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Écologie

La Gauche doit saisir l’importance de l’offensive réactionnaire en faveur de la chasse

Le Sénat a adopté le 11 avril un amendement créant un délit d’entrave à la chasse, puni d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende. Cela s’inscrit dans un contexte général faisant de la chasse une cause à défendre pour les réactionnaires, avec une collusion politique entre la Droite et la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron.

Cela ne fait aucun doute, il s’agit d’un amendement directement destiné à enrayer le mouvement démocratique et populaire d’opposition à la chasse à courre en France. Le succès et le développement du collectif AVA est tel que les forces réactionnaires s’organisent, pour tenter de maintenir l’ordre existant dans les campagnes.

La fin de la saison de chasse à courre le mois dernier a ainsi été marquée, en plus des rassemblements d’AVA, par d’importants contre-rassemblements. Cela s’inscrit dans une dynamique générale de la Droite traditionnelle, qui fait de la défense de la chasse un étendard du conservatisme.

L’opposition à la chasse à courre est vécue comme une grande menace par des gens qui pensent que les valeurs écologiques et en faveur des animaux sont une agression à leur encontre. Il faut lire ici avec attention les discours de l’Association de défense de la ruralité et de ses traditions, qui organisait les rassemblements contre AVA.

> Lire également : Le front réactionnaire dans les campagnes pour défendre la chasse à courre

Il y a là une expression politico-culturelle très aboutie, avec des arguments rodés, puisant dans la tradition réactionnaire française du XXe siècle.

Cette Droite traditionnelle, conservatrice, est aussi très présente politiquement, notamment au Sénat qui est dominé par une majorité Les Républicains (LR). On a ainsi vu le sénateur de l’Oise Jérôme Bascher (LR) défendre l’amendement en reprenant tels quels les mensonges des partisans de la vénerie. Il n’a pas hésité à qualifier les anti-chasse à courre de « terroristes », avec des méthodes ressemblant aux « black blocs ». Le sénateur du Loiret Jean-Noël Cardoux (LR) a fait de même, affirmant de manière mensongère qu’il y avait des attaques à l’intégrité physique des personnes et des animaux.

Cela est bien sûr grotesque puisqu’en deux ans d’existence, « pas une seule entrave à la chasse n’a été constatée par les forces de l’ordre », comme l’a rappelé AVA dans un communiqué.

Cela montre une terrible crispation de la part de notables et de leur représentants politiques, qui ne supportent pas que la population mette le nez dans leurs affaires, qu’un mouvement démocratique ose dénoncer leurs activités moyenâgeuses.

Il faut bien comprendre aussi que l’amendement créant un délit d’entrave à la chasse n’est qu’une partie d’une offensive plus générale de la Droite en faveur de la chasse. Le Sénat a en effet largement modifié le projet de loi organisant la fusion l’année prochaine entre l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) et l’Agence Française de la Biodiversité.

La sénatrice socialiste de l’Oise, Laurence Rossignol, a expliqué que :

« Cet amendement a été voté uniquement par la droite du Sénat. Comme les autres amendements ajoutés, il accroît encore la complaisance de la loi à l’égard de toutes les chasses »

Le nom de l’organisme nouvellement créé a ainsi été modifié par les sénateurs pour y ajouter le mot « chasse », devenant l’Office français de la biodiversité et de la chasse.

Cette fusion relevait à l’origine d’une sorte de compromis entre les chasseurs et ce qui est nommé la défense de la biodiversité, compromis organisé par le ministre de la Transition écologique François de Rugy.

Les différentes associations environnementalistes qui soutenaient ce projet se sont offusquées des changements opérés par le Sénat, considérant « le futur Office français de la biodiversité menacé par les lobbies de la chasse ».

Dans un communiqué signé par une quarantaine d’associations vendredi 19 avril, il est dénoncé le fait que les sénateurs « ont complètement dénaturé le projet de loi » et que « le nombre de cadeaux indécents abandonnés au monde de la chasse, notamment fiscaux, marqueraient un recul historique de la protection de la nature en France et hypothéquerait les chances de succès du futur établissement public. »

Le texte amendé par le Sénat prévoit en effet un nombre important de mesures en faveur de la chasse, qui sont détaillées et dénoncées dans le communiqué. Ces mesures sont également présentées en détail dans un article écologiste qui dénonce une « sacralisation de la barbarie ».

Selon toute vraisemblance, le texte va être définitivement adopté dans la semaine après sa validation par une commission mixte paritaire de députés et de sénateurs. Il semble peu probable que l’Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle, veuillent rediscuter la loi, tant on a compris depuis plusieurs mois à quel point Emmanuel Macron soutient le dispositif réactionnaire visant à défendre la chasse en général et la chasse à courre en particulier.

Rappelons ici que le projet d’Office de la biodiversité avait initialement été porté par Nicolas Hulot, qui a finalement démissionné du ministère en dénonçant le « lobby » des chasseurs. Quelques mois plus tard, on retrouvait quatre membres du gouvernement au congrès de la Fédération nationale de la chasse : le ministre de la Transition écologique François de Rugy, le ministre de l’agriculture Didier Guillaume, le ministre des Collectivités locales Sébastien Lecornu et la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon.

Le président de la fédération des chasseurs Willy Schraen y avait alors expliqué que « le président de la République, Emmanuel Macron, a fait plus pour la chasse française qu’aucun de ses prédécesseurs. »

> Lire également : notre dossier sur la chasse à courre

Il est important pour la Gauche de saisir le sens de cette offensive générale en faveurs de la chasse et des chasseurs. Il ne faut pas laisser faire, laisser se développer un front des conservatismes en France, avec la question de la chasse comme moyen mobilisateur. Le risque serait énorme ensuite de se faire broyer pour toute personne défendant l’écologie et luttant contre les conservatismes dans les campagnes.

La création du délit d’entrave à la chasse est inacceptable pour la Gauche, tant il consiste en l’annihilation par la peur de toute contestation démocratique et populaire envers les réactionnaires.

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Société

Tribune de Frédéric Thiriez : «L’UEFA va tuer la Ligue 1»

Frédéric Thiriez est l’ancien président de la Ligue de football professionnel (LFP). Sa tribune, initialement publiée dans le Parisien samedi 20 avril, dénonce le bouleversement que causerait la réforme de la Ligue des champions par l’UEFA.

S’il est une figure proche de la Gauche ayant tenté ou prétendu tenter de limiter l’emprise du business dans le football, en étant en parti à l’origine du Fair Play financier, il a pendant son mandat de 2002 à 2016 accompagné le développement du football moderne, avec notamment l’inflation des salaires et des montants des transferts. Les droits TV de la ligue 1 ont triplé durant cette période, pour atteindre plus de 600 millions d’euros.

La fin de son mandat fut marquée par une demande de démission de la part de l’Association française du football amateur suite au refus d’accepter la montée en Ligue 2 du club de Luzenac (Ariège). L’association avait considéré qu’« aujourd’hui, une certaine idée du football, faite de morale, d’éthique et de justice est morte assassinée par ceux qui sont censés défendre ses valeurs. »

Frédéric Thiriez avait par ailleurs signé un appel de personnalités du sport à voter contre Marine le Pen, au deuxième tour de la présidentielle en 2017.

« L’UEFA va tuer la Ligue 1

Un ancien président ne doit pas parler… Telle est la règle que je me suis appliquée depuis que j’ai quitté la présidence de la Ligue de football professionnel. Si je romps ce silence aujourd’hui, c’est parce que les intérêts vitaux de nos championnats sont menacés par un projet de réforme de la Champions League qui, s’il est adopté, ruinera nos championnats nationaux. Pis, l’UEFA, au mépris du modèle sportif européen, veut faire de la prestigieuse coupe une compétition fermée, au seul profit de quelques clubs milliardaires et de leurs actionnaires.

La réforme se traduira par une augmentation insensée du nombre de matchs : on passerait de 96 matchs aujourd’hui à 224 pour la phase de groupes… Comment oser proposer une telle multiplication des rencontres, néfaste pour la santé des joueurs et mortifère pour les compétitions nationales ? Mortifère, oui, car il est strictement impossible dans le calendrier actuel de trouver les huit dates supplémentaires qu’exige la réforme. Sauf à supprimer une des deux coupes nationales ou à réduire la Ligue 1 à 18, ce que nos clubs n’accepteront pas, comme l’a bien dit Noël Le Graët(NDLR : le président de la Fédération française de football). Pourquoi seraient-ce toujours les compétitions nationales qui feraient les frais de la folie inflationniste des fédérations internationales ? L’UEFA, qui veut toujours plus, va au plus simple : pour augmenter les droits, augmentons le nombre de matchs ! Facile : sur le calendrier, la Fifa et l’UEFA se servent les premières ; les fédérations nationales ne peuvent que remplir les pauvres cases restantes.

Il y a plus grave : la réforme changera la nature même de la Champions League, qui deviendra un championnat quasi fermé. Lors de la première saison de la nouvelle formule, les cinq clubs arrivés en tête de leur groupe (il y a 4 groupes de 8), seront qualifiés automatiquement pour la Champions League de la saison suivante. Mieux, le 6e ou le 7e aussi auront une place garantie, une fois départagés par un match de barrage. Voilà donc 24 places préemptées pour la saison d’après, et pour tout dire, ad vitam aeternam pour peu que ces clubs ne finissent pas dernier de leur groupe. Une Ligue des champions fermée aux trois quarts et durablement. Avec un tel système, il est possible que le deuxième du championnat de Ligue 1, voire même le premier, soit exclu de la Champions League. C’est dire que notre championnat perdra tout son intérêt. En début de saison, nos deux ou trois clubs européens n’auront qu’une priorité : finir dans les cinq premiers de leur groupe afin d’être qualifiés encore l’année suivante. Ils délaisseront le championnat, envoyant au besoin une équipe B. Quant à la deuxième partie de saison, elle n’aura pas plus d’intérêt, puisque la « course aux places européennes » sera terminée… Qui s’intéressera alors à la Ligue 1 ? Les diffuseurs certainement pas. Un effondrement des droits télé en France est donc à redouter dès 2024.

Les 32 ligues européennes n’ont d’autre choix que de se battre pour leur survie en tirant à boulets rouges. La Premier League anglaise et la Liga espagnole ont montré le chemin. Souhaitons que la ligue française suive cet exemple. Mais à terme, il faudra bien revoir la gouvernance de l’UEFA, qui ignore superbement les ligues professionnelles, alors qu’elles font vivre les footballs nationaux. L’UEFA comme la Fifa ne peuvent à la fois prendre, comme organes régulateurs, des décisions qui s’imposent à tous et développer sans cesse de nouvelles compétitions qui minent les championnats nationaux sans que les ligues aient leur mot à dire.

Le bon sens voudrait qu’elles soient représentées à hauteur suffisante (un tiers ?) dans les organes décisionnels des fédérations internationales*. Ces dernières ont reçu de nos anciens la noble mission de gouverner le football, d’en fixer les règles et de développer notre sport partout sur la planète. Aujourd’hui, elles semblent dévorées par la « fièvre de l’or ». Le business a pris le pas sur l’intérêt général du football, les bonnes pratiques, l’avenir du jeu, l’aide aux nations défavorisées. La Fifa et l’UEFA se livrent même entre elles à une véritable guerre commerciale (Coupe du monde des clubs versus Champions League). Cette dérive inflationniste fait croître une bulle spéculative qui peut éclater à tout moment. Faut-il attendre l’implosion du système pour revenir à la raison ? »

* L’EPFL, qui représente les intérêts des ligues nationales, a fini par obtenir un siège au comité exécutif de l’UEFA sur 19.

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Politique

Acte XXIII des gilets jaunes, rien ne change

Numériquement toujours plus faibles, les gilets jaunes occupent toujours le terrain le samedi, avec les mêmes recettes. La France sympathise mais a depuis longtemps tourné le dos à un mouvement qui ne profite que de l’appui d’amateurs de théâtre social.

La France a connu un grand soleil pour le 23e samedi des gilets jaunes, et il n’y a donc aucune excuse possible pour que, fin avril, il n’y ait pas une réelle mobilisation de masse, si jamais les gilets jaunes devaient y parvenir. De fait, rien n’a changé et le mouvement se tasse numériquement, avec environ 30 000 personnes, dont un peu moins du tiers à Paris. Les autres rassemblements notables ont eu lieu à Toulouse, Montpellier, Toulouse, Lille, Rouen ou encore Lyon.

L’épisode le plus marquant fut indéniablement le moment où, interviewé par BFM TV, Jérôme Rodrigues, une figure des gilets jaunes (qui a perdu un œil à la suite des grenades LBD lancées par la police), a exprimé des propos typiques de l’approche nihiliste – paranoïaque des gilets jaunes :

« Lui [c’est-à-dire Emmanuel Macron] ne fait pas attention à nous, d’accord. Maintenant, stratégiquement, il devait l’annoncer [le plan de mesures] en début de semaine. Il l’a pas fait à cause d’un malheureux incendie dans une cathédrale, je trouve ça regrettable. Le monde a l’air de s’arrêter de tourner quand il y a un incendie en France. Euh je pense que c’était surtout une stratégie gouvernementale pour aller balancer un petit peu d’infos soit disant par des fuites et retravailler son discours derrière pour toujours mieux nous vendre son programme électoral. »

Entendant cela, le député LREM Jacques Marilossian qualifie ces propos de débiles, de propos de comptoirs, et finalement Jérôme Rodrigues de « débile profond ». Le choix des termes est impropre, mais il y a effectivement de quoi halluciner devant des considérations aussi lamentables. Les gilets jaunes sont un exemple de mauvais goût et de raccourcis, d’inculture et de simplisme.

Naturellement, pour beaucoup, c’est ainsi qu’est le peuple, que ce soit à Droite ou à l’ultra-gauche, mais en réalité le peuple se tient bien sûr tout à fait l’écart de ce grand fourre-tout plébéien. Tellement de bruit pour une mobilisation qui est si faible, que la France aime les psychodrames !

Comme c’est d’ailleurs de rigueur, la capitale a connu quelques magasins aux vitrines dégradées ou pillées (comme le Go Sport de la place de la République), du mobilier urbain détruit, quelques véhicules incendiés, une pluie de lacrymogènes, 227 interpellations et 20 518 contrôles préventifs, etc., dans une ambiance « supporter », bref rien de nouveau sous le soleil. Alors que, tout de même, l’idée était de « tous converger à Madeleine à 12 heures avant de partir à l’assaut de L’Élysée et des Champs ».

Pour la dimension grotesque, on aura eu le slogan « Suicidez-vous » lancé aux forces de l’ordre place de la République par quelques groupes, et pour la dimension ridicule, celui très partagé de « Révolution » lors du parcours entre Bastille et République.

Pour la dimension pathétique, il y aura également eu le mot d’ordre lancé par la préfecture de police : « désolidarisez vous des groupes violents ».

Mais quel pays !

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Guerre

Yémen : une tribune politique réclame un meilleur contrôle des ventes d’armes françaises

Une tribune signée par de nombreuses personnalités de gauche réclame un meilleur contrôle des ventes d’armes par la France, notamment via le Parlement.

En arrière plan, il y a bien sûr la question du Yémen, avec cette note « Confidentiel-Défense » dévoilée par le site Disclose, en partenariat avec d’autres médias, qui prouverait que le gouvernement est au courant d’un usage massif d’armes françaises par la coalition dans la guerre qui sévit au Yémen.

Entre temps, la ministre des Armées Florence Parly a affirmé à la radio que les armes vendues par la France « ne sont pas utilisées de façon offensive dans la guerre au Yémen », et qu’elle n’a en tous cas « pas d’éléments de preuve permettant de dire ça, que des armes françaises sont à l’origine de victimes civiles au Yémen ».

Voici la tribune, initialement publiée dans Libération ce lundi 15 avril 2019 :

« Depuis 2015, la coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, soutenue par les Etats-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne et la France a engendré «la pire crise humanitaire au monde» selon l’ONU. Le bilan est terrifiant, 10 000 morts selon les chiffres officiels, et plus de 70 000 d’après les ONG. Du fait de l’embargo et de la destruction des infrastructures civiles, une famine sans précédent touche 16 millions de Yéménites. Cinq millions d’enfants sont touchés par la malnutrition retardant ainsi leur développement physique, mental et cognitif. Un enfant meurt au Yémen toutes les cinq minutes, une génération entière s’éteint.

Au service de l’industrie de l’armement

La communauté internationale détourne le regard. La France n’échappe pas à cette règle, tiraillée entre les ventes d’armes aux membres de la coalition, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis en tête, et ses engagements internationaux. Le président de la République a beau affirmer qu’«il est faux de dire que l’Arabie Saoudite est un grand client aujourd’hui de la France», elle se hisse pourtant à la deuxième place en matière d’exportations d’armes.

Le gouvernement a connaissance de la gravité de la situation mais refuse toute responsabilité. Le président de la République justifie sans complexe cette stratégie, considérant que «c’est pure démagogie que de dire d’arrêter de vendre des armes à Riyad». Lorsque des milliers de Yéménites meurent et que des millions d’autres sont menacés par la famine, le dilemme n’est plus économique mais moral.

Au mépris du droit international

Cette politique d’exportation, rentable financièrement, se fait au mépris des traités internationaux, et engage, comme lors des quinquennats précédents, la responsabilité de notre pays. L’article 6 du Traité sur le commerce des armes, ratifié en 2014 par la France, interdit en effet toute vente d’armes dès lors qu’elles sont susceptibles d’être utilisées contre des populations civiles. Et pourtant ce sont près de 3,4 milliards d’euros d’armement qui ont été livrés à l’Arabie Saoudite entre 2015 et 2017, au plus fort du conflit. En vendant ces armes (chars Leclerc, avions ravitailleurs A330 MRTT, corvettes Gowind, canons Caesar, systèmes de ciblage pods) la France s’est même engagée auprès de l’Arabie Saoudite à assurer leur maintenance sur plusieurs décennies. Malgré le conflit, notre pays maintient sa coopération militaire avec Riyad.

Si le Parlement européen – comme d’autres pays européens tels que la Finlande, les Pays Bas, la Suisse – s’est prononcé en faveur de la suspension des livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis en décembre 2018, le gouvernement reste inflexible. Les récents votes du Sénat et de la chambre des représentants sur l’arrêt du soutien militaire, dont les ventes d’armes, n’auront pas non plus suffi à infléchir la stratégie américaine.

Contrôle opaque et antidémocratique

Ce commerce lucratif pour les industries de défense s’appuie sur des règles opaques, excluant de fait tout contrôle démocratique. En effet, l’attribution des licences d’exportation est entièrement aux mains de l’exécutif. Les règles d’attributions ainsi que les décisions prises par la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), chargée de conseiller le Premier ministre en la matière, sont protégées par le secret-défense. Le Parlement est totalement absent de ce processus décisionnaire. La seule information dont disposent les citoyens se fait sous la forme d’un, très sommaire et peu précis, rapport au Parlement publié chaque année. Ni l’intitulé précis du matériel vendu, ni le nom du fabricant, ni la quantité du matériel ne sont indiqués. Malgré la demande des ONG françaises depuis 1997 de la création d’un office parlementaire, le contrôle des exportations a posteriori, notamment la traçabilité, est quasi inexistant.

Dans d’autres pays européens, une plus grande implication du Parlement permet un meilleur contrôle des autorisations d’exportations d’armes. Pour que cette situation cesse, nous demandons la mise en place d’une délégation parlementaire qui participera au processus de décisions pour l’attribution des licences d’exportation. L’urgence commande de telles mesures, pour que la France mette sa diplomatie au service de la paix, et cesse de se rendre complice de puissances criminelles.

Alexis Corbière député France insoumise, Christian Hutin, député socialiste, Jean-Paul Lecoq député Gauche démocrate et républicaine, Sébastien Nadot député non-inscrit, Esther Benbassa sénatrice Europe Ecologie-les Verts, Frédérique Dumas députée UDI, Jean Felix Acquaviva député Liberté et territoires, Manon Aubry candidate France insoumise aux élections européennes, Clémentine Autain députée France insoumise, Joël Aviragnet député socialiste, Marie-Noëlle Battistel député socialiste, Marie-George Buffet députée Gauche démocrate et républicaine, Ugo Bernalicis député France insoumise, Alain Bruneel député Gauche démocrate et républicaine, Moetai Brotherson député Gauche démocrate et républicaine, Erica Bareigts députée socialiste, Gisèle Biémouret députée socialiste, Christophe Bouillon député socialiste, Guy Bricout député socialiste, Luc Carvounas député socialiste, André Chassaigne député Gauche démocrate et républicaine, Eric Coquerel député France insoumise, Alain David député socialiste, Pierre Dharreville député Gauche démocrate et républicaine, Jean-Paul Dufrègne député Gauche démocrate et républicaine, Laurence Dumont députée socialiste, Elsa Faucillon députée Gauche démocrate et républicaine, Olivier Faure député socialiste, Caroline Fiat députée France insoumise, Guillaume Garot député socialiste, Raphaël Glucksmann candidat Place Publique aux élections européennes, David Habib député socialiste, Régis Juanico député socialiste, Sébastien Jumel député Gauche démocrate et républicaine, Marietta Karamanli députée socialiste, Manuéla Kéclard-Mondésir députée Gauche démocrate et républicaine, Jean Lassalle député non-inscrit, Michel Larive député France insoumise, Jerôme Lambert député socialiste, Bastien Lachaud député France insoumise, Serge Letchimy député socialiste, Josette Manin députée socialiste, Jean-Luc Mélenchon député France insoumise, Jean Michel Clément député Libertés et territoires, Paul Molac, député Libertés et territoires, Danièle Obono députée France insoumise, Younous Omarjee France insoumise aux élections européennes, Mathilde Panot députée France insoumise, Georges Pau-Langevin député socialiste, Stéphane Peu député Gauche démocrate et républicaine, Christine Pires-Beaune députée socialiste, Dominique Potier député socialiste, Loïc Prud’homme député France insoumise, Adrien Quatennen, député France insoumise, Valérie Rabault députée socialiste, Jean-Hugues Ratenon, député France insoumise, Muriel Ressiguier députée France insoumise, Fabien Roussel député Gauche démocrate et républicaine, Sabine Rubin députée France insoumise, François Ruffin député France insoumise, Bénédicte Taurine députée France insoumise, Sylvie Tolmont députée socialiste, Hervé Saulignac député socialiste, Hélène Vainqueur-Christophe députée socialiste, Boris Vallaud député socialiste, Michèle Victory députée socialiste, Hubert Wulfranc député Gauche démocrate et républicaine. »

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Écologie

La grande prétention des activistes ayant occupé La Défense pour le climat

Des militants et sympathisants d’ONG et d’organisations altermondialistes ont occupé des lieux considérés comme symboliques sur la question du climat. Les sièges de Total, de la Société générale et d’EDF à la Défense, le quartier d’affaire en périphérie de la capitale, ont été bloqués toute la matinée d’hier.

Cela est censé être la plus « grande action de désobéissance civile» ayant jamais eu lieu en France. Le but des activistes était de dénoncer la « République des pollueurs », en expliquant qu’Emmanuel Macron est le Président des pollueurs. L’action était organisée par Greenpeace France, Les Amis de la Terre ainsi qu’Alternatiba – ANV-COP21.

Leur action avait été annoncée dans une tribune sur France-Info il y a quelques jours. On pouvait y lire que :

« Puisque dénoncer, manifester, est nécessaire mais ne suffit pas, le 19 avril, nous sommes prêts à désobéir, massivement, pour nous opposer au partenariat destructeur qui unit grands patrons et dirigeants politiques. Puisque, sous couvert de légalité, ils sacrifient l’intérêt général, nous avons la légitimité pour bloquer la République des pollueurs. »

Dans la matinée d’hier, une organisatrice a expliqué de la même manière au site Reporterre :

« La République des pollueurs, c’est l’alliance toxique entre les grands patrons des entreprises les plus polluantes et le gouvernement qui verrouille la lutte écologique et reste sourd à la mobilisation. Il est temps de faire de la désobéissance de masse. Tant que la politique du gouvernement se fera sous la pression des lobbies, Macron sera président de la “République des pollueurs” et on sera là pour lui barrer la route. »

On a donc vu des gens obstruant l’entrée de ces bâtiments ou occupant le Hall, avec des affiches collées, des banderoles, des pochoirs avec de la peinture sur les sols, et des chants entonnés fortement.

C’est là de la posture, pour parader, de la part de gens qui s’imaginent représenter quelque-chose alors qu’ils ne font que brasser du vent. Leur action était purement symbolique, et d’ailleurs les lieux de blocages avaient été annoncés la veille dans une salle près de Paris où des activistes ont débarqué de toute la France. L’État, qui était forcément au courant, a sciemment laissé faire puisque cela ne le dérange nullement que des gens s’agitent de la sorte.

Cela n’empêche pas certain de se prétendre très radicaux, comme cet individu ridicule que l’on voit dans une vidéo du Monde dire au mégaphone :

« Nous sommes prêtes et prêts à enfreindre la loi et à en subir les conséquences, y compris l’emprisonnement. La rébellion commence maintenant ».

Évidemment, les évacuations, accompagnées de chants tels « CRS, doucement, on fait ça pour vos enfants », ont eu lieu dans le calme, comme le raconte dans cette même vidéo une militante qui trouve que cela s’est « étonnement » bien passé, et que les CRS les soutiennent « presque ».

Ces personnes prétendent qu’il suffit de faire du bruit en dénonçant pour que les choses avancent. Leurs blocages ne représentent rien, tout le monde les aura oublié lundi matin. C’est vain, puéril, et tout à fait contraire aux traditions historiques de la Gauche qui doit ancrer les combats démocratiques dans la population, avec un travail de fond, minutieux, sur le terrain, au quotidien.

Seulement, cela demande de l’engagement, des convictions, du travail répété. Il y a donc des personnes qui trouvent cela bien plus facile de venir se montrer devant des caméras et appareils photos de médias nationaux pendant une journée, plutôt que de lutter pendant des mois contre des projets de destruction concrets, pour la défense de zones humides, de forêts, d’animaux, etc.

La Gauche doit porter en horreur ce genre de parodie de contestation et dénoncer la prétention de ces gens qui veulent confisquer les combats pour l’écologie des mains de la population avec leurs grandes opérations de communication.

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Société

Les Français se sont réduits au travail, à la famille, à la patrie

Ulysse et les sirènes

On peut parler comme on le veut sur l’État français, dire qu’il est laïc, qu’il pratique l’égalité des droits, qu’il préserve la liberté, qu’il maintient la fraternité, etc. En attendant les Français sont ce qu’ils sont et leur horizon est terriblement restreint.

Le capitalisme vend beaucoup de rêves et quand on y croit, on rêve littéralement sa vie. Mais au quotidien, c’est le terre-à-terre qui l’emporte et les intérêts des Français ne vont pas bien loin. Déjà pour eux leur travail est une part énorme de leur identité, c’est-à-dire qu’ils ne conçoivent pas vraiment qu’ils vendent leur force de travail pour vivre. Ils le savent, ils le vivent, cela les insupporte, mais leur travail reste leur identité tout de même, sans réel recul. Le taux de syndicalisation en France est pour cette raison très restreint.

À côté de cela, il y a la famille. Bien entendu, fonder une famille fait partie du sens de la vie. Mais le sens de la vie ne s’y restreint pas, il y a aussi les arts, la culture en général ; il y a l’épanouissement des sens, le progrès intellectuel, l’admiration devant la nature, la joie fascinée devant les animaux, etc. Les possibilités du monde moderne sont d’ailleurs ici énormes, et pourtant que voit-on ? Que le repli sur le noyau familial est resté quelque chose de très présent, pour ne pas dire qu’il a tendance à prendre un côté clanique.

S’il n’y avait d’ailleurs pas le capitalisme pour faire imploser les familles ainsi que les couples, les gens en retourneraient pratiquement au patriarcat. Pour caricaturer, la France est constituée de gens refusant totalement le couple, la famille, ou bien de gens résumant leur vie à une forme de couple, de famille, particulièrement replié sur eux-mêmes. Exagéré ? Il suffit de regarder autour de soi.

Et il y a la patrie. Les Français ne sont pas des Suédois ou des Américains : ils ne mettent pas des drapeaux nationaux partout et ne se mettent pas en rage ou en pleurs si on critique leur pays. En revanche, il leur faut leur crise régulière de chauvinisme. S’il n’ont pas leur petit triomphe national, leur petite réussite napoléonienne parvenant à la tête de l’actualité de temps en temps, ils sont très mécontents.

Autant dire que non seulement tout ce panorama n’est pas terrible, mais qu’en plus il imprègne la société de valeurs réactionnaires. Il y a ainsi un substrat particulièrement nocif sur les idées de Gauche. Comment veut-on qu’il y ait une utopie qui s’affirme chez des gens ayant réduit tout leur horizon au noyau familial ? Comment veut-on qu’un esprit de collectivité s’installe – et il devrait s’installer de manière naturelle – chez des gens qui confondent leur existence personnelle et leur soumission individuelle à leur employeur ?

Hiver - Nuit - Vieillesse et mort, Caspar David Friedrich

Il est évident que la Gauche fait face à des obstacles culturels gigantesques. Alors, bien sûr, on peut faire comme les anarchistes, et casser parfois en manifestations ou se replier sur une ZAD. C’est toutefois de l’existentialisme, pas de la politique, et encore moins de la culture. D’ailleurs, qu’ont produit les anarchistes depuis une décennie, sur le plan culturel ? Strictement rien. Au moins, dans les années 1960 il y avait Léo Ferré et être anarchiste, c’était au moins être un peu snob, un peu exigeant sur le plan de l’autonomie des idées. Mais là, franchement, qu’y a-t-il ? Que les anarchistes aient considéré qu’il fallait se précipiter chez les gilets jaunes en dit assez long.

Oh, argumentera-t-on, n’est-ce pas le cas d’une partie de la Gauche ? Oui, c’est vrai et c’est malheureux. La majorité de la Gauche cependant n’a pas concrètement soutenu les gilets jaunes ; seule une partie s’est prononcée pour, voire a participé au mouvement. Et c’est une grave preuve de désorientation culturelle. Que le Parti socialiste soit obligé d’aller chercher Raphaël Glucksmann est un exemple assez pathétique de cela, justement. Comme si la Gauche n’était pas capable d’apporter des idées nouvelles, des gens nouveaux, comme si elle devait aller chercher ailleurs de quoi pouvoir exister.

Ce que fait Raphael Glucksmann justement, on peut le noter, est la même chose que ce qu’Emmanuel Macron a fait avec François Hollande. Être de gauche, mais pas vraiment, se présenter comme techniquement très utile, même si on n’a aucun parcours à Gauche et que philosophiquement, on ne sache même pas ce que c’est… Et l’on croit qu’avec Raphael Glucksmann, on va être capable de se confronter aux valeurs réactionnaires de la France profonde ? C’est tout simplement impossible.

Après, c’est une question d’objectif et d’analyse de la réalité. Si l’on pense que le capitalisme est indépassable et qu’aucune crise ne peut ébranler la France, alors soit. Si on a conscience toutefois de la gravité historique de la situation, si on sait qu’on a un tournant, il ne faut pas tergiverser. Il faut travailler, travailler et encore travailler.

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Société

Un général pour superviser les travaux de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Fleuron du patrimoine historique, la cathédrale Notre-Dame de Paris voit les travaux de « reconstruction » passer sous la coupe d’un général. Une logique nationale-catholique choisie par Emmanuel Macron en phase avec son soutien à la chasse à courre.

On ne peut pas reconstruire une œuvre médiévale et ce qu’il faudrait, c’est une réhabilitation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, pas une « reconstruction ». Cependant, le catholicisme et la bourgeoisie veulent une continuité du statu quo social, culturel, idéologique. Il faudrait faire comme si rien ne s’était passé, pour prouver que rien ne peut se passer.

Cela a été le sens de la réunion du conseil des ministres le 17 avril avec la mairie de Paris, les architectes des bâtiments de France et les responsables des monuments nationaux. C’est le sens de l’appui des grands monopoles au financement (LVMH et la famille Arnault 200 millions d’euros, les Bettencourt et L’Oréal 200 millions d’euros, la a famille Pinault 100 millions d’euros, Total 100 millions d’euros, Bouygues 10 millions d’euros, Marc Ladreit de Lacharrière 10 millions d’euros, etc.)

C’est le sens de la nomination par le conseil des ministres de Jean-Louis Georgelin à la tête de la supervision des travaux de reconstruction. On est là au cœur de la réaction, puisqu’il s’agit d’un général d’armée cinq étoiles qui a occupé les fonctions de chef d’État-Major des armées de 2006 à 2010.

Il est également Grand-croix de la Légion d’honneur, Grand-croix de l’ordre national du Mérite, Commandeur de l’ordre des Palmes académiques, Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, Médaille commémorative française avec agrafe « Ex-Yougoslavie », Médaille de l’OTAN pour l’ex-Yougoslavie, Grand officier de l’ordre de Saint-Charles de Monaco, Commandeur de la Legion of Merit USA, Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique, Commandeur de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne, Grand officier de l’ordre Abdul Aziz de l’Arabie Saoudite…

Commandeur de l’ordre du mérite de Centrafrique, Commandeur de l’ordre du mérite du Bénin, Commandeur de l’ordre national du Mali, Commandeur de l’ordre national du Niger, Commandeur de l’ordre national du Tchad, Commandeur de l’ordre du mérite de Pologne, Bande de l’Ordre de l’aigle aztèque du Mexique, etc.

Il a également été grand chancelier de la Légion d’honneur : c’est lui qui a remis le grand collier de l’ordre à François Hollande lors de son élection en mai 2012…

Et ce militaire a été le grand responsable des interventions militaires françaises en Côte d’Ivoire, Afghanistan, dans les Balkans, au Liban ! Quel symbole qu’un tel militariste, qu’un tel interventionniste, soit le responsable de la « reconstruction » de ce qui est censé n’être plus qu’un dispositif religieux !

Au lieu que cela soit un « civil » expert en patrimoine, on a un militaire. Au lieu d’avoir une œuvre médiévale appartenant à l’héritage culturel national, on a un appui ouvert à la France la plus réactionnaire.

C’est même tellement vrai que ce général n’a pas hésité à remettre en cause la soumission de l’armée au pouvoir civil. Reprenant la question du conflit sur le budget entre Emmanuel Macron et son chef d’état-major Pierre de Villiers en 2017, il a affirmé en 2018 sur France Culture que :

« Ce qui reste (de cet épisode) à mon sens dans les armées aujourd’hui, c’est cette agression verbale du président de la République sur le chef d’état-major. »

C’est là affirmer que l’armée serait intouchable, tout comme les notables considèrent la chasse à courre comme intouchable, tout comme la réaction en général considère que la religion catholique est intouchable.

Il est d’une gravité a absolue qu’un telle figure militaire soit à la tête de la « reconstruction ». Cela va conférer un prestige immense à l’Armée au moment de la fin de celle-ci. Cela renforce le bloc national-catholique en France, cela appuie les étroits rapports entre la direction de l’Armée et le Vatican.

La Gauche, assumant ses valeurs historiques, doit vigoureusement dénoncer ce dispositif réactionnaire.

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Politique

Thomas Guénolé sort avec pertes et fracas de LFI

Importante figure intellectuelle et organisatrice de La France Insoumise, Thomas Guénolé dénonce des rapports viciés au sein de ce mouvement, alors qu’il est lui-même accusé très lourdement pour ses comportements avec une femme.

Thomas Guénolé est une figure importante de La France Insoumise ; il en était notamment coresponsable de son école de formation. Il vient de quitter ce mouvement avec pertes et fracas, accusant Jean-Luc Mélenchon d’être un autocrate. Le Comité électoral du mouvement l’a en retour retiré de la liste électorale pour les Européennes.

Cette démission est strictement parallèle à une accusation faite par La France Insoumise :

« Le comité électoral a reçu un signalement d’une jeune femme dénonçant des faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel de la part de Thomas Guénolé. »

Il n’existe pas encore de précision à ce sujet ; c’est là donc une situation particulièrement odieuse dans tous les cas, que l’accusation soit vraie ou bien une manœuvre pour évincer Thomas Guénolé, ce que celui-ci explique dans son communiqué que voici.

On notera que Thomas Guénolé est passé par Sciences Po (où il a été ensuite professeur), ainsi que par l’une des meilleures écoles de commerce française, EM Lyon. Il est l’un des grands théoriciens de l’anéantissement du clivage Gauche/Droite.

Il appelle cela la « quadripolarisation » de la vie politique. La politique française serait composée de quatre blocs : celui des altermondialistes, celui des individualistes, celui des conservateurs et celui des nationalistes.

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Politique

Les 150 ans de la démocratie directe suisse

Les gilets jaunes ont comme leitmotiv le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qu’ils considèrent comme la panacée pour résoudre les problèmes liés à la domination d’une « caste » technocratique. Ce 18 avril 2019, on célèbre justement les 150 ans de la démocratique directe à Zurich, ce qui a ouvert la voie au « style » référendaire à la suisse. C’est l’occasion de voir que ce que demandent les gilets jaunes n’est pas original, ni par ailleurs conforme aux exigences populaires.

Le 18 avril 1869, ce fut à Zurich le triomphe des populistes, comme Johann Caspar Sieber, qui entendaient réduire le parlement à une sorte de commission préparatoire. 60 % des voix se portèrent sur une réforme constitutionnelle, établissant le référendum comme base des décisions, supprimant donc la démocratie représentative pour la remplacer par ce qui sera par la suite appelé la « démocratie directe ».

Quelques années plus tard, la Suisse dans son ensemble effectuait un pas décisif dans cette direction ; rappelons qu’il s’agit d’une confédération, avec donc une très importante décentralisation. Mais c’est là justement le problème : comment le peuple peut-il s’exprimer dans son ensemble, si on le découpe en tranches ? Ou bien faut-il alors rejeter le principe de la souveraineté populaire à l’échelle nationale ?

Cette problématique a également beaucoup marqué le mouvement ouvrier, par exemple avec l’opposition entre Rosa Luxembourg et Lénine en 1917. Rosa Luxembourg était pour le maintien d’élections et d’un parlement, alors que Lénine était pour le pouvoir des soviets, c’est-à-dire des comités populaires organisés à la base.

Le système suisse, qui s’est ensuite également développé surtout dans l’Ouest américain sous l’impulsion des « populistes », n’a évidemment rien à voir avec les soviets. Il correspond en fait au rêve anarchiste de décentralisation absolue, où des individus décident de ce qui leur semble individuellement le plus adéquat. De nombreux penseurs socialistes utopiques en furent d’ailleurs une source idéologique locale.

À partir donc du 18 avril 1869, à Zurich, 5 000 citoyens peuvent appeler à un vote pour modifier une loi ou la constitution. Toute modification de la constitution ou des lois exige également un référendum, tout comme les dépenses supérieures à 250 000 francs suisses. La composition du gouvernement et les conseils communaux sont pareillement élus directement.

De manière très intéressante par rapport aux gilets jaunes, Zurich mit également en place une banque cantonale, pour faciliter l’obtention de crédits. Le parallèle est ici flagrant. Dans une même perspective, les impôts deviennent désormais progressifs, avec les riches devant payer davantage.

L’objectif est ici de souder la communauté, sur une base libérale solidaire, et de mettre de côté les patriciens, c’est-à-dire les capitalistes fortement développés et exerçant une pression conservatrice très forte. Leur grande figure était Alfred Escher, qui fut responsable du conseil d‘État, président du conseil d’administration du Crédit Suisse, président de la direction de différentes sociétés de chemins de fer, etc.

Il s’agissait ni plus ni moins que d’empêcher que les grands capitalistes fassent passer les institutions et l’administration sous leur coupe. C’est un peu la même chose avec l’opposition entre républicains et démocrates aux États-Unis. Mais c’est uniquement un conflit entre riches et ceux qui vont le devenir, tout comme Emmanuel Macron représente la nouvelle vague de riches contre l’ancienne.

Et il n’y a aucune expression politique populaire ni aux États-Unis ni en Suisse, car les bourgeois nouveaux combattent les bourgeois du passé en mobilisant le peuple contre ceux-ci, les accusant de tous les maux dans les institutions et l’administration. Comme en plus le système est particulièrement décentralisé, les mentalités se réduisent à des perspectives locales, empêchant toute envergure dans le raisonnement.

Impossible surtout de voir des classes sociales dans un tel découpage localiste, dans ces considérations individuelles et cette volonté de chasser les anciens pour mettre des nouveaux, sans qu’il n’y ait aucune considération sur le contenu. Tout serait une question de personnes, de nouvelles personnes contre les anciennes personnes.

C’est la raison pour laquelle la Gauche historique ne peut pas accepter cette logique populiste. La Gauche historique raisonne en termes de parti politique avec un programme établi par ses membres, avec une fonction d’avant-garde pour exprimer les intérêts du peuple. Le populisme propose lui un remplacement formel d’individus pour que le « système » se remette à fonctionner.

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Culture

Balance ton quoi, le nouveau clip d’Angèle

La chanteuse belge Angèle a sorti récemment le clip de sa chanson Balance ton quoi.

Le titre est évidemment une référence à la vague d’affirmation des femmes sous le mot-clef #meetoo (moi aussi), qui en français a donné #balancetonporc (un mot-clef par ailleurs très irrespectueux pour les cochons).

Ce clip présente, en plus de la chanson, une scène très sympathique, dans une « académie anti-sexiste », où des hommes sont éduqués pour combattre leurs attitudes erronées envers les femmes. Les traits sont forcés en apparence, mais les propos sont très bien vus. Ils représentent tout à fait la façon dont les femmes comprennent le fonctionnement des hommes, notamment le fait qu’ils ont souvent du mal à comprendre que « non, c’est non ».

Cette idée de l’éducation, via une académie, en fait un point de vue très démocratique, puisqu’il ne s’agit plus seulement de dénoncer les hommes, mais il y a l’espoir de les rendre meilleurs, par le dialogue et l’intelligence collective, sociale.

C’est un contre-pied évident à la Gauche post-industrielle, post-moderne, qui pensent contourner le problème individuellement, en niant la réalité de la différence entre les femmes et les hommes, alors qu’il faut au contraire affirmer la dignité des femmes, comme le fait Angèle.

La mise en scène du clip et la chanson elle-même sont dans un style décalé très belge, à l’image de ce qu’à pu produire Stromae : avec les couleurs pastels et les paroles, on comprend que le sujet est pris au sérieux, mais en même temps abordé de manière légère. La même chose fait par des Français, le fait de dire « d’aller te faire en… mmm », serait vulgaire, alors que là cela ne l’est pas vraiment !

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Société

Notre-Dame de Paris : désacraliser le point zéro des routes de France

La cathédrale de Notre-Dame de Paris relève du passé, du patrimoine national, ce n’est pas une « actualité ». Elle ne peut pas être « reconstruite ». À moins de l’intégrer dans le dispositif idéologique religieux.

Emmanuel Macron, lors de son allocution à la télévision après la catastrophe du 15 avril 2019, a affirmé la chose suivante :

« Il nous revient de retrouver le fil de notre projet national, celui qui nous a faits, qui nous unit : un projet humain, passionnément français. »

C’est le fond philosophique justifiant sa position selon laquelle la cathédrale de Notre-Dame de Paris devra être reconstruite dans les cinq ans. Et c’est un double problème.

En effet, la cathédrale Notre-Dame ne relève pas de l’actualité nationale, mais de l’héritage culturel national. Ce sont deux choses fondamentalement différentes. Les catholiques font tout justement pour présenter la cathédrale comme une actualité, quelque chose de vivant, reliant le passé au présent et même au futur, dans une fusion du national et du religieux.

Cela ne peut pas être le point de vue de la Gauche. En fait, la seule position tenable pour la Gauche par rapport à la cathédrale Notre-Dame de Paris est que celle-ci devrait être un musée. Il faut radicalement désacraliser ce lieu au cœur de la capitale. D’ailleurs, il y a un point sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui est le centre symbolique des routes de France, la distance par rapport à Paris étant calculé par rapport à elle, et ce depuis 1739.

Le vrai centre de la ville devrait en fait être à la pointe de l’île de la Cité ; on aura compris qu’il s’agit de faire de Notre-Dame un symbole national-catholique, ce qui fut l’objectif de Victor Hugo. Ces derniers jours, on a eu beaucoup de commentaires comme quoi ce serait également le bâtiment représentatif de la France, ce qui n’a jamais été le cas, puisqu’on parlerait bien plutôt de la Tour Eiffel ou bien du château de Versailles.

Il faut briser tout cela, sans quoi on laisse le champ libre à la religion catholique. Ce qui amène au second problème : la reconstruction. Car tout en liant la cathédrale à l’actualité nationale (et non au passé), Emmanuel Macron entend poser une continuité nationale-religieuse, d’où son propos lyrique comme quoi :

« Nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore. »

Or, une œuvre architecturale médiévale ne peut pas être rebâti et rendue plus belle encore. On peut reproduire quelque chose à l’identique, mais la dimension historique en disparaît alors. Et ce serait une tromperie. Pas évidemment selon les catholiques, qui voient une continuité dans la cathédrale. D’où la grande importance qu’ils ont eu à souligner qu’avaient été sauvés des flammes « la sainte Couronne, la tunique de saint Louis, un morceau de la Croix et un clou de la Passion » (mettons entre guillemets ces folies). On est là en pleine superstition la plus délirante.

Il y a également la manière dont a été présenté le fait que Jacques Chanut, qui est président de la Fédération Française du bâtiment, a trouvé le coq de la flèche dans les décombres. Que ce soit le président qui le trouve, alors qu’on le pensait perdu, est présenté comme une sorte de miracle. Et ce n’est pas pour rien, car ce coq contient des reliques : une partie de la Sainte-Couronne d’épines, une de Saint-Denis et une de Sainte-Geneviève.

S’agit-il de contribuer à une telle superstition ? Absolument pas. Et comme toutes les cathédrales d’avant le XXe siècle appartiennent à l’État, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement. C’est comme pour l’École d’ailleurs : il est inacceptable que l’État rémunère les professeurs des écoles privées. Il faut même que toute l’École passe sous la supervision de l’État.

Le catholicisme, qui a été utile dans le passé, cherche à maintenir ses positions depuis longtemps caduques. Il faut finir le travail démocratique de liquidation des positions des religions dans la société.

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Culture

Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, le livre le plus abominable qui ait jamais été écrit

Le roman Notre-Dame de Paris. 1482 connaît un nouveau succès. C’est fort dommage, car l’approche de Victor Hugo relève du syncrétisme républicain – catholique propre à la France.

Le roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris. 1482 a connu un intense regain d’intérêt à la suite de l’incendie partiel de cette cathédrale. Le roman prend ainsi la première place sur le monopole Amazon.fr, et même les onze premières places dans différentes éditions, si l’on omet que la huitième place est prise par un ouvrage collectif sur l’édifice lui-même. Rappelons au passage que l’œuvre est dans le domaine public et qu’on trouve aisément une version epub pour les liseuses ; il est vrai toutefois que le roman est assez long et qu’on peut apprécier de le lire en version papier.

Cela étant, c’est une lecture qui ne plaira qu’aux esprits qui, à l’instar de Game of thrones, se complaisent dans la fantaisie coupée de tout lien avec la réalité, de toute culture historique. Victor Hugo est un mythe littéraire, façonné par l’alliance des catholiques et des républicains, qui l’ont sacralisé comme un immense auteur, Victor Hugo, initialement monarchiste, relève du romantisme français, c’est-à-dire de l’idéalisme réactionnaire.

Voici au sujet de son roman ayant la cathédrale Notre-Dame de Paris comme centre d’orientation le point de vue de Johann Wolfgang von Goethe, le chef de file du romantisme allemand.

« J’ai lu, ces jours derniers, Notre-Dame de Paris, et j’ai dû m’armer d’une bonne dose de patience pour supporter les tourments que m’infligea cette lecture.

C’est le livre le plus abominable qui ait jamais été écrit.

Encore le supplice qu’on endure n’est-il nullement contrebalancé par la joie qu’on pourrait ressentir à la vue de quelque trait véridique de la nature humaine, de quelque caractère humain.

Son livre est au contraire sans naturel et sans vérité. Ses soi-disant personnages ne sont pas des hommes en chair et en os, mais de pauvres marionnettes en bois que l’auteur remue à son gré, en leur faisant faire toutes sortes de contorsions et de grimaces en vue d’obtenir l’effet qu’il se propose.

Quelle drôle d’époque, où non seulement un livre pareil est possible mais où on le trouve supportable et même divertissant ! »

Ces lignes retracent les propos de Goethe en 1831, juste après la publication du roman. Elles témoignent de l’énorme décalage, du fossé absolu même entre le romantisme français et le romantisme allemand. Le premier est ultra-réactionnaire, soutenant le roi et les monarchistes, regrettant un moyen-âge idéalisé. Le second est progressiste et représente la défense des sentiments contre le formalisme du conformisme aristocratique.

Les personnages des romans de Victor Hugo sont justement fictifs, ce sont des abstractions. Victor Hugo les utilise sans aucun effort de réalisme, pour parvenir à ses fins : chercher l’effet du grotesque, faire ressortir du sublime, c’est-à-dire impressionner le lecteur avec des moyens irrationnels.

On est là dans une logique opposée au naturel, une logique religieuse, qui est également celle de René Descartes. Chez Victor Hugo, on a des figures qui n’ont aucun rapport avec la nature humaine, avec la réalité sensible. Les personnages d’Esmeralda et de Quasimodo sont des fantasmagories, des caricatures d’êtres vivants dont les traits grossiers ne font que répondre au besoin de Victor Hugo d’occuper les esprits avec du pittoresque.

Au moins, il y a la volonté de faire passer des bons sentiments. Cependant, c’est lié justement à l’idéologie sociale-catholique, qui est pareillement le noyau idéologique des Misérables, et de l’initiative de Victor Hugo en faveur de la cathédrale au milieu du XIXe siècle. Afin, justement, d’en faire le symbole d’une sorte de syncrétisme français d’un catholicisme social, voire républicain.

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Société

Cathédrale Notre-Dame de Paris : la France dans la stupeur

La France est sous le choc : l’un des grands symboles culturels de son héritage national a été en partie détruit. C’est toute l’Histoire comme aventure humaine qui vacille et la confiance en elle qui est ébranlée.

La France est dans un état de stupeur. La destruction d’une partie de la cathédrale Notre-Dame à Paris sous le coups des flammes l’a littéralement ébahie. Comment une telle chose est-elle possible ? Comment, au cœur de Paris, une œuvre historique commencée il y 850 ans, s’est-elle retrouvée ciblée par les flammes ? Le choc est immense. La confiance en la continuité du progrès est ébranlée.

Car les destructions sont conséquentes, à cause d’un feu ayant pris dans les combles de la cathédrale peu avant 19 h, qui serait parti au niveau d’échafaudages installés sur le toit de l’édifice. Les deux tiers de la toiture ont ainsi été ravagés par les flammes, tandis que la flèche culminant à 93 mètres de haut s’est effondrée sur elle-même un peu avant 20 heures.

Les pompiers sont intervenus rapidement, mais leur grande échelle venue de Versailles, qui mesure 46 mètres alors que la cathédrale en mesure 69, n’a évidemment pas suffit. La structure de l’édifice a néanmoins  été sauvée et « préservée dans sa globalité » selon le chef des pompiers. Cela n’était pas évident encore à 21h30, où il n’était pas certain que le beffroi nord soit épargné.

Il est important de saisir que la cathédrale a une double nature. D’un côté, c’est une œuvre d’art, qui relève d’un parcours historique de la civilisation. Cela appartient au parcours de l’amélioration des mœurs à travers la religion comme outil (temporaire), du développement de l’art gothique, à la formation de Paris comme grande ville culturelle.

De l’autre, c’est un lieu qui relève de la religion et de sa folie mystique, de l’adoration délirante pour la « mère de Dieu », avec un infantilisme extrêmement profond. La cathédrale Notre-Dame de Paris est un outil idéologique d’une importance très grande, elle est le symbole de la France comme nation « fille aînée de l’Église ».

Il y a donc toute une souffrance générale dans le pays, soit pour des raisons relevant du patrimoine, soit pour des raisons religieuses. Il n’est cependant pas juste de mettre les deux aspects au même niveau. C’est la question patrimoniale qui prime. La cathédrale appartient d’ailleurs à l’État et relève des Monuments historiques.

Notre-Dame de Paris, c’est avant tout un lieu chargé d’Histoire, construit par le peuple, ayant été un lieu de passage d’une amélioration sur le plan de la civilisation. Ce n’est que de manière secondaire le lieu de la folie religieuse et du romantisme catholique-social tel que celui de Victor Hugo.

La question de la dimension historique de la cathédrale a d’ailleurs été la source d’une vaste polémique lors des travaux d’Eugène Viollet-le-Duc au milieu du XIXe siècle. C’est à cette occasion que la nouvelle flèche a été construite, sans rapport avec celle ayant existé originellement des origines à la Révolution française.

En fait, pour l’héritage culturel national, la cathédrale Notre-Dame de Paris relève de la mémoire ; pour le catholicisme, c’est une actualité religieuse. C’est une opposition de vues qui doit prendre tout son sens dans les réactions à la destruction partielle de la cathédrale. Il a beaucoup été appelé aux dons, la famille Pinault a promis cent millions, etc. : c’est erroné, c’est à la nation toute entière de payer, et donc à l’État.

Encore faudra-t-il savoir de quelle reconstruction il va s’agir. Car la cathédrale de Notre-Dame de Paris appartient non pas à Dieu, mais à l’Histoire, et il ne faut pas tomber dans une reconstruction « à l’identique » qui serait symbolique sur le plan religieux mais constituerait une falsification de la réalité historique.

La problématique est ici d’une haute complexité et exige des choix faits par le pays, pas par la religion. Et à la stupeur doit s’associer la colère : celle contre un État incapable de préserver le patrimoine.

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Culture

La responsabilité du capitalisme dans la destruction de Notre-Dame de Paris

La France est une grande puissance économique, avec un très haut niveau scientifique et technique. Si Notre-Dame de Paris a été partiellement détruite, c’est en raison d’une incapacité à mettre en œuvre des moyens pour la protéger.

La destruction par les flammes de la cathédrale Notre-Dame de Paris ne doit rien au hasard ou à une quelconque absence de chance. La France est en effet très développée, avec une très haute capacité technique. Sur le plan scientifique, il y a parmi les meilleurs ingénieurs du monde, les meilleurs spécialistes du monde.

Et des cathédrales historiques qui connaissent des travaux, il y en a eu de très nombreuses dans le monde et elles n’ont pas terminé livrées aux flammes. Le niveau d’expertise suffisant a pu être obtenu pour cela.

Il y a donc un problème fondamental dans ce qui s’est passé hier 15 avril 2019 et ce problème est très simple : c’est le refus d’investir dans la protection du patrimoine historique. Le capitalisme vise le profit et se moque de la mémoire.

Le Louvre et Versailles eux-mêmes sont pris d’assaut par des mécénats ayant en fait une réelle dimension publicitaire, alors que c’est le spectaculaire qui l’emporte toujours davantage.

C’est la raison pour laquelle la protection de Notre-Dame de Paris n’a pas été à la hauteur. Il n’y a pas eu l’engagement moral, subjectif, pour la protéger, avec des gens suffisamment motivés, déterminés, totalement engagés. Il n’y a pas eu non-plus les moyens matériels mis en place, les millions d’euros de financement pour assurer une sécurité totale.

C’est ainsi une faillite sur le plan de la civilisation. Une civilisation qui ne sait pas protéger ses monuments historiques est condamnée. La destruction des Bouddhas de Bamyan par les Talibans en Afghanistan a reflété une crise totale de ce pays, incapable d’assumer une histoire millénaire avec toutes ses facettes, toute sa richesse. De la même manière, la destruction par les islamistes des mausolées de Tombouctou a témoigné d’une incapacité historique du Mali à assumer et protéger son patrimoine.

Imagine-t-on l’Inde perdre le Taj Mahal, la Russie perdre les églises historiques des villes de son « anneau d’or », Prague perdre le pont Charles ? C’est rigoureusement impossible à moins de provoquer une secousse totale dans le pays, car cela refléterait une incapacité à assumer l’héritage culturel national. Et c’est exactement le problème en France.

La France ne se préoccupe pas de son patrimoine ; sur le plan subjectif, il lui importe peu que Air BnB colonise certains quartiers parisiens, que les jeunes ne sachent plus réellement qui sont Balzac, Zola, Flaubert, Bernanos, Maupassant, Racine, voire Molière. Il y a une image de la France et elle est considérée comme suffisante. Les vingt millions de badauds arpentant chaque année le parvis de Notre-Dame-de-Paris avec leurs appareils photos et leurs perches à selfies satisfont les édiles.

Le contenu n’intéresse plus personne quasiment ; au nom du capitalisme triomphant et du consommateur roi, l’héritage national est nié ou bien réduit à une image d’Épinal dont Stéphane Bern se fait le chantre ridicule.

Le capitalisme réduit l’héritage culturel national à un divertissement ou à quelque chose de figé et d’abstrait, d’inaccessible. Le résultat en est la négation de la culture, le dédain pour le patrimoine. Les seuls critères sont le profit et le cosmopolitisme touristique, ainsi que la valorisation de clichés pathétiques comme la tombe du soldat inconnu. C’est un nivellement par le bas provoqué par le consumérisme individualiste d’un côté, le repli identitaire de l’autre.

La Gauche historique doit ainsi lever le drapeau de l’Histoire, de l’héritage de la culture national. C’est une exigence fondamentale. Il est affolant par exemple qu’il n’y ait plus de Gauche en Italie, alors qu’il serait facile que celle-ci ressurgisse, en accusant le capitalisme d’être incapable de préserver l’immense richesse architecturale. L’effondrement de Venise est un crime et sa source est bien connue : le capitalisme structuré pour transformer la ville en une sorte de Disneyland.

Paris elle-même se transforme en Disneyland. Et avec cette négation subjective du patrimoine parisien, on a la négligence, le dédain pour sa réalité matérielle historique. C’est cela la cause de la destruction d’une partie de Notre-Dame de Paris.

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Culture

Game of Thrones : ultra-violence et viols, une série inacceptable

La série Game of Thrones est un excellent exemple de décadence. Il y a 25 ans elle aurait été interdite, aujourd’hui elle est célébrée. Les mentalités n’ont pas progressé, elles basculent au contraire dans le goût de l’horreur et le cynisme.

Qui cède au plaisir de se divertir avec des perversions est dans une situation d’échec culturel. C’est une évidence pour qui est non seulement de gauche, mais à Gauche. Et on sait comment le divertissement qui se développe dans notre société cherche le pittoresque, le grotesque, le malsain, le pervers, pour attirer l’attention, frapper les esprits, les impressionner.

Du sexe et de la violence, de la violence sexualisée et du sexe lié à la violence, tels sont bien souvent les ingrédients sordides utilisés par la production capitaliste de biens culturels pour attirer l’attention. C’est inacceptable, et à ce titre la série Game of Thrones est inacceptable. Rien que le premier épisode contient un élément terriblement sordide : un enfant de dix ans est jeté depuis une fenêtre, car en grimpant il a vu la reine coucher avec son frère jumeau ! Rien que là, tout était dit, surtout que le frère dit : « qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ? ».

Qui peut donc accepter de regarder une horreur pareille ? Qui peut accepter de voir une série pour se divertir en acceptant qu’il y ait systématiquement des viols ? Avec d’ailleurs une insistance sur les viols des trois femmes ayant les rôles les plus importants (Daenerys, Sansa et Cersei) ? Comme cette scène, d’ailleurs pas dans la série des livres (où il y a cependant encore plus de viols), où Sansa vient de se voir marier à une brute qui lui dit « déshabille-toi », déchire sa robe, la caméra montrant son visage en pleurs, se focalisant ensuite sur ses cris, le tout en présence d’une troisième personne, son propre demi-frère.

Qui peut se complaire dans les crimes, la torture, les massacres ? Qui peut prendre du plaisir à voir une jeune femme enceinte se prendre un couteau dans le ventre ? Qui peut apprécier de voir quelqu’un avoir ses yeux crevés et sa tête explosée ? Qui peut supporter une séance de torture, culminant avec une émasculation ?

Il faut également voir que la série présente de manière « intéressante » une société à la fois féodale et barbare (ce qui est absurde, les deux sociétés n’ayant rien à voir), où tout est complot et manigance, jeux de pouvoirs et perversion. Et le tout, qui plus est, avec des éléments magiques et mystiques, l’utilisation de mythes, c’est-à-dire des fantasmagories qu’il faudrait jeter aux oubliettes depuis longtemps.

Cette dimension anti-historique empêche d’avoir un aperçu concret de la réalité. On ne peut pas comprendre le capitalisme si on ne connaît pas l’évolution du monde et qu’on s’imagine que la féodalité est l’équivalent de la barbarie de l’époque esclavagiste. On ne peut pas comprendre le monde si on s’imagine que des individus font l’Histoire, parce qu’ils seraient plus forts, plus malins, plus intelligents. Game of Thrones est une machine à écerveler et il n’y a rien de surprenant à cela, à moins de considérer que ce que produit le capitalisme est une bonne chose.

Quelle honte, pour cette raison, de voir des organisations se définissant comme de gauche jouer avec la « hype » autour de la nouvelle et dernière saison de Game of Thrones. C’est là la preuve d’une capitulation morale, d’un refus des valeurs féministes – que dire, de la dignité même des femmes simplement. Une véritable Gauche ne peut être que pour l’interdiction d’une série comme Game of Thrones, pour la condamnation de ce qui est montré.

Il ne s’agit pas d’être libéral et de dire qu’il ne faut pas regarder cette série. Non, il faut prôner son interdiction, son rejet total, sa destruction. Et on sait que justement cette série est très populaire en France, et c’est bien là le problème, et une preuve que la France plonge dans les ténèbres.

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Société

L’école en France, la faillite de la collectivité ?

Cela fait des années et des années qu’en France on regarde ailleurs, qu’on sait que les modèles scolaires sont meilleurs dans pleins d’autres pays, qu’il ne faudrait par exemple plus de cours en classe l’après-midi. Ce n’est cependant qu’un aspect partiel et secondaire du problème, qui est que l’École ne remplit pas son rôle d’éducation générale de la jeunesse, sa mission de civilisation.

L’esprit du capitalisme a renversé les familles, établissant des rapports entre individus aux dépens des notions de collectivité, de responsabilité, de hiérarchie des normes. À moins d’être un libéral-libertaire, c’est une évidence et quelque chose de critiquable. Le Parisien a à ce titre publié un article qui peut servir d’exemple très fort de cette situation toujours plus dramatique, où les individus errent sans jamais trouver de sens à leur propre vie.

Dans l’article « Exclu temporairement du collège, Hugo a « joué toute la journée sur l’ordinateur » », on a ainsi une mère qui pose fièrement avec son fils, tout sourire. Elle est scandalisée que son fils ait eu une journée d’exclusion pour avoir déclenché l’alarme incendie du couloir, lors de l’interruption des cours à midi. C’est typique. Qui connaît l’Éducation nationale sait que les parents sont de plus en plus des fous furieux, considérant que le collège et le lycée doivent agir comme une entreprise dont eux-mêmes seraient les clients. Et le client est roi.

Les propos de la présidente de l’Union locale des parents d’élèves de Villepinte (Seine-Saint-Denis) sont eux-mêmes assez caricaturaux :

« La plupart des gamins exclus restent vissés devant la Playstation, quand ils ne traînent pas en bas des bâtiments de leur cité. »

N’y a-t-il pas des parents capables d’enlever les câbles de la dite Playstation ? N’y a-t-il pas d’ailleurs des parents tout court ? Mais on sait que non. Bien souvent, les parents ne sont pas là, ou bien sont des « copains ». Les parents ne veulent pas être parents, c’est trop de responsabilités, ils veulent juste consommer leurs enfants.

Non pas que l’Éducation nationale soit irréprochable, au contraire même : elle vacille toujours plus, elle n’a plus de fondamentaux, tout le monde fait semblant que les choses tiennent, mais rien ne tient plus. Les professeurs sont autant arrogants qu’il y a 25 ans, sauf que les élèves ne se laissent plus faire et les conflits sont nombreux. Les jeunes ayant une culture idéologique par contre totalement nulle, cela tourne à l’antagonisme nihiliste.

Cependant, il faut bien voir qu’avec 2 500 élèves exclus en moyenne chaque jour rien qu’en Île-de-France, c’est la faute de l’Éducation nationale, pas de la jeunesse. La pédagogie qu’il faut qualifier de morbide qu’on trouve à l’école est tellement peu vivante qu’elle est considérée comme insupportable. Rien de plus normal.

À cela s’ajoute le fait que le personnel n’est pas formé, que des classes entières sont confiées sans supervision à des personnes, professeurs ou surveillants, qui ne savent pas comment se comporter avec des adolescents. Cela devient vite dramatique et les heures de « colle » pleuvent comme Don Quichotte se bat contre ses moulins. C’est absurde au possible, mais l’Éducation nationale n’est capable de s’intéresser qu’à ceux qui sont considérés comme des très bons élèves d’un côté, et à ceux qui se heurtent frontalement à sa routine de l’autre.

> Lire également : Le délitement de la discipline dans les établissements scolaires est de moins en moins supporté

Cela ne veut pas dire qu’il faille sombrer dans le populisme pour autant. Sinon, on en arrive à célébrer les gilets jaunes, ce que certains font, ce qui est honteux, anti-intellectuel, anti-socialiste, à rebours de tous les enseignements du mouvement ouvrier.

Il faut au contraire de la lucidité, de la clairvoyance, de l’intelligence sociale. Il ne faut avoir aucune peur, quand on est de gauche, qu’on est pris entre le marteau de l’ennui proposé par l’école et l’enclume de jeunes aliénés par une société capitaliste qu’ils voient comme leur seul horizon.

Il faut affirmer haut et fort la morale et la justice, la supériorité de la collectivité sur le l’égoïsme, du général sur le particulier. La jeunesse, par définition, a soif d’apprendre, elle ne demande qu’à absorber ce que les adultes sont capables de lui transmettre. Et la principale chose qu’il y a apprendre, c’est à vivre ensemble, pour s’épanouir ensemble.

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Politique

Acte 22 des gilets jaunes : désormais comme Nuit debout

La petite minorité des gilets jaunes perpétue sa tradition, vaine et ayant lassé le pays depuis longtemps. C’est une faillite intellectuelle totale, mais les gilets jaunes ne conçoivent même pas de quoi il peut en retourner.

22 samedis d’affilée ! Sur ce plan, c’est un indéniable succès, la preuve d’une grande ténacité, et c’est bien le problème. Comme il était dit dans le monde romain, Errare humanum est, perseverare diabolicum, L’erreur est humaine, l’entêtement [dans son erreur] est diabolique. Tout ça pour ça, tout pour rien, avec comme seul horizon l’amertume, c’est terrible.

En 22 samedis, il n’y a eu aucune progression sur le plan des idées, de l’organisation, des valeurs. Il n’y a eu aucun saut qualitatif, et ce malgré les multiples changements de situation selon les samedis. Le grand symbole de ce 22e acte des gilets jaunes, c’est d’ailleurs leur nombre à Toulouse : 4 500. Un nombre ridicule de par l’ancrage de la ville dans un horizon marqué par l’engagement contestataire. C’est le symbole même d’une incapacité à avoir la moindre formulation politique.

Qui est-ce que cela va servir ? L’extrême-droite. Les un peu plus de 30 000 personnes ayant manifesté avec les gilets jaunes ce samedi n’ont qu’un seul rôle, celui de contribuer à saper la légitimité du régime, sans proposer rien d’autre, tout en diffusant les valeurs patriotiques et le refus de toute contestation de la propriété et de la bourgeoisie. Objectivement, ils servent l’extrême-droite, si ce n’est d’ailleurs subjectivement, tellement les raccourcis sur le plan des idées sont littéralement terrifiants.

Cela est vrai partout sur le territoire, des 500 personnes à Caen au 400 à Laval, des quelques centaines à Bordeaux aux 700 à Nantes, des 300 à Nancy au millier de personnes à Lille. C’est un véritable militantisme du néant, un travail au corps de la société française qui, heureusement, somme toute, a fini par se tenir éloignée de tout ça.

Car il est beaucoup parlé par certains de la popularité des gilets jaunes. Mais c’est là confondre une sympathie pour les luttes, pour la critique des puissants, avec une réelle sympathie pour les gilets jaunes. En pratique, n’importe quelle grande manifestation syndicale ou n’importe quelle journée de championnat de football mobilise bien plus de monde. Les gilets jaunes sont une sorte de micro-monde vivant en parallèle, avec une base totalement auto-intoxiquée, précisément comme hier Nuit debout ou les zadistes.

Quand on regardera les choses dans quelques années, on verra que la France a connu une poussée anti-politique, anti-culturelle, portée par les classes moyennes, avec un donc un esprit oscillant entre l’extrême-droite et le populisme anarchisant. On considérera les gilets jaunes comme une sorte de Nuit debout à l’échelle nationale, avec la même capacité d’imagination jusqu’au délire. Faut-il se rappeler du discours des gens de Nuit debout, qui s’imaginaient vraiment qu’une nouvelle constitution allait être mise en place grâce à eux, qu’il allait y avoir une nouvelle Révolution française !

Non, tout cela est anti-socialiste, tout cela est en-dehors de l’Histoire. Il ne reste d’ailleurs plus que le mythe pour porter les gilets jaunes : ceux-ci ont déjà annoncé que le 20 avril serait le prétexte d’une mobilisation de choc ! La fuite en avant continue… Jusqu’à ce que les combattants, épuisés, se jettent dans les bras de la démagogie fasciste.

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Écologie

« Pour que l’agriculture change vraiment, il faut renforcer l’enseignement agricole public »

Tribune initialement publiée dans Libération vendredi 12 avril et sur le site du snetap-fsu :

« Le Salon de l’Agriculture 2019 a fermé ses portes il y a quelques semaines. Une fois de plus pour celui ou celle qui aura traversé les allées du Parc des expositions l’impression est que le bio et le « vert » sont partout. A tel point que l’on se demande s’il existe encore une « agriculture conventionnelle ».

Le Ministre de l’Agriculture en clôture du 56ème Salon de l’Agriculture confirme d’ailleurs ce sentiment en affirmant que la « transition agro-écologique de l’agriculture est en route et qu’elle est irréversible »… et ceci pour la simple raison que la société l’exige.

Mais les faits sont têtus et les chiffres implacables. La simple communication ou l’auto-persuasion, si tant est qu’elle soit sincère, ne suffiront pas à transformer la réalité. Cette année encore ce sont près de 62 000 tonnes de pesticides qui auront été pulvérisées dans les campagnes françaises (dont 8 000 tonnes de glyphosate) avec une utilisation à la hausse en 2017 qui fait s’éloigner un peu plus encore l’objectif d’une baisse de 25 % de leur utilisation en 2020.

Pour l’agriculture biologique, si les chiffres martelés montrent une réelle progression, ils concernent avant tout le marché (7 milliards d’euros, soit + 1 milliard en 2017). Car même si on constate une progression des surfaces en bio, celles-ci ne représentent à ce jour que 1,7 millions d’hectares, soit à peine 6,5 % de la surface agricole utile (SAU), et avec des variations très importantes en fonction des régions et des cultures. Avec une progression de seulement 15 % des surfaces par an, là encore l’objectif, pourtant très mesuré, du gouvernement de 15 % de la SAU en bio en 2022 semble d’ores et déjà compromis. Et ce ne sont certainement pas les difficultés que rencontrent les producteurs bio pour obtenir les aides financières publiques, qui contribueront à donner l’impulsion nécessaire.

Malgré l’urgence pour réduire les pollutions de l’eau, de l’air, de la faune et des populations (aux pesticides et aux nitrates), la dégradation des terres arables (érosion physique, chimique et biologique), la perte de biodiversité qui s’accélère de façon alarmante, les causes du changement climatique, etc., ces quelques chiffres montrent un renoncement politique à la prise en compte des défis auxquels il nous revient pourtant de répondre collectivement et urgemment. De renoncement en renoncement, un changement radical des pratiques agricoles est dorénavant un impératif mais une partie de la profession semble encore vouloir se voiler la face, les lobbies des firmes agricoles et alimentaires n’ayant quant à eux aucunement l’intention de renoncer.

Ces évolutions indispensables des modes de production agricole nécessitent une prise de conscience collective, une réelle volonté politique d’accompagnement et d’investissements dans tous les domaines supports de cette transition nécessaire, notamment ceux de la Recherche et de la Formation et du Développement..

Concernant le domaine clé de la Formation, lors du Salon de l’Agriculture, le Gouvernement a lancé une grande campagne de promotion de l’Enseignement Agricole. Pourtant, derrière cette façade se cache une autre réalité, celle du désinvestissement des pouvoirs publics sur l’Éducation et la Formation, un désinvestissement qui ne joue pas en faveur des conditions d’apprentissage confortées dans les établissements publics agricoles et par suite du développement durable que notre société appelle pourtant de ses vœux – « marches pour le climat » à l’appui !

D’abord en renvoyant aux seules branches professionnelles le financement et la gestion des contenus de la formation professionnelle, le gouvernement, au travers de la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel », semble considérer que les titres et diplômes de demain ne devront répondre qu’aux seuls intérêts des professionnels. Il abandonne l’idée que la formation relève aussi de l’intérêt public et que la puissance publique doit assurer une représentation pluraliste dans les choix et orientation des formations et des métiers de demain. Ainsi, la commission professionnelle consultative (CPC) de l’Agriculture, chargée de l’évolution des diplômes et des formations, fonctionnait jusqu’à aujourd’hui avec l’ensemble des acteur.rices de l’Enseignement Agricole (professionnel.les, parents, enseignant.es, usagers, …). Demain, seuls la FNSEA et l’UNEP pèseront au sein de cette commission, avec les orientations que l’on sait.

Ensuite en réduisant les contenus et la professionnalisation des formations au travers de la réforme de la voie professionnelle et paradoxalement dans le même temps en dégradant la formation générale au travers de la réforme du Baccalauréat, le gouvernement s’attaque aux capacités des futur.es agriculteur.rices et des futur.es technicien.nes du secteur de relever les défis qui se présenteront à eux et elles, et de s’adapter aux évolutions nécessaires de leur environnement professionnel. Comment imaginer, dans ce cadre dégradé, une mobilisation pour faire bouger le monde agricole vers davantage d’agro-écologie ? Ainsi, le retrait de l’agronomie du Bac Général dispensé dans les établissements agricoles est contradictoire avec les enjeux du développement durable, alors que cette discipline est à la base de la compréhension des systèmes de culture.

En tendant à réduire l’Enseignement Professionnel à la seule satisfaction des besoins économiques, en plaçant la formation initiale par apprentissage dans le cadre d’un marché concurrentiel en particulier et en réduisant drastiquement les moyens pour l’Enseignement Agricole Public en général, le gouvernement fragilise, par la reprise des suppressions d’emplois dans l’Éducation, les établissements publics et favorise de fait les structures privées, comme les CFA interentreprises qui commencent à se multiplier. Cette libéralisation de la Formation, qui est en fait le « faux-nez » de la privatisation, fait peser sur elle les risques d’un lobbying encore renforcé. Les contre-réformes en cours et la baisse des moyens programmée pousseront les établissements à chercher des financements extérieurs et notamment ceux provenant des firmes phytopharmaceutiques, des industries agroalimentaires ou encore de la grande distribution.

Enfin, la réorganisation brutale – déjà très contestée – de l’Enseignement Supérieur Public et de la Recherche, relevant du Ministère de l’Agriculture, ne fera qu’aggraver la situation.

Promouvoir une agriculture qui permette demain notre souveraineté alimentaire tout en garantissant la préservation de l’environnement comme de la santé des populations, passe assurément par le maintien et le développement d’un Enseignement Agricole Public présent sur l’ensemble du territoire, mandaté pour porter cette révolution agro-écologique nécessaire, avec des exploitations et des ateliers technologiques dotés en conséquence. Nous sommes plus que jamais « à la croisée des chemins » et la représentation nationale doit prendre toute la mesure des décisions budgétaires triennales qui s’annoncent en regard d’établissements agricoles « à taille humaine », performants, mais déjà fragilisés dans le cadre du budget 2019… Les enjeux sociétaux sont majeurs et abaisser l’outil public d’enseignement et de formation agricole initiale, comme continue, serait une faute historique, sachant que nous ne pourrons pas nous contenter d’un simple ravalement de façade. Ce sont les fondations qu’il est nécessaire de conforter pour assurer cet avenir, et cela ne peut passer que par un renforcement volontariste et assumé comme tel de l’Enseignement Agricole Public.

Les signataires :

Eric ANDRIEU (Député Européen)
Gérard ASCHIERI (Membre du CESE au titre de la FSU)
Karine AULIER (Représentante de la FCPE pour l’Enseignement agricole)
José BOVE (Député européen)
Françoise BRIAND (Secrétaire générale FCPE)
Marie BUISSON (Secrétaire Générale Ferc-CGT)
André CHASSAIGNE (Député du Puy de Dôme)
Pierre CHERET (Conseiller régional Nouvelle Aquitaine)
Gilles CLEMENT (Paysagiste, botaniste, biologiste, écrivain)
Étienne DAVODEAU (Auteur de bande dessinée)
Elsa FAUCILLON (Députée des Hauts de Seine)
Jean-Luc FICHET (Sénateur du Finistère)
Sylvie FILIPEDASILVA (Co-Secrétaire Général CGT-Agri)
Sigrid GERARDIN (Co-Secrétaire générale Snuep-FSU)
Guillaume GONTARD (Sénateur de l’Isère)
Bernadette GROISON (Secrétaire Générale FSU)
Sylvie GUILLOU (Secrétaire nationale Snuitam-FSU)
Jocelyne HACQUEMAND (Secrétaire Générale Fnaf-CGT)
Joël LABBE (Sénateur du Morbihan)
Françoise LABORDE (Sénatrice de la Haute-Garonne)
Michel LARIVE (Député de l’Ariège)
Jean Marie LE BOITEUX (Secrétaire Général Snetap-FSU)
Laurent LEVARD (Agro-économiste – Co-animateur Agriculture et Alimentation de la FI)
Laurence LYONNAIS (Agent de développement local, candidate FI aux élections européennes)
Myriam MARTIN (Conseillère régionale Occitanie)
Philippe MARTINEZ (Secrétaire Général CGT)
Pierre OUZOULIAS (Sénateur des Hauts de Seine)
Roger PERRET (Membre de la commission agricole du COCT – Fnaf CGT)
Laurent PINATEL (Porte parole Confédération Paysanne)
Dominique PLIHON (Porte parole ATTAC)
Christian PRAT (Chercheur en sciences du sol, IRD)
Loïc PRUD’HOMME (Député de la Gironde)
Marie-Monique ROBIN (Journaliste, réalisatrice et écrivaine)
Eve SAYMARD (Agronome, accompagnatrice à l’installation / transmission agricole)
Stéphane TRIFILETTI (Conseiller régional Nouvelle Aquitaine)
Aurélie TROUVE (Enseignante-chercheuse AgroParisTech)
Paul VANNIER (Co-responsable du livret éducation de la France insoumise)
Thomas VAUCOULEUR (Co-Secrétaire Général CGT-Agri)
Michèle VICTORY (Députée de l’Ardèche)
Jean ZIEGLER (Vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies) »

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Politique

« Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co »

Depuis de nombreuses années, tous les bobos d’Europe de l’Ouest se précipitent à Berlin. Cependant, cette capitale a la particularité historique d’être populaire, avec historiquement un nombre très importants de squats portés par la gauche alternative des « autonomes », qui aujourd’hui sont légalisés ou ont disparu.

Cet embourgeoisement de la ville a donc provoqué de larges soubresauts politiques, et cela d’autant plus que Berlin étant redevenu la capitale de l’Allemagne, car cela impliquait une énorme série d’achats par les entrepreneurs, voyant ici une cible facile.

Ils ont d’ailleurs été soutenu par la mairie qui, il y a quinze ans, leur a vendu 65 700 logements. À l’époque, Berlin n’était pas encore frappée par la « hype » actuelle.

Il existe pour cette raison en ce moment une campagne à Berlin pour un référendum, appelé « Spekulation bekämpfen – Deutsche Wohnen & Co. Enteignen » – Combattre la spéculation – exproprier Deutsche Wohnen & Co.

L’objectif est l’expropriation des entreprises possédant plus de 3 000 appartements. « Deutsche Wohnen » est particulièrement ciblé, car ce géant capitaliste possède 160 000 appartements en Allemagne, dont 112 000 à Berlin. Ses bénéfices en 2018 ont été de 1,9 milliard d’euros.

Ce référendum est soutenu par les écologistes, Die Linke, ainsi qu’une partie du SPD, notamment Kevin Kühnert. Ce dernier, âgé de 29 ans, est le responsable des jeunes socialistes et un opposant fervent à la grande coalition alliant la Droite et la Gauche. Lors d’un débat télévisé, il n’a pas hésité à affirmer :

« De quel droit quelqu’un aurait-il plus de vingt appartements ? Je trouve cela juste de se positionner à ce sujet. »

Cet épisode est marquant, car au contraire d’en France, la Gauche en Allemagne s’est largement réactivée en puisant dans ses traditions, ce qui par ailleurs est également le cas en Autriche. S’appuyant sur les traditions social-démocrates du 19e siècle ayant permis un puissant enracinement, la Gauche se relève malgré des années de corruption lors de la participation au pouvoir.

Si cela ne signifie pas nécessairement qu’elle pourra réellement avancer, il y a là en tout cas quelque chose de totalement différent d’en France, où la gauche post-moderne, post-industrielle, ou populiste, ne cesse de chercher à enterrer la Gauche historique et ses valeurs.

En ce qui concerne l’expropriation elle-même qui est demandée, elle est censée passer par un dédommagement. Celui-ci serait à hauteur de 36 milliards d’euros, une somme énorme, dont le paiement est peu vraisemblable de la part de la ville de Berlin. D’ailleurs, l’expropriation est censée par ailleurs s’appuyer sur la constitution allemande ; or, cette dernière parle de biens communs à protéger, mais pas des logements, évidemment.

Cependant, on voit qu’en fait c’est la question de la propriété qui est surtout mise en avant, au-delà de la possibilité de concrétisation d’un tel référendum. C’est là quelque chose de normal à Gauche, mais malheureusement cela a totalement disparu en France depuis bien longtemps. À la Gauche historique de réactiver cela.

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Société

Benoît XVI sur l’Église catholique et la dégénérescence du monde moderne

Le pape « retraité » Benoît XVI a fait une longue lettre publiée au sein de l’Église catholique. Il y explique que celle-ci connaît une attaque venant de ceux qui veulent la moderniser, l’adapter à des mœurs qu’ils considère somme toute comme dégénérées. C’est toute la logique mystique d’une « révolte contre le monde moderne ».

La Gauche historique a un grand point commun avec le catholicisme, et cela la distingue de la gauche post-moderne, post-industrielle. Ce point commun, c’est l’affirmation d’une morale et de valeurs bien déterminées, d’une éthique du quotidien. Ni la Gauche historique, ni le catholicisme ne professent le libéralisme. Ni l’une, ni l’autre n’acceptent le discours libéral-libertaire de déconstruction des normes et des valeurs.

Naturellement, la Gauche historique et le catholicisme ont des visions du monde bien différentes. Mais les deux ont des valeurs et en cela, ils sont opposés à une « modernité » capitaliste faisant de l’individu, de ses caprices, de ses « choix », l’alpha et l’oméga du sens de la vie. C’est pour cette raison que l’Église catholique, comme elle professe un mysticisme, est catégoriquement contre le mariage des prêtres. On ne peut être marié qu’à l’Église comme intermédiaire avec le divin.

Cela semble incompréhensible pour une écrasante majorité de Français, catholiques ou pas. Car les Français sont libéraux et ne comprennent pas que tout ne soit pas relatif. Ils ont accepté les règles culturelles du capitalisme comme quoi tout se vaut. Or, les religions ne sont pas relatives, elles viennent de Dieu, si on accepte leur discours.

Évidemment, il n’y a pas de Dieu, donc ce qui est dit est relatif, car le produit de l’Histoire. Le christianisme a joué un rôle progressiste, le catholicisme d’abord, le protestantisme ensuite. Mais c’est du passé et aujourd’hui on n’en a plus besoin. Beaucoup de gens l’ont compris, même de ceux qui croient en les religions ! Et cette incohérence est un problème, car les religions, de leur côté, maintiennent forcément leur discours.

Pour le pape Benoît XVI, donc, la religion n’est du passé, mais un présent ininterrompu, celui de la révélation, et dans un long texte, il défend le caractère sacré des institutions religieuses. Il formule cela avec lyrisme, refusant toute modification, toute « innovation » comme le disent les musulmans :

« L’idée d’une meilleure Église, créée par nous-mêmes, est en fait une proposition du Diable, par laquelle il veut nous éloigner du Dieu vivant, à travers une logique trompeuse par laquelle nous sommes trop facilement dupés. »

Tout cela ne peut évidemment que perturber les catholiques français. « Abus sexuels, un texte troublant de Benoît XVI », dit d’ailleurs le titre d’un article à ce sujet dans La Croix, le quotidien catholique. Le sous-titre de l’article tente de désamorcer l’affaire :

« Analyse Une revue allemande a publié un texte de Benoît XVI dans lequel le pape émérite semble prendre le contre-pied du pape François sur la question des abus sexuels. »

La Croix ment ici et cherche à masquer le problème en tordant les faits. Ce n’est en effet pas une revue allemande, mais la revue du clergé catholique de Bavière et du Palatinat rhénan. Il y a donc une dimension tout à fait légale à ce texte, publié dans un cadre relevant directement de l’Église catholique romaine.

À cela s’ajoute que le texte est d’un pape « retraité », une sommité théologique. Et il a été bien précisé lors de la parution de l’article qu’il y avait l’accord du pape François pour sa sortie. Les derniers mots du texte sont d’ailleurs :

« À la fin de mes réflexions, j’aimerais remercier le pape François pour tout ce qu’il fait afin de nous montrer, de manière toujours renouvelée, la lumière de Dieu, qui encore aujourd’hui n’a pas disparu. Merci, Saint Père ! »

Il est vrai que le texte fait mal à tous ceux qui tentent de réinterpréter le catholicisme de manière libérale ; le quotidien italien le Corriere della Sera parle d’ailleurs d’un « véritable coup de poing dans l’estomac ». La Croix est même obligé de conclure l’article par un autre pieux mensonge :

« Certains vont toutefois jusqu’à mettre en doute la paternité d’un texte dans lequel ils ne reconnaissent pas la plume habituelle de l’ancien pape qui, à 92 ans la semaine prochaine, leur apparaît plus que jamais sous la coupe de son entourage. »

De tels propos sont risibles pour qui sait que Benoît XVI est l’un des plus grands théologiens catholiques de la seconde moitié du 20e siècle et qu’il a toujours défendu les mêmes positions.

Que dit-il, d’ailleurs, dans le texte, ou plutôt que rappelle-t-il ? Que les affaires de pédophilie qui ont récemment fait scandale dans l’Église romaine, où l’on s’aperçoit toujours plus que c’est une forme de violence s’exprimant de manière récurrente dans le clergé, auraient des sources extérieures à l’Église. Il ne va pas dire le contraire, puisque pour lui tous les problèmes viennent du monde matériel et toutes les solutions du monde spirituel. L’Église étant une forme spirituelle, elle est donc intouchable.

Tous les problèmes sont attribués par Benoît XVI à une dégénérescence, le monde moderne en étant son expression la plus complète. C’est pour cela qu’il faut rétablir la Gauche historique et dénoncer la décadence. Il n’y a que trois interprétations : le « monde moderne » est bien car libéral, le « monde moderne » est mauvais car dégénéré, ou bien la société capitaliste est décadente. Le libéralisme et le conservatisme sont d’ailleurs une image inversée l’un de l’autre ; seule la vision socialiste dépasse réellement le capitalisme.

Et, donc, Benoît XVI attaque la dégénérescence. D’où ses dénonciations de la « révolution sexuelle » apparue dans les années 1960, l’hypersexualisation mercantile qui s’est développée, jusqu’à la pornographie, et qui aurait contaminé des pans entiers de l’Église, dans la mesure où il y aurait des propositions de « s’adapter » au monde moderne.

Un exemple notamment mentionnée est le manifeste de Cologne de 1989, signé par des centaines de théologiens allemands, autrichiens, suisses et néerlandais. Un autre est la formation, qui n’est nullement un secret, de clubs homosexuels à l’intérieur de l’Église, menant une très importante guerre d’influence. Le pape François en a également parlé.

C’est que le conservatisme ne peut pas tenir face au libéralisme, effectivement. La religion catholique étant un mysticisme avec un clergé censé être « pur », il y a forcément une contamination par la décadence. Et effectivement, s’il y a davantage de pédophilie dans une société capitaliste en pleine décadence, alors cela se reflète d’autant plus dans une structure comme le clergé catholique avec ses mœurs anti-naturelles.

En fait, Benoît XVI a raison, sauf qu’il croit voir une dégénérescence alors que c’est une décadence, et il croit voir en l’Église quelque chose de pur qui pourrait tenir le choc, alors qu’en réalité c’est une relique du passé, condamnée à être balayée. En ce sens, l’anticléricalisme primaire résumant la pédophilie à l’Église est fondamentalement erroné. Il faut dénoncer la pédophilie en général, et bien voir qu’elle s’étend dans l’Église en particulier, de par ses mœurs mystiques par définition délirantes.