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Écologie

La grande prétention des activistes ayant occupé La Défense pour le climat

Des militants et sympathisants d’ONG et d’organisations altermondialistes ont occupé des lieux considérés comme symboliques sur la question du climat. Les sièges de Total, de la Société générale et d’EDF à la Défense, le quartier d’affaire en périphérie de la capitale, ont été bloqués toute la matinée d’hier.

Cela est censé être la plus « grande action de désobéissance civile» ayant jamais eu lieu en France. Le but des activistes était de dénoncer la « République des pollueurs », en expliquant qu’Emmanuel Macron est le Président des pollueurs. L’action était organisée par Greenpeace France, Les Amis de la Terre ainsi qu’Alternatiba – ANV-COP21.

Leur action avait été annoncée dans une tribune sur France-Info il y a quelques jours. On pouvait y lire que :

« Puisque dénoncer, manifester, est nécessaire mais ne suffit pas, le 19 avril, nous sommes prêts à désobéir, massivement, pour nous opposer au partenariat destructeur qui unit grands patrons et dirigeants politiques. Puisque, sous couvert de légalité, ils sacrifient l’intérêt général, nous avons la légitimité pour bloquer la République des pollueurs. »

Dans la matinée d’hier, une organisatrice a expliqué de la même manière au site Reporterre :

« La République des pollueurs, c’est l’alliance toxique entre les grands patrons des entreprises les plus polluantes et le gouvernement qui verrouille la lutte écologique et reste sourd à la mobilisation. Il est temps de faire de la désobéissance de masse. Tant que la politique du gouvernement se fera sous la pression des lobbies, Macron sera président de la “République des pollueurs” et on sera là pour lui barrer la route. »

On a donc vu des gens obstruant l’entrée de ces bâtiments ou occupant le Hall, avec des affiches collées, des banderoles, des pochoirs avec de la peinture sur les sols, et des chants entonnés fortement.

C’est là de la posture, pour parader, de la part de gens qui s’imaginent représenter quelque-chose alors qu’ils ne font que brasser du vent. Leur action était purement symbolique, et d’ailleurs les lieux de blocages avaient été annoncés la veille dans une salle près de Paris où des activistes ont débarqué de toute la France. L’État, qui était forcément au courant, a sciemment laissé faire puisque cela ne le dérange nullement que des gens s’agitent de la sorte.

Cela n’empêche pas certain de se prétendre très radicaux, comme cet individu ridicule que l’on voit dans une vidéo du Monde dire au mégaphone :

« Nous sommes prêtes et prêts à enfreindre la loi et à en subir les conséquences, y compris l’emprisonnement. La rébellion commence maintenant ».

Évidemment, les évacuations, accompagnées de chants tels « CRS, doucement, on fait ça pour vos enfants », ont eu lieu dans le calme, comme le raconte dans cette même vidéo une militante qui trouve que cela s’est « étonnement » bien passé, et que les CRS les soutiennent « presque ».

Ces personnes prétendent qu’il suffit de faire du bruit en dénonçant pour que les choses avancent. Leurs blocages ne représentent rien, tout le monde les aura oublié lundi matin. C’est vain, puéril, et tout à fait contraire aux traditions historiques de la Gauche qui doit ancrer les combats démocratiques dans la population, avec un travail de fond, minutieux, sur le terrain, au quotidien.

Seulement, cela demande de l’engagement, des convictions, du travail répété. Il y a donc des personnes qui trouvent cela bien plus facile de venir se montrer devant des caméras et appareils photos de médias nationaux pendant une journée, plutôt que de lutter pendant des mois contre des projets de destruction concrets, pour la défense de zones humides, de forêts, d’animaux, etc.

La Gauche doit porter en horreur ce genre de parodie de contestation et dénoncer la prétention de ces gens qui veulent confisquer les combats pour l’écologie des mains de la population avec leurs grandes opérations de communication.

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Société

Les Français se sont réduits au travail, à la famille, à la patrie

Ulysse et les sirènes

On peut parler comme on le veut sur l’État français, dire qu’il est laïc, qu’il pratique l’égalité des droits, qu’il préserve la liberté, qu’il maintient la fraternité, etc. En attendant les Français sont ce qu’ils sont et leur horizon est terriblement restreint.

Le capitalisme vend beaucoup de rêves et quand on y croit, on rêve littéralement sa vie. Mais au quotidien, c’est le terre-à-terre qui l’emporte et les intérêts des Français ne vont pas bien loin. Déjà pour eux leur travail est une part énorme de leur identité, c’est-à-dire qu’ils ne conçoivent pas vraiment qu’ils vendent leur force de travail pour vivre. Ils le savent, ils le vivent, cela les insupporte, mais leur travail reste leur identité tout de même, sans réel recul. Le taux de syndicalisation en France est pour cette raison très restreint.

À côté de cela, il y a la famille. Bien entendu, fonder une famille fait partie du sens de la vie. Mais le sens de la vie ne s’y restreint pas, il y a aussi les arts, la culture en général ; il y a l’épanouissement des sens, le progrès intellectuel, l’admiration devant la nature, la joie fascinée devant les animaux, etc. Les possibilités du monde moderne sont d’ailleurs ici énormes, et pourtant que voit-on ? Que le repli sur le noyau familial est resté quelque chose de très présent, pour ne pas dire qu’il a tendance à prendre un côté clanique.

S’il n’y avait d’ailleurs pas le capitalisme pour faire imploser les familles ainsi que les couples, les gens en retourneraient pratiquement au patriarcat. Pour caricaturer, la France est constituée de gens refusant totalement le couple, la famille, ou bien de gens résumant leur vie à une forme de couple, de famille, particulièrement replié sur eux-mêmes. Exagéré ? Il suffit de regarder autour de soi.

Et il y a la patrie. Les Français ne sont pas des Suédois ou des Américains : ils ne mettent pas des drapeaux nationaux partout et ne se mettent pas en rage ou en pleurs si on critique leur pays. En revanche, il leur faut leur crise régulière de chauvinisme. S’il n’ont pas leur petit triomphe national, leur petite réussite napoléonienne parvenant à la tête de l’actualité de temps en temps, ils sont très mécontents.

Autant dire que non seulement tout ce panorama n’est pas terrible, mais qu’en plus il imprègne la société de valeurs réactionnaires. Il y a ainsi un substrat particulièrement nocif sur les idées de Gauche. Comment veut-on qu’il y ait une utopie qui s’affirme chez des gens ayant réduit tout leur horizon au noyau familial ? Comment veut-on qu’un esprit de collectivité s’installe – et il devrait s’installer de manière naturelle – chez des gens qui confondent leur existence personnelle et leur soumission individuelle à leur employeur ?

Hiver - Nuit - Vieillesse et mort, Caspar David Friedrich

Il est évident que la Gauche fait face à des obstacles culturels gigantesques. Alors, bien sûr, on peut faire comme les anarchistes, et casser parfois en manifestations ou se replier sur une ZAD. C’est toutefois de l’existentialisme, pas de la politique, et encore moins de la culture. D’ailleurs, qu’ont produit les anarchistes depuis une décennie, sur le plan culturel ? Strictement rien. Au moins, dans les années 1960 il y avait Léo Ferré et être anarchiste, c’était au moins être un peu snob, un peu exigeant sur le plan de l’autonomie des idées. Mais là, franchement, qu’y a-t-il ? Que les anarchistes aient considéré qu’il fallait se précipiter chez les gilets jaunes en dit assez long.

Oh, argumentera-t-on, n’est-ce pas le cas d’une partie de la Gauche ? Oui, c’est vrai et c’est malheureux. La majorité de la Gauche cependant n’a pas concrètement soutenu les gilets jaunes ; seule une partie s’est prononcée pour, voire a participé au mouvement. Et c’est une grave preuve de désorientation culturelle. Que le Parti socialiste soit obligé d’aller chercher Raphaël Glucksmann est un exemple assez pathétique de cela, justement. Comme si la Gauche n’était pas capable d’apporter des idées nouvelles, des gens nouveaux, comme si elle devait aller chercher ailleurs de quoi pouvoir exister.

Ce que fait Raphael Glucksmann justement, on peut le noter, est la même chose que ce qu’Emmanuel Macron a fait avec François Hollande. Être de gauche, mais pas vraiment, se présenter comme techniquement très utile, même si on n’a aucun parcours à Gauche et que philosophiquement, on ne sache même pas ce que c’est… Et l’on croit qu’avec Raphael Glucksmann, on va être capable de se confronter aux valeurs réactionnaires de la France profonde ? C’est tout simplement impossible.

Après, c’est une question d’objectif et d’analyse de la réalité. Si l’on pense que le capitalisme est indépassable et qu’aucune crise ne peut ébranler la France, alors soit. Si on a conscience toutefois de la gravité historique de la situation, si on sait qu’on a un tournant, il ne faut pas tergiverser. Il faut travailler, travailler et encore travailler.

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Société

Un général pour superviser les travaux de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Fleuron du patrimoine historique, la cathédrale Notre-Dame de Paris voit les travaux de « reconstruction » passer sous la coupe d’un général. Une logique nationale-catholique choisie par Emmanuel Macron en phase avec son soutien à la chasse à courre.

On ne peut pas reconstruire une œuvre médiévale et ce qu’il faudrait, c’est une réhabilitation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, pas une « reconstruction ». Cependant, le catholicisme et la bourgeoisie veulent une continuité du statu quo social, culturel, idéologique. Il faudrait faire comme si rien ne s’était passé, pour prouver que rien ne peut se passer.

Cela a été le sens de la réunion du conseil des ministres le 17 avril avec la mairie de Paris, les architectes des bâtiments de France et les responsables des monuments nationaux. C’est le sens de l’appui des grands monopoles au financement (LVMH et la famille Arnault 200 millions d’euros, les Bettencourt et L’Oréal 200 millions d’euros, la a famille Pinault 100 millions d’euros, Total 100 millions d’euros, Bouygues 10 millions d’euros, Marc Ladreit de Lacharrière 10 millions d’euros, etc.)

C’est le sens de la nomination par le conseil des ministres de Jean-Louis Georgelin à la tête de la supervision des travaux de reconstruction. On est là au cœur de la réaction, puisqu’il s’agit d’un général d’armée cinq étoiles qui a occupé les fonctions de chef d’État-Major des armées de 2006 à 2010.

Il est également Grand-croix de la Légion d’honneur, Grand-croix de l’ordre national du Mérite, Commandeur de l’ordre des Palmes académiques, Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, Médaille commémorative française avec agrafe « Ex-Yougoslavie », Médaille de l’OTAN pour l’ex-Yougoslavie, Grand officier de l’ordre de Saint-Charles de Monaco, Commandeur de la Legion of Merit USA, Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique, Commandeur de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne, Grand officier de l’ordre Abdul Aziz de l’Arabie Saoudite…

Commandeur de l’ordre du mérite de Centrafrique, Commandeur de l’ordre du mérite du Bénin, Commandeur de l’ordre national du Mali, Commandeur de l’ordre national du Niger, Commandeur de l’ordre national du Tchad, Commandeur de l’ordre du mérite de Pologne, Bande de l’Ordre de l’aigle aztèque du Mexique, etc.

Il a également été grand chancelier de la Légion d’honneur : c’est lui qui a remis le grand collier de l’ordre à François Hollande lors de son élection en mai 2012…

Et ce militaire a été le grand responsable des interventions militaires françaises en Côte d’Ivoire, Afghanistan, dans les Balkans, au Liban ! Quel symbole qu’un tel militariste, qu’un tel interventionniste, soit le responsable de la « reconstruction » de ce qui est censé n’être plus qu’un dispositif religieux !

Au lieu que cela soit un « civil » expert en patrimoine, on a un militaire. Au lieu d’avoir une œuvre médiévale appartenant à l’héritage culturel national, on a un appui ouvert à la France la plus réactionnaire.

C’est même tellement vrai que ce général n’a pas hésité à remettre en cause la soumission de l’armée au pouvoir civil. Reprenant la question du conflit sur le budget entre Emmanuel Macron et son chef d’état-major Pierre de Villiers en 2017, il a affirmé en 2018 sur France Culture que :

« Ce qui reste (de cet épisode) à mon sens dans les armées aujourd’hui, c’est cette agression verbale du président de la République sur le chef d’état-major. »

C’est là affirmer que l’armée serait intouchable, tout comme les notables considèrent la chasse à courre comme intouchable, tout comme la réaction en général considère que la religion catholique est intouchable.

Il est d’une gravité a absolue qu’un telle figure militaire soit à la tête de la « reconstruction ». Cela va conférer un prestige immense à l’Armée au moment de la fin de celle-ci. Cela renforce le bloc national-catholique en France, cela appuie les étroits rapports entre la direction de l’Armée et le Vatican.

La Gauche, assumant ses valeurs historiques, doit vigoureusement dénoncer ce dispositif réactionnaire.

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Politique

Thomas Guénolé sort avec pertes et fracas de LFI

Importante figure intellectuelle et organisatrice de La France Insoumise, Thomas Guénolé dénonce des rapports viciés au sein de ce mouvement, alors qu’il est lui-même accusé très lourdement pour ses comportements avec une femme.

Thomas Guénolé est une figure importante de La France Insoumise ; il en était notamment coresponsable de son école de formation. Il vient de quitter ce mouvement avec pertes et fracas, accusant Jean-Luc Mélenchon d’être un autocrate. Le Comité électoral du mouvement l’a en retour retiré de la liste électorale pour les Européennes.

Cette démission est strictement parallèle à une accusation faite par La France Insoumise :

« Le comité électoral a reçu un signalement d’une jeune femme dénonçant des faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel de la part de Thomas Guénolé. »

Il n’existe pas encore de précision à ce sujet ; c’est là donc une situation particulièrement odieuse dans tous les cas, que l’accusation soit vraie ou bien une manœuvre pour évincer Thomas Guénolé, ce que celui-ci explique dans son communiqué que voici.

On notera que Thomas Guénolé est passé par Sciences Po (où il a été ensuite professeur), ainsi que par l’une des meilleures écoles de commerce française, EM Lyon. Il est l’un des grands théoriciens de l’anéantissement du clivage Gauche/Droite.

Il appelle cela la « quadripolarisation » de la vie politique. La politique française serait composée de quatre blocs : celui des altermondialistes, celui des individualistes, celui des conservateurs et celui des nationalistes.

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Politique

Les 150 ans de la démocratie directe suisse

Les gilets jaunes ont comme leitmotiv le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qu’ils considèrent comme la panacée pour résoudre les problèmes liés à la domination d’une « caste » technocratique. Ce 18 avril 2019, on célèbre justement les 150 ans de la démocratique directe à Zurich, ce qui a ouvert la voie au « style » référendaire à la suisse. C’est l’occasion de voir que ce que demandent les gilets jaunes n’est pas original, ni par ailleurs conforme aux exigences populaires.

Le 18 avril 1869, ce fut à Zurich le triomphe des populistes, comme Johann Caspar Sieber, qui entendaient réduire le parlement à une sorte de commission préparatoire. 60 % des voix se portèrent sur une réforme constitutionnelle, établissant le référendum comme base des décisions, supprimant donc la démocratie représentative pour la remplacer par ce qui sera par la suite appelé la « démocratie directe ».

Quelques années plus tard, la Suisse dans son ensemble effectuait un pas décisif dans cette direction ; rappelons qu’il s’agit d’une confédération, avec donc une très importante décentralisation. Mais c’est là justement le problème : comment le peuple peut-il s’exprimer dans son ensemble, si on le découpe en tranches ? Ou bien faut-il alors rejeter le principe de la souveraineté populaire à l’échelle nationale ?

Cette problématique a également beaucoup marqué le mouvement ouvrier, par exemple avec l’opposition entre Rosa Luxembourg et Lénine en 1917. Rosa Luxembourg était pour le maintien d’élections et d’un parlement, alors que Lénine était pour le pouvoir des soviets, c’est-à-dire des comités populaires organisés à la base.

Le système suisse, qui s’est ensuite également développé surtout dans l’Ouest américain sous l’impulsion des « populistes », n’a évidemment rien à voir avec les soviets. Il correspond en fait au rêve anarchiste de décentralisation absolue, où des individus décident de ce qui leur semble individuellement le plus adéquat. De nombreux penseurs socialistes utopiques en furent d’ailleurs une source idéologique locale.

À partir donc du 18 avril 1869, à Zurich, 5 000 citoyens peuvent appeler à un vote pour modifier une loi ou la constitution. Toute modification de la constitution ou des lois exige également un référendum, tout comme les dépenses supérieures à 250 000 francs suisses. La composition du gouvernement et les conseils communaux sont pareillement élus directement.

De manière très intéressante par rapport aux gilets jaunes, Zurich mit également en place une banque cantonale, pour faciliter l’obtention de crédits. Le parallèle est ici flagrant. Dans une même perspective, les impôts deviennent désormais progressifs, avec les riches devant payer davantage.

L’objectif est ici de souder la communauté, sur une base libérale solidaire, et de mettre de côté les patriciens, c’est-à-dire les capitalistes fortement développés et exerçant une pression conservatrice très forte. Leur grande figure était Alfred Escher, qui fut responsable du conseil d‘État, président du conseil d’administration du Crédit Suisse, président de la direction de différentes sociétés de chemins de fer, etc.

Il s’agissait ni plus ni moins que d’empêcher que les grands capitalistes fassent passer les institutions et l’administration sous leur coupe. C’est un peu la même chose avec l’opposition entre républicains et démocrates aux États-Unis. Mais c’est uniquement un conflit entre riches et ceux qui vont le devenir, tout comme Emmanuel Macron représente la nouvelle vague de riches contre l’ancienne.

Et il n’y a aucune expression politique populaire ni aux États-Unis ni en Suisse, car les bourgeois nouveaux combattent les bourgeois du passé en mobilisant le peuple contre ceux-ci, les accusant de tous les maux dans les institutions et l’administration. Comme en plus le système est particulièrement décentralisé, les mentalités se réduisent à des perspectives locales, empêchant toute envergure dans le raisonnement.

Impossible surtout de voir des classes sociales dans un tel découpage localiste, dans ces considérations individuelles et cette volonté de chasser les anciens pour mettre des nouveaux, sans qu’il n’y ait aucune considération sur le contenu. Tout serait une question de personnes, de nouvelles personnes contre les anciennes personnes.

C’est la raison pour laquelle la Gauche historique ne peut pas accepter cette logique populiste. La Gauche historique raisonne en termes de parti politique avec un programme établi par ses membres, avec une fonction d’avant-garde pour exprimer les intérêts du peuple. Le populisme propose lui un remplacement formel d’individus pour que le « système » se remette à fonctionner.

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Culture

Balance ton quoi, le nouveau clip d’Angèle

La chanteuse belge Angèle a sorti récemment le clip de sa chanson Balance ton quoi.

Le titre est évidemment une référence à la vague d’affirmation des femmes sous le mot-clef #meetoo (moi aussi), qui en français a donné #balancetonporc (un mot-clef par ailleurs très irrespectueux pour les cochons).

Ce clip présente, en plus de la chanson, une scène très sympathique, dans une « académie anti-sexiste », où des hommes sont éduqués pour combattre leurs attitudes erronées envers les femmes. Les traits sont forcés en apparence, mais les propos sont très bien vus. Ils représentent tout à fait la façon dont les femmes comprennent le fonctionnement des hommes, notamment le fait qu’ils ont souvent du mal à comprendre que « non, c’est non ».

Cette idée de l’éducation, via une académie, en fait un point de vue très démocratique, puisqu’il ne s’agit plus seulement de dénoncer les hommes, mais il y a l’espoir de les rendre meilleurs, par le dialogue et l’intelligence collective, sociale.

C’est un contre-pied évident à la Gauche post-industrielle, post-moderne, qui pensent contourner le problème individuellement, en niant la réalité de la différence entre les femmes et les hommes, alors qu’il faut au contraire affirmer la dignité des femmes, comme le fait Angèle.

La mise en scène du clip et la chanson elle-même sont dans un style décalé très belge, à l’image de ce qu’à pu produire Stromae : avec les couleurs pastels et les paroles, on comprend que le sujet est pris au sérieux, mais en même temps abordé de manière légère. La même chose fait par des Français, le fait de dire « d’aller te faire en… mmm », serait vulgaire, alors que là cela ne l’est pas vraiment !

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Société

Notre-Dame de Paris : désacraliser le point zéro des routes de France

La cathédrale de Notre-Dame de Paris relève du passé, du patrimoine national, ce n’est pas une « actualité ». Elle ne peut pas être « reconstruite ». À moins de l’intégrer dans le dispositif idéologique religieux.

Emmanuel Macron, lors de son allocution à la télévision après la catastrophe du 15 avril 2019, a affirmé la chose suivante :

« Il nous revient de retrouver le fil de notre projet national, celui qui nous a faits, qui nous unit : un projet humain, passionnément français. »

C’est le fond philosophique justifiant sa position selon laquelle la cathédrale de Notre-Dame de Paris devra être reconstruite dans les cinq ans. Et c’est un double problème.

En effet, la cathédrale Notre-Dame ne relève pas de l’actualité nationale, mais de l’héritage culturel national. Ce sont deux choses fondamentalement différentes. Les catholiques font tout justement pour présenter la cathédrale comme une actualité, quelque chose de vivant, reliant le passé au présent et même au futur, dans une fusion du national et du religieux.

Cela ne peut pas être le point de vue de la Gauche. En fait, la seule position tenable pour la Gauche par rapport à la cathédrale Notre-Dame de Paris est que celle-ci devrait être un musée. Il faut radicalement désacraliser ce lieu au cœur de la capitale. D’ailleurs, il y a un point sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui est le centre symbolique des routes de France, la distance par rapport à Paris étant calculé par rapport à elle, et ce depuis 1739.

Le vrai centre de la ville devrait en fait être à la pointe de l’île de la Cité ; on aura compris qu’il s’agit de faire de Notre-Dame un symbole national-catholique, ce qui fut l’objectif de Victor Hugo. Ces derniers jours, on a eu beaucoup de commentaires comme quoi ce serait également le bâtiment représentatif de la France, ce qui n’a jamais été le cas, puisqu’on parlerait bien plutôt de la Tour Eiffel ou bien du château de Versailles.

Il faut briser tout cela, sans quoi on laisse le champ libre à la religion catholique. Ce qui amène au second problème : la reconstruction. Car tout en liant la cathédrale à l’actualité nationale (et non au passé), Emmanuel Macron entend poser une continuité nationale-religieuse, d’où son propos lyrique comme quoi :

« Nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore. »

Or, une œuvre architecturale médiévale ne peut pas être rebâti et rendue plus belle encore. On peut reproduire quelque chose à l’identique, mais la dimension historique en disparaît alors. Et ce serait une tromperie. Pas évidemment selon les catholiques, qui voient une continuité dans la cathédrale. D’où la grande importance qu’ils ont eu à souligner qu’avaient été sauvés des flammes « la sainte Couronne, la tunique de saint Louis, un morceau de la Croix et un clou de la Passion » (mettons entre guillemets ces folies). On est là en pleine superstition la plus délirante.

Il y a également la manière dont a été présenté le fait que Jacques Chanut, qui est président de la Fédération Française du bâtiment, a trouvé le coq de la flèche dans les décombres. Que ce soit le président qui le trouve, alors qu’on le pensait perdu, est présenté comme une sorte de miracle. Et ce n’est pas pour rien, car ce coq contient des reliques : une partie de la Sainte-Couronne d’épines, une de Saint-Denis et une de Sainte-Geneviève.

S’agit-il de contribuer à une telle superstition ? Absolument pas. Et comme toutes les cathédrales d’avant le XXe siècle appartiennent à l’État, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement. C’est comme pour l’École d’ailleurs : il est inacceptable que l’État rémunère les professeurs des écoles privées. Il faut même que toute l’École passe sous la supervision de l’État.

Le catholicisme, qui a été utile dans le passé, cherche à maintenir ses positions depuis longtemps caduques. Il faut finir le travail démocratique de liquidation des positions des religions dans la société.

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Culture

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, le livre le plus abominable qui ait jamais été écrit

Le roman Notre-Dame de Paris. 1482 connaît un nouveau succès. C’est fort dommage, car l’approche de Victor Hugo relève du syncrétisme républicain – catholique propre à la France.

Le roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris. 1482 a connu un intense regain d’intérêt à la suite de l’incendie partiel de cette cathédrale. Le roman prend ainsi la première place sur le monopole Amazon.fr, et même les onze premières places dans différentes éditions, si l’on omet que la huitième place est prise par un ouvrage collectif sur l’édifice lui-même. Rappelons au passage que l’œuvre est dans le domaine public et qu’on trouve aisément une version epub pour les liseuses ; il est vrai toutefois que le roman est assez long et qu’on peut apprécier de le lire en version papier.

Cela étant, c’est une lecture qui ne plaira qu’aux esprits qui, à l’instar de Game of thrones, se complaisent dans la fantaisie coupée de tout lien avec la réalité, de toute culture historique. Victor Hugo est un mythe littéraire, façonné par l’alliance des catholiques et des républicains, qui l’ont sacralisé comme un immense auteur, Victor Hugo, initialement monarchiste, relève du romantisme français, c’est-à-dire de l’idéalisme réactionnaire.

Voici au sujet de son roman ayant la cathédrale Notre-Dame de Paris comme centre d’orientation le point de vue de Johann Wolfgang von Goethe, le chef de file du romantisme allemand.

« J’ai lu, ces jours derniers, Notre-Dame de Paris, et j’ai dû m’armer d’une bonne dose de patience pour supporter les tourments que m’infligea cette lecture.

C’est le livre le plus abominable qui ait jamais été écrit.

Encore le supplice qu’on endure n’est-il nullement contrebalancé par la joie qu’on pourrait ressentir à la vue de quelque trait véridique de la nature humaine, de quelque caractère humain.

Son livre est au contraire sans naturel et sans vérité. Ses soi-disant personnages ne sont pas des hommes en chair et en os, mais de pauvres marionnettes en bois que l’auteur remue à son gré, en leur faisant faire toutes sortes de contorsions et de grimaces en vue d’obtenir l’effet qu’il se propose.

Quelle drôle d’époque, où non seulement un livre pareil est possible mais où on le trouve supportable et même divertissant ! »

Ces lignes retracent les propos de Goethe en 1831, juste après la publication du roman. Elles témoignent de l’énorme décalage, du fossé absolu même entre le romantisme français et le romantisme allemand. Le premier est ultra-réactionnaire, soutenant le roi et les monarchistes, regrettant un moyen-âge idéalisé. Le second est progressiste et représente la défense des sentiments contre le formalisme du conformisme aristocratique.

Les personnages des romans de Victor Hugo sont justement fictifs, ce sont des abstractions. Victor Hugo les utilise sans aucun effort de réalisme, pour parvenir à ses fins : chercher l’effet du grotesque, faire ressortir du sublime, c’est-à-dire impressionner le lecteur avec des moyens irrationnels.

On est là dans une logique opposée au naturel, une logique religieuse, qui est également celle de René Descartes. Chez Victor Hugo, on a des figures qui n’ont aucun rapport avec la nature humaine, avec la réalité sensible. Les personnages d’Esmeralda et de Quasimodo sont des fantasmagories, des caricatures d’êtres vivants dont les traits grossiers ne font que répondre au besoin de Victor Hugo d’occuper les esprits avec du pittoresque.

Au moins, il y a la volonté de faire passer des bons sentiments. Cependant, c’est lié justement à l’idéologie sociale-catholique, qui est pareillement le noyau idéologique des Misérables, et de l’initiative de Victor Hugo en faveur de la cathédrale au milieu du XIXe siècle. Afin, justement, d’en faire le symbole d’une sorte de syncrétisme français d’un catholicisme social, voire républicain.

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Société

Cathédrale Notre-Dame de Paris : la France dans la stupeur

La France est sous le choc : l’un des grands symboles culturels de son héritage national a été en partie détruit. C’est toute l’Histoire comme aventure humaine qui vacille et la confiance en elle qui est ébranlée.

La France est dans un état de stupeur. La destruction d’une partie de la cathédrale Notre-Dame à Paris sous le coups des flammes l’a littéralement ébahie. Comment une telle chose est-elle possible ? Comment, au cœur de Paris, une œuvre historique commencée il y 850 ans, s’est-elle retrouvée ciblée par les flammes ? Le choc est immense. La confiance en la continuité du progrès est ébranlée.

Car les destructions sont conséquentes, à cause d’un feu ayant pris dans les combles de la cathédrale peu avant 19 h, qui serait parti au niveau d’échafaudages installés sur le toit de l’édifice. Les deux tiers de la toiture ont ainsi été ravagés par les flammes, tandis que la flèche culminant à 93 mètres de haut s’est effondrée sur elle-même un peu avant 20 heures.

Les pompiers sont intervenus rapidement, mais leur grande échelle venue de Versailles, qui mesure 46 mètres alors que la cathédrale en mesure 69, n’a évidemment pas suffit. La structure de l’édifice a néanmoins  été sauvée et « préservée dans sa globalité » selon le chef des pompiers. Cela n’était pas évident encore à 21h30, où il n’était pas certain que le beffroi nord soit épargné.

Il est important de saisir que la cathédrale a une double nature. D’un côté, c’est une œuvre d’art, qui relève d’un parcours historique de la civilisation. Cela appartient au parcours de l’amélioration des mœurs à travers la religion comme outil (temporaire), du développement de l’art gothique, à la formation de Paris comme grande ville culturelle.

De l’autre, c’est un lieu qui relève de la religion et de sa folie mystique, de l’adoration délirante pour la « mère de Dieu », avec un infantilisme extrêmement profond. La cathédrale Notre-Dame de Paris est un outil idéologique d’une importance très grande, elle est le symbole de la France comme nation « fille aînée de l’Église ».

Il y a donc toute une souffrance générale dans le pays, soit pour des raisons relevant du patrimoine, soit pour des raisons religieuses. Il n’est cependant pas juste de mettre les deux aspects au même niveau. C’est la question patrimoniale qui prime. La cathédrale appartient d’ailleurs à l’État et relève des Monuments historiques.

Notre-Dame de Paris, c’est avant tout un lieu chargé d’Histoire, construit par le peuple, ayant été un lieu de passage d’une amélioration sur le plan de la civilisation. Ce n’est que de manière secondaire le lieu de la folie religieuse et du romantisme catholique-social tel que celui de Victor Hugo.

La question de la dimension historique de la cathédrale a d’ailleurs été la source d’une vaste polémique lors des travaux d’Eugène Viollet-le-Duc au milieu du XIXe siècle. C’est à cette occasion que la nouvelle flèche a été construite, sans rapport avec celle ayant existé originellement des origines à la Révolution française.

En fait, pour l’héritage culturel national, la cathédrale Notre-Dame de Paris relève de la mémoire ; pour le catholicisme, c’est une actualité religieuse. C’est une opposition de vues qui doit prendre tout son sens dans les réactions à la destruction partielle de la cathédrale. Il a beaucoup été appelé aux dons, la famille Pinault a promis cent millions, etc. : c’est erroné, c’est à la nation toute entière de payer, et donc à l’État.

Encore faudra-t-il savoir de quelle reconstruction il va s’agir. Car la cathédrale de Notre-Dame de Paris appartient non pas à Dieu, mais à l’Histoire, et il ne faut pas tomber dans une reconstruction « à l’identique » qui serait symbolique sur le plan religieux mais constituerait une falsification de la réalité historique.

La problématique est ici d’une haute complexité et exige des choix faits par le pays, pas par la religion. Et à la stupeur doit s’associer la colère : celle contre un État incapable de préserver le patrimoine.

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Culture

La responsabilité du capitalisme dans la destruction de Notre-Dame de Paris

La France est une grande puissance économique, avec un très haut niveau scientifique et technique. Si Notre-Dame de Paris a été partiellement détruite, c’est en raison d’une incapacité à mettre en œuvre des moyens pour la protéger.

La destruction par les flammes de la cathédrale Notre-Dame de Paris ne doit rien au hasard ou à une quelconque absence de chance. La France est en effet très développée, avec une très haute capacité technique. Sur le plan scientifique, il y a parmi les meilleurs ingénieurs du monde, les meilleurs spécialistes du monde.

Et des cathédrales historiques qui connaissent des travaux, il y en a eu de très nombreuses dans le monde et elles n’ont pas terminé livrées aux flammes. Le niveau d’expertise suffisant a pu être obtenu pour cela.

Il y a donc un problème fondamental dans ce qui s’est passé hier 15 avril 2019 et ce problème est très simple : c’est le refus d’investir dans la protection du patrimoine historique. Le capitalisme vise le profit et se moque de la mémoire.

Le Louvre et Versailles eux-mêmes sont pris d’assaut par des mécénats ayant en fait une réelle dimension publicitaire, alors que c’est le spectaculaire qui l’emporte toujours davantage.

C’est la raison pour laquelle la protection de Notre-Dame de Paris n’a pas été à la hauteur. Il n’y a pas eu l’engagement moral, subjectif, pour la protéger, avec des gens suffisamment motivés, déterminés, totalement engagés. Il n’y a pas eu non-plus les moyens matériels mis en place, les millions d’euros de financement pour assurer une sécurité totale.

C’est ainsi une faillite sur le plan de la civilisation. Une civilisation qui ne sait pas protéger ses monuments historiques est condamnée. La destruction des Bouddhas de Bamyan par les Talibans en Afghanistan a reflété une crise totale de ce pays, incapable d’assumer une histoire millénaire avec toutes ses facettes, toute sa richesse. De la même manière, la destruction par les islamistes des mausolées de Tombouctou a témoigné d’une incapacité historique du Mali à assumer et protéger son patrimoine.

Imagine-t-on l’Inde perdre le Taj Mahal, la Russie perdre les églises historiques des villes de son « anneau d’or », Prague perdre le pont Charles ? C’est rigoureusement impossible à moins de provoquer une secousse totale dans le pays, car cela refléterait une incapacité à assumer l’héritage culturel national. Et c’est exactement le problème en France.

La France ne se préoccupe pas de son patrimoine ; sur le plan subjectif, il lui importe peu que Air BnB colonise certains quartiers parisiens, que les jeunes ne sachent plus réellement qui sont Balzac, Zola, Flaubert, Bernanos, Maupassant, Racine, voire Molière. Il y a une image de la France et elle est considérée comme suffisante. Les vingt millions de badauds arpentant chaque année le parvis de Notre-Dame-de-Paris avec leurs appareils photos et leurs perches à selfies satisfont les édiles.

Le contenu n’intéresse plus personne quasiment ; au nom du capitalisme triomphant et du consommateur roi, l’héritage national est nié ou bien réduit à une image d’Épinal dont Stéphane Bern se fait le chantre ridicule.

Le capitalisme réduit l’héritage culturel national à un divertissement ou à quelque chose de figé et d’abstrait, d’inaccessible. Le résultat en est la négation de la culture, le dédain pour le patrimoine. Les seuls critères sont le profit et le cosmopolitisme touristique, ainsi que la valorisation de clichés pathétiques comme la tombe du soldat inconnu. C’est un nivellement par le bas provoqué par le consumérisme individualiste d’un côté, le repli identitaire de l’autre.

La Gauche historique doit ainsi lever le drapeau de l’Histoire, de l’héritage de la culture national. C’est une exigence fondamentale. Il est affolant par exemple qu’il n’y ait plus de Gauche en Italie, alors qu’il serait facile que celle-ci ressurgisse, en accusant le capitalisme d’être incapable de préserver l’immense richesse architecturale. L’effondrement de Venise est un crime et sa source est bien connue : le capitalisme structuré pour transformer la ville en une sorte de Disneyland.

Paris elle-même se transforme en Disneyland. Et avec cette négation subjective du patrimoine parisien, on a la négligence, le dédain pour sa réalité matérielle historique. C’est cela la cause de la destruction d’une partie de Notre-Dame de Paris.

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Culture

Game of Thrones : ultra-violence et viols, une série inacceptable

La série Game of Thrones est un excellent exemple de décadence. Il y a 25 ans elle aurait été interdite, aujourd’hui elle est célébrée. Les mentalités n’ont pas progressé, elles basculent au contraire dans le goût de l’horreur et le cynisme.

Qui cède au plaisir de se divertir avec des perversions est dans une situation d’échec culturel. C’est une évidence pour qui est non seulement de gauche, mais à Gauche. Et on sait comment le divertissement qui se développe dans notre société cherche le pittoresque, le grotesque, le malsain, le pervers, pour attirer l’attention, frapper les esprits, les impressionner.

Du sexe et de la violence, de la violence sexualisée et du sexe lié à la violence, tels sont bien souvent les ingrédients sordides utilisés par la production capitaliste de biens culturels pour attirer l’attention. C’est inacceptable, et à ce titre la série Game of Thrones est inacceptable. Rien que le premier épisode contient un élément terriblement sordide : un enfant de dix ans est jeté depuis une fenêtre, car en grimpant il a vu la reine coucher avec son frère jumeau ! Rien que là, tout était dit, surtout que le frère dit : « qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ? ».

Qui peut donc accepter de regarder une horreur pareille ? Qui peut accepter de voir une série pour se divertir en acceptant qu’il y ait systématiquement des viols ? Avec d’ailleurs une insistance sur les viols des trois femmes ayant les rôles les plus importants (Daenerys, Sansa et Cersei) ? Comme cette scène, d’ailleurs pas dans la série des livres (où il y a cependant encore plus de viols), où Sansa vient de se voir marier à une brute qui lui dit « déshabille-toi », déchire sa robe, la caméra montrant son visage en pleurs, se focalisant ensuite sur ses cris, le tout en présence d’une troisième personne, son propre demi-frère.

Qui peut se complaire dans les crimes, la torture, les massacres ? Qui peut prendre du plaisir à voir une jeune femme enceinte se prendre un couteau dans le ventre ? Qui peut apprécier de voir quelqu’un avoir ses yeux crevés et sa tête explosée ? Qui peut supporter une séance de torture, culminant avec une émasculation ?

Il faut également voir que la série présente de manière « intéressante » une société à la fois féodale et barbare (ce qui est absurde, les deux sociétés n’ayant rien à voir), où tout est complot et manigance, jeux de pouvoirs et perversion. Et le tout, qui plus est, avec des éléments magiques et mystiques, l’utilisation de mythes, c’est-à-dire des fantasmagories qu’il faudrait jeter aux oubliettes depuis longtemps.

Cette dimension anti-historique empêche d’avoir un aperçu concret de la réalité. On ne peut pas comprendre le capitalisme si on ne connaît pas l’évolution du monde et qu’on s’imagine que la féodalité est l’équivalent de la barbarie de l’époque esclavagiste. On ne peut pas comprendre le monde si on s’imagine que des individus font l’Histoire, parce qu’ils seraient plus forts, plus malins, plus intelligents. Game of Thrones est une machine à écerveler et il n’y a rien de surprenant à cela, à moins de considérer que ce que produit le capitalisme est une bonne chose.

Quelle honte, pour cette raison, de voir des organisations se définissant comme de gauche jouer avec la « hype » autour de la nouvelle et dernière saison de Game of Thrones. C’est là la preuve d’une capitulation morale, d’un refus des valeurs féministes – que dire, de la dignité même des femmes simplement. Une véritable Gauche ne peut être que pour l’interdiction d’une série comme Game of Thrones, pour la condamnation de ce qui est montré.

Il ne s’agit pas d’être libéral et de dire qu’il ne faut pas regarder cette série. Non, il faut prôner son interdiction, son rejet total, sa destruction. Et on sait que justement cette série est très populaire en France, et c’est bien là le problème, et une preuve que la France plonge dans les ténèbres.

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Société

L’école en France, la faillite de la collectivité ?

Cela fait des années et des années qu’en France on regarde ailleurs, qu’on sait que les modèles scolaires sont meilleurs dans pleins d’autres pays, qu’il ne faudrait par exemple plus de cours en classe l’après-midi. Ce n’est cependant qu’un aspect partiel et secondaire du problème, qui est que l’École ne remplit pas son rôle d’éducation générale de la jeunesse, sa mission de civilisation.

L’esprit du capitalisme a renversé les familles, établissant des rapports entre individus aux dépens des notions de collectivité, de responsabilité, de hiérarchie des normes. À moins d’être un libéral-libertaire, c’est une évidence et quelque chose de critiquable. Le Parisien a à ce titre publié un article qui peut servir d’exemple très fort de cette situation toujours plus dramatique, où les individus errent sans jamais trouver de sens à leur propre vie.

Dans l’article « Exclu temporairement du collège, Hugo a « joué toute la journée sur l’ordinateur » », on a ainsi une mère qui pose fièrement avec son fils, tout sourire. Elle est scandalisée que son fils ait eu une journée d’exclusion pour avoir déclenché l’alarme incendie du couloir, lors de l’interruption des cours à midi. C’est typique. Qui connaît l’Éducation nationale sait que les parents sont de plus en plus des fous furieux, considérant que le collège et le lycée doivent agir comme une entreprise dont eux-mêmes seraient les clients. Et le client est roi.

Les propos de la présidente de l’Union locale des parents d’élèves de Villepinte (Seine-Saint-Denis) sont eux-mêmes assez caricaturaux :

« La plupart des gamins exclus restent vissés devant la Playstation, quand ils ne traînent pas en bas des bâtiments de leur cité. »

N’y a-t-il pas des parents capables d’enlever les câbles de la dite Playstation ? N’y a-t-il pas d’ailleurs des parents tout court ? Mais on sait que non. Bien souvent, les parents ne sont pas là, ou bien sont des « copains ». Les parents ne veulent pas être parents, c’est trop de responsabilités, ils veulent juste consommer leurs enfants.

Non pas que l’Éducation nationale soit irréprochable, au contraire même : elle vacille toujours plus, elle n’a plus de fondamentaux, tout le monde fait semblant que les choses tiennent, mais rien ne tient plus. Les professeurs sont autant arrogants qu’il y a 25 ans, sauf que les élèves ne se laissent plus faire et les conflits sont nombreux. Les jeunes ayant une culture idéologique par contre totalement nulle, cela tourne à l’antagonisme nihiliste.

Cependant, il faut bien voir qu’avec 2 500 élèves exclus en moyenne chaque jour rien qu’en Île-de-France, c’est la faute de l’Éducation nationale, pas de la jeunesse. La pédagogie qu’il faut qualifier de morbide qu’on trouve à l’école est tellement peu vivante qu’elle est considérée comme insupportable. Rien de plus normal.

À cela s’ajoute le fait que le personnel n’est pas formé, que des classes entières sont confiées sans supervision à des personnes, professeurs ou surveillants, qui ne savent pas comment se comporter avec des adolescents. Cela devient vite dramatique et les heures de « colle » pleuvent comme Don Quichotte se bat contre ses moulins. C’est absurde au possible, mais l’Éducation nationale n’est capable de s’intéresser qu’à ceux qui sont considérés comme des très bons élèves d’un côté, et à ceux qui se heurtent frontalement à sa routine de l’autre.

> Lire également : Le délitement de la discipline dans les établissements scolaires est de moins en moins supporté

Cela ne veut pas dire qu’il faille sombrer dans le populisme pour autant. Sinon, on en arrive à célébrer les gilets jaunes, ce que certains font, ce qui est honteux, anti-intellectuel, anti-socialiste, à rebours de tous les enseignements du mouvement ouvrier.

Il faut au contraire de la lucidité, de la clairvoyance, de l’intelligence sociale. Il ne faut avoir aucune peur, quand on est de gauche, qu’on est pris entre le marteau de l’ennui proposé par l’école et l’enclume de jeunes aliénés par une société capitaliste qu’ils voient comme leur seul horizon.

Il faut affirmer haut et fort la morale et la justice, la supériorité de la collectivité sur le l’égoïsme, du général sur le particulier. La jeunesse, par définition, a soif d’apprendre, elle ne demande qu’à absorber ce que les adultes sont capables de lui transmettre. Et la principale chose qu’il y a apprendre, c’est à vivre ensemble, pour s’épanouir ensemble.

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Politique

Acte 22 des gilets jaunes : désormais comme Nuit debout

La petite minorité des gilets jaunes perpétue sa tradition, vaine et ayant lassé le pays depuis longtemps. C’est une faillite intellectuelle totale, mais les gilets jaunes ne conçoivent même pas de quoi il peut en retourner.

22 samedis d’affilée ! Sur ce plan, c’est un indéniable succès, la preuve d’une grande ténacité, et c’est bien le problème. Comme il était dit dans le monde romain, Errare humanum est, perseverare diabolicum, L’erreur est humaine, l’entêtement [dans son erreur] est diabolique. Tout ça pour ça, tout pour rien, avec comme seul horizon l’amertume, c’est terrible.

En 22 samedis, il n’y a eu aucune progression sur le plan des idées, de l’organisation, des valeurs. Il n’y a eu aucun saut qualitatif, et ce malgré les multiples changements de situation selon les samedis. Le grand symbole de ce 22e acte des gilets jaunes, c’est d’ailleurs leur nombre à Toulouse : 4 500. Un nombre ridicule de par l’ancrage de la ville dans un horizon marqué par l’engagement contestataire. C’est le symbole même d’une incapacité à avoir la moindre formulation politique.

Qui est-ce que cela va servir ? L’extrême-droite. Les un peu plus de 30 000 personnes ayant manifesté avec les gilets jaunes ce samedi n’ont qu’un seul rôle, celui de contribuer à saper la légitimité du régime, sans proposer rien d’autre, tout en diffusant les valeurs patriotiques et le refus de toute contestation de la propriété et de la bourgeoisie. Objectivement, ils servent l’extrême-droite, si ce n’est d’ailleurs subjectivement, tellement les raccourcis sur le plan des idées sont littéralement terrifiants.

Cela est vrai partout sur le territoire, des 500 personnes à Caen au 400 à Laval, des quelques centaines à Bordeaux aux 700 à Nantes, des 300 à Nancy au millier de personnes à Lille. C’est un véritable militantisme du néant, un travail au corps de la société française qui, heureusement, somme toute, a fini par se tenir éloignée de tout ça.

Car il est beaucoup parlé par certains de la popularité des gilets jaunes. Mais c’est là confondre une sympathie pour les luttes, pour la critique des puissants, avec une réelle sympathie pour les gilets jaunes. En pratique, n’importe quelle grande manifestation syndicale ou n’importe quelle journée de championnat de football mobilise bien plus de monde. Les gilets jaunes sont une sorte de micro-monde vivant en parallèle, avec une base totalement auto-intoxiquée, précisément comme hier Nuit debout ou les zadistes.

Quand on regardera les choses dans quelques années, on verra que la France a connu une poussée anti-politique, anti-culturelle, portée par les classes moyennes, avec un donc un esprit oscillant entre l’extrême-droite et le populisme anarchisant. On considérera les gilets jaunes comme une sorte de Nuit debout à l’échelle nationale, avec la même capacité d’imagination jusqu’au délire. Faut-il se rappeler du discours des gens de Nuit debout, qui s’imaginaient vraiment qu’une nouvelle constitution allait être mise en place grâce à eux, qu’il allait y avoir une nouvelle Révolution française !

Non, tout cela est anti-socialiste, tout cela est en-dehors de l’Histoire. Il ne reste d’ailleurs plus que le mythe pour porter les gilets jaunes : ceux-ci ont déjà annoncé que le 20 avril serait le prétexte d’une mobilisation de choc ! La fuite en avant continue… Jusqu’à ce que les combattants, épuisés, se jettent dans les bras de la démagogie fasciste.

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Écologie

« Pour que l’agriculture change vraiment, il faut renforcer l’enseignement agricole public »

Tribune initialement publiée dans Libération vendredi 12 avril et sur le site du snetap-fsu :

« Le Salon de l’Agriculture 2019 a fermé ses portes il y a quelques semaines. Une fois de plus pour celui ou celle qui aura traversé les allées du Parc des expositions l’impression est que le bio et le « vert » sont partout. A tel point que l’on se demande s’il existe encore une « agriculture conventionnelle ».

Le Ministre de l’Agriculture en clôture du 56ème Salon de l’Agriculture confirme d’ailleurs ce sentiment en affirmant que la « transition agro-écologique de l’agriculture est en route et qu’elle est irréversible »… et ceci pour la simple raison que la société l’exige.

Mais les faits sont têtus et les chiffres implacables. La simple communication ou l’auto-persuasion, si tant est qu’elle soit sincère, ne suffiront pas à transformer la réalité. Cette année encore ce sont près de 62 000 tonnes de pesticides qui auront été pulvérisées dans les campagnes françaises (dont 8 000 tonnes de glyphosate) avec une utilisation à la hausse en 2017 qui fait s’éloigner un peu plus encore l’objectif d’une baisse de 25 % de leur utilisation en 2020.

Pour l’agriculture biologique, si les chiffres martelés montrent une réelle progression, ils concernent avant tout le marché (7 milliards d’euros, soit + 1 milliard en 2017). Car même si on constate une progression des surfaces en bio, celles-ci ne représentent à ce jour que 1,7 millions d’hectares, soit à peine 6,5 % de la surface agricole utile (SAU), et avec des variations très importantes en fonction des régions et des cultures. Avec une progression de seulement 15 % des surfaces par an, là encore l’objectif, pourtant très mesuré, du gouvernement de 15 % de la SAU en bio en 2022 semble d’ores et déjà compromis. Et ce ne sont certainement pas les difficultés que rencontrent les producteurs bio pour obtenir les aides financières publiques, qui contribueront à donner l’impulsion nécessaire.

Malgré l’urgence pour réduire les pollutions de l’eau, de l’air, de la faune et des populations (aux pesticides et aux nitrates), la dégradation des terres arables (érosion physique, chimique et biologique), la perte de biodiversité qui s’accélère de façon alarmante, les causes du changement climatique, etc., ces quelques chiffres montrent un renoncement politique à la prise en compte des défis auxquels il nous revient pourtant de répondre collectivement et urgemment. De renoncement en renoncement, un changement radical des pratiques agricoles est dorénavant un impératif mais une partie de la profession semble encore vouloir se voiler la face, les lobbies des firmes agricoles et alimentaires n’ayant quant à eux aucunement l’intention de renoncer.

Ces évolutions indispensables des modes de production agricole nécessitent une prise de conscience collective, une réelle volonté politique d’accompagnement et d’investissements dans tous les domaines supports de cette transition nécessaire, notamment ceux de la Recherche et de la Formation et du Développement..

Concernant le domaine clé de la Formation, lors du Salon de l’Agriculture, le Gouvernement a lancé une grande campagne de promotion de l’Enseignement Agricole. Pourtant, derrière cette façade se cache une autre réalité, celle du désinvestissement des pouvoirs publics sur l’Éducation et la Formation, un désinvestissement qui ne joue pas en faveur des conditions d’apprentissage confortées dans les établissements publics agricoles et par suite du développement durable que notre société appelle pourtant de ses vœux – « marches pour le climat » à l’appui !

D’abord en renvoyant aux seules branches professionnelles le financement et la gestion des contenus de la formation professionnelle, le gouvernement, au travers de la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel », semble considérer que les titres et diplômes de demain ne devront répondre qu’aux seuls intérêts des professionnels. Il abandonne l’idée que la formation relève aussi de l’intérêt public et que la puissance publique doit assurer une représentation pluraliste dans les choix et orientation des formations et des métiers de demain. Ainsi, la commission professionnelle consultative (CPC) de l’Agriculture, chargée de l’évolution des diplômes et des formations, fonctionnait jusqu’à aujourd’hui avec l’ensemble des acteur.rices de l’Enseignement Agricole (professionnel.les, parents, enseignant.es, usagers, …). Demain, seuls la FNSEA et l’UNEP pèseront au sein de cette commission, avec les orientations que l’on sait.

Ensuite en réduisant les contenus et la professionnalisation des formations au travers de la réforme de la voie professionnelle et paradoxalement dans le même temps en dégradant la formation générale au travers de la réforme du Baccalauréat, le gouvernement s’attaque aux capacités des futur.es agriculteur.rices et des futur.es technicien.nes du secteur de relever les défis qui se présenteront à eux et elles, et de s’adapter aux évolutions nécessaires de leur environnement professionnel. Comment imaginer, dans ce cadre dégradé, une mobilisation pour faire bouger le monde agricole vers davantage d’agro-écologie ? Ainsi, le retrait de l’agronomie du Bac Général dispensé dans les établissements agricoles est contradictoire avec les enjeux du développement durable, alors que cette discipline est à la base de la compréhension des systèmes de culture.

En tendant à réduire l’Enseignement Professionnel à la seule satisfaction des besoins économiques, en plaçant la formation initiale par apprentissage dans le cadre d’un marché concurrentiel en particulier et en réduisant drastiquement les moyens pour l’Enseignement Agricole Public en général, le gouvernement fragilise, par la reprise des suppressions d’emplois dans l’Éducation, les établissements publics et favorise de fait les structures privées, comme les CFA interentreprises qui commencent à se multiplier. Cette libéralisation de la Formation, qui est en fait le « faux-nez » de la privatisation, fait peser sur elle les risques d’un lobbying encore renforcé. Les contre-réformes en cours et la baisse des moyens programmée pousseront les établissements à chercher des financements extérieurs et notamment ceux provenant des firmes phytopharmaceutiques, des industries agroalimentaires ou encore de la grande distribution.

Enfin, la réorganisation brutale – déjà très contestée – de l’Enseignement Supérieur Public et de la Recherche, relevant du Ministère de l’Agriculture, ne fera qu’aggraver la situation.

Promouvoir une agriculture qui permette demain notre souveraineté alimentaire tout en garantissant la préservation de l’environnement comme de la santé des populations, passe assurément par le maintien et le développement d’un Enseignement Agricole Public présent sur l’ensemble du territoire, mandaté pour porter cette révolution agro-écologique nécessaire, avec des exploitations et des ateliers technologiques dotés en conséquence. Nous sommes plus que jamais « à la croisée des chemins » et la représentation nationale doit prendre toute la mesure des décisions budgétaires triennales qui s’annoncent en regard d’établissements agricoles « à taille humaine », performants, mais déjà fragilisés dans le cadre du budget 2019… Les enjeux sociétaux sont majeurs et abaisser l’outil public d’enseignement et de formation agricole initiale, comme continue, serait une faute historique, sachant que nous ne pourrons pas nous contenter d’un simple ravalement de façade. Ce sont les fondations qu’il est nécessaire de conforter pour assurer cet avenir, et cela ne peut passer que par un renforcement volontariste et assumé comme tel de l’Enseignement Agricole Public.

Les signataires :

Eric ANDRIEU (Député Européen)
Gérard ASCHIERI (Membre du CESE au titre de la FSU)
Karine AULIER (Représentante de la FCPE pour l’Enseignement agricole)
José BOVE (Député européen)
Françoise BRIAND (Secrétaire générale FCPE)
Marie BUISSON (Secrétaire Générale Ferc-CGT)
André CHASSAIGNE (Député du Puy de Dôme)
Pierre CHERET (Conseiller régional Nouvelle Aquitaine)
Gilles CLEMENT (Paysagiste, botaniste, biologiste, écrivain)
Étienne DAVODEAU (Auteur de bande dessinée)
Elsa FAUCILLON (Députée des Hauts de Seine)
Jean-Luc FICHET (Sénateur du Finistère)
Sylvie FILIPEDASILVA (Co-Secrétaire Général CGT-Agri)
Sigrid GERARDIN (Co-Secrétaire générale Snuep-FSU)
Guillaume GONTARD (Sénateur de l’Isère)
Bernadette GROISON (Secrétaire Générale FSU)
Sylvie GUILLOU (Secrétaire nationale Snuitam-FSU)
Jocelyne HACQUEMAND (Secrétaire Générale Fnaf-CGT)
Joël LABBE (Sénateur du Morbihan)
Françoise LABORDE (Sénatrice de la Haute-Garonne)
Michel LARIVE (Député de l’Ariège)
Jean Marie LE BOITEUX (Secrétaire Général Snetap-FSU)
Laurent LEVARD (Agro-économiste – Co-animateur Agriculture et Alimentation de la FI)
Laurence LYONNAIS (Agent de développement local, candidate FI aux élections européennes)
Myriam MARTIN (Conseillère régionale Occitanie)
Philippe MARTINEZ (Secrétaire Général CGT)
Pierre OUZOULIAS (Sénateur des Hauts de Seine)
Roger PERRET (Membre de la commission agricole du COCT – Fnaf CGT)
Laurent PINATEL (Porte parole Confédération Paysanne)
Dominique PLIHON (Porte parole ATTAC)
Christian PRAT (Chercheur en sciences du sol, IRD)
Loïc PRUD’HOMME (Député de la Gironde)
Marie-Monique ROBIN (Journaliste, réalisatrice et écrivaine)
Eve SAYMARD (Agronome, accompagnatrice à l’installation / transmission agricole)
Stéphane TRIFILETTI (Conseiller régional Nouvelle Aquitaine)
Aurélie TROUVE (Enseignante-chercheuse AgroParisTech)
Paul VANNIER (Co-responsable du livret éducation de la France insoumise)
Thomas VAUCOULEUR (Co-Secrétaire Général CGT-Agri)
Michèle VICTORY (Députée de l’Ardèche)
Jean ZIEGLER (Vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies) »

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Politique

« Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co »

Depuis de nombreuses années, tous les bobos d’Europe de l’Ouest se précipitent à Berlin. Cependant, cette capitale a la particularité historique d’être populaire, avec historiquement un nombre très importants de squats portés par la gauche alternative des « autonomes », qui aujourd’hui sont légalisés ou ont disparu.

Cet embourgeoisement de la ville a donc provoqué de larges soubresauts politiques, et cela d’autant plus que Berlin étant redevenu la capitale de l’Allemagne, car cela impliquait une énorme série d’achats par les entrepreneurs, voyant ici une cible facile.

Ils ont d’ailleurs été soutenu par la mairie qui, il y a quinze ans, leur a vendu 65 700 logements. À l’époque, Berlin n’était pas encore frappée par la « hype » actuelle.

Il existe pour cette raison en ce moment une campagne à Berlin pour un référendum, appelé « Spekulation bekämpfen – Deutsche Wohnen & Co. Enteignen » – Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co.

L’objectif est l’expropriation des entreprises possédant plus de 3 000 appartements. « Deutsche Wohnen » est particulièrement ciblé, car ce géant capitaliste possède 160 000 appartements en Allemagne, dont 112 000 à Berlin. Ses bénéfices en 2018 ont été de 1,9 milliard d’euros.

Ce référendum est soutenu par les écologistes, Die Linke, ainsi qu’une partie du SPD, notamment Kevin Kühnert. Ce dernier, âgé de 29 ans, est le responsable des jeunes socialistes et un opposant fervent à la grande coalition alliant la Droite et la Gauche. Lors d’un débat télévisé, il n’a pas hésité à affirmer :

« De quel droit quelqu’un aurait-il plus de vingt appartements ? Je trouve cela juste de se positionner à ce sujet. »

Cet épisode est marquant, car au contraire d’en France, la Gauche en Allemagne s’est largement réactivée en puisant dans ses traditions, ce qui par ailleurs est également le cas en Autriche. S’appuyant sur les traditions social-démocrates du 19e siècle ayant permis un puissant enracinement, la Gauche se relève malgré des années de corruption lors de la participation au pouvoir.

Si cela ne signifie pas nécessairement qu’elle pourra réellement avancer, il y a là en tout cas quelque chose de totalement différent d’en France, où la gauche post-moderne, post-industrielle, ou populiste, ne cesse de chercher à enterrer la Gauche historique et ses valeurs.

En ce qui concerne l’expropriation elle-même qui est demandée, elle est censée passer par un dédommagement. Celui-ci serait à hauteur de 36 milliards d’euros, une somme énorme, dont le paiement est peu vraisemblable de la part de la ville de Berlin. D’ailleurs, l’expropriation est censée par ailleurs s’appuyer sur la constitution allemande ; or, cette dernière parle de biens communs à protéger, mais pas des logements, évidemment.

Cependant, on voit qu’en fait c’est la question de la propriété qui est surtout mise en avant, au-delà de la possibilité de concrétisation d’un tel référendum. C’est là quelque chose de normal à Gauche, mais malheureusement cela a totalement disparu en France depuis bien longtemps. À la Gauche historique de réactiver cela.

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Société

Benoît XVI sur l’Église catholique et la dégénérescence du monde moderne

Le pape « retraité » Benoît XVI a fait une longue lettre publiée au sein de l’Église catholique. Il y explique que celle-ci connaît une attaque venant de ceux qui veulent la moderniser, l’adapter à des mœurs qu’ils considère somme toute comme dégénérées. C’est toute la logique mystique d’une « révolte contre le monde moderne ».

La Gauche historique a un grand point commun avec le catholicisme, et cela la distingue de la gauche post-moderne, post-industrielle. Ce point commun, c’est l’affirmation d’une morale et de valeurs bien déterminées, d’une éthique du quotidien. Ni la Gauche historique, ni le catholicisme ne professent le libéralisme. Ni l’une, ni l’autre n’acceptent le discours libéral-libertaire de déconstruction des normes et des valeurs.

Naturellement, la Gauche historique et le catholicisme ont des visions du monde bien différentes. Mais les deux ont des valeurs et en cela, ils sont opposés à une « modernité » capitaliste faisant de l’individu, de ses caprices, de ses « choix », l’alpha et l’oméga du sens de la vie. C’est pour cette raison que l’Église catholique, comme elle professe un mysticisme, est catégoriquement contre le mariage des prêtres. On ne peut être marié qu’à l’Église comme intermédiaire avec le divin.

Cela semble incompréhensible pour une écrasante majorité de Français, catholiques ou pas. Car les Français sont libéraux et ne comprennent pas que tout ne soit pas relatif. Ils ont accepté les règles culturelles du capitalisme comme quoi tout se vaut. Or, les religions ne sont pas relatives, elles viennent de Dieu, si on accepte leur discours.

Évidemment, il n’y a pas de Dieu, donc ce qui est dit est relatif, car le produit de l’Histoire. Le christianisme a joué un rôle progressiste, le catholicisme d’abord, le protestantisme ensuite. Mais c’est du passé et aujourd’hui on n’en a plus besoin. Beaucoup de gens l’ont compris, même de ceux qui croient en les religions ! Et cette incohérence est un problème, car les religions, de leur côté, maintiennent forcément leur discours.

Pour le pape Benoît XVI, donc, la religion n’est du passé, mais un présent ininterrompu, celui de la révélation, et dans un long texte, il défend le caractère sacré des institutions religieuses. Il formule cela avec lyrisme, refusant toute modification, toute « innovation » comme le disent les musulmans :

« L’idée d’une meilleure Église, créée par nous-mêmes, est en fait une proposition du Diable, par laquelle il veut nous éloigner du Dieu vivant, à travers une logique trompeuse par laquelle nous sommes trop facilement dupés. »

Tout cela ne peut évidemment que perturber les catholiques français. « Abus sexuels, un texte troublant de Benoît XVI », dit d’ailleurs le titre d’un article à ce sujet dans La Croix, le quotidien catholique. Le sous-titre de l’article tente de désamorcer l’affaire :

« Analyse Une revue allemande a publié un texte de Benoît XVI dans lequel le pape émérite semble prendre le contre-pied du pape François sur la question des abus sexuels. »

La Croix ment ici et cherche à masquer le problème en tordant les faits. Ce n’est en effet pas une revue allemande, mais la revue du clergé catholique de Bavière et du Palatinat rhénan. Il y a donc une dimension tout à fait légale à ce texte, publié dans un cadre relevant directement de l’Église catholique romaine.

À cela s’ajoute que le texte est d’un pape « retraité », une sommité théologique. Et il a été bien précisé lors de la parution de l’article qu’il y avait l’accord du pape François pour sa sortie. Les derniers mots du texte sont d’ailleurs :

« À la fin de mes réflexions, j’aimerais remercier le pape François pour tout ce qu’il fait afin de nous montrer, de manière toujours renouvelée, la lumière de Dieu, qui encore aujourd’hui n’a pas disparu. Merci, Saint Père ! »

Il est vrai que le texte fait mal à tous ceux qui tentent de réinterpréter le catholicisme de manière libérale ; le quotidien italien le Corriere della Sera parle d’ailleurs d’un « véritable coup de poing dans l’estomac ». La Croix est même obligé de conclure l’article par un autre pieux mensonge :

« Certains vont toutefois jusqu’à mettre en doute la paternité d’un texte dans lequel ils ne reconnaissent pas la plume habituelle de l’ancien pape qui, à 92 ans la semaine prochaine, leur apparaît plus que jamais sous la coupe de son entourage. »

De tels propos sont risibles pour qui sait que Benoît XVI est l’un des plus grands théologiens catholiques de la seconde moitié du 20e siècle et qu’il a toujours défendu les mêmes positions.

Que dit-il, d’ailleurs, dans le texte, ou plutôt que rappelle-t-il ? Que les affaires de pédophilie qui ont récemment fait scandale dans l’Église romaine, où l’on s’aperçoit toujours plus que c’est une forme de violence s’exprimant de manière récurrente dans le clergé, auraient des sources extérieures à l’Église. Il ne va pas dire le contraire, puisque pour lui tous les problèmes viennent du monde matériel et toutes les solutions du monde spirituel. L’Église étant une forme spirituelle, elle est donc intouchable.

Tous les problèmes sont attribués par Benoît XVI à une dégénérescence, le monde moderne en étant son expression la plus complète. C’est pour cela qu’il faut rétablir la Gauche historique et dénoncer la décadence. Il n’y a que trois interprétations : le « monde moderne » est bien car libéral, le « monde moderne » est mauvais car dégénéré, ou bien la société capitaliste est décadente. Le libéralisme et le conservatisme sont d’ailleurs une image inversée l’un de l’autre ; seule la vision socialiste dépasse réellement le capitalisme.

Et, donc, Benoît XVI attaque la dégénérescence. D’où ses dénonciations de la « révolution sexuelle » apparue dans les années 1960, l’hypersexualisation mercantile qui s’est développée, jusqu’à la pornographie, et qui aurait contaminé des pans entiers de l’Église, dans la mesure où il y aurait des propositions de « s’adapter » au monde moderne.

Un exemple notamment mentionnée est le manifeste de Cologne de 1989, signé par des centaines de théologiens allemands, autrichiens, suisses et néerlandais. Un autre est la formation, qui n’est nullement un secret, de clubs homosexuels à l’intérieur de l’Église, menant une très importante guerre d’influence. Le pape François en a également parlé.

C’est que le conservatisme ne peut pas tenir face au libéralisme, effectivement. La religion catholique étant un mysticisme avec un clergé censé être « pur », il y a forcément une contamination par la décadence. Et effectivement, s’il y a davantage de pédophilie dans une société capitaliste en pleine décadence, alors cela se reflète d’autant plus dans une structure comme le clergé catholique avec ses mœurs anti-naturelles.

En fait, Benoît XVI a raison, sauf qu’il croit voir une dégénérescence alors que c’est une décadence, et il croit voir en l’Église quelque chose de pur qui pourrait tenir le choc, alors qu’en réalité c’est une relique du passé, condamnée à être balayée. En ce sens, l’anticléricalisme primaire résumant la pédophilie à l’Église est fondamentalement erroné. Il faut dénoncer la pédophilie en général, et bien voir qu’elle s’étend dans l’Église en particulier, de par ses mœurs mystiques par définition délirantes.

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Culture

Le film Human Traffic aura une suite, en réaction au Brexit

En 1999, le film Human Traffic portait un regard sur la jeunesse populaire britannique et le clubbing, lié à la musique techno. Vingt après, son réalisateur Justin Kiligan annonce qu’une suite de ce film cultissime en Grande-Bretagne est en préparation, et sera une réaction au Brexit.

Human Traffic a trop souvent été caricaturé en France comme étant une éloge un peu grotesque des drogues chimiques et de la défonce gratuite. C’est ne rien comprendre à ce film, qui est surtout le cri d’une jeunesse prolétarienne contre un monde désenchanté.

On y suit le week-end très intense d’un groupe de jeunes à Cardiff en 1999, sur fond de culture club des années 1990. Si la drogue est ultra présente, c’est un parti pris réaliste, mais pas une apologie gratuite. Ce dont il est question en permanence dans le film, c’est du besoin d’avoir des rapports vrais, intenses mais authentiques, ou plutôt intenses car authentiques.

Les drogues, largement liées à la musique techno, sont une tentative d’avoir ces rapports, en s’arrachant au manque de saveur de la vie quotidienne. C’est une fausse route bien-sûr, un paradis artificiel, et ce devrait d’ailleurs être l’un des grands combats de la Gauche que de détourner la jeunesse de la drogue et de l’alcool.

Cependant, le vrai sujet ici est celui de la réalité du monde, et c’est justement le grand intérêt du film que de parler de cela. Le groupe de jeunes attend le week-end avec impatience, comme échappatoire à des petits boulots insupportables et à des situations familiales trop pesantes. Qui n’a jamais rêvé d’envoyer balader son chef comme le fait Nina au début du film ?

Il faut absolument connaître ici cette scène culte, où le principal protagoniste, Jip, propose un nouvel hymne national pour le Royaume-Uni, une sorte d’utopie moderne.

Voici la transcription et la traduction de ce qu’il dit avant de chanter (une traduction de l’hymne est proposée après la vidéo) :

I can’t fucking relax. / Je n’arrive pas à me détendre putain.
Glad to seen I’m not alone, / Content de voir que je ne suis pas seul,

I really want to lose my inibitions. / J’ai vraiment envie de me lâcher.
You Know, be able to talk to strangers. / Tu sais, pouvoir parler aux inconnus.
Break the ice. / Briser la glace.
But I can’t be arsed either. / Mais je n’ai pas envie de me prendre la tête non-plus.
I don’t need this strees on my night off. / Je n’ai pas besoin de stresser un week-end
Britain, chill the fuck out, / Bretagne, lâche-toi putain,
and then show me how to do it. / Et montre-moi comment le faire.
I think it’s time for a new national anthem.  / Je crois qu’il est temps pour un nouvel hymne national.
You know, one I can relate to. / Tu vois, un truc qui me parle.

https://www.youtube.com/watch?v=cTpQcX1PsZM

Je fais en sorte d’être moi-même, de comprendre tout le monde, ce n’est pas rien comme mission. M’intéressant à tout le monde, j’essaie d’apprendre quelque-chose, mais je capte de moins en moins. C’est dur d’être cool ! Notre génération, aliénation, avons-nous une âme ? Urgence de la techno, réalité virtuelle, on est à court de nouvelles idées. Qui est la reine ?

Le rapport avec le Brexit est évident. La société britannique se replie sur elle-même, en s’imaginant qu’elle puisse s’en sortir ainsi, car cela fait déjà 20 ans, au moins, qu’elle est à « court de nouvelles idées ».

Human Traffic a été un succès populaire en Grande-Bretagne, car il correspondait à un état d’esprit, que le réalisateur résume ainsi :

« Je crois que le monde est un miroir d’intention, et si vous faites quelque chose avec l’intention de rassembler les gens, et que les bonnes personnes le voient, qui ressentent la même chose [alors] les gens peuvent se connecter avec cela. »

La culture clubbing n’a cependant pas été en mesure de porter l’utopie de l’ouverture aux autres. Cela est vécu comme un terrible échec par des gens comme Justin Kiligan, car il fait partie de la génération techno des années 1990, qui pensait pouvoir porter une alternative, des valeurs différentes et meilleures que la morale bourgeoise et le libéralisme. Le Brexit est un désaveu terrible pour lui, comme pour de nombreux britanniques.

Peut-être qu’il y croit encore, car il présente la suite de son film ainsi, en ayant l’air très motivé :

« C’est à propos d’une seule race, la race humaine, et c’est une réaction au Brexit », ajoutant que « si jamais une idée a été inventée à 5 heures du matin, après le club, c’est celle de parler à un inconnu. »

Cela peut paraître naïf, car il est évident que la drogue ne permet que de fausses rencontres, des ersatz de rapports sociaux, si l’on peut dire les choses ainsi. Il y a cependant une dignité à cela, de la part de gens qui n’ont pas trouvé le moyen de faire autrement.

Ce manque de lucidité est cependant une grande erreur, qui mène tout droit dans le mur. Si les classes populaires britanniques ont en grande partie soutenu le Brexit, ce n’est pas parce qu’elles seraient intrinsèquement réactionnaires. Le problème est qu’elles se sont fait broyer par le quotidien pendant de nombreuses années, et qu’elles associent maintenant l’ouverture aux autres à seulement de la décadence et du libéralisme.

> Lire également : Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

On ne sait pas ce qu’aura à dire Justin Kiligan dans Human Traffic 2, et on a hâte de le savoir. Mais s’il s’agit juste de faire « une comédie à propos de la génération rave qui se déroule pendant un weekend à Cardiff, Londres et Ibiza », on peut être certain que cela ne suffira pas. À moins qu’il assume servir le libéralisme et la décadence, car il n’y a pas grand-chose de plus décadent en 2019 qu’un week-end à Ibiza…

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Écologie

Soudures défectueuses sur le chantier de l’EPR de Flamanville

L’Autorité de sûreté nucléaire a confirmé hier que huit soudures situées à l’intérieur du bâtiment réacteur EPR de Flamanville (Manche) sont non conformes aux exigences de sûreté. La construction de cette centrale nucléaire gigantesque connaît de nombreux retard, alors qu’elle était censée démarrer en 2012.

Les défaillances sur ces soudures avaient été rendus publique l’année dernière, ce qui révélait un problème de conception très grave et très inquiétant. Elles s’ajoutent à de nombreuses anomalies en tous genres, détectées ou suspectées, qui montrent la folie de ce projet, qui devrait être abandonné immédiatement. Elle montre encore une fois l’instabilité des entreprises capitalistes, y compris dans les domaines censés être à la pointe, comme chez Boeing.

Le Réseau « Sortir du nucléaire » et l’association Greenpeace France avaient alors porté plainte à propos de ces soudures. Voici les arguments alors avancés :

« Soudures défectueuses sur le chantier de l’EPR de Flamanville : le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France portent plainte

Communiqué du 18 juillet 2018

Voici quelques mois, des soudures défectueuses ont été détectées sur des tuyauteries du circuit secondaire de l’EPR de Flamanville ; plus d’un tiers d’entre elles seraient concernées. Ce 18 juillet 2018, le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France déposent plainte à ce sujet contre EDF, Framatome et contre X pour 10 infractions devant le procureur de la République de Cherbourg.

En effet, les industriels ont laissé fabriquer et installer sur le chantier ces tuyauteries dont les soudures ne correspondaient pas aux exigences de sûreté, et omis d’en informer l’Autorité de sûreté nucléaire. Nous ne laisserons pas l’industrie nucléaire jouer la tactique du fait accompli !

Des soudures non-conformes sur des équipements cruciaux

Lors de la conception de l’EPR de Flamanville, EDF avait décidé que certains composants parmi les plus essentiels relèveraient du principe d’ « exclusion de rupture ». N’étant surtout pas censés rompre, ces équipements étaient supposés présenter une qualité de conception et de fabrication à toute épreuve. Leur rupture étant de ce fait supposée impossible, EDF pouvait se dispenser d’en étudier les conséquences. C’était le cas, notamment, de la cuve de l’EPR.

Or d’autres équipements sont concernés par ce principe. Après la cuve de l’EPR, ce sont des soudures du circuit secondaire, qui transfère la vapeur sous pression des générateurs de vapeur vers les turbines, qui sont concernées par un nouveau scandale.

Le 22 février 2018, EDF a dû rendre public ce nouveau défaut, qui faisait l’objet d’échanges avec l’ASN depuis plus d’un an. Ainsi, lors de la préfabrication de ces soudures, en 2012 et 2013, EDF n’avait pas transmis à son sous-traitant Framatome (anciennement Areva) les prescriptions renforcées permettant d’atteindre le niveau de qualité supérieur exigé. Le problème aurait été détecté dès 2015 en usine ; l’ASN n’en a cependant été informée que début 2017. Par ailleurs, ces exigences renforcées n’auraient pas été transmises pour les soudures réalisées à partir de 2016 sur le chantier, si bien que de nouveaux défauts y ont été découverts.

Pire : le 10 avril 2018, de nouveaux défauts ont été détectés par EDF sur d’autres soudures du circuit secondaire, qui avaient pourtant été contrôlées après fabrication et déclarées conformes. Suite à une inspection, l’ASN a déclaré que « l’organisation et les conditions de travail lors des contrôles de fin de fabrication ont globalement nui à la qualité des contrôles ».

Pour l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, cette situation constitue une « alerte sérieuse ». Dans un avis du 11 avril 2018, pointant « des défaillances humaines et organisationnelles », « un manque de rigueur des fournisseurs » et « une insuffisance du système de surveillance mis en place par EDF », il préconise l’extension des contrôles.

Le 30 mai 2018, une nouvelle inspection de l’ASN a mis en évidence une organisation du travail pour le moins perfectible [1] concernant la mise en œuvre des contrôles. Cette affaire paraît semblable à une pelote qui n’en finirait plus de se dévider, chaque inspection révélant de nouveaux défauts et la nécessité d’étendre les contrôles à de nouveaux équipements !

De graves infractions qui doivent être sanctionnées

Le fait d’installer et utiliser des équipements sous pression nucléaire ne satisfaisant pas aux exigences essentielles de sûreté constitue un délit. Sur les tuyauteries concernées, le niveau de sûreté attendu n’est pas atteint et l’affirmation d’EDF selon laquelle « ces circuits sont aptes à assurer leur mission en toute sûreté » relève de la pure mauvaise foi. Cette irresponsabilité est d’autant plus grave au regard des caractéristiques des tuyauteries concernées, dans lesquelles circuleraient plusieurs tonnes de vapeur par minute à une pression de plusieurs dizaines de bars. Comme l’indique le cabinet indépendant WISE Paris dans une note, leur rupture serait susceptible d’entraîner un déséquilibre thermique et de réactivité dans le cœur du réacteur et d’endommager gravement les équipements environnants. Et il ne s’agit pas d’une anomalie isolée : selon l’ASN, plus d’un tiers des soudures du tuyauteries du circuit secondaire présenteraient des défauts [2] !

EDF a également commis un délit en n’informant l’ASN qu’en 2017 de défauts qu’elle avait pu constater dès 2015 en usine. Avoir attendu plus de deux ans constitue-t-il le symptôme d’un dysfonctionnement grave de l’organisation interne d’EDF ? Ou s’agit-il d’une volonté délibérée de retarder le traitement des « écarts » pour bénéficier du fait accompli, les tuyauteries étant alors installées ?

Face à des faits aussi graves et à une telle pratique du fait accompli, il est urgent de mettre un coup d’arrêt aux agissements d’EDF, d’autant que la liste des problèmes n’est sans doute pas close.

C’est pourquoi le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France déposent aujourd’hui plainte pour 10 infractions. Au-delà de la nécessaire sanction d’industriels délinquants, cette plainte doit interpeller les pouvoirs publics sur l’urgence d’abandonner ce chantier catastrophique. Ce réacteur criblé de malfaçons ne doit démarrer sous aucun prétexte !

Consulter la plainte

Notes

[1] Contrôles effectués à la lampe frontale dans des lieux peu éclairés, interrogation sur la qualification des agents en charge des contrôles, etc.

[2] Voir la déclaration de Pierre-Franck Chevet, Président de l’ASN, devant laCommission d’Enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité nucléaire le 7 juin 2018 : « La procédure [de vérification] est en cours et nous en attendons le bilan global de façon imminente. D’après les indications dont nous disposons, environ 35 % des soudures présenteraient des défauts ». »

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Politique

Marion Maréchal prépare un après Marine Le Pen

Dans un entretien à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal rappelle sa présence, comme elle le fait régulièrement maintenant. Son positionnement est subtil : elle n’intervient pas formellement dans le débat politique, tout en donnant son avis pour être celle « qui l’avait dit ». Cela lui permet de laisser les autres faire, probablement se tromper, et de se présenter plus tard comme un recours.

L’entretien à Valeurs Actuelles est précédé d’une présentation élogieuse de Marion Maréchal, où l’on apprend des choses sur elles, sur sa vie, ses ambitions. Cela permet d’exprimer ce que Marion Maréchal ne peut dire elle-même. C’est savamment orchestré, et on a compris depuis longtemps à quel point la revue de la Droite traditionnelle a fait le choix de l’ancienne député Front national.

Le moment a donc été bien choisi. L’entretient est publié alors que la campagne pour les élections européennes est lancée, mais qu’elle ne bât pas encore son plein. On nous explique qu’elle vient parler « d’Europe », mais que le sujet « Les européennes » serait « trop politicien » pour elle.

C’est qu’il s’agit surtout de préparer l’après, tout en travaillant au passage sa posture de femme d’État, cultivée, minutieuse et, surtout, stratège. Les fondamentaux sont rappelés, rabâchés : ce qui compte est le conservatisme, c’est-à-dire une expression de Droite, dans sa version traditionnelle, viscéralement opposée à la Gauche.

« Je me suis moi-même toujours définie comme une femme de droite. Le clivage droite-gauche continue d’irriguer la vie politique française, mais il n’épuise pas tous les autres clivages présents »

Cette question des « autres clivages » est très importante, c’est le cœur de sa divergence stratégique avec Marine Le Pen. Cette dernière, lorsqu’elle a pris les commande du Front national, a élaboré une stratégie d’écartement opportuniste du clivage Gauche-Droite.

C’est un choix populiste, « facile » d’une certaine manière car correspondant au niveau de dépolitisation de la société française. Cela est considéré comme insuffisant par Marion Maréchal :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

Si Jean-Luc Mélenchon est cité, c’est évidemment de Marine Le Pen qu’il s’agit, puisqu’ils ont une stratégie et une expression quasiment identique. Leur seul différence est de dire l’inverse l’un par rapport à l’autre sur la question de l’immigration.

Marion Maréchal a bien compris que cela revenait au même sur le plan idéologique, qu’il s’agissait dans les deux cas d’aller au nationalisme. Ce qui l’intéresse cependant est d’ordre politique, c’est-à-dire la façon de prendre le pouvoir. Elle explique ainsi :

« Deux gros blocs ont depuis émergé : celui du centre droit et gauche d’Emmanuel Macron, ainsi que le bloc populiste (je ne partage pas la diabolisation de ce mot, qui a des relents d’anathème dans la bouche de certains) de droite et de gauche. Deux blocs inadaptés à notre système électoral qui entraînent une situation de blocage. »

La question de fond est bien-sûr la question culturelle, celle des valeurs. C’est pour cela qu’elle parle de « République islamique » au sujet de Jean-Luc Mélenchon, pour discréditer son nationalisme, lui ôter toute substance. Elle dit ni plus ni moins qu’il faut en revenir aux fondamentaux de la Droite, des valeurs conservatrices de la Droite, car ce sont les sujets culturels, suffisamment clivants, qui mobilisent et devraient permettre de prendre le pouvoir.

Ce qu’elle suggère est une position intermédiaire, non pas entre les populistes, mais entre le populisme issu de la Droite, celui de Marine Le Pen, et la Droite conservatrice elle-même :

« C’est à la France de se faire une place dans le dispositif [de l’Union européenne, NDLR]. De marquer sa différence. D’être capable d’engager un rapport de force. Je ne crois pas que Marine dise autre chose. François-Xavier Bellamy non plus d’ailleurs. À la seule différence que Bellamy est plus difficile à suivre, car enfermé dans une forme d’« en même temps ».

Pour résumer simplement, il a du mal à dire que l’Union européenne est un échec dans sa forme actuelle. De mon côté, le postulat de ma réflexion repose sur l’affirmation qu’il s’agit d’un mauvais système, inopérant, mal pensé, mal conçu et philosophiquement délétère pour les nations européennes. »

Elle dit aussi, de manière encore plus politique :

« Le populisme est moins un programme qu’un style : il existe des populistes de gauche et de droite. C’est un mouvement polymorphe. Ses caractéristiques pourraient être un chef charismatique, le rejet des élites et du système de manière générale, la défense d’une démocratie idéale contre une démocratie représentative qui serait dévoyée, l’appui exclusif sur les classes populaires.

Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute. Il faut rassembler autour d’une vision commune et non faire de la politique catégorielle. »

Ce qu’elle reproche à Marine Le Pen, c’est-à-dire de proposer un populisme qui manquerait de substance culturelle et de profondeur civilisationnelle (d’où, de son point de vue, l’importance de la classe « moyenne et haute »), elle le reproche inversement à François-Xavier Bellamy :

« J’ai également conscience qu’en France le conservatisme, en tant que courant politique, est mort et enterré depuis la IIIe République. Il s’était largement construit dans la contre-révolution, intrinsèquement liée au catholicisme français. Aujourd’hui, un conservatisme français émergeant de nouveau après de telles décennies de silence ne pourrait pas se contenter de ressusciter ce courant-là.

François-Xavier Bellamy dit en substance la même chose, quand il affirme que, s’il y avait quelque chose à conserver, il serait pour, mais qu’il faut tout changer.
Je suis d’accord avec lui sur ce point : conserver quoi ? Il faut s’entendre. Mais entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui affirme préférer conserver Macron. »

Ce dernier aurait donc raison sur le plan culturel, mais il ne serait pas suffisamment enclin à accepter le nationalisme de Marine Le Pen, ce qui serait son erreur, qu’elle entend corriger.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Marion Maréchal fait donc de la politique, de manière très sérieuse, très impliquée, très stratégique, en visant le long terme. Son ennemi est bien évidemment la Gauche, l’idée même de socialisme, d’une société pacifique aux valeurs universelles. Il est donc impératif pour la Gauche de la prendre très au sérieux, et de se mettre au niveau, en travaillant ses fondamentaux pour avoir une vision du monde conséquente à lui opposer.

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Politique

Les parlementaires de Gauche contre la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP)

Des parlementaires de droite et de gauche ont lancé une procédure consistant à récolter des signatures pour organiser l’opposition à la privatisation de la société Aéroports de Paris (ADP).

Si on peut douter de la pertinence de vouloirs défendre les aéroports de Paris en tant que tels, il est certain qu’une privation compliquerait une politique de réduction du trafic aérien, pourtant si nécessaire sur le plan écologique.

Les députés et sénateurs de Gauche ont eu un rôle majeur dans la procédure référendaire visant à contester la privatisation. Les groupes socialiste et communiste au Sénat ont produit un communiqué commun à ce propos :

AÉROPORTS DE PARIS: DONNONS LA PAROLE AU PEUPLE !

Depuis des mois, le groupe Socialiste et Républicain et le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste contestent au Sénat et dans le pays la privatisation des aéroports de Paris. Cette privatisation est un non-sens économique, budgétaire et environnemental : la concession pendant 70 ans à un opérateur privé rapportera moins à l’Etat que les bénéfices de l’exploitation, affaiblira le service public pour les usagers aériens et insécurisera les riverains face aux nuisances.

Privatiser ADP c’est :

– Livrer une entreprise chargée de missions de service public à des logiques actionnariales privées avec le risque d’une hausse des tarifs et d’une baisse de la qualité des services pour les usagers et les compagnies aériennes (Air France)

– Perdre la main sur des infrastructures stratégiques de notre pays qui sont des outils de structuration et d’aménagement de notre territoire

– Abandonner des prérogatives régaliennes en termes de sécurité, de sûreté et d’accueil sur le territoire national

Face à ce constat, nos groupes ont contribué au rassemblement de plus de 185 parlementaires pour déposer une proposition de loi référendaire visant à rendre ces aéroports non privatisables. Ce texte propose que l’aménagement, l’exploitation et le développement de ces aéroports relèvent d’un service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946 et doit donc nécessairement rester dans le domaine public.

Cette procédure inédite dans notre histoire parlementaire est aujourd’hui nécessaire pour empêcher la privatisation des aéroports, qui serait une dramatique erreur, à l’image de celle des autoroutes.

Nous appelons désormais le Président de la République et son gouvernement à renoncer à leur projet de privatisation et à sanctuariser le service public aéroportuaire francilien, soit de leur propre chef, soit en laissant le peuple trancher par référendum. Il est temps de tirer les leçons du grand débat et de la crise et de donner la parole aux Français, sur ce sujet majeur.