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Écologie

Un exercice militaire provoque un vaste incendie dans le Var

L’armée est un appareil replié sur lui-même et déconnecté des besoins de notre époque.

Depuis le jeudi 16 juin, une bonne partie de la France de l’ouest est en alerte canicule et le Var enregistre une vague de chaleur importante, avec des températures de plus de 30°c, mais ne relevant par de la canicule car soumis à d’autres seuils d’alerte.

Il n’empêche que depuis le 1er avril 2022, le Var est en alerte sécheresse, avec des situations très inquiétantes dans certains endroits où l’étiage des cours d’eau est particulièrement bas alors que l’été ne s’est pas encore installé.

Et pourtant, c’est dans un tel contexte climatique catastrophique que l’état-major du camp militaire de Canjuers dans le nord du Var a continué ses exercices de tirs militaires en toute quiétude. Alors même qu’il était logiquement demandé aux automobilistes de ne pas jeter leurs mégots de cigarette par la fenêtre, justement pour prévenir le risque d’incendie…

Mais la nonchalance des militaires a eu pour effet de déclencher un incendie samedi 18 juin, d’abord maîtrisé puis reparti dimanche après-midi, avec d’ors et déjà 1000 hectares partis en fumée. Ce sont plus de 300 pompiers, 4 canadairs et 1 hélicoptère qui ont dû être mobilisés pour circonscrire le feu.

D’ailleurs une enquête a été ouverte par le parquet militaire de Marseille pour connaître les conditions de sécurité des exercices, mais il ne faudra évidemment pas compter sur grand chose pour obtenir la transparence nécessaire au jugement de tels actes criminels.

C’est que le camp de Canjuers est un dispositif stratégique par l’armée française dans le cadre plus général lié à l’OTAN. Par exemple, en avril, quarante soldats ukrainiens sont venus sur le camp pour être formés à l’usage du canon Ceasar dont la capacité est de 6 obus par minute, soit un hectare détruit par minute, pour une portée de 40 km. Bref, c’est un véritable engin de mort moderne qui rase tout, et très vite…

Cela en dit long sur l’aspect stratégique de ce camp dans le dispositif général de l’OTAN, Canjuers étant le plus grand champ de tir d’Europe. Il faut s’imaginer ce camp militaire de Canjuers qui s’étend sur 35 000 hectares de pleine nature, regorgeant d’animaux et d’insectes en tout genre, un écosystème qui est soumis à rude épreuve avec 333 jours de tirs de missiles et d’obus par an, pour un total de 1,6 millions de projectiles lancés.

A ce titre, le feu dans le camp de Canjuers n’a pas pu être au début freiné car il progressait dans une zone fortement polluée par d’anciens explosifs et des restes de missiles non explosés. On croit rêver… ou bien être dans un film de science-fiction ! Malheureusement, ceci est bien la réalité, une réalité militaire le plus souvent dissimulée au grand public et qui se trouve sur le devant de la scène lors de drames comme cet incendie..

D’ailleurs, la barbarie militaire au point de vue écologique, c’était justement le thème développé par l’association « Stop fuelling War » (cessez d’alimenter la guerre) lors du campagne militante « la guerre nous coûte la terre » en opposition au salon d’armement Eurosatory qui se tenait entre le 8 et le 17 juin à Villepinte.

Car, en effet, la guerre c’est l’expression la plus aboutie de tous les maux de la société capitaliste, avec une armée façonné par cette même société, elle et ses valeurs hiérarchiques anti-démocratiques et sa séparation aristocratique d’avec la société dite civile et ses préoccupations. On ne peut s’empêcher de penser ici à la très bonne caricature de cet état d’esprit militariste faite par Stanley Kubrick dans le film « Full Metal Jacket »…

L’incendie provoqué par des tirs d’exercice militaire en pleine sécheresse caniculaire est une énième illustration de pourquoi l’armée des sociétés capitalistes avancées est, à tous les points de vue, une partie du problème et non pas de la solution.

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Guerre

La France s’enfonce toujours plus dans le bellicisme

La tendance à la guerre modifie l’orientation même de l’appareil d’État.

Lors de son passage au salon de l’armement Eurosatory à Paris, Emmanuel Macron a déclaré que la France devait rentrer dans une économie de guerre et que cela allait durer. Il en a profité pour appeler à une réévaluation de la loi de programmation militaire qui planifie les dépenses militaire de l’armée française.

La loi actuelle à été établie en 2018 et planifie les dépenses jusqu’à 2025 c’est-à-dire dans 3 ans avec l’objectif d’avoir 2% du PIB français investi dans l’armée à cette date.

Vouloir aujourd’hui augmenter subitement cette programmation est le signe que la guerre sur le territoire ukrainien a changé la donne dans le rapport entre les pays et que les choses s’accélèrent rapidement, prenant une tournure militariste toujours plus assumée.

Avec les nombreuses livraisons d’armes au régime ukrainien, mais aussi le déploiement de soldats et de matériel dans les pays de l’Est, la France a diminué ses stocks militaires alors même que les tensions entre grandes puissances oblige à massifier et diversifier les armées. Il faut donc suivre la course aux armements, et reconstituer des stocks revus à la hausse.

Tout cela était déjà un très mauvais signe concernant l’évolution des choses mais un article du Monde (payant) publié lundi 13 juin nous apprend qu’un texte de loi est en train d’être mis en place pour autoriser l’État Français à réquisitionner des éléments économiques du secteur civil pour renforcer les capacités militaires de la France.

Par matériel, il faut comprendre la mobilisation des usines, machines et travailleurs compris. Ce texte de loi vise à reproduire le « Defense Priorities and Allocations System Program (DPAS) » adopté dans les années 1950 aux États-Unis pour réquisitionner certains secteurs industriels, non pas simplement en temps de guerre mais aussi pour préparer la guerre.

Concrètement des secteurs industriels tels que l’aviation, le naval, l’électronique, l’usinage et le décolletage, la plasturgie ou bien encore le textile, qui ne produisent habituellement que partiellement ou pas du tout de matériel militaire, pourraient stopper leur production civile pour se concentrer sur une production militaire à la demande directe de l’État.

Au vue des pénuries qui frappent le monde entier, il est à parier qu’il y aura un volet spécifique sur la réquisition de certaines matières premières en vue de cette production, des grands groupes tels qu’ArcelorMittal pourrait ainsi se voir réquisitionner différents métaux, par exemple.

Le fait que cette loi soit directement initiée par la direction générale de l’Armement (DGA) est significative de la poussée belliqueuse au sein de l’appareil d’État. Ce qui se passe, c’est une transformation progressive de la ligne de conduite dans l’appareil d’État, avec une prise en compte assumée de la tendance à la guerre.

Et de fait, cette transformation passe par le renforcement de l’influence dans l’État du commandement militaire dans la politique générale, mais aussi des grands fabricants d’armes. Il faut penser ici à Nexter, Naval group, Arquus, Dassault, MBDA, Thalès dont le poids économique pèse parfois beaucoup, comme dans la région de Bourges où l’industrie militaire représente 7 000 salariés.

Cela se fait évidemment sans débat général dans la société, dans une sorte de « révolution de palais » alors même que les peuples sont entraînés dans une logique belliqueuse et militariste de leur pays. Et c’est un mécanisme dont il est difficile de revenir en arrière une fois qu’il s’est lancé…

Car cette tendance historique qui met le complexe militaro-industriel toujours plus au centre de l’économie, et donc de la société, stimule entre autres choses les innovations technologiques. A ce titre, les quelques critiques à propos de l’industrie de guerre font souvent l’erreur de ne considérer seulement le poids économique de l’industrie d’armement, sans voir que la question n’est pas uniquement quantitative mais aussi qualitative, soit la capacité d’orienter et de dynamiser les choses.

C’est une perspective que les sociétés capitalistes ont bien connue dans les décennies 1910-1920, 1940-1950, ou dans une autre mesure dans les années 1980, où les industries de guerre omniprésentes dans le tissu industriel, puis aux commandes de l’État pendant les guerres mondiales elles-mêmes, ont permis des modernisations d’ensemble, que cela soit avec l’automobile civile, l’aviation civile et l’informatique et Internet.

Ce qui se joue ici, c’est le cœur même de la crise avec d’un côté la tendance à la guerre qui modifie la direction dans l’appareil d’État, contribuant à un régime anti-démocratique (et non plus simplement non-démocratique), ce qui a pour conséquence de l’autre côté, de générer un terrain pour la restructuration capitaliste elle-même.

Ainsi, il faudra suivre de près ce qui va se passer avec cette proposition de loi, notamment en scrutant qui va voter pour ou contre à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cela permettra de voir qui soutient le capitalisme français et va nous emmener vers la guerre, et qui soutient les peuples sur une base pacifiste et démocratique.

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Guerre

Eurosatory : le complexe militaro-industriel français sur le devant de la scène

L’Union européenne doit devenir un outil pour la guerre.

En tant que grande puissance, la France est connue et reconnue pour ses exportations de denrées agricoles, de produits de luxe, mais aussi pour sa production d’armes. Après les États-Unis et la Russie, la France est le troisième pays exportateur d’armes dans le monde.

Un commerce qui se porte bien, voire très bien puisqu’il a dépassé les 2 000 milliards de dollars dans le monde en 2021. De fait, depuis la pandémie de Covid-19, et plus encore avec la guerre en Ukraine, les budgets militaires des grandes puissances (mondiales et régionales) ont explosé, et la France compte bien conserver sa part du gâteau.

C’est dans cet état d’esprit qu’Emmanuel Macron s’est rendu au salon international de l’industrie de la défense et de la sécurité Eurosatory qui se tient du 13 au 17 juin au parc des expositions à Villepinte, salon qui se présente lui même comme « le mondial de la défense et de la sécurité ».

En temps normal, c’est le ministre des Armées qui se rend à ce salon lancé en 1967 au camp militaire de Satory par le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT), ce monstre du militarisme en France.

Ce salon fut lancé d’ailleurs un an après l’annonce officielle par le général de Gaulle du retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, ce qui suffit à montrer à quel point Eurosatory est une illustration de comment la France tend à être une puissance belliqueuse à part entière.

Lors de son discours d’inauguration, Emmanuel Macron a annoncé la couleur d’entrée de jeu :

« Cette confiance [à l’égard des industriels] s’inscrit dans un contexte inédit, et je pense que nous devons tous à cette occasion et dans les temps qui viennent en tirer les conséquences, celle aussi d’une entrée dans une économie de guerre dans laquelle je crois nous allons durablement devoir nous organiser.

C’est-à-dire dans une économie dans laquelle il faudra aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour voir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos forces armées, pour nos alliés et pour celles et ceux que nous voulons aider.

Une économie au fond dans laquelle on ne peut plus envoyer au rythme et avec la grammaire d’il y a même un an. Tout a changé. »

Ce dont parle Emmanuel Macron ici est la capacité pour les armées des grandes puissances à assurer la logistique, les stocks et l’opérabilité des forces armées dans une guerre contre un autre État, ce que les experts appellent le taux d’attrition.

Si cela était quelque chose de bien en vue depuis plusieurs années dans les états-majors militaires, il est clair que les pertes et les masses de munitions et d’hommes engagées dans la guerre en Ukraine confirment cette tendance.

Par exemple, lors de la bataille de Kharkiv, les forces russes ont utilisé autant de munitions d’artillerie que l’ensemble du stock disponible pour l’armée française pour ses entraînements annuels. Par conséquent, l’enjeu pour les grandes puissances, c’est dorénavant de massifier leurs armées, en termes d’hommes, de stocks, de munitions, etc., mais aussi de les diversifier pour agir sur différentes zones d’intervention.

Cela signifie donc que l’industrie militaire devient un rouage central des économies des grandes puissances et puisque la France détient l’un des plus importants complexes militaro-industriels du monde, elle va être en première ligne de ce processus.

Et Emmanuel Macron en tant que représentant de la bourgeoisie pro-européenne se doit d’assurer la place du complexe militaro-industriel français dans le commerce des armes en Europe, alors que l’industrie américaine la concurrence, notamment par la vente de ses avions de chasse F-35 à bon nombre de pays européens.

C’est pourquoi lors de ce salon, Emmanuel Macron qui occupe depuis le 1er janvier, et ce jusqu’au 30 juin 2022, la présidence du Conseil de l’Union européenne, a appelé à la mise en œuvre d’une « préférence européenne » pour l’achat d’armes des pays membres.

Une perspective plus que concrète puisque depuis 2017, l’Union européenne a un budget commun en charge de l’innovation et de la recherche militaire commune alors même que l’article 41 du Traité de Lisbonne de 2007 interdisait l’utilisation du budget commun européen pour des projets militaires.

Depuis fin avril 2021, elle dispose d’un budget commun de 8 milliards d’euros (fonds européen de la défense) ce qui est en soi relativement peu, mais est énorme puisqu’avant 2017 il n’y avait rien, cela étant interdit par les règles institutionnelles.

Le tournant est tel que le Danemark est revenu par la voie du référendum le 1er juin 2022 sur son retrait historique des projets de défense européen.

Par son appel à une « préférence européenne en matière d’armements », Emmanuel Macron se place donc directement comme le porte-parole du complexe militaro-industriel français, car derrière l’industrie de défense européenne, il y a surtout quatre pays que sont la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

Et dans ce quatuor, la France capte près de 24 % des subventions européennes en matière de recherche et d’innovations militaires, les trois autres pays en recueillant environ 15 % chacun. Les industries françaises sont impliquées dans près de 80 % des projets subventionnés par l’Europe, Dassault étant au centre du projet de drone européen et Thalès (en partie détenu par l’État français) participant à plus de 40 % des projets.

De la même manière que le français Thierry Breton, chargé du très important portefeuille du marché intérieur, de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l’audiovisuel, de la défense et de l’espace est également directeur général d’Atos international, une entreprise spécialisée dans le digital chargée de la modernisation de l’armée de terre française.

Voilà un parfait exemple de la tendance à la guerre qui s’empare de la base industrielle des pays. Un tel renforcement de l’industrie militaire française signifie que le complexe militaro-industriel va toujours plus devenir central dans le développement économique (et politique), alimentant la tendance au repartage militaire du monde.

Dans ce panorama, la France en tant que grande puissance apparaît comme un acteur central de la tendance à la guerre. Une donnée qui s’avère capitale pour quiconque veut lutter pour la cause pacifiste dans ce pays.

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Écologie

Sauvés du massacre, les bouquetins du Bargy restent prisonniers des gestionnaires

Les bouquetins du Bargy échappent temporairement à un sort funeste sans pour autant être pleinement reconnus.

Les bouquetins étaient une espèce qui avait disparu en France, chassée pendant longtemps et faisant office de véritable trophée pour les populations alpines.

Une politique de protection et de réintroduction dans les années 1960 a changé la donne et permis à l’espèce de reprendre ses droits dans les massifs alpins, et notamment en Haute-Savoie dans le massif du Bargy au-dessus de la vallée de l’Arve où vivent un peu plus de 300 bouquetins.

Mais voilà, les Alpes ne sont pas un écosystème où l’Homme aurait décidé de reculer en raison d’une prise de conscience des enjeux écologiques de notre temps. Bien au contraire, et tout le problème se situe là.

De manière complémentaire à l’extension du capitalisme aux villages d’altitude pour la rente de « l’or blanc », l’élevage laitier et ovin a bénéficié d’une connivence avec le business touristique : rester sur place et « entretenir » l’été les prairies qui sont utilisées l’hiver comme pistes de ski. En effet, les troupeaux domestiques vivent l’hiver en vallée et montent l’été en altitude (estive) pour paitre.

De plus, la production laitière bénéfice d’un label AOP qui repose en partie sur la durée de pâturage en altitude, et permet de valoriser des traditions qui alimentent l’imaginaire touristique. On connaît l’image de la journée de ski l’hiver conclue par une raclette ou une tartiflette.

Or le problème, c’est que ce modèle de l’agropastoralisme intégré au tourisme vit mal la proximité des animaux domestiques avec les animaux sauvages, tels que les bouquetins qui peuvent évoluer sur certaines prairies d’estive.

Cette promiscuité a pour conséquence de transmettre certaines bactéries aux animaux domestiques, puis aux êtres humains. C’est le cas de la brucella, une bactérie qui n’était pas à l’origine présente chez les bouquetins, mais plutôt chez les animaux d’élevage. Au fil du temps, les bouquetins sont devenus un réservoir de cette bactérie qui leur cause des lésions génitales, ainsi que de l’arthrite.

Et depuis c’est un cycle vicieux sans fin qui est lancé… En effet, pour continuer à bénéficier de l’AOP, les éleveurs laitiers et bovins doivent être reconnus indemnes de brucellose, car cette bactérie peut ensuite se transmettre à l’homme et provoquer des symptômes grippaux, voir de l’arthrite.

A cela s’ajoute le fait que les fromages basés sur du lait cru, comme l’emblématique reblochon, est le vecteur principal de transmission de la brucella à l’homme, contrairement aux fromages de lait pasteurisé. Et les vallées qui bordent le massif du Bargy sont justement le berceau du reblochon…

À chaque période d’estive, les éleveurs craignent donc de voir une de leurs vaches être contaminée par la brucella, « laissée » par des bouquetins simplement au contact des prairies servant de pâturages d’estive.

C’est ce qui s’était passé en janvier 2012 lorsqu’un enfant du Grand-Bornand fut détecté positif à la brucellose après avoir mangé du lait cru provenant d’un élevage laitier local. Il s’avéra ensuite que les vaches de l’exploitation avaient pâturé dans le massif du Bargy, là où vivent les bouquetins, qui furent identifiées comme porteur de la bactérie.

Depuis, le massif du Bargy vit au rythme des annonces de la préfecture et de ses déboires judiciaires. La préfecture de Haute-Savoie souhaite reconstituer un « noyau sain » de bouquetins pour mieux préserver les intérêts de l’agropastoralisme et de tout ce qui va avec. Cela passe le plus souvent par des arrêtés préfectoraux d’abattages indiscriminés.

Depuis 2012, ce sont 476 animaux qui ont été abattus, malgré l’abnégation de quelques activistes montant régulièrement dans le massif pour empêcher les tirs par leur simple présence. Il faudra attendre l’acceptation en mai 2020 par le tribunal de Grenoble d’un recours suspensif émis par l’association Animal Cross contre un arrêté préfectoral qui prévoyait l’abattage indiscriminé de 60 bouquetins entre 2020 et 2022.

Mais cette suspension vue comme un espoir ne fut que courte durée, car dès l’automne 2021 une vache d’une exploitation de lait cru dont les animaux paissent dans le massif du Bargy fut détectée positive à la brucella, entraînant l’abattage des 240 vaches et veaux de l’exploitant.

Cela mit le feu aux poudres, avec une sorte de front constitué d’éleveurs, de chasseurs et de représentants de la Droite vent debout contre les bouquetins du Bargy, un sénateur centriste demandant carrément l’abattage complet de l’espèce, le siège de la FNE Haute-Savoie subissant un coup de pression à la fin du mois de novembre 2021.

Rappelons que l’on parle ici d’un élevage dont les vaches ont été soigneusement croisées génétiquement par un éleveur n’étant rien d’autre qu’un capitaliste cherchant à grandir sur le marché du reblochon. Ce qui n’a pas empêché certains représentants EELV d’apporter soutien à un entrepreneur pleurant la perte d’un capital.

À la suite de cet abattage de vaches laitières, le préfet Alain Espinasse avait remis l’idée d’un abattage indiscriminé sur le devant de la scène, cette fois-ci massif puisqu’incluant 170 animaux (sur les 320 individus qui restent dans le massif). On parle là d’une action qui vise à faire abattre au hasard 170 animaux, sans savoir s’ils sont positifs à la maladie !

Fort heureusement une coalition de sept associations environnementales et animalistes ont, tout comme en mai 2020, obtenu la suspension de l’arrêté des tirs indiscriminés par le tribunal de Grenoble ce 17 mai 2022.

Toutefois, cela n’empêche pas qu’une gestion moins massive et plus « chirurgicale » de l’épidémie de brucellose chez les bouquetins va continuer à s’effectuer, avec la capture puis l’euthanasie de tout cas positifs, toujours dans l’optique de reconstituer un « noyau sain ».

De fait, c’est la solution médiane qui perdure, et si les bouquetins sont sauvés d’un massacre général, ils n’en restent pas moins toujours les otages d’activités humaines incapables d’être remises en question. Car si l’on en croit les scientifiques, la brucellose est en train de s’éteindre progressivement, avec plus de 90 % de bouquetins sains.

À quoi bon continuer une telle gestion si ce n’est pour faire perdurer un modèle agricole, ainsi qu’une production laitière qui participe à tant sur le plan touristique-capitaliste ?

Il faudrait pourtant en finir avec la production de lait cru qui relève d’une tradition alimentaire obsolète et ouvrir un débat démocratique général à propos de l’agropastoralisme et de ses conséquences écologiques. De la même manière que les bouquetins devraient pouvoir être accompagnés sanitairement contre la brucellose…

L’affaire des bouquetins du Bargy est concrètement une brèche ouverte pour enfin faire reconnaitre la vie sauvage dans son droit absolu à vivre paisiblement sans être prisonnière d’une gestion d’humains eux-mêmes otages de traditions maintenues par un capitalisme tout-puissant.

Mais pour saisir cette brèche, faut-il encore avoir une lecture en terme de Gauche historique et comprendre les méfaits de la société de consommation, de l’aliénation qu’elle implique par rapport à la Nature…

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Écologie

Il faut aider l’Hirondelle et tous les centres de soin pour animaux sauvages

Les structures d’aide aux animaux sauvages doivent être valorisées et soutenues.

Ouvert en 1998, l’Hirondelle est un centre de soin pour animaux sauvages basé initialement à Saint-Forgeux dans le Rhône, comptant aujourd’hui deux autres sites de soins à Dardilly dans le Rhône et à Crest dans la Drôme.

Ces sites permettent de venir en aide aux animaux trouvés dans le département du Rhône, de la Drôme, de l’Ardèche, de la Loire et de la Haute Loire. Fondé au départ pour venir en aide spécifiquement aux oiseaux, sa popularité l’a amené petit à petit à s’adapter pour prendre aussi en charge les mammifères.

Depuis sont ouverture, ce ne sont pas moins de 40 000 animaux sauvages de 220 espèces différentes qui ont été aidés, des hérissons aux faons en passant par les blaireaux ou encore des cigognes. En 2021, ce sont 6 825 animaux qui ont été reçus, un nombre sans précédent alors qu’aucun n’a été refusé.

Le site de Saint-Forgeux est le principal lieu d’accueil des animaux qui en ont besoin car il dispose de plusieurs grandes volières indispensables pour l’apprentissage ou le réapprentissage du vol par les oiseaux. Des oiseaux qui sont tous destinés à retourner à la vie sauvage, sauf lorsque leurs blessures ont engendré des handicaps trop important rendant leurs libération impossible.

Or, l’Hirondelle tire la sonnette d’alarme car la quantité d’animaux à aider est de plus en plus importante, et l’Hirondelle comme toutes les structures qui viennent en aide aux animaux souffrent d’un manque récurent de moyens, tant sur le plan financier que sur le plan humain.

En effet venir en aide à plus de 6 000 animaux par an représente tout un tas de frais tels que l’entretien des salles de soins, des volières, l’achat de la nourriture pour les animaux, les soins vétérinaires, un salaire pour les soigneurs qui travaillent au centre, etc…

Aussi, tout le travail d’entretien des structures comme les volières qui sont régulièrement cassées par la neige durant l’hiver, le nettoyage des locaux et des espaces dédiés aux animaux , le rapatriement des animaux depuis leurs lieux de sauvetage ou pour aller chez les vétérinaires, le nourrissage et les actions de sensibilisation, tout cela demande énormément de travail qui serait impossible sans l’implication des bénévoles qui donnent de leurs temps pour venir en aide au animaux .

Nous invitons toutes les personnes qui le peuvent à aider aujourd’hui financièrement l’Hirondelle pour assurer la continuité de leur travail auprès de la faune sauvage.

Voici le lien vers le site de don  :Faire un don à L’Hirondelle, centre de soins pour animaux sauvages (helloasso.com). Lien vers le site : L’Hirondelle, Centre de Soins pour Animaux Sauvages

Et plus largement aider les centres de soin et les refuges près de chez vous, l’argent et le temps manque de partout, l’implication sur le long terme de gens dévoués pour les animaux et une nécessité urgente et historique.

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L’enrôlement des animaux dans la guerre

La Guerre, c’est la barbarie à tous les niveaux.

L’utilisation d’animaux à des fins militaires n’est pas une chose nouvelle, l’ensemble des conflits qui ont jonché l’histoire de l’humanité depuis la domestication du chien sont marqués par l’enrôlement des animaux.

Les chiens sont utilisés pour surveiller et combattre, avec des races de chien d’aujourd’hui qui sont le fruit d’une longue sélection génétique dont le seul but est qu’ils soient le plus apte aux combats, les bœufs, les chevaux, les éléphants ainsi que les chameaux et les dromadaires servent depuis longtemps pour le transport de matériel et de troupes ou pour des unités militaires spécialisées.

Les pigeons ont aussi été utilisés à des fins de communication pendant longtemps puis d’information durant la première guerre mondiale avec des appareils photo attachés sur leurs ventre, des tests de pigeons bombardiers ont aussi été effectués.

Durant la seconde guerre mondiale, des troupeaux de moutons ont été utilisés pour déminer des territoires, les moutons devant avancer dans les champs de mines et une fois le troupeau partiellement décimé, le champ était déminé…

Des essais avec des chauves-souris incendiaires ont été effectués par l’armée américaine avant d’être finalement abandonnés au profit du projet Manhattan qui développait l’arme nucléaire.

La seconde guerre mondiale est aussi connue pour être le conflit qui a vu émerger les zones sous-marines comme nouveau terrain d’affrontement, ce nouveau cadre a provoqué l’émergence de l’utilisation des animaux marins dans un cadre militarisé.

Ainsi, les armées américaines et soviétiques utilisaient des dauphins qui posaient des mines sur les bateaux, l’armée norvégienne utilisait des phoques pour miner les sous-marins soviétiques.

Plus l’histoire avance et plus les technologies militaires à disposition sont destructrices, ce qui mène inéluctablement à des conflits de plus en plus meurtriers tant pour les humains que pour l’ensemble des animaux enrôlés dans les conflits, cela est d’ailleurs vrai pour l’ensemble de la biosphère.

La guerre qui fait actuellement rage sur le territoire ukrainien n’échappe malheureusement pas à cette réalité. En effet, en 2012, l’armé ukrainienne a relancé dans la ville de Sébastopol située à l’ouest de la Crimée, un programme d’entraînement des dauphins à des fins militaires. Les dauphins sont entraînés à poser des mines, à reconnaître des ennemis, à se battre avec des nageurs, ils sont aussi entraînés à exploiter des armes déclenchées depuis le sol par les militaires.

La Crimée ayant été annexée en 2014 par la Russie, ce centre est passé sous leur contrôle. La capture des dauphins a servi la propagande nationaliste ukrainienne qui déclarait que les dauphins se laisseraient mourir d’une grève de la faim car c’est ce à quoi ils étaient entraînés et que c’était de bons soldats.

Nul doute qu’un bon nombre de chiens doit être actuellement utilisé de part et d’autre de ce conflits pour servir de gardiens ou de combattants.

Le document ci-dessous nous montre les animaux marins utilisés à des fins militaires et par quel pays, ce document ne concernant que les pratiques officielles.

L’irruption du conflit en Ukraine, qui ouvre la boite de pandore des conflits entre grandes puissances, ne doit pas nous faire oublier le sort des animaux, victimes invisibles et innocentes, embrigadés comme de simples machines au service des intérêts militaro-industriels des différents belligérants.

La guerre ne produit que chaos et destructions partout où elle se déroule, et aucun être vivant n’est épargné. Il appartient aux forces démocratiques et populaires d’œuvrer coûte que coûte au pacifisme et d’avancer vers une vie en correspondance avec l’ensemble de la biosphère.

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Guerre

Appeler à la paix, ou défendre le pacifisme ?

Promouvoir la paix est une chose, assumer le pacifisme en est une autre.

Le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a marqué l’entrée dans une nouvelle époque. Une nouvelle époque démarrée bien avant cela pour quiconque scrute les tensions entre grandes puissances, mais qui a été saisie comme telle par beaucoup de gens à ce moment là.

Mais comme il ne reste plus que très peu de positions de l’expérience du mouvement ouvrier dans le peuple, le retour de la Guerre dite conventionnelle, chars contre chars si on veut, est surtout vue de manière unilatérale par les gens, mais aussi par les organisations de gauche.

Grosso modo, tout serait de la faute de Vladimir Poutine, de son cerveau malade, de sa volonté impériale vue comme volonté d’un autocrate isolé dans sa Tour d’ivoire…

Le problème évident d’une telle analyse, c’est qu’elle néglige les tendances historiques de fond, et par là-même elle n’aide pas à faire émerger une large mobilisation précisément contre la Guerre. Pourtant, on l’aura compris, cette guerre ne relève pas d’une anomalie régionale, ni même d’un passé mal digéré, mais d’une tendance de fond qui doit être le support à une prise de conscience pacifiste.

Ainsi lorsque l’on a vu fleurir à la fin février, des appels à la paix, ils se sont quasi immédiatement transformés en des discours alignés sur l’OTAN et la superpuissance américaine.

Ces prises de position ne servaient qu’à acculer la Russie, pour mieux servir les intérêts de la puissance américaine, et cela est d’autant plus flagrant qu’il n’en reste plus rien aujourd’hui. C’est au contraire la course à qui livrera le plus d’armes à l’armée ukrainienne, pour que ses soldats se fassent massacrer au nom de « l’occident ».

On peut même remarquer que les appels à la paix d’il y a peu de temps ne servaient qu’à masquer une volonté de figer les choses, comme si la guerre d’une grande puissance en Europe relevait d’une erreur et qu’il faudrait conquérir la paix pour mieux revenir au « monde d’avant ». D’ailleurs, l’élection présidentielle avec la réélection d’Emmanuel Macron a bien confirmé cet espoir qui n’est rien d’autre qu’un mirage inatteignable.

Avec le recul, on peut même dire qu’en appeler à la paix dans le contexte actuel de la Guerre en Ukraine sonne comme une perspective momentanée, conjoncturelle, et ne faisant que servir un camp contre un autre. En fait, en appeler à la paix ne vaudrait que si cela était porté concrètement par le peuple ukrainien à la base et en antagonisme avec son propre régime, devenu un vassal des États-Unis. Et qu’il y avait également en Russie une base populaire forte pour dénoncer le militarisme de son pays. Et qu’il y avait dans les pays de l’OTAN une opposition forte et franche à l’armée de chaque pays.

Mais de manière générale, se référer simplement à la paix, et non pas au pacifisme, ce n’est pas aujourd’hui s’opposer à la Guerre, cette tendance qui emporte tout dans le cadre du capitalisme en crise cherchant à se relancer.

Car la Guerre en Ukraine relève bel et bien d’une tendance de fond qui emporte le monder entier. C’est bien ce à quoi s’évertue à expliquer en long et en large agauche.org depuis avril 2021, fidèle aux enseignements historiques du mouvement ouvrier, notamment à sa pointe avancée au début du XXe siècle, la social-démocratie allemande.

Si la social-démocratie historique s’est opposée à l’impérialisme, au militarisme, c’est justement parce qu’elle avait saisi que ces aspects du capitalisme contemporain, n’étaient pas des adjectifs supplémentaires à ajouter à une liste de « revendications ».

Par opposition à l’impérialisme et au militarisme, forcément il fallait non pas opposer un slogan conjoncturel, mais une perspective de fond, puisant dans les entrailles de la société humaine, ce qui aboutissait à la défense du pacifisme, à la mise en avant de l’internationalisme prolétarien. Valeurs contre valeurs en somme.

Le fait même qu’il soit parlé de « pacifisme », ajoutant donc le suffixe isme au mot paix, c’est bien pour souligner que cela relève d’un regard général sur les choses, en opposition à un monde capitaliste qui cherche à se relancer en exacerbant ses caractéristiques mortifères, transformant l’exploitation de l’homme par l’homme en tuerie de masses d’hommes par d’autres masses d’hommes.

Mettre en avant, défendre le pacifisme, c’est avoir compris que la guerre n’est pas une affaire momentanée, conjoncturelle, liée à des enjeux ici ou là, locaux ou régionaux, mais bien un aspect à part entière du capitalisme en crise, à part entière car visant à le relancer par sa base même.

En appeler à la paix ne suffit donc pas. Ce dont on a besoin pour aujourd’hui, et plus encore demain, c’est d’un grand mouvement pacifiste internationale, pour faire face à la lame de fond qui s’empare des sociétés capitalistes et du monde entier.

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Écologie

Le Centre ukrainien de réhabilitation des chauves-souris, un phare dans l’obscurité

Des ukrainiens, et surtout des ukrainiennes, à la hauteur de l’époque.

Le déclenchement de l’invasion du territoire ukrainien par la Russie marque le retour de la guerre comme cadre de développement du capitalisme. Cela veut dire que la tendance vers la destruction générale de la biosphère au profit du développement capitaliste va être toujours plus accentuée.

Les effets des combat comme les manœuvres et les attaques participent déjà de cette accentuation, avec les destructions, des terrains entiers retournés par les manœuvres des engins militaires dégageant ainsi le CO2 du sol dans l’atmosphère, les différents incendies de matières en tous genre lors des frappes ou des explosions qui dégagent d’énormes quantités de gaz toxique pour l’ensemble de la biosphère…

Les explosions terrorisent, désorientent les animaux, à l’instar des cigognes, très présentes en Ukraine et en Pologne, et qui vont revenir comme tous les ans de cette région de l’hémisphère nord pour passer l’été. Elles devraient arriver sous peu en Ukraine, si elles n’y sont pas déjà.

Au milieu de cette destruction généralisée, en plein cœur de la ville de Kharkiv, une très grande ville russophone au Nord-Est de l’Ukraine, sous le feu des forces armées russes depuis plusieurs jours, le Centre ukrainien de réhabilitation des chauves-souris ne flanche pas et continue son combat pour la connaissance et la préservation des chauves-souris sur le territoire ukrainien.

On reconnaît là l’abnégation des acteurs – surtout des actrices – de la protectrice animale. L’amour pour les animaux s’élève à la dévotion, au sens du sacrifice – c’est quelque chose d’incompréhensible pour qui est soumis au consumérisme narcissique.

Avec une équipe composée de différents professionnels de la protection et du soin aux animaux, s’appuyant sur un réseau de volontaires, le centre effectue un recensement des colonies de chauves-souris et des différentes espèces pour évaluer leurs aires de répartition avec un site internet dédié et où tout le monde peut partager ses observations à travers tout le pays. Leur site apporte beaucoup de connaissances, parfois très approfondies, sur le mode de vie ou encore la physionomie des différentes espèces de chauves-souris présente en Ukraine.

Depuis sa création en 2013, le centre ukrainien de réhabilitation des chauves-souris est venu en aide à plus de 19 000 animaux avec déjà plus de 3000 sauvetages rien que pour cet hiver. Cela peut être une chauve-souris trop faible pour passer l’hiver, qui sera ainsi nourrie et mise à l’abri, maintenue en hibernation dans des sacs en tissus, avant de repartir au printemps, ou une chauve-souris blessée qui va être soignée et réadaptée afin de pouvoir retourner à la vie sauvage.

Le centre participe aussi à un travail sur l’étude des maladies auxquelles les chauves-souris servent de réservoir afin de connaître et analyser comment ces maladies se propagent et ainsi éviter la propagation de ces maladies à l’être humain. Un travail ô combien essentiel à l’heure où la pandémie de Covid-19 est loin d’être finie, et quand l’hypothèse principale de l’origine de cette zoonose reste la chauve-souris comme hôte réservoir ayant été déstabilisée dans son habitat naturel.

Alors qu’en temps normal 300 000 Ukrainiens quittent le pays chaque année et que depuis le début du conflit plus de 3 millions d’autres ont pris ce même chemin, sans compter le quart de la population déplacée à l’intérieur du pays, les membres du centre de réhabilitation des chauves-souris refusent de quitter leurs appartements pour rester aider les petit mammifères dans leur principales zone d’intervention qu’est Kharkiv.

Il y a actuellement de cette ville sous les bombes, des personnes en train de nourrir des chauves souris sortant doucement de l’hibernation, secourus juste avant ou durant l’hiver. Et le 23 mars a marqué le début de leur départ, avec l’arrivée du printemps.

Les membre du Centre ukrainien de réhabilitation des chauves-souris, principalement composé de femmes (comme partout où les animaux sont défendus), sont un phare dans la nuit de la guerre impérialiste, un moment où des gens refusent de sombrer dans la barbarie et essaye d’être à la hauteur de leur époque, en essayant d’ouvrir une voie pour retrouver leur place dans la biosphère.

C’est un exemple d’abnégation, un modèle de compassion, un programme pour l’avenir.

Vous pouvez les aider en faisant un don ici : https://www.patreon.com/batsukraine ou en allant directement sur leur site internet : http://www.bat-kharkov.in.ua/en/how-to-helpen/

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Écologie

Les Assises de la forêt et du bois au service de la modernisation capitaliste

Les Assises de la forêt et du bois visent à accompagner la modernisation des secteurs capitalistes du bois dans le cadre du changement climatique.

Mardi 16 mars se sont clôturées les Assises de la Forêt et du Bois lancées le 19 octobre 2021 en présence de quatre ministres, du Logement, de la Biodiversité, de l’Industrie et de l’Agriculture.

Ces assises avaient pour but de lancer un cycle de réflexion autour des difficultés du secteur du bois et de l’exploitation de la forêt française, alors confrontés aux problèmes d’approvisionnement et du réchauffement climatique.

En effet, lors des différents confinements pendant la crise sanitaire de 2020-2021, il y a eu un engouement mondial pour l’aménagement des foyers, principalement autour de l’ameublement en bois.

Mais, sans planification démocratique de la satisfaction des besoins, cette explosion de la demande mondiale a abouti à des pénuries de bois, avec la Chine et les États-Unis qui ont monopolisé l’achat de cette ressource sur le marché mondial.

Incapables de saisir le chaos causé par la concurrence marchande, les capitalistes français du bois ont alors cherché à sauvegarder leurs profits coûte que coûte en modernisant toute la base industrielle.

Voici ce que le document de présentation des Assises de la Forêt et du Bois annonce :

« Avec un prélèvement annuel de bois très inférieur à la production annuelle biologique, la filière forêt-bois française a un potentiel de production supplémentaire tout en préservant et développant les écosystèmes forestiers. Celui-ci doit être d’autant plus développé que la balance commerciale de la filière bois est structurellement déficitaire et s’établit en 2020 à 7 milliards d’euros de déficit.« 

L’enjeu est clair : il s’agit de moderniser la production de bois pour la rendre plus rentable et « souveraine », avec en arrière-plan la question de l’assèchement du marché par les deux superpuissances, la Chine et les États-Unis.

Comme ailleurs, la demande de bois aux États-Unis et en Chine a explosé depuis la crise sanitaire, ce qui booste les exportations, tout en contribuant à la pénurie dans l’hexagone.

L’offre se tasse d’autant plus que le réchauffement climatique affaiblit la croissance des chênes dans l’hexagone (sécheresses, prolifération du scolyte…), et que des pans entiers de forêt ont été détruit en 2021 aux États-Unis, à l’est par les tempêtes, à l’ouest par les méga-feux.

De fait, la restructuration de la filière-bois exprime la tentative de l’industrie capitaliste française de maintenir sa place dans le cadre de la compétition économique mondiale. Une compétition mondiale qui tourne de plus en plus autour de l’affrontement entre la Chine et les États-Unis.

Cela est très clairement reconnu dans le document des Assises, ce qui d’ailleurs contribue à alimenter les tensions nationalistes :

« Il est stratégique pour notre souveraineté d’assurer la réindustrialisation de la France, qui est l’un des objectifs du plan France Relance. […] La capacité de nos industries à être présentes sur le marché du bois en plein essor est une question de souveraineté. »

La forêt française, c’est la quatrième plus grande forêt d’Europe. Les départements les plus forestiers sont dans le nord-est comme le Doubs, le Jura, les Vosges, etc., le sud-est avec la Haute-Savoie, le Vaucluse, les Alpes-Maritimes, etc., et le Sud-ouest autour dans les Landes.

Mais la forêt française est à majorité composée de feuillus, dont l’industrie du bois nationale est peu utilisatrice, préférant les résineux, quand les troncs de feuillus sont exportés en Asie pour être transformés à bas coût.

D’où l’idée du plan de relance « France 2030 » d’allouer 150 millions d’euros pour la plantation de 50 millions d’arbres d’ici 2050, 50 millions d’euros pour moderniser les moyens de production, et notamment mieux les adapter aux feuillus, comme des scieries ou des papeteries et pour développer la cellulose, une matière organique contenue dans le bois entrant comme matière primaire dans l’industrie chimique.

En tout, et dès le mois de mars, près de 400 millions seront alloués pour des projets industriels liés à la biomasse (énergie par combustion de bois), la construction, la modernisation des travaux forestiers

C’est également près d’un milliard d’euros qui va être dédié au renouvellement de forêts plus riches en essences, non pas tant dans une optique écologique que dans une volonté de fortifier les sources d’approvisionnements en bois dans le contexte de monocultures moins bien résistances aux effets du réchauffement climatique.

Cette opération sera aidée par un fonds de modernisation des outils de cartographie et de suivi des forêts, avec notamment un Observatoire de la forêt qui doit être lancé en 2023 qui, aidé de l’ONF et de l’Inrae, sera chargé de trouver les meilleures essences d’arbres les mieux adaptés au changement climatique. Toujours dans une optique capitaliste d’approvisionnement, et non pas de protection de la nature.

Enfin, de nouveaux accords commerciaux entre l’État et l’ONF ont été passés (comme l’accord de la filière chêne signée le 19 février 2022) afin d’augmenter la commercialisation du bois issus des forêts domaniales « pour répondre à l’impérieuse nécessité de sécuriser l’approvisionnement des scieries situées sur le territoire national ».

Bref, avec les Assises de la forêt et du bois, il est évident que les capitalistes du bois se précipitent dans la restructuration sans égard pour le débat démocratique nécessaire à propos des enjeux écologiques fondamentaux que posent les forêts.

Car la question n’est pas tant de se priver définitivement du bois comme matière première industrielle, mais bien de savoir pourquoi, comment et vers quoi elle est utilisée socialement.

Doit-on accentuer l’exploitation des forêts pour plus de meubles jetables ? Doit-on vraiment basculer dans le bois-énergie, alors qu’il contribue massivement à l’émission de particules fines à travers les cheminées et surtout les centrales électriques au bois ? Les magnats de l’immobilier doivent-ils étendre leur monde de béton au prétexte que les éléments « biosourcés » seront les principaux matériaux des logements ?

Des questions qui sont littéralement mises de côté par un capitalisme qui cherche à tout prix à se relancer sur une base de repli national, sans égard pour la seule question essentielle de notre époque : la protection de la nature, et de la forêt en particulier.

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Réflexions

Le « militant », incapable de saisir les changements dans le monde

Le monde militant, d’improductif, est devenu une partie du problème.

La capacité de la Gauche historique a toujours été d’être en mesure de saisir le cours des évènements, de produire des cadres politiques en mesure d’orienter des militants, eux-mêmes capables d’orienter des discussions du quotidien dans tel ou tel sens. Un sens démocratique, populaire, évidemment.

Cette capacité politique militante n’est jamais tombée pas du ciel, elle est toujours le produit d’un effort intellectuel à la base, de la capacité de tout un chacun d’intervenir dans les grandes questions idéologiques.

Or, on sait comment des petits-bourgeois excités provoquent une corruption du militantisme réel. A la suite de mai 1968, et déjà un peu avant, il y avait déjà des gens au comportement stéréotypé, au raisonnement borné.

Mais ce que l’on constate au vue de 2022, c’est que la figure du militant est devenue une expression d’un vieux monde. Disons simplement qu’il y a encore 15, 20 ans, un militant de gauche pouvait, ou devait, être critiqué car il avait les clefs d’analyses à disposition, mais il ne les utilisait pas ou se les faisait déformer par l’opportunisme.

Ces clefs d’analyses, c’était grosso modo une lecture, même approximative, du capitalisme, des classes, des tendances politiques, bref du cours des choses. Cela était lié à une certaine formation idéologique.

Les années 2010 ont été la grande lessiveuse de ce processus. Avec la pandémie de Covid-19 puis, donc, la guerre en Ukraine, les militants se révèlent pour ce qu’ils sont devenus : une entrave au progrès de la conscience.

Non pas qu’ils en aient conscience eux-mêmes, mais parce qu’ils pensent maîtriser les choses sans en avoir la capacité, car ayant abandonné tout travail intellectuel de fond. Ils donnent l’impression de savoir, iles véhiculent l’illusion d’avoir des positions justes, voire même des positions tout court, et c’est en cela qu’ils participent à l’entrave de la conscience des gens.

Il y a un décalage frappant à ce sujet. Si l’on prend par exemple le début du covid-19 il y a deux ans, l’idée comme quoi la société avait heurté un mur, notamment au plan écologique, était présent chez des gens, mais très peu chez les militants. C’est l’expression d’un énorme problème.

C’est encore plus vrai avec la Guerre en Ukraine. Que l’on prenne n’importe quel militant ou militante il y a un mois, et cette question était absolument invisible, alors qu’elle pouvait déjà être présente chez certaines personnes ayant une vie normale.

Avec le déclenchement de la Guerre, la question d’une généralisation mondiale du conflit, l’inquiétude face au retour de la menace nucléaire, ou bien encore le risque d’une plus grande paupérisation du fait de l’inflation, forme une inquiétude partagée par le plus grand nombre.

A l’inverse, les militants pensent dire des choses, croient développer des positions, mais ne font que copier-coller des raisonnements préconçus, sans prise de conscience du drame de la situation. Leurs comportements sont stéréotypés.

Pour preuve, leur incapacité à sortir des considérations purement électorales, à aborder des choses sérieuses, à affronter réellement la tendance à la guerre, la montée du fascisme, la souffrance des animaux, la destruction sans fin de la Planète…

Alors qu’une partie des gens normaux sont terrifiés par la situation car ayant instinctivement compris l’ampleur des changements à effectuer, les militants ont démissionné de la raison d’être du militant historique de la Gauche, celle de servir le peuple dans sa volonté d’explication du monde.

Les militants ont perdu toute la substance de ce qui faisait la force de la Gauche : la capacité à analyser le changement des choses, à interpréter les grandes bifurcations historiques.

Pour les « militants » d’esprit petit-bourgeois, la Guerre en Ukraine n’est finalement qu’une histoire de conjoncture, tout cela devant passer après que l’on ait, au mieux manifesté avec un drapeau ukrainien et que l’on ait appelé à l’accueil des réfugiés, au pire critiqué telle position pro-russe ou telle position pro-OTAN, ou encore mieux s’être caché en renvoyant les deux dos à dos.

Dans leurs têtes, tout va redevenir comme avant, bientôt, et à ce moment là on reprendra les discussions sur le niveau de son salaire, sur telle injustice là-bas, sur tel propos infâmant ici, etc. Il n’y a aucune envergure, aucune volonté même d’aller vers une réelle envergure, aucune volonté de rupture réelle, le militant étant devenu une forme de l’identité possible, parmi d’autres, dans la société de consommation.

Comment pourrait-il en être autrement alors qu’il n’y a pratiquement plus de vie militante dans les organisations ? Vie militante au sens d’un débat d’idées, non pas simplement autour de l’actualité ou de luttes, ce qui est important évidemment, mais plus généralement autour des grands tendances qui agitent le monde.

La figure du « militant » est devenue une partie du problème et l’on en revient finalement au point de départ de la Gauche historique : reconstruire un socle idéologique, reformer des cadres politiques, relancer un mouvement à la base, dans le feu d’une époque d’ores et déjà tumultueuse et qui ne va laisser personne indemne.

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Société

Le covid, donc la guerre

Il n’y a pas de hasard ni de plan, c’est la crise générale du mode de production capitaliste.

L’épidémie de Covid-19 a été un coup de massue pour les français, qui au début ont rêvé d’un monde d’après. Il y a eu un début de réflexion sur le capitalisme et l’écologie, puis le déni s’est mis en place avec le grand retour des comportements libéraux et la mentalité « après moi le déluge ».

Il n’empêche que l’agenda imposé par le covid a profondément marqué les gens.

L’arrivée de la guerre en rajoute à l’hébétude, avec l’impression générale d’aller de Charybde en Scylla, comme succession de hasards malheureux. Certains veulent y chercher une signification, sachant que le hasard n’existe pas, ce qui est vrai, mais comme la gauche est faible, cela se résume à une lecture complotiste ou un refuge dans la religion, ce qui revient au même.

Seule la connaissance scientifique du capitalisme permet de conjurer les lectures fatalistes liées au hasard et celles idéalistes du grand plan. En effet quiconque voit les choses en terme de lutte des classes aurait dû prévoir que le grand arrêt dans les chaînes de production capitaliste et l’injection de quantité astronomiques d’argent fictif allait mener les grandes puissances à la guerre.

C’est ce que la revue Crise a documenté depuis le mois de mai 2020 et en cela c’est un travail incontournable.

Ce n’est donc pas le covid, puis la guerre mais le covid donc la guerre.

Concrètement, les grandes puissances capitalistes sont endettées jusqu’au cou et la production est mise sans dessus dessous par des ruptures d’approvisionnement, des ruptures de main d’œuvre et dans les secteurs stratégiques qui freinent la restructuration et nécessite de nouvelles alliances.

L’économie est désorganisée, la pagaille règne, l’incertitude gagne les esprits, les opinions publiques sont tendues.

Il y a donc un besoin d’une remise en ordre qui provient de la grande bourgeoisie et qui n’a comme seule option le fascisme et la guerre, le fascisme donc la guerre, la guerre donc le fascisme. 

Les grandes puissances sont donc des « challengers » à la veille d’un grand repartage du monde et les vieilles alliances sont pleines de tensions internes.

La position internationaliste adéquate fera la différence sur le temps long et il ne s’agit pas ici d’une solidarité abstraite et de vague dénonciation mais d’une lutte contre les points de vue nationalistes qui vont former un étau toujours plus étouffant.

L’Internationalisme doit saisir tous les aspects de la crise pour refléter les besoins vitaux des peuples. Tout est en rapport, y compris ce qui nous a mené ici, la fuite en avant dans la destruction généralisée de la nature, les impérialismes, les tensions internes aux nations avec la montée du fascisme dans le monde, le triomphe de la consommation…

Seuls les grands idéaux du mouvement ouvrier peuvent mener à l’unification de l’humanité et la fin de ces guerres fratricides. 

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Guerre

Ukraine : le principe même de démocratie asséché par l’élan militaire européen aligné sur l’OTAN

L’élan militariste neutralise les opinions publiques démocratiques.

Depuis peu, les choses s’accélèrent grandement dans la participation des puissances occidentales au conflit militaire en Ukraine. La France envoie 500 soldats en Roumanie accompagnés de chars, ainsi que 200 soldats en Estonie accompagnés de quatre avions de chasse qui vont « patrouiller » au-dessus des pays baltes. A cela s’ajoute la livraison par la France d’équipements de défense numérique et aériens directement à l’Ukraine.

L’Allemagne vient d’annoncer livrer 1 400 lance-roquettes antichar, 500 missiles sol-air Stinger, 9 obusiers et 10 000 tonnes de carburant. On se souvient pourtant qu’il y a encore quelques semaines, l’Allemagne se montrait frileuse dans l’envoi de matériel de guerre offensif, se contenant de de l’envoi de plusieurs centaines de casques à l’armée ukrainienne.

C’est dans ce même esprit que la Suède va livrer 5 000 lance-roquettes à l’Ukraine.

L’Allemagne cède ainsi sous la pression des pays baltes et de la Pologne, complètement alignés sur l’OTAN. Espérant continuer à se maintenir en puissance autonome stratégique en Europe, l’Allemagne est contrainte d’en revenir avec son histoire de soumission aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale dans le cadre du plan Marshall. Elle espère ainsi avoir une partie du gâteau russe semblant à portée de main.

La République Tchèque envoie 30 000 pistolets, 7 000 fusils d’assaut, 3 000 fusils mitrailleurs et plusieurs dizaines de fusils de précision ainsi qu’un million de cartouches. Les Pays-Bas vont livrer 200 missiles antiaériens Stinger, ainsi que des fusils de précision, l’Italie des appareils de déminage, la Belgique 3 800 tonnes de fuel et 2 000 mitrailleuses, quant au Portugal il annonce envoyer des gilets, des casques, des lunettes de vision nocturne, des grenades, des munitions de différents calibres, des fusils automatiques G3.

Ces décisions ne tombent pas du ciel, mais directement de la réunion du conseil de l’OTAN qui a eu lieu le 25 février 2022. Les différentes annonces de pays européens sont toutes intervenues dans le week-end. C’est ce dimanche que Josep Borrell, vice-président de la commission européenne, a annoncé l’achat d’armes pour l’Ukraine.

Ce qui se passe, et cela dément d’ailleurs la propagande occidentale contre la Russie, c’est que l’OTAN, à travers ses membres, renforce militairement l’Ukraine qui est en prise à une invasion militaire russe qui se déroule plutôt sans failles.

Et ces élans guerriers, clairement orientés par la superpuissance américaine, sont faits dans l’ombre, orchestrés par des petits cercles politiques liées directement aux états-majors militaires.

La presse a beau parler de « tabou brisé », voire de « rupture politique » en ce qui concerne l’Allemagne, de « décision exceptionnelle sans précédent depuis 1939″ pour la Suède, de « première fois de son histoire » par l’Union Européenne, on remarquera que tout est fait en vitesse, court-circuitant tous les canaux démocratiques.

On remarquera comment les opinions qui tentent de repousser à la fois l’impérialisme russe et l’impérialisme américain sont dénigréss car, sans une mobilisation autonome pacifiste et internationaliste, il n’y a plus de place pour de telles orientations dans le contexte actuel de la tendance à la guerre et de la guerre en Ukraine.

La pression militariste pour s’aligner sur tel ou tel camp est toujours plus fort, et l’annonce des livraisons massives d’armes ce week-end ne va rien arranger du tout. Il y a assèchement terrible de la démocratie.

C’est là un signal fort pour l’avancée des forces nationalistes et militaristes dans tous les pays. L’enjeu politique qui se dessine, c’est l’opposition entre forces pacifistes-démocratiques et les forces va-t-en-guerre, entre les forces populaires et les forces alignées sur la puissance américaine ou russe.

C’est là un marqueur puissant dans la tendance à la troisième guerre mondiale, avec des opinions publiques qui sont clairement mises de côté. Si cela est toujours vrai pour des états-majors militaires pétris dans les valeurs aristocratiques coupées du peuple, la puissance actuelle de l’élan guerrier n’a pas grand chose à voir avec les longues manœuvres politiques qui ont présidé aux guerres d’Afghanistan en 2001 ou d’Irak en 2003 voir en Syrie en 2015-2016.

Ce qui prime, c’est la prise de décision technique par en haut et cela prépare l’arrivée du fascisme comme régime accompagnant, et structurant la tendance à la guerre de chaque pays. Les opinions publiques sont littéralement coupées des décisions, les forces militaristes profitant des effets de sidération dans les populations pour avancer leurs pions rapidement.

Et nous n’en sommes qu’au début… Dans un tel contexte, il est évident qu’il n’est pas possible d’être spectateur de la situation, d’attendre fatalement une issue positive d’une situation qui ne l’est pas. Il est clair qu’il faut dorénavant se mobiliser contre la guerre sur les bases de la Gauche historique pour contre-carrer les fauteurs de guerre contre la paix entre les peuples.

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Politique

Eric Zemmour, candidat de l’impérialisme français « non aligné »

Eric Zemmour continue sur sa ligne militariste.

Eric Zemmour a tenu un meeting à Chambéry devant plus de 3000 participants sur le thème de la paix, le 25 février 2022. Le choix du thème en dit long sur le fait que le conflit en Ukraine rabat totalement les cartes, allant donc jusqu’à reconfigurer la campagne présidentielle elle-même.

Ainsi, Yannick Jadot a annulé son meeting prévu à Clermont-Ferrand le même jour, préférant se focaliser sur une présence parisienne pour soutenir ouvertement l’Union Européenne et l’OTAN. Eric Zemmour ne représente évidemment pas la même ligne.

À Chambéry, il a cherché à avoir un ton grave, il se voulait solennel, se présentant comme le meneur de la paix tout en maintenant sa ligne offensive d’un « gaullisme de la reconquête ».

À ce titre, Eric Zemmour a rappelé la venue du Général de Gaulle à Annecy en 1960 en mémoire du centenaire du rattachement de la Savoie à la France en 1860. Cela lui a permis de multiplier les références à la Résistance savoyarde pendant la Seconde Guerre mondiale, et notamment au maquis des Glières qui fut un temple de la Résistance d’obédience catholique, voire clairement d’extrême droite avec Jean Vallette d’Osia, chef militaire anticommuniste opposé à la guérilla antifasciste.

Cette ligne néo-gaulliste souligne qu’à l’heure de la bataille pour le repartage du monde, Eric Zemmour apparaît de plus en plus comme le porte-voix d’une frange de la bourgeoisie prise de panique devant les tumultes du monde.

Car malgré les apparences, malgré les pseudos discours en faveur de la paix en Ukraine, faits pour ne pas trop heurter, le candidat de Reconquête maintient sa ligne d’une France « non alignée », de la puissance devant s’assumer sur le mode du cavalier seul.

Il a ainsi été rappelé la volonté de sortir la France du commandement intégré de l’OTAN, tout en répétant à plusieurs reprises que la France avait « un devoir de puissance » car « dans l’Histoire, on ne négocie qu’entre seigneurs, jamais avec un vassal » :

« C’est ce que le général de Gaulle savait mieux que personne, lui qui a toute sa vie cherché à se rapprocher de la Russie, justement pour contrebalancer le poids de nos alliés américains. C’était justement le moyen pour nous protéger, pour n’être inféodé, ni à l’un, ni à l’autre car la France ne doit être soumise à personne. »

Et s’il ne peut faire autrement que de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Eric Zemmour reste animé par une pensée typique d’un militaire emprunt d’un esprit aristocratique et « géopolitique ». Il a ainsi déclaré :

« Nous avions des raisons de penser que nous éviterions la guerre car la catastrophe qui couterait des milliers de vies ukrainiennes aurait pu être évité. Je le répète depuis des années, l’expansion ininterrompu de l’OTAN à l’est est un motif d’inquiétude pour les russes et ils sont prêts à se battre pour l’empêcher [applaudissement dans la salle]. »

Eric Zemmour reste le relais direct de la puissance russe, pensant par là que la France pourrait tirer son épingle du jeu en redevenant une puissance autonome. C’est pour cela qu’il insiste longuement sur l’extension de l’OTAN à l’Est de l’Europe comme motif légitime d’une riposte russe.

Si cela est en partie vraie, le fond du problème n’est pas tant là que dans le fait que Vladimir Poutine reflète le complexe militaro-industriel russe et son idéologie expansionniste eurasiatique. Dans cet état d’esprit, l’Ukraine n’existe pas, elle n’est qu’une annexe civilisationnelle de Moscou.

En masquant cette dimension expansionniste russe, Zemmour veut dissimuler qu’il est lui-même une force de proposition pour garantir une nouvelle optique idéologique pour la défense et si possible l’expansion, de l’impérialisme français.

Il propose simplement de jouer sur les contradictions entre puissances… pour que la France se place elle-même de meilleure manière en tant que puissance. Il ne dit d’ailleurs ici pas quelque chose de différent de Jean-Luc Mélenchon. Sauf qu’Eric Zemmour s’inscrit dans la tradition du militarisme français, que Jean-Luc Mélenchon avait vainement espéré déborder avec sa « république sociale ».

En ce sens, il représente une terrible menace, en tant qu’alternative de plus en plus crédible pour la haute bourgeoisie.

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Guerre

Eric Zemmour, c’est la France lancée dans la bataille pour le repartage du monde

Eric Zemmour développe une ligne néo-gaulliste au service du complexe militaro-industriel français.

Il est dorénavant clair qu’une partie de la classe dominante veut aller de l’avant, au dépend des travailleurs en France, au dépend du peuple et de la paix dans le monde. La proposition d’Eric Zemmour va clairement dans ce sens d’une restructuration anti-sociale pour mieux servir l’expansionnisme de la France, qui voit sa place dans le monde dégringolée.

Samedi 19 février, Eric Zemmour a tenu un meeting sur le thème des questions militaires et géopolitiques à Pontorson en Normandie dans un champ de maïs devant plus de 2 000 personnes avec en arrière-plan le Mont Saint-Michel. Le choix n’était pas fait au hasard car Saint-Michel y a été longuement présenté de manière lyrique comme la figure religieuse du Saint représentative d’un « combat éternel que se livrent le Bien et le Mal depuis des millénaires ».

Eric Zemmour continue ainsi à déployer un discours de type « civilisationnel » au service du renouveau de la « puissance » française, le mot « puissance » ayant été répété plusieurs fois lors de son discours sur un ton plus qu’offensif, plus qu’agressif.

Il ne faut pas oublier à ce propos que le directeur de campagne d’Eric Zemmour n’est autre qu’un ancien haut gradé de l’armée française, le général Bertrand de La Chesnais, également membre de l’association d’entraide de la noblesse française.

On retrouve ici toute une ligne historique des cadres dirigeants de l’armée française, littéralement subjugués par le courant national-catholique de l’Action française. Son expertise sur l’armée française est capitale pour le candidat Eric Zemmour, comme lorsqu’il affirme :

« Notre armée souffre. Elle souffre d’un manque d’hommes, d’un manque de moyens, de munitions, de chars, de drones, de frégates. Et surtout, elle souffre d’un manque de vision de la part du chef de l’État et d’un manque de considération de la part des politiciens professionnels. »

La haute bourgeoisie, ainsi que l’état-major de l’armée sait que l’on va vers des déflagrations entre grandes puissances, comme le montre déjà la crise ukrainienne. Et la grande question reste celle de la capacité de mobilisation des armées, d’une quantité de masse mobilisable, de la capacité logistique et industrielle, du lien de confiance entre la société et l’État.

Or, la France ce n’est plus les années 1910, ni même les années 1930 et il s’agit d’actualiser l’idéologie expansionniste aux conditions de l’époque. C’est pourquoi Eric Zemmour a affirmé être le représentant d’une « ligne stratégique », celle du « gaullisme de la Reconquête ». L’enjeu, ce n’est ni plus, ni moins que de trouver le moyen adéquat de mobiliser le peuple sur une base nationaliste-militariste, contre le « grand déclassement » de la puissance française.

Dans cette logique, il a été salué le repli nationaliste exercé par Donald Trump aux États-Unis, une voie à suivre que l’on comprend comme opposée à celle d’Emmanuel Macron qui propose le renforcement de l’Union Européenne avec notamment la construction d’une « armée de la défense européenne », en fait intégrée à la perspective de l’OTAN et de la superpuissance américaine.

A ce point de vue, la division de la bourgeoisie devient toujours plus clair, plus limpide et témoigne des tensions entre grandes puissances et de la bataille pour le repartage du monde au cœur de la France.

Pour réaliser cette ligne, Eric Zemmour a notamment affirmé la nécessité d’un « ministère des armées et de l’industrie de la défense » avec à la clef une hausse de 3,6 milliards d’euros par an dans le budget dit de la défense pour le porter à 70 milliards d’euros en 2030 (il est d’environ 41 milliards actuellement).

C’est là une signal fort pour le complexe militaro-industriel français, tel Dassault, Nexter, Thalès, Safran, etc., et tout le système de la sous-traitance industrielle. C’est faire passer le message que la chaîne logistique et d’approvisionnement va être pleinement assurée et protégée par l’État lui-même, de la manière la plus autonome possible.

Le but est bien évidemment de se désengager au maximum de la coopération européenne, et notamment du partenariat avec l’Allemagne. Mais pour forger un tel ministère et y adjoindre cette hausse conséquente de son budget, il va bien falloir pressuriser les travailleurs alors que la France est endettée jusqu’au cou.

Mais surtout, c’est une tendance au renforcement de l’appareil militaire sur l’ensemble des décisions politiques, sur la politique industrielle elle-même et quiconque n’a pas abandonné les principes de la Gauche historique sait que cela signifie le fascisme.

Dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde, les États doivent concentrer et centraliser les décisions, et cela s’exprime dans cette axe néo-gaulliste dit de « l’État-stratège ». Un État-stratège qui s’arme pour la bataille mondiale, et se muscle pour restructurer le capitalisme, pour engager la guerre anti-sociale. Car il faudrait bien embarquer le peuple et les travailleurs dans la marche vers la guerre mondiale de repartage.

A ce titre, il n’est pas étonnant qu’Eric Zemmour ne cesse de se déclarer de manière démagogique « contre la lutte des classes » en assumant la politique néo-corporatiste de la participation portée par le général de Gaulle dans les années 1960. Il s’agit d’unifier le peuple, de le « nationaliser » et d’éviter le moindre grippage social intérieur.

Dans le contexte politique et international actuel, Eric Zemmour apparaît toujours plus en phase avec les préoccupations d’une haute bourgeoisie qui cherche à se sauver par tous les moyens possibles d’un monde capitaliste qui s’effondre sur lui-même.

Jamais le mot d’ordre des antifascistes des années 1930 n’a semblé aussi juste qu’en notre époque, car oui le fascisme, c’est la guerre, c’est la misère. Contre le fascisme et son expansionnisme militaire, il nous faut mobiliser le peuple pour la paix, pour la prospérité, pour faire payer la crise aux riches. Il nous faut le Socialisme. C’est là tout l’enjeu de notre époque !

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Société

L’interdiction des sels nitrités pose la question d’une nouvelle alimentation

Les sels nitrités sont une catastrophe sanitaire qui doivent poser la question plus générale d’une nouvelle alimentation.

Début février, une proposition de loi va être soumise à l’Assemblée nationale visant à interdire l’utilisation de nitrates et des nitrites dans l’alimentation, à l’horizon de quelques années mais déjà avec un arrêt immédiat dans les écoles.

Initiée par le député Modem du Loiret Richard Ramos, cette loi se veut une mesure sanitaire contre la survenue des cancers digestifs. On sait que ces cancers sont favorisés par la consommation de charcuteries qui contiennent des sels nitrités.

Le problème n’est d’ailleurs pas tant les sels nitrités, qui se composent de 99, 4 % de sels de cuisine et de 0,6 % de nitrite de sodium ou de nitrite de potassium, mais leur réaction chimique au contact du fer naturellement présent dans la viande lors du processus (acide) de la digestion. A ce moment, les sels nitrités se transforment avec un pouvoir oxydant qui provoque une inflammation, avec à long termes des risques de développement de cancers du colon, de l’estomac ou du rectum.

C’est d’ailleurs pour cela que la charcuterie est, avec l’alcool et les produits de salaison, l’un des seul aliment classé dans le « groupe 1 » par l’OMS et le Centre internationale de recherche sur le cancer (Circ), c’est-à-dire cancérigène avéré pour l’homme.

Lors d’audition parlementaire, Denis Corpet, spécialiste dans la prévention des cancers, a parlé des nitrites comme d’un « poison » à bannir de toute urgence. Cela d’autant plus qu’en France, il y a un une consommation massive de charcuterie, ayant pour conséquence le fait que le cancer du colon est le second cancer le plus fréquent, après celui du poumon.

L’omniprésence des sels nitrités dans les salaisons et la charcuterie pose donc la question de l’agrobusiness de la viande, et particulièrement de celle de porc. A ce niveau, l’industrie française est leader mondial, notamment en Bretagne avec des géants de la production de porc. Troisième « producteur » de l’Union européenne, la France a abattu 23,5 millions de porcs en 2019.

C’est un chiffre énorme, un massacre industrialisé qui en dit long. Comment une société qui regarde cela avec indifférence peut-elle prétendre se préoccuper du sort de la planète ? Il y a ici un antagonisme complet entre deux visions du monde. On ne peut pas dire qu’on accepte la destruction en masse, la tuerie en masse, et en même temps qu’on veut protéger la planète. C’est incompatible.

D’autant plus que dans le capitalisme, on parle de « productions » formées à partir de montagnes de cadavres qu’il faut bien pouvoir écouler le plus vite possible, tout en maintenant la possibilité de consommation le plus longtemps possible. Et c’est là qu’interviennent les sels nitrités, car cet additif permet justement, pour un coût moindre, de conserver des viandes plus longtemps avec moins de chair utilisée (les sels nitrités font de la rétention d’eau).

Les sels nitrités, ce sont aussi ces additifs qui rendent le jambon à la couleur très rose, « appétissante », comme le justifie l’agrobusiness qui ajoute que, sans eux, la viande serait grise, voire verdâtre. Ce qui est vrai puisque l’on parle ici de parties d’animaux en décomposition, avec des additifs visant à bloquer un processus naturel.

D’ailleurs, ces additifs ont commencé initialement à être utilisés comme agent anti-infectieux, dans le cadre de la conservation de la viande, à une époque où le système de réfrigération n’étaient pas celui d’aujourd’hui.

Et dans le capitalisme, ce sont les classes populaires, à côté des animaux bien sûr, qui paient le prix de cette production alimentaire au rabais. Dans la proposition de loi qui va être soumis au débat à l’Assemblée nationale, il est remarqué de manière juste la chose suivante :

Il y a quelques décennies, les pauvres mangeaient des légumes et les riches de la viande, cette tendance s’est donc inversée. Qui plus est, les foyers modestes mangent de la charcuterie de moindre qualité.

Cela montre à quel point le capitalisme produit une société qui déborde de richesses, déborde de capacités productives, mais les utilisent de manière mortifère. Il y a un nombre d’animaux abattus supérieurs à la réalité de la consommation, trop de viande à écouler et pour le faire dans des conditions de profitabilité capitaliste, il est forcé d’en passer par des tas d’ajouts chimiques afin de maintenir la possibilité de vendre, ou bien de trouver de nouveaux marchés, de nouveaux types de consommation, etc.

A l’évidence, à l’instar de la généralisation du Nutriscore, l’interdiction des sels nitrités seraient une bonne chose, allant dans le sens d’une préservation de la santé de tous.

Mais l’on voit bien que le problème de fond, c’est le trop-plein de viande, un problème quantitatif qui ne peut être vraiment réglé à coup de réglementation, mais par l’élaboration d’une nouvelle alimentation, supérieure. Une alimentation qui doit devenir à 100 % végétale et biologique, afin d’éviter au maximum les aliments ultra-transformés et composés d’additifs, et pour cesser de maintenir une consommation forcenée sur la base d’une destruction industrialisée.

Le capitalisme a tout faux, dans le fond comme dans la forme.

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Société

Le lancement du télescope spatial James Webb ou le besoin d’une humanité unifiée

Le lancement du télescope spatial James Webb est l’aboutissement d’une collaboration entre la NASA, l’Agence Spatiale Européenne et l’Agence Spatiale Canadienne.

ESA-M.Pedoussaut

Après vingt années de mise au point et quelques semaines de report, le télescope spatial James-Webb (JWST) sera lancé aux alentours de 13h20 heure française ce vendredi 24 décembre. Si l’opération est un succès, ce télescope va permettre à l’humanité de voir plus loin dans l’univers, donc dans le temps et surtout de trouver des exoplanètes dans d’autres galaxies et peut-être la vie.

Pour voir plus loin dans l’univers, il utilisera la méthode infrarouge et est jusqu’à cent fois plus puissant que son prédécesseur Hubble. Mais pour être complètement opérationnel, il va devoir être envoyé à une distance de 1,5 millions de kilomètres de la Terre. C’est qu’avec la méthode infrarouge, la structure du télescope ne doit pas dépasser – 200°C, il doit donc être suffisamment loin du soleil. Aussi, il est constitué d’un bouclier thermique de 22 mètres de long et 10 de large pour protéger son miroir de 6,5 m² recouvert d’or.

NASA/Chris Gunn

C’est un voyage de près de trois mois qui attends le JWST si le lancement se passe bien. Au cours de ce voyage, il faudra déployer le bouclier thermique, ce qui est une manœuvre jamais réalisée dans l’espace. En effet, faire jouer des mécanismes est très hasardeux compte tenu des conditions extrêmes. 

Ce n’est donc pas le jour du réveillon que l’on saura si l’expérience a été fructueuse. C’est même seulement après environ six mois que les premières découvertes du télescope pourront nous parvenir. Six mois finalement, ce n’est pas grand-chose compte tenu du gigantesque bond en avant dans la connaissance spatiale que le JWST devrait apporter.

Son acuité permettra d’observer des planètes jusque dans des galaxies vieilles de 13,5 milliards d’années lumière et une de ses missions principales sera d’analyser les exoplanètes et trouver lesquelles sont propices à la vie. Les exoplanètes, c’est le nom de planètes qui se trouvent en dehors du système solaire.

Pour cela le télescope est doté d’une technologie permettant de déterminer si l’exoplanète a une atmosphère et si oui, comment elle se compose. Dans le futur, il s’agira de choisir laquelle est la plus à même d’abriter la vie pour monter une mission, d’exploration cette fois.

On est ici dans une épopée qui dépasse l’intérêt immédiat, car devra se décliner sur au moins trois générations.

Le problème, c’est que dans le capitalisme, une telle prouesse humaine a également une double fonction rétrograde. La volonté de découvrir des exoplanètes habitables et propices à la vie sert parfois de caution idéologique à continuer la destruction écologique sur Terre. Détruisons tout, on trouvera bien une autre planète pour y vivre (et recommencer).

Et, surtout, les progrès technologiques visent à irriguer le développement technique de la production et de la consommation capitalistes. S’il y a un aspect science pour la science qui existe subjectivement, objectivement les grands projets s’insèrent toujours dans une mise en perspective utilitariste, commerciale, stratégique. La NASA se veut par exemple entièrement non militaire, mais en pratique elle sert directement l’armée américaine. Les bases technologiques de la navette spatiale sont ainsi passées dans les mains de l’US Air Force pour des vols secrets entièrement robotisés.

Paradoxalement et de manière contradictoire, cette affirmation spatiale correspond aussi a un besoin de l’Humanité toute entière, qui est fascinée par le cosmos, les voyages spatiaux, la découverte de l’univers. Le sens historique du lancement du télescope spatial James-Webb, c’est en ce sens celui du besoin d’une humanité conscientisée, pacifiée et unifiée afin d’assumer les enjeux de compréhension du Cosmos. Du point de vue de l’humanité, on voit à quel point la société, qu’elle le veuille ou non, marche vers le socialisme. 

En attendant, tout cela est déformé, martyrisé, retourné en son contraire, par un capitalisme qui a fait son temps.

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Culture

Le juge et l’assassin, de Bertrand Tavernier

Il est des films qui, par le détour d’une représentation historique, parlent de leur époque et conservent, même longtemps après leur sortie, une vérité éclairante, une acuité sur le monde et la société. Le Juge et l’Assassin est de cela.

Sorti en 1976, le troisième long métrage de Bertrand Tavernier narre l’épopée meurtrière d’un homme en proie à la folie, interprété avec brio par Michel Galabru. À la suite d’une désillusion amoureuse, cet ancien soldat va perpétrer une série de crimes sordides sur des jeunes bergers et bergères, au cours d’une errance à travers les campagnes françaises. L’intrigue, inspirée d’un fait divers, va servir de support à une minutieuse peinture de la société française de la toute fin du XIXème siècle. Non pas à la manière d’une vaste fresque historique, mais en partant de scènes du quotidien d’une petite ville de province bousculée par cette affaire de meurtre.

Philippe Noiret incarne un petit juge de province, bourgeois parvenu et anti-dreyfusard, qui va s’emparer de cette affaire et tenter de faire condamner le meurtrier. Garant d’un ordre social brutal, il gravite dans une petite société de province mêlant aristocrates légitimistes et bourgeois réactionnaires, tous anti-républicains et profondément antisémites.

C’est l’alliance de ces conservateurs de campagne apeurés par les transformations sociales et politiques de cette fin de XIXème siècle : le film montre habilement les convulsions qui secouent l’époque à travers le destin de ces vagabonds, chômeurs jetés sur les routes d’une société chamboulée par la révolution industrielle, au capitalisme en crise perpétuelle, d’une violence implacable pour les ouvriers.

Cette alliance de la bourgeoisie réactionnaire et de l’aristocratie légitimiste trouve un contenu politique dans la démagogie de l’Action française naissante, représentée par une scène de meeting perturbé par des représentants de la classe ouvrière. Nous sommes alors au cœur de l’affaire Dreyfus, qui sert de catalyseur et de matrice pour la formation d’un courant véritablement proto-fasciste en France.

Le film montre également comment la libéralisation récente de la presse conduit le personnage de Philippe Noiret à tenter de manipuler une opinion publique en construction, dans laquelle les classes populaires jouent un rôle de plus en plus important. L’affaire que ce personnage instruit doit servir autant pour sa propre promotion sociale que comme un exemple donné à cette classe ouvrière perçue comme corrompue et subversive. La presse est habilement utilisée pour servir son double projet, à travers des photographies et des rebondissements de l’enquête savamment mis en scène.

Le personnage de fou notoire interprété par Galabru est intéressant de ce point de vue. Ancien soldat, il se perd régulièrement dans des diatribes mêlant anarchisme anticlérical, christianisme mystique et républicanisme radical. S’il ne faut pas le voir comme un personnage symbolisant l’ensemble de la classe ouvrière, ses saillies souvent drôles matérialisent ces débats et courants antagonistes qui traversent la classe ouvrière d’alors. Cette thématique traverse tout le film jusqu’à l’ultime scène de grève finale menée par une CGT naissante.

Bertrand Tavernier choisit donc une époque charnière, marquée par l’affrontement d’une bourgeoisie modernisatrice, avec une frange radicalisée qui trouve dans cette matrice proto-fasciste une voie politique. Une scène résonne particulièrement et montre tout le talent de Bertrand Tavernier ; lors d’une réception réunissant ce petit cénacle de province, un officier militaire exécute une chanson patriotique appelant à la reconquête de l’Alsace-Lorraine, avant de violemment conspuer Dreyfus et les dreyfusards. En évitant la lourdeur d’un film à thèse, Tavernier montre une société traversée par une lutte de classe intense, et en marche vers la guerre. Une société qui trouve dans un nationalisme revanchard l’expression et le moyen politique de mettre au pas une classe ouvrière en ébullition.

Mais le film ne tourne jamais à la démonstration historique, car ce caractère général se devine à travers des discussions, des éléments de mise en scène qui servent toujours la progression de l’intrigue. Le film est d’autant plus fort, qu’en restant concentré sur les individus, c’est la nature même des relations sociales qui surgit dans toutes leur vérité. Le général et le particulier étant intimement liés.

Le film, sorti sur les écrans en 1976, se comprend comme un reflet du contexte de la France post-68, particulièrement troublée. Pourtant, dans le contexte actuel, avec toutes les nuances qu’une situation politique et historique réellement différente impose, l’œuvre résonne avec force.

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Politique

La Gauche française n’est-elle plus qu’une variante de radical-socialisme?

Le radicalisme est si puissant qu’il a neutralisé le mouvement ouvrier lui-même.

On connaît l’histoire : proclamée en septembre 1870, la IIIe République ne se consolide pleinement qu’à la fin du XIXe siècle. Pour cela, il lui faudra certes réprimer la Commune de Paris, mais aussi et surtout passer deux crises politiques portées par les courants national-populiste, le boulangisme avec un général putschiste, puis l’antisémitisme lors de l’Affaire Dreyfus.

Du fait d’une opposition à la Droite légitimiste, donc d’orientation monarchiste, le Radicalisme est classé comme d’ « extrême gauche » dans le dernier tiers du XIXe siècle. Puis, avec l’émergence du Socialisme en parti constitué, il devient de Gauche, pour finir de centre-Gauche avec la naissance du Communisme en Russie en 1917. C’est pourquoi ce courant passe l’Histoire à travers de multiples déclinaisons : républicanisme, républicanisme social, radicalisme, radical-socialisme…

Alexis Corbière, qui a été à la Ligue communiste révolutionnaire de 1993 à 1997, au Parti socialiste de 1997 à 2008, puis avec Jean-Luc Mélenchon, se définit ainsi comme « républicain-social ». C’est typique des gens réfutant le mouvement ouvrier, le socialisme et cherchant une alternative « républicaine ».

En France, le poids de l’idéologie radicale est telle qu’elle a d’ailleurs littéralement neutralisée le mouvement ouvrier dans sa conquête du socialisme. On parle alors du « radical-socialisme » et il suffit de voir que la SFIO a été dirigée à ses débuts par Jean Jaurès pour comprendre que même le parti supposé du Socialisme ne fut en réalité qu’une variante de ce Radicalisme.

Jean Jaurès est en effet à la base un professeur de philosophie qui se moque de la politique. Là aussi, c’est l’histoire qui le soulève et le fait rejoindre la politique, bon gré mal gré. Sa lecture des choses ne sera qu’une synthèse de Gauche du radicalisme, quand un Georges Clémenceau en proposera une synthèse de Droite.

Il suffit de regarder les lignes directrices émises par Camille Pelletan lors du congrès de fondation officielle du Parti radical en 1901, soit quelques mois avant la formation du gouvernement d’Émile Combes réalisant le radicalisme :

« Ce qui nous sépare à cet égard des socialistes collectivistes, c’est notre attachement passionné au principe de la propriété individuelle (…). L’ère des résolutions doit s’ouvrir. C’est ce que le suffrage universel exigera, et alors l’union des républicains de toutes nuances contre le cléricalisme, contre les entreprises césariennes, contre les pouvoirs d’argent, pour la cause de la justice sociale, cette union dont ce congrès a été une si éclatante affirmation sera féconde pour la République et pour la patrie. »

On retient du gouvernement d’Émile Combes la grande loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, en oubliant qu’il fut aussi à l’origine des premiers dispositifs départementaux d’aide sociale à l’enfance et de la première loi d’assurance sociale pour les vieux infirmes et incurables. Le radical-socialisme, c’est l’attachement au principe de la justice sociale par l’impôt progressif.

Voici comment Léon Bourgeois, militant radical de la première heure définit la « politique radicale » en 1908 :

« La nation ne jouira de la paix que lorsqu’elle aura créé un ensemble complet d’assurances qui garantisse tout individu contre les risques de la maladie, des accidents, du chômage, de l’invalidité, de la vieillesse. De là la nécessité de lourdes charges pour la collectivité (…). [C’est pourquoi il faut] une progression qui imposera nettement à chacun une charge véritablement correspondante aux bénéfices qu’il tire de la société. Réforme fiscale et assurance sociale, ce sont donc bien les, deux articles essentiels et inséparables par lesquels se caractérise la politique immédiate de notre parti. »

Que disait Jean Jaurès ? En substance, à peu près la même chose, à ceci près que pour lui l’affirmation de la République devait finalement abolir les classes sociales, réaliser la « démocratie sociale », et donc selon lui le Socialisme. Ce n’était donc bien qu’une variante de Gauche de ce tronc commun radical. On retrouve souvent la franc-maçonnerie comme force intellectuelle « universelle » et rassembleuse à l’arrière-plan, Jean-Luc Mélenchon s’en revendiquant historiquement.

D’où le fait que la social-démocratie allemande a tiré à boulets rouges sur le « socialisme » à la française, incapable de n’être pas autre chose qu’un radicalisme-social ultra-poussé. Le marxisme, le Socialisme comme courant distinct du radical-socialisme, n’a été concrètement qu’un produit d’importation extérieure, au départ lié à la social-démocratie allemande, puis à l’Internationale communiste après 1919.

Une influence d’ailleurs toute limitée : les grands moment de la Gauche française n’ont-ils pas été qu’une application par la Gauche de l’idéologie radical-socialiste ? C’est le Front populaire de 1936 avec le PCF qui devient le champion de la défense de la République, ou le programme du CNR de 1944 avec « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ».

Cela ne pouvait pas marcher et au fur et à mesure le radicalisme a pris le dessus. D’ailleurs, pour Sciences-Po, François Hollande et tous les candidats de la Gauche gouvernementale depuis plusieurs décennies, la France se gouvernerait au « centre », il faudrait se fonder sur le « centre », on se ferait élire grâce au « centre », etc.

Le grand lessivage des années 1990-2000 a simplement fini de raccorder la Gauche française à cette matrice radicale, avec le Parti socialiste comme héritier principal, Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon en variante de Gauche, et Emmanuel Macron comme variante de Droite.

Qu’on compare leurs propositions avec le programme commun de 1972. C’est la nuit et le jour.

Ce n’est clairement pas comme cela que la Gauche va pouvoir sortir de l’impasse politique dans laquelle elle est plongée. Pour faire face aux turbulences historiques telles qu’elles se présentent actuellement, la Gauche française ne pourra s’en sortir qu’en assumant le meilleur de l’héritage politique, rouge, du mouvement ouvrier français, mais aussi et surtout international.

C’est là un devoir historique!

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Réflexions

« Libertés en bas, autorité en haut », la matrice fondamentale du fascisme français

Qui n’étudie pas le fascisme en France, qui n’en comprend pas sa matrice idéologique, est condamné à l’échec.

En France, il y a un double problème pour saisir la nature du fascisme. D’un côté, il y a la trajectoire spécifique de la France en tant que Nation, et de l’autre, mais en fait étant lié au premier, il y a la lecture faite par l’extrême-droite française du fascisme comme régime historique.

En effet, si l’on se cantonne à une définition stricte du fascisme, il faut partir du premier régime politique qui a fait date dans l’Histoire, à savoir le régime de Benito Mussolini.

Issu du Parti socialiste italien, profondément influencé par les thèses syndicalistes-révolutionnaires qui, à l’origine française, ont trouvé écho dans une Italie profondément agraire du début du XXe siècle, Benito Mussolini fonde son mouvement, le Faisceau, sur la conjonction de la culture syndicaliste-révolutionnaire et de l’idéologie nationaliste.

Dans son optique, cette synthèse idéologique doit se réaliser grâce à l’intégration de l’individu, lui et sa fouge de révolté, à un corps supérieur, qui ne peut être que l’État lui-même.

Dans un discours au Sénat en 1928, Benito Mussolini a défini la substance de son mouvement en les termes suivants :

« Si au cours des 80 années qui se sont écoulées, nous avons réalisé des progrès aussi importants, vous pensez et vous pouvez supposer et prévoir que, dans 50 ou 80 ans, le chemin parcouru par l’Italie, par cette Italie que nous sentons si puissante, si pleine de sève, sera vraiment grandiose, surtout si la concorde subsiste entre tous les citoyens, si l’Etat continue à être l’arbitre dans les différends politiques et sociaux, si tout est dans l’Etat et rien en dehors de l’Etat, car, aujourd’hui on ne conçoit pas un individu en dehors de l’Etat, sinon l’individu sauvage, qui ne peut revendiquer que la solitude et le sable du désert »

C’est ce discours qui a marqué la définition du fascisme dans une formule simple et ramassée :  » Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État ! ». Pour le principal mouvement d’extrême-droite française qu’est l’Action Française et son chef de file idéologique, Charles Maurras, c’est une conception du monde qui ne peut convenir à la France.

Fondé sur une approche, l' »empirisme organisateur », Charles Maurras propose un « nationalisme intégral », résumé dans une formule tout aussi simple et ramassée : « libertés en bas, autorité en haut ».

Qu’est-ce-que cela signifie ? Il faut partir des faits historiques qui ont fabriqué la France : la France est une Nation qui s’est construite sur des Rois et elle doit justement sa supposé stabilité sociale à la forme monarchique du pouvoir, voilà pour l’ « empirisme organisateur » (organiser des faits historiques).

La France royaliste, c’est une organisation sociale spécifique : il y a les provinces qui s’auto-organisent, et au-dessus, le Roi qui, tel un arbitre, détient le monopole du pouvoir régalien et spirituel. Voilà pour la devise « libertés en bas, autorité en haut ».

Par conséquent, le salut de la France passe par une devise : « politique d’abord » ou « la France seule » comme horizon, et le retour à la monarchie comme ciment national et garantie de l’auto-organisation. C’est le sens du « nationalisme intégral » ou d’une autre formule connue : « la monarchie, c’est l’anarchie plus un » (sous-entendu, l’auto-organisation des provinces plus un Roi).

Dans cette lecture réactionnaire formulée par Charles Maurras, il y a donc une sorte de rejet formel de la définition de Mussolini et un produit culturel du parcours national français, qui est différent de celui de l’Italie. Pour faire simple, la formule de Mussolini correspond au parcours tortueux de l’unification italienne, quand la doctrine maurassienne correspond au processus de formation de la France sous la Monarchie absolue.

Mais ce qu’il faut voir c’est qu’au-delà de ces divergences, la substance reste la même : la paix sociale doit être garantie par un État-arbitre cimenté par une mystique national-chauvine. Le reste n’est qu’une histoire de déclinaison particulière aux trajectoires nationales.

Si le fascisme en Italie suppose d’intégrer l’individu à l’État de part une unification nationale qui n’a pas connu le poids du morcellement en « pays » mais en États déjà formés, le fascisme en France peut se baser sur l’intégration, car réalisé dans le long féodalisme et institutionnalisé par l’Absolutisme, de l’individu à la communauté provinciale.

La lecture romantique-réactionnaire opposant un « pays légal » à un « pays réel » correspond à cette image : les provinces auto-organisées et dont la « liberté » et les « traditions » seraient garanties par la royauté (pays réel), sont saccagés par un appareil bureaucratique-centralisateur issue d’une Révolution française qui dissout les « provinces » (pays légal).

Mais concrètement, cela signifie que le fascisme en France a comme matrice fondamentale cette formule « libertés en bas, autorité en haut », soit un État-arbitre fort, et un individu-roi car libre de s’auto-organiser dans sa province. Comme souligné dans un article précédent, l’erreur de Charles Maurras est de ne pas avoir intégré de manière formelle la République, ce que fera le Colonel de la Rocque et réalisera le Général de Gaulle avec la Ve République.

Quand le PSF du Colonel de la Rocque propose la « profession organisée » fondée sur « la coopération des diverses professions dans le cadre de l’économie régionale et nationale », ou lorsque De Gaulle formule sa doctrine de la « participation » visible en 1969 avec le référendum sur la « régionalisation », il y a cette même continuité de fond avec la formule « libertés en bas, autorité en haut ». Les lois de décentralisation entre 1982 et 1986 sous François Mitterrand confirment cette structuration mentale des français.

De fait, cette lecture n’est pas seulement liée à l’extrême-droite mais a imprimé concrètement les mentalités françaises : les gilets jaunes en ont été l’un des meilleurs exemples en date. Il n’est pas étonnant que le prototype du sympathisant d’Eric Zemmour ou de Marine Le Pen soit une sorte de « redneck » à la française, soit une personne à l’individualisme débridé qui veut pouvoir faire ce qu’il veut pour lui-même en « province », et souhaite un État fort pour lui garantir son égoïsme de beauf.

Quand Eric Zemmour déclare supprimer le permis à point ou supprimer les nouvelles limitation de vitesse, c’est dans cette même logique. Pareillement lorsque Marine Le Pen fait campagne derrière le slogan « Rendre la France aux français » ou que Florian Philippot harangue la foule sous le slogan « Libertés » lors des manifestations anti-pass, on retrouve toujours cette opposition « pays légal / pays réel », cette même vision du monde : « libertés en bas, autorité en haut » ou individualisme pour le peuple, fermeté-autorité pour l’État.

Il apparaît donc très clair que pour combattre réellement le fascisme dans ce pays, il va falloir en saisir les contours culturels et générer une contre-proposition, formuler une contre-lecture en mesure de battre en brèche une vision du monde qui a bien trop infusé dans la société française.

Par sa défense inconditionnelle du collectivisme et sa perspective d’une politisation généralisée des gens, il est clair que seule la Gauche historique est à même d’être un contre-feu crédible en bataillant tout à la fois contre l’individualisme et contre l’idée d’un État-arbitre à l’écart de toute politisation populaire.

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Politique

L’erreur d’appréciation à propos du fascisme en France

Éric Zemmour, Marine Le Pen relèvent du fascisme, mais faut-il encore saisir ce que signifie le fascisme en France.

Il y a un problème terrible en France : le fascisme n’est pas compris dans sa substance. Il est toujours analysé comme un décalque d’un modèle extérieur au pays, comme les modèles italiens et allemands. Et de fait, le décalque n’est jamais parfait, et il est donc proclamé que le fascisme français n’existe pas vraiment.

Quand Éric Zemmour parle d’unir la bourgeoisie patriotique et les classes populaires pour « sauver la France », c’est un élément capital du fascisme. Un même état d’esprit qui se retrouve chez Marine Le Pen écrivant une tribune dans « Les Echos » pour « augmenter les salaires et préserver la capacité des entreprises françaises à rester profitables et compétitives ».

Quand on a un minimum étudié l’Histoire, il apparait que le fascisme est un mouvement de masse qui cherche à unir les classes sociales dans un projet de grandeur nationale. La division du peuple sur une base ethnique n’est qu’un moyen, non pas la finalité du projet fasciste. La finalité, c’est la sauvegarde d’une puissance en perte de vitesse, et pour cela il faut couper court à la lutte des classes.

Mais le problème en France, c’est que le fascisme est opposé formellement à la République. Cela est lié à l’opposition De Gaulle / Pétain qui forme un obstacle idéologique de taille pour l’analyse. Car avant 1940, il y a deux lignes dans l’extrême-droite française : celle, historique, pro-monarchiste, liée aux réseaux de l’armée, arc-boutée sur l’idée d’un putsch minoritaire, et celle portée par le colonel de la Rocque avec son Parti Social Français.

En juillet 1940, avec Pétain, c’est la victoire du courant monarchiste et minoritaire des officiers et des ultras de la collaboration, sur le mouvement du Colonel de La Rocque, qui avait proposé un fascisme authentiquement français. C’est lui qui a été à la base d’une véritable révolution intellectuelle. Son apport est capital, et pourtant si simple : en France, la République est trop installée, trop enracinée pour être contestée.

Les ligues d’extrême-droite, celles de l’Affaire Dreyfus, du 6 février 1934, sont nées sur le terrain politique du catholicisme social et sur la base d’une défense de la Monarchie. Pour de la Rocque, elles ne peuvent qu’échouer dans leur entreprise de mobilisation. Et s’il y a une caractéristique fondamentale du fascisme, c’est bien celle de mobiliser socialement les gens dans un sens nationaliste.

Les réseaux des Ligues, c’était surtout la petite caste de militaires, d’officiers qui surent sauvegarder l’héritage catholique- monarchiste après la victoire de la IIIe République à la fin du XIXe siècle. Il suffit de lire n’importe quelle autobiographie de hauts gradés du début du XXe siècle pour voir à quel point Charles Maurras ou Charles Péguy forment des cadres idéologiques pour cette couche sociale.

Lorsque le Colonel de la Rocque forme son « Parti Social Français » en 1936, il va très vite atteindre plus d’un million d’adhérents. Il fait vivre des clubs de sports, tient des jardins ouvriers, animent des réunions de femmes, tout en générant des sections paramilitaires, entrainées et relativement bien armées.

Voici par exemple un extrait du programme du PSF, une base véritable à la pensée de De Gaulle plus tard :

« Nous voulons un État dégagé des influences anonymes et irresponsables : coalitions de partis, de clientèles, d’industries, de banques, de journaux, d’agence, etc. […] Le Président de la République, chef effectif de l’État cessera d’être le personnage effacé qu’il est devenu par l’effet d’une lingue coutume, contraire à l’esprit de la Constitution elle-même. »

Tout cela sur une base claire : la République ne doit pas être heurtée de plein fouet, mis investie pour en transformer le contenu dans un sens nationaliste afin de dépolitiser la société et ainsi barrer la route à la Gauche socialiste et communiste.

Ce que de la Rocque n’a pas pu faire à cause de l’occupation de la France par le régime nazi, c’est le général De Gaulle qui s’en réclamera dans le discours de Bayeux en 1946, puis l’appliquera en 1958 avec la Ve République, cette « monarchie républicaine » vantant la collaboration de classe et un chef au-dessus des partis politiques. Le RPF sera l’héritier du PSF :

« Le salut vint d’abord d’une élite, spontanément jaillie des profondeurs de la nation et qui, bien au-dessus de toute préoccupation de parti ou de classe, se dévoua au combat pour la libération, la grandeur et la rénovation de la France. (Bayeux, 1946) »

Quand Éric Zemmour ou Marine Le Pen se présentent comme des défenseurs de la République, ils le font sur cette base fasciste française où il est sauvegardé la forme institutionnelle pour mieux modifier le fond politique et idéologique. Cela est d’autant plus aisé que le régime n’est plus parlementaire, mais justement une République présidentielle…

Le fonds du fascisme dans ce pays, c’est une sorte de néo-gaullisme, c’est-à-dire une synthèse dans les années 1950-1960 des deux courants de l’extrême-droite. Vouloir combattre le fascisme en ne ciblant seulement les quelques groupuscules de l’extrême droite anti-républicaine serait une grave erreur d’appréciation historique. Plus que l’extrême-droite, c’est le fascisme qui doit être combattu dans la période.