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Société

De la fraîcheur, avec un skateboard

De la fraîcheur urbaine avec une musique entraînante. Tout simplement contagieux.
 

La vidéo très sympathique avec la skateuse d’Anvers Maité Steenhoudt est une bombe de fraîcheur. Produit par la marque Element, on y retrouve l’esprit traditionnellement fun et urbain du skate, avec toujours une grande attention accordée au style, évidemment. La bande-son, très bien choisie avec son côté rétro-electro, est la chanson Starry Night de la DJ coréenne Peggy Gou, déjà récupérée massivement par la hype capitaliste… Ce qui rappelle l’importance de la bataille culturelle.

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Société Vie quotidienne

Quand l’esprit est dans une impasse et bascule dans l’idolâtrie

Parfois l’esprit cherche des refuges, la pensée se raccroche à ce qui se trouve à portée. L’expression la plus connue est celle de personnes qui trouvent un secours dans la religion. On aurait tort de minimiser ce phénomène et de ne pas accorder plus d’attention aux différents niveaux, aux innombrables impasses que la réalité d’un capitalisme, à la fois triomphant et en perdition, produit inlassablement.

Le vie quotidienne du capitalisme empêche de prendre conscience de la réalité. Elle s’immisce dans chaque moment, chaque espace afin d’éroder les corps et les esprits. Contrairement à ce que s’imaginent les anarchistes français, l’ultra gauche et autres populistes, les gens ne sont pas des « moutons » (expression péjorative pour ces animaux). Les esprits cherchent à survivre et le résultat, aujourd’hui, n’est pas beau à voir.

Certains cherchent un certain confort, une certaine sécurité à travers une maison, une voiture, un petit commerce ou même un bout de terrain. D’autres cherchent à tout prix cette paix, mais se font broyer avant d’arriver au but : alcool, drogues… Au-delà de ces stratégies de survie de l’esprit, il y a toutes les petites solutions et tous les détours qui parsèment la vie. Tous les mensonges, à soi et aux autres, toutes les certitudes auxquelles on se raccroche. Les variantes sont infinies : chaque instant, chaque lieu, chaque personne en produit de nouvelles. Toutes ont un point commun : l’égo y est un poison central.

Il est un poison qui empêche de voir réellement un Homme derrière l’autre. Il dégrade l’esprit en fabriquant de fausses haines et de fausses adorations. Il fabriques des idoles et des fétiches.

L’Homme croit aimer une personne alors qu’il s’est réfugié dans l’adoration d’une image, une production de son esprit emprisonné par son égo. Non seulement les sentiments sont faux, mais en plus ils sont tournés… vers soi. L’Homme troublé n’est plus capable de voir une personne en face. La raison s’efface doucement devant ce culte nouveau.

Combien de personnes s’imaginent transportées par des sentiments nobles alors qu’elles ne vénèrent qu’une image ? Combien se complaisent dans cette situation ?

Echo et Narcisse - John William Waterhouse, 1903

Le problème est que cette situation est rassurante. L’idolâtrie, peu importe le niveau, devient un refuge. On se construit un personnage, on le vit, on l’incarne. On décroche à nouveau de la réalité et de ses exigences, avant de se raccrocher à sa petite vie et ses habitudes.

On dira que ce phénomène est la plupart mesuré, que la plupart de ces personnes ne sont pas folles, qu’elles peuvent parfaitement vivre en société, etc. Mais c’est oublier que cette démarche façonne la pensée : elle entretient le culte de l’égo et empêche de saisir le monde tel qu’il est et de saisir sa place, à la fois grande et insignifiante.

Toute personne qui porte en elle une part d’idolâtrie se tourne vers elle-même, sans même s’en rendre compte, vers un monde statique qui se répète indéfiniment. L’esprit se complaît dans cette simplicité et ce confort apparents. Il n’a alors aucune raison de se tourner vers l’avenir qui signifie la fin d’un monde : tel est le problème fondamental du culte des idoles moderne.

Chaque petite moment d’idolâtrie est un refuge et une impasse : il permet de se construire un petit monde à soi, un personnage dans un cadre connu, balisé et prévisible. Mais il s’oppose par essence à toute socialisation, à tout dépassement de soi : il est contre un Homme nouveau.

À chaque bouffé d’auto-intoxication, l’esprit se complaît dans ces échecs, dans sa propre médiocrité, dans les douleurs qu’il se créé de toute pièce. Elle ne cherche même plus une responsabilité extérieure : « les choses sont mauvaises aujourd’hui et le seront toujours, tel est la loi immuable de l’univers ».

Il ne peut y avoir de place pour de telles logiques. Elles sont des poisons à combattre. L’égo est un poison. Mais il est très difficile de s’en défaire et de l’éviter : les générations passées et actuelles sont en quelque sorte condamnées à le côtoyer. Il n’est pas question ici de défaitisme, seulement de réalisme : il faut voir les problèmes en face.

Un ordre nouveau, grandiose et rayonnant est à venir. Mais son avènement ne se fera pas sans difficulté et sans douleur. Un monde sans égo, sans fausse vérité, sans impasses, sans mensonges : un nouveau battement pour un cœur mourant.

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Société Vie quotidienne

Décadence, vie de bureau et corruption

La vie de bureau est une réalité pour de plus en plus de personnes dans notre pays et dans les autres nations capitalistes : enfermées sept heures par jours, voire plus, derrière un bureau, un écran et un clavier d’ordinateur. Chacun prend ses habitudes, chacun comprend la place de chacun, chacun trouve son rôle et finit par le jouer le plus naturellement possible.

John William Waterhouse - The Lady of Shalott

La vie de bureau intègre totalement les employées à leur entreprise. Ils font et sont la vie de « la boîte ». Ils portent ou défendent la « culture de l’entreprise », quand ce sont pas ses « valeurs ». Les plus chanceux et les plus aliénés auront un poste qui correspond à leurs besoins et à leurs attentes. L’entreprise remerciera ses collaborateurs par des séminaires, des séances de team building, des comités d’entreprise généreux afin de renforcer le lien entre l’entreprise et ses membres. Elle organisera des repas de Noël, elle forgera des liens entre ses collaborateurs grâce au management et aux ressources humaines : elle n’est plus une entreprises, elle est une famille.

Les moins chanceux n’auront pas cette joie d’aller travailler le matin. Tous les matins. Ils en rêveront. Ils accepteront le moindre petit cadeau et seront satisfait, d’avoir accès aux même activités d’entreprises que leurs compatriotes chanceux : pots de départs et alcool gratuit, prendre part aux jeux des relations sans lendemain entre collègues, sorties groupées dans un bar dont on parlera pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Le capitalisme moderne des pays comme la France a ceci de fantastique qu’il repousse toujours plus loin le concept d’offre et de demande : chaque personne peut trouver la vie de bureau qui lui correspond. Mieux : chacun doit trouver la vie de bureau qui lui convient… à chaque moment de sa vie. Tout est possible.

Une personne cynique et prétentieuse trouvera chaussure à son pied, une autre davantage portée sur le sens de son travail trouvera aussi l’entreprise qui lui permettra de s’épanouir et de grandir, selon les termes chers aux défenseurs de l’entreprise.

La bonne vie du bureau devient le rêve, l’idéal de la mauvaise vie de bureau. On galère, et enfin : on trouve sa place. On remercie l’entreprise et les collègues qui nous ont fait confiance. On souhaite le meilleur et plein de succès à tous lorsque l’on quitte le navire : peu importe tous les non-dits, toutes les rumeurs, toutes les choses qui se savent très bien. Et peu importe les piques qui seront lancées dans son dos.

On part ensuite pour une entreprise qui nous correspond davantage : que ce soit en terme de valeurs ou de carrière. On s’intègre à nouveau, on participe à une nouvelle vie dans une nouvelle entreprise. La vie quotidienne continue son travail de destruction, de sape et de corruption.

L’esprit de chacun se fait plier, broyer, écarteler. Peu importe la vitesse, le résultat sera identique: la richesse, la lumière qui brille en chacun sera détruite petit à petit. La vie quotidienne isole et bride les sens, elle restreint l’intelligence au strict minimum : l’entreprise devient le seul horizon. Et si l’entreprise seule n’y arrive pas assez vite, la vie sociale prend le relais.

La moindre nuance de couleur dans le ciel, le moindre changement dans la couleurs des arbres devraient être des sources d’émerveillement et de curiosité continus parmi les innombrables perceptions que nous avons du monde et de l’univers. Mais rien de tout cela n’est nécessaire à la vie de bureau : il faut optimiser les sens et l’esprit afin qu’ils ne perturbent pas le bon déroulement d’une vie de bureau morne.

L’émerveillement et l’attention accordée au sens, et donc à la vie et à l’univers, n’apportent rien à l’entreprise. Tandis que des parties de Call of Duty entre collègues après le travail permettent de souder l’équipe, de fournir des sujets de discussion, de créer des groupes de collègues…

Un divertissement des plus abrutissants pour un travail abrutissant. Un travail abrutissant qui permet de s’offrir des biens abrutissants. La boucle est bouclée : difficile d’en échapper. Les années passent, certains restent dans la même entreprise pendant dix ans, vingt ans… Et finissent complètement démolis.

Deux mille ans d’histoire et certains acceptent, et sont même fiers, de faire rayonner une marque, une entreprise, sur la réseaux sociaux ? De vendre des produits qui n’ont, socialement, aucune utilité ? De développer des applications plus ou moins calamiteuses qui ne servent en réalité à rien ? D’organiser des séminaires, de séances de team-building, tous plus destructeurs culturellement les uns que les autres ? Quand ils ne sont pas des insultes à l’idée même de culture.

Les plus chanceux acceptent avec plaisir l’horreur, l’abrutissement quotidien et la négation pure et simple de la complexité et de la richesse de la vie. Mais combien, parmi les moins chanceux, rêvent de cette situation ? En étant bien conscients que tout est faux. Combien acceptent cette petite vie quotidienne faite de corruption dans l’espoir d’avoir un peu mieux plus tard ?

La capitalisme en perdition n’est plus capable de donner le moindre sens au travail. Il ne chercher plus qu’à étendre son emprise sur toujours plus d’aspects de la vie quotidienne. Les sens, la vie intérieure doivent être brisés, pliés et calibrés afin de permettre à un mode de production à l’agonie et gagner ainsi des années d’espérance de vie. C’est une impasse qui ne pourra aboutir qu’à l’avènement d’un monde et d’un homme nouveaux sous le socialisme. Mais cette renaissance ne se fera pas sans douleur : il faudra payer le prix de décennies de corruption.

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Culture

Playlist: «Tout le pouvoir aux magiciennes !»

Orientée gothique mais avec sa dimension électronique, cette nouvelle playlist met en valeur les magiciennes, c’est-à-dire des artistes qui ont apporté une dimension totale dans leur approche et une grande profondeur dans leur expression musicale. Leur grâce s’impose.

[ La playlist est en lecture automatique ]

Nous vivons une époque de simplisme et de raccourcis et il n’est nul besoin d’être devin pour savoir que cela provient de la pression du capitalisme, qui veut une consommation rapide, irréfléchie, sans nuances ni profondeur.

Toute profondeur culturelle se voit ainsi malmenée, repoussée, niée et cela implique, par définition même, la régression pour les femmes de l’affirmation de leur existence. Pourquoi ? Parce que la psychologie des gens dans le capitalisme se réduit à des impulsions.

Or, les femmes doivent encore s’extirper de l’écrasement subie pendant des milliers d’années par le patriarcat puis par la course effrénée imposée par le capitalisme sur le plan de la vie quotidienne. À cela s’ajoute ce que bien entendu certains trouveront erroné, alors que la vie quotidienne le montre aisément : l’amplitude psychologique bien plus large de la femme par rapport à l’homme, tout simplement de par le rapport à la vie.

Il y a donc lieu de célébrer les magiciennes qui, à rebours de la vulgarité, de l’obscénité même, ont exprimé une réalité à la fois féminine et hautement culturelle, avec une sensibilité esthétique et sobre en même temps, à la fois intime et virevoltante.

On aurait pu se tourner ici vers tous les styles de musique, penser à la chanteuse des années 1960 Janis Joplin, ou bien même pourquoi pas à des figures kitsch mais sympathiques telles Cindy Lauper ou Madonna à ses débuts, avec leurs affirmations féministes. Le mouvement mi-punk mi-grunge des riot grrrls est également incontournables.

Il aurait été dommage toutefois ne pas accorder la préséance au son froid et hypnotique du tout début des années 1980, soit gothique soit électronique, se combinant à une voix féminine énigmatique ou peut-être plutôt enchanteresse. Il y a dans cette combinaison apparemment opposée, contradictoire de froideur et de chaleur une réelle mise en perspective de comment la femme s’arrache d’un monde où elle n’a pas (encore) le pouvoir.

De plus, le romantisme du gothique a puissamment aidé à l’expression de l’intériorité subjective, ainsi qu’appuyé une ampleur esthétique faisant des « magiciennes » des artistes totales.

Chaque époque produit bien entendu ces magiciennes et actuellement, on peut s’intéresser, avec un regard critique, à la Norvégienne Aurora, l’Ukrainienne Onuka, l’Américaine Billy Eilish ou encore l’Australienne Sia, (ces deux dernières étant par ailleurs véganes), voire encore Yolanda Visser de Die Antwoord.

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Société

Une religiosité sans Dieu

Depuis quelques années, un nouveau discours apparait chez les partisans de la religiosité : le message implicite est qu’il faut être religieux, peu importe que Dieu existe ou pas.  

prison pour le coeur et pour l'esprit
Il est écrit : « Prison pour le cœur et pour l’esprit »

Qui n’a jamais eu une discussion autour de l’existence de Dieu? Sans pour autant se laisser convaincre que Dieu existe, on a parfois un peu d’égard pour la personne religieuse qui n’en démord pas, on laisse tomber, on passe à un autre sujet, tellement poursuivre la conversation serait stérile. De toute façon, il est toujours plus efficace de montrer l’exemple par sa conduite, que d’essayer de convaincre à tout prix.

Au vu des progrès de la science, on n’a désormais aucune excuse quand on prétend que Dieu existe. Et cela, même les partisans de la religion en ont conscience, même sans le formuler.

Alors, pour ces partisans de la religion, l’argumentaire s’est désormais déplacé : plutôt que d’essayer de prouver l’existence de Dieu, ce qui est une cause perdue, on insiste sur l’importance de croire en Dieu, de « pratiquer sa foi », au motif que cela nous fait du bien, que cela nous apporte un équilibre, bref, que c’est bon pour nous.

Et la science, qui est commodément mise de côté quand il s’agit de prouver l’existence de Dieu, est par contre bien mise à contribution quand il s’agit de parler des endorphines que nous procure la prière, du sentiment d’appartenance à une communauté, du réconfort d’imaginer qu’il y a quelque chose après la mort, etc.

Tout cela parce qu’il y a des statistiques qui semblent prouver que les personnes croyantes sont en moyenne plus heureuses que les personnes athées. Il y a, pour certains, ce cliché de la personne croyante, « en paix avec elle même », toujours souriante dans l’adversité, qui s’oppose au cliché de l’athée tourmenté, dépressif et au bord du suicide.

Mais il y a une méprise fondamentale. Ce n’est ni Dieu, ni la religion qui apportent un certain bien-être aux personnes croyantes.

pas de Dieu en vue !
Il est écrit : « Pas de Dieu en vue ! »

Ce qui nous rend joyeux, c’est que notre vie ait un sens, une direction, une utilité, qu’elle soit inscrite dans un projet de société plus vaste que nos petites individualités, qu’elle soit tournée vers l’avenir.

Ce qui nous rend joyeux, c’est aussi la richesse des échanges, l’entraide, le respect mutuel, le sentiment d’être un membre à part entière de la société qui a sa propre contribution à apporter.

On comprend ainsi pourquoi beaucoup de gens vont chercher du réconfort dans les lieux de culte et dans les communautés religieuses. Mais que des personnes intelligentes entretiennent volontairement la méprise entre la religion et certains de ses attributs, en foulant au pied la science, cela est véritablement criminel et irresponsable.

Dans un futur certain, l’humanité pourra rire de sa naïveté enfantine et enfin se débarrasser complètement de ses vieilles superstitions. Mais en attendant, il y a du pain sur la planche, car la conception utilitariste de la religion, pour ses bienfaits psychologiques (et qu’importe si Dieu n’existe pas!) fait son chemin dans le grand public, colportée par des pseudo-scientifiques et des pseudo-philosophes.

Plus que jamais, donc, soyons des athées joyeux, car on ne peut pas bâtir la société future si l’on n’est pas déjà inscrit dans son époque!

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Société

Décès du cycliste Raymond Poulidor, figure populaire française

Raymond Poulidor, décédé ce 13 novembre 2019 à l’âge de 83 ans, est de ces figures françaises ayant traversé les générations et représentant quelque chose d’important dans le pays et au-delà. Champion cycliste, il incarne une tradition populaire des campagnes françaises où le cyclisme a été si important.

Raymond Poulidor, c’est une figure affable, appréciée comme une sorte de représentant de la France populaire et de ses valeurs. Si l’on parle souvent de lui comme un « éternel second » pour ses trois deuxième place (et cinq troisième place) au Tour de France, ce n’est pas par fascination pour la défaite.

Ce qui a plu en lui, c’est la volonté et l’abnégation qu’il représente, tout en restant une personne considérée comme simple, généreuse et ayant un sens moral. Il faut noter également sa fidélité à son équipe, qu’il n’a jamais quitté en 17 ans, chose qu’on imagine impossible de nos jours.

Raymond Poulidor n’est pas qu’un second du Tour de France : il a un très beau palmarès de coureur cycliste, sport trop souvent réduit à « la grande boucle ». Il a été champion de France, il a remporté des courses prestigieuses comme les classiques Milan-San Remo et la Flèche wallonne, les courses d’une semaine Paris-Nice et le Critérium du Dauphiné ou encore la course de trois semaines le Tour d’Espagne.

Issu d’une famille de métayers dans le Limousin, il représente tout à fait cette France des campagnes de l’après-guerre, qui filait vers la modernité. Le cyclisme, qui a d’abord été un sport urbain, s’est ancré dans les campagnes à mesure que les routes devenaient de plus en plus praticables.

Les fameuses courses de clocher, c’est-à-dire des courses cyclistes amateurs ou de jeunes organisées sur un petit circuit passant à de nombreuses reprises devant la place de l’Église d’un bourg, ont largement rythmé la vie des campagnes françaises durant la seconde moitié du XXe siècle. Il en existe encore de nombreuse dans l’Ouest de la France, surtout dans les régions Bretagne et Pays-de-la Loire.

Ailleurs dans le pays, les courses sont beaucoup plus rares du fait d’une grande érosion des effectifs. Le cyclisme a beaucoup souffert de la diversification de l’« offre » sportive, contrairement au football qui a sur rester énormément populaire chez les jeunes.

En plus de cela, il est de plus en plus difficile d’organiser des courses cyclistes, du fait des aménagements urbains – notamment les ralentisseurs en dos-d’âne ou des « haricots », et du nombre important de bénévoles requis.

Pour une course en circuit (en général des circuits de 5 km environ), il faut au moins une voiture suiveuse et une voiture ouvreuse, ainsi que des signaleurs à chaque intersection, pour arrêter les voitures et ne les autoriser à passer qu’entre les coureurs. Pour une course en ligne, c’est-à-dire partant d’un point A et arrivant à un point B sans rester sur un circuit (comme une étape du Tour de France par exemple), c’est encore pire : non seulement il faut des signaleurs aux principaux carrefours et dans chaque village traversé, mais en plus il faut des motards, qui anticipent la course en arrêtant les voitures en face, puis doivent doubler le peloton des coureurs pour de nouveau être disponibles pour arrêter les voitures en face ou signaler un danger sur la route, etc.

Il faut également une voiture ambulance, un médecin, des voitures pour transporter les commissaires (arbitres), des assistants sur le bord des routes pour passer les bidons et les voitures des équipes des coureurs, pour les dépanner ou les embarquer en cas d’abandon. Il faut ensuite sécuriser l’arrivée, un podium et un protocole, etc.

C’est une logistique énorme, bien plus que pour un simple match de football. Cela demande l’implication de nombreuses personnes bénévoles. À part pour les arbitres qui touchent une indemnité comme dans de nombreux sports, tout le reste de l’organisation est du travail gratuit. Même pour les courses de niveau national.

À une époque de replis sur soi et de délitement du tissu social, notamment dans les campagnes et les périphéries des villes, on comprend qu’il soit de plus en plus difficile de mobiliser ces gens, héros ordinaires donnant de leur temps pour le plaisir des jeunes et de la vie collective.

Raymond Poulidor, au-delà de la figure sportive médiatique, représente en fait beaucoup cela. On ne peut pas comprendre pourquoi il est encore si apprécié, si on ne connaît pas cet arrière-plan populaire lié au cyclisme, directement ou non.

Le Tour de France maintient en partie cette tradition, d’ailleurs Raymond Poulidor y était présent chaque année jusqu’à cette année et il disait sans hésiter qu’il en était accros, « comme une drogue » ! Cependant, l’engouement du Tour n’est qu’une exception épisodique du début de l’été, pour un sport qui intéresse très peu le reste de l’année, surtout dans sa pratique amateur (de haut niveau, pas de loisir) et jeune.

Aujourd’hui le sport cycliste (sur route) connaît une phase évidente de modernisation, mais qui ne vient pas de France. Il est en effet flagrant de voir à quel point en France ce qui relève de la culture populaire des campagnes (ou d’un ancrage ancien dans les quartiers anciennement populaires des villes, mais liés aux campagnes) est largement ostracisé.

Ailleurs, le cyclisme n’a pas cette image rurale et ringarde culturellement. Il est mis en avant de façon moderne, notamment par des marques ou différentes entreprises qui en font un vecteur de valeurs.

Finissons donc pour illustrer par cette jolie vidéo de la marque de vélo Canyon, qui met en scène justement le petit-fils de Raymond Poulidor, Mathieu Van Der Pool.

Les images le lient à son grand-père et à son père le néerlandais Adrie Van der Pool, lui aussi un champion cycliste. Mathieu Van Der Pool, 24 ans, est déjà bien connu par les suiveurs du cyclisme, notamment pour ses exploits hivernaux en cyclo-cross, sport extrêmement populaire dans les campagnes flandriènnes. Il est d’ailleurs champion du monde 2019 de cyclo-cross (également de VTT cross-country). Sur route, Mathieu Van Der Pool a déjà remporté la classique Amstel Gold Race et n’est pas passé très loin du titre de champion du Monde pour lequel il était un grand favoris.

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Société

La moto et la ville

On part au travail dans une zone industrielle, on travaille dans un bureau, dans un hangar, peu importe… On travaille en intérieur, sous la lumière blanche des néons pendant sept à huit heures d’affilées. À la fin de la journée, on rentre en ville, généralement dans son appartement, après avoir passé tout le trajet à voir sans vraiment regarder des panneaux publicitaires, des enseignes lumineuses, de la même façon qu’on est hypnotisé par la lumière rouge des feux arrières des voitures devant nous. Et le lendemain, ça recommence !

Quand on vit en ville, et qu’on y travaille, en son cœur ou bien en périphérie dans une zone industrielle, vient toujours un moment où le travailleur se sent pris à la gorge, et rêve de s’échapper. Il y a une contradiction puissante entre la profusion urbaine poussée jusqu’au malsain, et le vide total des campagnes. Le motard, lui, est souvent une personne qui, au fond, cherche à briser ne serait-ce que le temps d’une balade, cette contradiction.

Il part donc, seul ou accompagné, sur les plus jolies routes de sa région. Pourquoi sont-elles plus jolies ? Parce-qu’elles sont bordées d’arbres, parce-qu’elles sont à flanc de falaise et laissent admirer des paysages à couper le souffle. Même sans tomber sur de magnifiques panoramas, le simple fait de sortir et d’être au contact de la nature, de voir qu’il existe encore des endroits où les bâtiments ne font pas la jonction entre la terre et le ciel, est un soulagement en soi. Certains roulent doucement, pour prendre le temps d’admirer et certains roulent trop vite, pour se défouler.

Le motard cherche à vivre, à être au contact de l’air, il tâtonne pour trouver une authenticité qui lui manque. Il a toujours une bonne raison de fuir la ville, qu’il ne supporte pas au quotidien : il suffit d’observer son comportement dans la circulation pour voir qu’il se sent oppressé et frustré dans le chaos urbain, ses embouteillages, ses grandes voies réservées à certains usagers précis, qui lui semblent désespérément et inutilement vides. Il a rapidement besoin d’aller vite, même pour aller travailler dans un endroit qu’il n’apprécie pas vraiment.

C’est pour cela qu’il adopte souvent une conduite à risque, qu’il se met lui et les autres en danger. Si conduire une moto n’est pas un crime, il faut aussi que le motard devienne plus conscient de ce qui le motive au fond et qu’il comprenne que la moto, si elle lui permet de fuir la folie des villes ou de se vider l’esprit de tous ses soucis, n’est pas pour autant un sésame pour l’authenticité et la liberté.

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Culture

Mauvais oeil et le son mêlant enfin Orient et Occident

Le groupe Mauvais Œil qui vient tout récemment de sortir son mini-album pose une combinaison qu’on peut, pour résumer en raccourcissant la complexité de la chose, qualifier de rencontre entre l’Orient et l’Occident. « Afrita » et « Constantine » sont des titres qu’il faut impérativement découvrir, en étant forcément fasciné par le côté lancinant qui emporte telle une vague mélodique.

Ce mélange est extrêmement ardu à réaliser et il est ici somptueux. Il y a bien entendu énormément de rencontres musicales qui ont déjà été faites, notamment en France pour des raisons historiques. Mais le syncrétisme ou plus exactement la synthèse est extrêmement difficile à réaliser.

La raison en est la nature particulière de la musique orientale (la définition d’orientale étant ici extensive), avec son principe de plages, d’atmosphères. Un tel résumé est lui-même caricatural, mais on saisit la différence d’avec la base blues de la chanson qui s’est généralisée en Occident (et si on omet le folklore et ses refrains, tout comme le classique).

La synthèse n’a de ce fait, romantisme oblige, était tentée et réussie souvent que dans le milieu gothique / electro-industriel, l’Orient ayant une dimension puissamment romantique. En voici quelques exemple, par ailleurs des classiques au sens strict dans cette perspective musicale.

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Société

Mode: le style football 2019/2020 témoigne du rythme populaire

L’élévation de la qualité des maillots de football et des habits qui y sont liés reflète une exigence populaire de style et d’universalisme. Le capitalisme a ici totalement triomphé, ce qui signifie qu’il est en train de s’effondrer et de laisser la place à un processus de socialisation. La mode est devenue une exigence de style populaire, dans la vie quotidienne. Le style graphique 2019/2020 en est un signe efficace.

La mode était auparavant l’apanage d’une minorité au style de vie franchement isolé du reste de la société. Le développement de la société de consommation a bouleversé la donne. Si le style populaire est largement aliéné par les valeurs imposées par le marché, il affirme un universalisme qui préfigure la socialisation complète.

Rien que les habits proposés par le club de football des Kaizer Chiefs de Johannesburg, en Afrique du Sud, sont d’une fraîcheur exceptionnelle. A l’avenir, tous les maillots auront ce niveau… quand on aura changé le contenu de la société.

Ce processus de socialisation est bien entendu invisible aux yeux de qui pratique le misérabilisme quant aux conditions de vie. Sur un site d’ultra-gauche, au sujet de l’écologie, il est écrit tout récemment que la majorité des prolétaires n’a pas les moyens de se procurer des tomates bios.

Un tel misérabilisme est en décalage total avec le développement de la société de consommation, qui est aussi l’expression de l’universalisme et de la socialisation. Poto ! Le maillot de la Roma extérieure coûte seulement 60 euros…

Le niveau de culture augmente, il se généralise, même si le processus est tourmenté et déboussolé par le rythme capitaliste de la consommation, sa superficialité. Il y a une esthétisation de la réalité sociale qui se produit et la pression des masses à ce niveau est immense. Il y a une exigence de qualité et de style, évidemment tout est détourné par le capitalisme… pour l’instant.

Il n’y a plus que les gens liés à la vieille culture syndicale pour ne pas voir l’intérêt d’un produit comme le maillot home du club anglais de Hull city…

Il faut être sans culture pour ne pas voir le style rigoureusement italien du troisième maillot de l’AS Roma, de par sa coupe, ses couleurs, le style qu’il impose.

Le maillot home de Liverpool en mode spécial Blackout est formidable et il n’est pas étonnant que son succès a été très grand.

Le maillot extérieur d’Arsenal à l’occasion du carnaval londonien de Notting Hill est une réussite brillante également.

Ce monde toujours plus en noir et blanc se colore toujours plus. Tous les succès du capitalisme sur tous les plans annoncent son dépassement par la socialisation populaire.

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Société

APACAUVI: STOP au scandale des trottinettes, NON à l’anarchie urbaine

L’Association Philanthropique Action contre l’Anarchie Urbaine Vecteur d’incivilité (APACAUVI) s’est constituée en réaction à l’invasion de Paris par les trottinettes électriques, source de nombreux accidents et d’une incivilité générale insupportable.

L’APACAUVI met en place un recensement et une aide au victimes. Elle mène également un travail quotidien d’information et de diffusion d’information sur le sujet de « l’Anarchie Urbaine Vecteur d’incivilité ». On retrouvera une partie de ce travail sur la page Facebook de l’association.

Une vidéo présente la question :

Il existe également une pétition (suivre ce lien pour signer) dont le texte exprime le combat démocratique de l’association :

« Face au développement anarchique des trottinettes électriques,

Face aux carences des pouvoirs publics quant à réguler le trafic,

Face aux nombreux accidents…

  • Une pianiste de l’Opéra de Paris, renversée par une trottinette et qui ne pourra certainement pas rejouer.
  • Une mère de famille et son bébé de 7 semaines, percutés par une trottinette avec, à la clé, un traumatisme crânien pour le bébé.
  • Plusieurs décès…

Combien faudra-t-il encore de victimes pour que les élus réagissent?

Nous avons décidé d’agir !

En créant l’association : APACAUVI : ASSOCIATION PHILANTHROPIQUE ACTION CONTRE L’ANARCHIE URBAINE VECTEUR D’INCIVILITÉS.

Notre objectif est clair :

  • Obliger les villes à faire respecter la Loi, afin de protéger les citoyens contre toute forme d’incivilité.

  • Soutenir les victimes d’accidents de trottinettes électriques ou autres engins de déplacement motorisés.

  •  Accompagner les victimes dans leurs démarches administratives;

  • Connecter les victimes entre elles afin de partager leur expérience.

  • Orienter les victimes dans le parcours de la victime. »

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Réflexions

On pardonne aux gens brillants leur indiscipline…

On pardonne aux gens brillants leur indiscipline… parce qu’ils sont brillants, qu’ils débordent du cadre pour apporter des choses, en respectant les exigences des autres. C’est étrange, mais il y a des parcours non pas meilleurs, mais différents : ces gens sont mauvais en certains endroits, mais tellement bons dans les autres ! Ce qui est inacceptable, par contre, c’est l’absence de loyauté. Car là les esprits brillants ne travaillent plus que pour eux, ne font que s’auto-satisfaire. C’est d’ailleurs à partir de là qu’ils cessent d’être brillants.

Il y a toujours eu, à Gauche, des gens ayant un parcours assez particulier. Il y a toujours eu, grosso modo, trois types de gens : il y a les penseur et raisonneurs, plus hyper actifs qu’intellectuels ; il y a les gens avec une formation avancée ; il y a les sympathisants.

Mais parmi tout cela, il y a des esprits qui se baladent, qui voguent. Ils comprennent tout, sont brillants, avec des points les perturbant et les obsédant. Ils vont et viennent, tels des fantômes réels tourmentés et humainement très attachants.

On les adore, car ils apportent des choses authentiques ; au-delà du sens de l’exigence, ils ouvrent des perspectives auxquelles on n’a pas forcément pensé. Tant qu’ils reviennent, on les respecte comme des compagnons de route incontournables, assez particuliers, mais tellement essentiels.

L’Histoire de la Gauche donne de très nombreux exemples de cela. Le plus connu, auquel on ne pense pas forcément ici, c’est Jean Jaurès. Ses idées étaient éclectiques et personne ne comprenait s’il était républicain ou marxiste, réformiste ou bien attendant un élan révolutionnaire. Mais ses propos étaient incisifs, son sens des tournures formidable, il était incroyablement mordant.

En Allemagne, la figure équivalente, bien que très différente dans sa forme et son contenu, c’est bien sûr Rosa Luxembourg. Elle jetait des monceaux de critiques sur les dirigeants sociaux-démocrates devenus trop institutionnels à son goût, mais il n’était pas possible de la mettre de côté, strictement impossible même. En URSS, il y avait les écrivains Maïakovski et Gorki, qui passaient leur temps à foncer et à râler, au grand dam des bolcheviks qui, pourtant, leurs pardonnaient absolument tout.

Ce qui n’a par contre jamais été accepté, ce sont les gens n’ayant pas de loyauté. Être tourmenté, c’est une chose. Profiter des autres pour se mettre en avant, parce qu’on est vif d’esprit et qu’on peut piller les bonnes idées accumulées par d’autres pendant longtemps, c’est autre chose.

On se doute que dans un pays comme la France, plein de richesses et d’éducation, le nombre de ce esprits brillants est conséquent. L’impact n’en est plus que dévastateur. Il suffit de regarder ce que sont devenus les gens impliqués dans l’après mai 1968.

Ainsi, le nombre de gens par exemple issus de la « Gauche Prolétarienne » ayant fait carrière est vraiment important. Dans le cinéma, la musique, la littérature, la presse, les entreprises, l’appareil d’État… Le nombre de gens ayant saisi des choses dynamiques pour les réduire en moyen pour une reconversion réussie, une carrière brillante, est vraiment important.

Imaginons que ces gens soient restés engagés à Gauche, tout en développant leurs capacités comme ils l’ont fait après ! Les résultats auraient été formidables. Cependant, ces gens n’ont pas eu de loyauté. La loyauté est une qualité populaire et elle ne s’apprend pas, elle ne s’improvise pas, elle se vit.

Ce constat peut être fait bien entendu pour le Parti socialiste à partir de 1983, qui pareillement a regroupé des esprits profondément brillants, mais cédant à la corruption de la reconnaissance et de l’argent, ainsi qu’à l’attrait de posséder des richesses, des propriétés.

Si Emmanuel Macron fascine tant les libéraux, c’est qu’il représente justement cet esprit brillant qui tire son épingle du jeu en abandonnant sur place ce qui l’a porté, jetant toute loyauté aux oubliettes, pour réaliser sa carrière. C’est le règne du cynisme et le capitalisme fabrique en masse des gens fascinés par la capacité à être cynique.

C’est la différence entre la Gauche et la Droite. La Gauche ostracise ceux qui n’ont pas de loyauté. La Droite vante ceux qui ont réussi à sacrifier la loyauté sur l’autel du succès capitaliste. Cela est vrai pour les petits détails comme les grands. Il n’est donc pas bien difficile de constater l’hégémonie culturelle de la Droite sur la société française et sa mentalité.

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Écologie

Enfin, il pleut ! (Mais pas assez)

Il pleut depuis quelques jours sur une grande partie de la France. C’est une bonne nouvelle et on espère que les pluies vont persister, car le pays connaît une situation de sécheresse extrêmement préoccupante pour les nappes phréatiques.

Enfin, il pleut ! Mais cela n’est pas encore suffisant. Un département comme l’Indre-et-Loire a connu avant cette semaine près de 80 jours sans précipitations significatives (plus de 1 mm par jour). Il n’avait pas plu à Paris depuis le 18 août 2018, ce qui fait une longue période de plus d’un mois, faisant suite à une autre longue période sans précipitation entre le 21 juin et le 17 juillet 2019.

Le pays connaît une situation de sécheresse météorologique, aggravée par un pic de chaleur début septembre, alors que le mois de juillet a été le plus chaud jamais mesuré. La plupart des départements ont mis en place des restrictions d’eau. Sur le site gouvernemental Propluvia, qui recense les arrêtés de restrictions d’eau, on dénombre une quarantaine de départements connaissant une situation de crise pour les nappes phréatiques.

Voici ce que signifie une situation de crise :

« Arrêt des prélèvements non prioritaires y compris des prélèvements à des fins agricoles. Seuls les prélèvements permettant d’assurer l’exercice des usages prioritaires sont autorisés (santé, sécurité civile, eau potable, salubrité) »

Voici la carte, pour le moins impressionnante (26 septembre 2019) :

(Le rouge signifie crise, le orange signifie alerte renforcée, le jaune signifie alerte et le gris signifie vigilance)

Les habitants de ces départements ne connaissent en général pas ces restrictions en cours et continuent leurs prélèvements habituels. Il y a là une terrible défaillance de la part des autorités, qui négligent dangereusement le problème alors que l’eau potable représente 25 % de la consommation (même si cette consommation ne vient pas forcément des nappes phréatiques). Seuls les entreprises et les agriculteurs sont au fait de ces restrictions, car ils sont les plus directement concernés.

La situation devrait néanmoins intéresser tout le monde, car c’est de la biosphère qu’il s’agit et pas seulement du business agro-industriel très gourmand en eau. Cela d’autant plus que le réchauffement climatique produit par les activités humaines est en cause.

La sécheresse actuelle est d’autant plus prononcée que l’automne et l’hiver derniers avaient connu un déficit pluviométrique, que les pluies du printemps 2019 n’ont pas permis de compenser. D’après les données communiquées par la presse récemment, 73% des nappes phréatiques ont actuellement un niveau inférieur à la normale.

La situation des nappes phréatiques est particulièrement préoccupante dans les régions du nord-est et du centre-est, avec parfois des niveaux « peu satisfaisants, bas à très bas » dans le sud de l’Alsace, la Bourgogne, l’Auvergne-Rhône-Alpes ou le sud de Centre-Val-de-Loire. Seules les nappes phréatiques de la Corse, du sud de la Vendée et du bassin de l’Adour ont des niveaux qui ne sont pas bas ou modérément bas.

S’il faut donc se réjouir du fait qu’il pleuve actuellement sur une grande partie du pays, cela est loin d’être suffisant. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a expliqué à la presse que ces pluies seront certainement captées par la végétation, car très fines. À moins qu’elles ne proviennent d’orages, donc localisées et intenses, ce qui est favorable au ruissellement plutôt qu’à l’infiltration jusqu’aux nappes.

Les prévisions sont donc mauvaises, il est considéré que la baisse du niveau des nappes devrait se poursuivre. Celles-ci sont pourtant primordiales, non-seulement comme réserves d’eau, mais aussi parce qu’elles ne sont pas isolées du cycle de l’eau et qu’elles communiquent avec les milieux aquatiques de surface, formant des interactions indispensables à la biosphère dans son ensemble.

Voici une petite vidéo montrant le fonctionnement des nappes phréatiques :

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Rapport entre les classes Société

L’évolution de la figure du livreur «Deliveroo» dans les grandes métropoles

Le livreur « Deliveroo », du nom de la principale plateforme de livraison de plat à domicile, est devenu une figure incontournable du centre-ville des grandes métropoles. Elle a cependant très vite évoluée, passant en quelques années d’une image très moderne et branchée à ce qu’il y a de plus terrible en termes d’exploitation capitaliste.

Il y a quelques années, cinq ans peut-être, Deliveroo se payait des livreurs-ambassadeurs pour promouvoir sa plateforme. C’était des jeunes, forcément branchés, avec du style sur le vélo, de préférence en pignon-fixe, si possible brakeless (sans frein). Ceux-ci recrutaient dans leur entourage en promouvant des conditions de travail et de rémunération attrayantes pour de jeunes urbains au mode de vie libéral. Être payé à faire du vélo en ville en choisissant ses horaires à la carte, sans un chef sur le dos et en pouvant partir en vacances quand on veut : le rêve ! C’est en tous cas ce que se sont dit de nombreux jeunes dont beaucoup d’étudiants et il y a eu un afflux pour ce nouveau job.

Le petit-bourgeois urbain, trop content d’avoir une nouvelle application à utiliser sur son iphone, a lui aussi pleinement répondu à l’appel. Il s’est mis à commander des hamburgers végétariens ou un petit plat asiatique très sympa, sans bouger de chez lui.

Les livreurs étaient un peu des copains, ou s’ils ne l’étaient pas, ils auraient très bien pu l’être, car ils avaient toujours l’air cool et ils avaient du style. D’ailleurs, cela payait relativement bien à ce moment d’être livreur par rapport à d’autres jobs. Il y avait une rémunération fixe qui était majorée à chaque livraison et même une petite prime les jours de pluie.

Rapidement cependant, on a vu apparaître des livreurs d’un tout autre style. C’était ce trentenaire un peu perdu, lassé de l’intérim, qui a ressorti son vieux VTT pour essayer un job qui a l’air moins ennuyeux. Ou encore cette étudiante fraîchement arrivée de la campagne, un peu perdue dans la grande ville où elle n’a pas eu le temps de trouver mieux. Elle aussi avait un VTT et c’est là quelque-chose de très marquant : les urbains branchés portent en horreur ce VTT qui n’a rien à faire en ville, symbole du périurbain, de gens pas hype.

Forcément, le livreur n’est alors plus un pote, juste un prestataire lambda à qui ont fait appel par habitude. On a vite pris cette habitude. Le profil des clients a changé aussi puisqu’il s’est élargi, comme c’était prévu. Le livreur en VTT a de plus en plus livré des plats basiques, le plus souvent froids et renversés dans le sac, à monsieur et madame tout le monde.

Les livreurs-ambassadeurs sont en général passés à autre chose. Il faut dire que les conditions de rémunération des plateformes se sont dégradées, petit à petit. Il a fallu se connecter chaque semaine à une heure très précise sur le serveur pour avoir la chance d’obtenir les créneaux de livraison les plus intéressants, tellement il y a de monde. Il n’y a plus de rémunération fixe. Depuis quelques mois, les livraisons courtes sont même encore moins bien payées.

Une poignée d’« historiques » tentent de s’organiser contre cela, ou plutôt s’imaginent pouvoir peser en s’y opposant. On a entendu parler de quelques « grèves » cet été, bien relayées par la presse, probablement parce que les journalistes sont eux-mêmes des grands clients de ces plateformes.

Cela ne représente cependant rien du tout face à la grande machinerie que sont devenues ces plateformes. Déjà, parce qu’on ne peut pas vraiment faire grève quand on a soi-même accepté de devenir auto-entrepreneur à la base. Mais surtout, car il y a des dizaines et des dizaines d’autres livreurs qui acceptent ces nouvelles conditions.

Tout le monde l’a remarqué tellement c’est flagrant : le profil des livreurs a bien changé ces deux dernières années, d’abord à Paris puis maintenant dans toutes les villes. Ils sont de plus en plus des immigrés fraîchement arrivés, dans des situations très précaires.

Quelques jeunes prolétaires de banlieue ont également rejoint le cortège des livreurs, mais en scooter par contre, avec l’idée de pouvoir optimiser bien plus les livraisons par la vitesse. C’est complètement absurde, car l’amortissement d’un scooter (complètement à sa charge) rend vraiment ridicule la possibilité de rémunération avec ce travail dans ces conditions. Mais ce n’est qu’une absurdité de plus dans la folie des grandes métropoles.

En quelques années, la figure du livreur « Deliveroo » a complètement changé. C’était un jeune urbain branché, faisant quelque-chose ayant l’air moderne et sympa. C’est maintenant un africain sans-papier sur un vélo en piteux état, qui sous-loue le compte de quelqu’un d’autre s’octroyant une partie de sa rémunération. C’est quasiment de l’esclavage, c’est absolument ignoble et tout le monde le sait. Mais tout le monde s’en fiche, ou prétend ne pas le savoir.

Les restaurants eux aussi sont devenu complètement dépendant de ces plateformes, qui changent totalement la nature de leur travail le rendant de plus en plus industriel. Le comble de l’horreur en ce domaine consiste même, à Paris, en des entrepôts en banlieue pour des restaurants uniquement dédiés à la production de plats pour la livraison via ces plateformes.

Voilà à quoi ressemble aujourd’hui la pseudo-modernité dans les grandes métropoles. C’est du capitalisme, toujours plus de capitalisme et encore plus de capitalisme, partout, tout le temps…

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Société Vie quotidienne

«Le facteur ne passera jamais»

Depuis la privatisation de La Poste, un grand décalage se produit entre la figure historique du facteur servant le peuple et le rôle froid d’exécutant dans lequel il se retrouve enfermé par le capitalisme. C’est aussi un grand vide pour beaucoup de gens dans la vie quotidienne.

Le facteur tenait une place importante dans la vie sociale. C’était le personnage que l’on voyait tous les jours, avec qui on pouvait parler, il amenait les nouvelles, les bonnes et les mauvaises. C’était une personne de confiance, avec qui on pouvait s’arranger pour ne pas rater telle missive urgente. Il savait les habitudes des uns et des autres, pouvait s’inquiéter d’une absence et donner de sa présence.

C’était un petit travail tranquille, ou alors les difficultés étaient compensées par le plaisir d’être là pour les autres.

On imaginait le facteur comme une gentille personne, pas vraiment futée, mais avec un rôle central dans le quotidien.

Tout cela est fini, car ce genre de personnage ne peut exister dans le capitalisme broyant tout sur son passage. Mais les gens ne voient pas cela et la rancœur remplace le bon sentiment.

Le préjugé sur une supposée bêtise se renforce et on s’imagine que si le facteur n’est pas passé, c’est que c’est un fainéant et que décidément « les gens sont de plus en plus cons ».

C’est bien évidemment une manière de tout réduire aux seuls individus et c’est plutôt pratique puisque ça n’engage à rien.

Alors que si on regarde les choses dans leur ensemble, la colère des gens est autant compréhensible que la détresse du facteur, mais ce n’est la faute ni de l’un, ni de l’autre.

La facteur, qui voit sa tournée sans cesse se rallonger et les « clients » s’éloigner. La villageoise, qui n’a pas son journal pendant trois jours.

La Poste a fait repousser les boîtes aux lettres au bout des chemins ou les regrouper par quartier, afin de réduire le temps entre chaque point de distribution et pouvoir ainsi rallonger la tournée. Cela permet de distribuer aussi des colis et puis des publicités, puis faire des prestations diverses et variées.

En plus de distribuer du courrier, de la publicité, des colis et des lettres recommandées, les facteurs doivent parfois placer dans les halls des plaques fibres d’opérateurs téléphoniques, relever le papier à recycler dans les entreprises ou encore apporter des repas à domicile. La Poste, dans ce domaine, est un trésor d’inventivité.

Chaque geste est chronométré de manière à optimiser le temps au maximum. Cela paraît très rigoureux, mais toutes les procédures cachent en fait un système anarchique avec des flux de courrier et de colis qui ne rentrent pas dans les moyennes calculées. Pour faire simple, la majorité du temps, beaucoup de tournées sont impossibles à finir. Parler aux gens, n’en parlons pas.

Les facteurs, livrés à eux-mêmes, prennent alors sur leur temps de pause pour pouvoir finir le travail. Cela donne donc des gens qui travaillent pendant 7h sans s’arrêter, parfois sans manger.

C’est proprement une situation de moins en moins tenable, avec de nombreux burn out et même des suicides. Pour des postiers qui ont le métier dans la peau, en tant que rôle social, cela peut provoquer de grandes souffrances de ne pas être à la hauteur des attentes des gens.

Le capitalisme va vers toujours plus de barbarie et cela se voit dans les hôpitaux, les EHPAD, dans la brutalité de la voiture, la souffrance des animaux ou dans la course vers la guerre…

Et finalement, si tout se dégrade vers toujours pire, c’est la faute d’un peu tout le monde car, corrompu par le capitalisme, on s’accommode du pire.

> À voir ailleurs : l’émission « Envoyé spécial » sur France 2 diffusera demain jeudi 12 septembre 2019 un reportage « La Poste sous tension »

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Société

Couple, vie quotidienne et réaction

Les couples avancent, tiennent plus ou moins et sombrent dans une vie tout ce qu’il y a de plus acceptable. Les gens se posent et veulent profiter. Leurs couples deviennent de petits îlots, à la fois acceptation et rejet du monde qui les entourent. Les sorties se font en couples, les voyages en couples, la maison change et chacun prend son petit rôle.

à bout de souffle

Arrive le premier enfant, voire le deuxième et tout est relativisé, les gens deviennent raisonnables et sont obligés de penser à l’avenir de leurs progénitures. Ils n’ont « pas le temps », ou plutôt font en sorte de ne plus l’avoir. L’avenir de l’enfant est déjà planifié, les principes s’effritent et la santé, le bien-être de l’enfant sont les premiers et éternels prétextes avancés : personne n’est prêt à reconnaître qu’il a renié ses idéaux et sa jeunesse.

Certains fuyaient la société, sa morale et une vie quotidienne aliénante ; le temps aura suffi à remettre ces personnes sur le droit chemin. Un minimum de reconnaissance, voire un très vague prestige social, un couple, un foyer, un enfant et tout est oublié : la réconciliation a lieu. Toutes les parties sont satisfaites : la machine continue de tourner, malgré quelques errements de jeunesse. Ne dit-on pas qu’il faut que « jeunesse se fasse » ? À l’image de ces hommes friands de relations éphémères et qui finissent par se caser : il faut profiter de sa jeunesse, faire des expériences…

Soyons de véritables révolutionnaires

Au final, ceux qui se renient pour un peu de reconnaissance ont adopté le même schéma : leur jeunesse n’est devenue qu’une anecdote, une manière de se caractériser, d’être unique. La sincérité et toute la dignité de ces années de jeunesse ont été transformées en marchandises, en identité. Il y a l’ancien teuffeur, l’ancien punk, l’ancienne gothique… Et les nouveaux pères et mères de familles, de nouvelles personnes respectables et dorénavant acceptées dans leurs familles et belles-familles.

Trop contents d’avoir des petits-enfants, les parents viennent détruire le peu de dignité qu’il restait. Un minimum d’argent dans la famille et la corruption morale détruit tout : les plus intègres font des compromis, les autres plongent avec le sourire, trop contents d’avoir la possibilité d’ajouter quelques mètres carrés pour le petit qui va arriver.

Les couples cimentent alors leur relation avec un enfant. Les hommes se laissent porter et les femmes arrivent à leurs fins. Les hommes échangent ce projet contre une situation confortable, un foyer tenu par leur compagne. Chacun accepte son rôle et le foyer devient un lieu qui prépare la venu sur le marché de nouveaux individus, de nouveaux consommateurs, de personnes prêtes à accepter les horreurs d’un mode de production en perdition.

Le petit appartement des habitants des grandes villes n’est plus suffisant, il faut impérativement une pièce en plus avant même l’arrivée du premier. Les plus pragmatiques s’éloigneront du centre ville et iront dans une banlieue plus ou moins proches. Les autres auront plus petit et s’engageront sur des prêts toujours plus lourds.

L’enfant fait tout oublier. On oublie les mensonges et les tromperies d’une relation. La naissance est un moyen de réécrire une histoire qui de toute façon était déjà réécrite sans cesse fasse à l’entourage : on s’imagine quelque chose de vrai à défaut de l’avoir vécu.

Et le même scénario recommence : des couples davantage démocratiques et modernes se détachent ; mais qui arrive à tenir face au poids des années et de la vie quotidienne ? Qui arrive à ne pas trouver le premier prétexte pour parler systématiquement de son enfant à la pause déjeuner ? Qui arrive à ne pas tomber dans la logique des vacances et du néant culturel, voire intellectuel dans de nombreux cas, qui vont avec ?

Les personnes raisonnables à vingt ans ont au moins la dignité de ne pas avoir jeté par la fenêtre toute une partie de leur vie. Elles sont déjà vieilles, intégrées avant que les études, le travail et les divers crédits n’aient à faire quoi que ce soit. Elles sont efficaces et productives dans cette production éternelle, en apparence, de nouveaux consommateurs, de nouveaux individus. Elles sont ces personnes fières de faire des heures supplémentaires, fières de faire avancer leurs entreprises quoi qu’il arrive.

Ces personnes savent-elles que tout le monde finit par se faire broyer tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre ? Ont-elles fait le choix de ne pas faire de détour en espérant que la chute sera moins douloureuse ? Voire même plaisante ?

Heureusement, on finit par trouver des exceptions, des personnes, des couples qui tiennent face à la tempête. Combien tiendront ? Combien ne se feront pas démolir ?

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Société

Vivre et grandir ensemble

Dans la société capitaliste, on reconnaît la possibilité d’un couple. Mais dans celui-ci, on vit ensemble, on ne grandit pas ensemble. Car pour la mentalité capitaliste, grandir se fait seul, et aux dépens des autres.

Il existe de multiples jeux sur tablette, dont le nom se termine en « .io » comme Hole.io, où l’on bouge une forme (un serpent, un trou noir, une bactérie…) qui s’agrandit au fur et à mesure qu’elle mange des équivalents plus petits. Cela reflète totalement la vision néo-darwiniste de la vie et de la société, où toute évolution est individuelle et se fait aux dépens des autres.

Là où les choses se compliquent particulièrement, c’est dans le couple. Le couple traditionnel urbain ou rurbain en France – il faut ici le distinguer des couples des campagnes, des couples juifs et arabes – consiste tendanciellement en un contrat passé entre deux individus maintenant irréductiblement leur individualité.

Pour cette raison, les conflits sont récurrents et considérés comme une norme ; ils seraient même la preuve de la réussite du couple. Chacun grandit dans son coin et les engueulades si prisées des films français sont une remise en adéquation des deux protagonistes. C’est une sorte de remise en équilibre ; dans le cas où la divergence d’intérêts est trop grande, il y a séparation.

Ce n’est pas romantique, mais c’est considéré comme la seule forme résolument moderne, car chacun est différent et il s’agit d’être pragmatique. Il y a cependant un problème de fond. En quoi consiste en effet la vie partagée ? Et comment concevoir que deux personnes étant ensemble puisse avoir des évolutions totalement séparées ?

Naturellement, dans un couple, une personne grandit plus qu’une autre et il ne s’agit pas d’avoir la même évolution, un couple n’est pas une comptabilité (bien qu’inversement le couple moderne le voit justement comme une excellente comptabilité). Cependant, un couple est une fusion et avant d’être soi-même, on est dans le couple – c’est bien là ce qui est insupportable pour l’individualisme contemporain.

D’où sa remise en cause du couple, les théories sur le polyamour, l’exigence de la PMA pour les femmes seules, etc. Le couple, c’est comme la société, l’individu prétend être au-delà. L’individu contemporain réfute d’être la composante de quoi que ce soit.

Le capitalisme développé est donc en opposition complète, dans le fond, avec la notion même de couple. Lorsque Marlène Schiappa dit qu’il n’y a pas de modèle de famille, elle représente le fer de lance du capitalisme le plus affirmé. Tout doit être un contrat individuel.

Seulement, au-delà des considérations politiques ou économiques, culturelles ou morales, il est évident que cela ne correspond pas à la réalité : on ne grandit jamais aux dépens des autres. On ne grandit qu’avec les autres. La vie progresse par synthèse, pas en arrachant des bouts d’énergie ou de matières premières ici ou là !

Le capitaliste répondra bien sûr ici que la vie c’est la jungle, qu’il suffit de voir les dinosaures qui ont disparu, les requins en action, etc. Sauf que les dinosaures sont devenus en partie les oiseaux et que les requins relèvent d’un écosystème bien particulier : ils ne sont pas « en haut de l’échelle ». L’humanité non plus n’est pas en haut de l’échelle du monde ; elle en est seulement une composante.

L’individualisme contemporain ne veut rien savoir de tout cela, car il pousse à la compétition, la concurrence ; il reflète en cela le capital en lutte contre le capital, dans une bataille pour l’accumulation et la suprématie. Voilà pourquoi il y a tant de divorces : la tendance à amener la compétition au sein même du couple est inévitable pour qui vit en individualiste et ne voit en le couple qu’une sorte de compromis.

Seul le socialisme peut rétablir le couple comme fusion de deux personnes s’aimant et rejeter sa dégradation en association contractuelle fondée sur les sentiments et les intérêts.

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Réflexions

Le consommateur du 21e siècle, déboussolé entre être et avoir

Un slogan des précédentes décennies disait : « être plutôt qu’avoir ». C’était un appel existentiel ou existentialiste contre la société de consommation. Au-dela de la question de la pertinence d’une telle affirmation critique, il est facile de voir qu’au 21e siècle, un tel mot d’ordre correspond parfaitement au gigantesque foisonnement identitaire auquel on peut observer.

Aujourd’hui, on n’a plus une moto, on est motard. On n’a pas une religion, on est cette religion. On n’a pas une orientation sexuelle homosexuelle, on est cette orientation. On avait hier un compte Facebook, on est désormais son compte Instagram.

La conception identitaire du monde est un produit somme toute cohérent du capitalisme. Le capitalisme dit qu’on existe en consommant. Par le fait d’avoir, on s’affirme. Mais plus il y a des biens de consommation, plus on vit avec. Plus on vit avec, plus on est cette chose elle-même.

L’exemple le plus connu est la voiture. Une personne de sexe masculin qui conduit est aspiré par la voiture, son esprit se transforme. Qu’on touche à sa voiture et c’est un drame, comme si on l’avait touché lui-même. Le motard est pareil, mais dans le style motard : la moto fonce en ligne droite et il faut lui céder la place pour qu’elle puisse rouler sans interruption et le motard voit sa psychologie se mouler en conformité avec cette « nécessité ».

Il serait cependant réducteur de voir en les attitudes brutalement patriarcales le seul point d’appui des formes d’expression identitaire, même si cela joue fortement. Le voile islamique est un exemple typique de fétichisme, ici féminin, envers un objet avec laquelle la personne s’assimile. On voit bien ici d’ailleurs à quel point la grande campagne médiatique et politique pour l’interdiction du voile à l’école a été contre-productive : elle a renforcé la fusion identitaire avec cet objet de consommation religieuse.

Avoir un voile, le porter, est devenu être ce voile et donc la religion elle-même, comme un porte-étendard. C’est le principe du vecteur identitaire. D’autres aux États-Unis portent le cow-boy aux côtés de Donald Trump parce qu’ils représentent les grands propriétaires de ranchs, d’autres encore portent des chaussures à 500 euros pour témoigner qu’ils appartiennent à une caste riche et branchée, les exemples sont de toutes façons innombrables.

On remarquera ici de manière utile que le capitalisme, jouant sur les identités, fait justement tout pour récupérer toutes les expressions alternatives. Le capitalisme recycle y compris les vecteurs d’identité, car il sait qu’il y a collusion entre consommation et identité. D’où la récupération des chaussures Creepers, apanage des gens écoutant de la musique psycho, psychobilly… des chaussures Doc Martens des punks et des skins… du sweat-shirt Trasher des skaters… La liste étant sans fin.

Dès en effet qu’un mouvement devient identitaire, perdant sa nature rebelle en termes culturels, sociaux, il intègre le capitalisme. Cela avait un sens – quoi qu’on en pense – d’écouter du punk dans la fin des années 1970 ou de la house au début des années 1990. Mais rester prisonnier d’une telle identité, c’est du fétichisme.
Le capitalisme déboussole ainsi le consommateur du 21e siècle, l’emprisonnant dans un faux conflit entre consommation et identité. Certains basculent dans l’identitaire. Ils deviennent religieux, ou bien punk comme en 1982, motard comme en 1970 ou en 1980, etc. etc. : on connaît tous et toutes des exemples de gens bloqués dans un style, qui font un fétiche d’un moment très précis, très particulier, qu’ils n’ont le plus souvent même pas vécu.

D’autres consomment de manière effrénée, refusant de rechercher une profondeur à quoi que ce soit, considérant qu’il faut suivre les flots pour toujours disposer d’un sens adéquat à sa vie. Il n’y a ici pas de fétiche, mais une terrible superficialité. La confrontation des deux blocs renforcent les postures également.

Le mépris de telle personne ayant bien vu l’importance, disons de la musique electro-industrielle du tout début des années 1980, remarquera bien la fausseté de la musique commerciale electro jouant sur des sons un peu rudes. De l’autre côté, il a le fétichisme de quelque chose du passé et un décrochage par rapport au présent.

Le consommateur du 21e siècle se retrouve alors prisonnier de ce dilemme : faut-il un certain type de culture, liée à une époque passée, même imaginaire, ou bien faut-il se noyer dans la masse superficielle mais, au moins, être ainsi reconnu et dans la tendance ?

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Société

Morsay : «Moi, je dis des conneries et j’achète une maison à ma mère»

Morsay constate une vérité plus qu’amère : le travail ne paie pas, mais la vulgarité le fait. Et elle le fait justement en ôtant toute dignité au travail et à la rationalité qu’il implique. L’ensemble forme une terrible chape de plomb sur les mentalités, notamment des plus jeunes.

« Mon père, c’était un grand travailleur qui a galéré toute sa vie. Il est mort à cause de l’amiante à 63 ans. Moi, je dis des conneries sur YouTube et j’achète une maison à ma mère… »

Ces propos d’une grande profondeur sont tenus, paradoxalement, par Mohamed Mehadji, alias Morsay, connu justement sur internet par le passé pour des propos vulgaires et un positionnement violent, qui ont aisément attiré l’attention dans une société fascinée par les apparences. Lui-même, rapidement conscient de tout cela, en a profité pour se faire de l’argent par ce moyen par l’intermédiaire d’une marque de vêtements, tout en exprimant une sorte d’existentialisme perverti en soutenant Alain Soral.

Là n’est pas essentiel, toutefois. Car ce que dit Mohamed Mehadji, en l’occurrence dans un portrait du Monde, est beau, vrai, universel. Et c’est à la fois beau et vrai, car universel, ainsi qu’universel car beau et vrai. La réalité qui ressort de tels propos font comme péter à la figure, elle écrase littéralement toutes les impressions qu’on peut avoir.

Ce que dit Mohamed Mehadji au sujet de son père est parfaitement tourné, lui qui a quitté l’école en cinquième, sans savoir ni lire ni écrire. On l’imagine pratiquement l’avoir entendu, comme s’il l’avait dit juste devant nous. C’est une vérité tellement concomitante à notre société qu’on a l’impression d’avoir vécu la scène où il prend la parole. C’est qu’on l’a déjà entendu tellement de fois !

La dévaluation du travail est si immense – alors que celui-ci est la base de tout – que toute valorisation prend immédiatement une résonance pleine de dignité, et de dignité entière. Ce n’est pas pour rien que Mohamed Mehadji termine son propos en parlant de sa mère. La boucle est bouclée, le propos est puissant. Et le fait que son père soit mort à cause de l’amiante n’en résonne que davantage.

Alors, pourquoi Mohamed Mehadji ne prend-il pas le parti de la Gauche, du Socialisme, puisqu’il voit tout ? Sans doute qu’il ne sera pas contre la révolution et simplement qu’en attendant, il fait comme tout le monde, cherchant à tirer son épingle du jeu, avec fatalisme et avec une certaine joie, et fierté, d’avoir tenu le coup jusque-là. Oser vivre dans ce monde n’est pas simple, loin de là !

Mais il est un fait dont tout le monde a pleinement conscience, sauf les plus jeunes : les travailleurs sont méprisés, ils sont niés, ils sont considérés comme non existant. C’est de là que provient le discours faussement scientifique de la « disparition » de la classe ouvrière. La société ne valorise que les postures parasitaires, les « bons coups », les moyens les plus pragmatiques de « se faire de la maille ».

Cela n’empêche pas les jeunes bourgeois les moins fainéants de se précipiter pour faire une école de commerce, conscients de la difficulté de trouver la « bonne idée » et surtout le financement qu’il faut pour la réaliser. Mais l’imagerie capitaliste de la réussite va avec le non-travail. Les images d’oisiveté pullulent, avec Instagram comme fer de lance.

C’est d’autant plus une illusion que le capital engloutit les esprits et qu’une personne qui a accumulé de la richesse va chercher à continuer à le faire, parce qu’il est un vecteur du capitalisme et rien de plus. Des gens qui s’arrêtent de travailler, pour vivre sans rien faire, en « profitant de la vie » ? Il n’y en a pratiquement pas. Même les acteurs les plus connus tournent sans arrêt, quitte à participer à des nullités sans nom ridiculisant leur carrière. Ils croient choisir, c’est l’accumulation du capital qui choisit.

Morsay continue d’ailleurs à essayer de faire la même chose, prisonnier de sa « réussite ». Il lui faudra choisir entre le travail et le « coup », ce qui est d’ailleurs un vrai problème pour des millions de jeunes, notamment ceux issus de l’immigration, mais pas seulement, tellement le quête du « hold up » est célébrée partout, dans les séries, dans les films, dans les biographies des entrepreneurs à succès, etc.

C’est là qu’on voit que le capitalisme est à bout de souffle, qu’il ne peut plus valoriser les capitaines d’industrie, seulement les pirates les plus opportunistes. Mais c’est à cela aussi qu’on voit que le capitalisme en train de pourrir est d’autant plus dangereux de par ce qu’il véhicule comme situations ordurières, avec l’opportunisme qui va avec. Les deux quasi-adolescents qui viennent de gagner des millions au tournoi mondial du jeu Fortnite ont déjà leur esprit aspiré par le capitalisme, comme tous ceux qui les envient.

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Société Vie quotidienne

Le logement et le mauvais goût

Déjà les romantiques dénonçaient au XIXe siècle le fait que l’art ne soit pas valorisé comme il se doit. Que dire en ce début du XXIe siècle où le capitalisme a défiguré entièrement la notion même d’harmonie ? Cela se lit particulièrement dans les logements. Malgré la révolution de l’accès à des biens matériels de goût, il n’y a pas eu de réalisation sur ce plan.

Le capitalisme propose absolument tout ce qu’on veut niveau objets du quotidien et on peut se débrouiller pour l’avoir pour des sommes si ce n’est modiques, au moins accessibles. On peut disposer de meubles, de fourchettes, d’affiches, de tapis, de théières, de tapisseries, de moquettes… qui reflètent un certain niveau artistique. La qualité ne sera pas forcément exceptionnelle, mais dans l’idée, il y aura un certain niveau.

Or, que voit-on ? Que l’intérieur des logements n’est que le prolongement des logements du passé. Il y a une continuité qu’on peut qualifier de parentale dans les appartements et les maisons. Il y a une véritable reproduction des habitudes, des manières de concevoir le rapport aux objets dans le logement.

Cela ne veut pas dire que cela soit entièrement faux. Il y a des cultures nationales et un logement français n’est pas un logement indien ou japonais, ce qui n’implique pas qu’il n’y a pas des choses justement à apprendre les uns des autres, conformément aux échanges toujours plus grands au sein de l’humanité.

Et il y a bien sûr des objets techniques nouveaux par rapport à auparavant, comme les ordinateurs, les box internet, etc. Cela ne change pas le fond de la question, car ces objets s’intègrent dans le paysage, sans rien changer.

Bien entendu aussi, les gens très riches achètent de leur côté des choses nouvelles, souvent excentriques, beaucoup de choses excentriques, ils remplissent autant qu’ils le peuvent, ou bien restent minimalistes, mais leurs achats proviennent de catalogues de choses à la mode.

Mais pourquoi n’y a-t-il pas pourtant un gigantesque changement à l’intérieur des logements, strictement parallèle à l’accumulation énorme de marchandises disponibles ? Pourquoi les logements d’aujourd’hui n’ont-ils pas un intérieur resplendissant, en comparaison à il y a cinquante ans ?

Pourquoi, dans les logements, n’y a-t-il pas eu un changement total, alors que la société de consommation permet un accès sans comparaison par rapport à il y a cinquante ans ?

La raison est très simple à trouver. La consommation capitaliste est tout comme la production capitaliste, elle est chaos. Les gens achètent n’importe quoi, n’importe comment. Il n’y a pas de prévision, pas de planification. Il n’y a pas de réflexion profonde, il n’y a pas de mise en rapport avec la culture.

Ce qui est acheté l’est en fonction d’un vague goût personnel, c’est-à-dire, pour employer le terme adéquat, en fonction des caprices. Ces caprices expriment souvent la reproduction déformée des caprices parentaux, selon l’adage bien souvent vérifié qu’une fois adulte – une fois qu’un emploi a été trouvé de manière plus ou moins définitive – il y a un grand recul et des retrouvailles avec les vieilles valeurs et cela de manière toujours plus profonde.

Ce n’est pas qu’une question d’éducation. C’est le système même de consommation qui s’impose aux gens, qui les rend prisonniers de tout un style de vie. L’incohérence est totale et flagrante entre ce qu’il serait possible de faire et ce qui est fait. Les logements eux-mêmes sont d’ailleurs totalement dépassés par rapport à ce qu’on pourrait faire.

Les villes elles-mêmes sont terriblement en retard par rapport aux exigences culturelles, écologiques, de rapport à la nature, de mobilité, d’accès aux soins, etc. Elles deviennent toujours plus moches mêmes, le chaos de la propriété privée les défigure, les transformant pour les grandes en bastions cosmopolites de privilégiés et de grandes entreprises, pour les petites en déserts.

Par quelque bout que l’on prenne la vie quotidienne dans le capitalisme, on voit que le mauvais goût est toujours lié au caractère dépassé du capitalisme ; le mauvais goût est le contre-coup d’un chaos qui a pris de telles proportions que tout devient toujours plus déformé. C’est la fin d’une civilisation : le Socialisme est une exigence historique.

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Presque l’Amour – Tu m’as trop menti (Chantal Goya cover)

Voici une reprise de « Tu m’as trop menti » de Chantal Goya par l’excellent groupe Presque l’Amour, originaire de Rouen. C’est une version électro-pop plus industrielle, une remise au goût du jour très bien vue de ce superbe titre.

https://www.youtube.com/watch?v=Py3_6bSxWfY

Chantal Goya est une chanteuse populaire française marquée à Droite depuis 1974, notamment en ayant soutenu le libéral Valéry Giscard d’Estaing en 1974 ou en étant contre la pénalisation des clients des prostitués.

Elle fut cependant proche de la Gauche et les textes qu’elles chantaient étaient sincères, comme « Tu m’as trop menti » qui prône la sincérité amoureuse.

C’est en particulier le cas de la bande-son du film Masculin Féminin de Jean-Luc Godard, où elle fait une grande partie de la musique et où elle joue aussi.

C’est sur le tournage de ce film qu’elle a rencontré l’homme qui a écrit les paroles de « Tu m’as trop menti », Jean-Jacques Debout, avec qui elle entamera une relation amoureuse.

Tant la version originale que la reprise de Presque l’Amour en 2015 ont une tonalité très française, so french, avec cette façon de dire l’amour de manière à la fois engagée et réservée, avec cette forme de retenue très sophistiquée dans la façon de chanter.

Voici la version originale du titre chanté par Chantal Goya :