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Culture

Bishkek: du post-punk russe de Berlin

Voici l’album БЕЗУСЛОВНОСТЬ de l’artiste Bishkek, suivi de son interview !

Pourrais-tu te présenter toi et ta musique ?

Bonjour, je m’appelle Jan, j’ai 25 ans et je vis en Allemagne. Il y a 6 mois, j’ai déménagé depuis la petite ville de Würzburg vers Berlin. Merci de m’avoir invité, je suis très heureux de l’interview, c’est ma toute première !

Je joue du post-punk russe très classique, c’est-à-dire de la batterie synthétique, une ligne de basse accrocheuse, des synthétiseurs et une voix assez monotone. Mes plus grandes inspirations musicales sont bien sûr des groupes comme Molchat Doma, Ploho et Lebanon Hanover mais aussi des artistes post-punk/darkwave allemands modernes comme Edwin Rosen.


Pourquoi voulais-tu écrire des chansons et faire de la musique ?

Je viens à l’origine d’un milieu hardcore/metalcore et j’ai toujours voulu jouer ce genre de musique quand j’étais adolescent. Au fil du temps, j’ai commencé à écouter beaucoup de post-punk, de shoegaze, d’indie et de pop en plus du hardcore. En raison de ma socialisation en Allemagne, j’ai toujours eu peu de contacts avec la musique russe et j’ai été totalement flashé lorsque les groupes post-punk russes ont connu un énorme battage médiatique en occident. J’étais très impressionné par les thèmes sombres et mélancoliques et je voulais vraiment jouer ce genre de musique. Faire de la musique en russe en particulier était spécial pour moi car ici c’est une langue que je parle presque exclusivement avec ma famille. Malheureusement, cela n’a jamais fonctionné pour trouver des gens pour un groupe, alors j’ai commencé à écrire et enregistrer des chansons moi-même dans ma chambre.

Tu chantes en russe et tu t’appelles Bichkek en tant que capitale kirghize, as-tu des racines russes ou kirghizes ?

Oui, je suis né en 1996 à Bichkek. Mes parents ont émigré en Allemagne avec moi et la moitié de ma famille en 1998. Nous sommes venus en tant que réfugiés du contingent juif de l’union soviétique brisée dans le but de trouver une vie meilleure.

Ton dernier projet « БЕЗУСЛОВНОСТЬ » est sorti ce mois-ci, de quoi s’agit-il ?

Traduit, l’EP signifie « inconditionnalité » et il s’agit principalement d’amour, d’inadaptation du logement et de folie des loyers et de la peur du changement. J’ai choisi ce nom parce que de nombreux domaines de la vie sont souvent liés à une sorte d’inconditionnalité. Par exemple, l’amour pour les personnes importantes peut être inconditionnel. Mais je comprends aussi certains droits fondamentaux, comme le droit à un toit au-dessus de la tête, comme des choses qui ne devraient pas être liées à des conditions telles que le revenu.


Avant cet EP, tu as sorti « скоро », ce nouvel EP est-il la suite du précédent ?

Oui, lyriquement en partie. Le premier EP était plus sur mes problèmes personnels. L’émigration de mes parents et moi en Allemagne et les questions qui l’accompagnent sur l’identité, l’adaptation et la peur sont des thèmes centraux à la fois dans le premier et le nouveau EP.

Musicalement, j’ai essayé de trouver un meilleur son cette fois. En plus de meilleurs samples de batterie, j’ai aussi essayé de trouver de plus beaux sons de synthé. Mon pote Felix, qui a fait le mix/master, a aussi beaucoup contribué au son.

Ton album БЕЗУСЛОВНОСТЬ est fortement expressif sur la vie quotidienne, les difficultés à vivre dans un monde où il y a un individualisme si fort, où l’amour n’a pas de place. Était-ce une critique du quotidien ?

Oui, cela peut être compris comme une critique de mon quotidien personnel. En fait, je ne suis pas un grand fan de musique explicitement politique, c’est souvent assez brutal et peut vite devenir embarrassant. Néanmoins, la deuxième chanson крыша (dach) [toit en français] est quelque part une chanson politique, car elle traite des problèmes du marché du logement. Mais je ne ferais jamais une chanson avec des slogans de manif dedans.

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Guerre

La signification du drapeau de l’Union européenne sous l’Arc de triomphe

Les nationalistes sont en concurrence avec les atlantistes dans la tendance à la guerre.

À l’occasion de la présidence française de l’Union européenne en 2022, le gouvernement, et probablement directement Emmanuel Macron, a fait un choix qu’il savait marquant symboliquement. Il a été décidé d’hisser, de manière volontairement contraire aux usages, le drapeau de l’Union européenne seul, au-dessus d’un lieu aussi symbolique que la « tombe du soldat inconnu », sous l’Arc de triomphe à Paris.

Forcément, la Droite et l’extrême-Droite ont dénoncé cela comme étant un grave acte anti-patriotique. L’usage veut en effet que le drapeau de l’Union européenne ne soit jamais hissé seul, mais seulement placé à droite du drapeau français sur un édifice (de manière à ce qu’il soit vu à gauche de celui-ci quand on regarde un bâtiment). Ce n’est pas obligation légale, mais un usage qui a quasiment force de loi tellement il est unanimement respecté, voire directement rappelé par différents ministres de l’Intérieur.

Valérie Précresse, la candidate de la Droite traditionnelle a donc dénoncé et demandé :

« Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non! Je demande solennellement à Emmanuel Macron de rétablir notre drapeau tricolore à côté de celui de l’Europe sous l’arc de Triomphe. Nous le devons à tous nos combattants qui ont versé leur sang pour lui. »

Le polémiste Eric Zemour, faisant référence à deux événements récent concernant l’Arc de triomphe (son saccage par des gilets jaunes puis son empaquetage par le pseudo-artiste délirant Christo typique de l’art contemporain) a été plus direct dans le style :

«après le saccage et l’empaquetage, l’outrage».

En parlant d’outrage pour l’Arc de triomphe, il évoque ici la notion d’outrage au drapeau national, et sous-entend que ce serait la France elle-même, l’idée nationale, qui serait attaquée, ou en tous cas abîmée.

Marine Le Pen a également critiqué violemment un « véritable attentat à l’identité de notre Patrie » ainsi qu’une « offense à ceux qui se sont battus pour la France ». Probablement pour se poser en tant que chef d’État responsable et garant de la légalité nationale, elle a fait part de son intention de déposer un recours en annulation et un référé-suspension, avec des motifs toutefois assez discutables sur le plan strictement légal :

« [Emmanuel Macron] méconnaît manifestement l’article 2 de la Constitution (en vertu duquel l’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge); son article 3, relatif à la souveraineté nationale (les électeurs français ayant rejeté en 2005 le projet de Constitution européenne reconnaissant le drapeau de l’Union européenne) ; et le principe fondamental reconnu par les lois de la République, en vertu duquel l’emblème national doit toujours flotter sur les bâtiments publics ».

Mais peu importe ici la question légale, il y a surtout le fait que politiquement, un tel acte est forcément diviseur. Les « nationaux », ou nationalistes, ne peuvent en effet qu’honnir une telle soumission à l’Union européenne. Surtout sur un lieu lié à la guerre, donc marquant pour le patriotisme, et donc le nationalisme.

Inversement, Emmanuel Macron et les gens qu’il représente n’ignorent pas non plus la portée de ce pavoisement « européen » de l’Arc de triomphe. Ce n’est pas un simple clin d’oeil anecdotique, comme l’a pu être pour la même occasion l’illumination de la Tour Eiffel aux couleurs de l’Union européenne. En faisant ce choix, il y a la volonté d’une affirmation européenne sur la question militaire, affirmation qui est précisément un mantra d’Emmanuel Macron.

Ce denier n’a toutefois jamais réussi en presque 5 ans de présidence à faire vivre son idée d’Armée « européenne », ou en tous cas de force militaire européenne. Ce qu’il y a cependant, c’est qu’actuellement l’Union européenne ne signifie plus grand chose en tant que telle, et certainement pas sur la question militaire. En fait, on peut même dire que, sur le plan militaire, l’Union européenne est quasi synonyme de l’OTAN, et donc de l’alignement sur la superpuissance américaine.

Ainsi, en pavoisant l’Arc de triomphe, lieu des cérémonies militaires, du drapeau de l’Union européenne sans celui de la France, il y a cette affirmation claire et nette de l’alignement militaire sur la superpuissance américaine.

Tout cela n’a rien d’anecdotique, et consiste en la principale et plus déterminante ligne de fracture au sein de la bourgeoisie française. Il y a ceux sur une ligne néo-gaulliste ou proto-gaulliste, voire post-gaulliste, en tous cas nationaliste, qui imaginent une France forte et assumant son indépendance sur le plan militaire pour peser à sa manière (une manière forcément agressive) dans la grande bataille pour le repartage du monde.

Et il y a ceux pour qui le choix est déjà fait de l’alignement total derrière des États-Unis, avec comme perspective immédiate la concurrence avec la Chine et tout le bloc pouvant se former autour de la Chine. Ce second choix, atlantiste, n’en est pas moins agressif pour autant, et d’ailleurs l’OTAN sera au premier plan en ce qui concerne l’agressivité militaire en 2022, encore plus qu’en 2021.

A la Gauche d’être lucide sur la question donc, pour porter la parole du peuple et incarner ses intérêts. Il ne faut pas être dupe des intentions « européennes », et donc atlantistes, d’un Emmanuel Macron, qui sous couvert de modernité sont en fait une soumission à la superpuissance américaine.

Mais il ne faut surtout pas tomber dans le piège du nationalisme, qui consiste à faire du drapeau français une question principale et une valeur populaire, alors qu’il s’agit en fait du drapeau d’une grande puissance capitaliste. Le seul drapeau populaire est le drapeau rouge, internationaliste, et il est urgent à notre époque de le redécouvrir, pour le hisser maintenant contre la guerre et la tendance à la guerre, contre tous les faiseurs de guerre, au nom du Socialisme et de l’unité des peuples.

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Guerre

2022 : la France prend la tête de la force de réaction rapide de l’OTAN

La France est alignée sur la superpuissance américaine.

La France n’est pas une simple alliée des États-Unis. Elle est pleinement actrice du dispositif militaire américain, au moyen de l’OTAN. Cela signifie des engagements très concrets et, pour l’année 2022 l’armée française s’apprête à remplir un rôle majeur au sein de cette alliance militaire. À partir du samedi 1er janvier, elle prend en effet pour un an la tête d’une force majeure de l’OTAN, nommée « Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) ».

Celle-ci est présentée par le communiqué officiel comme étant la force (le dispositif militaire) ayant le plus haut niveau de disponibilité opérationnelle. Il s’agit d’une force « disponible en permanence et capable de se déployer en quelques jours afin de défendre tout pays de l’Alliance ».

Voici le détail quant à sa composition :

« En 2022, la VJTF se composera d’une force multinationale de plusieurs milliers de soldats. S’appuyant sur le 1er régiment d’infanterie et le 3e régiment de hussards, la Brigade franco-allemande, forte de 3 500 soldats, constituera le noyau de cette force. Dirigée par le Corps de réaction rapide – France, basé à Lille, la Brigade franco-allemande est une unité binationale, qui témoigne du lien solide unissant les deux membres de l’Alliance que sont l’Allemagne et la France.

D’autres pays de l’OTAN, dont l’Espagne, le Portugal et la Pologne, fourniront également des forces. La majorité des unités de la VJTF proviennent de la brigade principale. »

On a donc, en toute opacité, sans aucune information démocratique à ce sujet, des milliers de soldats français (et un commandement militaire français) « placés en état de haute disponibilité opérationnelle » et prêts à être déployés en un rien de temps. Autrement dit, en cas de conflit militaire majeur concernant l’OTAN, la France sera immédiatement en première ligne.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a d’ailleurs bien insisté sur cet aspect, montrant l’engagement total de la France dans l’alliance militaire américaine :

« La Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation contribue de manière substantielle à notre défense collective, et le leadership qu’assure la France est une démonstration forte de son engagement et de ses capacités.

Dans une période où les défis de sécurité sont sans précédent, il ne saurait y avoir aucun malentendu sur la détermination de l’OTAN : nous sommes unis pour défendre et protéger l’ensemble des Alliés ».

Cela est très clair, particulièrement dans le contexte actuel avec l’Ukraine prise en tenaille entre la Russie et les États-Unis, formant une véritable poudrière menaçant d’exploser à tout moment. L’existence même de cette force d’intervention rapide est de toutes manières directement liées à la question ukrainienne, puisqu’elle a vu le jour en 2014 lors du sommet de l’OTAN dit Newport où la question du Dombass était une question principale à l’ordre du jour.

Le communiqué officiel de l’OTAN pour annoncer la direction de la France évoque également directement la question ukrainienne, qui est pour ainsi dire la préoccupation majeure du moment pour les États-Unis, et donc pour l’OTAN. Il est donc expliqué dans le communiqué que cette force a été créée « en réponse aux crises survenues au Moyen-Orient et à l’agression perpétrée par la Russie contre l’Ukraine. »

Voilà qui est très clair. En prenant la tête de cette force pendant un an, la France se retrouve donc pieds et poings liés à la superpuissance américaine, précipitée de manière entière dans la grande bataille pour le repartage du monde. Et potentiellement sur la question ukrainienne, alors que la France vient d’ailleurs de réaliser un court exercice avec la marine ukrainienne, mais sans le dire officiellement de son côté (l’armée ukrainienne elle l’a fait).

Tout en multipliant les allusions bellicistes et pro-américaines.

La France est au premier rang dans le militarisme mondial et est aligné sur la superpuissance américaine pour la bataille pour le repartage du monde. C’est la tendance à la guerre qu’amène inévitablement le capitalisme.

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Société

Deux ans de pandémie, deux ans de noyade

Une histoire sans fin.

Cela fait presque deux ans que la pandémie de covid-19 a été déclaré, et l’humanité en est quasiment au même point dans la crise sanitaire. Les variants se succèdent et rendent le coronavirus toujours plus contagieux, mais à chaque fois il n’est fait que constater, presque passivement, son avancée.

Certes, la vaccination de masse dans la plupart des pays riches ou disposants de moyens suffisants, change la donne. Par exemple en France, le nombre d’infections quotidiennes recensées ont explosées, au-delà des records de la première vague, mais le système hospitalier est (pour l’instant) bien moins sous tensions, en raison de l’immunité conférée par les vaccins.

Les non-vaccinés sont immensément plus touchés par la maladie, ainsi que les personnes qui étaient déjà fragiles à la base. Pourtant, pourtant, pourtant, voilà qu’il faut encore et toujours de nouvelles mesures collectives de restrictions, comme celles annoncées par le gouvernement français lundi 27 décembre 2021.

Alors cela ne va pas très loin certes, l’État n’est pas en mesure d’imposer un nouveau confinement ni de faire tomber un rideau de fer sanitaire sur les frontières. Mais tout de même : télétravail obligatoire un jour sur deux, jauges de spectateurs, interdiction de manger dans le train ou les salles de sport, masque à l’extérieur pour les lieux fréquentés, fermeture des lieux de danse et de concerts debout, annulation des cérémonies de vœux 2022, etc.

En fait, la nouvelle crainte n’est pas tant sanitaire au sens strict, qu’une paralysie de la société, avec une sorte de confinement de fait. En effet, la raison sanitaire fait qu’il faut forcément isoler les cas contacts de la maladie, pour casser les chaînes de transmission. C’est une nécessité absolue, pour ne pas se retrouver avec un pays entièrement malade et pied à terre. Mais cela se retourne aussi en son contraire : qui dit beaucoup de contamination et surtout beaucoup de tests allant avec, dit beaucoup de cas contacts donc beaucoup d’isolements.

Ainsi, c’est la nouvelle menace : que le pays se retrouve frappé par une vague de cas contacts. Cela, d’ailleurs, a déjà été le cas avec les écoles. La politique initiale visant à isoler les élèves ayant été en contact avec la maladie (un cas = une fermeture de classe) a dû être assouplie. Une immense vague d’enfants devant être isolés s’est produite, puis leurs parents se sont absentés du travail dans la foulée pour les garder ! Intenable.

Donc il a été lâché du lest du côté des enfants, et cela a, entre autres, contribué à la circulation du variant Delta puis bientôt du variant Omicron avec la rentrée (quoi qu’il circulait déjà avant les vacances de Noël). Et la boucle est bouclée : les parents se retrouvent eux-mêmes cas contacts (ou contaminés) et doivent s’isoler, à mesure que la progression de la maladie s’intensifie. La menace sur la stabilité économique est donc immense.

Cela est particulièrement flagrant dans le secteur aérien où les règles pour le nombre de personnels devant être présent sont strictes. Ainsi dans le monde, pas moins de 8 000 vols ont été annulés le week-end de Noël, principalement aux États-Unis et en Chine, ou encore en Indonésie où les deux compagnies Lion Air et Batik Air ont annulé respectivement 23 % et 28 % de leurs plans de vol. Mais on sait à quel point tout cela va très vite et la menace plane aussi sur la France.

C’est pour cela que le gouvernement français va devoir lâcher du lest sur cette question. Pour éviter une «paralysie» et la «désorganisation» du pays , il est concrètement envisagé d’ici à la fin de semaine de réduire les durées d’isolement (qui peuvent aller dans certains cas pour l’instant jusqu’à 17 jours), avec comme justification le fait de «faire peser une contrainte moindre sur les personnes vaccinées».

Sauf que, évidement, cela peut très vite se retourner en son contraire et contribuer à accélérer la circulation de la maladie. Car moins d’isolement permet plus de circulation du virus, et donc plus de cas, et donc au final des isolement de personnes positives.

L’humanité est donc dans un sale pétrin, n’ayant toujours pas revu son rapport à la nature ni changer sa perspective de civilisation. La planète entière s’attache fermement au 24h sur 24 du capitalisme, et les individus à la consommation de leur propre vie. Hors de question pour la plupart des gens de couper à leur « 1er de l’an », malgré la virulence gigantesque du variant Omicron.

Cela fait donc deux ans que l’humanité court droit dans le mur sur le plan sanitaire, et bien que des mesures collectives se soient imposées à elle depuis ce temps, le basculement n’a pas eu lieu. Personne ne songe, ni même n’envisage ne serait-ce que de changer de braquet. Alors que, pour rester dans la métaphore cycliste, ce n’est même pas de braquet qu’il faudrait changer, c’est carrément de roue, voire de vélo !

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Politique

L’opération Christiane Taubira, hold-up centriste sur la Gauche

« Haut les mains et votez pour moi ! »

Faut-il que la Gauche soit à ce point au fond du trou pour qu’une Christiane Taubira puisse ainsi débarquer, tirant elle-même du chapeau sa propre candidature, pour l’imposer à tous ? A moins de quatre mois de l’élection présidentielle ?

Quel spectacle lamentable offre en effet la « gauche » française, errante dans le néant des sondages et des opinions, sans les idées, sans le peuple, très loin de son histoire et de ses immenses conquêtes du XXe siècle. Alors il y a une nouvelle candidate, du moins l’envisage-t-elle, pour faire une simple vidéo de 3 minutes disant à tout le monde qu’il faut la rallier, pour la seule raison qu’elle est là… Le fond, le programme, les idées ? Pas besoin, les formules creuses et autres successions de lieux communs sont censées suffire à faire d’elle la bonne personne, là où tous les autres échouent.

Cela ne tombe pas du ciel. Christiane Taubira est ici la terrible illustration de la faillite de la Gauche, la vraie, celle de la classe ouvrière et du Socialisme. Car Christiane Taubira n’est pas de gauche, elle ne vient pas de la Gauche. Par contre, elle a depuis longtemps gravité autour, tantôt pour la faire perdre, comme en 2002 où elle a maintenu coûte que coûte une candidature, pour le Parti radical de gauche, ayant fini de plomber Lionel Jospin et ouvert la voie à Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac au second tour, tantôt pour la pourrir de l’intérieur, comme en 2012 quand elle est devenue l’insupportable ministre de la Justice de François Hollande.

« Insupportable », car ministre d’un État en faillite et d’une « Justice » à la dérive, incapable de protéger la population d’une ambiance toujours plus violente et corrompue, laissant pourrir la société sur elle-même, particulièrement dans les cités populaires où règnent les bandits devenus mafieux.

De ce point de vue, Christiane Taubira a été une bénédiction pour la Droite et l’extrême-Droite : qu’il est facile face à elle de prétendre être le parti des classes populaire et de la société, en critiquant le laxisme de cette (fausse) gauche béate et hors-sol, bobo et stupide.

Il ne faut pas être dupe de l’opération menée par Christiane Taubira, qui n’a rien de spontanée. En amont, il y a toute une mouvance de bourgeois parisiens à l’origine d’une pseudo-primaire « populaire », taillée sur mesure justement pour Christiane Taubira, dont elle est forcément la figure ayant été la plus plébiscitée. Cette « primaire » n’a rien à voir avec le fonctionnement historique de la Gauche, basée sur les idées et la démocratie militante. Cela a tout à voir par contre avec la machinerie anti-démocratique et surtout anti-socialiste des Primaires américaines, ce qui de surcroît est tout à fait conforme à la perspective des fondateurs bobos des primaires à la française.

Il s’agit en effet de bons petits soldats du turbo-capitalisme et de la consommation « inclusive ». Il y a parmi eux surtout Samuel Grzybowski, à la tête du cabinet de conseil Convivencia, une « équipe d’experts en inclusion et management de la diversité ». Le but est d’aider à la « conquête de nouveaux marchés » et la « Réduction des risques et conflits » dans les entreprises. En l’occurrence, il y a comme entreprises clientes d’immondes monopoles du capitalisme tels Total, Décathlon, Orange, Michelin. Il y a aussi le Ministère de la Justice…

Voilà le cœur de cette pseudo-gauche post-moderne.

Tout cela est puant, et s’il y avait une vraie Gauche en France, tous ces gens n’oseraient même pas ne serait-ce que prononcer le mot « gauche ». Ils seraient considérés comme ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’horribles libéraux, plus proches de la Droite que du peuple, des cousins de Valéry Giscard d’Estaing et d’Emmanuel Macron, et des ennemis farouches de la classe ouvrière.

Et il faut ici dénoncer ici le rôle de la direction actuelle du Parti socialiste, qui déroule le tapis rose à Christiane Taubira. Un tapis peu reluisant certes, car la « peut-être » candidate n’a pas beaucoup de chances dans cette élection. Mais politiquement, historiquement, un tournant se produit, avec un Parti socialiste renonçant peut-être définitivement à sa propre existence.

C’était déjà le cas avec la candidature incroyable Anne Hidalgo, la maire d’une des plus riches et florissantes métropoles du capitalisme mondial. Mais face à son échec dans les sondages, la maire de Paris s’est tournée du jour au lendemain, sans prévenir personne, descendant même d’un train pour repartir dans l’autre sens pour l’annoncer, vers l’idée d’une primaire (qu’elle avait auparavant refusé et critiqué). Mais là c’est la faillite complète.

Tout est à reconstruire. Il faut la Gauche historique, sans céder en rien aux libéraux-sociaux gouvernementaux, à l’ultra-gauche spontanéiste, aux post-modernes au service du turbo-capitalisme. Il faut un retour aux sources, au drapeau rouge!

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Guerre

G7 à Liverpool: les États-Unis consolident un bloc anti-Russie

Les grandes puissances se réunissent pour préparer les affrontements à venir.

Ce week-end du 11 et 12 décembre 2021 a lieu, à Liverpool au Royaume-Uni, une réunion dite du « G7 » sur les questions de la guerre, principalement sur la question ukrainienne. Il s’agit d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de sept pays capitalistes les plus importants hormis la Chine, directement alliés aux États-Unis et amenés à constituer avec eux un bloc anti-Russe.

On a en l’occurrence de présents à Liverpool les ministres de l’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et bien sûr du Royaume-Uni. Cela saute aux yeux qu’il s’agit des principaux membres de l’OTAN, à qui s’est ajouté le Japon, par nature non-membre (l’OTAN concerne l’Amérique du Nord et l’Europe), mais directement lié à cette alliance militaire par traités de coopération.

Manquent éventuellement à l’appel de cette réunion parmi les principaux membres de l’OTAN (il y a en effet 30 pays membres), l’Espagne, la Grèce, les Pays-Bas, la Pologne, ou encore la Turquie. Mais cela ne change rien à la nature de ce sommet. Les États-Unis mobilisent clairement leurs différents alliés sur les questions militaires, de manière à constituer un bloc solide, clairement identifié et formé, et surtout opérationnel. Il n’y a aucune ambiguïté sur la question, car le ton est incroyablement offensif.

La ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss, dont le pays assure la présidence du G7, a ainsi appelé à :

« présenter un front uni contre les comportements malveillants – y compris les positions russes envers l’Ukraine – et à s’engager en matière de sécurité et de soutien économique pour défendre « les frontières de la liberté dans le monde ». »

Récemment, cette ministre avait d’ailleurs prononcé un grand discours de politique étrangère évoquant ouvertement la Russie, l’avertissant qu’elle commettrait une « erreur stratégique » si elle envahissait l’Ukraine. Cela faisait directement suite aux propos américains menaçant la Russie de « fortes sanctions » en cas d’escalade dans son conflit avec l’Ukraine.

Les États-Unis préparent donc ces « fortes sanctions » avec leurs alliés et ces derniers se montrent très volontaires pour constituer ce bloc anti-Russe. Voici comment la ministre britannique a présenté la réunion « G7 » de Liverpool, assumant totalement la perspective américaine bloc contre bloc :

« Ce week-end, les démocraties les plus influentes du monde prendront position contre les agresseurs qui cherchent à porter atteinte à la liberté et enverront le message clair que nous présentons un front uni ».

Sur le contenu, voici ce qu’elle envisage pour cette réunion :

« Je veux que les pays du G7 approfondissent leurs liens dans des domaines comme le commerce, l’investissement, la technologie et la sécurité afin que nous puissions défendre et faire progresser la liberté et la démocratie à travers le monde. Je vais plaider pour cela au cours des prochains jours ».

Mais pour elle, « approfondir les liens », cela signifie surtout se couper de tout lien avec la Russie. Un moment important de la journée de samedi 11 décembre a été la rencontre bilatérale entre la ministre britannique et celle allemande, fraîchement nommée à son poste.

La première a ouvertement donné le ton parlant pour les « nations démocratiques libres » d’un « sevrage » du gaz et de l’argent russe, évoquant en filigrane le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne. Il s’avère que la nouvelle ministre allemande est une membre des Verts allemand, justement opposée au gazoduc Nord Stream 2.

Cette ligne allemande opposée à la Russie est nouvelle et très discutée en Allemagne, où une trentaine de figures de très haut rang (à la retraite) de la diplomatie et de l’armée ont appelé inversement à une désescalade de la part de l’OTAN et de la Russie.

On voit bien ici que le bloc G7/OTAN, s’il parle dans sa communication de sanctions « éventuelles » pour la Russie, dans le cadre d’une « réponse », agit en réalité déjà de manière offensive, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni à la pointe du bellicisme et avec l’intention d’embarquer l’Allemagne dans son action.

Car, en pratique, la ministre britannique appel ici ouvertement à un embargo anti-Russe, dès maintenant. L’enjeu est, dit-elle, de « s’assurer que les nations démocratiques libres soient en mesure d’avoir une alternative à l’approvisionnement en gaz russe ».

C’est-à-dire que pour la chancellerie britannique, la perspective bloc contre bloc n’est pas une considération future, une possibilité, mais une actualité d’ors et déjà concrète. Et le Royaume-Uni fait ici office de premier allié des États-Unis, appliquant donc directement la stratégie américaine.

Tout cela est incroyablement belliqueux, et vise ouvertement à pousser la Russie à la faute, à se précipiter vers la guerre (ce que, de toutes façons, la Russie fait déjà très bien toute seule).

À l’occasion de la première journée de ce sommet « G7 », le représentant de la superpuissance américaine en a donc rajouté une couche sur la question des sanctions anti-Russie, parlant de sanctions « massives », avec une déferlante mondiale contre les intérêts russes en cas de conflit avec l’Ukraine.

Le gouvernement américain a expliqué qu’il envoyait, de lundi 13 décembre à mercredi 15 décembre, la secrétaire d’État adjointe chargée de l’Europe, Karen Donfried, pour faire la police et négocier directement à Kiev et à Moscou. Mais il a surtout été ajouté que si la Russie choisissait « de ne pas emprunter cette voie [de la diplomaties], alors « il y aura des conséquences massives et un prix important à payer, et le G7 est absolument uni là-dessus ».

La secrétaire d’État ajoutant même pour alourdir la menace :

« Non seulement les pays qui étaient dans la salle, mais un nombre encore plus grand d’États démocratiques nous rejoindraient pour en faire payer le prix ».

On notera dans cette perspective la déclaration vendredi 10 décembre de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen affirmant son alignement sur la superpuissance américaine :

« S’il y a agression, il faut qu’il y ait un prix à payer ».

La constitution du bloc américain anti-Russie est donc absolument clair et c’est la terrible actualité du moment. Ce qu’il y a en arrière-plan, c’est bien entendu la consolidation de ce bloc américain dans la perspective d’un affrontement à venir avec son challenger chinois. La ligne est de liquider le concurrent qu’est la Russie, d’abord, pour ensuite passer au challenger qu’est la Chine.

La journée de dimanche 12 décembre de ce « G7 » est d’ailleurs plus ou moins ouvertement destinée à parler de cette question chinoise et de la région « indo-pacifique », avec la présence des ministres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean).

Faisant ouvertement allusion au régime chinois, la ministre des Affaires étrangère Liz Truss a ainsi parlé en vue de la journée de dimanche 12 décembre consacré à la région « indo-pacifique » :

« Nous devons gagner la bataille des technologies […] en nous assurant que nos normes technologiques sont fixées par ceux qui croient en la liberté et la démocratie [sous entendu donc, pas par la Chine].

Les principaux pays capitalistes veulent sortir de la crise, du moins le pensent-ils, par la guerre contre la Russie et la Chine. C’est la bataille pour le repartage du monde.

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36 heures de jeu vidéo pour la Fondation 30 millions d’amis

« Game 4 Animals est le premier événement solidaire 100% dédié à la cause animale »

Les refuges animaliers ont énormément besoin de soutien, notamment financier. La Fondation 30 millions d’amis, qui aide financièrement de nombreux refuges animaliers indépendants en France, organise donc régulièrement des collectes de fonds pour cela.

L’année dernière, elle avait mis en place l’opération « Les justiciers du cœur », réunissant six joueurs de jeux-vidéos ayant un public important sur internet, dans le but d’appeler aux dons. L’opération est renouvelée cette année, avec une journée finale ce dimanche 13 décembre 2021 (une première partie le matin et le début d’après-midi, puis une séquence finale de 20h à minuit).

L’idée est que des joueurs habituellement suivis pour leurs performances à des jeux vidéos divers, jouent cette fois dans le but de récolter des dons. Dans la soirée du samedi, il y avait déjà 77 000 euros de dons récoltés.

Voici le lien pour suivre en directe la journée de dimanche et participer financièrement :

https://justiciersducoeur.live/

cliquer sur l’une des cartes pour avoir le flux vidéo (choisir la carte « Justiciers du coeur » pour suivre le principal canal)

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Écologie

Déchets nucléaires militaires : ICAN France et l’Observatoire des armements publient une étude

La bombe nucléaire produit des déchets nucléaires en permanence.

C’est un aspect très peu connu, voir pas connu du tout, de l’arme atomique. Même si elle n’est pas utilisée directement, elle est active. Les missiles sont là concrètement et produisent des tonnes de déchets nucléaires.

L’ICAN France et l’Observatoire des armements ont publié une étude très fournie à ce sujet, appelant à un indispensable débat démocratique sur cette question opaque.

Il est expliqué que, « officiellement », « déjà 150 000 m3 déchets radioactifs ont été produits lors du développement, de la fabrication, des essais, du déploiement, du démantèlement d’armes nucléaires, comme des bâtiments à propulsion nucléaire et des installations afférentes à la construction de cet arsenal atomique. »

Cette étude est une contribution très importante, tant écologiquement que démocratiquement. De plus, elle souligne très bien le fait que la France n’est absolument pas engagée dans un quelconque processus de recul quant à cette arme inhumaine et barbare qu’est la bombe atomique.

Voici ce rapport :

Déchets nucléaires militaires : la face cachée de la bombe atomique française

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Reconquête ! d’Eric Zemmour: la naissance d’un grand mouvement de droite «dure»

L’UNI a son parti…

En lançant son nouveau parti nommé Reconquête !, Eric Zemmour réactive la militance de Droite. Autour de lui, il y a en fait tout ce que la Droite compte de cogneurs, de « fachos » adeptes du coup de force et de l’action directe, bref, de militants.

Il faut penser ici bien sûr à l’organisation étudiante UNI, typique de cette démarche militante dure de la Droite… Et donc avec Reconquête !, ces gens ont maintenant une organisation ayant une envergure nationale et une audience massive.

C’est justement cette mouvance qui est à l’origine de la candidature d’Eric Zemmour, et donc de son nouveau mouvement. On retrouve comme personnage principal (en tant que première conseillère politique) la jeune Sarah Knafo (née en 1993), qui est une des principales organisatrices de la fameuse « Convention de la droite » en 2019. Nous avions bien insisté dessus à l’époque : cette convention était un moment clef pour cette Droite militante, autour de la figure politico-idéologique de Marion Maréchal. C’était l’affirmation d’un néogaullisme conquérant, en mode « dur », dans le sens de rentre-dedans, assumant franchement la confrontation.

Il faut ajouter à cela évidemment tout l’apport politique et surtout culturel de la mouvance des identitaires. Ces gens, pendant les années 2010, ont eu en quelque sorte le rôle de mouvement de jeunesse militante parallèle au Front national (devenu Rassemblement national), mais sur une base bien plus à droite que ce que faisait Marine Le Pen. Tous ces apports, des identitaires à Marion Maréchal en passant par l’UNI, de la Droite militante dure donc, synthétise maintenant quelque chose autour d’Eric Zemmour. Et cela se fait maintenant avec des relais haut-placés, en l’occurrence le Général de la Chesnais qui est maintenant directeur de campagne d’Eric Zemmour. On parle ici de quelqu’un ayant été major général de l’armée de terre de 2014 à 2017 (soit le « numéro 2 » de ce corps). Sans surprise, ce général quatre étoiles est un proche du général Pierre de Villiers, dont nous avons régulièrement parlé ici.

Il y a comme organe de presse surtout le magazine Valeurs Actuelles, qui assume, diffuse et génère cette ligne de droite dure, en mode militant. On y lit beaucoup de choses allant dans le sens de la candidature d’Eric Zemmour, mais surtout d’une nouvelle droite dure et militante.

C’est, dit autrement, tout l’inverse de la Droite libérale et technocratique représentée par Valérie Pécresse (vainqueur de l’investiture de la Droite au congrès Les Républicains) ou encore du quotidien Le Figaro. La droite dure de Reconquête ! vise bien sûr Les Républicains également, avec des « noms » comme Guillaume Pelletier ou Eric Ciotti (second du congrès Les Républicains pour l’investiture de la Droite à la présidentielle), qui assument ouvertement leur proximité avec Eric Zemmour.

Il y a là tout un magma, quelque chose de nouveau et de très dangereux qui prend forme. Cela change considérablement la donne politique en France pour la Gauche. Il va falloir être à la hauteur, avec tout le sérieux idéologique et la dimension culturelle qu’il faut pour faire face à cette nouvelle vague de droite dure. Marion Maréchal avait prédit et milité pour un « mai 68 » de Droite… C’est clairement ce qui est en train de se passer avec Eric Zemmour et son mouvement Reconquête ! attirant une génération de militants radicaux qui n’hésitent pas à user de la force, politique certes, mais aussi physique, pour peser et exister.

Rappelons ici les nombreuses arrestations de militants d’extrême-Droite, présentés par l’État comme d’ultra-Droite et retrouvés en possession d’armes, d’explosifs, etc. C’est une expression de la crise, une polarisation violente caractérisant la lutte des classes.

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Eric Zemmour: la « Reconquista » national-populiste

Le mythe de la « reconquête » contre le « grand remplacement ».

Le candidat à la présidentielle 2022 Eric Zemmour a tenu dimanche 5 décembre 2021 son premier grand meeting de campagne à Villepinte, en région parisienne. Devant une foule d’au moins 12 000 personnes qu’il a sans-cesse harangué à la manière d’un tribun, le nom de son nouveau parti a été dévoilé : Reconquête!

Le terme a été répété à de nombreuses reprises, comme un fil conducteur marquant une idée forte et incontournable. C’est évidemment une référence à la « Reconquista », terme castillan désignant la reconquête de l’Espagne par les chrétiens face aux différents peuples musulmans. Débuté en 722 et aboutissant en 1492 par la prise de Grenade, la « Reconquista » fait désormais figure de mythe mobilisateur identitaire.

Ce genre de lutte d’influence territoriale du Moyen Âge n’a évidemment rien à voir avec la modernité des nations au XXIe siècle, mais c’est justement cela qui est utile et efficace pour un Eric Zemmour. Ce dont il a besoin, ce dont il est l’expression, ce n’est pas la rationalité, ni l’Histoire avec un grand « H », bien au contraire.

Eric Zemmour est un dangereux populiste, car il galvanise les foules avec des raccourcis faciles, de fausses grandes idées clefs en mains empêchant toute réflexion et prise de conscience politique sérieuse et constructive. Ce qu’il vise, c’est maintenir la France petite-bourgeoise et pantouflarde dans son fantasme d’un âge d’or des années 1950-1960 avec d’une prétendue vie paisible et harmonieuse. La base de son audience, c’est typiquement les gilets-jaunes, la France des petits entrepreneurs qui veulent un État fort et puissant, mais ne surtout pas payer d’impôts ni ne respecter de normes sociales et collectives.

Ce qu’il y a en réalité, c’est que le capitalisme est en crise, et qu’il a besoin d’un Eric Zemmour pour abrutir les consciences et détourner les regards des vraies questions. Le nationalisme est ici la substance parfaite, le poison terriblement efficace pour ne pas assumer la réalité. Alors Eric Zemmour est là pour parler de « reconquête » (sous entendu, de la France), face à ce qu’il nomme le grand remplacement. S’il gagne dit-il, « ce ne sera pas une alternance de plus, mais le début de la reconquête du plus beau pays du monde ».

La cible de la reconquête est évidemment, et sans aucune ambiguïté, l’immigration musulmane, dont il a parlé à de nombreuses reprises durant son meeting. Il n’a presque parlé que de ça d’ailleurs, ciblant ici l’islam, là « l’immigration venue de l’autre côté de la méditerranée ».

Voici un petit extrait qui résume quasiment à lui seul ses 1h30 de meeting national-populiste à la Donald Trump :

« Depuis des mois, je sillonne la France, je rencontre les Français. Deux craintes les hante : celle du grand déclassement, avec l’appauvrissement des Français, le déclin de notre puissance et l’effondrement de notre école, et celle du grand remplacement, avec l’islamisation de la France, l’immigration de masse, l’insécurité permanente ».

Il ne s’agit pas là de racisme à proprement parler, et d’ailleurs Eric Zemmour se défend d’avoir une vision nationaliste fondée sur une pureté racialiste de type national-socialiste : « Comment pourrais-je penser cela, moi, petit juif berbère venu de l’autre côté de la méditerranée ? ».

Non, le cœur de sa démarche, le fondement de son existence, c’est simplement de galvaniser la foule et la diriger vers le nationalisme ; le ciblage de l’immigration musulmane n’est ici qu’un moyen, un outil servant à raccourcir les choses et empêcher la réflexion sociale. Cela sert le racisme bien sûr, le racisme lui est utile, évidemment, mais c’est bien pire que cela.

Il veut faire croire aux gens qu’on pourrait faire disparaître la crise du capitalisme, et qu’il suffirait pour cela de rejeter les musulmans trop musulmans, d’avoir une immigration zéro, de restreindre le droit d’asile à quelques vraies demandes depuis les consulats, d’en finir avec le regroupement familial, de supprimer l’aide médicale d’État et le droit du sol, de durcir les conditions de naturalisation, de renvoyer les clandestins, d’expulser les délinquants étrangers, de déchoir de leur nationalité les criminels bi-nationaux ou encore d’expulser les chômeurs étrangers au bout de six mois…

C’est un formalisme typiquement bourgeois, très RPR (le parti de la Droite conservatrice-populaire avec Jacques Chirac) des années 1980. D’ailleurs, à la fin de son discours, Eric Zemmour a largement insisté sur sa filiation avec cette Droite de la fin du XXe siècle.

Et en effet, c’est un homme de droite, mais d’une Droite en temps de crise, ayant besoin de gens furieusement aveuglés par le nationalisme et prêts à tout pour défendre le capitalisme français dans la grande bataille pour le repartage du monde engendré par la crise.

Eric Zemmour est en ce sens très dangereux, car il simplifie tout et ratisse large. Ses simplifications et ses tirades populistes sont très efficaces dans un pays aussi riche que feignant intellectuellement qu’est la France (à l’image de la plupart des autres grands pays capitalistes). Il assume donc sans ambage de marcher sur les plates bandes de la Droite et de l’extrême-Droite :

« je veux rendre le droit de vote aux électeurs du front national et je veux rendre la droite aux électeurs de LR »

L’opposition à Eric Zemmour est l’actualité politique principale et incontournable de la Gauche actuellement. Cette opposition ne pourra gagner que si elle est massive et populaire, que si elle est fondée sur l’intelligence et la foi en la société. Si donc elle se fonde sur la Gauche historique.

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Présidentielle 2022 : le gaulliste-pétainiste Eric Zemmour officialise sa candidature

C’est une tentative de synthèse fasciste.

Mardi 30 novembre, le polémiste d’extrême-droite Eric Zemmour a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle 2022 dans une courte vidéo publiée sur YouTube. La mise en scène fait ouvertement référence à l’appel du 18 juin du général de Gaulle, avec pareillement un micro imposant, des notes papiers lues en direct, jusqu’à la disposition de l’homme par rapport au micro.

Cette référence à de Gaulle est incontournable pour toute démarche nationaliste française se voulant conséquente. C’est exactement ce qu’a compris et mis en place Marine Le Pen depuis 2012 justement, avec une ligne néo-gaulliste représentant directement les intérêts du grand capital français.

Toutefois, et c’est flagrant pour n’importe qui ayant les bases de la culture politique française, Eric Zemmour a tout autant un discours pétainiste qu’il se veut gaulliste, et inversement. Ou, comme l’a dit Olivier Faure le premier secrétaire du Parti socialiste avec un bon mot (et une faute) :

« Le micro de De Gaulle [sic] mais le discours de Pétain. »

Il y a en effet dans cette vidéo de 10 minutes du néo-candidat tout ce que la Gauche qualifie (et conspue) de pétainiste : le fantasme d’un pays « éternel » à défendre comme sa propre chair, le rejet romantique du monde moderne, une tendance évidente à la xénophobie et au repli culturel, les raccourcis haineux plutôt que la compréhension sociale des choses.

D’ailleurs, Eric Zemmour s’était fait remarquer ces derniers temps pour des propos on ne peut plus polémique réhabilitant la figure du Maréchal Pétain, pourtant honnie (formellement, mais pas forcément en pratique) par tout le spectre politique français. Il doit donc forcer les choses pour appuyer sur son côté « gaulliste » avec une mise en scène grotesque. Cela jusqu’à évoquer directement, dans sa liste-inventaire de figures françaises, le général de Gaulle et le chef de la Résistance (bourgeoise) Jean Moulin.

Il ne faudrait pas faire l’erreur de penser qu’il ne s’agit ici que d’opportunisme ou de communication de surface. Ce qu’il y a en jeu est ni plus ni moins que la tentative de la formulation d’un fascisme français du XXIe siècle.

Marine Le Pen est allée très loin en ce sens, en travaillant au corps la société française de manière minutieuse pendant des années. Mais elle a un gros problème, c’est qu’elle apparaît bien trop « gaulliste », c’est-à-dire pas assez « pétainiste », donc pas assez à droite, aux yeux de la bourgeoisie.

Eric Zemmour représente une proposition similaire, mais inversée. Il a lui aussi longuement travaillé au corps la société française ces dix dernières années, mais franchement par la droite, de manière très « pétainiste » et probablement pas assez « gaulliste » pour la grande bourgeoisie qui a des vues impériales et qui a besoin d’une adhésion populaire aux projets nationalistes. Alors Eric Zemmour tente sa chance avec la mise en scène du micro « gaulliste », pour dérouler le discours « pétainiste » expliquant qu’on ne reconnaîtrait plus le pays, que l’idéal serait la France des années 1950 avec des garçons en culotte courte jouant dans la rue comme dans un film en noir et blanc.

C’est très caricatural bien sûr, c’est exactement le pendant des discours post-modernes (ou « woke ») voulant tout déconstruire de manière aussi agressive qu’unilatérale, au nom du turbocapitalisme. C’est donc du niveau du café du commerce, c’est-à-dire bas de plafond et rageux.

C’est, pour le dire autrement, tout l’opposé de l’esprit Charlie, typiquement français, voulant la synthèse culturelle, et rejetant le conflit.

Alors, est-ce la vidéo de trop pour Eric Zemmour, qui marquerait la fin d’un phénomène et d’une expérience ? On peut l’imaginer, par exemple quand on voit la violence avec laquelle le quotidien traditionnel de la Droite, Le Figaro, tacle le néo-candidat dans son éditorial du premier décembre :

« Pourquoi un journaliste, sans parti, sans mandat, sans aucune expérience politique, est-il venu percuter cet automne de campagne?

Certes, la société liquide, celle de la compulsion numérique qui permet les roulades de MacFly et Carlito à l’Élysée et envisage Cyril Hanouna comme animateur du débat d’entre-deux-tours, rend tout, même l’impensable, possible.

Il serait pourtant paresseux de s’arrêter à cette écume pour comprendre le phénomène. »

La bourgeoisie française a besoin de sérieux et d’une figure ayant les épaules solides pour mener ses desseins. C’est probablement pourquoi le présentateur du 20H de TF1 a osé, de manière incroyablement irrévérencieuse, demander à Eric Zemmour s’il ferait par exemple un doigt d’honneurs aux autorités britanniques en négociant avec eux sur l’épineuse question de l’île Jersey… (c’est une référence au fait qu’Eric Zemmour a fait un doigt d’honneur à une passante lui en faisant un).

Cependant, l’Histoire est ce qu’elle est et personne ne peut la prédire dans le détail. Eric Zemmour a un rôle historique, il est une contribution majeure à la tentative de formulation d’un fascisme français du XXIe siècle. Sa candidature à la présidentielle reste à considérer de manière sérieuse, pour s’y opposer fermement et profondément.

Cette contradiction « pétainiste »/« gaulliste », tant qu’elle n’est pas résolue dans une nouvelle synthèse politique, est certainement autant de temps de gagner pour la gauche et les forces démocratiques en France, repoussant la victoire du fascisme.

On peut très bien se dire que les voix allant à Eric Zemmour n’iront pas à Marine Le Pen, et inversement, et que cela pourra suffire à les disqualifier. On peut se réjouir du fait que Marine Le Pen voit rouge en ce moment justement pour cette raison, et qu’elle est très agressive à l’encontre du néo-candidat dont elle qualifie la déclaration vidéo de « passéiste et crépusculaire ».

Mais cela ne change rien au fait que le fascisme avance à grands pas en France en raison de la crise, qu’il synthétise justement ses positions de manière toujours plus précise, à mesure que la crise s’intensifie et qu’il se généralise à tous les aspects de la vie. Eric Zemmour n’est ni plus ni moins qu’un produit de cette crise, il représente une des tentatives de la bourgeoisie de sauver les meubles du capitalisme par le nationalisme.

Car ce qui se joue derrière, c’est la bataille pour le repartage du monde. En fait, qui ne voit pas la guerre arriver ne peut pas voir le fascisme et l’analyser adéquatement : c’est cela qu’il faut bien comprendre.

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Eric Zemmour, défenseur de la chasse à courre

Qui se ressemble s’assemble.

Le magazine Chassons.com publiait en novembre 2021 une interview vidéo d’Eric Zemmour qui lui permet de poser quelques marqueurs pour son projet. Dans un lieu bien choisi, la forêt de Marly, où Louis XIV aimait chasser, Zemmour commence par comparer les écologistes d’aujourd’hui aux gauchistes des années 1970. Il en vient ensuite tout naturellement à la chasse à courre et à sa dimension symbolique socialement, pour ses opposants comme pour ses défenseurs :


« On voit bien ce qu’il y a derrière, on voit bien le fantasme, on va à Marly c’est le fantasme de Louis XIV, de l’aristocratie, des beaux costumes, etc. »

Il se lance ensuite dans une récitation somme toute banale des éléments de langage des veneurs, distribués régulièrement par prospectus à tous le personnel politique du régime depuis que cette pratique est dans le collimateur d’un fort mouvement d’opposition populaire.

Dans tout ce fatras de lieux communs, peu lui importe ce qui est vrai ou faux, il s’agit pour lui de se présenter comme au service des gens qui pratiquent cette chasse. Par cette intervention, Zemmour assume donc la défense de la chasse mais pas seulement : il invoque tout spécialement la chasse à courre comme totem de ce que sa candidature représente socialement. C’est le seul qui aille aussi loin, là où un Macron cherche seulement à désamorcer une possible opposition « rurale » à son modernisme et où un Xavier Bertrand n’assume la chasse que comme un bloc de beaufitude patriarcale.

Pour Zemmour, c’est précisément la chasse à courre qui est intéressante. Car il faut le savoir, cette chasse particulière est ouvertement revendiquée comme un bastion par l’aristocratie (à travers le site de l’Association de l’Entraide de la Noblesse Française, en même temps que l’Église, l’Académie Française et un certain surnombre parmi les officiers de l’Armée). En ce sens, elle possède toutes les clefs idéologiques dont un fasciste a besoin pour mobiliser les esprits dans le sens du nationalisme et de la marche à la guerre.

L’aristocratie (ou ce qu’il en reste) est une force sociale à laquelle Zemmour s’adresse ici directement, pas pour sa force numérique dans le cadre d’une élection, mais parce qu’elle porte quelque chose qui culturellement sert son projet politique : le code de l’Honneur chevaleresque, l’héroïsme individuel, le sens de la Famille et de l’héritage, la charité envers les classes populaires, la Piété, l’abnégation en faveur de la Patrie…

A travers ce vecteur qu’est pour lui la chasse à courre, il peut très bien se permettre de combiner une vision fantasmée de Louis XIV avec une revendication des acquis de la Révolution Française :

« dans les cahiers de doléances, les gens disent on veut chasser comme les aristocrates. La première revendication de 1789, c’est le droit de chasse pour tous, c’est profondément révolutionnaire et républicain ».

Zemmour n’a pas à s’embarrasser des détails. Peu importe si la Révolution, en ouvrant le droit de chasse aux citoyens, a aboli la chasse à courre dans le même temps, et qu’elle est donc tout l’inverse d’un « acquis révolutionnaire ». Ce qui compte, c’est la mise en place de symboles, d’un imaginaire national favorable au projet de la haute bourgeoisie hyper agressive, à l’impérialisme conquérant.

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Politique

Bolloré et Zemmour veulent-ils rejouer La Rocque et le PSF en rachetant Le Figaro ?

L’extrême-droite a besoin d’élargir sa base et de gagner en crédibilité.

L’information est sortie dans le milieu des journalistes comme quoi Vincent Bolloré veut racheter Le Figaro. Vrai ou non, c’est en tous cas plausible, car ce journal serait une pièce de choix dans le dispositif Bolloré d’appui au populisme nationaliste.

Vincent Bolloré dispose déjà de la radio Europe 1, du magazine Paris Match et du Journal du dimanche. Il a surtout la chaîne Cnews, devenue un laboratoire pour l’hystérie populiste et les déchaînements réactionnaires. Cnews a servi de catapulte politique pour Eric Zemour qui y a eu une tribune quotidienne dans laquelle il pouvait longuement s’étaler, se poser comme un rationnel au-dessus du lot et disant vraiment les choses, etc.

En fait, il y a eu convergence entre les intérêts de Vincent Bolloré, représentant une fraction bien précise de la bourgeoisie française, et la personnalité Eric Zemour qui s’est retrouvée propulsée historiquement comme figure présidentiable. D’ailleurs, il ne s’agit même pas d’imaginer une opération organisée de longue date (encore que cela est possible), mais surtout un déroulement naturel des choses entre gens allant dans le même sens à une époque qui leur est favorable !

Toujours est-il que cela serait on ne peut plus logique pour Vincent Bolloré, pour appuyer sa dynamique politique, d’avoir également le Figaro (où Eric Zemour a d’ailleurs beaucoup écrit jusqu’à très récemment). Ce serait là beaucoup plus crédible politiquement aux yeux de la bourgeoisie traditionnelle française, que les étalements type « comptoir de bistro » sur Cnews.

Le Figaro est en effet une institution en France, à droite certes, mais pas seulement. C’est avec Le Monde l’un des deux journaux nationaux majeurs, disposant tous deux, suivant les milieux, d’une image de rigueur et ayant une autorité politico-culturelle incontournable en termes d’information et de traitement de l’information.

La Figaro, qui appartient au Groupe Dassault, dispose de beaucoup de moyens pour apporter à la partie de la bourgeoisie française à laquelle il s’adresse une information considérée comme étant de qualité, fiable, utile, constructive. Vincent Bolloré pourrait très bien vouloir en faire quelque-chose de plus, en élargissant l’audience non plus seulement à la bourgeoisie cultivée et urbaine (voire surtout parisienne), mais à une large partie de la population française droitisée.

Ce ne serait pas une première historiquement. Dans les années 1930, le Figaro a justement été le journal de La Rocque et du PSF, servant directement l’extrême-droite en tant qu’outil politico-culturel. Rappelons qu’il s’agissait alors d’un gigantesque mouvement en France, à la fois de masse et militaire, incontournable pour qui s’intéresse vraiment à l’Histoire de France au 20e siècle.

Cela serait tout à fait conforme à la dynamique enclenchée par Eric Zemour d’un mouvement de droite « populaire », et surtout opposé à la bourgeoisie moderniste (représentée en l’occurrence par Le Monde, France inter, etc.).

De toutes façons, Le Figaro, malgré une ligne générale allant dans le sens de la rationalité libérale bourgeoise (avec par exemple de nombreux articles reconnus sur les questions médicales, des analyses précises et ultra-synthétiques sur l’actualité internationale, etc.), n’est pas en reste quant au populisme délirant dans la veine d’Eric Zemour.

On a par exemple l’édition du site internet dans la soirée du dimanche 21 novembre 2021 où un article grotesque « Ces contraintes qui dégoûtent les Français de la voiture » était mis en avant, accompagné d’un sondage proposant de répondre à la ridicule question « Limitation de la vitesse, prix du stationnement… Approuvez-vous les politiques anti-voitures ? » En fin de soirée, avec 65 000 votants, il y avait une écrasante majorité (80%) de « non ». L’article pour sa part était un modèle du genre d’individualisme de droite malhonnête :

« Aux prises avec une circulation urbaine de plus en plus compliquée pour eux, en raison du règne du vélo et de la trottinette décrété par les municipalités, [les automobilistes] sont chaque année rattrapés par de nouvelles contraintes […] »

Eric Zemour, le candidat des chauffards, ne dirait pas mieux. Et ce genre de considération justement, haineuse dans leur base, étriquée dans l’état d’esprit et surtout profondément opposée à la société et au collectivisme, c’est exactement ce dont à besoin un Vincent Bolloré, figure des milieux les plus agressifs de la bourgeoisie française.

L’actualité de l’extrême-Droite en France, ce n’est pas des groupuscules ultra jouant la provocation dans les manifestations parisiennes libérales-démocratiques, pour faire parler d’eux grâce aux « antifa » tombant dans le panneau…

L’actualité, c’est la mise en place d’un dispositif politique et culturel massif, visant les masses, visant à encercler mentalement les masses. C’est exactement la raison d’être d’un Eric Zemour, dans l’intérêt direct d’un Vincent Bolloré !

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Écologie

La loi contre la maltraitance animale est un échec au sujet des cirques

Les animaux dans les cirques c’est fini, mais en fait non.

La loi contre la maltraitance animale a finalement été adoptée définitivement, après avoir fait l’habituelle navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous présentions cette loi lors de sa première adoption en janvier dernier dans l’article « L’Assemblée nationale adopte une petite loi pour les animaux ».

Cette loi ne changera pas grand-chose, même si elle est évidement une petite avancée sur quelques sujet. Toutefois, ce n’est pas le cas à propos de la présence des animaux sauvages dans les cirques. La loi a été présentée par beaucoup de personnes, dont les élus de la majorités qui en sont à l’origine, comme une grande avancée. En gros, il est laissé entendre que les animaux sauvages dans les cirques, c’est enfin fini.

Tel n’est pourtant pas le cas. Déjà, car tout cela va prendre du temps. Il faut attendre au moins sept ans avant que les cirques n’aient vraiment plus le droit de mettre en scène ces animaux… Si la loi n’est pas suspendue ou contournée d’ici là.

Mais surtout, il y a une « subtilité » dans la loi… Seuls les cirques itinérants sont concernés par l’interdiction. Autrement dit, il suffira d’être installé fermement quelque part pour continuer à martyriser des lions, de singes, des hippopotames pour de soit-disant spectacles.

C’est terrible, car on a en apparence une grande avancée pour les animaux, mais en réalité ce n’est qu’une modernisation de la maltraitance animale.

Les cirques nomades sont inévitablement un enfer pour les animaux sauvages et il était évident qu’il n’y avait pas grand-chose à aménager de ce côté là en raison de la complexité inhérente à l’itinérance. Mais plutôt que d’aller véritablement dans le sens des animaux en interdisant purement et simplement les cirques, la loi va en fait servir à moderniser ce business, en obligeant de nouvelles normes pour des cirques sédentaires et en prétendant que celles-ci sont bien pour les animaux sauvages.

Voilà un terrible piège, car il sera d’autant plus difficile d’accéder à une véritable libération pour les animaux des cirques, étant donné que leurs bourreaux pourront prétendre respecter de nombreuses règles nouvelles et prendre vraiment « soin » de « leurs » animaux.

Cela signifie également une autre chose, vraiment terrible. Si les animaux sauvages sont interdits dans les cirques, on pouvait imaginer que ceux-ci allaient forcément être recueillis par des sanctuaires, comme par exemple « Elephant Haven » en Haute-Vienne. Ce n’est pas du tout le cas, les cirques bourreaux pourrons continuer à garder « leurs » animaux, du moment que c’est une installation fixe et non nomade.

De telles installations existent déjà, comme par exemple le Jungle Park près de Nice qui appartient au cirque Medrano, comme le rappelle la porte-parole de l’association One Voice, à la pointe du combat sur ce sujet, qui a justement réussi à faire fermer ce site, mais qui ne pourra pas tous les faire fermer.

D’ailleurs, du côté de One-Voice, il n’y a aucune illusion quand à cette loi qui est un véritable échec sur le sujet des cirques :

« Il y a trop de failles dans ce texte catastrophique »

« On ne peut pas parler de loi de protection animale quand certains cirques peuvent continuer d’exploiter des animaux sauvages ! Des tigres et des lions vont rester aux mains de dresseurs qui vont se sédentariser, certains le font déjà. Dire que c’est une grande avancée : non. C’est un premier pas. »

D’après le ministère de la Transition écologique, ce sont actuellement 800 animaux sauvages, dont 8 éléphants, qui sont emprisonné et forcés à se donner en spectacle pour des cirques. C’est énorme, et inadmissible. La société française est complètement à la traîne sur cette questions, en raison des mœurs libérales du pays et d’un mépris culturel vis-à-vis de la vie animale très ancré dans les mentalités.

Les animaux ont besoin d’une véritable révolution culturelle pour que les choses changent vraiment, sinon le piège continuera à se refermer sur eux avec des petites avancées, qui sont en fait surtout des modernisations… servant à continuer à les maltraiter.

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Société

Le « Robert » et le soi-disant pronom « iel »

La bourgeoisie culturelle libertaire face à la Droite.

Une polémique enfle depuis quelques jours sur l’entrée dans le dictionnaire « le Robert » du pronom « iel« . Le site en ligne de l’entreprise qui édite ce dictionnaire a donc été poussé à clarifier son choix par un communiqué, intéressant sur le plan culturel.

Il faut saisir ici que le « Robert » est en soi devenu une référence quasi-académique dans l’apprentissage et l’étude de la langue française. Son fondateur, Alain Rey est une personnalité importante de la Gauche libertaire et intellectuelle, intéressée dans le cadre du développement de la pensée post-moderne à l’étude critique de la langue, de ses usages, avec cette idée que la pensée se formalisant dans des mots, la lutte politique devait par conséquent se focaliser sur les « discours » et les mots pour produire une pensée alternative à l’ordre dominant et à ses injustices.

C’est dans ce sens que le journal hebdomadaire « Le Nouvel Observateur », fondé en 1964 sur une ligne démocrate-libérale qui se voulait alternative à la rupture communiste, présente en 1967 la première édition du dictionnaire en disant : « enfin un dictionnaire de gauche ! ».

Le groupe emmené par Alain Rey dans cette entreprise se place historiquement dans la lignée du dictionnaire bourgeois typique du XIXe siècle : le Littré, qui a été conçu dans les années 1840 comme une tentative de fournir un outil d’étude de grande qualité de la langue, en observant ses évolutions, tout en l’inscrivant dans son histoire et ses héritages, en particulier par le recours à une analyse étymologique qui cherche à se systématiser.

Il y a donc ici un aspect intéressant et juste sur la forme : la nécessité des intellectuels de fournir des outils d’analyse et de compréhension reflétant le réel et sa créativité, en lui donnant une épaisseur, une dimension scientifique correcte.

Les rédacteurs du dictionnaire ont donc raison ici de présenter leur démarche comme rationnelle, soulignant que toute une équipe a scruté sur une période relativement longue les usages, en multipliant les sources etc, et que c’est au terme de cette démarche d’observation qu’il a été discuté et pris la décision collective d’inclure le néologisme dans la version en ligne du dictionnaire.

Mais sur le fond, ces rédacteurs se trompent lourdement.

On peut déjà noter qu’il y a un certain paradoxe à expliquer qu’il a été constaté un usage « croissant » de ce terme dans un « corpus de sources variées », mais qu’en même temps on reconnaisse que son usage est néanmoins faible au point de préciser la mention « rare » dans la définition retenue.

Encore moins convaincant, il est expliqué que cette intégration devait refléter moins un usage qu’aider au débat en clarifiant son sens. Mais cela n’a strictement aucun sens de présenter les choses ainsi. Soit le terme est peu usé et son usage ne peut donc alimenter un débat significatif, soit on l’utilise, même de manière polémique et alors il faut en effet clarifier le sens. Ce que font ici les rédacteurs de fait, c’est prendre position en faveur de ce terme et de son emploi. C’est un acte militant ni plus ni moins.

De plus, le terme ne relève pas d’un nom nouveau, sa « définition » n’est donc pas possible en soi, puisque iel est présenté comme un pronom, devant donc remplacer des noms communs. Son unique caractéristique est que, à l’instar du pronom on, iel peut s’utiliser sans subir de déclinaison de genre.

Or le terme a été forgé essentiellement pour remplacer des noms de personnes humaines, on ne l’utilise pas par exemple pour parler des animaux ou des choses. On peut dire, ou plutôt écrire d’ailleurs, ainsi : les boulangers font du pain / iels font du pain. Mais on ne trouve pas : les maisons sont confortables / iels sont confortables ou les fourmis vivent en communauté/ iels vivent en communauté.

De même, un pronom se décline, selon sa fonction dans la phrase. Par exemple, il peut devenir lui, celui ou son. Mais quels sont les déclinaisons fonctionnelles de iel ? Cela n’a strictement aucun sens de proposer un nouveau pronom, sans en proposer toute la déclinaison. Et il est impossible que des spécialistes de la grammaire comme le sont les rédacteurs du Robert ignorent ce fait.

Enfin, le « corpus » considéré ne semble pas être si large que cela, puisque la définition proposé précise, sous la forme d’un exemple d’usage : « L’usage du pronom iel dans la communication inclusive« . L’usage est donc… le fait de l’utiliser par les gens qui l’ont inventé !

D’une manière générale, ces fautes sur le fond relèvent ici d’une approche formaliste et quantitative de la langue. On peut sans doute penser que les rédacteurs ont eu ici à coeur de promouvoir une sorte d’élan progressiste, d’aider à aller dans le sens d’un usage, ou du moins d’un débat, qui leur semble intéressant.

L’auteur qui parle au nom de la rédaction, reconnaît sa satisfaction à dire que la majorité de ses lecteurs, du moins ceux qui lui ont adressé un message, auraient salué ce nouvel ajout. D’une façon ou d’une autre, le Robert se place en effet au centre d’un débat l’opposant au camp des conservateurs, qui n’ont bien sûr pas manqué de s’indigner sur le sujet.

Ce qui est intéressant c’est que le Robert est entraîné dans ce débat politique, et il ne peut être ici question de hasard quand on voit à quel point les tensions entre les libéraux et conservateurs, au sein de la bourgeoisie et de son appareil culturel, éclatent de plus en plus en conflit ouvert. À sa façon, le Robert tente ici de défendre la Culture, le progrès et même la Gauche en un mot. Ce petit iel est de fait insupportable aux conservateurs et à la Droite. Et ce n’est pas rien sur la forme de se confronter à celle-ci.

Mais si cela peut être vu comme une démarche qui a du coeur sur la forme, elle n’a pas de tête sur le fond. Les rédacteurs ont ainsi eu une démarche quantitative pour appuyer l’introduction du pronom iel dans leur dictionnaire, mais sur le plan qualitatif, cela n’a aucune profondeur.

On peut bien s’amuser à compter de ceci de-là les occurrences d’un néologisme pour prétendre en valider l’usage, mais cela n’a pas de sens si on ne définit pas un périmètre clairement. L’usage de ce pronom est récent, il a moins d’une dizaine d’années, et à en croire les prétentions quantitatives avancées par les rédacteurs du Robert, son usage aurait eu un succès fulgurant.

Alors qu’il est manifeste qu’il est d’abord et presque uniquement un usage militant au sein d’organisations ou de publications liées d’une manière ou d’une autre à la galaxie libertaire et post-moderne de la bourgeoisie culturelle. Le socle est de fait étroit, et sorti de ce milieu, son usage est nul. Et sans les masses rien n’est possible.

À travers cette question relativement anodine, il se joue ici une partie serrée pour la bourgeoisie culturelle libertaire qui essaye de faire face à la Droite. Mais comme elle n’a ni profondeur populaire ni conscience politique développée, le sol se dérobe sous ses pieds. Ses théories intellectuelles abstraites ne rencontrent de fait aucun écho populaire.

Si le Robert avait eu une réelle dimension démocratique, il y aurait une maîtrise de la forme et du fond. Par exemple, comment expliquer l’importance donné à ce pronom si peu usité et ne pas faire entrer le mot crush qui désigne une émotion amoureuse soudaine, voire inopportune, un peu irrationnelle, que l’on oppose au vrai sentiment développé, profond et prolongé de tomber amoureux.

L’usage du terme crush est bien plus massif que celui du pronom iel et c’est un véritable nom, reflétant une réalité tout à fait sensible et vécue, plus intéressante à développer dans un dictionnaire, pour en exposer l’étymologie, le parcours dans notre langue et en saluer ce que la conscience populaire qui l’emploie, entend définir par son usage.

Au fond, tout le problème est là donc. L’usage de ce pronom iel se voudrait une solution intellectuelle à un réel problème populaire, relevant de la question du féminisme. Mais comme ces intellectuels imaginent que ce pronom astucieux aurait en soi une charge progressiste, et encore faudrait-il alors en exposer les tenants et les aboutissants dans la définition, ils imaginent que cela sera en mesure de faire face au conservatisme étroit de la Droite, ou ouvrira un débat permettant à la Gauche culturelle de se réaffirmer.

Mais à un problème populaire il faut une solution démocratique, à la Droite, il faut donc opposer une Gauche réellement populaire et démocratique. Le débat pathétique autour du l’usage ou non du pronom iel illustre que la partie est en train de se finir pour la bourgeoisie culturelle libertaire. Celle-ci entrevoit toujours plus nettement, à mesure que se développe la Crise, son possible écrasement par une Droite devenue hégémonique et offensive.

Un espace s’ouvre ainsi pour l’affirmation d’une Gauche revenue sur ses fondamentaux, et assumant la lutte des classes, à la remorque de laquelle les éléments les plus avancées de la bourgeoisie culturelle doivent maintenant se placer. Cela relève d’une nécessité historique qui n’est pas contournable.

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Guerre

Offensive de novembre 2021: l’Arménie à un pas de l’effondrement

Les affrontement de la mi-novembre 2021 sont un avertissement.

Il se joue pour l’Arménie une dangereuse partie qui risque bien de l’emporter en tant qu’État. Le mardi 16 novembre, les forces armées de l’Azerbaïdjan, qui avaient conquise par une guerre technologique de grande envergure l’essentiel du Haut-Karabagh arménien l’an passé, ont attaqué massivement le territoire arménien dans la région du Siunik, soit le sud du pays.

L’offensive a été soudaine et massive, les affrontements ayant duré 24 heures, coûtant la vie à des dizaines de soldats des deux côtés, avant qu’un cessez-le-feu, imposé par la Russie, ne gèle à nouveau la situation.

Cette offensive fait suite directement à toute une série d’attaques régulières menées par les troupes azerbaïdjanaises depuis un an dans le secteur. Les incursions, les tirs sur les habitations, les routes ou même les animaux relevant du bétail, n’y ont quasiment pas cessé, maintenant une pression constante sur la région.

Pour le régime ultra-chauvin du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, les choses sont claires. Il s’agit d’abord d’étrangler ce qui reste de la population arménienne du Karabagh, qui compte officiellement 120 000 habitants, contre 150 000 avant la guerre, en l’isolant toujours plus de son lien avec l’Arménie.

L’ambassadeur en France de l’Azerbaïdjan s’est d’ailleurs exprimé le mois dernier lors d’une série de rencontres visant à promouvoir la politique de son pays, avec une réactivation du groupe d’amitié parlementaire « les Amis de l’Azerbaïdjan », ainsi qu’une exposition de photographies sur le thème, d’un cynisme baroque très suggestif, « Karabagh en temps de paix ». Tout cela s’inscrit dans une plus large offensive en Europe, notamment appuyée sur la Suisse et le Luxembourg.

C’est dans le cadre de cette offensive diplomatique, peu couronnée de succès néanmoins, que l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, Rahman Mustafayef, a présenté le plan de Bakou concernant les Arméniens du Karabagh : il a été dit que le Karabagh devait devenir une « zone multiethnique » et il a même quantifié les choses : 750 000 azéris d’un côté et 25 000 Arméniens de l’autre.

Mais de toute façon, il est clair qu’il n’y aura ni 120 000, ni 25 000 Arméniens dans le Karabagh azéri. Il n’y en aura tout simplement aucun, car l’objectif poursuivi depuis des décennies par le régime vise à l’anéantissement systématique de tout ce qui peut de près ou de loin évoquer la composante arménienne de l’Azerbaïdjan.

L’épuration ethnique, par l’exode et l’étranglement territorial progressif, qu’espère le régime de Bakou se double d’autre part de la volonté de connecter directement le territoire de l’Azerbaïdjan à celui la de la Turquie. Ce qui passe par la conquête d’une façon ou d’une autre du Siunik.

Sur le papier, cela n’a rien d’impossible. La région ne compte que 150 000 habitants, soit moins de 5% de la population d’Arménie, avec un vieillissement très marqué et une tendance massive à l’exode. Cela est encore plus vrai concernant le sud de la province, autour de la ville de Kapan en particulier, sur laquelle la pression est maximale depuis l’an passé. L’armée azerbaïdjanaise est même parvenue un temps à occuper l’aéroport de cette ville.

Pour l’Azerbaïdjan, le sud de l’Arménie est une cible pour a minima imposer un « corridor » sous son contrôle entre le Nakhitchevan et le reste du territoire azerbaïdjanais, voire même un territoire potentiellement annexable de facto.

L’agression azerbaïdjanaise illustre donc la logique jusqu’auboutiste du régime de Bakou qui entend poursuivre son effort de guerre contre l’Arménie sans relâcher la pression. En cela, il est poussé par la Turquie, dont le ministre de la Défense, Hulusi Akar, ainsi que le ministre des Affaires Étrangères, Mevlut Cavusoglu, ont immédiatement pris nettement position en faveur de l’agression.

Il faut souligner qu’en arrière-plan la Turquie a relancé l’ancien forum de coopération des États turcophones le 12 novembre dernier, en posant un nouveau cadre clairement offensif : une nouvelle charte, un nouveau nom (Organisation des États turcophones), et a tenté de mettre la pression sur les anciennes Républiques soviétiques d’Asie centrale pour qu’elles prennent justement partie dans le conflit au Karabagh et fassent bloc avec l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.

Malgré l’agressivité de la Turquie, l’Azerbaïdjan a néanmoins rapidement reculé face aux réactions de la Russie et de l’Iran, dont l’hostilité à son égard ne fait que croître. Aux États-Unis et en Europe les réactions indignées n’ont pas aussi tardé, et la rhétorique ciblant hostilement la Turquie s’est renforcée.

Par exemple, Éric Zemmour n’a pas manqué de s’exprimer par un tweet ouvertement agressif, en prenant partie pour l’Arménie.

D’une manière générale, on a donc une double dynamique du renforcement de la tendance à la guerre en l’espèce : d’une part se dessine des blocs de plus en plus antagonistes, dont la confrontation devient toujours plus ouverte et directe, et d’autre part on a une construction de l’ennemi, les Arméniens d’un côté, la Turquie de l’autre, qui s’envenime.

Les Arméniens, en particulier du Karabagh, mais aussi désormais d’Arménie (notamment du sud du Siunik), sont chaque jour un peu plus menacés dans leur existence. La guerre « hybride » qui vise à les pousser à la fuite, en leur imposant un rapport obsidional (c’est-à-dire une mentalité de quelqu’un vivant dans une cité assiégée) permanent et insupportable, ne va sans doute pas encore tenir bien longtemps avant que des civils ne soient ouvertement et massivement pris comme cibles, d’abord au motif d’objectifs limités, comme le serait par exemple la prise de Kapan en Arménie, puis de manière de plus en plus large et ouverte.

C’est là la logique même de la guerre impérialiste une fois élancée. Le risque pour les Arméniens n’est pas seulement leur écrasement. C’est leur anéantissement qui est en jeu. Il faut le dire clairement.

Et dans ce rapport sinistre, les puissances capitalistes ou semi-capitalistes ne sont bien entendu d’aucun secours. Piégées dans leur propres contradictions et dans leur rhétorique « géopolitique » guerrière, elles n’appuient l’Arménie que pour mieux la précipiter dans le gouffre, ou en faire l’alibi de leur propre mobilisation nationaliste en faveur de la guerre contre la Turquie et son bloc.

Les peuples d’Azerbaïdjan et d’Arménie sont donc dans une poudrière qui emportera l’un et l’autre au bout du compte. La responsabilité de la Gauche est donc ici toujours davantage gigantesque à chaque pas accompli en direction de la guerre, à mesure que la logique des blocs s’affirme et avec elle, l’engrenage meurtrier et la construction déshumanisante de l’ennemi.

L’amitié entre les peuples doit être assumée sous la bannière du drapeau rouge, les va-t-en guerre désarmés et punis.

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Politique

L’article à charge du Monde contre « E-Z-B »

Les turbocapitalistes attaquent frontalement les conservateurs.

Source : WIkipédia

C’est un très long article du Monde, « Comment Vincent Bolloré mobilise son empire médiatique pour peser sur l’élection présidentielle », qui témoigne de la dimension du conflit qui existe au sein des capitalistes.

Loin d’être un monde uniforme, les capitalistes ont des centres d’intérêt très différents au-delà de leur intérêt justement commun. On a donc aussi l’affrontement entre les turbocapitalistes, partisans de la modernité, et les conservateurs nationalistes. Ici, Le Monde défend naturellement Emmanuel Macron, président ayant à faire face aux vilains projets d’un vilain PDG conservateur.

Il s’agit en l’occurrence du milliardaire Vincent Bolloré, dénoncé au point qu’à l’Élysée Eric Zemmour est apparemment, selon l’article, appelé E-Z-B, soit Eric Zemmour Bolloré. Dans cette perspective, l’article du Monde présente Eric Zemmour comme la créature de Vincent Bolloré, avec de nombreux détails.

On apprend ainsi que les deux personnages se parlent au téléphone tous les jours, qu’Emmanuel Macron tente de bloquer les investissements de Vincent Bolloré pour élargir son « empire », que Vincent Bolloré a placé à la tête de Paris Match et du Journal du Dimanche des proches :

« Vincent Bolloré n’ignore rien de leur parcours. A 20 ans, Patrick Mahé militait au sein d’Occident, mouvement d’extrême droite dissous en 1968 – comme Michel Calzaroni, le conseiller com’ de Bolloré, qui s’amuse aujourd’hui d’avoir commencé « à l’extrême droite de Vincent et de se retrouver à sa gauche ». Longtemps proche de Jean-Marie Le Pen, Mahé est aussi un ancien de Jeune Europe, groupuscule ultra-nationaliste et antiaméricain de « fafs », disait-on à l’époque, dont l’emblème était la croix celtique.

A Jeune Europe, « Patrig » côtoyait l’éditeur Jean Picollec, un autre Breton qui habitait à vingt kilomètres du fief familial des Bolloré et auquel Vincent et son oncle Gwenn-Aël Bolloré avaient confié en 1987 leur chère maison des Editions de La Table ronde – avant que Picollec ne publie lui-même dans sa propre maison des auteurs sulfureux, comme l’ancien combattant SS belge Léon Degrelle (…).

La seconde recrue, Jérôme Bellay, désormais à la tête du JDD, appelle Bolloré « le cousin ». Sa quatrième épouse, Isabelle Morizet, alias Karen Cheryl, serait, aime rire Bellay devant ses collaborateurs, une parente éloignée du premier actionnaire de Vivendi. Le couple partage d’ailleurs quelques cocktails sur le pont du Paloma, lorsque le yacht du milliardaire mouille l’été dans la baie de Cannes. »

Ce dernier passage sur les cocktails est révélateur. Car bien évidemment Le Monde dénonce CNews et son rôle pro-Eric Zemmour. Mais l’article prend alors un tournant assez unique. On sait qu’en France il est de règle de ne pas aborder la vie privée des personnalités. C’est mal vu. Il y a bien évidemment des médias people surfant là-dessus, mais c’est considéré comme un sous-genre proche du caniveau.

Or, l’article du Monde déroge à la règle, de manière outrancière, allant jusqu’à l’intime de la vie privée de Vincent Bolloré, jusqu’au détail, comme pour montrer que tout était su. Cet étalage sordide vise en apparence à dénoncer le rôle activiste de Vincent Bolloré le conservateur pro-catholique, mais dans le fond il y a quelque chose de rance, une sorte d’agression personnelle, comme pour en faire une cible.

Voici quelques passages qui reflètent ce mélange de dénonciation individuelle et d’accusation politique.

« Ils sont nombreux à observer la mue de Vincent Bolloré, mais rares sont ceux à avoir compris le raid politique et idéologique qu’il a lancé. Il faut dire que le capitaine d’industrie a toujours entretenu le flou sur ses convictions politiques. Personne n’ignore qu’il est un homme de droite. Ou que sa figure tutélaire reste son oncle, Gwenn-Aël Bolloré, débarqué à 19 ans, le 6 juin 1944, sur les plages de Normandie avec le commando Kieffer.

Plus que son propre père, Michel, le héros Gwenn-Aël est sa référence. Patron des éditions de La Table ronde, lecteur passionné et éditeur des « hussards » Antoine Blondin, Roger Nimier et cette petite bande d’écrivains désenchantés de l’après-seconde guerre mondiale, l’oncle était aussi partisan de l’Algérie française et de l’OAS, dont il a publié bon nombre de soutiens (de Jean Bastien-Thiry, l’organisateur de l’attentat contre de Gaulle au Petit-Clamart en 1962, à Jean-Louis Tixier-Vignancour, l’ancien compagnon de route de Jean-Marie Le Pen.) (…)

Plus fidèle à ses relations qu’à la politique, il avait renoncé à soutenir François Fillon en 2017, quoique le candidat prône l’union du libéralisme économique et du conservatisme sociétal (comme l’interdiction de la procréation médicale assistée) – l’idéal de Vincent Bolloré. C’est qu’il ne voulait pas déplaire à Nicolas Sarkozy, cet ami auquel il a prêté son yacht, au lendemain de son élection en 2007, et qui lui a remis la Légion d’honneur deux ans plus tard (…).

Mais il a chaque jour besoin de nouvelles distractions. Divorcé, plusieurs fois séparé, Vincent Bolloré s’est plusieurs fois affiché avec la volubile Valérie Hortefeux, l’ex-épouse de Brice Hortefeux, ancien ministre de l’immigration et de l’identité nationale. Il s’inquiète de la maladie et de la mort et semble gagné par un sentiment d’urgence.

« Lorsque l’homme est plus près du couchant que du levant, il lui vient insidieusement l’envie dérisoire de marquer son passage », écrivait l’oncle « Gwenn » dans ses mémoires. A mesure qu’approche son 70e anniversaire et la date fixée pour son départ, il veut peser sur l’avenir politique du pays. Cette passation des pouvoirs à ses fils aura lieu lors du bicentenaire du groupe, le 17 février 2022, lors d’un grand fest-noz dans le fief familial d’Ergué-Gabéric, près de Quimper (…).

La croisade pour l’Occident chrétien de Vincent Bolloré prospère sur un terreau favorable : une foi de charbonnier qui se décline en images pieuses dans son portefeuille, un syncrétisme « bretonnisant » qui balance entre tradition celte et piété mariale. La devise de la famille est la même depuis 1789 : « A genoux devant Dieu, debout devant les hommes ». Superstitieux, Vincent Bolloré garde à portée de main une statuette de la Vierge Marie et rapporte des bouteilles d’eau bénite de son pèlerinage annuel à Lourdes.

Il se vante de se rendre à la messe tous les dimanches « quel que soit l’endroit où [il se] trouve » (…).

On présente souvent l’abbé Grimaud comme le « confesseur » de Vincent Bolloré. Il ressemble surtout à un directeur de conscience politique. C’est Gabriel Grimaud qui a présenté au patron le journaliste Guillaume Zeller, ce petit-fils d’un des quatre généraux du putsch d’Alger (aujourd’hui « directeur de projet » au sein du groupe). L’industriel l’avait propulsé malgré son inexpérience à la tête d’i-Télé, avant de licencier 70 journalistes et de transformer la chaîne en CNews. Cette fois, Vincent Bolloré tient à présenter à Gabriel Grimaud un journaliste juif qui se dit aussi « chrétien » et veut comme lui contrer l’islam : Eric Zemmour. »

Cet article sordide restera dans l’histoire du journalisme français comme un exemple d’agression individuelle, qu’on devine clairement téléguidé par Emmanuel Macron. Il s’agit de présenter Vincent Bolloré comme une personne âgée pleine de préjugés et capricieuse comme un milliardaire, ayant décidé d’une lubie sans fond, qui n’existe que médiatiquement.

Ces « délires » d’un capitaine d’industrie censé être gâteux seraient utilisés par une poignée de réactionnaires – losers, mais tout cela serait déconnecté de la réalité.

C’est là insultant pour Vincent Bolloré et cela montre le niveau infect des contradictions inter-bourgeoises. Cependant, et là c’est réellement grave historiquement, cela individualise ou personnalise un phénomène de fond, rendant impossible son interprétation correcte.

On ne saurait en effet interpréter la montée d’Eric Zemmour comme le font les turbocapitalistes et Emmanuel Macron. Il faut voir les choses historiquement et comprendre qu’Eric Zemmour est une expression historique de la crise, et qui dit crise capitaliste dit aussi : nationalisme, protectionnisme, mise au pas intérieure, guerre.

Vincent Bolloré ne « choisit » rien du tout. Il est une figure historique du capitalisme français qui est poussé par la crise. On n’en a rien à faire que Vincent Bolloré jouait aux cartes, dans sa jeunesse, avec le président Georges Pompidou. L’Histoire n’est pas réalisée par des individus, mais par des classes agissant de manière inéluctable.

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Guerre

La Russie détruit un vieux satellite avec un tir d’essai militaire

La guerre aura aussi lieu dans l’espace.

Le gouvernement Russe a procédé lundi 15 novembre 2021 à un tir antisatellite. Il s’agissait de détruire, comme cible d’un d’essai militaire, un appareil soviétique Kosmos-1408 inactif, en orbite autour de la terre depuis 1982.

Le tir a provoqué une pluie de débris identifiables, répartis en environ 1500 morceaux qui ont contraint, selon la procédure standard, l’équipage de la station spatiale internationale à se réfugier dans les vaisseaux d’évacuation. Ce genre de débris atteignent des vitesses très élevées, risquant de provoquer des dégâts considérables.

Bill Nelson, dirigeant de la NASA, l’agence spatiale américaine qui fonctionne indirectement au service de l’armée américaine, s’est dit « scandalisé » par cette « action irresponsable et déstabilisatrice » mettant « en danger non seulement les astronautes américains et des partenaires internationaux dans l’ISS, mais aussi ses propres cosmonautes ».

En fait, les réactions ont afflué depuis le monde entier face à ce geste militaire assumé, y compris de la part de la France via sa ministre des Armées dénonçant « les saccageurs de l’Espace » ayant « une responsabilité accablante en générant des débris qui polluent et mettent nos astronautes et satellites en danger ».

Toutefois, ces réactions ne sont essentiellement pas d’ordre pacifistes, écologistes et scientifiques, mais surtout d’ordre politico-militaires. Il s’agit de dénoncer une puissance concurrente, dans le cadre de la grande tendance à la guerre pour le repartage du monde. La Russie, certes, a une responsabilité immense en procédant ainsi à une telle démonstration de force ayant une véritable visée stratégique militaire. Elle assume de pouvoir transformer l’espace en un immense champs de bataille en procédant à des tirs antisatellites.

Les détracteurs de la Russie, États-Unis en tête, ne sont toutefois pas en reste, disposant également d’une capacité de destruction antisatellite et ayant déjà procédé à plusieurs tirs d’essais militaires antisatellite (dont le dernier en 2008). Du côté de la France, la capacité de tirs antisatellite est une préoccupation majeur pour la nouvelle armée de l’air et de l’espace, qui assume ses ambitions depuis son officialisation en juillet 2020. L’Armée française a d’ailleurs mis en scène en mars dernier un wargame très sérieux pour simuler une guerre spatiale contre la Russie.

Il s’agit en tous cas pour la Russie avec son tir d’essai militaire de montrer en pratique qu’elle n’a pas peur de frapper, qu’elle a les moyens de le faire facilement et rapidement. Un tel tir est pourtant complexe à mettre en œuvre puisqu’il faut viser un objet en mouvement rapide sur une orbite spatiale. C’est en tous cas un enjeu majeur pour une puissance secondaire telle la Russie, qui a besoin de pouvoir nuire efficacement face à la superpuissance américaine, dont le réseau satellitaire est aussi déterminant stratégiquement que fragile opérationnellement.

La Russie, en tant puissance challenger, et potentielle alliée de la superpuissance émergente chinoise, envoie donc un message très clair au monde quant à sa capacité de tir spatial, quitte à assumer de contribuer dangereusement à la pollution spatiale.

Cette pollution spatiale est un véritable désastre, accentuée bien sûr par ce nouveau tir, mais déjà bien réelle et conséquente depuis des années. Il existe une véritable poubelle en orbite autour de la Terre. La perspective d’une guerre mondiale se déroulant aussi dans l’espace aggraverait considérablement cette pollution, qui pourrait même astreindre l’humanité à rester bloquée sur Terre pendant des années et des années avant de pouvoir nettoyer.

C’est donc vers une véritable catastrophe que notre monde se dirige. Telle est l’actualité à notre époque.

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Écologie

COP26 : l’humanité fonce dans le mur et assume

Le réchauffement climatique au delà de 2°C ne sera pas empêché.

La COP26 n’est pas un échec, car il n’y avait rien à en attendre. Cela fait longtemps que l’humanité a laissé de côté la prise de conscience nécessaire quant au réchauffement climatique ; on est bien loin des auto-satisfactions à l’issue de la COP21 à Paris en 2015, que la COP26 était censée poursuivre.

La Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques, qui s’est terminée dimanche 14 novembre, n’aura été que la chambre d’enregistrements des reculades et de l’absence d’ambition d’États en concurrence, en compétition. Les différentes discussions sur un accord n’ont jamais approché la possibilité (théorique) de restreindre le réchauffement climatique à +2°C (par rapport à l’ère pré-industrielle). Rappelons que la conférence de Paris en 2015 prétendait pouvoir viser une limitation du réchauffement climatique à +1,5°C.

Pourtant, pendant cinq ans rien a été fait, comme nous le constations en 2020 (« COP21: cinq ans déjà qu’il ne se passe rien pour la planète Terre« ).

En réalité, l’humanité est enferrée dans le capitalisme, et le capitalisme, par nature, rend impossible toute organisation à l’échelle mondiale pour aller dans un sens collectif, décidée de manière rationnelle. Il y a ici une contradiction terrible. La COP26, comme les nombreuses COP avant elle, est une sorte de grande réunion d’experts et de représentants d’États. Les premiers savent très bien les problèmes et ont une idée très précise de ce qu’il ne faut surtout plus faire, tandis que les seconds n’envisagent les choses que par la concurrence économique et la course à la consommation, et ils sont donc obligés de faire en sorte que tout continue comme avant.

Un des faits marquants de la COP26 a d’ailleurs été la lutte acharnée de la part de la Chine et de l’Inde pour ne surtout pas aborder la question de la fin du charbon, qui est extrêmement pollueur et surtout émetteur de gaz à effet de serre. Ces deux pays ont finalement réussi à empêcher le mot de « sortie » du charbon dans l’accord, pour ne faire parler le document que de « réduction »… Ce qui a donné lieu à une scène pathétique avec Alok Sharma, le président la COP26, présentant en larmes ses « excuse au monde », comme si cela changeait quoi que ce soit à l’immensité du problème.

Pathétiques également sont les propos de Boris Johnson, le chef du gouvernement britannique, qui sait très bien qu’il ment en affirmant :

« Il est incontestable que Glasgow a sonné le glas de l’énergie au charbon. C’est une réalisation fantastique et ce n’est qu’une parmi tant d’autres à la COP ».

Tout ceci est faux, mensonger, car les États ne se sont engagé à rien concrètement, et ils sont venus à Glasgow en sachant pertinemment qu’il n’en sortirait rien de contraignant. De toutes façons, la crise mondiale du capitalisme due à la pandémie va pousser encore plus les uns et les autres vers la concurrence économique… et la guerre. Tous les prétextes seront bons pour accuser le voisin de ne pas faire d’effort et en profiter pour dire qu’il n’y a pas de raison de ne pas faire pareil en continuant ses émissions de CO2.

On pouvait déjà le savoir, mais c’est maintenant une certitude. Le problème soulevé par le réchauffement climatique est insurmontable pour l’humanité, tant qu’elle n’aura pas changé radicalement sa perspective.

Il ne s’agit pas seulement de prétendre à des énergies plus « propres » ou à des productions moins « carbonées », tout en critiquant l’Inde et la Chine qui continuent avec le charbon. Tant que les villes continueront à s’étaler, que les gens accepteront de vivre à des kilomètres et des kilomètres de leur lieu de travail où ils se rendent absolument en voiture, qu’ils n’envisageront pas Noël ou les anniversaires sans des orgies de cadeaux aussi futiles que polluants, etc., qu’ils ne remettront pas en cause leur rapport aux animaux et à la Nature en général, alors rien ne changera.

Et donc, rien ne change. L’humanité fonce dans le mur, en toutes connaissance de cause, et n’est même plus capable de faire semblant de résoudre le problème. L’année 2020 a été catastrophique en termes de réchauffement climatique, mais tout le monde s’en fiche.

Le « Pacte de Glasgow pour le climat » est ainsi une coquille vide, une honte pour l’humanité, témoin du rapport destructeur à une planète Terre martyrisée.

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Société

Un quart des français alcooliques?

L’alcool, un fléau national.

L’organisme publique Santé publique France a publié mardi 9 novembre 2021 des chiffres ahurissants à propos de la consommation d’alcool en France. D’après une enquête statistique réalisée auprès de 15 000 personnes en 2020, 23,7% de la population âgée de 18 à 75 ans a une consommation d’alcool considérée comme étant sérieusement à risque.

En 2017, un groupe d’experts a été mandaté par Santé publique France et l’Institut national du cancer pour définir un repère quant à ce risque lié à l’alcool. Leur conclusion a été la suivante :

« Si vous consommez de l’alcool, il est recommandé pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie : de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour ; d’avoir des jours dans la semaine sans consommation. »

Ce qui saute aux yeux, c’est que ce « repère », cette limite de risque, est déjà très élevé, correspondant à une consommation intensive d’alcool. Précision qu’il ne s’agit pas de dire qu’une consommation inférieure à ce repère est sans risque.

Comme l’explique l’Assurance maladie (qui a la charge de payer les dégâts de l’alcool) en présentant ce « repère » déterminé en 2017 :

« Il n’y a pas de consommation d’alcool sans risque, mais des consommations à risque plus ou moins élevé. Il n’existe donc pas de seuil de consommation qui permettrait à coup sûr de limiter les risques pour la santé tout au long de la vie. » 

Hors, d’après l’enquête statistique publiée récemment, même avec un « repère » très élevé, ce sont encore près du quart des gens qui dépassent la limite. Et le chiffre est encore plus grand si on ne considère que les hommes (de 18 à 75 ans), soit 33,2 %.

Il est difficile de trouver une définition quantitative de l’alcoolisme, car celui-ci est plutôt considéré de manière qualitative, avec la dépendance d’une part et l’existence de dégâts psychiques et physiques avérés d’autre part.

Difficile toutefois d’écarter cette idée de la dépendance quand on parle de gens buvant plusieurs verres tous les jours. Difficile également d’imaginer que cela puisse se faire sans dégât, au moins en germe. Cela donne donc un quart de la population française qui est probablement alcoolique, en tous cas avec une consommation la plaçant au bord du gouffre.

C’est énorme. L’alcool est un véritable fait national en France, comme dans de nombreux pays. Plus de la moitié des personnes ayant répondu à l’enquête statistique (55% des 18-75 ans) avait consommé au moins un verre d’alcool au cours des 7 derniers jours. Et 19 % d’entre-eux déclaraient même avoir conscience d’un risque, avec la volonté de réduire sa consommation.

Il y a donc une immense bataille culturelle et sanitaire, mais surtout culturelle, à mener sur ce sujet. L’alcool est ultra présent dans les mœurs, de manière tout à fait banale, alors qu’il s’agit d’un produit extrêmement dangereux aux effets dévastateurs connus.

Il y a eu des progrès certes, notamment grâce à la loi Evin qui depuis trente ans a permis à la société de se prémunir un peu contre les lobbies et le business de l’alcool. Il faut cependant toute la puissance sociale d’une Gauche forte, populaire, ancrée dans le réel, pour faire le poids face à un tel problème.

C’est d’ailleurs un thème fondamental pour la Gauche historique, celle du mouvement ouvrier, qui a toujours combattu l’alcoolisme et dénoncé les dangers de l’alcool. Aucun esprit rationnel et tourné vers le progrès ne peut en effet relativiser ce qu’est l’alcool, encore moins dans un pays comme la France où il est partout et tout le temps présent.