvrier.

La déclaration par le chancelier allemand Olaf Scholz issu du SPD le 27 février 2022 de la création d’un fonds spécial pour le réarmement de l’Allemagne d’une hauteur de 100 milliards a fait grand bruit, en Allemagne comme partout en Europe.

Sans surprise, en France, il en est plus ressorti une vieille rancœur germanophobe avec la crainte à peine masquée de voir l’immense complexe militaro-industriel français être concurrencé en Europe.

Or, contrairement à la France où le terrain de la contestation antimilitariste est littéralement absent, il existe en Allemagne une importante tradition pacifiste liée à l’un des plus grands mouvement ouvriers européens qui, rappelons-le, a généré des figures d’importance comme Karl Kautsky, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, Ernst Thälmann, Ulrike Meinhof…

On retrouve une partie de cette tradition dans la campagne ou plutôt l’alliance « Rheinmetall Entwaffnen » (Désarmer Rheinmetall) lancée en 2018, et qui chaque année organise un camp d’été autour de débats, d’activités et se concluant par une manifestation, le tout étant rythmés par des démarches plus activistes.

Rheinmetall ainsi que Heckler & Koch sont à l’Allemagne ce que sont Dassault ou Nexter à la France, soit des rouages névralgiques de l’industrie de guerre. Et si en France il existe l’association « Stop fueling War » (Cesser d’alimenter la guerre) fondée en 2017, « Rheinmetall Entwaffnen » s’en démarque par son militantisme qui se déploie sur le terrain d’une critique du militarisme comme faisant partie du système capitaliste.

Cela fait ici écho à la pensée de Rosa Luxembourg qui pensait dans son ouvrage majeur « l’Accumulation du capital » publié en 1913 que le capitalisme ne pouvait s’élargir sans la conquête militaire de zones non capitalistes, analyse qui fut par ailleurs critiquée par d’autres figures comme Lénine en Russie. On remarquera le clin d’œil fait à cette grande figure du mouvement ouvrier international par la petite gazette française anti-guerre « Rosa », qui porte son prénom.

Pour comprendre la démarche de « Rheinmetall Entwaffnen », voici la conclusion de la présentation du camp d’été baptisé « Désarmer Rheinmetall n’est pas un art », en référence à l’exposition d’art contemporain la Documenta qui avait lieu au même moment à Kassel, une ville moyenne de 200 000 habitants au centre de l’Allemagne où se concentre de nombreuses fabriques d’armement :

En tant qu’internationalistes et antimilitaristes, nous sommes solidaires de ceux qui se rebellent contre les guerres – qui sabotent, désertent, s’évadent. Nous nous battons avec ceux qui refusent d’allégeance à leurs seigneurs de guerre. La solidarité signifie rejeter l’incitation au bellicisme et reconnaître que nos alliés sont au-delà des lignes de front. La limite est toujours entre le haut et le bas.

[…]

Les guerres de ce monde doivent être terminées dès que possible. Nous nous opposons à la militarisation et au réarmement. Il nous faut 100 milliards d’euros pour la santé, l’éducation et la transition écologique au lieu de les fourrer dans le cul de l’industrie de l’armement. Nous voulons sortir du système capitaliste mondial qui apporte avec lui tant de catastrophes, de crises et de guerres.

Pour conclure le camp pacifiste, une manifestation « Contre l’armement et la militarisation » a réuni le samedi 3 septembre environ 1000 personnes dans le centre-ville de Kassel, derrière des slogans comme « Non au programme de réarmement de 100 milliards d’euros », « Plus jamais la guerre ! », ce slogan héritier du pacifisme de la Première Guerre mondiale ou bien encore « Le militarisme n’est pas de la solidarité », en référence aux livraisons d’armes au régime ukrainien et dont on trouve une explication intéressante :


La militarisation a un impact profond sur notre société. Ce faisant, il peut se connecter au patriarcat. Les hommes sont contraints à un rôle « héroïque » de combat sur les lignes de front, les femmes sont reléguées à une position vulnérable et pitoyable. L’État ukrainien en fait une doctrine d’État en refusant de quitter le pays ou en emprisonnant les déserteurs ou les objecteurs de conscience.

La veille, le vendredi 2 septembre, environ 200 personnes s’étaient rassemblées devant l’usine Rheinmetall afin d’en bloquer la production, ce qui a réussi puisque les ouvriers furent renvoyés chez eux, le rassemblement finissant par être délogé de force par la police à coups de gaz lacrymogènes. Un type d’action qui a déjà eu lieu à 2019 à Unterlüß, en Basse-Saxe, où les portes de l’usine Rheinmetall furent bloquées avec du bois et les planches d’une tourelle de chasse d’une forêt voisine !

Lors de ces journées de protestation, plusieurs opérations activistes ont ainsi eu lieu, contribuant à créer un climat d’agitation dans la ville permettant un débat d’idée autour de la question de l’industrie de guerre et le réarmement.

On peut citer des jets de peinture rouge sur le bâtiment d’un sous-traitant industriel de Rheinmetall, des pochoirs « aucun soldat allemand pour la guerre ». Ce sont également des affichettes qui ont été collées sur la plaque commémorative au ton plus que nationaliste du monument aux morts des deux guerres mondiales. Cette affichette présentait la biographie d’Helmut R., « né à Kassel en 1915, déserte la Wehrmacht en 1940 et rejoint un groupe de résistants français. Il a participé à des actions de sabotage contre l’industrie d’armement allemande. Il est arrêté en 1942. Il a été exécuté le 26 mai 1943 ».

On retrouve régulièrement mis en avant ce lien entre l’antifascisme et l’antimilitarisme. En mai 2021, un rassemblement a eu lieu devant la société de logistique DB Schenker à Hanovre du fait de son enrichissement pendant la Seconde Guerre mondiale, et cela jusqu’à aujourd’hui puisque le transport d’armement et la logistique militaire sont d’importantes activités de l’entreprise.

Le 8 octobre 2021, réunies derrière des banderoles portant les morts d’ordre « Bloquer Hecker & Koch, attaquer les profiteurs de guerre », « Bloquer les sociétés d’armement. La guerre commence ici », 200 activistes répondirent à l’appel de l’alliance à bloquer l’usine Hecker & Koch à Oberndorf am Neckar, entreprise spécialisée dans la fabrication d’armes de poing et dont les racines historiques puisent dans le travail forcé pendant le nazisme.

Vu de France, ce pays où la bataille populaire contre le militarisme est au point mort, la campagne Rheinmetall Entwaffnen est une grande bouffée d’oxygène !

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Ursula von der Leyen en première ligne pour la guerre contre la Russie

L’Union européenne est vassale de la superpuissance américaine.

Ursula von der Leyen s’est rendue pour la troisième fois en Ukraine depuis le début du conflit commencée en février 2022 ; cela a aussi été l’occasion d’une interview au tabloid allemand Bild, farouchement pro-guerre contre la Russie.

La présidente de la Commission européenne avait juste avant tenu un discours « sur l’état de l’Union », à l’américaine. Plus précisément, Ursula von der Leyen était le matin à Bruxelles et l’après-midi à Kiev. Tout le discours portait sur l’Ukraine, et sur la défaite russe :

« Il s’agit d’une guerre contre notre sécurité énergétique, contre notre économie, contre nos valeurs et contre notre avenir. Une guerre de l’autocratie contre la démocratie.

Et je me tiens ici, devant vous, animée de la conviction que, grâce à notre courage et à notre solidarité, Poutine échouera et l’Europe vaincra (…).

 Je veux que ce soit clair : les sanctions ne sont pas près d’être levées.

L’heure est à la détermination, pas à l’apaisement.

Il en va de même pour notre soutien financier à l’Ukraine.

À ce jour, l’Équipe Europe a fourni plus de 19 milliards d’euros d’aide financière.

Et c’est sans compter notre appui militaire.

Nous serons là sur le long terme (…).

Je veux donc que les habitants des Balkans occidentaux, de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie le sachent : Vous faites partie de notre famille, votre avenir est au sein de notre Union, et notre Union n’est pas complète sans vous !

Nous avons également compris qu’il fallait tendre la main aux autres pays de l’Europe — au-delà du processus d’adhésion.

C’est pourquoi je soutiens l’appel en faveur d’une Communauté politique européenne — et nous présenterons nos idées au Conseil européen. »

Il s’agit là d’une séquence où l’on est en train de basculer dans la mise en place d’une coalition militaire contre la Russie, avec l’Allemagne en première ligne, où l’Union européenne sert de levier. L’Allemagne a officiellement expliqué par l’intermédiaire de la ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock qu’elle était prête à fournir plus d’armes, mais dans le cadre d’un projet commun.

Le chancelier Olaf Scholz a également réaffirmé, le 16 septembre 2022 devant les dirigeants de l’armée allemande, que l’Allemagne était de retour militairement à court terme :

« En tant que nation la plus peuplée, dotée de la plus grande puissance économique et située au centre du continent, notre armée doit devenir le pilier de la défense conventionnelle en Europe, la force armée la mieux équipée d’Europe. »

Ce que dit Ursula von der Leyen va en ce sens. Aucun retour en arrière n’est possible, Vladimir Poutine doit être jugé, la Russie doit perdre militairement, il faut donner au régime ukrainien ce qu’il demande sur le plan militaire notamment des tanks, il faut financer le régime ukrainien pour lui éviter la faillite (soit cinq milliards d’euros par mois au moins), etc.

Tout cela implique ni plus ni moins que le démantèlement de la Fédération de Russie, ce que prônent déjà ouvertement les pays baltes et la Pologne. Cela veut dire que l’Allemagne va jouer désormais le rôle central unique dans l’Union européenne, en formant rapidement une grande armée, la plus grande d’Europe après la Russie et l’Ukraine. Cela veut dire qu’il y a un bloc soudé germano-américain.

La superpuissance américaine vient par ailleurs d’annoncer de nouvelles aides militaires d’un montant de 600 millions de dollars, portant le total à 15 milliards depuis février 2022. On est là dans une perspective militaire à visée impériale tout à fait claire.

Cela donne beaucoup de sens à l’initiative russe d’une sorte de repli à grande échelle, encore qu’il faille bien voir que cela ne concerne que 1,4% de la superficie de l’Ukraine, un très vaste pays. Vladimir Poutine assume de son côté cette montée en gamme, ayant déclaré lors d’une conférence de presse le 16 septembre 2022 que l’armée russe n’était pas pressée, que seuls les engagés étaient au front par ailleurs pour l’instant.

On est en train de passer un très mauvais cap. Les choses s’accélèrent encore plus qu’on ne pouvait l’imaginer. On ne va pas vers la marche à la guerre, on est déjà en plein dedans. On est littéralement dans un processus où l’affrontement militaire à grande échelle en Europe peut se poser à court/moyen terme. La France, par l’intermédiaire de l’OTAN mais également de orientations de la société française dans son ensemble, va se retrouver impliquée bientôt à un niveau très important.

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La Russie fait tel Cortés

Elle brûle ses vaisseaux.

Cortés est le chef de guerre espagnol qui a dirigé l’affrontement contre les Aztèques. A un moment, ce conquistador a organisé la destruction de ses navires, afin d’empêcher tout retour en arrière de ses troupes, pour les forcer à avancer, coûte que coûte. De là vient l’expression « brûler ses vaisseaux ». C’est exactement ce qu’a fait la Russie début septembre.

L’article La séquence du début septembre 2022 en Ukraine du 10 septembre expliquait qu’il se passait quelque chose, que l’affrontement ne restait pas statique en attendant l’hiver. Et en quelques jours depuis, l’Ukraine a en effet réussi une offensive apparemment victorieuse au point de reprendre quasiment 6 000 kilomètres carrés.

Les médias occidentaux, présentent naturellement cela comme une défaite majeure de l’armée russe, qui serait littéralement en lambeaux et qui connaîtrait rapidement une défaite totale, Vladimir Poutine étant éjecté à terme du pouvoir, etc.

Il y a deux soucis majeurs avec cette interprétation. Le premier, c’est que l’armée russe s’est repliée de manière organisée de la région de Kharkiv. Il y a bien entendu des pertes matérielles inévitables dans ce genre de procédé, mais le repli a été une réussite, tout comme l’avait été le repli de la région de Kiev. Or, un repli militaire réussi est l’une des choses les plus difficiles qui soient. Cela implique une organisation au plus haut niveau.

Il y a donc une part de délibéré dans l’initiative, suivant une décision en amont, alors que cela correspond qui plus est à la stratégie russe de laminer par l’artillerie. L’offensive ukrainienne a coûté très cher en termes humains pour cette raison et l’armée ukrainienne fait face à d’énormes problèmes de logistique pour maintenir les positions conquises. Cela modifie toute la situation puisque cela renverse la situation d’assiégeant – assiégé.

Mais les choses vont bien plus loin. L’offensive ukrainienne non seulement ramène l’actualité de la guerre au Nord, avec la « République populaire » de Louhansk de nouveau menacée, mais menace la région de Kherson au sud. On est dans une situation où la Russie se retrouve comme au pied du mur. Le régime ukrainien annonce qui plus est la défaite prochaine de la Russie, la reprise de la Crimée, etc.

Cette situation sert concrètement la mise en place du capitalisme monopoliste d’État russe. A la mi-août 2022, il était constaté ici que le régime ukrainien était désormais colonial, directement dépendant de la superpuissance américaine. Il y avait un basculement complet. On a désormais le phénomène équivalent pour la Russie.

La situation actuelle – que l’armée russe ne pouvait pas ne pas prévoir, de par la quantité de soldats ukrainiens nécessaires pour l’offensive contrairement à encore quelques jours auparavant avec des mini-offensives fictives – est un prétexte à une immense campagne idéologique en Russie, avec des appels à une mobilisation à grande échelle pour la guerre. Le dirigeant du « Parti communiste de la Fédération de Russie », Guennadi Ziouganov, n’a pas hésité à dire que la situation était celle d’une guerre et qu’il fallait aller bien plus loin.

En ce sens, l’armée russe vient pour la première fois de frapper des infrastructures civiles, en l’occurrence la centrale électrique de Krementchoug dans la région de Poltava, celle de Pavlograd dans la région de Dniepropetrovsk, celles de Kharkiv et Zmiev dans la région de Kharkiv.

On est donc dans une montée en gamme de l’initiative russe. La situation anéantit la définition d’une « opération spéciale » avec une population continuant sa vie à l’écart de celle-ci. Désormais, le conflit est la grande actualité et exige une grande « résolution », sans quoi le régime va vaciller. C’est le grand saut dans l’inconnu, alors que parallèlement l’affrontement Arménie-Azerbaïdjan reprend de plus belle et que la guerre franco-gréco-turque s’annonce.

L’armée russe a ainsi accompagné cette situation, voire y a poussé – difficile d’y voir clair, cela dépend de ses propres capacités. Mais elle a clairement poussé à un changement de la configuration générale du conflit. Les choses vont désormais commencer à très mal tourner, il va y avoir une escalade et davantage d’interventions à tous les niveaux dans le conflit, notamment par la Chine d’un côté et l’OTAN de l’autre.

C’est aussi un pas dramatique vers l’utilisation d’une arme nucléaire tactique – la configuration commence à aller dans le sens de s’y prêter.

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Le premier ministre grec à Paris dit son pays prêt à l’affrontement

On est dans l’escalade, avec la Mer Egée comme thème central.

Le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis était à Paris le 12 septembre 2022, dans le cadre d’une visite au président français Emmanuel Macron. Il a averti la Turquie de la manière suivante :

« Nous sommes prêts à affronter tous ceux qui nous menacent de débarquer dans nos îles, sur notre territoire. »

Emmanuel Macron a quant à lui affirmé que :

« Nous ne laisserons s’installer aucun désordre, en particulier en Méditerranée orientale. »

Voici la déclaration commune qu’ils ont faite à l’occasion de cette visite.

« Le Président de la République Emmanuel Macron s’est entretenu avec le Premier ministre de la République hellénique, Kyriákos Mitsotákis, lors d’un dîner de travail, au Palais de l’Elysée.

Ils ont échangé sur les réponses que l’Union européenne apporte, de manière unie et solidaire, à la guerre en Ukraine et aux défis qui en découlent, notamment en matière de sécurité alimentaire. Sur l’énergie, leur échange portait sur les actions nationales et européennes pour préserver la sécurité d’approvisionnement en Europe et agir sur les prix de l’énergie.

Ils ont aussi échangé sur les profonds liens bilatéraux qui unissent la France et la Grèce, et notamment le partenariat stratégique acté en septembre 2021. »

Le même jour, dans le cadre d’une conférence sur la guerre gréco-turque d’il y a cent ans, le ministre turc des affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a expliqué que :

« Si vous allez à l’aventure pour le compte d’autres, vous vous plierez aux conséquences. Ceci est avertissement (…)

Notre peuple garde aujourd’hui la même foi et le même état d’esprit [qu’il y a cent ans]. Pour cela, chacun doit revenir à la raison. Je le dis tout spécialement à la Grèce.

Ne soyez pas les marionnettes des autres, ne continuez pas les provocations car l’amitié de la Turquie est éternelle, mais son hostilité est extrêmement sérieuse. »

On est ici dans une escalade qui est à portée diplomatique vue de France, mais qui chauffe à blanc les opinions publiques grecques et turques. L’idée d’une guerre est présentée à la fois comme plausible et inévitable, tous les torts étant attribués au concurrent. On est là dans une orchestration, qui n’a même pas besoin d’être consciente : les rivalités prennent le dessus et la guerre s’impose même si les protagonistes s’imaginent qu’ils peuvent la contourner ou l’éviter.

Le 11 septembre 2022, le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis disait d’ailleurs lors d’une conférence de presse qu’il ne croyait pas à un conflit, en raison des capacités militaires grecques :

« Je ne crois pas que cela arrivera un jour. Et si, à Dieu ne plaise, cela se produisait, la Turquie recevrait une réponse absolument dévastatrice. Et je pense qu’ils le savent très bien. La Turquie connaît la compétence des forces (armées) grecques. »

Le même jour, les garde-côtes grecs grecs ont tiré des coups de semonce contre le navire commercial « Anatolian », battant pavillon comorien, considéré comme suspect et dont le capitaine refusait une inspection à bord. C’est un exemple de comment la Mer Egée devient une poudrière.

On est ici dans engrenage caractéristique, le même que juste avant 1914, avec une bataille pour le repartage du monde qui s’impose à tous les niveaux, primant sur tous les aspects. Chaque pays prend une forme sociale pour aller à la collision.

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La séquence du début septembre 2022 en Ukraine

Il ne faut croire aucun compte-rendu !

C’est une chose capitale, qu’il faut absolument comprendre pour saisir la stratégie russe, mais également en partie la stratégie ukrainienne, car la source est la même : la stratégie soviétique. Dans la stratégie soviétique, pris au sens le plus large possible, il y a militairement deux aspects se répondant l’un l’autre.

Le premier, c’est que l’ennemi doit être démoli par une artillerie massive et pour cela il doit idéalement se retrouver dans une poche sans sortie possible.

Le second, c’est que le leurre doit être une mesure systématique, au point que sa mise en place doit être réalisé parallèlement par plusieurs organismes indépendamment les uns des autres afin de faire un maximum d’effet.

Cela veut dire la chose suivante. L’armée ukrainienne revendique que ses petites contre-attaques se sont transformées en contre-offensives en trois points. Il y aurait tout au nord une attaque permettant même de pénétrer ou de prendre la ville de Balaklaïa (25 000 habitants). Un peu plus bas il y aurait pareillement une avancée, et surtout au niveau de Kherson il y aurait une telle avancée qu’une poche russe de 20 000 soldats environ est possiblement encerclée à terme, et coupée de ressources en raison du fleuve sur son flanc Est, le Dniepr.

Il ne faut en fait pas dire « il y aurait », mais « il y a ». Seulement, on ne sait pas en quelle proportion, et surtout cela implique de raisonner ainsi : l’armée russe est débordée, prise de court… ou bien elle laisse faire avec une véritable mise en scène, en laissant même du matériel pour rendre crédible une forme de « débâcle » à petite échelle.

Ce qui rend fort crédible cette hypothèse, c’est que tout d’abord comme dit plus haut telle est la tradition militaire russe du leurre… Qu’ensuite l’armée russe était fortement installée depuis des semaines voire des mois dans la zone, ayant ainsi le temps de tout fortifier… Et que justement comme un assaillant perd bien plus de forces qu’un défenseur, il est bien plus intelligent de laisser une armée ennemie foncer sur des positions fortifiées que de soi-même aller à l’assaut.

C’est d’autant plus vrai que l’armée ukrainienne avait largement fortifié depuis des années ses propres positions. L’armée russe a ainsi tout à gagner à remodeler le conflit.

Ce qui rend vraiment plausible cela qui plus est, c’est que sur les réseaux sociaux russes et pro-russes, la thèse de l’avancée ukrainienne est mise en avant telle quelle, de manière unilatérale. C’est bien trop linéaire par rapport aux discours multiples qu’il y a d’habitude. Il y a quelque chose qui ne va pas.

Un point essentiel également est que l’armée ukrainienne est littéralement sous commandement américain et que le caractère de cette offensive est typique de l’esprit du « blitzkrieg » justement, la forme traditionnelle des armées jouant sur la mécanisation et l’aviation pour passer en force. C’est là aussi un avantage pour l’armée russe.

Le régime ukrainien obéit par ailleurs au besoin de donner une image d’efficacité aux pays occidentaux en termes de résultat, et de se présenter à la population comme à même de défendre le pays. Pour autant, le régime ukrainien impose un black out total sur l’ensemble des opérations.

Il ne faut donc, au sens strict, croire aucun compte-rendu. On est dans une séquence qui ne sera lisible que dans quelques semaines. Et elle sera fortement lisible, parce que dans un sens comme dans un autre, on va aller dans le sens d’une escalade.

La séquence de début septembre 2022 dans le conflit Russie-Ukraine n’est pas lisible, mais elle montre que les choses ne restent nullement statiques en attendant l’hiver. Il va se passer encore beaucoup de choses dans les prochaines semaines et c’est un pas de plus dans le processus d’affrontement généralisé dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde.

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France – Grèce – Turquie : les tambours de guerre frappent toujours plus fort

Un pas de plus vers une guerre inévitable.

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Depuis plusieurs semaines, la Turquie et la Grèce font en sorte que leurs avions débordent sur le territoire de l’autre, comme il en avait été parlé à la mi-août dans les points chauds du moment. La Grèce parle ainsi, pour la partie écoulée de 2022 de déjà 6100 violations de la part de l’aviation militaire turque.

Mais elle est elle-même très provocatrice. Dans les derniers jours d’août 2022, le système grec de défense aérienne S-300 en Crète a verrouillé des F-16 turcs, ce qui équivaut à des « actes hostiles ». Il y a eu également des F-16 turcs, qui accompagnaient deux bombardiers B-52H Stratofortress américains dans le cadre de l’OTAN, qui ont été harcelés par des F-16 grecs.

C’est que la Grèce aimerait gagner du temps. La Turquie considère cependant, dans un contexte où l’inflation est monstrueuse, autour de 80%, que les temps de la confrontation sont venus. Elle entretient pour ce faire de très bonnes relations avec la Russie et elle sait que l’Union européenne est confrontée à une crise énergétique significative. La fenêtre de tir est là et depuis mois, le discours turc est très violent, notamment autour de la question chypriote, ces derniers jours un nouveau pic étant passé.

Au tout début de septembre 2022, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a tenu les propos suivants faisant allusion à la victoire turque sur la Grèce à Izmir exactement cent ans auparavant :

« Si vous allez plus loin, vous paierez un prix élevé, très élevé ! Votre occupation des îles [de la mer Égée] ne nous lie en rien. Le moment venu, nous ferons le nécessaire. Nous pouvons arriver subitement la nuit. Nous n’avons qu’un mot pour la Grèce : n’oublie pas Izmir! « 

Ce « subitement la nuit » correspond à la ligne turque qui est de considérer que la Grèce n’est pas un adversaire sérieux et qu’elle peut être balayée aisément. Le 5 septembre 2022, il a ainsi exprimé son point de vue comme quoi :

« Je voudrais faire le rappel suivant à propos de la Grèce, qui a récemment intensifié son harcèlement et sa grossièreté envers notre pays. La Grèce n’est pas à notre niveau, car elle n’est pas notre égale politiquement, économiquement ou militairement. »

Et le lendemain, lors d’une visite en Bosnie-Herzégovine, une zone où la Turquie a une grande influence, il a repris son thème de « la nuit »:

« Quand nous disons que nous pouvons venir soudainement la nuit, cela signifie que nous pouvons venir soudainement une nuit. Pourquoi ai-je dit ça ? Ils ont ces îles entre leurs mains… et sur ces îles il y a des bases et bien plus encore, et si les menaces illégales continuent, alors la patience aussi prendra fin. Quand vient la fin de la patience, la fin de la patience est le salut. »

Dans ce contexte, la Grèce cherche à jouer la figure de la victime en permanence, afin d’apparaître comme la « victime » lors du conflit prochain. Elle fait en fait comme l’Ukraine vassalisée par la superpuissance américaine : on se doute bien que si l’armée ukrainienne ne s’est pas effondrée depuis six mois, c’est qu’elle était puissante, ce qui souligne comment l’OTAN en a fait un fer de lance depuis 2014.

L’affrontement gréco-turc relève pareillement de contradictions entre puissances, car il n’existe certainement pas un « impérialisme » unifié comme certains veulent le faire croire. Bien au contraire, les dissensions sont inévitables et la guerre est celle pour le repartage du monde.

La Grèce, pour avoir le beau rôle, a ainsi dénoncé, le 7 septembre 2022, les menaces de la Turquie auprès de l’OTAN et des Nations-Unies, ainsi que de l’Union européenne, celle-ci ayant immédiatement officiellement protesté contre la Turquie. Le ministre grec des affaires étrangères, Nikos Dendias, a ouvertement parlé du risque d’une « situation similaire à celle se développant sur une autre partie du continent ».

La France s’est empressée de soutenir son allié, puisqu’il y a des accords militaires secrets franco-grecs. Voici les propos de la ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna avec le quotidien grec Kathimérini. Elle-même a été en Turquie le 5 septembre 2022 et en Grèce le lendemain, dans ce contexte explosif.

« – Pour la France, la Méditerranée orientale est une région importante qui réserve des opportunités d’envergure mais aussi de grands défis, d’un intérêt européen élargi. Quelle est l’amplitude du partenariat stratégique entre la Grèce et la France, en particulier dans le secteur délicat de la défense ?

R – La relation bilatérale entre la Grèce et la France est exceptionnelle, ses racines culturelles et civilisationnelles sont anciennes, elles sont aujourd’hui profondes et solides dans tous les domaines.

Le partenariat stratégique signé par le président de la République, Emmanuel Macron et le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, il y a un an, a permis de l’enrichir.

En matière de défense, ce partenariat instaure une coopération étroite entre nos forces armées qui bénéficiera à nos alliés, et je me réjouis du choix grec d’équipements militaires français, qui promet une interopérabilité accrue pour les années à venir.

C’est une grande satisfaction de constater que, face aux nombreux défis qui sont les nôtres, Paris et Athènes partagent très souvent les mêmes approches et tendent toujours vers plus de solidarité et plus d’unité, au sein de l’Union européenne. J’ai déjà pu en discuter avec Nikos Dendias, à Paris, en juillet dernier, et nous étions convenus de poursuivre nos échanges à Athènes. »

 Voici également les propos militaristes de la Déclaration de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a l’occasion de la visite de son homologue grec à Paris le 29 juillet 2022 :

« Nous avons bien sûr évoqué la situation en Méditerranée orientale. C’est une zone d’attention particulière pour nos deux pays. Et je veux dire même un sujet de préoccupation, au-delà de l’attention. Le ministre m’a fait part de sa grande préoccupation, voire même de son inquiétude je crois pouvoir dire, face aux récentes évolutions dans la région, aux menaces contre la souveraineté de son pays, à certaines déclarations d’un de nos partenaires.

Il s’exprimera sur ce point, mais je tiens à redire ici et devant vous comme la France l’a déjà exprimé à de nombreuses reprises, y compris par la voix du président de la République à la fin du mois de mai, que la France est l’amie et l’alliée de la Grèce.

Et qu’elle est pleinement solidaire, face à toutes les tentatives d’atteinte à la souveraineté de la Grèce, et face à toutes les menaces qui pourraient peser sur sa souveraineté.

Donc nous resterons attentifs à l’évolution de la situation et vous pouvez compter sur nous monsieur le ministre. »

La France, elle, veut la guerre contre la Turquie, plus que la Grèce qui aimerait temporiser. Et la Turquie avance. L’affrontement s’annonce – et il faudra dénoncer de manière principale l’armée française, car tel est le devoir de la Gauche alignée sur ses valeurs historiques.

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Grande manifestation anti-OTAN à Prague

Une premier fait marquant en ce sens.

C’est un phénomène de la plus haute importance qui s’est déroulé le 3 septembre 2022 à Prague, capitale de la République tchèque. Il y a en effet eu une manifestation demandant la démission du gouvernement en raison de la hausse des prix et du soutien à l’OTAN, avec l’affirmation très claire du refus de participer au front soutenant la Russie. Or, le pays est idéologiquement entièrement dans les mains de la superpuissance américaine.

Le Premier ministre Petr Fiala a ainsi expliqué que la manifestation avait été faite à l’appel « des forces qui professent une orientation pro-russe, qui sont proches de positions extrêmes et qui sont contre les intérêts de la République tchèque ».

Une telle manifestation, avec au moins 70 000 personnes (selon les autorités), est donc une première réelle rupture dans ce pays, et au-delà dans tous les pays d’Europe qui sont entièrement alignés sur la superpuissance américaine et l’OTAN.

Une telle manifestation peut très bien avoir lieu demain à Vienne en Autriche ou Rome en Italie, pour prendre deux pays où la contestation est très vive, mais également à Berlin en Allemagne ou même Paris. C’est cela tendance du moment… pour le meilleur et pour le pire. Car les choses peuvent pencher à droite comme à gauche.

A Prague, les deux mouvements majeurs ayant porté le mouvement, dans une grande concurrence bien entendu, sont ainsi Trikolora et le KSCM. Trikolora, avec à sa tête une femme, Majerová Zahradníková, est à peu près l’équivalent du Rassemblement national de Marine Le Pen. Le KSCM est le Parti communiste de Bohême et Moravie. Il faut savoir que, historiquement, la Tchécoslovaquie est le pays où le Parti Communiste avait proportionnellement le plus d’adhérents, dans le seul pays d’Europe centrale à avoir d’ailleurs réellement développé le capitalisme au début du 20e siècle.

On a donc une véritable polarisation ou un début de polarisation, mais sans que l’alternative à gauche n’apparaisse comme différente, supérieure à celle de l’extrême-Droite, les gens ayant une conscience sociale trop arriérée pour être au niveau. Il ne faut pas se leurrer : dans la situation actuelle, la Gauche tchèque anti-OTAN va se faire manger toute crue par l’extrême-Droite.

Si l’on veut ici parler de la France, il y a également une nuance importante. La manifestation à Prague était également anti-Union européenne, ce qui en France n’est pas possible : tous les partis parlementaires acceptent l’Union européenne, parce que la bourgeoisie française y joue un rôle majeur. Les mouvements extra-parlementaires sont quant à eux totalement impuissants.

Le modèle praguois n’est donc pas reproductible, alors que de plus les Tchèques sont également des Slaves proches des Russes historiquement, que la dépendance énergétique tchèque vis-à-vis de la Russie est très marquée. Néanmoins, cela montre qu’il se passe quelque chose, le fait même que cette manifestation a lieu dans un pays aligné totalement sur la superpuissance américaine montre qu’une cassure est possible.

Il faut étudier ce processus, qui peut très bien prendre la forme d’une rupture rampante dans la société – en prenant bien en compte que le grand risque, c’est la mise d’une opposition fictive « élites » – peuple qui ne peut que servir le fascisme. La France insoumise est ici, rappelons le, un tremplin pour la montée du fascisme dans notre pays. Ce dont on a besoin, c’est de la Gauche historique, pas du populisme, ni des gilets jaunes, etc.

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12 miles nautiques avant la 3e guerre mondiale

Le seuil de déclenchement de la guerre entre la Chine et Taïwan est fixé.

En réponse à la visite début août de Nancy Pelosi sur l’île de Taïwan, la République populaire de Chine considère devoir agir en représailles. Elle accentue la pression avec une salve d’incursions militaires aériennes et maritimes à proximité de l’île.

Depuis début août, l’armée chinoise a pénétré au moins 446 fois dans la zone d’identification de défense aérienne de l’île de Taïwan avec des chasseurs J-16 et des bombardiers tactiques JH-7. C’est près de la moitié du nombre total d’incursions en 2021 qui étaient de 969 (il n’y en avait eu « que » 380 en 2020).

Cela n’a rien d’illégal au sens strict, car on ne parle pas de l’espace aérien d’un pays au sens où celui-ci aurait le droit voire même le devoir d’abattre directement les aéronefs et navires concernés. Il s’agit plutôt d’une zone définie par les autorités de Taïwan comme consistant en la dernière limite à ne pas franchir ; chaque avion en provenance du continent chinois dans cette zone est censé devoir être identifié et ciblé par les différents moyens de défense.

La même chose se produit en mer avec pareillement plusieurs bâtiments militaires (au moins 7) s’approchant de l’île et activant les systèmes et procédures de défense. Ce faisant, la Chine procède en un harcèlement assumé, pour user moralement et matériellement les défenses de l’île rebelle inféodée à la superpuissance américaine.

Les autorités taïwanaises sont alors acculées. Soit elles cèdent, et c’est le début de la fin pour elles. Soit elles répondent graduellement, et c’est l’escalade, et donc le début de la fin quand même… Pour l’instant, début septembre 2022, les autorités taïwanaises prétendent encore à la mesure et au contrôle de la situation. La « présidente » Tsai Ing-wen appelle au calme prétendant ne pas vouloir « provoquer une guerre  » :

« Je veux dire à chacun que plus l’ennemi provoque, plus nous devons être calmes. »

Elle ajoute pourtant :

« j’ai demandé au ministère de la Défense de prendre de fermes contre-mesures au moment approprié pour défendre la sécurité de l’espace aérien ».

Et donc le chef adjoint de l’état-major général taïwanais pour les opérations et la planification a expliqué que plus les incursions seront proches, plus il y aura de contre-mesures fortes.

Concrètement la limite des 12 milles nautiques a été fixé, définissant de fait le point de non retour vers la guerre.

« Pour les avions et navires chinois qui entrent dans nos eaux territoriales et notre espace aérien à moins de 12 milles de l’île, l’armée nationale exercera le droit de légitime défense et de contre-attaque sans exception « .

La République populaire de Chine est très proche de cette limite, mais elle ne l’a jamais franchie, sauf avec des drones dont un a été abattu le 1er septembre. Elle explique toutefois qu’elle n’en a rien à faire et ne reconnaît aucune légitimité à cette limite.

Le porte-parole de la diplomatie chinoise Zhao Lijian répond de but en blanc :

« Taïwan est une province de la Chine et elle n’a pas de ‘ministère de la Défense’. Les actions des autorités taïwanaises pour aggraver les tensions ne veulent rien dire ».

Au contraire, cela veux tout dire. Les choses sont maintenant posées et définies. Si elle veut la guerre, la République populaire de Chine n’a plus qu’une chose à faire, c’est s’approcher à moins de 12 miles de l’île et provoquer le tir de défense attendu qui déclencherait la guerre.

Un mile, c’est 1,852 km. 12 miles, c’est 22,224 kilomètres. Début septembre 2022, à peine 23 km d’océan nous séparent d’une étincelle déclenchant la 3e guerre mondiale qui a, de toute façon, déjà commencé concrètement avec la guerre Ukraine – Russie, qui a l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger chinois comme arrière-plan.