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Le débat « gauches : « maintenant, parlez-vous ! sur Médiapart live

Le site Médiapart organisait hier soir un débat entre différentes forces liées à la Gauche suite aux élections européennes. La première moitié de l’émission était consacrée à la question de l’unité politique à Gauche et sa reconstruction ; en voici un long résumé, dans le but d’aider à analyser les choses.

Étaient invités Manon Aubry pour la France insoumise, Guillaume Balas pour Génération-s, Ian Brossat pour le PCF, David Cormand pour Europe écologie-Les verts et Raphaël Glucksmann pour Place publique (et indirectement, le Parti socialiste). Il y a eu environs un millier de personnes (Facebook + Youtube) suivant le débat en direct, qui est maintenant disponible ici.

Pour Manon Aubry, les débats sur la Gauche seraient trop « théoriques » et ne concernent pas les gens, ni elle-même, quoi qu’elle s’est contre-dite plus tard en expliquant qu’elle se sentait de gauche et que c’est important pour elle.

À l’inverse, David Cormand a tout de suite assumé la nécessité d’analyser les choses et de se poser la question du rassemblement des forces issues de la Gauche. Il pense cependant, lui aussi, que la Gauche est dépassée et qu’il faut redéfinir les choses. Le clivage se fait selon lui sur la question de l’écologie, parce qu’il ne faudrait plus des « imaginaires politiques héritiers du 20e siècle » mais un nouveau champ de bataille.

Pour les trois autres, Raphaël Glucksmann, Ian Brossat et Guillaume Balas, il faut au contraire assumer le terme de « Gauche » et aller à l’unité, contre le libéralisme et l’extrême-droite.

Il y a par contre une différence entre Raphaël Glucksmann qui considère que la Gauche a un vivier en France, qu’il faut ranimer, et Ian Brossat qui pense qu’il y a un risque imminent de disparition de la Gauche. Guillaume Balas dit pour sa part que la question est plus large que celle de la Gauche elle-même, avec un risque de disparition non pas simplement de la Gauche, mais de l’esprit même des Lumières et de la « société démocratique ».

Beaucoup de temps a été passé à reprocher à Jean-Luc Mélenchon d’avoir rejeté la Gauche après le premier tour à l’élection présidentielle de 2017. Le thème de l’hégémonie d’une force politique sur les autres a alors été longuement abordé.

Il a été introduit par David Cormand qui explique que Jean-Luc Mélenchon a voulu être hégémonique en exhortant les autres forces à le rejoindre unilatéralement, alors que ce n’est jamais ce qu’a fait le Parti socialiste historiquement. Il a fait la différence entre l’hégémonie politique et le leadership politique, qui sert à inculquer une dynamique de rassemblement sans écraser les autres forces.

C’est précisément ce qu’il propose de faire avec les Verts, avec une nouvelle organisation qui devrait être proposée bientôt. Il se tourne pour cela vers la Gauche, tout en expliquant qu’il ne suffit pas d’être la Gauche « amendée de l’écologie ».

C’est au contraire ce que dit Raphaël Glucksmann, qui pense justement qu’il faut réécrire le clivage Gauche / Droite par le prisme de l’écologie, mais en assumant ce clivage, cela d’autant plus que la Droite assume d’être de droite.

Guillaume Balas semblait plutôt d’accord avec David Cormand et cette idée qu’EELV avait en ce moment « la main » pour non-pas être hégémonique mais insuffler un leadership autour d’une nouvelle définition des choses, unitaire, autour de l’écologie.

Sur la question de l’unité elle-même entre les différentes forces liées à la Gauche, tous n’étaient pas d’accord. Si Raphaël Glucksmann semble être le plus « pragmatique » et a un discours tendant à dire qu’il faudrait rassembler depuis les Verts jusqu’à la France insoumise, tant Manon Aubry que les trois autres semblaient d’accord pour dire que ce n’est pas vraiment possible.

Ian Brossat reproche une certaine trahison de la part de Jean-Luc Mélenchon, Guillaume Balas a dit en quelque sorte qu’il avait très peu de points commun avec la France insoumise et David Cormand a expliqué dans le détail en quoi il pensait que Jean-Luc Mélenchon représentait un populisme.

Sur le plan idéologique, il a expliqué que pour lui ce populisme revient à céder à l’urgence en simplifiant les débats et que les raccourcis ne mènent jamais à rien de bon. Il faut au contraire assumer une sorte de romantisme politique, autrement dit de grandes idées, en remobilisant par l’imaginaire, en l’occurrence via l’écologie.

Sur le plan plus politique, et donc la question précise de l’unité, il a pointé du doigt le risque lié au fait que les stratégies hégémoniques fonctionnent dans un premier temps et permettent un gros score. Seulement, cela n’est pas suffisant pour prendre le pouvoir d’État et Guillaume Balas a rappelé que seul ce pouvoir est à même de changer les choses. Il sont d’accord tous les deux pour dire qu’il faut pour cela nécessairement des alliances.

David Cormand est très lucide sur la portée relative du « gros » score de Yannick Jadot et sur le fait que cela a été permis avec le même genre de stratégie « hégémonique » et presque populiste, rejetant la Gauche et la Droite, alors qu’il faudra pour prendre le pouvoir, faire des alliances et éviter le populisme.

Tant Ian Brossat que Guillaume Balas et Raphaël Glucksmann semblaient d’accord sur ces points, contrairement à Manon Aubry. Selon elle, la France insoumise serait déjà une stratégie d’alliance en elle-même, qu’il faudrait rejoindre et ne pas faire de politique « politicienne » entre les « appareils ».

Selon elle, quoi qu’on veuille, l’électorat est dépolitisé et il faudrait alors se faire une raison en assumant un discours dépolitisé – le populisme donc. Elle a également justifié son rejet des alliances par le fait que François Hollande avait trahi, et qu’il était impossible de se lier au Parti socialiste.

Raphaël Glucksmann a expliqué que ce n’était pas la question, et que d’ailleurs tous étaient d’accord pour dire que François Hollande avait en quelque sorte trahi la Gauche : il faudrait justement s’allier pour éviter cela, mais sur des bases claires et solides. Ils pointent tous les cinq du doigt le régime antidémocratique de la Ve République qui permet ce genre de revirement.

Raphaël Glucksmann pense également que la faiblesse de toutes les organisations est en fait une sorte de chance, qui permettrait de se mettre d’accord humblement pour aller à l’unité. Guillaume Balas a expliqué pour sa part que, s’il faut assumer les divergences, celles-ci sont relativement minimes et sans commune mesure avec les divergences qu’avaient le PCF et le PS à l’époque du programme commun.

On finira pour conclure sur ce qui n’a pas été dit : si tout le monde était d’accord, sauf Manon Aubry, sur la nécessité des alliances pour la Gauche, personne n’a parlé de la base, des bases militantes et culturelles de la Gauche, qui devraient selon nous être au cœur de la reconstruction de la Gauche.

Aucune de ces cinq personnes n’a assumé par contre la notion de Socialisme, ni même la lutte des classes ou la centralité de la classe ouvrière, pourtant essentielles dans la définition de la Gauche historiquement. Tous ces gens relèvent d’une manière ou d’une autre du post-modernisme et d’une Gauche post-industrielle, voir d’une post-Gauche dans les cas de Manon Aubry et de David Cormand. Si le libéralisme est rejeté économiquement par tous, il est assumé par tous sur le plan des valeurs et les questions sociétales, avec le thème de la défense de l’immigration comme totem commun, qui a fait l’objet d’une longue discussion par la suite.

Seul Raphaël Glucksmann a fait un rappel historique en disant que la Gauche, d’abord issue du républicanisme contre la monarchie, puis des radicaux contre les réactionnaires, a un héritage lié au Socialisme par l’apport de Karl Marx, mais sans assumer lui-même cet héritage lié au marxisme.

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Le compte-rendu d’une assemblée de la section PCF Paris 18e

La section PCF du 18e arrondissement de Paris organisait une assemblée générale faisant office de debriefing de la dernière campagne européenne et de questionnements pour la suite. Un compte rendu très intéressant a été fait, que nous reproduisons ci-dessous car c’est un travail collectif de qualité.

C’est tout à fait le genre de démarche démocratique qui permet d’aller de l’avant dans la reconstruction de la Gauche : partir de la base en se posant sur le terrains des idées plutôt que de simples discutions entre appareils pour des accords électoraux.

Les problématiques évoquées lors de cette assemblée sont typiques de celles des militants de gauche un peu partout en France. Il y a le constat d’une situation assez catastrophique pour la Gauche, avec une population française largement dépolitisée. Les préoccupations sont l’écologie, l’extrême-droite, la définition de la Gauche, le capitalisme et les classes populaires.

 

« La dépolitisation est immense ! »

Une semaine après l’élection européenne, les communistes du 18e arrondissement de Paris débriefent à chaud. 35 présents, l’ambiance est studieuse. Dans une courte introduction, Alain Wlos, le secrétaire de la section, pointe une abstention en baisse, même si logiquement elle se concentre dans les quartiers les plus populaires quand on fait le détail par bureau de vote. Un fait marquant : celui d’une défaite idéologique de la gauche. Pour Alain, le bilan de la campagne du PCF est décevante. Pas d’élus et pas de remboursement. Mais il note un état d’esprit positif, la très bonne conduite de notre tête de liste, Ian Brossat, relevée par tous les observateurs.

« Nous avons franchi une étape qualitative dans la communication numérique comme dans des tâches militantes plus traditionnelles tel le porte-à-porte. Mais nous n’avons pas été identifiés comme une force capable de porter la transformation qu’attend la population. »

Le débat s’engage sur une interpellation venue de la salle : « C’est quoi la gauche ? » « EELV n’est pas de gauche, car elle ne s’en réclame pas », observe Françoise. « Il y a une confusion qui est entretenue. Si on ne met pas en numéro un la question de la planète, on ne sera pas entendus. Il faut dire que si on ne sort pas du capitalisme, on est foutus ! On est trop timides sur cette question. »

« Il faut réarmer idéologiquement la gauche pour convaincre, trier les bouteilles ne suffira pas », interpelle Philippe. Lounis, lui, est plus circonspect. « Il y a la question du climat, du coût de l’énergie, de la transposition de la directive européenne. Sur toutes ces questions, nous avons un programme mais le combat est très difficile. Le vote s’est cristallisé dans la dernière semaine où nous avons été écartés des médias comme par exemple lors de l’émission de France 2. »

Pour Gérald, « c’est un résultat qui doit nous interroger avec beaucoup d’humilité. Nous avons affaire à un résultat plein de contradictions. Si notre score s’est maintenu par rapport aux législatives de 2017, nous avons tous observé dans la campagne l’arrivée de nouveaux électeurs communistes. Ça veut dire qu’on en a perdu d’un autre côté. » Et il pointe la question du « mouvement des gilets jaunes où notre carton rouge à Macron n’a pas eu l’effet escompté ».

« Il y a un effet de mode sur la question écologique, il ne faut pas être naïfs », doute Nina. Pour qui « l’élection européenne est un terrain naturel pour Europe écologie ». « Notre priorité c’est ceux qui ne votent pas », défend-elle.

Dominique témoigne d’un « électorat qui ne comprend pas nos divisions à gauche. On est bien accueillis à la Goutte d’or, vus comme proche des gens, anticapitalistes, mais nous manquons de crédibilité ». « La question écologique monte. On a raté quelque chose avec le mouvement des gilets jaunes, qui témoigne d’une fracture sociale, de classe, comme d’ailleurs le mouvement syndical. Ça dit quelque chose de notre rapport à la société. »

Catherine nuance : « On est partis d’un rejet des partis politiques aux manifestations de gilets jaunes à un début d’acceptation. Le vote d’extrême droite est devenu le vote crédible anti-Macron. il faut aller plus dans les quartiers. » Et non pas, comme le dit Dominique, « seulement pendant les élections ».

Catherine est perplexe : « On a vu des gens qui se sont décidés au dernier moment, alors qu’on les avait convaincus en porte-en-porte mais qui ont finalement choisi un autre bulletin. »

Pour Jean, « malgré notre excellent candidat, c’était une campagne très difficile qui portera ses fruits. Beaucoup de gens à gauche ne veulent pas des communistes, c’est ainsi. Pour eux, nous ne sommes pas crédibles. Pour eux, c’est impossible de changer les choses. Il faudra beaucoup de discussions pour faire reculer cette pression idéologique. Les mensonges anticommunistes ont fini par porter. »

Jean-Pierre observe que « même ceux qui n’ont pas voté pour Ian ont apprécié sa campagne. On a une faiblesse sur ce qui s’est passé dans les pays de l’Est et le bilan de cette période n’a toujours pas été tiré. Notre faiblesse sur les lieux de travail demeurent. On existe dans les quartiers mais pas suffisamment. »

« La dépolitisation est immense !, dit Marie-France, il y a besoin de se poser, de faire le bilan de notre activité, sur notre rayonnement. On a un atout, notre candidat. Il ne faut pas se replier. »

Pour Pierre, « le PCF ne doit pas céder aux sirènes du capitalisme vert ». Matthieu relativise : « On a marqué des points, tout s’est joué dans les derniers jours. On ne peut pas se limiter à faire l’écho de la “colère populaire” comme l’a fait la France Insoumise. »

Malgré les résultats, et en forme de clin d’œil, nombre de présents ont invité à la défense de leur journal l’Humanité, et insisté sur les abonnements et le paiement des vignettes de la Fête. Incorrigibles communistes !

Gérald Briant

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La vague nationaliste en Europe

Si l’on regarde les résultats de ces élections européennes dans leur globalité, le constat est flagrant : les nationalistes réalisent un percée générale sur le continent. Les députés d’extrême-droite seraient 115 au Parlement européen, soit trois fois plus que pour la dernière mandature.

Les commentaires sont nombreux sur les résultats des élections européennes. Parmi les plus courants, il y a celui comme quoi la vague d’extrême-droite aurait, finalement, été moins forte que prévue. Sur 28 pays qui se rendaient aux urnes, ce ne sont « que » six d’entre eux qui placent une formation nationaliste en tête, dont la France.

La vague semble ainsi stoppée et la poussée écologiste forme un écran de fumée sur une réalité bien plus grave. En effet, il y a une tendance de fond qui devrait être analysée comme le fait principal pour la Gauche.

En Finlande par exemple, il est parlé de la percée des écologistes. Il est vrai que les Verts passent de 14 % en 2014 à 16 % en 2019. Mais, avec comme ailleurs un regain de participation (43 %), le fait que le parti des « vrais Finlandais » ait obtenu 14 % (contre 12 % en 2014) a de quoi alerter. Les « Vrais finlandais » avaient déjà réussi à obtenir 39 députés au parlement lors des élections législatives d’avril.

La situation est bien plus avancée dans de nombreux autres pays, avec une extrême-droite ayant acquis une position hégémonique.

En Grande-Bretagne, l’option nationaliste s’est concentrée sur le Brexit et portait carrément le nom de Brexit Party. Cette liste a recueilli 31,6 % des suffrages contre 14 % pour les travaillistes sur fond d’abstention élevée (63 %). C’est un coup de vis donné aux intérêts nationalistes et aux élans guerriers.

Paralysée, la société civile anglaise se réfugie dans une abstention stérile alors qu’à la fin mars, ce n’était pas moins d’un million de personnes qui défilaient à Londres pour exiger un nouveau référendum sur le Brexit. Malgré une protestation écologique naissante avec le médiatique mouvement « Extinction Rebellion », les verts anglais ne réunissent que 11 % des voix, ce qui est plus faible qu’en France.

Avec ce nouveau score très favorable pour le Brexit, il y a là un aiguisement des rapports de forces avec une probable sortie sans accords de l’Union Européenne. Cela ne peut que renforcer la tension internationale générale, et il faut penser ici en particulier à la situation de Gribaltar, l’enclave britannique qualifiée de colonie par l’Espagne et depuis récemment par le Parlement européen.

De la même manière en Italie, la Liga obtient 33 % alors qu’elle en rassemblait seulement 6 % en 2014… Son allié populiste, le « Mouvement 5 étoiles », ne recueille que 17 % des suffrages et la véritable Gauche se retrouve loin derrière, écrasée et broyée. La coalition de gauche Coal La Sinistra n’atteint que 1,74 % et le reste de la Gauche italienne s’est faite torpillée par les libéraux-centriste du Partito Democratico, qui siège avec les socialistes européens.

C’est comme si tout était a refaire, car finalement les leçons du passé n’ont pas été comprises. Pourtant, s’il y a une leçon à retenir de la tradition antifasciste, c’est bien que l’arrivée d’une force nationaliste au pouvoir n’est pas l’expression passagère d’une « crise ». Elle est surtout, et essentiellement, une expression profonde de l’état dysfonctionnel du capitalisme en route vers le repli chauvin à l’intérieur et la guerre ouverte à l’extérieure pour se relancer. C’est pour cela qu’il trouve un appui solide dans la société et pas simplement dans l’« élite ».

Le cas de la victoire triomphante de la Liga aux élections européennes de 2019 en Italie en est une nouvelle illustration, et cela ne présage vraiment rien de bon…

Et que dire de la situation polonaise où le parti « Droit & Justice », ultra-conservateurs et complaisants avec les forces néonazies, a obtenu 45, 4 % des suffrages ? Pourtant dans ce pays, une très large alliance entre libéraux, conservateurs, verts, et sociaux-démocrates s’était bâtie pour empêcher son triomphe. Ce fut peine perdue puisque cette coalition obtient seulement 38,5 % des voix, alors même que l’augmentation de la participation des polonais a été spectaculaire (45,7 % contre 23, 8 % en 2014…) En Hongrie, le parti réactionnaire du premier ministre Victor Orban a obtenu 52 % des voix (51 % en 2014), avec 35 points d’avance sur le parti libéral en seconde position. Le Parti socialiste hongrois, allié aux Verts, n’obtient que 6,66 % des suffrages.

En Autriche, la Droite, qui avait placé depuis décembre 2017 un ministre d’extrême-droite au ministère de l’intérieur (tout récemment démis de ses fonctions), arrive largement en tête avec 10 points de plus que le SPÖ qui obtient 23,40 % des voix. Le FPÖ, l’extrême-droite, qui s’émancipe de plus en plus de la Droite, est en faction juste derrière avec un score important de 17,20 %.

C’est la déroute en Grèce pour la coalition de gauche « radicale » SIRIZA d’Alexis Tsipras qui a fait campagne « contre l’extrême droite » et « pour un front progressiste ». La Droite, qui a mobilisé de manière nationaliste en s’opposant à l’accord de reconnaissance de la Macédoine du Nord, arrive en tête des élections européennes avec 10 points d’écart et fait aussi un carton aux élections municipales et régionales qui avaient lieu en même temps.

Il faut parler de la Belgique également où c’est la division avec d’un côté l’extrême-droite qui fait un carton en Flandre et de l’autre la Gauche qui se maintient en Wallonie et arrive en tête du scrutin du collège francophone (avec 26,69 % pour le Parti socialiste et 14,59 % pour le Parti du travail de Belgique).

On est donc bien loin d’un essoufflement des nationalistes. Cela d’autant plus que dans les pays où cette force dirige ou domine la vie politique, elle est écrase les autres forces à plate couture.

Comment pourrait-il en être autrement ? C’est la tendance à la guerre qui s’exprime, et s’est une fois de plus renforcée ce dimanche 26 mai en Europe. La Gauche va devoir se ressaisir en assumant le Socialisme et une identité antifasciste, anti-guerre, à la hauteur de l’époque.

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La Gauche et les européennes de 2019 : les déclarations critiques

La Gauche a réagi très différemment aux résultats des élections européennes de 2019. On peut distinguer deux tendances : il y a ceux pour qui la situation est catastrophique et pour qui un travail de fond est à mener d’urgence. Il y a ceux pour qui au contraire la situation est porteuse d’une situation de rupture. Voici la position des premiers.

Le PCF s’est exprimé par l’intermédiaire de Ian Brossat et de Fabien Roussel. Une partie de la déclaration s’adresse aux membres du PCF, appelant à ce qu’ils ne se démobilisent pas. Une autre partie s’adresse à la Gauche en général et tient somme toute le même discours qu’on peut lire sur Agauche.org : l’extrême-droite en tête c’est une catastrophe, la Gauche est à reconstruire entièrement.

Première leçon. L’extrême-droite arrive en tête de ce scrutin. Rappelons-nous, il y a encore 10 ans, la liste du Front National ne dépassait pas les 6% (…).

Deuxième leçon. La gauche a également sa part de responsabilités. Je prends ma part de responsabilité, il ne s’agit pas de se dédouaner. Ce soir, la gauche est affaiblie, tout est à reconstruire.

J’ai l’intime conviction que l’avenir passe par l’humilité, le travail collectif, le respect mutuel, le refus de la tentation hégémonique. Ecoutons-nous, respectons-nous, travaillons ensemble.

Cette gauche, cette gauche que nous devons reconstruire, que nous allons reconstruire, doit placer au coeur de son projet la justice sociale et l’urgence écologique.

Et soyons clairs: cette reconquête des coeurs et des esprits ne sera possible que dans la rupture avec le libéralisme.

Génération-s a le même positionnement : l’extrême-droite est en première place, la Gauche à reconstruire, cela va être un travail de longue haleine.

Nous n’avons jamais ignoré que notre combat prendrait du temps, exigerait de la constance dans les idées et beaucoup de travail sur le terrain. Nous poursuivrons cet engagement, au service de notre projet d’une société du partage, de la reconstruction et de l’unité de la gauche et des écologistes que le résultat de ce scrutin appelle intensément.

Le NPA tient un discours similaire. L’extrême-droite a un succès qui sonne comme un avertissement, il faut se retrousser les manches.

Plus que jamais, l’heure est à la construction des résistances, à travailler à leur convergence. Les votes ne nous protègent pas des injustices sociales, de la casse des services publics, du racisme et de la xénophobie, du réchauffement climatique, nous en avons encore la preuve ce soir.

Sur les lieux de travail et d’étude, sur les ronds-points, nous devons nous organiser, débattre de comment, ensemble, notre camp social peut reprendre la main et remporter des victoires sur nos revendications. Les résultats de ce soir, s’ils sonnent comme un avertissement, ne font pas disparaître les luttes de ces derniers mois qui doivent continuer.

Ces derniers mots sont une allusion aux gilets jaunes, considérés comme grosso modo quelque chose plus positif qu’autre chose. Ce n’est pas le cas du PCF (mlm), qui voit en eux l’expression d’un apolitisme généralisé, voyant en l’extrême-droite l’affirmation justement du rejet total de la politique.

Pour la grande masse des gens, la vie consiste uniquement à sa propre vie, entre famille et emploi, consommation de divertissement et vacances, avec l’écran de télévision, d’ordinateur ou de smartphone comme nœud central permettant de disposer d’une liaison censée être objective avec la réalité (…).

La passivité politique est la règle, et cela jusqu’à l’apolitisme. L’abstentionnisme n’est même plus un mépris, c’est simplement un dédain, et ceux qui se mobilisent consistent surtout en ceux qui justement affirment l’amertume de ne pouvoir satisfaire leur parfaite intégration dans la consommation et le style de vie capitaliste. Les gilets jaunes sont représentatifs de cette partie de la petite-bourgeoisie qui compte bien perpétuer son existence sociale (…).

Les élections européennes de 2019 sont un autre exemple de victoire du dédain et du populisme, avec la grande abstention, le succès de l’extrême-droite, l’apathie générale à ce sujet (…).

Le capitalisme est ébranlé et en même temps se renforce comme jamais en profitant de ses gigantesques vagues successives d’accumulation de capital et de marchandises. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une contradiction et cela est propre au développement non harmonieux du capitalisme lui-même.

Cela en est au point où la notion même de société se voit étouffée. Apolitisme et populisme sont, dans les faits, indissociablement liés. Ils sont le produit du 24 heures sur 24 de la vie sous le capitalisme, tout comme de l’effondrement du niveau culturel de la bourgeoisie, qui elle-même se confond toujours plus avec les possibilités de valoriser le capital.

La position du Parti Révolutionnaire Communistes n’est pas très claire. Il s’est présenté aux élections, sans aucun résultat patent. Cependant, il voit cela comme une avancée dans un contexte interprété comme mauvais.

Le Parti Révolutionnaire Communistes remercie les électrices et électeurs qui ont voté pour la seule liste ouvrant une perspective claire : abolir le capital, l’empêcher de nuire, lui enlever tout pouvoir économique et politique pour confier au peuple la gestion de la société pour le progrès social et humain.

Malgré tous les obstacles rencontrés, liés en premier lieu au financement de la campagne électorale, l’impossibilité d’imprimer les bulletins de vote et les circulaires, les directives de quelques préfectures demandant à retirer les bulletins remis aux maires des communes, malgré l’obstruction des médias, des bulletins du Parti Révolutionnaire Communistes ont été utilisés dans plus de 60 départements confirmant ainsi notre ancrage national (…).

La « gauche » et ses nombreuses ramifications sont en échec total, la recomposition politique se poursuit visant à centrer le combat pour le pouvoir politique entre l’équipe dirigeante et l’extrême droite, phénomène déjà observé dans d’autres pays d’Europe.

Cette recomposition politique vise à marginaliser les partis traditionnels, on voit à quel point l’action des « gilets jaunes » a été utilisée pour servir les objectifs politiques des serviteurs du capital (…).

Il n’y a que les luttes pour freiner et stopper le capital, c’est le seul outil dont disposent les travailleurs pour y parvenir. L’amplification, la convergence des luttes qui n’ont pas cessé doit devenir l’objectif urgent et essentiel de la classe ouvrière pour satisfaire les revendications, augmenter les salaires, les pensions et allocations sociales… (…) Il n’y a pas de temps à perdre.

Enfin, le ton est relativement similaire à la France Insoumise (qui n’est habituellement pas considéré comme de gauche par Agauche.org). Citons ici la déclaration de Jean-Luc Mélenchon :

« Ce n’est pas une soirée heureuse que celle-ci. Pour la seconde fois en France, l’extrême-droite gagne l’élection européenne. Ainsi se confirme que la France prend une pente que nous continuerons à combattre par tous les moyens dont nous disposons.

Monsieur Macron semble avoir perdu le match qu’il avait voulu installer de façon si irresponsable. De fait, la victoire de l’extrême-droite, l’effondrement du pouvoir dans le match qu’il avait engagé et le niveau de l’abstention qui reste considérablement élevée montrent que notre pays s’enfonce dans une crise profonde.

Nul n’en aperçoit à cette heure d’issue positive. Cela restera notre responsabilité de tâcher de l’ouvrir. De continuer à tracer le chemin que nous avions d’abord inauguré si vaillamment.

Dans ce contexte, notre résultat est très décevant. Il n’est pas à la hauteur de nos espérances, cela va de soi, et encore moins de nos efforts. Mais je veux saleur Manon Aubry et ses colistières et colistiers qui ont, dans cette bataille, jeté toute leur force de conviction et d’espérance (…).

La pente qui est prise est mauvaise. Il est possible de l’inverser. Mais cela reste impossible si chacun, en conscience, ne prend pas pour lui même ses responsabilités.

C’est l’heure des combats et des caractères. La France en a toujours disposé en abondance. Je forme le vœux qu’elle sache se manifester et se rassembler pour parvenir aux objectifs qu’elle doit se donner : libérer une bonne fois le pays, le système de notre pays, de la pesanteur économique anti-écologique qui pèsent sur lui et des ombres que projette sur son destin l’extrême-droite.

Vive la République, vive la France.»

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La Gauche et les européennes de 2019 : les déclarations optimistes

Il y a une partie de la Gauche qui considère que la situation est finalement bonne, que les gilets jaunes notamment ont exprimé une forme de révolte qui correspondrait au climat général. Partant de là, il n’y aurait qu’à pousser pour que cela marche. Les élections européennes sont vues comme un échec pour tout le monde, sauf pour eux.

On notera qu’au-delà des déclarations suivantes, la majorité de ce qu’on appelle l’ultra-gauche n’a même pas fait de communiqué à la suite des élections. Il y a eu des appels au boycott avant celle-ci, mais rien à la suite de celle-ci. Ce n’est pas considéré comme une actualité. On notera au passage que dans un autre genre, le Parti socialiste n’a lui non plus pas fait de déclaration !

De tous les communiqués qu’on peut qualifier de relativement triomphalistes à la suite des élections européennes de 2019, le plus marquant est indubitablement celui de Lutte Ouvrière. Il est d’une brutalité extrême, qui tranche étrangement totalement avec la posture précédente, caractérisée par une regard très critique quant aux gilets jaunes et à la capacité de lutte des ouvriers.

Puisant dans ses racines historiquement « gauchistes », Lutte Ouvrière se réjouit ouvertement de l’effondrement de la Gauche, qui pour elle permet l’ouverture d’un espace:

Au moment où la démocratie bourgeoise est minée par la faillite du capitalisme, par la crise économique, par la menace de guerres et de catastrophes écologiques, d’aucuns ont pour ambition de reconstruire la gauche.

La gauche, tant qu’elle avait un certain crédit parmi les travailleurs, a été un moyen d’enchainer le mouvement ouvrier au système institutionnel de la bourgeoisie. Cet instrument s’est brisé en remplissant cette tâche, et tous ceux qui veulent le réparer trompent les travailleurs alors que la société est poussée vers le précipice (…).

Les résultats de Lutte Ouvrière, pour modestes qu’ils soient, confirment la présence d’un courant politique qui maintient la tradition révolutionnaire du mouvement ouvrier, l’internationalisme face à la montée des nationalismes, le drapeau rouge face au drapeau tricolore de la bourgeoisie

Du côté du PRCF, la principale structure issue de la « gauche du PCF » des années 1990, le ton est assez triomphaliste également. Il est considéré que tout le monde échoue, que l’abstention témoignerait d’un rejet et qu’il y a ainsi la place pour l’alternative : le « FREXIT progressiste ».

La vie du pays ne dépend pas (seulement) des élections mais dans le contexte actuel dans les luttes populaires convergentes dont les GJ jaunes ont donné l’exemple avec le soutien de 75 % de la population, permettant au peuple de se constituer en sujet historique collectif et pas en individus isolées dans… l’isoloir… L’euro-politique antisociale et antidémocratique va se poursuivre, les résistances aussi, à nous de construire un front de luttes en le portant par la perspective du frexit progressistes…

Plus que jamais, une seule solution s’impose : FREXIT PROGRESSISTE !

Fier d’avoir porté la voix majoritaire des travailleurs de France, celle de l’abstention citoyenne, honteusement censurée par tous les médias et d’avoir mené campagne grâce à la mobilisation entière et enthousiaste de toutes et tous ses militants, le PRCF continuera de porter les idées et les propositions communistes dans un esprit d’ouverture, mais aussi de fermeté idéologique, face aux terrifiantes euro-illusions portées par les ennemis de classe. Plus que jamais, une seule solution s’impose : FREXIT PROGRESSISTE !

Le PRCF a également souligné l’importance qu’il y a selon lui du fait qu’Emmanuel Macron a mis en place un « duel » entre lui et Marine Le Pen, qu’il s’agirait d’un piège. C’est là-dessus que s’exprime surtout le PCOF, qui dit que l’extrême-droite est très loin d’avoir l’hégémonie dans les masses populaires.

La Gauche républicaine et socialiste s’est contenté d’un simple tweet :

La @Gauche_RS prend acte de la sanction infligée à la gauche. Nous félicitons notre animateur national @emmanuelmaurel pour sa réélection, aux côtés de @ManonAubryFr. Parlementaire de combat et de gauche, son action aura pour horizon la rupture avec le néolibéralisme de l’UE !

Le Courant communiste révolutionnaire du NPA  voit en les élections un simple aléa dans un vaste parcours historique de lutte.

Ce n’est donc qu’en apparence que cette dernière semaine et la séquence post-élections auront permis d’effacer les Gilets jaunes du paysage médiatique et politique. Les 7 mois de contestation historique qu’a connu le pays ne risquent pas de disparaître comme ça, et pourraient au contraire annoncer de nouveaux épisodes de luttes de classe qui n’en ont pas fini de mettre des bâtons dans les roues des projets du gouvernement et du patronat.

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Le « départ » de Benoît Hamon

Benoît Hamon filait un mauvais coton avant les élections. Ses propos négatifs étaient nombreux. Dépassant 3 %, Génération-s est remboursé de ses investissement pour les élections et est sauvé de ce point de vue-là. Lui préfère prendre un peu de champ, tout en soutenant le mouvement.

Benoît Hamon a multiplié les signaux négatifs juste avant les élections, reflétant ses inquiétudes. Une semaine avant le vote, il déclarait en « off » à des journalistes la chose suivante :

« C’est fou, on est à une semaine de l’élection, et j’ai l’impression d’apprendre aux gens que je suis candidat, ça me laisse pantois. »

Peu après, sur France 2, il expliquait :

« Je tirerai les leçons d’un deuxième échec majeur au suffrage universel et les idées que je porte, naturellement, elles disparaîtront et de la reconstruction de la gauche et du paysage politique (…).

Je veux le dire aux électeurs et notamment aux indécis : si je ne passe pas les 5%, les idées que j’ai défendues, le revenu universel, la taxe sur les robots, la transition écologique telle que je l’ai défendue avec la justice sociale, ces idées s’évanouiront aussi. »

Il a hier soir annoncé sa décision à la suite de l’échec de Génération-s à atteindre 5 %: il se met en retrait. Voici son message à Génération-s.

« Chères amies, chers amis,

Ces élections européennes nous ont déçu par leur résultat mais nous avons fait une incroyable campagne, à moyens financiers minuscules, mais à énergie humaine (et propre) incroyable.

C’est une des campagnes dont je suis le plus fier. Partout vous avez déployé engagement et arguments pour convaincre. J’ai eu écho des mille initiatives prises sur le terrain, des nuits de collage, des petits matins de tractage dans les gares, des après midi de porte-à-porte. Ce sont des jours heureux dans nos mémoires. Nos idées grandissent, c’est l’essentiel.

Maintenant s’ouvre une nouvelle étape pour la gauche qui doit se reconstruire et se rassembler, d’une part, et pour notre mouvement qui prépare déjà les prochaines élections municipales, d’autre part.

D’ici là, nous aurons l’occasion de débattre, de faire le bilan de notre jeune existence et de cette première épreuve du feu et de décider comment nous inscrire dans l’avenir de la gauche : construction d’un lobby citoyen ; participation à la réalisation d’une maison commune de la gauche et de l’écologie… Le collectif national prendra des initiatives bientôt.

Je participerai à cette nouvelle étape, fidèlement à vous et à notre projet. J’ai cependant besoin de prendre du recul, de m’éloigner des médias notamment. Cela fait presque trois ans et le lancement de la primaire de la gauche, que je bats campagne sans interruption. J’ai besoin de retrouver un peu mon souffle, de penser, lire, croiser de nouveau regards. Génération·s est le mouvement de l’intelligence collective. Soyez sûrs qu’elle nous portera loin.

On ne se quitte donc pas.

Merci.

A bientôt.

Benoît Hamon »

Cela est fort dommage, car Benoît Hamon est une figure connue de la Gauche. Cela sonne comme une capitulation, même si cela en est pas une. Ce n’est dans tous les cas pas dignes de la politique. Vus les défis attendus, il faut des gens connus, avec de l’expérience, ayant fait preuve de leur engagement. On ne se met pas de côté au moment où les batailles terribles s’annoncent.

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France : l’extrême-droite en tête des Européennes de 2019

Pour la seconde fois, l’extrême-droite est en France en tête des Européennes. Et le tête de liste, Jordan Bardella, a 23 ans ! Avec Marion Maréchal, il appartient à un mouvement de fond, celui de la constitution de cadres dirigeants. C’est la marche vers le pouvoir qui s’orchestre. L’avenir va amener des situations politiques d’une tension extraordinaire.

Après le débat du second tour des présidentielles, Marine Le Pen avait été enterrée par les médias et les commentateurs superficiels de la politique. Elle aurait été trop agressive, trop incapable de nuance, trop décalée. Quelle naïveté ! C’était un ballon d’essai pour voir jusqu’où il était possible d’aller. Elle a compris que les Français ne voulaient pas sortir de l’Union Européenne, mais elle a su en même temps se positionner pour le long terme comme la critique la plus radicale de sa forme actuelle.

D’où le résultat à ces Européennes de 2019, avec pratiquement un quart des électeurs. C’est un chiffre énorme. Énorme parce qu’il est stable, porté politiquement par un courant politique organisé et structuré, qu’il fédère encore et toujours des secteurs populaires entiers. Dans le Pas-de-Calais, si populaire, c’est 38 % des voix, soit le double de la liste suivante, celle de la liste de soutien à Emmanuel Macron, battue d’ailleurs au niveau national. Et cela aussi c’est significatif.

Le Rassemblement National se profile de plus en plus comme le principal mouvement d’opposition, le seul capable de fédérer, de par son poids, une alternative politique. La Droite va céder toujours davantage à son appel, à ses pressions. Bloquée par le Centre, elle va chercher des alliances à l’extrême-droite, tel un besoin vital, ne serait-ce que sur le plan électoral.

Et parlons de l’effet gilets jaunes. On se demandait à qui allait profiter leur mouvement. Eh bien voilà, on le sait désormais. Car on se doute bien que les gens pro-gilets jaunes n’ont pas voté EELV. Ils se sont abstenus ou bien basculent dans la dénonciation d’extrême-droite. Tous ceux qui ont prétendu le contraire doivent se remettre profondément en question. Ils n’ont servi qu’à encore plus déboussoler, désorienter, contribuer à ce que les thèses nationalistes s’installent.

Et appelons quand même ici que LFI, l’ultra-gauche et encore bien d’autres nous promettaient une grande révolte sociale à l’échelle du pays, un bouleversement sans précédent ! Ces gens-là ont été une catastrophe pour la Gauche.

Alors que faire ? La réponse est simple : repartir à la conquête des masses neutralisées par l’extrême-droite. C’est un travail gigantesque. Car, déjà il faut être capable de proposer des choses de gauche aux gens. C’est loin d’être simple. Il faut retrouver les valeurs de la Gauche. Il faut être en mesure de les diffuser. C’est un double travail énorme.

Mais, en plus, il va falloir réussir à briser la démagogie sociale et nationaliste de l’extrême-droite. Et là franchement, cela rajoute un obstacle immense. Comment va-t-on réussir à démolir ce qui est désormais une tradition dans une large partie de la population ? Et une tradition grandissante, s’amplifiant partout, qui plus est ? La Gauche va ici devoir disposer d’un très haut niveau intellectuel, culturel, moral !

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Résultats des Européennes de 2019 : tout reste à faire à Gauche

La Gauche a politiquement disparu : tel est l’enseignement des élections européennes. Il aurait fallu l’unité pour rassembler les forces vives et permettre de relancer quelque chose. Désormais, la défaite est une combinaison d’échec culturel et de déroute politique.

Selon la manière avec laquelle on prend les choses, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Mais cela implique qu’on voit soit le verre en train de se vider, soit en train de se remplir. Les listes de Gauche au sens le plus large possible, si on les combine, donnent un chiffre relativement important. LFI et la liste autour de Raphaël Glucksmann font chacun autour de 6 %, Génération-s autour de 3 %, le PCF moins de 3 %, Lutte Ouvrière moins de 1 %, et si l’on ajoute EELV avec autour de 12-13 %, on a alors quelque chose qui tourne autour de 30 %.

Seulement voilà, il s’agit de 30 % des électeurs, et la moitié des Français n’est pas allée voter. De plus, EELV a largué les amarres avec la Gauche pour devenir « ministérialiste » et La France Insoumise l’a fait pour prôner le populisme. Et La France Insoumise est même en chute libre : on est passé de 19,58 % de Jean-Luc Mélenchon au premier tout des présidentielles à 11,03 % aux législatives en 2017, à désormais presque moitié moins.

À cela s’ajoute que la liste de Raphaël Glucksmann était composée du Parti socialiste, de Nouvelle Donne, du Parti Radical de Gauche et de Place publique. Pour au moins la moitié de ces structures, voire plus même en réalité, on a un courant de centre-gauche. Et du côté de la Gauche assumée, ni le PCF, ni Génération-s, ni Lutte Ouvrière n’auront des députés européens. Politiquement, cela reste fondamentalement marginal.

Après les résultats, Raphaël Glucksmann a affirmé la chose suivante :

« La gauche éparpillée et morcelée n’arrive pas à s’imposer comme une alternative crédible. »

Ce n’est pas vrai. C’est l’inverse qui est vrai. Le morcellement, l’éparpillement, sont la conséquence de l’incapacité à se poser comme alternative crédible. Ce n’est pas en regroupant des structures en perdition, sans contenu ni culturel ni politique et encore moins idéologique, sans base de masses, qu’on peut parvenir à quelque chose. La seule démarche possible est de refaire une Gauche de masse d’un côté et de relancer de l’autre le débat d’idées, l’enseignement des points de vue fondamentaux de la Gauche.

Mais ces points de vue existent-ils ? Ici on doit voir le fond du problème. Car la gauche est devenue une « sensibilité », plus qu’une catégorie politique. On ne se définit plus comme à Gauche, mais comme de gauche, et cela ne veut plus rien dire. Quand on voit qu’il est considéré comme de gauche de légaliser le cannabis, on voit le degré de déchéance d’une culture politique tombée dans le soutien entier au libéralisme culturel. Quand on voit que le terme ouvrier est inexistant à Gauche, on a de toutes façons tout compris.

C’est pour cela qu’on ne peut être que perplexe quant au communiqué de Génération-s :

« Génération.s prendra part à la reconstruction de la gauche et de l’écologie à partir des initiatives des mouvements politiques, sociaux et citoyens qui veulent réinventer le projet de la gauche et l’unir. »

Il n’est pas possible de mettre sur le même plan les mouvements politiques, les mouvements sociaux et les mouvements citoyens. Ce qui compte, ce sont uniquement les mouvements politiques : il faut le primat de la politique. Finie la course populiste derrière des mouvements sociaux aux natures indéfinies, finie la soumission aux classes moyennes éduquées de type bobo.

Tout reste donc à faire : il faut que la Gauche politique redevienne de masse et se positionne par rapport à des fondamentaux. Et ces fondamentaux, ce sont ceux du mouvement ouvrier. C’est un travail énorme qui est à mener. Et qui pense qu’on peut contourner cela au moyen de coalitions électorales n’entend former qu’une coquille vide.

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Pour qui voter ? Un billet d’humeur

Une tentative de porter un regard concret pour un vote utile pour ces élections européennes : quelles listes à Gauche s’assument telles quelles ? Lesquelles peut-on soutenir ? Rien que le fait que la question se pose montre le problème.

Pour qui voter ? Pour cela il y a les professions de foi ! Il suffit de les lire et de faire son choix ! Il y a « En marche pour l’Europe », la liste du mouvement d’Emmanuel Macron. On dira ce qu’on voudra, c’est propre et constructif, avec l’Europe comme utopie libérale-sociale. Qui ne dirait pas non d’ailleurs à une vingtaine d’universités européennes d’ici 2024 ? À une force de protection sanitaire contre les fraudes alimentaires ?

Il ne faut pas s’étonner que des gens aient de l’espoir en cela, au-delà bien entendu de leur intérêt économique. Mais justement, le libéralisme, c’est non, alors regardons la suite.

Il y a les écologistes, avec Yannick Jadot. Après tout, la planète est en train de souffrir. Mais bon, pas certain qu’un repas végétarien optionnel dans la restauration collective change grand-chose… Ni d’ailleurs le droit de vote à seize ans ou l’accueil digne des migrants. Même pas des réfugiés : là on est carrément dans le libéralisme le plus poussé… Passons à autre chose.

Il y a Lutte Ouvrière. Sympa ! Non, ce n’est pas le mot, car c’est fade. Mais c’est digne. Le camp des travailleurs, une enseignante et un ouvrier en tête de liste, le rejet de la grande bourgeoisie, au moins c’est posé. Pas politique, car c’est la même chose depuis des décennies, mais c’est déjà ça. La profession de foi du PCF est plutôt claire aussi, elle est très propre, c’est plus politique : les salaires, l’urgence climatique, l’opposition aux traités ultralibéraux… Minimaliste, mais politique. S’il n’y avait pas en tête de liste Ian Brossat, ce dandy de la mairie de Paris, cela serait plus crédible…

Bon allons voir la liste de Benoît Hamon. Lui au moins il est sincère, et déprimé apparemment en ce moment. Il pense que ses idées vont être coulées si là son score est trop faible. En même temps, la profession de foi est tellement faible, il tend le bâton pour se faire battre. Il faut battre la Droite au pouvoir et les nationalistes, mais il n’y aucune référence à la Gauche. Alors allons voir la liste de Raphaël Glucksmann, lui voulait unir la Gauche ! Mais non, il est juste parlé d’une Europe forte, « pour peser face à l’Amérique de Trump, la Russie de Poutine et la Chine de Xiping ».

Dupont-Aignan et Debout la France ? Même plus gaulliste social, désormais c’est de droite et ce ouvertement. Les « Européens » ? Des centristes qui font la gueule à Emmanuel Macron. Les Républicains ? La même chose en plus conservateur. L’UPR ? La secte du Frexit, uniquement bonne à dire que la France serait l’esclave de l’Union Européenne. La France Insoumise ? Pareil et la base tend d’ailleurs toujours plus aux souverainistes et aux fachos.

Marine Le Pen et Jordan Bardella ? La même chose en encore plus démagogique, et son score va faire mal, très mal. Et c’est là qu’on se dit qu’il faut voter quand même. Parce que l’abstention + un carton de l’extrême-droite, cela va être difficile à digérer. En même temps, ils sont tellement nuls tous à Gauche : sans ambition, sans utopie, sans romantisme, sans socialisme. Pour les plus dégoûtés – les plus conscients peut-être, voter est impossible. Pour d’autres, plus sentimentaux, plus résignés, il y a Benoît Hamon, Ian Brossat, et la liste de Lutte Ouvrière, en sachant que seuls les deux premiers peuvent éventuellement arriver au 5 % nécessaire pour avoir un élu.

Dans tous les cas, un bulletin de vote ne suffira pas à quoi que ce soit : une liste unie à Gauche aurait pu être un vrai marqueur, un témoignage d’une recomposition qu’on soutient. Là c’est trop faible, bien trop faible, alors qu’il y a la catastrophe climatique, le capitalisme en crise et l’extrême-droite qui progresse de manière ininterrompue. Les prochaines années vont être celles de bien des exigences !

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Tribune : « L’Europe a besoin des socialistes »

Voici une tribune d’Alain Bergounioux, président de l’Office universitaire de recherche socialiste et d’Henri Weber, ancien sénateur et député européen, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, initialement publiée par Libération.

Ils appellent à une alliance large à Gauche derrière le courant majoritaire, que l’on peut qualifier de centriste et qui est incarné au parlement européen par le groupe S&D du Parti des socialistes européens (PSE).

Le PSE regroupe les grands partis de la Gauche européenne, le PS français, le SPD allemand, le SPÖ autrichien, le Labour britannique, le PSOE espagnol, le PD italien ou encore le Partij van de Arbeid néerlandais.

Une partie de la Gauche de plus en plus importante récuse le rôle et l’action du PSE qui a voté en 2017 à 90 % la même chose que la Droite (PPE) lors votes finaux, selon une étude de la fondation Robert Schumann.

Il faut néanmoins, pour être tout à fait honnête, interpréter cette de donnée dans le cadre particulier du Parlement européen, qui fonctionne par des compromis négociés longuement, y compris à l’intérieur même des groupes.

Notons pour finir qu’il est question dans cette tribune de s’opposer à l’ordo-libéralisme, à quoi est opposé traditionnellement le keynésianisme, et non pas le Socialisme. Le Socialisme s’oppose par définition au mode de production capitaliste, dont l’ordo-libéralisme et le keynésianisme sont deux aspects.

« L’Europe a besoin des socialistes

Le 26 mai, il faut conforter le Parti des socialistes européens (PSE) et son groupe parlementaire à Strasbourg, «l’Alliance des démocrates et des socialistes». Implanté de longue date dans les 28 Etats de l’Union, (la Grande-Bretagne est encore des nôtres !); fort aujourd’hui de 188 députés, le PSE est la seule force politique au Parlement européen capable de promouvoir une coalition progressiste rassemblant les sociaux-démocrates, les écologistes, et les centristes.

Une telle coalition est nécessaire et urgente, face à la montée des nationalismes d’extrême droite et des partis europhobes, crédités de 25% des sièges, dont l’objectif proclamé est la destruction de l’UE. Elle est indispensable aussi pour réorienter la construction européenne dans le sens d’une Europe plus écologique, plus sociale, plus solidaire, plus volontaire. Jamais les risques d’enlisement et de désagrégation nationaliste qui menacent l’Europe n’ont été aussi grands. Mais jamais non plus les chances de tourner le dos à l’ordo-libéralisme longtemps dominant et d’engager la transition écologique et la révolution numérique en Europe n’ont été aussi fortes.

La prise de conscience de l’urgence écologique dans la grande opinion a beaucoup progressé depuis cinq ans. Elle joue en faveur d’un «Green New Deal», une nouvelle donne écologique, en deux volets : le renforcement qualitatif des normes et règles en défense de l’environnement et de la qualité de la vie. C’est le volet défensif, auquel s’ajoute un volet offensif : la mise en œuvre de politiques industrielles volontaristes et ambitieuses en vue de réaliser les objectifs de la COP 21, la reconversion thermique des bâtiments, le développement des «mobilités propres» et des énergies renouvelables, la généralisation d’une «agriculture raisonnée»…

Cette transition écologique que chacun appelle désormais formellement de ses vœux, ne peut être le fruit du libre jeu des forces du marché, toute l’histoire du capitalisme l’atteste. Elle appelle au contraire une forte impulsion de la puissance publique, à tous ses niveaux : local, régional, national, européen et mondial, le niveau continental s’imposant toutefois de plus en plus comme l’espace stratégique. Ce retour nécessaire de la puissance publique s’affirme à un moment où les dogmes du néo-libéralisme économique, triomphants au début du siècle, ont beaucoup perdu de leur crédibilité, en raison des résultats des politiques qu’ils ont inspirés. Peu nombreux sont ceux qui croient encore dans les vertus autorégulatrices des marchés. L’idée que le monde souffre, non pas d’un excès, mais d’une carence d’organisation, de régulation, de planification, d’intervention des acteurs publics, s’est peu à peu imposée, après la crise de 2008. Elle a pris tout d’abord la forme régressive d’une montée des protectionnismes nationalistes. Mais elle peut prendre aussi, celle, progressiste, de politiques publiques coopératives et socialement inclusives, comme on dit à Bruxelles, préconisées par la social-démocratie au niveau de l’UE et de chacun de ses Etats membres.

Malgré ses déboires dans certains pays, la famille socialiste restera la principale force progressiste au Parlement européen et au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement dans la prochaine législature (2019-2024). La seule force capable de fédérer la gauche, les écologistes et le Centre-gauche pour mettre en échec les offensives désagrégatrices des partis europhobes et de réorienter l’Europe. C’est pourquoi nous appelons à voter pour la liste «Envie d’Europe», emmenée par Raphaël Glucksmann. Le 26 mai, il s’agit d’élire le Parlement européen, non de censurer ou de plébisciter le Président de la République française. »

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La liste de l’Alliance royale pour les élections européennes

À l’occasion des élections européennes, l’Alliance royale (AR), mouvement royaliste qui a la particularité de ne se revendiquer ni de l’orléanisme, ni du légitimisme, a décidé de présenter une liste.

Il apparaît très clairement que ce n’est qu’une démarche de communication, afin de profiter d’une tribune pour faire passer le message de l’organisation. En effet, l’AR explique se présenter pour « se faire entendre comme parti politique » (elle se différencie ici de l’Action française, qui est davantage dans une logique putschiste) et « proposer une autre voie pour l’Europe ».

Pour le reste, la pauvreté du programme est ouvertement revendiquée :

« Pour faire entendre sa voix, l’Alliance royale, constituée en parti politique, a entrepris de s’exprimer régulièrement à l’occasion des diverses consultations électorales. Les royalistes doivent devenir une véritable force politique. La campagne européenne s’inscrit dans cette démarche. L’Alliance royale a déjà présenté des listes régionales en 2004, 2009 et 2014.

Nous ne voulons pas entrer ici dans le détail des mesures économiques et politiques, mais donner les grandes lignes de ce que devrait être une France royale au cœur de l’Europe. »

Pour le reste, la ligne générale est globalement assez simple : un rejet total de l’Union européenne et de toute forme politique organisée au niveau continental, au profit d’une « Communauté des Etats européens » qui ne serait qu’un cadre juridique au service des États pour les questions qu’ils ne pourraient régler seuls, et à laquelle chaque État membre pourrait proposer des « initiatives » n’engageant que les pays en accord avec celles-ci. Trois « initiatives » sont proposées par l’AR : la coopération pour favoriser les échanges économiques, la surveillance des frontières et la sécurité, ainsi que la protection de l’environnement, non pas perçu dans sa dimension naturelle, mais bien comme patrimoine, dans une vision réactionnaire et anthopocentrée.

On l’aura compris, il s’agit de renforcer la puissance française dans le monde, de manière agressive. L’AR considère en effet que la France « a des intérêts dans le monde et des alliances qui ne concernent pas ses voisins européens », évoquant la « francophonie » et l’outre-mer (qui relève de sa « compétence seule »). Comment ne pas-y voir là une volonté de renforcer la présence française dans ses ex-colonies (qui sont toujours sous dépendance) ou dans les pays d’Afrique dont elle contrôle une bonne part de l’économie ?

Le renforcement du capitalisme français est d’ailleurs le seul fond concret de l’AR. C’est là son projet de base : un capitalisme français qui se lance de manière agressive dans le monde, de façon indépendante. Évidemment, le tout est enrobé d’un habillage prétendant défendre une vision du monde.

Quelle est-elle, justement, cette vision du monde ? C’est simple : une « France capétienne » et une « Europe chrétienne ».

La république est considérée comme nationaliste et xénophobe par essence (de la part de l’AR, la chose est quand même cocasse) et trop jacobine et étatiste. Implicitement, on retrouve le vieux fond régionaliste des contre-révolutionnaires, qui rejettent l’État centralisé, tout comme l’universel, pour lui préférer une société corporatiste du « terroir », de la « France profonde » contre l’État « technocratique », dans la droite lignée d’un Maurras.

Quant à l’Union européenne, « sans consistance », elle est assimilée au « mondialisme », à une dictature supranationale qui serait coupée des nations, des « pays profonds », dirigée par une « oligarchie » de l’ « argent ». On est là, quoique de manière plus feutrée qu’à l’Action française, dans les clichés anticapitalistes romantiques propagés par le fascisme et tous les réactionnaires, menant souvent à l’antisémitisme (de Proudhon à Soral, en passant par Maurras ou Barrès, Le Pen ou Pétain).

Bref, la liste de l’Alliance royale est une variante institutionnelle et davantage opportuniste de l’Action française, avec le même fond réactionnaire, traditionaliste, nationaliste et pleinement au service des intérêts capitalistes français, dans un renforcement de la tendance à la guerre.

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Le témoignage d’Édouard Martin, député de gauche au Parlement européen

L’ancien ouvrier Édouard Martin est une figure connue et appréciée à Gauche pour le combat médiatique qu’il a mené contre la fermeture des derniers hauts-fourneaux d’ArcelorMittal à Florange il y a 10 ans. Dans un petit reportage réalisé par France bleue Moselle, il témoigne de son activité d’eurodéputé, d’abord sous les couleurs du Parti socialiste puis du mouvement Génération-s.

Édouard Martin semble satisfait de l’expérience qu’il a pu avoir au Parlement européen. Conformément au discours des autres eurodéputés du mouvement Génération-s de Benoît Hamon, il explique que son mandat a été utile, avec des avancées concrètes.

Malgré toute la sympathie que l’on peut avoir pour lui, il peine à convaincre de cela, en avançant un bien maigre bilan. Le « dossier » qu’il cite en priorité est le combat pour que la Commission européenne « ne reconnaisse pas le statut d’économie de marché à la Chine »… Cela paraît bien étrange comme préoccupation et laisse quelque peu perplexe.

L’autre exemple qu’il donne est l’obligation de transparence sur l’origine des minerais issus des mines de cobalt en République démocratique du Congo. S’il s’agit à n’en point douter d’un combat démocratique important, on a du mal à savoir quelle plus-value ont pu apporter les parlementaires européens sur la question par rapport au travail d’associations environnementales. Comme l’admet l’ancien métallo, les États ne respectent pas cette obligation. On se demande alors l’intérêt de ces journées harassantes qu’il décrit.

Car il ne faut pas se raconter de bêtise : quoi que l’on pense du fédéralisme européen comme projet, on ne doit pas nier que l’Union européenne telle qu’elle est n’est pas une structure démocratique. Les parlementaires, minés par les divisions nationales et travaillés au corps par les lobbyistes, n’ont qu’un faible rôle s’il n’accompagne pas le point de vue des États membres.

Ils n’ont que peu de poids pour les obliger à respecter les choses qu’ils voteraient et ils n’ont d’ailleurs pas le droit d’initier eux-même des directives (qui sont ensuite retranscrites dans les lois nationales). Le Parlement n’a même pas le droit de se prononcer sur des sujets aussi importants que l’adhésion de nouveaux États ou le droit à la concurrence. Ce dernier point relève pourtant de la nature même de l’Union européenne, qui est depuis l’origine une communauté économique destinée à organiser un grand marché européen, sous l’égide du moteur franco-allemand.

On peut avoir beaucoup de sympathie pour les « 180 000 km parcouru en 5 ans » par Édouard Martin pour aller à la rencontre de la population, on ne pourra pas s’empêcher de penser cependant que tout cette énergie aurait pu être utile pour autre chose.

Si l’on peut considérer qu’il est important pour la Gauche d’avoir un score important aux Européennes pour peser politiquement, il ne faut pas pour autant prétendre des choses qui ne sont pas vraies.

On peut très bien voter pour la liste présenter par le mouvement Génération-s de Benoît Hamon par sympathie pour ses membre et soutien du programme qu’il propose avec d’autres organisations européennes. Il ne faut pas s’imaginer par contre que ces eurodéputés pourraient faire appliquer ce programme d’une quelconque manière.

Ce n’est pas au Parlement européen que la Gauche va changer la vie. C’est pourtant là son rôle, le cœur même du combat de la Gauche.

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La Dissidence française aux élections européennes

Les élections européennes à venir sont l’occasion pour les listes fascistes d’émerger et de proposer leurs programmes. Parmi ces listes, la Dissidence française se pose en maîtresse de la froideur et de la dureté du fascisme, qui se donne une image gauchisante pour happer les masses en quête de justice sociale.

Avec la liste Dissidence française, on s’enfonce dans le fascisme pur et dur. La présentation visuelle du programme, en toute première page, donne le ton à elle seule : du rouge, du blanc, du noir. C’est que la liste se veut « révolutionnaire conservatrice », comme il est écrit en gros comme titre du programme. On est donc en face d’un programme national-révolutionnaire, typiquement fasciste. D’ailleurs, les trois phrases résumant le programme sont on ne peut plus claires : « relever le défi identitaire », « libérer l’économie française », « établir la souveraineté intégrale ». Xénophobie, capitalisme ultra-agressif, et isolationisme chauvin à prétention démocratique.

La France serait en déclin, dirigée par « une classe politique totalement dépassée, rongée par la corruption, et incapable de faire face aux défis du XXIème siècle ». « Jadis forte et respectée dans le monde, notre Nation n’est plus que l’ombre d’elle-même ».

La volonté de « régénérer la nation » pour redevenir une puissance capable d’aller à la confrontation directe avec le monde entier est très claire. À ce déclin devrait s’opposer un État administrateur, efficace et fort. La proposition est alors que cet État règne par ordonnances uniquement. On coule dans l’anti-parlementarisme (le nombre de parlementaires doit d’ailleurs être abaissé à 500) et l’autoritarisme les plus profonds.

Il s’agirait également de protéger constitutionnellement « les racines charnelles et millénaires de la France, européennes et chrétiennes ». Si l’héritage culturel laissé par le christianisme doit effectivement être protégé, il doit surtout être rendu au peuple pour ce qu’il est : un témoignage du passé que l’on doit étudier. Or, ici, cet héritage est fantasmé, glorifié et le programme ne laisse aucun doute sur le fait qu’il compte bien maintenir ces reliques du passé dans l’actualité culturelle et politique du pays, renforçant par là la réaction, notamment catholique.

Conformément à cet esprit conservateur, l’homophobie est également assumée au travers de la question de la loi Taubira. Les fascistes souhaitent abolir cette loi afin de « frapper de nullité les « mariages » célébrés entre personnes de même sexe ». Cette attaque contre la dignité des homosexuels, cette négation de l’amour qui peut exister entre deux hommes ou deux femmes, sont intolérables.

Le piétinage de la dignité des femmes ne s’arrête d’ailleurs pas là. Il est question dans leur programme de créer « un statut spécial pour les mères de famille ». L’idée est de verser un revenu d’existence lorsqu’elles choisissent de ne plus travailler, pour s’occuper de leurs enfants et de leur maison. Payer des femmes pour qu’elles restent soumises au patriarcat et aux valeurs réactionnaires de la « femme au foyer » attendant que son mari rentre du travail donne le vertige. Encore une fois, la dignité de la femme est niée, et ne lui est réservée qu’une existence pleine d’ennui, de routine, entre tâches ménagères et navette scolaire pour les enfants. Enfants qui souffriraient, eux aussi, d’un tel modèle familial.

Cette pensée archaïque ne va bien évidemment pas sans la critique réactionnaire du post-modernisme. Ainsi, ils rejettent et interdisent la « théorie du genre » et « l’écriture inclusive », non pas car elles représentent une multiplication des cases dans lesquelles ranger des « individus » qui seraient « uniques » et au-dessus des classes, mais bien par pure réaction. Elles sont alors remplacées par « une sensibilisation au patriotisme et à la citoyenneté dès l’école primaire » : une manière détournée de dire qu’il faut, dès l’enfance, manipuler le peuple afin qu’il soit « transcendé » par la Nation, par le nationalisme et le fascisme.

Le nationalisme tient d’ailleurs une place importante dans le programme, naturellement, notamment en ce qui concerne la « préférence nationale » (devant être « affirmée constitutionnellement ») et le militarisme. Les emplois, les logements, les allocations et prestations sociales sont donc réservées « en priorité » aux « nationaux ». Les soins médicaux et le refuge pour les sans-papiers ne sont plus assumés, et l’argent est consacré à « l’aide au retour » des immigrés « dans leur pays d’origine ». Le budget de la défense nationale est porté à 3,5% du PIB et la force de frappe nucléaire est non seulement préservée, mais également protégée par la constitution.

On y retrouve aussi des propositions de type « gilets jaunes », populistes, comme la diminution des taxes, une justice plus dure et expéditive, et l’usage du référendum. Toutes les taxes, cotisations salariales, patronales, pour les entreprises comme pour les particuliers seraient abolies pour instaurer une taxe unique de 9% sur les transactions électroniques au sein du territoire français. Le référendum est utilisé pour valider la nouvelle constitution (écrite et proposée par des fascistes, donc) dans un horrible simulacre fantasmé de « démocratie », et les référendums avec consultations citoyenne pour les questions touchant aux communes (vues comme les « échelons démocratiques fondamentaux ») sont « systématisés ». La justice, quant à elle, laisse place à la « tolérance zéro » pour lutter contre le « laxisme judiciaire ». L’idée selon laquelle les institutions de la république manquent de poigne et d’efficacité est donc nettement assumée. Pour les fascistes, il faut que ça tourne ! Et sans « venir jouer les pleureuses », comme ils pourraient tout à fait le dire.

Mais là où les très éventuels doutes sur le caractère profondément fasciste du programme sont forcés de voler en éclat, c’est quand Dissidence française parle de la presse, des syndicats et de liberté d’expression. Ainsi, « les subventions à la presse, aux partis politiques et aux syndicats sont supprimées. La pratique des sondages d’opinion est encadrée », et « les lois d’entrave à la liberté d’expression et à la recherche historique sont abrogées. La neutralité du Net est sanctuarisée. »

On voit là clairement que ces personnes ne se tiennent pas aux côtés des travailleurs, mais bien aux côtés de ceux qui possèdent les moyens de production. Les syndicats y sont sabotés et les travailleurs laissés sans protection, et les partis politiques aussi, ce qui relègue la bataille des idées en arrière-plan… L’encadrage des sondages d’opinion peut tout dire et rien dire, mais implique quoi qu’il en soit un contrôle des opinions apportant la contradiction.

Quant au deuxième point… Ce n’est ni plus ni moins que de la langue de bois pour légaliser le négationnisme, l’antisémitisme, les discours complotistes.

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Politique

Les clips de campagnes de la Gauche et de l’écologie pour les élections européennes

Voici les clips de campagne des listes de la Gauche ou se définissant de l’écologie pour les élections européennes de ce dimanche 26 mai 2019 :

 

  • La liste POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT conduite par Ian Brossat (PCF)

  • La LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 conduite par Benoît Hamon (Génération-s)

  • La liste ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE, conduite par Raphaël Glucksmann (Parti socialiste – Place publique)

  • La liste LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS conduite par Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière)

 

  • La liste EUROPE ÉCOLOGIE conduite par Yannick Jadot (EELV)

  • La liste URGENCE ÉCOLOGIE conduite par Dominique Bourg (Génération Ecologie, le Mouvement Ecologiste Indépendant et le Mouvement des progressistes)

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Écologie

Les têtes de liste aux Européennes présentes contre le méga-centre commercial EuropaCity en région parisienne

Ce week-end avait lieu une mobilisation de 24 heures contre le projet de méga-centre commercial EuropaCity à Gonesse, en région parisienne. Un millier de personnes étaient mobilisées et plusieurs personnalités politiques de la Gauche ou se revendiquant de l’écologie s’y sont rendues, alors que le projet est soutenu par le maire PS de la ville.

Le groupe Auchan, détenu par la grande-bourgeoise famille Mulliez, envisage depuis plusieurs années un immense centre-commercial de 240 000 m² à Gonesse dans le Val-d’Oise. Peu importe que les terres sur lesquels il doit être construit soient des plus fertiles, à 15 km de Paris : rien ne devrait entraver la marche du capitalisme triomphant, écoulant toujours plus de marchandises.

Le Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG) qui organisait la mobilisation s’oppose à toute une zone d’aménagement autour de ce projet qui détruirait « 300 hectares, dont 80 hectares pour le méga-centre commercial EuropaCity : 500 boutiques,2.700 chambres d’hôtel, un aquapark, une piste de ski artificielle… »

Ce n’est pas tout puisque « la société du GrandParis, une structure sous tutelle étatique, a annoncé son intention d’engager dès novembre 2019 la construction d’une gare au milieu du Triangle, qui formerait un décroché de 6 km sur la future ligne 17-Nord. Les premiers habitants seraient à 1,7 kilomètres. »

Le projet a déjà été bloqué par voie administrative, mais l’État et la mairie de Gonesse font appel de ces décisions. Le maire de la ville, Jean-Pierre Blazy, est au Parti socialiste, qui soutient donc ce projet écocidaire du groupe Auchan.

Tel n’est pas le cas d’autre personnalités politiques, liée à la Gauche et l’écologie, qui se sont rendue sur place pour apporter leur soutien à l’opposition.

Benoît Hamon de Génération-s s’est rendu sur place et a expliqué sur Twitter :

« A #Europacity se joue une bataille cruciale. Il faut abandonner ces projets qui défugurent nos territoires et abîment la biodiversité. La reconnaissance du crime d’écocide et celle des biens communs de l’humanité (air eau, forets, et…) sont aussi l’enjeu du scrutin du #26mai »

Ian Brossat a de son côté écrit, conformément au discours habituel du PCF :

« Au Triangle de Gonesse, pour dire non à #EuropaCity. Dire que la famille Mulliez, à l’origine de ce projet, ose expliquer qu’elle rend service à l’économie de la région. Qu’elle commence par payer ses impôts en France… »

Il a aussi affirmé à la tribune sur place qu’il faut « en finir avec l’artificialisation des terres » en parlant de Karl Marx qui aurait dit que « le capitalisme s’attaque avec la même férocité à l’homme et à la nature » (la citation n’est toutefois pas connue ; on imagine qu’il s’agit d’une référence malhabile à un passage du Capital où il est expliqué que la production capitaliste épuise en même temps la terre et le travailleur).

Yanick Jadot chef de file de la liste Europe écologie était sur place et a écrit :

« Les écologistes combattent le projet #Europacity Nous voulons que cesse l’urbanisation commerciale qui grignote les terres agricoles et encourage à toujours plus de déplacements tout en détruisant le commerce le proximité #VotezEuropeEcologie http://pourleclimat.eu »

Delphine Batho, tête de la liste Urgence écologie, était également sur place pour s’opposer au projet et expliquer que :

« L’État bafoue les décisions de justice obtenues par les opposants à ce projet destructeur ».

Notons également que Thomas Porcher, qui avait quitté le mouvement Place publique de Raphaël Glucksmann en mars dernier, a rappelé à la tribune de manière très politique que des élus du PS sont alliés au parti d’Emmanuel Marcon et à la Droite pour soutenir ce genre de projets.

Il a également écrit :

« Au triangle de #Gonesse avec les collectifs citoyens opposés au projet #Europacity. La cohérence dans l’engagement écologique, c’est d’être toujours de leur côté et de ne jamais s’allier avec ceux qui soutiennent ces projets inutiles (à savoir pour #EuropaCity l’arc PS-LREM-LR). »

Le Parti socialiste avait également unilatéralement soutenu le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, avec les élus locaux refusant toutes considérations écologistes au profit de l’argument économique, du développement et des emplois. Le maire de Gonesse Jean-Pierre Blazy s’est défendu avec de genre d’arguments, dans une longue lettre adressée directement aux personnalités intervenant durant le week-end de mobilisation.

Il y explique que lui aussi serait opposé au projet si la « caricature » faite par les opposants était vraie, mais qu’il reste en fait beaucoup de terres agricoles en Île-de-France et qu’EuropaCity n’est pas problématique pour l’environnement.

Il faudrait ce grand projet « structurant » pour améliorer la vie des habitants, dans une sorte de chantage à la banlieue contre les préoccupations écologistes qui seraient une lubie de bobos. On a même le droit à l’argument incroyable disant qu’il ne s’agirait « pas d’un centre commercial », mais d’un « pôle dédié aux loisirs et à la culture », qui « aménera de l’esthétisme en banlieue », sans compter que les bâtiments seraient bien-sûr « Haute qualité environnementale »… Monsieur Blazy explique donc aux intervenants qu’ils se « trompent de combat » ; il faudrait croire à sa fable disant que la famille Mulliez investit 3 milliards d’euros pour un projet socialiste et écologiste, pour les banlieusards…

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« L’Europe des nations » prônée par Marine Le Pen à Milan

Marine Le Pen participait avec d’autres dirigeants d’extrême-droite européens ce samedi 18 mai 2019 au grand meeting de campagne de Matteo Salvini, à Milan. Tout l’enjeu de ces élections pour le Rassemblement national, outre le fait d’obtenir un meilleur score que la liste soutenue par Emmanuel Macron, est de parvenir à constituer un large groupe nationaliste au parlement européen. Il s’agit de travailler l’Union européenne depuis l’intérieur et la faire exploser au profit d’alliances entre les nationalismes.

Devant des milliers de personnes rassemblées place du Duomo à Milan, le ministre de l’Intérieur de l’Italie et dirigeant de la très puissante Liga, Matteo Salvini, a réuni les dirigeants de onze autres partis d’extrême-droite européens.

Se sont ainsi succédé avant lui à la tribune Weselin Mareschki de Volya en Bulgarie, Boris Kollár de SME RODINA en Slovaquie, Tomio Okamura du SPD Tchèque, Jaak Madison de l’EKRE en Estonie, Gerolf Annemans du Vlaams Belang en Belgique, Anders Vistisen du Parti du peuple danois, Laura Huhtasaari du Parti des Finlandais, Jörg Meuthen de l’AfD en Allemagne, Georg Mayer du FPÖ en Autriche, Geert Wilders du PVV aux Pays-Bas et, donc, Marine Le Pen du Rassemblement national en France.

Toutes ces organisations sont appelées à rejoindre le groupe parlementaire Europe des nations et des libertés (ENL) de la Liga italienne, du FPÖ autrichien, du Vlaams Belang flamand et de Rassemblement national français, afin de peser ensemble malgré les divergences sur des questions essentielles. Ces divergences sont secondaires dans le cadre du parlement européen puisque ces formations ont toutes le même objectif qui est de saper l’Union européenne au profit de leurs propres nationalismes.

Il a donc été question de lutter contre la Gauche, d’« Europe des nations » s’opposant à l’Union européenne. Marine Le Pen n’a pas été en reste sur ces thèmes, qui forment le cœur de la campagne de la liste du Rassemblement national conduite par Jordan Bardella.

Le « projet » programmatique du Rassemblement national pour les élections européennes est ainsi intitulé « Pour une Europe des nations et des peuples » et consiste en une critique très appuyée du fonctionnement actuel de l’Union européenne. Il y est question de « bilan désastreux », de « fonctionnement opaque, anti-démocratique et punitif » et de renégociation des Traités actuels.

Alors qu’elle avait parlé d’« UERSS » le premier mai dernier, Marine Le Pen a encore appuyé la critique populiste de l’Union européenne ce samedi à Milan, en dénonçant une :

« oligarchie sans repères, sans racines, sans âme, qui nous dirige avec, pour seule ambition, la soumission et la dilution de nos nations » qui « fait souffler sur l’Europe les vents mauvais de la mondialisation sauvage ».

S’il pouvait s’agir il y a quelques années de quitter l’Union européenne, il est considéré maintenant qu’il est plus simple de la renverser de l’intérieur, en s’appuyant sur des alliances avec d’autres pays.

Cela est d’autant plus vrai que le thème de l’« Europe » est important pour ces différents nationalismes, qui appuient leurs propres romantismes nationaux sur l’idée d’une civilisation européennes liée à la chrétienté, ce thème classique de la Droite. La critique de l’Union européenne s’accompagne donc de la mise en avant de ce qui est appelé l’« Europe des nations ».

Marine Le Pen a ainsi expliqué que l’Europe est la « fille d’Athènes et de Rome, de la chrétienté et des Lumières », ou encore « la fille des bâtisseurs du Duomo et de Notre-Dame de Paris, de Léonard de Vinci et de Jeanne d’Arc » et qu’elle « ne trouve sa force, et donc demain sa puissance, que dans les nations qui la composent ».

Ce romantisme pan-européen n’est bien sûr qu’un prétexte pour servir les différents romantismes nationaux : il n’y aura plus d’« Europe » qui tiendra le jour où les différentes alliances s’affronteront, car la tendance est à la guerre.

Les contradictions sont très forte et chacun voudra à un moment tirer son épingle du jeu. Il faut bien voir que les partis présents hier à Milan ont des opinions très divergentes sur la Russie ou encore que la critique de l’Allemagne constitue souvent un thème nationaliste mobilisateur, notamment en France. Il en est de même pour le Royaume-Uni, pourtant « européen », mais dont les forces nationalistes entendent franchement faire bande à part de leurs homologues continentaux, et inversement.

En attendant, la collusion était totale hier entre Marine Le Pen et Matteo Salvini, qui ont la même perspective de puissance indépendante pour leur pays, passant par une alliance avec la Russie.

La dirigeante du Rassemblement national a ainsi « prêté » symboliquement la Marseillaise aux italiens, disant même quelques mots dans leur langue, reprenant le slogan de la Liga « la révolution du bon sens », avant que Matteo Salvini ne lui emboîte le pas en faisant une apparition spectaculaire galvanisant la foule dans la suite directe de sa conclusion :

« Nous vivons un moment historique. Vous pourrez dire à vos petits enfants, « j’y étais ». Un moment que nous attendons depuis longtemps et qui, enfin, se réalise, sous le ciel bientôt bleu d’Italie. Nous voulons vivre en France comme des Français, en Italie comme des Italiens, en Europe comme des Européens. Allons enfants des Patries, le jour de gloire est arrivé ».

L’Europe est traversée par un puissant mouvement de fond populiste, qui prend de plus en plus la forme de nationalismes agressifs et fascisants, dont la Liga et le Rassemblement national sont des fers de lance, avec le FPÖ autrichien ou encore le Fidesz de Viktor Orbán, mais aussi le Brexit au Royaume-Uni, etc.

Le résultat de ces élections européennes, tant en France qu’à l’échelle de l’Union européenne, posera un grand défit à la Gauche, aux gauches de chaque pays : celui d’éviter que l’Histoire ne se répète, en faisant cette fois triompher partout les fronts populaires.

Les gauches italienne et française, de part l’importance des mouvements nationalistes de leur pays menés par Matteo Salvini et Marine Le Pen, ont dans cette perspective une responsabilité historique de la plus haute importance. La Gauche a besoin d’unité, en assumant les traditions historiques du mouvement ouvrier, pour mobiliser en masse face aux nationalismes menaçants. Le Socialisme est le seul rempart possible à la pseudo « Europe des nations », mais réelle « Europe » des nationalismes et de la guerre.

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La liste Union de la Droite et du Centre aux Européennes

Affaiblie par la défaite de François Fillon, la concurrence libérale d’Emmanuel Macron et la concurrence néo-gaulliste du Rassemblement national, la vieille Droite et son parti, Les Républicains, espère profiter des élections européennes pour se refaire une santé électorale.

Les Républicains

Seulement, le créneau est très mince car, comme le résume un cadre (anonyme) du parti, « Nous sommes sur une ligne libérale-conservatrice. Mais Macron est plus libéral que nous et Le Pen est plus conservatrice que nous ! ».

Le but affiché est de reconquérir « Les 20% qui ont voté Fillon, [c’est] la droite convaincue », ce qui s’annonce compliqué puisque les sondages semblent indiquer que seule une moitié de ces ex-électeurs fillonistes sont certains de voter pour la liste LR.

La composition de la liste s’en ressent. François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie versaillais, opposé « à titre personnel » à l’IVG, ainsi qu’au mariage homosexuel, très proche de Sens commun, passé par le « souverainisme » sans toutefois prôner la sortie de l’Union européenne, a toutes les qualités requises pour séduire le cœur de l’électorat de droite.

On trouve également d’anciennes figures sarkozystes (l’ancien président bénéficiant toujours d’une cote de popularité élevée), comme Brice Hortefeux, Nadine Morano, Didier Guillaume ou l’ancien préfet Frédéric Péchenard. Cette liste a également été rejointe par Les Centristes, nouveau nom du Nouveau Centre d’Hervé Morin (ex-ministre de Sarkozy), constitué par les membres de l’UDF qui avaient rallié la droite sarkozyste en 2007.

Pour ce qui est du projet européen, Les Républicains tiennent à se démarquer tant de l’européisme très marqué de la République en marche, que du nationalisme agressif et potentiellement chaotique du Rassemblement national. C’est que LR a besoin d’ordre et juge les trop grands changements dangereux.

Si l’on prend les questions militaires, LR critique l’OTAN, qui n’est pas « l’outil de la défense européenne », tout en la considérant comme un « outil de coopération avec nos alliés américains », et tout en prônant un renforcement de la « défense européenne », sans toutefois défendre le projet d’armée européenne.

On voit bien là qu’il s’agit de ménager les autres grandes puissances, pour éviter l’affrontement direct, tout en profitant du cadre de l’Union européenne pour affirmer les intérêts du capitalisme français. LR affirme d’ailleurs ouvertement que son « ambition », est d’« agir au cœur des institutions européennes pour être utiles, combatifs et efficaces au service des intérêts des Français ».

LR compte sur l’Union européenne pour protéger « nos entreprises » et « nos intérêts face aux géants de la mondialisation », promouvoir les entreprises françaises, l’agriculture française au sein de l’Union européenne. Cet aspect opportuniste au possible se sent également dans l’affirmation selon laquelle LR serait la formation politique la mieux placée pour porter la voix de la France, car elle est membre du Parti populaire européen, principal parti, et aurait donc ainsi plus d’interlocuteurs que les autres.

Évidemment, cet opportunisme purement bourgeois et purement français n’est pas affirmé directement, et LR compte s’afficher comme défenseur de l’Europe, comme civilisation, dans une démarche très réactionnaire.

Comme chez les « identitaires », ou quelqu’un comme Renaud Camus, on retrouve la défense des racines chrétiennes et gréco-latines de l’Europe (ce qui n’est pas faux, bien que ces racines soient idéalisées et souvent vidées de leur contenu) dans l’idée qu’il faudrait conserver ces racines dans leur « pureté » éternelle (ce qui est profondément réactionnaire). De la même manière, les timides mots sur l’écologie s’inscrivent non pas dans la défense de la Nature, mais de l’environnement « historique » du continent européen.

Enfin, la liste LR aborde, comme il se doit à Droite, le thème de l’immigration. L’amalgame est fait de manière très claire entre « immigration de masse », élargissement de l’UE ou de l’espace Schengen, et terrorisme islamiste. C’est, d’une manière feutrée, modérée, la même idée que le « grand remplacement » de Renaud Camus : tous ces immigrés, arrivant en masse, seraient une menace pour notre civilisation éternelle, et il s’agirait désormais d’une guerre de civilisation.

LR ne va pas, bien évidemment, jusqu’à prôner la « remigration ». Ici, il s’agit du discours habituel de la Droite sur la limitation de l’immigration légale et la lutte contre l’immigration illégale.

Habituel car, comme c’est toujours le cas, on évoque des solutions légales et techniques pour lutter contre l’arrivée des immigrés, mais sans jamais les considérer comme des êtres humains ayant leur dignité, et surtout sans jamais évoquer les causes de l’immigration que sont les ravages causés dans les pays de départ par les guerres et dictatures provoquées et soutenues par les puissances capitalistes, ou la destruction de l’environnement par ces mêmes puissances.

Face au discours uniquement compassionnel de la « gauche » post-moderne, des libéraux et de l’Église catholique, la droite propose un discours purement gestionnaire des « flux » massifs de migrants. Pour les premiers, les immigrés sont vus comme des individus devant « circuler librement », et représentant une « chance pour nous », en oubliant que l’immigration est un drame majeur pour ceux qui s’y lancent, puisqu’ils quittent leur pays poussés par la nécessité, et en faisant semblant d’ignorer que ce discours cache la volonté d’un main d’œuvre pour les capitalistes des pays d’arrivée.

Pour les seconds, Droite et extrême-droite, les immigrés représentent une masse à peine humaine, qui menacerait notre « civilisation », nos « nations », nos « identités ». Libéralisme compassionnel chez les uns, nationalisme et irrationalisme chez les autres.

Pour résumer, LR entend défendre les pions du capitalisme français au sein de l’Europe et mobiliser l’électorat conservateur autour de valeurs réactionnaires, pour maintenir l’ordre actuel, évitant les bouleversements qu’engendreraient un projet européen trop affirmé, ou une rupture trop franche avec celui-ci.

De la même manière, il ne s’agit pas d’affronter directement les puissances étasunienne et chinoise, mais d’utiliser l’Union européenne pour renforcer les positions du capitalisme français. Le parti Les Républicains s’affirme comme un parti vraiment conservateur, tâchant de se maintenir face à ses deux concurrents bien plus forts : LREM et le RN.

Son slogan pourrait être : « La prudence conservatrice ».

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La liste Renaissance soutenue par La République en marche aux Européennes

Le mouvement d’Emmanuel Macron La République en marche propose sa liste Renaissance pour les européennes. Un nom qui se veut progressiste, tourné vers l’avenir, qui se veut en même temps rassurant, inspirant la confiance, mais qui dans le fond autant que dans la forme est très inadapté et purement marketing.

La République en marche

Il faut regarder le programme proposé pour comprendre, car les idées ne sont pas neuves : du capitalisme modernisé. Ce libéralisme se détecte assez aisément. Les premières mesures présentées ont comme thème de faire de l’Europe « une puissance verte ». On peut penser ce que l’on veut de Benoït Hamon et son « Printemps européen », mais lui au moins a bien compris que l’écologie est un combat qui ne saura être mené que par la Gauche.

« Puissance verte » est un oxymore, d’ailleurs, dès l’instant où l’on reste dans le cadre capitaliste.

L’écologie ralentirait le capitalisme, puisqu’elle impliquerait forcément un haut niveau de contrôle sur la production (quoi, quand, comment et combien produire), ce qui n’est pas envisageable dans un système exigeant la croissance permanente.

Par conséquent, cela empêcherait l’Europe de devenir une « puissance » telle que souhaitée par les capitalistes. Pour cette raison, cet appel à une Europe plus verte n’est, au fond, qu’un vernis écolo destiné à s’attirer les faveurs de l’électorat de gauche, et une occasion d’investir dans l’ouverture de nouveaux marchés de l’écologie, comme pourraient l’être les voitures électriques par exemple.

C’est la même logique électoraliste qui pousse, un peu plus loin, à parler de la construction d’une Europe « de la justice sociale et fiscale ». Après tous les changements fiscaux et sociaux qu’a fait LREM, favorisant les gros capitalistes (les fameux « premiers de cordée » comme les appelle Emmanuel Macron) comme la suppression de l’ISF, il apparaît évident que ceux qui ont adopté la même approche politique, sociale et culturelle que ce parti n’ont absolument aucune intention d’améliorer la vie sur ces plans là… ou que leur perception de ce qui est « juste » socialement et fiscalement est totalement déformée.

Les points suivants sont un appel à renforcer la puissance militaire et diplomatique de l’Europe. Il s’agirait alors de « faire respecter l’Europe dans la mondialisation » ce qui signifie en réalité « utiliser l’Europe pour affronter les puissances chinoise et américaine ».

Il convient de rappeler que l’Europe n’est pas une puissance unie, car elle est avant tout constituée de nations dont dont les monopoles sont déjà concurrents dans de nombreux secteurs. Ce sont en réalité les puissances de la France et l’Allemagne dont il est question.

Par exemple, une mesure de la liste Renaissance est de « construire un Pacte avec l’Afrique en développant les investissements et des programmes scolaires et universitaires, en particulier à destination des jeunes filles ».

Est présenté ici un renforcement de la domination – surtout française – sur le continent africain via non seulement l’économie, mais également l’éducation. Il s’agit ici pour les exploiteurs de décider, avec leurs collaborateurs locaux, de ce que les exploités apprendront à l’école : cela donne un cachet plus « doux » à cette domination car il y est question d’éducation, mais qui est de gauche sait que lorsque l’on parle de capitalisme, la formation scolaire sert des intérêts particuliers.

Ce que veut vraiment Renaissance au travers de cette mesure, c’est former les cadres et les travailleurs en Afrique qui se mettront plus tard au service de la France. Le programme dit aussi qu’il faut « donner à l’Europe les moyens de se défendre » et « faire respecter nos valeurs et nos frontières », ce qui s’inscrit aussi dans cette dynamique de guerre, de domination économique et politique, et de préservation des intérêts des pays membres et du couple franco-allemand plus particulièrement.

La question de l’identité européenne est abordée, de la manière typique de la bourgeoisie moderniste.  « L’Europe s’est faite par la culture » (dans le cas de l’union européenne, cela est faux, car elle s’est faite artificiellement et par le haut contre les peuples), donc il s’agit de pousser les étudiants et les artistes à faire leurs études à l’étranger grâce à Erasmus.

Cela n’est pas fait dans une démarche d’ouverture aux différentes cultures nationales, mais plutôt de former plus efficacement la jeunesse pour les futurs besoin du marché du travail et de promouvoir une « culture européenne » artificielle qui s’appuierait sur l’art contemporain, sur Picasso… Le soutien à ces artistes et ces mouvements est ouvertement assumé, conformément à la position bourgeoise sur la question de la culture et des arts.

Le chapitre « rendre l’Europe aux citoyens » est fortement marqué de populisme. Le constat plutôt juste selon lequel « les français se sont éloignés de l’Europe […] car elle leur paraît trop inefficace et technocratique » est présenté. C’est en effet ce qui peut se passer lorsqu’un changement est imposé par le haut, et le phénomène de rejet ne concerne d’ailleurs pas que les Français.

L’Europe n’appartiendra jamais « aux citoyens », puisque son fonctionnement même est anti-démocratique et que ses institutions sont déconnectées de la vie des masses.

Y proposer « plus de transparence et d’action citoyenne » (comme de forcer le Conseil et le Parlement à étudier les suggestions de lois si 1 million de citoyens soutiennent) n’y changera rien, pas plus que cette promesse populiste de « lutte acharnée contre les lobbies » dont on peut facilement douter du sérieux. Ce n’est finalement rien de plus qu’une modernisation des institutions européennes, pour les rendre plus efficaces, tout en leur donnant un air démocratique.

On détecte également le post-modernisme libéral de la liste qui s’affirme à travers le point « Pour une politique féministe européenne » et concernant la lutte contre les discriminations. L’utilisation de l’acronyme LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels et Intersexes) dénote bien la philosophie post-moderne des « marcheurs ».

Quant au féminisme, derrière les grandes proclamations contre les violences faites aux femmes, les inégalités salariales ou de représentation, il n’y a strictement rien. LREM utilise l’image de Simone Veil, la ministre de droite libérale qui permit l’IVG, et défend « les droits sexuels et reproductifs » et « la contraception et l’IVG libres ».

La position de Gauche sur la question est que si l’IVG doit exister, le recours à cette pratique est loin d’être anodin, et que le plus important reste de lutter contre les causes des grossesses non voulues comme celles pouvant avoir lieu durant l’adolescence, ou pouvant être dues à l’inceste, au viol…

Ici, il n’est question que de rendre cet acte 100% libre. Cela est assez représentatif du pseudo-féminisme libéral, qui n’aura jamais la capacité de libérer les femmes de l’oppression patriarcale, puisqu’il les défend en tant qu’individus libres de leurs choix subjectifs, traitant leur corps comme bon leur semble. Il s’agirait, au contraire, de les défendre pour ce qu’elles sont : des femmes, égales aux hommes, partie prenante de notre société, hier féodale et aujourd’hui capitaliste.

Tout cela constitue un programme n’ayant rien de surprenant, venant d’un tel parti : capitalisme, libéralisme à tous les niveaux, un peu de populisme et « d’écologie » pour attirer le plus de monde possible, dans la logique « au delà du clivage gauche-droite ». Cette liste représente les intérêts d’industriels, et des « startuppers » des secteurs en développement (notamment liés au numérique)… de tous ceux qui, finalement, ressentent le besoin d’une Europe protégeant leurs intérêts.

Les 30 premiers candidats de la liste en sont l’illustration : uniquement des cadres, hauts et petits fonctionnaires, notables, petits-bourgeois, un exploitant agricole… Mais pas un seul ouvrier.

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La liste « Urgence écologie » pour les élections européennes

Une liste a été déposée au nom d’ « Urgence écologie », regroupant derrière le philosophe Dominique Bourg, les petits partis Génération écologie (19 membres sur la liste finale), présidé par Delphine Batho, le Mouvement écologiste indépendant d’Antoine Waechter, l’Union des démocrates et des écologistes (UDE), et le Mouvement des progressistes fondé par Robert Hue.

Urgence écologie

On notera que le délégué général de l’UDE, Mathieu Cuip, affirme que son parti soutien la liste LREM-MoDem, tandis que son secrétaire général adjoint, Christophe Rossignol, a officiellement déclaré soutenir « Urgence écologie ».

Que peut-on dire de cette liste ?

Déjà, il s’agit d’une alliance très opportuniste entre plusieurs organisations issues d’horizons différents :

  • Génération écologie (GE) a été tour à tour alliée avec le centre-droit ou le centre-gauche au gré des élections – une fois alliée de l’UMP sarkozyste, une fois dans le giron du Parti radical de gauche (et donc indirectement du Parti socialiste). Sa nouvelle présidente, éphémère ministre de l’écologie sous François Hollande, a fait campagne aux législatives en se revendiquant de la « majorité présidentielle », puis a essayé de prendre la direction du Parti socialiste en tenant un discours assez marqué à Gauche, avant de devenir directement la patronne de GE.
  • Le Mouvement des progressistes (MDP), prétendant vouloir rassembler la Gauche (il se nommait alors « Mouvement unitaire progressiste »), est passé derrière le PS de Hollande. Son fondateur, l’ex-dirigeant du PCF Robert Hue, est même devenu officiellement « représentant spécial » des intérêts économiques du capitalisme français en Afrique du Sud. Après la bérézina hollandiste, le MDP a tenté de présenter la candidature de Sébastien Nadot aux présidentielles, au sein de la « Belle Alliance populaire » du PS, puis de manière indépendante, avant de se rallier directement à Emmanuel Macron, Nadot étant élu député sous l’étiquette LREM. Il a, depuis, été exclu du groupe LREM (pour avoir refusé de voter le budget du gouvernement…).
  • L’UDE, incluait autrefois « Ecologistes » (l’aile la plus opportuniste d’EELV, dont le fondateur, François de Rugy, est aujourd’hui ministre de l’écologie), Génération écologie, et le Front démocrate de l’ex-MoDem Jean-Luc Bennahmias, opportunément rallié au PS sous le quinquennat d’Hollande. C’est aujourd’hui une coquille vide, dont les rares membres ne cherchent qu’à survivre électoralement.
  • Le Mouvement écologiste indépendant (MEI), lui, est issu de ces « Verts » qui refusaient d’ancrer l’écologie à gauche, contrairement à EELV. Rejetant le « collectivisme » (qui est, par essence, « totalitaire ») et le « libre-échangisme », le MEI défend une « économie de marché régulée » et une consommation écologique. Rejetant EELV, mais s’y alliant pour les élections, lorgnant vers le MoDem, le MEI a aussi participé à l’Alliance écologiste indépendante, fondée par le millionnaire Jean-Marc Governatori (qui finance aujourd’hui la liste « gilets jaunes » de Francis Lalanne), liée à la scientologie, au mouvement raëlien, entre autres sectes, ainsi qu’à l’extrême-droite.

Qu’en est-il du contenu ?

« Urgence écologie » défend un programme de « changement radical », appuyant son discours sur la constatation d’une destruction massive de la Nature. Les constats sont justes et il est vrai que ce rappel est toujours nécessaire.

Le document programmatique de la liste comporte ainsi de nombreux graphiques présentant divers aspects de la destruction de la Nature par les activités humaines.

« Le premier élément de cette campagne est de dire la vérité sur l’accélération de la destruction de la biodiversité. C’est une hécatombe, la nature est en train de mourir »

Revendiquant un « nouveau modèle de civilisation », « Urgence écologie » défend des mesures qui peuvent sembler intéressantes, comme le ré-ensauvagement de l’Europe, l’interdiction des liaisons aériennes lorsque le même trajet est possible en train en un temps raisonnable, l’abolition de l’élevage ou de la pêche industriels, etc.

Toutefois, les limites de ce projet apparaissent bien vite.

Tout comme Yannick Jadot, cet attelage d’opportunistes considère que l’écologie n’est « ni de droite ni de gauche » et rejette très clairement la Gauche : «L’urgence ce n’est pas de sauver la gauche mais la planète». C’est, finalement, le même discours qui est tenu par la liste d’EELV et, d’ailleurs, « Urgence écologie » a d’ors-et-déjà annoncé que ses élus siégeront avec leurs frères ennemis d’EELV.

« Urgence écologie » affirme également la chose suivante :

« On est pas un parti supplémentaire de tel ou tel bord du paysage politique. Le propos c’est de dire que maintenant la question qui est centrale c’est l’écologie. »

« Ni droite, ni gauche », « au-dessus des partis », « citoyens contre technocrates », critique de la « consommation », mise en avant de la « décroissance »… Il n’y a rien là de très neuf et on retrouve les thèmes classiques de l’altermondialisme (défense de l’homéopathie, de l’herboristerie, du cannabis thérapeutique), mêlés à ce qu’il faut de populisme et de flou opportuniste pour que ça fasse « moderne ».

En fait de « nouveau modèle de civilisation », « Urgence écologie » prône un capitalisme vert, à travers des baisses de charges pour les entreprises « écolos », l’interdiction des activités polluantes mais l’investissement au service du capitalisme «éthique ». On voit d’ailleurs que le projet de décroissance porté par « Urgence écologie » est en fait une défense du petit capitalisme, à travers les « monnaies locales » notamment.

Si ces gens montrent les muscles face aux « lobbys », qu’ils veulent fermement encadrer et séparer des institutions européennes et nationales, et s’ils parlent de réguler drastiquement les activités des grands capitalistes, jamais il n’est question de remettre en cause ou d’attaquer de front le capitalisme.

Derrière le discours sur les « citoyens », on retrouve toujours la défense des « réseaux d’élus », des associations les plus institutionnelles. C’est bien le vieil opportunisme électoraliste des pseudo-écologistes qui se fait jour.

Des carriéristes qui utilisent le combat écologique pour se faire une place au chaud, soit en se faisant élire de manière autonome, soit en s’alliant et en négociant avec des structures plus grosses. « Urgence écologie » parle d’ailleurs d’une logique de « rapport de force » pour influencer les autres élus, les partis plus forts, les institutions.

En se faisant les hérauts de la « transparence », ils ne sont au service que de leur carrière et d’une relance colorée en vert des institutions de l’Union européenne et du capitalisme plus généralement. Prévoyant qu’on pourrait leur faire remarquer que leur modernisation de l’Union européenne nécessiterait l’assentiment des autres États, ils proposent la création d’une « Communauté Ecologique Européenne avec les pays volontaires » car « on ne peut plus attendre un consensus […] pour agir ».

L’idée est que, si on ne peut changer l’UE, alors il faut commencer à agir via une autre structure. S’il est impossible de convaincre les autres pays de l’UE de faire une politique écologique, alors il sera possible de les convaincre de faire une politique écologique en dehors de l’UE. C’est très peu crédible, et on voit bien là une annonce tonitruante qui cache un vide sidéral.

Ces petits partis ont beau affirmer leur pseudo-radicalité (alors qu’ils sont parmi les plus modérés depuis toujours), ils ont bien du mal à masquer que la première urgence qui les préoccupe, c’est celle de leur carrière. Ils ne peuvent plus se rattacher au PS, difficilement avec LR, et LREM n’a que faire d’eux. Il leur faut donc s’affirmer de manière autonome en espérant pouvoir se raccrocher aux branches politiciennes de forces plus importantes.

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Politique

Faut-il voter pour la liste de Lutte Ouvrière ?

L’organisation trotskiste présente une liste aux élections européennes, afin d’appeler au combat des travailleurs contre le grand capital. Cela se veut cependant uniquement une candidature témoignage, la politique étant totalement rejetée. Lutte Ouvrière scie ainsi la branche sur laquelle elle est assise.

À la dernière place de la liste de Lutte Ouvrière, on trouve symboliquement Arlette Laguiller. Cette dernière fut à un moment très connue dans notre pays ; il y a eu un réel mouvement de sympathie pour cette femme qui, à travers plusieurs décennies, a maintenu le flambeau d’une certaine affirmation sociale de type révolutionnaire. Son opiniâtreté a payé. Lutte Ouvrière n’a toutefois pas su quoi faire de cela et la sympathie a disparu, l’indifférence vis-à-vis de Lutte Ouvrière reprenant le dessus.

C’est que Lutte Ouvrière présente un paradoxe. Son discours est tourné vers les ouvriers, les socialistes, les communistes, appelant à la lutte. Mais ces luttes ne sont jamais définies, le seul horizon étant le renversement du capitalisme. Lutte Ouvrière est en effet une organisation dont l’idéologie est « gauchiste ». Sa logique est celle du débordement permanent au moyen des revendications économiques et sociales. Il n’y a pas d’espace pour les réflexions sur l’actualité politique ou culturelle.

Pour Lutte Ouvrière, toute actualité politique est un piège pour les travailleurs, une perte de temps. Les actualités culturelles sont également considérés comme une dispersion pour les militants, et même pour les travailleurs. La seule chose qui compte, ce sont les revendications contre le patronat afin de former une organisation prête au renversement du capitalisme. Cela a pu en fasciner certains, voyant là un sincère romantisme révolutionnaire ; cela a pu aussi dégoûter et donner une impression de sectarisme, voire de secte.

Dans les années 1970, cela a empêché la fusion prévue avec la Ligue Communiste Révolutionnaire, elle aussi trotskiste. La LCR, elle, cherchait inversement la « dialectique des secteurs d’intervention », les militants partant à la conquête des associations, des mouvements, suivant l’adage « tout ce qui bouge est rouge ». De là vint la mise en valeur des « mouvements sociaux », ce qui assurera à la LCR un important succès pavant la voie au Nouveau Parti Anticapitaliste, qui lui ne donnera rien.

Les militants de Lutte Ouvrière et de la LCR se distinguaient ainsi radicalement. Pour entrer à Lutte Ouvrière, il fallait auparavant montrer patte blanche, suivre un certain moule. Pas de boucles d’oreille pour les hommes, ni de cheveux longs, il fallait également un habillement passant inaperçu dans les milieux populaires. Les militants se fréquentent entre eux et ne connaissent pas d’autres horizons. Le style était rigoureusement conservateur sur le plan des mœurs. À la LCR, il était au contraire décadent, avec le culte de l’amour libre, du style de vie hédoniste, etc. Les deux ne pouvaient pas s’entendre pour cette raison même.

Lutte Ouvrière n’est aujourd’hui, évidemment, que l’ombre d’elle-même. Elle cède à la pression du capitalisme moderne ; elle est par exemple prête aujourd’hui à la légalisation du cannabis, que jamais elle n’aurait accepté de par le passé. Son accentuation militante sur la clandestinité a disparu : pour connaître la liste des cadres, il suffit de regarder les listes électorales, et même les tracts donnent des numéros de téléphone. Le ton n’est pas du tout triomphaliste et il est clairement expliqué qu’il faut tenir en attendant des temps meilleurs.

Les gens qui votent pour Lutte Ouvrière ne s’intéressent la plupart du temps pas à tout cela. Il y a toujours un vote très à gauche en France, quelle que soit la liste. C’est histoire de montrer l’attachement à une affirmation révolutionnaire. Ce faisant, ce n’est pas politique, c’est romantique. Cela a sa dignité, évidemment. On peut dire qu’on veut la révolution et ne pas trouver d’espace politique pour aller de l’avant. On vote alors pour le symbole. Lutte Ouvrière dit elle-même que voter pour sa liste, c’est faire le témoignage qu’il faut faire avancer la cause des travailleurs.

Certains diront que si la liste faisait 10 % cela aurait un sens, et qu’avant c’était plus facile dans tous les cas, car il y avait une Gauche. Les mauvaises langues diront que justement de tels gauchistes n’ont jamais pu vivre qu’à l’ombre des grands partis de gauche, des gouvernements de gauche. Il y au moins une part de vérité. Mais inversement, Lutte Ouvrière a été totalement oublié par les listes de gauche aux européennes. Personne n’a essayé de discuter avec elle, même si on connaît le résultat d’avance. Lorsque les médias ont mis Lutte Ouvrière de côté pour le grand débat, personne ne les a soutenus, et pourtant Lutte Ouvrière a en France plus de légitimité, même électorale, que Génération-s de Benoît Hamon.

Le choix de voter pour Lutte Ouvrière dépend donc d’une certaine mise en perspective. On peut dire qu’on fait un vote témoignage et cela d’autant plus si on apprécie la démarche de Lutte Ouvrière, ou même si on se dit, qu’au moins, il y a quelqu’un pour qui le mot ouvrier n’est pas un gros mot ! On peut aussi voter pour une autre liste, qui elle fait par contre de la politique et ne dit pas la même chose à chaque élection. En espérant ainsi que les choses se décantent. Évidemment, on peut aussi malheureusement ne pas voter, en considérant qu’il faut une remise à plat et que là on ne fait que contourner les problèmes.