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Restructurations économiques

Le lithium en Alsace, une catastrophe

C’est la restructuration du capitalisme vers l’économie de guerre.

De vastes opérations de restructurations industrielles agitent l’appareil de production français en Alsace autour de la question du lithium. Cette question est venue à travers celle de la géothermie, c’est-à-dire de la captation de la chaleur d’une poche de magma sous la surface terrestre dans des zones où la profondeur de ces poches est relativement faible, ce qui est le cas en Alsace, qui sur le plan géomorphologique est un morceau du vaste bassin d’effondrement rhénan.

L’exploitation des capacités géothermiques en Alsace a cependant une dimension toute autre, qui pour les capitalistes français est en fait l’aspect principal : c’est l’opportunité d’exploiter les eaux de profondeur, dont la teneur en lithium est ici particulièrement élevée. C’est notamment le cas en Alsace du Nord, où ce métal est présent aggloméré dans des roches volcaniques formée il y a près de 400 millions d’années. Il s’agit en fait un type de granit abondant dans le sous-sol, dans un vaste secteur autour de la petite ville thermale de Niederbronn.

Et les travaux de géothermie menés depuis plusieurs décennies ont permis de constater que les eaux géothermales avaient une teneur en lithium intéressante au plan industriel.

Présentée comme une énergie propre et abondante, la géothermie avait une relative popularité au sein des masses locales, mais tout a changé depuis l’échec catastrophique de Fonroche, ayant provoqué en décembre 2020 une série de 11 séismes en un mois frappant tout le nord de la ville de Strasbourg, et dépassant souvent une magnitude 3,5 sur l’échelle de Richter. Après de longs atermoiements, un arrêt administratif de la production et de toutes les activités sur le site, avait été décidé par la préfecture du Bas-Rhin.

> Lire aussi : https://agauche.org/2020/12/06/strasbourg-violent-seisme-cause-par-un-projet-industriel-geothermique/

La large émotion ayant alors agité les masses avait fait prendre conscience de l’enjeu du lithium dans la question. Les capitalistes ont donc provisoirement reculé, pour revenir depuis quelques semaines en ciblant une zone moins densément peuplée que l’agglomération strasbourgeoise.

L’entreprise en charge de cette nouvelle opération s’appelle de manière significative « Lithium de France », et elle développe une active propagande en direction des masses devant illustrer la capacité des industriels du capitalisme français à gérer correctement la question. Il est assuré déjà qu’il s’agit là d’une activité « décarbonée » sans que personne ne comprenne vraiment en quoi de manière concrète, mais surtout, il s’agit de paralyser les interrogations des masses sur les dangers environnementaux en rationalisant en apparence la technique mise en oeuvre par les industriels. Voici comment Guillaume Borel, le directeur de Lithium France a présenté cela :

« Pour l’instant, et c’est aussi une leçon retenue de Fonroche, on prend les choses les unes après les autres. On va se concentrer sur notre première centrale, et faire les choses proprement. C’est aussi un devoir moral vis-à-vis de la population. On doit montrer qu’on sait travailler de façon correcte et propre, avant d’envisager la suite. L’un des deux puits servira à remonter l’eau, afin d’en extraire son lithium, mais également ses calories. Car il s’agit de faire d’une pierre deux coups, et de permettre par la même occasion de chauffer des bâtiments industriels ou des serres agricoles dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres. Ce sera comme une éponge sélective, qui ne va capter que le lithium, et ensuite, il ne restera plus qu’à rincer l’éponge. C’est un circuit fermé. Et ce n’est pas de l’eau de consommation, on est loin des nappes phréatiques. On veut s’assurer dès le départ que le procédé qu’on met en œuvre sera effectivement celui avec le plus faible impact environnemental »

« L’éponge » dont il parlé ici est en fait constituée de titanate de lithium, nécessitant en lui-même du lithium, dont la fabrication en masse sera assurée par des usines chimiques locales : GeoLith à Haguenau et Tronox à Thann. Tout cela est présenté comme relevant d’une technologie propre, sûre et fiable, mais s’il participe des profonds cycles équilibrant le sous-sol de notre biosphère en rapport avec sa surface, le lithium est justement un matériau extrêmement délicat à ramener à la surface terrestre.

Le lithium métallique réagit en effet autant avec l’azote, l’oxygène et la vapeur d’eau dans l’air. Par conséquent, la surface de lithium devient une mixture d’hydroxide de lithium (LiOH), de carbonate de lithium (Li2CO3) et de nitrure de lithium (Li3N). Or, le lithium d’hydroxide présente un risque potentiel significatif car il est extrêmement corrosif, en constituant donc une menace directe sur les environnements aquatiques et les organismes s’y étant développés. Le risque est donc considérable de fait, et l’exploitation industrielle sera forcément définitivement instable et dangereuse.

Mais la population doit donc ici se contenter bien lamentablement des assurances a priori de l’appareil industriel aux mains des monopoles de la bourgeoisie française pour se rassurer.

Le matraquage en faveur du lithium, malgré la méfiance croissante des masses, est à mettre directement en relation avec le vaste mouvement de restructuration de l’économie française, dans le cadre de l’Union européenne. On trouve là le projet industriel LIFE (LIthium For Europe), déclinaison de la tendance au « souverainisme industriel et numérique », devant couper l’appareil industriel européen de sa dépendance à l’égard des pays émergents, et désormais adversaires, avec la Chine comme cible de premier ordre, et de ses approvisionnements énergétiques extérieurs.

Cette restructuration est en elle-même entraînée par la Crise du capitalisme dans son mouvement en direction de l’économie de guerre, en ce qu’il s’agit explicitement de tenter d’assurer au capitalisme français une relative indépendance dans le cadre de l’Union européen, afin de l’élancer à nouveau contre les pays émergents, en restaurant sa capacité industrielle à être une puissance du capitalisme.

Il suffit d’ailleurs d’écouter le chantage qui est fait sur cette question aux emplois et à la souveraineté économique de la France, devant faire bloc dans le cadre de l’Union européenne contre ses rivaux capitalistes pour s’en rendre compte. Tout se met en place donc pour piéger les masses dans la fuite en avant du capitalisme dans son agression généralisée contre la Vie. Rien ne manque en fait avec cette question du lithium, ni le pillage et la destruction de la biosphère comme horizon économique, ni la volonté de paralyser les masses dans les exigences toujours plus furieuses du capitalisme en crise, ni la tendance à la guerre, en fait au centre même des dynamiques.

Le lithium des capitalistes n’est donc pas un miracle pour les masses qui leur assurera une énergie propre et abondante. C’est un piège à tout point de vue qui alimente la fuite en avant folle furieuse du capitalisme dans son impasse historique tragique. Et quand on sait en outre que le lithium fournit aussi un isotope permettant la fabrication d’armes nucléaires, on se dit vraiment que l’horreur est ici complète.

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Politique

Visite d’Emmanuel Macron aux États-Unis: la France fait allégeance

La soumission française est assumée.

La France ne pèse plus grand-chose sur la scène internationale et dans le capitalisme mondial. Elle est maintenant ouvertement une puissance secondaire, reléguée au rôle de subalterne de la superpuissance américaine dans son affrontement au bloc rival formé par la Chine.

Telle est la signification de la visite d’État d’Emmanuel Macron aux États-Unis du 29 novembre au 2 décembre 2022. Malgré ses faiblesses, la France parvient toutefois à se maintenir relativement pour trois raisons : elle représente un marché de consommateurs important, elle possède une armée relativement moderne et dotée de l’arme nucléaire et enfin elle dispose d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

Cela fait qu’elle reste incontournable pour les États-Unis, bien que le rapport soit entièrement déséquilibré. Ce qui prime, c’est que les États-Unis font ce qu’ils veulent et donnent le la sur tous les sujets, militaires, diplomatiques, économiques, etc.

On sait très bien par exemple que sur la question du gaz, ils ont littéralement planté un couteau dans le dos des Européens en faisant en sorte qu’ils soient coupés du gaz russe puis en leurs vendant du gaz à des prix exorbitants.

Pareillement, dans le contexte mondial de crise économique, la superpuissance américaine déploie un immense plan de renforcement de son propre capitalisme face à la concurrence mondiale, intitulé « Inflation Reduction Act » (IRA). On parle là de près de 400 milliards d’argent public pour les entreprises américaines, ce qui déséquilibre totalement la concurrence avec les autres capitalismes, notamment européens, alors qu’ils sont censés êtres alliés.

Emmanuel Macron l’a regretté, notamment auprès de parlementaires américains à qui il a demandé… d’être « respecté comme un bon ami », déplorant le fait que personne ne l’ait contacté quand l’IRA était en discussion. Il a ensuite clairement dit lors d’une interview à la télévision américaine que les États-Unis et l’Union européenne ne sont « pas sur un pied d’égalité » en raison de ces subventions.

Mais qu’a obtenu Emmanuel Macron à ce sujet, après trois jours de visite et de congratulations mutuelles ? Absolument rien, car la France ne fait pas du tout le poids. La seule chose qui compte pour les États-Unis est que la France reste, en tous cas pour l’instant, un marché de consommateurs stable et surtout un partenaire militaire fidèle et docile.

A ce compte-là, Emmanuel Macron a entièrement rempli sa mission, en faisant totalement allégeance aux intérêts de la superpuissance américaine dans le cadre de la guerre mondiale pour le repartage du monde.

Renforcement militaire, soumission à l’armée américaine et alignement diplomatique totale sur la superpuissance américaine… Tel est le programme d’Emmanuel Macron pour la France. Voici un long extrait du communiqué commun du Président de la République française et du Président des États-Unis d’Amérique du 1er décembre 2022, qui exprime cette perspective de manière très claire et précise.

C’est un document incontournable, posant les bases de l’engagement militaire de la France auprès des États-Unis dans la 3e guerre mondiale.

« Les deux présidents sont déterminés à continuer d’œuvrer sans relâche pour une Europe unie, libre et en paix. Cela implique de continuer d’assurer la défense et la sécurité collectives de nos nations, notamment par l’intermédiaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), de recourir à une approche plus robuste, plus intégrée et plus cohérente pour renforcer la résilience, au niveau national et collectif, face aux menaces militaires et non-militaires qui pèsent sur notre sécurité, et de promouvoir la stabilité internationale pour répondre à l’ensemble des menaces actuelles.

Les deux présidents reconnaissent également l’importance d’une défense européenne plus forte et plus opérationnelle, qui contribue positivement à la sécurité transatlantique et mondiale et qui est complémentaire et interopérable avec l’OTAN.

Les missions et opérations sous conduite européenne, notamment en Bosnie et les actions de formation en soutien à l’Ukraine, contribuent de manière positive à la sécurité transatlantique.

Les deux présidents saluent la relation entre la France et les États-Unis dans le domaine de la défense et se félicitent de la déclaration d’intention signée le 30 novembre 2022 entre le ministre français des Armées et le secrétaire américain à la Défense, qui permettra de renforcer l’interopérabilité et la coopération dans les domaines de l’espace, du cyberespace, du renseignement et de la lutte contre les influences malveillantes.

Les deux présidents ont l’intention d’étendre la coopération en matière de défense dans les domaines des capacités avancées et des technologies essentielles qui joueront à l’avenir un rôle critique pour la dissuasion et la défense.

Ils se félicitent des avancées du dialogue stratégique franco-américain en matière de commerce militaire pour promouvoir des approches communes des questions liées à l’accès aux marchés et aux exportations militaires. La France et les États-Unis entendent poursuivre leur coopération pour améliorer l’efficience des procédures d’autorisation d’exportation dans le domaine de la défense, afin de développer des bases industrielles de défense plus solides et plus interopérables en Europe et aux États-Unis, pour améliorer les capacités militaires dans l’intérêt de l’Alliance.

Ukraine

Les deux présidents condamnent fermement la guerre d’agression illégale menée par la Russie contre l’Ukraine, et ils soulignent que cibler intentionnellement des civils et des infrastructures civiles constitue des crimes de guerre et que leurs auteurs doivent répondre de leurs actes.

Ils condamnent et rejettent également la tentative illégale d’annexion par la Russie de territoires ukrainiens souverains, en violation flagrante du droit international. La France et les États-Unis déplorent l’escalade délibérée de la Russie, notamment son discours irresponsable en matière nucléaire et sa désinformation au sujet de prétendues attaques chimiques ou de programmes d’armes biologiques ou nucléaires.

Les deux présidents réaffirment le soutien continu de leurs deux pays en faveur de la défense de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, notamment par l’intermédiaire d’une assistance dans les domaines politique, humanitaire, économique et de sécurité aussi longtemps qu’il le faudra.

Cela comprend l’envoi de ressources importantes pour soutenir la résilience civile ukrainienne pendant tout l’hiver, notamment l’accélération des livraisons de systèmes de défense aérienne et d’équipement nécessaire à la réparation du réseau énergétique ukrainien.

La France et les États-Unis ont l’intention de poursuivre leur travail avec leurs partenaires et alliés pour coordonner leur assistance, notamment lors de la conférence internationale qui se tiendra à Paris le 13 décembre 2022. Ils entendent également continuer de fournir à l’Ukraine un appui budgétaire direct et conséquent, et d’exhorter les institutions financières internationales à accroître leur soutien financier.

La France et les États-Unis réaffirment devoir respecter leurs obligations internationales en vigueur ainsi que les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies.

Ils réaffirment également leur détermination inébranlable à ce que la Russie rende des comptes pour les atrocités et les crimes de guerre, dont l’existence est largement attestée, commis tant par ses forces armées officielles que par ses supplétifs, notamment les mercenaires du groupe Wagner et d’autres entités.

La France et les États-Unis soutiennent à cet effet les mécanismes de responsabilisation au niveau international, notamment la Cour pénale internationale, le parquet général ukrainien, la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, le mécanisme de Moscou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, les sanctions, et d’autres moyens.

La France et les États-Unis demeurent déterminés à lutter contre les conséquences plus vastes de la guerre menée par la Russie, notamment en œuvrant avec la communauté internationale pour renforcer la résilience face aux perturbations alimentaires et énergétiques.

Indopacifique

La France et les États-Unis, deux nations de l’espace indopacifique, renforcent leur partenariat dans la région en faveur de la prospérité, de la sécurité et des valeurs communes reposant sur l’ordre international fondé sur des règles de droit, la transparence de la gouvernance, les pratiques économiques justes et le respect du droit international, notamment la liberté de navigation.

La France et les États-Unis entendent accroître leur participation à la diplomatie, au développement et à l’économie dans la région dans le but de renforcer la résilience des îles du Pacifique.

Ils ont également l’intention d’accroître leur coordination pratique dans la région en matière de sûreté maritime. Les États-Unis entendent renforcer leur soutien et leurs contributions matérielles aux déploiements aériens et maritimes de la France et d’autres nations européennes dans la région.

Ils continueront de coordonner leurs préoccupations concernant la remise en cause par la Chine de l’ordre international fondé sur des règles de droit, notamment s’agissant du respect des droits de l’Homme, et de travailler de concert avec la Chine sur des enjeux mondiaux d’importance tels que le changement climatique.

Les deux présidents réaffirment qu’il importe de préserver la paix et la stabilité de part et d’autre du détroit de Taïwan.

Les deux chefs d’État condamnent également fermement le nombre sans précédent d’essais de missiles balistiques illégaux conduits cette année par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), qui violent plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et qui menacent la paix et la stabilité régionales ; ils sont déterminés à poursuivre leur coordination au sein du Conseil de sécurité des Nations unies pour faire face aux violations commises par la RPDC.

Afrique

Les deux présidents réaffirment leur détermination à travailler avec les partenaires africains sur les priorités concernant la gouvernance partagée, la sécurité et l’économie sur le continent.

Ils soulignent l’importance des voix africaines au sein des enceintes multilatérales, notamment dans le cadre de la lutte contre des crises mondiales telles que le changement climatique, la réponse en cas de pandémie et la reprise subséquente, l’accès durable à l’énergie et l’insécurité alimentaire. Ils entendent soutenir les institutions démocratiques et les sociétés civiles en Afrique pour accroître la responsabilisation et la prestation des services de base.

Ils réaffirment leur appui conjoint à l’initiative de la Grande Muraille verte, menée par l’Afrique pour faire face à la crise du climat et de la biodiversité et qui contribue au développement durable, à la paix et à la sécurité dans les régions du Sahara et du Sahel.

La lutte contre la désinformation et le terrorisme sur le continent reste une priorité commune de la France et des États-Unis. Les deux pays entendent poursuivre leur étroite collaboration avec l’Union africaine et les organisations régionales pour faire face aux enjeux auxquels est confronté le continent et tirer parti des possibilités de développement du commerce et des investissements.

Moyen-Orient

La France et les États-Unis sont déterminés à œuvrer en étroite collaboration en faveur de la paix et de la prospérité au Moyen-Orient.

Les deux présidents se félicitent du lancement du forum du Néguev et du deuxième anniversaire de la signature des accords d’Abraham ainsi que de l’avancée historique que constitue l’accord entre Israël et le Liban délimitant leur frontière maritime conclu en octobre 2022.

Ils sont déterminés à déployer des efforts conjoints visant à exhorter les dirigeants libanais à élire un président et à mettre en œuvre des réformes essentielles. En tant que membres de la Coalition internationale contre Daech, ils demeurent attachés à maintenir les moyens et capacités nécessaires à la mission anti-terroriste en Irak et en Syrie.

La France et les États-Unis poursuivent leurs efforts visant à améliorer la situation humanitaire précaire à laquelle la population syrienne fait face, et à promouvoir un règlement pérenne et juste du conflit syrien. Ils continueront à coopérer avec leurs partenaires au Moyen-Orient et assureront le suivi de la conférence de Bagdad organisée en août 2021.

Les deux présidents expriment également leur respect envers la population de l’Iran, en particulier les femmes et les jeunes, qui manifeste courageusement pour obtenir la possibilité de jouir de ses droits et libertés fondamentaux que les autorités iraniennes se sont engagées à respecter et pourtant bafouent.

Ils demeurent déterminés à faire en sorte que l’Iran ne développe ni n’acquière jamais une arme nucléaire.

La France et les États-Unis continuent de travailler avec d’autres partenaires internationaux pour répondre à l’escalade nucléaire de l’Iran, à son défaut de coopération avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), notamment concernant les questions graves et pendantes liées aux obligations juridiques de l’Iran en vertu de son accord de garanties dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), et à ses activités déstabilisatrices au Moyen-Orient, en particulier la question urgente de ses transferts de missiles et de drones, y compris à destination d’acteurs non étatiques.

Ces transferts sont susceptibles de menacer des partenaires clés de la région du Golfe ainsi que la stabilité et la sécurité dans cette région, de contrevenir au droit international et de contribuer à présent à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.

La France et les États-Unis travailleront avec leurs partenaires pour accroître la coopération concernant l’application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies et la lutte contre ces activités.

Ils déploieront des efforts conjoints pour continuer à renforcer le cadre international visant à limiter la prolifération de missiles iraniens et de technologies liées aux aéronefs sans pilote dans la région et au-delà et pour améliorer les mesures concrètes visant à contrecarrer cette prolifération.

Dissuasion nucléaire, non-prolifération et désarmement

La France et les États-Unis réaffirment que la dissuasion nucléaire est essentielle pour leur sécurité nationale et constitue un élément clé des capacités générales de l’OTAN en matière de dissuasion et de défense.

Ils réitèrent le fait que l’objectif premier des capacités nucléaires détenues par l’OTAN est de préserver la paix, de prévenir la contrainte et d’éviter les agressions dirigées contre l’alliance.

Ils réaffirment l’importance du TNP ainsi que leur opposition au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui ne reflète pas le contexte international de sécurité de plus en plus difficile et ne correspond pas au régime existant de non-prolifération et de désarmement. En outre, la France et les États-Unis réitèrent leur appui à leur accord de défense mutuelle ainsi que leur intention d’élargir leur coopération technique couvrant de nombreux sujets en matière de réduction des risques stratégiques. »

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Politique

La « pomme rouge » et la propagande de guerre turque

Le bourrage de crâne mystico-eschatologique du régime turc emporte la Turquie vers l’Apocalypse.

En campagne pour les élections de novembre 2023, le président de la République de Turquie, Reccep Tayyib Erdoğan, a prononcé ce weekend devant une foule de plusieurs milliers de ses partisans à Konya. C’était un discours très offensif, exposant de manière très ouverte l’expansionnisme du capitalisme turc, de nature bureaucratique, qu’il incarne avec son parti, l’AKP. On traduit habituellement le nom de ce parti par « Parti de la Justice et du Développement », mais il y a aussi un jeu de mot à saisir, dans le sens où Ak signifie aussi « blanc » ou « pur », c’est-à-dire non corrompu, en langue turque.

Konya est une ville du centre de la Turquie, au cœur du dispositif politique de l’AKP dont elle est un bastion électoral, mais aussi une vitrine. La ville est en effet dirigée par l’AKP depuis le début de l’expansion de ce parti, elle a bénéficié d’investissements massifs pour la moderniser, en terme d’équipements urbains et de réseaux de transports. Par exemple, la ville a accueilli les Jeux panislamiques, rassemblant des sportifs de plus de 50 États, en août dernier et s’apprête à prendre la présidence à l’international de la CGLU, héritière de « l’Internationale des municipalités », fondée à Gand en Belgique en 1913.

Cette organisation d’orientation disons libérale-démocratique, très peu connue en France, participe de la propagande du régime turc à la promotion de ce qu’il appelle le « municipalisme islamique », qui est un des piliers de son idéologie nationale-conservatrice à dimension moderne.

Plus profondément encore, Konya occupe une place spéciale dans le folklore turco-islamique mis en place par l’État turc depuis le régime de Mustafa Kemal Atatürk, entre 1923 et 1938. Sous ce rapport, la ville est censée incarner la spécificité turque de l’islam anatolien, à travers la confrérie des « derviches tourneurs », relativement connue en France, et de la figure de Rumi, penseur islamique relativement syncrétique du Moyen Âge turc, surnommé en turc Mevlana, le maître à penser, le guide.

Mais Konya fut aussi la capitale du sultanat seljukide des Romains, fondé entre la victoire turque sur l’Empire byzantin à Mantzikert en 1071, et la conquête de l’Asie mineure par l’Ilkhanat turco-mongol de Perse au XIIIe siècle. Dans la propagande du régime turc actuel, ce sultanat est tenu pour le fondateur de l’État turc en Anatolie, sorte d’ancêtre de l’Empire ottoman et de la République de Turquie si on peut dire. D’ailleurs, la plus haute tour de la ville porte justement le nom de « Seljuk Tower », dominant de ses 163 mètres de haut un centre commercial, ce qui en somme veut absolument tout dire.

C’est donc dans ce cadre que Reccep Tayyib Erdoğan a chauffé à blanc ses partisans, n’hésitant pas à cibler ses adversaires politiques du CHP, le parti Républicain tenu pour incarner une sorte d’opposition de « gauche » aux islamistes nationaux-conservateurs de l’AKP, en les traitant ouvertement de traîtres à la patrie, de valets de l’Otan et de 5e colonne pro-PKK, alors même que l’armée turque est engagée justement dans une opération de bombardement des bases des combattants kurdes de Syrie, les YPG, alliés au PKK et considérés comme responsables de l’attentat qui a frappé Istanbul au début du mois de novembre.

Mais de manière plus significative, Reccep Tayyib Erdoğan a exposé de manière claire et ramassée l’idéologie expansionniste de son régime qu’il entend mettre en œuvre, dont voici les principaux points :

  • D’une manière générale, selon sa perspective, l’époque qui vient sera le « siècle de la Turquie » (Türkiye Yüzyılı), qui entend se tailler sa place dans le repartage du monde.
  • Cette expansion doit s’effectuer sur la base d’une politique industrielle et commerciale agressive que Reccep Tayyib Erdoğan définit par la formule : croissance par l’investissement, l’emploi, la production, les exportations, l’excédent du compte courant (yatırım, istihdam, üretim, ihracat, cari fazla yoluyla büyüme). Reccep Tayyib Erdoğan s’affirme ici absolument déterminé à poursuivre coûte que coûte cette expansion en poursuivant d’injecter encore plus de crédit et de liquidité dans l’économie turque malgré une inflation des prix ces derniers mois.
  • Cette expansion doit se manifester par la réalisation de grands travaux d’équipement, comme le monstrueux projet du Kanal Istanbul par exemple, devant relier la mer Noire à la mer méditerranée pour augmenter le trafic maritime. L’objectif est de moderniser la Turquie et la doter d’infrastructures en mesure d’en faire une puissance capitaliste complète.
  • Cette expansion doit aussi se manifester par une politique industrielle restructurant profondément l’appareil de production turc, afin de faire émerger des monopoles en mesure de s’élancer à la conquête des marchés émergents, et même de l’Europe, comme le sont par exemple Beko pour l’électroménager et comme est censé le devenir TOGG (pour « Cartel des industries automobiles de Turquie, Türkiye’nin Otomobili Girişim Grubu), présenté comme la première marque nationale automobile de Turquie, devant conquérir le marché de la voiture électrique en Europe.
  • Mais le fleuron principal de cette expansion telle que l’a présentée Reccep Tayyib Erdoğan est le secteur de la défense, devenu ainsi qu’il l’a souligné, national et indépendant à 80%, et désormais exportateur. Reccep Tayyib Erdoğan a très largement souligné le lien entre le développement de cette industrie, la croissance turque et l’expansion nationale de la Turquie, comme « puissance de l’islam », devant galvaniser les masses, les « 85 millions de turcs » que Reccep Tayyib Erdoğan veut élancer vers le futur qu’il imagine dans le cadre de l’expansion capitaliste bureaucratique turc, en faisant de la Turquie une puissance indépendante du capitalisme mondialisé, et en saisissant l’opportunité de la crise pour prendre agressivement le plus de poids possible.

Et pour que cette dernière idée soit la plus claire possible, il a martelé du début à la fin de son discours la force que donne à l’expansion militariste de la Turquie un des fleurons de son appareil militaro-industriel : les drones de la firme Baykar, fondée par un de ses soutiens industriels Ôzdemir Bayraktar.

Il a notamment mis en avant le nouveau modèle, le drone KIZILELMA, qui est en fait un avion de combat sans pilote, à la puissance de feu supérieure à tous les modèles précédents.

Cet appareil a été annoncé une première fois lors de la fête islamique du Sacrifice en 2021, pour une mise en service en 2023, après donc les élections et au moment surtout où la Turquie s’apprêtera à fêter le centenaire de la fondation de la République, dont Reccep Tayyib Erdoğan entend faire le point de départ de la refondation d’une nouvelle puissance turque, dans une perspective romantico-eschatologique.

D’où le nom de ce drone, dont le président turc a répété le nom et souligné le sens mystique : Kizil Elma signifie en effet « pomme rouge » en turc, et cela est devenu un symbole ultra-nationaliste très connu en Turquie, car il recycle une vieille légende turco-islamique, où les forces militaires turques sont censés faire la conquête de la « pomme rouge », qui était le surnom de Constantinople, en ce qu’il s’y trouvait, devant l’immense basilique Sainte-Sophie, devenue aujourd’hui la mosqueée Aya Sofya, une statue équestre de l’empereur romain Justinien tenant une pomme d’or, devenu rouge avec la patine du temps, et annonçant la future conquête du monde.

Saisissant cette pomme rouge, en abattant cette statue après la prise de Constantinople en 1453, le symbole est resté comme devant annoncer la chute des autres « pomme rouge » en Occident, Vienne et Rome.

L’imaginaire semi-féodal des nationalistes turcs modernes a fait de ce symbole une métaphore de l’expansionnisme agressif de la Turquie, comme devant s’imposer au monde pour accomplir la domination islamique dont la Turquie est le meilleur agent, en ciblant de manière oblique l’Occident, tout en ne le ciblant en fait pas formellement.

De fait le régime turc piège implacablement la Turquie dans les insurmontables contradictions qui la tiraillent historiquement depuis l’effondrement tragique de l’Empire ottoman et son entrée dans le mode de production capitaliste.

Prise dans les griffes de son propre chauvinisme, exprimé par son appareil militaro-industriel porté par la crise ouverte en 2020 qui semble lui laisser un espace, la Turquie est à un tournant de son Histoire. Son régime national-conservateur l’élance d’un pas ferme et décidé dans l’Apocalypse.

En face, la France et la Grèce sont prêts à l’affronter, eux-mêmes portés par la bataille pour le repartage du monde.

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Politique

« Une ligne populaire pour sauver la gauche »: diesel et barbecue

Un texte sans dimension.

Le député Philippe Brun et la sénatrice Laurence Rossignol, tous deux au Parti socialiste, proposent dans une tribune une «ligne populaire » avec l’objectif de sauver la Gauche. Il y a le constat, tout à fait évident et absolument pas nouveau, que la Gauche en France est coupée du peuple. Certes. Mais qu’ont-ils à proposer ? Les gilets jaunes !

C’est grotesque, car les gilets jaunes non seulement sont dépassés depuis longtemps, mais surtout n’ont rien à voir, ni de près, ni de loin, avec ce que doit être la Gauche. Ni d’ailleurs avec le peuple français. Mais pour le voir, il faut une vision du monde, il faut vouloir le Socialisme et pas un républicanisme vaguement démocratique et social, et encore moins un plébéianisme délirant à la sans culottes version beauf 21e siècle.

Cela renvoie d’ailleurs directement à une autre question, essentielle : celle des valeurs. De ce côté là, c’est le néant pour ces parlementaires PS cherchant un « ligne populaire ».

Tout est dit dans ce passage :

« Ce n’est pas en accusant les classes populaires, la viande de leur barbecue et le diesel de leur véhicule qu’elles s’impliqueront davantage. »

Et bien justement, si ! La voiture diesel et la viande du barbecue, voilà parfaitement identifié des ennemis de classe. Des ennemis de l’intérieur, dans les mentalités, car c’est bien là toute l’expression du capitalisme français du 20e siècle qui a intégré le prolétariat pour le désintégrer de l’intérieur.

Il n’y aura jamais de ligne populaire sans une révolution culturelle contre le diesel et le barbecue. Et il n’y aura jamais de Gauche avec les gilets jaunes, qui sont précisément une expression du diesel et du barbecue.

Voici la tribune en question, qui a initialement été publiée sur le site Libération, en version payante… Ce qui est pour le moins étrange quand il s’agit de proposer une « ligne populaire ».

« Une ligne populaire pour sauver la gauche

L’alliance de la Nupes était nécessaire, mais pas suffisante. Seule une refondation profonde de la gauche, appuyée sur les revendications des gilets jaunes, lui permettra de défendre à nouveau des intérêts de classe.

La montée continue de l’extrême droite doit inquiéter toute femme et homme attaché à la République. Face à ce danger, l’accord de la Nupes a été une bouffée d’oxygène pour les électeurs de gauche.

Il a permis, dans le nouveau paysage tripolaire, l’élection de députés que la division aurait éliminés. Il a aussi corrigé les trajectoires respectives du PS et de LFI : le PS restait coupable de l’élection d’Emmanuel Macron et des hésitations de nombre de ses dirigeants en 2017, et LFI avait largement théorisé la fin du clivage droite-gauche au profit du clivage peuple-élite.

Nous sommes nombreux à redouter l’échéance de 2027. Entre les élections législatives de 2017 et de 2022, la gauche a gagné moins de 10 000 voix. Et l’extrême droite, 2 millions. Rien ne permet d’imaginer que, depuis juin, les courbes auraient changé de trajectoire.

La seule alliance des partis ne permet pas de créer une dynamique susceptible de changer véritablement les rapports de force qui se sont installés dans le pays. Etre de gauche n’est une fierté que pour environ 25 % des Français.

Nous avons tout livré à l’extrême droite : travail, nation, justice, laïcité, civisme. Elle les instrumentalise comme elle l’a fait tout au long de son histoire en répétant le même schéma : s’opposer, salir, puis récupérer les conquêtes des autres à son compte.

La défense de la République est confisquée par ceux qui la traitaient de «gueuse» jadis, la laïcité

par ceux qui veulent inscrire les racines chrétiennes de la France dans la Constitution, la sécurité par ceux qui la réduisent aux faits divers et le travail par ceux qui refusent qu’il soit rétribué à sa juste valeur.

L’état d’urgence démocratique nous impose d’aller convaincre les classes populaires et moyennes perdues. Seule la promesse d’un avenir meilleur pourra les empêcher de voter à l’extrême droite.

Nous appelons «ligne populaire» cette stratégie qui vise à retrouver ce Assemblée pourquoi la gauche a été créée : défendre ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. L’élection d’Emmanuel Macron, sur une base sociale minoritaire, a relégué la majorité sociale aux marges de notre pays.

Les ouvriers, employés, caissières, travailleuses du lien, travailleurs de la manutention et de la logistique, «la société du back-office», n’ont plus que leur colère comme moyen d’expression, leur abstention comme moyen de révolte, le vote RN comme maigre résignation. La gauche a renoncé depuis longtemps à ce peuple introuvable, qui se refuse à elle depuis qu’elle a fait de l’idéal européen l’horizon indépassable de son action, et donc de son impuissance.

Depuis qu’elle a fait du désintérêt pour les gens ordinaires la matrice morale inavouée de son discours et des centres-villes métropolitains mondialisés la ressource exclusive de son imaginaire. Nous devons rompre avec ce renoncement.

Chaque grand mouvement social irrigue une refondation politique. Nous vivons depuis cinquante ans sur la contre-culture de Mai 1968 et la victoire de 1981.

Nous avons la conviction que c’est du mouvement des gilets jaunes que la gauche doit désormais tirer les leçons de sa refondation. Si elle sait accompagner les mouvements sociétaux, elle est en revanche passée à côté de cette révolte, culturellement et sociologiquement trop loin d’elle.

Des idées de novembre 2018 nous retenons une démarche démocratique nouvelle, qui amena des milliers de Français, abstentionnistes militants, à gagner les ronds-points pour débattre.

Loin d’être dangereuses, les classes laborieuses, lorsqu’elles se mobilisent, ne parlent pas d’immigration ni d’insécurité mais de pouvoir d’achat et de droits démocratiques.

Un peuple demande aujour-d’hui à être entendu. Quel est ce peuple invisible ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ?

Rien.

Ce qui a empêché ce peuple de voir ses revendications entendues, et le mouvement des gilets jaunes de prospérer, a été son atomisation par la destruction des structures collectives, la dégradation du rôle des syndicats, la mise sous tutelle du mouvement associatif et la promotion de l’individualisme intégral. Nous devons réaffirmer qu’il existe des liens qui libèrent, ceux du soin et de la solidarité.

Ils doivent devenir les valeurs centrales de notre action politique. La grande œuvre qui est devant nous est de poursuivre un travail commencé par le milieu associatif et les mouvements de l’écologie politique : «conscientiser» les classes populaires et travailleuses, leur rappeler l’intérêt qui est le leur à voir l’écologie primer et leurs conditions de vie s’améliorer. Elles veulent comme les autres que leurs enfants respirent un air propre et mangent sainement.

L’écologie est par essence populaire, les socialistes l’avaient compris très tôt et l’ont oublié parfois. Les émissions de carbone sont proportionnelles à celles de la richesse. Ce n’est pas en accusant les classes populaires, la viande de leur barbecue et le diesel de leur véhicule qu’elles s’impliqueront davantage. La valorisation des pratiques «écoresponsables» est trop souvent perçue comme réservée à une élite diplômée et urbaine.

Résolument installée du côté du peuple, la gauche doit entendre tout ce que celui-ci a à lui dire, sans tabous ni préjugés. Cela implique de regarder en face la situation intérieure du pays et l’appel à plus d’ordre et d’autorité. Loin de toute surenchère ou récupération des mots de l’extrême droite – mais au contraire pour ne lui laisser aucune prise – nous devons porter un discours fort et clair d’ordre et de justice.

La sécurité est un droit du peuple, c’est même la condition de son adhésion à une aventure collective. Lorsque la tranquillité publique n’est plus assurée, le vivre ensemble est menacé. Parce qu’ils sont les plus exposés, la sécurité est un enjeu plus vif encore pour les plus modestes.

Il nous faut financer une police nombreuse, formée et réorganisée pour être plus au contact des populations et moins rivée sur ses statistiques. Plus transparente aussi, plus ouverte et moins susceptible d’être contestée. L’école, la justice civile, les transports publics, plus rien ne fonctionne correctement. On manque d’enseignants, de soignants, de conducteurs de train ou de bus. Et les services privés ne fonctionnent pas mieux. Les gens concluent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et qu’il n’y a rien à attendre du collectif. Une telle situation ne peut conduire qu’à une catastrophe démocratique, écologique et sociale.

Défendre la ligne populaire, c’est s’imposer de cesser de regarder la colonne «sympathisants de gauche» dans les études d’opinion et s’intéresser à la colonne «ouvriers et employés». Que les étudiants de Sciences-Po votent majoritairement Jean- Luc Mélenchon et que ceux de l’enseignement professionnel ne votent que marginalement à gauche devrait nous obséder. La ligne populaire est un projet et une méthode qui doit inspirer les mouvements sociaux comme les politiques publiques : féminisme populaire, écologie populaire, culture populaire, éducation populaire.

Défendons, en tout point et tout lieu, des intérêts de classe, éclairés par notre esprit des Lumières et la promesse de nouveaux droits. »

Texte proposé par :

Par Philippe Brun, Député de l’Eure et Laurence Rossignol, Sénatrice de l’Oise.

Signé par :

Jérôme Durain Sénateur de Saône-et- Loire

Jérôme Guedj Député de l’Essonne

Marie-Pierre Monier Sénatrice de la Drôme

Mélanie Thomin Députée du Finistère

Mickaël Vallet Sénateur de la Charente-Maritime.

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Guerre

Le complexe militaro-industriel français dans la course aux armements avec la Turquie en ligne de mire

La course aux armements s’accélère dans la zone euro-méditerranéenne.

Alors que la Turquie multiplie les coups de menton sur ses frontières, face à l’Arménie, face à la Syrie, à l’Irak et face à la Grèce et Chypre, la France a annoncé ce mois-ci le début de la livraison des premières frégates dites de défense et d’intervention (FDI) à la marine française, qui doit en être équipée de manière opérationnelle pour 2024, avant la marine grecque, qui sera livrée en 2025.

La Grèce a annoncé l’achat de quatre FDI (trois plus une en option), et le ministre grec des armées, Nikolaos Panagiotopoulos, était d’ailleurs présent à Lorient, en Bretagne, dans le département du Morbihan, qui abrite la principale base des sous-marins de la Marine de guerre française, et où se trouve aussi le site de production d’un des principaux monopoles du complexe militaro-industriel français, Naval Group, chargé de l’assemblage de ces frégates.

On parle là d’un véhicule considéré comme étant à la pointe de la technologie actuelle, avec une capacité de longue autonomie technique et numérique, bénéficiant d’une installation de haut niveau en mesure de contrer théoriquement toute attaque de type informatique, tout en embarquant un équipement complet et quasiment autonome de traitement de données complexes.

Le bateau en lui-même est conçu pour être à la fois rapide, discret et en mesure d’embarquer un lourd armement de frappe : drone, hélicoptère d’assaut, dont le modèle à venir Guépard Marine, en commande chez Airbus et surtout tout un arsenal (antiaérien, antinavire, antisous-marin et mer-sol) de missiles de frappe produit par MBMA , sans compter la capacité à projeter des groupes armés des forces spéciales.

Les FDI sont donc des armes polyvalentes, conçues autant pour appuyer le renseignement, l’attaque et la défense, avec un système de radar conçu par Thalès en mesure de constituer un bouclier anti-missile.

Le discours prononcé à l’occasion de ce lancement par le PDG de Naval Group, Pierre Éric Pommellet, lui-même polytechnicien passé par le MIT américain, s’est donc voulu extrêmement clair sur l’engagement central du complexe militaro-industriel au service de l’État français, en parlant frontalement d’économie de guerre :

« Nous sommes fiers d’être présents ici à Lorient aujourd’hui pour célébrer ce jalon important pour l’Amiral Ronarc’h, première de la série FDI, la nouvelle génération de frégates de premier rang de la Marine nationale. La mise à l’eau d’un navire de guerre est aussi l’occasion de rappeler que l’outil industriel français est au service de nos forces armées, engagé dans l’économie de guerre.

Dès 2025, le site Naval Group de Lorient réalisera ainsi jusqu’à deux bateaux par an. Aujourd’hui, nous célébrons également l’avenir du programme FDI avec la présence du ministre Nikolaos Panagiotopoulos, l’occasion de rappeler l’importance de la coopération militaire et industrielle en Europe, la FDI associant déjà de nombreux industriels grecs dans la réalisation du programme pour la Grèce ».

Il faut voir ici que Naval Group a annoncé la création de près de 2000 emplois pour satisfaire cette commande, et que donc la pression sur les masses en terme de propagande et de bourrage de crâne pro-militariste ne peut que s’accroître, d’abord de manière sectorielle sur la région, mais cette tendance ne peut que se renforcer de plus en plus de manière générale au plan national.

Le nom choisi pour ce premier navire est d’ailleurs aussi une sorte de symbole, l’Amiral Ronarc’h ayant été un officier très engagé dans le cadre de la Première Guerre mondiale, et s’étant formé face à la Chine dans le cadre de la guerre des Boxers (1899-1901).

Mort en avril 1940, après avoir été chef d’état-major de la Marine, il a aussi l’avantage de ne pas avoir eu à se postionner face à la capitulation décidée par le Maréchal Pétain en juin 1940.Pierre Éric Pommellet n’a bien sûr pas manqué d’appuyer l’alliance militaire qui se constitue de manière toujours plus nette avec la Grèce, avec bien entendu la Turquie en ligne de mire.

Il faut voir que la Grèce dispose ainsi d’une perspective redoutable de consolidation de son arsenal, avec une alliance militaire renforcée, désignée comme la QUAD (EUNOMIA), liant Chypre, la Grèce, l’Italie et la France, explicitement formée pour affirmer l’hégémonie de ces pays en Méditerranée orientale.

L’horizon 2024-2025 est d’autant plus significatif du côté turc, que la République de Turquie célébrera alors son centenaire, et que Recep Tayyip Erdogan annonce depuis des années vouloir faire de cette date une sorte de refondation de la puissance turque.

La course aux armements qui s’élance pour le repartage de la Méditerranée, mettant face à face la Turquie et la France, au-delà de la Grèce, a de très bonnes chances de faire exploser toute cette situation bien avant cela… On est à la limite de l’ouverture du conflit – ce qui implique en réalité que la limite a déjà été dépassée : les conflits dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde se mettent toujours en place avant même de commencer formellement.

Le désastre n’est pas devant nous : il est parmi nous.

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Guerre

Sommet de l’OTSC à Yerevan: la fuite en avant suicidaire de l’Arménie

D’où que l’on regarde, le sort de l’Arménie semble scellé dans la montée à la guerre.

L’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) réunissant autour de la Russie la Biélorussie, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizistan a tenu jeudi 24 novembre une réunion à Yerevan en Arménie. Pour l’Arménie, il s’agissait d’une occasion de tenter de mettre la pression sur son protecteur russe afin d’obtenir un positionnement clairement agressif dans le cadre de son conflit avec l’Azerbaïdjan.

L’OTSC n’a en effet jusqu’aujourd’hui pris aucune position sur ce conflit, ni sur la question du Karabagh arménien, ni même sur les agressions menées par Bakou sur le territoire arménien en lui-même. Lorsque la Russie est intervenue en novembre 2020 au Karabagh, cela a été de son propre chef, malgré les appels du régime arménien à ses alliés de l’OTSC à intervenir.

Or, le régime arménien dirigé par Nikol Pashinyan s’est montré depuis un satellite tout à fait discipliné dans le cadre de cette alliance puisqu’il n’a pas hésité à envoyer des troupes réprimer entre le 6 et le 11 janvier 2021 de larges manifestations qui secouaient le régime Kazakh, allié de
Moscou, qui craignait la chute de ce régime en faveur d’un gouvernement pro-occidental.

Face donc aux récentes agressions de Bakou sur la frontière arménienne, réclamant l’ouverture à travers le territoire arménien d’un « corridor de circulation » pour relier l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan, et au-delà à la Turquie, le régime arménien multiplie tout azimut les appels pour tenter d’impliquer au maximum les grandes puissances dans ce conflit.

Ainsi, il est organisé à Paris une rencontre entre parlementaires français et le président de la République auto-proclamé de « l’Artsakh », c’est-à-dire du Karabagh arménien en Azerbaïdjan, Araïk Haroutiounian, prévue pour le 7 décembre. Dans le même ordre d’idée, le régime a laissé s’exprimer une manifestation pro-occidentale dénonçant la passivité de l’OTSC et revendiquant une alliance avec l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique à Yerevan durant la visite de Vladimir Poutine en Arménie à l’occasion du sommet de l’OTSC. Des drapeaux ukrainiens ont même été brandis durant la manifestation, avec des slogans dénonçant l’occupation russe.

Le président Nikol Pashinyan lui-même a exprimé ouvertement ses reproches à l’organisation en tentant d’obtenir une position ferme sur une éventuelle intervention en cas d’attaque de l’Azerbaïdjan. Cela correspond à une opinion largement exprimée dans les couches dirigeantes de l’État arménien et même son élite universitaire, comme quoi l’Arménie serait une sorte d’île n’ayant rien à faire en Orient et devant tout faire pour se connecter à l’Europe occidentale et aux États-Unis, selon la même logique qu’a développé le régime israélien ou celle que voudraient suivre certains mouvements nationalistes kurdes en Syrie par exemple.

Mais de toute manière, il est inutile de chercher de la cohérence à la politique du régime arménien, il est en fait littéralement aux abois, ayant cherché à négocier un rapprochement avec la Turquie, en arrêtant et en extradant sans conditions par exemple en septembre deux combattants kurdes des HPG/YPG ayant cherché à se réfugier en Arménie, tout en multipliant les signes de soumission à l’influence de la France, par le relais de sa diaspora et par celui de l’Organisation de la Francophonie, et en poussant dans le même temps la Russie à s’engager plus directement à ses côtés.

Le fait est que le sol se dérobe sous les pieds de l’Arménie et que son régime cherche désespérement de l’air pour échapper à l’étranglement turco-azerbaïdjanais qui cherche à le mettre à genou, et éventuellement à l’écraser militairement.

Le prix de toutes ses années de corruption nationaliste, engagée depuis la Perestroïka dans les années 1980, est cher pour l’Arménie d’aujourd’hui. Il est dramatique de constater à quel point les Arméniens ont été ni plus ni moins écrasés par l’Azerbaïdjan, et à quel point ils ont tout fait pour participer à ce massacre général et attiser les haines.

La situation, totalement tragique pour l’Arménie et les Arméniens est désormais la suivante :

  • La Russie et l’OTSC, dont l’unité s’effrite face à la guerre en Ukraine, n’interviendront pas dans un conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Moscou ayant signifié que sa position était que la question des frontières devait être clarifiée sur la base de l’intégrité territoriale, ce qui implique que le Karabagh arménien est totalement suspendu à la Russie, et que l’Arménie devait accepter un corridor de circulation Est-Ouest sur son territoire.
  • La priorité pour Moscou est de maintenir coûte que coûte une influence sur Bakou, avec qui un corridor Nord Sud a été décidé.
  • L’Arménie ne peut se retirer de l’OTSC malgré tout, le président biélorusse ayant clairement signifié la centralité de la guerre en Ukraine, et que toute défaite russe sur ce front impliquait un effondrement des régimes liés à Moscou, comme le sont celui de Minsk et de Yerevan de fait, et la fin de l’OTSC de toute manière.
  • L’Azerbaïdjan triomphe diplomatiquement, ayant annoncé avoir plus d’influence dans l’OTSC que l’Arménie sans même en faire partie et en poursuivant d’ailleurs pendant le sommet de l’OTSC ses provocations frontalières sur l’Arménie.
  • Malgré toute l’agitation du régime arménien, aucune puissance occidentale ne parle du Karabagh arménien, sinon pour accuser la Russie d’y maintenir des troupes, et s’il est envisagé par la France de s’opposer à une expansion turque sur le territoire arménien en lui-même, le Karabagh arménien aux mains des russes est lui totalement abandonné à son sort devant l’Azerbaïdjan.
  • L’Iran en pleine agitation sociale et politique, est potentiellement hors de capacité d’intervenir massivement contre une attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, malgré des annonces faites en ce sens.
  • Le Sud Caucase est potentiellement à la portée d’une attaque panturque coordonnée par Bakou et Ankara, établissant un corridor de circulation en l’imposant à l’Arménie par une victoire militaire.

Alors que la Turquie, puissance du capitalisme bureaucratique expansionniste, se trouve aux portes d’un choix historique : ou bien l’expansion et donc la guerre, ou bien le reflux, que le régime turc est chauffé à blanc sous le poid de ses propres préjugés nationalistes, et que son allié azerbaïdjanais à le fusil à la botte, prêt à se ruer sur le Karabagh arménien et l’Arménie, le régime arménien a choisi le suicide de la fuite en avant, n’ayant de fait plus d’espace dans la Crise qui monte et le repartage du monde allant à la guerre mondiale qui se précise chaque jour un peu plus.

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Société

Boycotter la Coupe du monde 2022 au Qatar ou vendre son âme

C’est une question de principes.

Sur les huit stades qui accueillent la Coupe du monde de football 2022, un seul existait avant la désignation du Qatar en 2010 comme organisateur. Le Qatar, c’est globalement la taille de la Corse, dont essentiellement du désert. En termes de population, c’est équivalent au département du Nord, avec environ 2,5 millions d’habitants.

Il a donc fallu, en douze ans, construire sept stades internationaux, de manière totalement artificielle, à grand renfort de main-d’œuvre étrangère. Elle est essentiellement asiatique, d’Inde, du Bangladesh, du Népal, du Sri Lanka ou du Pakistan, et a choisi de venir s’y faire exploiter dans des conditions très difficiles, notamment de chaleur.

Il fait tellement chaud au Qatar qu’il a fallu décaler la Coupe du monde à la fin de l’année. Dans un premier temps, il avait été envisagé de climatiser ces stades à ciel ouvert pour organiser des matchs par 40°C minimum. Ces systèmes de climatisations ont malgré tout été installés sur 7 des 8 stades, mais ils ne devraient que peu servir avec des températures attendues autour de 25°C ; leur existence en dit néanmoins très long sur le mépris de la nature par les organisateurs de cette compétition, tant de la Fifa que du Qatar.

Le plus grand est le stade Lusail, dans la ville éponyme sortie de terre pour l’occasion. Il fait 80 000 places.

À une cinquantaine de kilomètres au nord de Doha, il y a le stade Al-Bayt, qui fait 60 000 places et a été construit en forme de tente de bédouins.

Les autres stades construits pour l’occasion ont tous une capacité de 40 000, soit plus que la plupart des stades de Ligue 1 en France.

Le stade Al-Janoub est quant à lui censé représenter les coques de bateaux de pêche perlière des côtes de la péninsule arabique.

Le stade Education City à Doha reprend la forme d’un diamant.

Le stade Ahmed Ben Ali a vu une ligne de métro spécialement édifiée pour le desservir, aux portes du désert.

Le stade Al-Thumama a une forme représentant la taqiyah, le couvre-chef traditionnel des hommes.

Le stade Ras Abu Aboud a été fabriqué avec des conteneurs de marchandises.

Le stade international Khalifa, qui existait auparavant, a été entièrement remodelé et a également une capacité de 40 000 places.

Tout cela est grotesque, et insupportable pour qui n’a pas encore totalement vendu son âme au diable capitalisme. Tant écologiquement que culturellement, construire tous ces stades dans un si petit pays, de surcroît désertique, qui plus est sans aucune dimension populaire par rapport au football, est inacceptable.

Tout comme il est inacceptable d’avoir des bâtiments aussi grotesques, sans saveur, qui sont d’ailleurs maintenant la norme partout dans le monde, y compris en Europe.

Il n’y a que les gens cyniques et désabusés, ayant totalement accepté leur condition de rouage du capitalisme tournant à plein régime, pour se dire que ce n’est pas pire qu’autre chose et suivre cette Coupe du monde.

Pour les autres, pour ceux qui refusent de vendre leur âme, boycotter cette Coupe du monde est une évidence. Cela ne changera pas le monde, cela ne changera même rien à la terrible marche du monde. Mais c’est bien la moindre des choses.

On se rappellera au passage que la question se posait exactement en les mêmes termes pour les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin, tout aussi odieux, artificiels et contre-nature. Il était juste de les boycotter, comme il est juste de ne surtout pas regarder de match ni s’intéresser à ce mondial 2022 au Qatar… Sauf pour diffuser une réelle critique du capitalisme.

Le fameux « mur jaune » des supporters du Borussia Dortmund en Allemagne.
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Guerre

L’Ukraine tente de mettre le feu à sa frontière polonaise

Une provocation criminelle.

Le régime ukrainien est en totale décomposition et il tente d’attirer avec lui le monde entier dans l’abîme. C’est ni plus ni moins le sens des accusations de Vladimir Zelenski et de son entourage envers la Russie, qui aurait selon eux volontairement bombardé la Pologne le 15 novembre 2022.

Cette accusation s’est propagée méthodiquement le 16 novembre, avec en soirée les médias occidentaux qui se sont déchaînés dans la foulée, accusant l’armée russe.

L’arrière-plan, c’est l’envoi par l’armée russe de cent missiles sur l’Ukraine le 15.

L’Ukraine a en fait tenté une provocation afin de chercher à se sortir de sa situation désespérée à terme. D’où l’accusation d’un missile russe tombé en Pologne, alors que factuellement il était facile de savoir qu’il était ukrainien.

L’objectif du régime ukrainien était l’escalade militaire. La Pologne étant dans l’Otan, une attaque russe signifierait le déclenchement de l’article 5 du traité de l’Alliance atlantique, donc l’intervention des alliés contre la Russie, et donc la 3e guerre mondiale.

Évidemment, tout cela n’a pas de sens, du moins pour l’instant ; la Russie n’a aucun intérêt à tirer sur un tracteur dans une ferme polonaise pour tuer deux personnes. Mais le ridicule n’effraie pas les dirigeants d’un régime aux abois, qui ont été livrés en pâture à la Russie par les Américains, et qui maintenant se rendent compte de l’immense pétrin dans lequel ils sont. L’Ukraine est terrassée par ce conflit qui tue des vagues entières de mobilisés sur le front et envoie des vagues encore plus grandes d’Ukrainiens se réfugier à l’étranger – y compris en Russie.

Sur le plan militaire, c’est une Bérézina pour l’Ukraine, malgré les propos ridicules que l’on peut entendre dans les médias français décrivant une armée russe connaissant revers sur revers, et une Russie au bord de l’effondrement… Alors qu’il est en même temps expliqué que l’armée russe risque d’envahir toute l’Europe de l’Est. La propagande est ininterrompue, afin de préparer les opinions publiques occidentales à accepter l’intervention de l’OTAN pour sauver le régime ukrainien.

Du côté de l’état-major américain par contre, là où se décide véritablement le sort de l’Ukraine, le discours est très clair. Le général Mark Milley a tenu une conférence de presse dans la journée du 16 novembre pour dire qu’il est peu probable que l’Ukraine déloge bientôt la Russie de l’ensemble des territoires occupés :

«La probabilité d’une victoire militaire ukrainienne, expulsant les Russes de tout l’Ukraine y compris (…) la Crimée, la probabilité que cela se passe de sitôt n’est pas très élevée militairement. »

L’Ukraine est également terrassée par la campagne massive de bombardements russes visant ses infrastructures électriques et stratégiques, au point que des millions de gens sont régulièrement coupés du réseau. Malgré la fourniture d’armes et de missiles occidentaux, l’armée ukrainienne n’a pour ainsi dire aucune défense anti-aérienne.

L’armée ukrainienne utilise des missiles sol-air avec les moyens du bord, ceux-ci atterrissent parfois sur des civils et c’est justement ce qui s’est passé à Przewodow en Pologne, comme l’ont confirmé tant les Américains que les Polonais. Bien sûr, c’est surtout l’Otan, directement concernée, qui devait réagir pour calmer le jeu, à moins d’assumer dès aujourd’hui la 3e guerre mondiale.

Jens Stoltenberg a donc mis fin à toutes les spéculations en déclarant le 16 novembre, après avoir lui-même mis de l’huile sur le feu en disant qu’il fallait attendre, que l’OTAN se réunissait, etc. :

« Notre analyse préliminaire suggère que l’incident a été probablement causé par un missile de système ukrainien de défense anti-aérienne tiré pour défendre le territoire ukrainien contre les missiles de croisière russes. »

Mais les dirigeants ukrainiens sont tellement furieux dans leur nationalisme fanatique qu’ils accusent encore la Russie pour faire monter la pression, quitte à déformer les faits comme ce fut le cas à Bucha et à la gare de kramatorsk, d’ailleurs.

Vladimir Zelenski expliquant dans une vidéo aux dirigeants du G20 à Bali que ce missile en Pologne ne serait « rien d’autre qu’un message de la Russie adressé au sommet du G20 » ayant eu lieu en même temps à Bali en Indonésie, alors que le ministre ukrainiens des Affaires étrangères qualifie de « théories du complot » toutes les affirmations contredisant son récit quant à un missile russe.

Malgré les explications américaines, et celles de l’Otan, récusant la thèse ukrainienne, le président ukrainien continuait d’ailleurs ses accusations hystériques dans la soirée du 16 novembre :

« Je n’ai aucun doute que ce missile n’était pas à nous. Je crois que c’était un missile russe conformément au rapport des militaires. »

Cet acharnement en dit long sur l’état de délabrement du régime ukrainien, au bord de la faillite.

On aura remarqué aussi le niveau hallucinant de bellicisme en France, où cette information a été dans un premier temps traitée en assumant totalement la possibilité de la thèse ukrainienne du missile russe, contre toute vraisemblance. Jusque tard dans la journée du 16 novembre, Emmanuel Macron était encore très timoré sur les faits, laissant planer le doute quant à la possibilité d’un tir de missile russe et donc d’un emballement vers la 3e guerre mondiale.

Il ne faut pas s’attendre à ce qu’il en soit toujours ainsi et que les choses ne s’emballent pas, bien au contraire. Cet épisode fait encore monter les choses en gamme !

Voici, pour documentation, la déclaration le 16 novembre 2022 du Canada, de la Commission européenne, du Conseil européen, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, des Pays-Bas, de l’Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis, en marge du Sommet du G20 à Bali.

Aujourd’hui, les dirigeants du Canada, de la Commission européenne, du Conseil européen, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, des Pays-Bas, de l’Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis se sont réunis en marge du Sommet du G20 à Bali et ont publié la déclaration suivante :

Nous condamnons les attaques de missiles barbares que la Russie a perpétrées mardi contre des villes et des infrastructures civiles ukrainiennes.  

Nous avons discuté de l’explosion qui a eu lieu dans la partie orientale de la Pologne, près de la frontière avec l’Ukraine. Nous offrons notre plein soutien et notre assistance à l’enquête en cours en Pologne. Nous avons convenu de rester en contact étroit afin de déterminer les prochaines étapes appropriées à mesure que l’enquête progresse. 

Nous réaffirmons notre soutien indéfectible à l’Ukraine et au peuple ukrainien face à l’agression russe, ainsi que notre volonté constante de tenir la Russie responsable de ses attaques contre les communautés ukrainiennes, alors même que le G20 se réunit pour faire face aux conséquences plus larges de la guerre. Nous exprimons nos condoléances aux familles des victimes en Pologne et en Ukraine. 

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Guerre

Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise roulent pour la superpuissance américaine

Main dans la main avec Emmanuel Macron contre la Russie.

Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise sont des escrocs. Non seulement ils n’ont rien de gauche, car ils torpillent l’héritage de la Gauche historique, mais en plus ils ne sont même pas de vrais opposants au régime.

Ils ne sont que des nationalistes de pacotille qui au premier soubresaut du 21e siècle, à savoir la guerre en Ukraine déclenchant la guerre mondiale pour le repartage du monde, se sont précipités au service du régime français vassal de la superpuissance américaine.

C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon et plusieurs députés de la France insoumise ont accueilli à l’Assemblée trois opposants russes à Vladimir Poutine avec l’aval d’Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon remerciant Emmanuel Macron pour avoir aidé « d’un bout à l’autre » à faire venir ces opposants russes.

Et Mathilde Panot récitant à l’Assemblée nationale exactement le discours du régime français, vassal de la superpuissance américaine :

« C’est Poutine et son oligarchie, eux seuls, qui portent la responsabilité de la guerre en Ukraine ».

Elle explique ensuite qu’il faut :

« travailler pour isoler le pouvoir russe. Accueillir et soutenir ses opposants y participe ».

Faire tomber Poutine en Russie, c’est exactement le plan américain. C’est très facile à voir et à comprendre. La superpuissance américaine veut dépecer la Russie (depuis 2014) pour affaiblir la superpuissance chinoise, car la Russie est tendanciellement dans son camp. En effet, la guerre mondiale pour le repartage du monde est l’actualité principale de notre époque, et cela signifie l’affrontement entre les États-Unis et la Chine, son challenger pour l’hégémonie mondiale.

Quiconque prend position à notre époque s’inscrit forcément par rapport à cette actualité principale. Et en France, pays membre de l’Otan, aligné sur la superpuissance américaine, l’ennemi du peuple est obligatoirement principalement la superpuissance américaine. Aucune position intermédiaire n’est possible, à moins de mentir au peuple et de le désarmer politiquement.

Dire, en France en 2022, qu’il faut renverser Poutine, n’a aucun sens pratique, à moins de rouler pour la superpuissance américaine.

Non pas qu’il ne faille pas renverser le régime russe : mais ça, c’est le travail des Russes de gauche. Mais ce n’est pas à l’Assemblée nationale française que ça se joue, surtout quand cette Assemblée nationale est entre les mains d’un régime vassal de la superpuissance américaine ayant justement pour projet de renverser Poutine.

C’est aussi simple que cela. Les Français qui ne dénoncent pas principalement la superpuissance américaine et l’Otan ne peuvent pas prétendre être dans le camp démocratique luttant pour la paix. Alors, quand les « insoumis » prononcent exactement le discours nécessaire à la superpuissance américaine, ils sont non seulement disqualifiés pour le pacifisme, mais en plus ils sont la 5e colonne de la superpuissance américaine.

Parmi les opposants russes accueillis, il y a surtout Alexey Sakhnin, l’un des principaux dirigeants d’une grande alliance réformiste issue de la Gauche en Russie. Il a quitté cette coalition suite à l’invasion de l’Ukraine, et explique :

« Je ne regrette pas la position adoptée par le Front de gauche durant l’année tragique 2014 en Ukraine, position à laquelle j’ai largement contribué. Nous avons alors condamné les deux parties prenantes du conflit et avons appelé les peuples concernés par ce conflit à ne pas se dresser les uns contre les autres mais à se dresser contre ceux qui les ont poussés à commettre ce meurtre fratricide.

En tant que vrais communistes et socialistes nous avons reconnu le droit des peuples à l’autodétermination. Nous avons condamné la guerre monstrueuse du Donbass et les attaques de l’armée ukrainienne contre des villes pacifiques. Personnellement je vivais à cette époque-là en Suède et cette position m’a coûté cher. Mais aujourd’hui je considère que cette position était juste. Et aujourd’hui quand les agents de propagande du Kremlin, accusés d’avoir déclenché une guerre fratricide, répondent « pourquoi vous avez gardé le silence quand on tuait des enfants dans le Donbass », j’ai parfaitement le droit moral de répondre : « moi je n’ai pas gardé le silence ». 

Mais aujourd’hui c’est la clique de Poutine qui a déclenché une agression armée d’une ampleur sans précédent. Et c’est là le fait principal. On ne peut pas cacher ce fait en disant lâchement que ce sont les manœuvres des impérialistes américains (et de fait ces manœuvres existent) ; ou que ce sont les crimes de l’ultradroite ukrainienne (et ces crimes sont nombreux) ; ou justifier le sang des innocents de Kharkov, Odessa, Kiev par le sang versé à Donetsk et à Lougansk. »

Cela est absurde. Soit Alexey Sakhnin pense toujours qu’il faut condamner les deux parties prenantes du conflit et appeler les peuples concernés par ce conflit à ne pas se dresser les uns contre les autres, soit il prend position pour un camp contre l’autre. En venant à l’Assemblée nationale d’un pays partie prenante, la France qui est membre de l’Otan, avec l’aval du régime Français, pour dire exactement ce que veut entendre le régime français conformément au besoin de la superpuissance américaine, il prend de fait position pour un camp contre un autre.

Avec la France insoumise, il prend position pour la superpuissance américaine et participe à la guerre mondiale pour le repartage du monde, plutôt que de lutter contre celle-ci.

C’est exactement pareil quand Jean-Luc Mélenchon dit face à cette même Assemblée nationale :

« Plus que jamais, la France doit œuvrer à la paix et l’immense honneur que constitue le soutien à ses ardents défenseurs. »

Ce n’est là qu’une position de supplétif au régime français, pour lui donner un vernis démocratique. Car la vérité est que la France participe déjà à la guerre, en fournissant des armes, des renseignements, du matériel, des formations, et probablement des hommes.

Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise ne la dénoncent pas et prétendent même qu’elle pourrait jouer un rôle pour la paix. C’est de la manipulation, et cela signifie tout simplement qu’ils roulent totalement pour la superpuissance américaine et son organisation militaire internationale qu’est l’Otan.

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Guerre

Le 11 novembre 2022, rien de nouveau

C’était la première guerre mondiale.

La guerre est une horreur tout à fait concrète, épuisant les hommes au plus profond du corps et de l’esprit. Quand elle ne tue pas. C’est ce que raconte avec puissance le fameux roman À l’Ouest, rien de nouveau (Im Westen nichts Neues en allemand), publié par Erich Maria Remarque en 1929.

En voici les premières lignes, racontant la vie d’une poignée d’hommes au front. Ils sont les rares survivants d’une compagnie de 150 personnes et se retrouvent alors très content d’avoir une immense ration de nourriture et de tabac à se partager.

Il faut lire ce livre, ainsi que voir le film éponyme sorti l’année suivante en 1930, car la guerre mondiale est à nouveau d’actualité le 11 novembre 2022, l’Humanité n’ayant toujours pas compris la leçon.

« À L’OUEST RIEN DE NOUVEAU« 

1

Nous sommes à neuf kilomètres en arrière du front. On nous a relevés hier. Maintenant, nous avons le ventre plein de haricots blancs avec de la viande de bœuf et nous sommes rassasiés et contents. Même, chacun a pu encore remplir sa gamelle pour ce soir ; il y a en outre double portion de saucisse et de pain : c’est une affaire ! Pareille chose ne nous est pas arrivée depuis longtemps ; le cuistot, avec sa rouge tête de tomate, va jusqu’à nous offrir lui-même ses vivres. À chaque passant il fait signe avec sa cuiller et lui donne une bonne tapée de nourriture. Il est tout désespéré parce qu’il ne sait pas comment il pourra vider à fond son « canon à rata ». Tjaden et Müller ont déniché des cuvettes et ils s’en sont fait mettre jusqu’aux bords, comme réserve. Tjaden agit ainsi par boulimie, Müller par prévoyance. Où Tjaden fourre tout cela, c’est une énigme pour tout le monde : il est et reste plat comme un hareng maigre.

Mais le plus fameux, c’est qu’il y a eu aussi double ration de tabac. Pour chacun, dix cigares, vingt cigarettes et deux carottes à chiquer : c’est très raisonnable. J’ai troqué avec Katczinsky mon tabac à chiquer pour ses cigarettes, cela m’en fait quarante. Ça suffira bien pour une journée.

À vrai dire, toute cette distribution ne nous était pas destinée. Les Prussiens ne sont pas si généreux que ça. Nous la devons simplement à une erreur.

Il y a quinze jours, nous montâmes en première ligne pour relever les camarades. Notre secteur était assez calme, et par conséquent le fourrier avait reçu, pour le jour de notre retour, la quantité normale de vivres et il avait préparé tout ce qu’il fallait pour les cent cinquante hommes de la compagnie. Or, précisément, le dernier jour il y eut, chez nous, un marmitage exceptionnel ; l’artillerie lourde anglaise pilonnait sans arrêt notre position, de sorte que nous eûmes de fortes pertes et que nous ne revînmes que quatre-vingts.

Nous étions rentrés de nuit et nous avions fait aussitôt notre trou, pour pouvoir, enfin, une bonne fois, dormir convenablement ; car Katczinsky a raison, la guerre ne serait pas trop insupportable si seulement on pouvait dormir davantage. Le sommeil qu’on prend en première ligne ne compte pas et quinze jours chaque fois c’est long.

Il était déjà midi lorsque les premiers d’entre nous se glissèrent hors des baraquements. Une demi-heure plus tard chacun avait pris sa gamelle et nous nous groupâmes devant la « Marie-rata », à l’odeur grasse et nourrissante. En tête, naturellement, étaient les plus affamés : le petit Albert Kropp, qui, de nous tous, a les idées les plus claires, et c’est pour cela qu’il est déjà soldat de première classe ; Müller, numéro cinq, qui traîne encore avec lui des livres de classe et rêve d’un examen de repêchage (au milieu d’un bombardement il pioche des théorèmes de physique) ; Leer, qui porte toute sa barbe et qui a une grande prédilection pour les filles des bordels d’officiers ; il affirme sous serment qu’elles sont obligées, par ordre du commandement, de porter des chemises de soie et, pour les visiteurs à partir de capitaine, de prendre un bain préalable ; le quatrième, c’est moi, Paul Baümer. Tous quatre âgés de dix-neuf ans, tous quatre sortis de la même classe pour aller à la guerre.

Tout derrière nous, nos amis. Tjaden, maigre serrurier, du même âge que nous, le plus grand bouffeur de la compagnie. Il s’assied pour manger, mince comme une allumette et il se relève gros comme une punaise enceinte ; Haie Westhus, dix-neuf ans aussi, ouvrier tourbier, qui peut facilement prendre dans sa main un pain de munition et dire : « Devinez ce que je tiens là » ; Detering, paysan qui ne pense qu’à sa ferme et à sa femme ; et, enfin, Stanislas Katczinsky, la tête de notre groupe, dur, rusé, roublard, âgé de quarante ans, avec un visage terreux, des yeux bleus, des épaules tombantes et un flair merveilleux pour découvrir le danger, la bonne nourriture et de beaux endroits où s’embusquer.

Notre groupe formait la tête du serpent qui se déroulait devant le canon à rata. Nous nous impatientions, car le cuistot était encore là immobile et attendait ingénument.

Enfin, Katczinsky lui cria :

« Allons, ouvre ta cave à bouillon, Henri ; on voit pourtant que les fayots sont cuits ! »

L’autre secoua la tête d’un air endormi :

« Il faut d’abord que tout le monde soit là. »

Tjaden ricana :

« Nous sommes tous là. »

Le caporal cuisinier ne s’était encore aperçu de rien.

« Oui, vous ne demanderiez pas mieux. Où sont donc les autres ?

— Ce n’est pas toi qui les nourriras aujourd’hui ! Ambulance et fosse commune. »

Le cuistot fut comme assommé lorsqu’il apprit les faits. Il chancela.

« Et moi qui ai cuisiné pour cent cinquante hommes ! »

Kropp lui donna une bourrade :

« Eh bien, pour une fois, nous mangerons à notre faim. Allons, commence ! »

Mais, soudain, Tjaden eut une illumination. Sa figure pointue de souris prit un teint luisant : ses yeux se rapetissèrent de malice, ses joues tressaillirent et il s’approcha le plus qu’il put :

« Mais alors… mon vieux !… tu as reçu aussi du pain pour cent cinquante hommes, hein ? »

Le caporal, encore estomaqué et l’esprit ailleurs, fit un signe de tête affirmatif.

Tjaden le saisit par la veste.

« Et aussi de la saucisse ? »

La tête de tomate fit oui de nouveau.

Les mâchoires de Tjaden tremblaient.

« Et aussi du tabac ?

— Oui, de tout. »

Tjaden regarda autour de lui, d’un air radieux.

« Nom de Dieu ! c’est ce qu’on appelle avoir de la veine ! Alors tout va être pour nous ! Chacun va recevoir… Attendez donc… ma foi oui, exactement double ration. »

Mais voici que la tomate revint à la vie et déclara :

« Non, ça ne va pas. »

Alors, nous aussi, nous nous éveillâmes et nous poussâmes en avant.

« Pourquoi donc que ça ne va pas, vieille carotte ? demanda Katczinsky.

— Ce qui est pour cent cinquante hommes ne peut pas être pour quatre-vingts.

— C’est ce que nous te ferons voir, grogna Müller.

— Le fricot, si vous voulez ; mais, les rations, je ne puis vous en donner que pour quatre-vingts », persista la tomate.

Katczinsky se fâcha.

« Tu veux te faire ramener à l’arrière, n’est-ce pas ?… Tu as de la bectance, non pas pour quatre-vingts hommes, mais pour la deuxième compagnie, suffit ! Tu vas nous la donner. La deuxième compagnie, c’est nous. »

Nous serrâmes de près le gaillard. Personne ne pouvait le souffrir : plusieurs fois déjà il avait été cause que dans la tranchée nous avions reçu la nourriture avec beaucoup de retard et toute froide, parce que, quand il y avait un peu de bombardement, il n’osait pas s’avancer suffisamment avec ses marmites, de sorte que nos camarades, en allant chercher le manger, avaient à faire un chemin beaucoup plus long que ceux des autres compagnies. Bulcke, de la première, par exemple, était un bien plus chic type. Il avait beau être gras comme une marmotte, lorsque c’était nécessaire, il traînait lui-même les plats jusqu’à la première ligne.

Nous étions précisément de l’humeur qu’il fallait et, à coup sûr, il y aurait eu de la casse, si notre commandant de compagnie ne s’était pas trouvé à venir. Il demanda la raison de la dispute et se contenta de dire :

« Oui, nous avons eu hier de fortes pertes…» Puis il regarda dans la chaudière.

« Les haricots ont l’air bon. » La tomate fit signe que oui.

« Cuits avec de la graisse et de la viande. »

Le lieutenant nous regarda. Il savait ce que nous pensions. Il savait aussi beaucoup d’autres choses, car il avait grandi parmi nous, et il n’était que caporal quand il était venu à la compagnie. Il souleva encore une fois le couvercle de la chaudière et renifla. En s’en allant il dit :

« Apportez-m’en aussi une pleine assiette. Et on distribuera toutes les rations : ça ne nous fera pas de mal. »

La tomate prit un air stupide, tandis que Tjaden dansait autour de lui.

« Ça ne te fait aucun tort, à toi. On dirait que les subsistances lui appartiennent ! Allons, commence, vieux fricoteur, et ne te trompe pas en comptant…

— Va te faire foutre ! » hurla la tomate.

Il était tout dérouté ; une pareille chose ne pouvait pas entrer dans son esprit ; il ne comprenait plus le monde où il se trouvait. Et, comme s’il eût voulu montrer que maintenant tout lui était égal, de son propre mouvement il distribua encore par tête une demi-livre de miel artificiel.

Aujourd’hui, c’est vraiment une bonne journée. Même le courrier est là ; presque tout le monde a reçu des lettres et des journaux. Maintenant nous déambulons vers le pré derrière les baraquements. Kropp a sous son bras le couvercle d’un fût de margarine. »

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Politique

Éviction de Steeve Briois : la fin du « rêve » national-social

Le Rassemblement national met Hénin-Beaumont de côté.

Fraîchement élu président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a recomposé son bureau exécutif, l’organe décisionnel du parti. L’éviction de ce bureau exécutif de Steeve Briois, maire depuis 2014 d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, est particulièrement marquante.

C’est en effet lui qui a ancré Marine Le Pen dans ce territoire populaire depuis le début des années 2010, au point de la faire élire députée du département. Le « nord », et particulièrement cette ville d’Hénin-Beaumont, a représenté pour le Front national devenu Rassemblement national tout un symbole, et même une stratégie à part entière.

Il s’est agi d’un tournant social entièrement assumé, en captant la base prolétaire et petite-bourgeoise d’un territoire « périphérique » avec un discours nationaliste à prétention sociale. Loin des grandes métropoles technocratiques et modernistes donc, loin de la Droite traditionnelle et de la Gauche bobo.

De fait, Marine Le Pen a siphonné des pans entiers de l’électorat de la Gauche, mais surtout elle a coupé l’herbe sous le pied de la Gauche historique avec cette orientation. Localement, c’est une véritable catastrophe tellement ce mouvement a été, et est encore, puissant.

Immédiatement après son éviction du bureau exécutif du Rassemblement national, Steeve Briois a réagi avec des mots très durs à l’encontre de son parti, l’accusant de se tourner unilatéralement vers la Droite :

« Je ne peux qu’y voir un rabougrissement, et j’espère que le Rassemblement national n’est pas en train de céder au grand compromis nationaliste, cette stratégie d’union des droites radicales, qui a échoué à la présidentielle, plutôt que de l’ensemble des patriotes de droite comme de gauche ».

De fait, il considère que son éviction marque « un début de purge contre ceux qui défendent la ligne sociale », au profit de courants « droitards » qu’il qualifie d’identitaires et intégristes. On comprendra qu’il s’agit là de la ligne portée par Eric Zemmour et Marion Maréchal.

Cette nouvelle orientation du Rassemblement national, si elle s’avère réelle, sera forcément une bonne chose pour la Gauche historique. Elle ouvrira à nouveau l’espace qu’elle a odieusement abandonné au nationalisme.

Le prix à payer en revanche sera très cher, car il y aura forcément une radicalisation très forte de la Droite, qui va chercher à avancer tel un rouleau compresseur dans le contexte de crise, pour non plus séduire les classes populaires, mais les annihiler puis les écraser.

Il y a là probablement une nouvelle phase politique qui se dessine en France, et il s’agit d’être à la hauteur. La fin du « rêve » national-social en mode Hénin-Beaumont est une occasion à ne pas rater, mais il va falloir travailler dur pour être à niveau.

Car la Gauche historique part de loin, de très loin, et il y a toute à reconstruire. Et ce n’est pas avec le populisme de La France insoumise et son racolage lamentable sur le racisme et l’immigration qu’on arrivera à quelque-chose.

Il va falloir une sévère remise en cause, à tous les niveaux, pour se mettre à la hauteur des exigences. Cela va être rude, très rude, et dans un contexte toujours plus explosif. Cela va être un grand déchirement intérieur !

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Guerre

L’Ukraine au bord des ténèbres, l’OTAN cherche l’escalade

Le mois de novembre s’annonce terrifiant.

Il n’y a plus aucun doute sur les intentions de la Russie visant à terrasser l’ouest de l’Ukraine passée aux mains de l’OTAN. Elle a procédé à une nouvelle série de frappes militaires lundi 31 octobre 2022, oeuvrant à pratiquement liquider le réseau électrique. L’approvisionnement en électricité dans le pays est largement perturbé, les métros de Kiev et de Kharkov ont cessé de fonctionner, 80% des habitants de Kiev n’ont plus d’eau et 350 000 foyers de la ville sont sans électricité d’après les autorités municipales.

Ont été touchées à l’aide d’une cinquantaine de missiles de croisière de type X-101/X-555 lancés par des avions les centrales électriques 5 et 6 de Kiev, celles de Lviv et Krementchouk et les centrales hydroélectriques de Zaporojié et Novodnestrovskaïa. Des dizaines d’installations pour la plupart liées au système énergétique ont également été visées partout dans le pays.

Ces frappes ont été qualifiées de « catastrophiques » lors d’une réunion d’urgence du gouvernement ukrainien. Le réseau du pays, en tension maximale en raison des frappes depuis le 10 octobre, s’est pratiquement effondré lundi 31 octobre.

La carte des frappes du 31 octobre 2022

Si probablement plus de la moitié de la capacité de production d’électricité est encore en fonctionnement, notamment la capacité nucléaire, c’est en fait surtout le réseau qui a été détruit et particulièrement les transformateurs des réseaux de 330 kV. Les réseaux de 750 kV recevant l’électricité des centrales nucléaires ukrainienne sont alors inutiles sans les réducteurs vers les réseaux de 330 kV.

Non seulement l’Ukraine est pratiquement plongée dans le noir, mais en plus la restauration du système énergétique va être extrêmement longue et coûteuse. Le pays est à genoux. De son côté, la Russie manœuvre comme elle le souhaite, malgré les pseudo contre-offensives ukrainiennes, et elle fait la pluie et le beau temps sur la Mer Noire.

Suite d’ailleurs à une attaque repoussée contre des navires de la flotte de la mer Noire et des navires civils du port de Sébastopol durant le week-end, la Russie a annoncé suspendre unilatéralement sa participation à l’accord (sous l’égide de l’ONU) sur les exportations de céréales des ports ukrainiens. Un décision rude, car la Russie accuse désormais directement, et c’est une chose tout à fait nouvelle, le Royaume-Uni.

Il y a quelques jours déjà, les Britanniques ont été accusés d’avoir participé à la planification et à l’exécution des sabotages des gazoducs Nord Stream 1 et 2. Cette fois ils sont désignés comme coupables de l’attaque sur Sébastopol au moyen de la gestion de drones. La Russie affirme qu’elles sont menées par des spécialistes britanniques situés dans la base navale de Ochakov, dans l’oblast de Mykolaiv, entre Nikolaev et Odessa.

On comprend tout de suite que cette accusation est lourde de sens et implique à très court termes un basculement du conflit avec un engagement direct de l’OTAN. Il ne fait aucun doute que la guerre n’est plus entre la Russie et l’Ukraine, mais entre la Russie et l’OTAN, même si cela reste encore indirect et contenu.

Cela n’empêche pas que la Russie accuse déjà directement l’OTAN, affirmant que l’Ukraine est un terrain d’essai pour les armes de l’OTAN et une bataille contre la Russie « jusqu’au dernier Ukrainien ».

À l’Assemblée générale des Nations unies, le représentant russe Nebenzia a souligné que, pour l’OTAN, l’escalade du conflit est un tremplin vers un plan de longue date visant à vaincre ou à affaiblir la Russie, pour lequel l’Ukraine est depuis longtemps mise sous contrôle.

Le 31 octobre 2022 également, la Norvège, membre de l’OTAN, partageant une frontière avec la Russie, a relevé son niveau d’alerte militaire. Le premier ministre norvégien explique pourtant qu’il n’y a aucune menace directe contre le pays de la part de la Russie…. Il précise même :

« Je dois souligner qu’il ne s’est rien produit au cours du dernier jour ou des dernières journées qui fait que l’on monte d’un cran maintenant. C’est une évolution dans le temps qui fait que l’on passe à cela ».

C’est donc une escalade militaire tout à fait assumée, avec en arrière plan les États-Unis qui commandent directement la conduite à tenir pour la Norvège, comme pour tous les pays vassalisés à sa superpuissance.

La course à l’abîme continue… le désastre à venir montre toujours plus son hideux visage à la vue de tous, dans l’indifférence pourtant.

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Société

L’heure n’est plus aux doléances

L’approche « citoyenne » fait désormais face à un mur.

En France, il existe un secteur très important, qui brasse beaucoup d’énergie humaine et d’argent, appelé le « monde associatif ». C’est dans cet écosystème que s’expriment la majorité des opinions et des causes, que les gens participent aujourd’hui le plus à l’exercice politique. C’est potentiellement en cela un secteur démocratique important, qui au début du siècle dernier, était même très politisé, les structures étant d’une manière ou d’une autre liées à la SFIC, la SFIO ou à l’Église.

À partir des années 1970, avec la désagrégation progressive des différents blocs politiques, le secteur associatif a été intégré de plus en plus aux institutions, les structures se liant à l’État matériellement par le biais de subventions, ou politiquement en se concentrant sur l’envoi de doléances aux différents services, en publiant des sondages, en négociant lors de rendez-vous en ministère.

Pour les plus grosses structures, c’est aujourd’hui le format « ONG » qui est privilégié, c’est à dire salarier quelques personnes et orienter leur travail vers la « sensibilisation des élus », pour les convaincre d’obtenir quelques ajustements. Le régime a mis au point tout un panel d’outils pour nourrir cela, comme les consultations publiques, les Conventions Citoyennes ou encore les divers « Grenelles ». Localement, les petites structures sont poussées à se fédérer dans de larges interfaces  (comme par exemple France Nature Environnement) pour justement accéder aux institutions.

En parallèle de tout cela, des vagues associatives naissent et disparaissent, parfois sans laisser de trace : Extinction Rébellion, Youth for Climate, les Colleuses contre les Féminicides…

Participer à une association aujourd’hui est lié au sentiment soit de participer aux institutions de manière indirecte, soit de palier à ses manques. L’état d’esprit se dégageant de tout cela étant que l’histoire avancerait en ligne droite, plus ou moins vite bien sûr, mais toujours vers le progrès, et qu’il suffirait de peser dans le bon sens.

C’est en tous cas la séquence dans laquelle se trouve généralement le monde associatif français à l’heure où nous parlons. Sauf que voilà, toute période touche à sa fin un jour, et la crise générale du capitalisme vient aujourd’hui enterrer cette époque naïve. La guerre mondiale apparaît à l’horizon, la crise économique est déjà là et l’État n’a soudainement plus rien à faire de la société civile. La culture, l’art, l’éducation, l’environnement, les animaux, tout cela doit passer à la trappe devant les exigences des classes dominantes.

Et l’actualité nous donne des exemples frappants de ce changement de situation. C’est le cas notamment de l’initiative « Un Jour Un Chasseur ».

En décembre 2020, un habitant du Lot, Morgan Keane, est abattu devant chez lui par un chasseur. Dans la foulée, quelques unes de ses amies proches créent un collectif pour dénoncer le crime et permettre une prise de conscience générale du problème, en cherchant le contact avec d’autres familles de victimes et en publiant des témoignages (absolument glaçants) provenant de toute la France. De fait, l’outil principal d’ « Un Jour Un Chasseur » est la publication de ces témoignages, ce qui a en soi une grande valeur démocratique. Voici un des nombreux récits collectés :

« Un jour, des plombs sont passés au-dessus du landau de mon bébé.

Lors d’une balade sur un chemin de halage aménagé, nous étions en famille et avons entendu des coups de feu qui semblaient très proches. Deux minutes plus tard, trois coups de feu tirés de très près et l’écorce de l’arbre qui se trouvait à ma droite a éclaté. Les plombs sont passés à deux centimètres au-dessus du landau de mon bébé et à quelques mètres de mon fils de quatre ans qui courait devant nous. Nous avons vu les chasseurs dans un champ à 200 mètres de nous et nous avons hurlé. Ils nous ont fait des bras d’honneur et nous ont mis en joue. Nous avons rebroussé chemin… »

En octobre 2021, cherchant un débouché politique à leur démarche, le collectif se saisit d’une procédure mise en place par le Sénat : les « E-Pétitions ». Le site du Sénat décrit cela en ces termes : « Les pétitions ayant recueilli au moins 100 000 signatures dans un délai de 6 mois sont transmises à la Conférence des Présidents qui peut décider d’y donner suite ».

En deux mois, 122.000 signatures sont collectées, notamment grâce à la poussée de quelques influenceurs sur les réseaux sociaux, et la « Conférence des Présidents » daigne ouvrir une « Mission de Contrôle sur la sécurisation à la chasse ».

Pendant un an, les sénateurs de la mission organisent des sorties lors de battues avec les services de communication de la Fédération de Chasse, reçoivent tous les représentants des Fédérations de sport d’extérieur, les assurances, l’Office National des Forêts et même le philosophe réactionnaire Charles Stépanoff, grand défenseur de la chasse comme rapport au sauvage…

Le rapport de la Mission est enfin publié le 14 septembre 2022. Sans grande surprise, l’avant-propos présente une série de statistiques en faveur du statu quo (toutes les victimes non-chasseurs sont par exemple écartées !) et dénonce même une « instrumentalisation des victimes » de la part des associations.

Parmi les demandes de la pétition, trois sont retenues dans le rapport : l’interdiction formelle de chasser en état d’ébriété, l’instauration d’un examen médical annuel pour les chasseurs et la communication des dates de battues au public (on se demande comment tout ceci n’était pas déjà obligatoire). Le reste des propositions est une série de cadeaux aux chasseurs, allant dans le sens d’un « circulez, il n’y a rien à voir » :

– Création d’un délit d’entrave à la chasse, sanctionnant de prison quiconque « poursuit des chasseurs pour prendre des photos ou des vidéos »

– Accroissement du pouvoir de police de la chasse des agents de la Fédération des Chasseurs

– Participation des chasseurs aux syndicats mixtes des parcs naturels

– Participation des chasseurs aux Commissions Départementales des Espaces, Sites et Itinéraires

– Remplacement de certaines poursuites pénales en cas de comportement dangereux de chasseurs par des stages alternatifs de formation

– Déduction fiscale pour les lieutenants de louveterie

C’est un véritable mur auquel s’est heurté le collectif, qui qualifie ce rapport d' »indécent » et d' »insultant pour les victimes de la chasse ». Et avec raison !

Face à cette assemblée de notables élus au suffrage indirect, dont la chasse est une sorte de ciment, quel danger peuvent bien représenter quelques tweets d’Hugo Clément ou la signature de 0,18% de la population ? Si, il y a encore quelques années, ce genre d’institution pouvait se permettre de jouer le jeu et d’au moins traiter cette démarche avec respect, il est évident qu’aujourd’hui ces pétitions seront mises dans un tiroir, voire même utilisées pour torpiller les associations signataires qui remuent trop les choses, comme cela a été le cas ici.

Qui va croire que le rapport de cette mission n’a été qu’une anomalie, ou que le prochain serait en faveur des animaux ou de la société civile en général ? Le lancement de « E-Pétitions » similaires par l’ASPAS ou le Parti Animaliste pour interdire certains modes de chasse démontre néanmoins la difficulté à saisir ce changement d’époque. Ce mur qui s’est élevé, les personnes engagées doivent le voir, et rapidement, pour ne pas envoyer les gens dans une impasse.

Pire, tous les acteurs de la société civile doivent prendre conscience de la situation pour ne pas servir de caution aux institutions qui vont maintenant assumer pleinement le cynisme et la destruction. La société française est à un vrai tournant, et l’heure doit passer maintenant à la mobilisation populaire et à la politisation la plus large possible. Ça ne sera pas chose aisée vu la démobilisation générale des masses dans tous les secteurs collectifs. Mais c’est le seul moyen d’éviter la catastrophe climatique, économique et même nucléaire qui approche, pour le moment sans rencontrer grande résistance.

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Guerre

Bombe sale ukrainienne : la France recadrée par les États-Unis

Le régime français n’a plus aucune indépendance.

La France s’est-elle fait rappeler à l’ordre directement par le Secrétaire d’État américain ? Toujours est-il qu’après le communiqué relativement « neutre » du 23 octobre 2022 de la part du ministère français des Armées relatant l’inquiétude russe quand à une bombe sale ukrainienne (voir notre article), le ministère des Affaires étrangères s’est fendu à son tour d’un communiqué dès le lendemain.

Celui-ci a la particularité d’être commun avec les États-Unis et le Royaume-Uni de reprendre mot pour mot la narration américaine. Plus question cette-fois de concevoir l’inquiétude russe et d’en appeler à la résolution pacifique.

Le nouveau communiqué, conformément aux intérêts américains, est très agressif contre les Russes, les accusant unilatéralement de mensonge, de chercher un prétexte pour jouer eux-mêmes l’escalade. Le document est très bref et consiste notamment en ce passage :

« Nos pays ont clairement indiqué qu’ils rejettent les allégations, à l’évidence fausses, de la Russie selon lesquelles l’Ukraine se prépare à utiliser une bombe sale sur son propre territoire. Personne ne serait dupe d’une tentative d’utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade. Nous rejetons plus généralement tout prétexte d’escalade de la part de la Russie. »

Il faut bien se rappeler ici que les États-Unis n’en ont strictement rien à faire de l’Ukraine et des Ukrainiens, mais que seule compte la possibilité d’affaiblir la Russie. La Russie est, en tous cas tendanciellement, alliée du grand rival qu’est la superpuissance chinoise, et cela fait des années que l’Ukraine est utilisée pour provoquer la Russie. Cela se fait d’autant plus facilement que la Russie elle-même est expansionniste et considère l’Ukraine comme un satellite en niant totalement l’existence de la nation ukrainienne.

Il n’en reste pas moins que les États-Unis arment et encadrent le régime ukrainien depuis 2014 et assument ses pires dérives, tant idéologiques que guerrières, surtout en ce qui concerne le Donbass. Alors du point de vue américain, lorsque la Russie évoque l’Ukraine, c’est donc comme si elle évoquait directement les États-Unis. Hors de question donc de laisser la Russie faire sa narration et critiquer d’une manière ou d’une autre l’Ukraine sur la scène internationale.

La France qui avait laissé un millimètre de porte ouverte aux inquiétudes russes, retourne donc bien sagement dans le rang américain. Le nouveau communiqué du ministère des Affaires étrangères rejette absolument toute perspective de pourparler de paix, alors qu’il était parlé la veille de résolution pacifique et de contact gardé entre les ministre des Armées de la France et le ministre de la Défense de la Russie.

Les États-Unis, ainsi que leur premier allié qu’est le Royaume-Uni, ne veulent certainement pas de la paix, bien au contraire. La France, faisant partie du commandement intégré de l’OTAN, s’est donc fait recadrer et est sommée de s’aligner totalement sur la superpuissance américaine en rejetant son communiqué de la veille.

C’est typique de notre époque et de la guerre pour le repartage du monde, avec des alliances qui vacillent, des tendances qui se forment, des contradictions qui s’exacerbent. La France, ancienne grande puissance, maintenant puissance secondaire, oscille entre ce qu’elle aimerait être (une puissance indépendante jouant sa propre partition) et ce qu’elle est vraiment (une puissance relative, inféodée à la superpuissance américaine).

Le communiqué du ministère des Affaires étrangères du 24 octobre 2022 montre bien que c’est cette dernière tendance qui l’emporte historiquement. La France n’a pas les moyens d’être une « troisième voix » sur la scène mondiale, et elle aurait trop à perdre à se ranger du côté des soit-disant « non alignés « , en fait du côté de la Chine. Alors la France se couche bien sagement face aux États-Unis et va donc continuer de mener la guerre à la Russie, quand bien même l’Ukraine jouerait de sa bombe sale.

Voici le communiqué en entier.

« Ukraine – Déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis (24 octobre 2022)

Nous, ministres des Affaires étrangères de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, réitérons notre soutien indéfectible à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine face à l’agression que mène la Russie. Nous restons déterminés à poursuivre notre soutien aux efforts de l’Ukraine pour défendre son territoire aussi longtemps qu’il le faudra.

Plus tôt ce jour, les ministres de la défense de nos trois pays se sont entretenus avec le ministre russe de la défense, Sergueï Choïgou, à sa demande. Nos pays ont clairement indiqué qu’ils rejettent les allégations, à l’évidence fausses, de la Russie selon lesquelles l’Ukraine se prépare à utiliser une bombe sale sur son propre territoire. Personne ne serait dupe d’une tentative d’utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade. Nous rejetons plus généralement tout prétexte d’escalade de la part de la Russie.

Nous avons également évoqué notre détermination commune à continuer de soutenir l’Ukraine et le peuple ukrainien par une assistance en matière sécuritaire, économique et humanitaire face à la guerre d’agression brutale du président Poutine. »

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Guerre

Formations de militaires, livraisons d’armes : la France mène de plus en plus concrètement la guerre à la Russie

La France est co-belligérante.

L’armée française va former 2000 militaires ukrainiens, au sein de plusieurs unités des forces armées. Il est parlé de manière très vague d’une instruction généraliste du combattant, de formations spécialisées et de formations aux équipements français livrés à l’armée ukrainienne. Le plan de formation étant directement « validé » par Emmanuel Macron.

Cela signifie une implication accrue de la France dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie, alors qu’elle a depuis le début engagé des moyens gigantesques contre la Russie. Selon les mots même du ministre Sébastien Lecornu, il est maintenant « changé d’échelle », alors qu’il y avait déjà eu des formations d’artillerie pour les canons les CAESAr.

Mais il est expliqué que la guerre va durer, et la France entend bien contribuer à ce qu’elle dure bel et bien, avec l’idée de « former une nouvelle génération de soldats, pour tenir dans la durée ».

Il faut au moins ça, pour servir docilement les intérêts américains voulant affaiblir durablement la Russie, et à plus long terme le camp de la Chine, dans le cadre de la grande bataille pour le repartage du monde. La France prend donc un risque énorme, en s’enfonçant elle-même dans la guerre, en participant de plein pied à la généralisation mondiale du conflit, et plus particulièrement en s’affrontant concrètement à la Russie.

Qu’il est ridicule alors d’entendre le ministre expliquer :

« Nous faisons cela en respectant les règles de droit, sans jamais être dans la cobelligérance car nous ne sommes pas en guerre. Nous aidons un pays qui est en guerre ».

Sébastien Lecornu peut bien tordre la réalité dans tous les sens, changer la signification des mots, cela ne change rien au fait que la France mène effectivement la guerre contre la Russie. En théorie, le ministre français s’appuie sur de la littérature juridico-universitaire, par exemple celle de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire qui explique :

« le fait de financer, équiper, par le biais de fourniture d’armements par exemple, renseigner ou entraîner d’autres forces armées que les siennes (…) n’est pas de nature à permettre de considérer qu’un État puisse recevoir la qualification de ‘partie à un conflit armé’ international, et donc de ‘cobelligérant’ au sens du droit des conflits armés ».

Mais la guerre, ce n’est pas de la littérature. Ce sont des canons et des fusils, avec des hommes s’en servant contre d’autres hommes, y compris des civils. Et en cela, la France est impliquée, et la Russie considère évidemment que la France est impliquée. Il y a alerte rouge à ce niveau, comme l’a d’ailleurs très bien dit le président français lui-même évoquant le risque d’une troisième guerre mondiale.

Ces gens ne sont donc pas seulement des fous furieux, ils sont aussi des criminels, car ils savent très bien ce qu’ils font, ils savent très bien à quoi ils s’engagent. A ce rythme, on se demande comment la guerre mondiale est évitable.

On ajoutera aussi que la France envisage pour bientôt une livraison de lance-roquettes unitaires [LRU], alors que l’Armée de Terre n’en possède que 13 (dont 8 opérationnels). Avec ce genre d’annonce, on n’est évidemment plus dans la simple aide et le soutien, mais bien dans l’implication militaire avec ses propres moyens mis au service d’un allié.

Le ministre des Armées a également confirmé la livraison de missiles sol-air français à courte portée Crotale, présentés comme « robustes » et « particulièrement utiles dans la lutte anti-drones et contre les bombardements aériens ». Mais là encore, la France ne possède pas des stocks immenses correspondant à ce système, et donc elle assume pleinement de livrer son propre matériel, en plus de former directement les militaire ukrainiens.

Le gouvernement français n’est plus seulement « va-t-en guerre », il est concrètement et activement dans la guerre à la Russie ! Il est en service commandé, via l’OTAN, pour défendre les intérêts de la superpuissance américaine, et cela va dégénérer. C’est la terrible réalité du mois d’octobre 2022, que nie pourtant la population française. Mais l’Histoire se chargera bientôt de le lui rappeler, et ce sera la douche froide… ou plutôt les balles froides et les missiles chauds bouillants.

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Guerre

Emmanuel Macron terrorisé par la 3e guerre mondiale

Il ne fallait pas jouer avec le feu.

Emmanuel Macron s’est montré très inquiet et paniqué à propos de la guerre en Ukraine lors d’un long entretien à la télévision, sur France 2, mercredi 12 octobre 2022. C’est quelque-chose de nouveau, qui montre que la guerre est à un tournant décisif et que les choses sérieuses commencent.

Pendant près de 8 mois, depuis le début de l’invasion du territoire ukrainien, la France s’est alignée de manière acharnée sur la superpuissance américaine contre la Russie, relayant systématiquement les pires propagandes, taisant les pires vérités. Cela dure d’ailleurs depuis 2014 et le coup d’État pro-américain à Kiev. Et cela n’a souffert d’aucune contestation politique, à part de deux secteurs particuliers, qui sont très isolés et minoritaires : la Gauche historique, dont nous nous revendiquons, et les franges nationalistes révolutionnaires françaises pro-Poutine.

Toujours est-il que le président ukrainien Zelensky s’est vu paré de toutes les vertus, et rien n’a été dit sur l’immonde régime nationaliste qu’il dirige. Inversement, la Russie a été présentée comme une puissance barbare dirigée par un fou furieux à liquider par tous les moyens. La France s’est engagée pleinement dans cette guerre, principalement en boycottant économiquement la Russie, en livrant du matériel militaire au régime ukrainien, et en relayant tout un tas de contre-vérités et de manipulations quant à la réalité de l’invasion russe.

Pendant huit mois, la France a donné une image de fermeté, jouant le jeu de l’Otan à fond, mais en vérité cela restait très virtuel. Personne dans le pays n’a considéré sérieusement le fait que la France soit en guerre contre la Russie, pas même le président Emmanuel Macron. L’Ukraine a été agité comme un totem, mais de manière très abstraite, superficielle.

Sauf que la guerre en Ukraine a pris une toute autre tournure depuis cette semaine, et maintenant c’est la panique.

Jusqu’à présent, l’invasion russe, aussi brutale et illégale soit-elle formellement, avait en pratique été menée avec beaucoup de doigté. Mais le régime russe a considéré que les choses ont été trop loin et qu’il est maintenant temps d’assumer la guerre totale. Ainsi que l’affrontement avec l’Otan. La France est sommée de choisir immédiatement son camp.

L’ambassadeur français en Russie a été convoqué publiquement pour cette raison la semaine dernière, et on comprendra facilement après avoir entendu Emmanuel Macron qu’il y a aussi eu en arrière plan une discussion diplomatique informelle entre les deux pays.

C’est logique. Si la France forme des militaires ukrainiens et livre des canons d’artillerie de longue portée, l’Ukraine en demandant encore et encore comme en témoigne l’ignoble vidéo officielle à ce sujet du 12 octobre 2022, et que ceux-ci servent contre la Russie (qui considère maintenant l’Est de l’Ukraine comme relevant de son territoire), de surcroît contre des civils (qui sont maintenant citoyen russes), alors forcément la France devient co-belligérante.

La conséquence de cela est dévastatrice évidemment, puisque cela signifie ni plus ni moins qu’un emballement vers la 3e guerre mondiale. Et c’est ce que semble découvrir le président Emmanuel Macron qui s’est justifié pendant de longues minutes à la télévision pour dire que la France n’est surtout pas en guerre contre la Russie, qu’elle ne veut pas d’escalade… et même qu’il va falloir discuter de paix !

C’est tout à fait ridicule, car la France, comme tous les membres de l’Otan, a largement contribué à ce que le conflit dégénère, comme nous l’avons systématiquement documenté et expliqué ici depuis le début du conflit.

D’ailleurs, la France était censée depuis 2014 faire respecter les accords de Minsk, puis de Minsk 2, devant pacifier et encadrer le conflit entre les populations du Donbass et le régime nationaliste ukrainien. Sauf que rien n’a été fait, bien au contraire. Ces accords ont été piétinés et c’est justement le prétexte à l’intervention russe.

De quelle paix parle donc alors Emmanuel Macron lorsqu’il explique maintenant qu’il va bien falloir se mettre autour de la table entre russes et ukrainiens pour négocier ? C’est absurde, car c’est trop tard, bien trop tard.

Emmanuel Macron ne peut pas à la fois fournir des armes à l’Ukraine qui réclame le retour de la Crimée dans son territoire, et demander à la Russie de discuter alors que celle-ci a totalement intégré la Crimée, et que de toute manière la population de la région est ultra-majoritairement russe et déterminée à rester russe.

C’est exactement pareil pour le Donbass, et probablement tout l’Est de l’Ukraine, où la population dans sa majorité s’est résolue à préférer la Russie à la terreur nationaliste anti-russe du régime ukrainien.

Il n’y a donc pas d’issue. A moins que le régime ukrainien s’effondre, qu’il cède tout l’Est et le Sud de son territoire, jusqu’à Odessa, la Russie ne négociera probablement rien du tout. Ou alors il va falloir que les pays de l’OTAN, dont la France, s’engagent concrètement contre la Russie et provoquent la 3e guerre mondiale.

Le problème d’Emmanuel Macron, c’est qu’il sait très bien que la France n’a pas les moyens d’un conflit militaire de haut intensité avec la Russie, qu’elle est incapable de faire une mobilisation ne serait-ce que partielle, qu’elle se ferait terrasser par la Russie… à moins que la planète entière se fasse terrasser par un échange dramatique de tirs nucléaires.

Voilà le terrible dilemme du président français, vulgaire dirigeant d’une puissance en perte de vitesse, totalement corrompue par le libéralisme, qui n’a plus comme perspective que le militarisme destructeur.

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Guerre

Attentat du pont de Crimée : vers la guerre totale

Les deux camps sont chauffés à blanc.

Exactement comme en 1914, le sol se dérobe sous le pied des Européens avec une succession d’événements de plus en plus graves et rapprochés entraînant avec eux d’ailleurs la population mondiale dans un gigantesque conflit généralisé. L’attaque le 8 octobre 2022 du pont reliant la Crimée à la région de Krasnodar marquera forcément un tournant majeur dans cette direction.

La Russie, qui depuis le début de l’invasion en février 2022, et voire même depuis 2014, joue une minutieuse partition semi-militaire, semi-diplomatique, avec une définition ultra-légaliste et politique de son « opération spéciale » en Ukraine, se retrouve maintenant entraînée sans retour sur la voie de la guerre totale.

On peut dire que le sabotage des gazoducs Nordstream 1 et 2 était déjà un marqueur de cela, mais au fond il s’agissait surtout d’une attaque visant l’Allemagne, en l’obligeant à se détourner entièrement de la Russie puisqu’il n’y a plus de gaz à en attendre.

En revanche, l’explosion d’un camion chargé d’engrais (qui est par nature explosif), croisant précisément la route d’un train chargé de carburant sur la partie supérieure du pont enjambant le détroit de Kertch, est une attaque majeure sur le territoire russe, équivalent concrètement à une déclaration de guerre. Ou plus précisément, c’est un événement dont le but est de provoquer l’entrée en guerre totale de la Russie contre l’Ukraine, ce qui jusqu’à présent n’est pas le cas.

La surenchère est totale pour pousser en ce sens. Le régime ukrainien n’a certes pas revendiqué l’attaque, à part de manière détournée et relative. On a par exemple Mykhailo Podolyak, conseiller du président ukrainien Zelensky, déclarant :

« Le pont de Crimée, ce n’est que le début. Tout ce qui est illégal doit être détruit, tout ce qui a été volé doit être restitué à l’Ukraine, tout ce qui est occupé par la Russie doit être expulsé ».

Tous les comptes Twitter des institutions ukrainiennes ont été dans le genre, le président Volodymyr Zelensky disant qu’il faisait beau sur toute l’Ukraine à part en Crimée où c’était brumeux. On notera que la veille le président ukrainien a également appelé à ce que les îles russes réclamées par le Japon reviennent à celui-ci. Histoire de mettre encore plus d’huile sur le feu.

Typiquement des opérations de guerre psychologique, visant à semer le trouble, un conseiller ukrainien a de son côté pointé une responsabilité russe pour l’action contre le pont, évoquant des luttes internes.

Et du côté des États-Unis il y a immédiatement eu dans la journée une campagne pour désigner la responsabilité de l’Ukraine sur la base de sources « sûres » et pousser à l’emballement.

En l’occurrence c’est l’un des principaux titres de presse du régime américain, le Washington Post, qui explique que les services spéciaux ukrainiens sont à l’origine de l’explosion, tout en précisant que l’infrastructure est un « symbole des ambitions du président Vladimir Poutine de contrôler l’Ukraine ».

En effet, l’ouvrage construit en trois ans a marqué le rattachement concret de la péninsule de Crimée, annexée en mars 2014, au reste de la Russie. C’est le plus long pont d’Europe, 19 km, avec une portée diplomatique et économique majeure ; Vladimir Poutine l’avait inauguré en 2018, pilotant lui-même devant des caméras un camion le traversant… Puis repassant dans l’autre sens cette fois en pilotant un train, dans une mise en scène soulignant que le pont combine en effet voie ferrée et voie routière.

L’attaque, qui est une attaque terroriste ayant fait au moins deux victimes civiles (dans une voiture), et probablement trois victimes civiles s’il s’avère que le conducteur n’est pas un kamikaze, vise donc précisément le symbole, la provocation.

L’attaque n’a pas une visée stratégique militaire, car il est quasiment impossible de détruire un tel pont et justement la circulation ferroviaire et automobile a été rétablie le soir même sur le pont de Crimée. Il faudrait énormément de missiles exactement au même endroit pour parvenir à des dégâts réellement structurels.

Ce qui compte par contre, c’est de marquer les esprits, de faire monter la pression. Cela fonctionne : il y a du côté russe un emballement généralisé avec de nombreuses personnes appelant à en finir rapidement et violemment avec l’Ukraine, voire à assumer le conflit contre l’OTAN directement.

Cela coïncide avec la nomination d’un nouveau commandant pour l’opération spéciale, sur fond de fortes critiques internes et dans l’opinion publique quant à la faiblesse des opérations militaires. Il s’agit de Sergueï Sourovikine, considéré comme ayant de bons résultats sur la partie sud des opérations qu’il dirigeait jusqu’à présent. Il a une réputation d’intransigeance et d’efficacité, ayant commandé en Tchétchénie et en Syrie, recevant pour cette dernière guerre l’étoile de Héros de la fédération de Russie.

Le nom du précédent commandant pour l’opération spéciale n’a jamais été divulgué officiellement.

Dans une même perspective,  le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a été promu colonel-général, soit le 3e plus haut niveau dans l’armée russe, et cela après ses propos incendiaires ces dernières semaines quant à une guerre qui n’est pas menée avec assez de fermeté du côté russe.

Cela va cogner encore plus fort donc, alors qu’en plus de cela l’arrivée imminente sur le front des troupes apportée par la mobilisation partielle va favoriser une nouvelle vague en faveur de la Russie.

En face, l’OTAN ne compte certainement pas abandonner la partie. Les mercenaires et militaires occidentaux sont de plus en plus systématiquement repérés et dénoncés par la Russie. Le dirigeant temporaire de la République « populaire » de Donetsk Denis Pouchiline expliquait par exemple dans la semaine :

« Maintenant, la présence de l’OTAN est de plus en plus voyante et pas seulement en termes d’armes et de munitions. Au départ, il s’agissait d’instructeurs et maintenant ils deviennent des commandants de formations mixtes. Nous voyons beaucoup de mercenaires, polonais et britanniques. L’entraînement le plus récent a eu lieu sur le territoire de la Grande-Bretagne. Ils ont déjà cessé d’être gênés et manifestent leur présence de plus en plus ouvertement. Et la seule chose qui nous reste à faire est de gagner ».

Cela concerne bien entendu la France et ce de manière officielle depuis que le Figaro a révélé la présence de plusieurs dizaines d’agents du service Action de la DGSE, l’équivalent français de la CIA américaine.

La France, qui fournit énormément de matériel militaire depuis le début du conflit, a également annoncé dans la semaine une sorte de bon d’achat de 100 millions d’euros de matériel militaire à utiliser directement par Kiev auprès des industriels français. Le discours est sans ambiguïté quant au but qui est de « soutenir l’effort de guerre » ukrainien selon les mots du présidents français qui ne prétend plus à aucun pacifisme.

En plus de cela, la France s’organise pour dérouter vers l’Ukraine 6 canons CAESAr initialement vendus au Danemark. Il y a 18 systèmes d’artillerie de ce type qui ont déjà été livrés à l’Ukraine, qui les utilise notamment pour tirer sur les populations civiles au Donbass. L’ambassadeur français en Russie a été convoqué récemment pour cela, car les choses vont très loin et la France est sommée par la Russie de choisir définitivement son camp…

On va donc vers une guerre totale en Ukraine, qui a tout pour dégénérer en guerre mondiale, et la France est impliquée au premier plan dans cette guerre, participant à l’escalade avec un consensus politique total. Il n’y a personne ou presque pour dénoncer cette nouvelle union sacrée. Exactement comme en 1914.

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Culture

Cyberpunk 2077, un monde sans idéal

« Il ne s’agit pas de sauver le monde mais de se sauver soi-même. »

L’univers de science-fiction cyberpunk est un pur produit culturel des années 1980, dans son esthétique très marquée et reconnaissable de tous mais surtout dans la vision du monde qu’il porte. Pour résumer simplement les codes de cet univers : le monde est aux mains de mega corporations ayant acquis plus de pouvoir que les États, l’usage de prothèses cybernétiques et de robots est généralisé dans la population, et le tout donne lieu à des aventures d’individus marginaux, des anti héros luttant pour leur survie dans un monde injuste, brutal et ultra high-tech. D’abord un mouvement strictement littéraire, le cyberpunk a débordé sur de nombreux autres formats et surtout le cinéma, le fameux Blade Runner en étant issu.

En 2020, une société de jeu vidéo polonaise, CD Projekt Red (ayant développé notamment les jeux The Witcher), décide d’adapter le jeu de rôle « Cyberpunk 2020 » de Mike Pondsmith, mettant en place une énorme production (330 millions de dollars investis soit le record mondial à l’époque). L’acteur Keanu Reeves est même engagé pour jouer le principal personnage de l’histoire. La sortie initiale du jeu « Cyberpunk 2077 » est plombée par de nombreux bugs, corrigés progressivement, mais génère tout de même 20 millions de ventes. La semaine dernière, la très attendue mise à jour « Edgerunners » a été publiée, accompagnée d’une série de dessins animés sur Netflix du même nom. Dans la foulée, l’éditeur annonce même qu’une suite est en développement « Cyberpunk Orion » ainsi qu’un mode de jeu multijoueur.

Le jeu, aidé donc par des graphismes de très haut niveau, nous projette dans un futur proche, tout à fait crédible vu d’aujourd’hui : des zoonoses ont fait disparaître la plupart des animaux domestiques et sauvages, les inégalités sociales sont étirées à leur maximum et le capital est plus concentré que jamais, les mégalopoles sont autant de furoncles invivables et polluants qui pourrissent ce qui reste de nature (des déserts servant de décharge), les gens trouvent un refuge ultra-individualiste dans la surconsommation, jusque dans leur propre corps ou leur domicile, la culture est totalement gangrenée par le porno, la vanité et la violence…

Le rejet des corporations (des monopoles capitalistes en fait) est le seul horizon politique existant dans Cyberpunk 2077. Cela a bien sûr sa dignité, vu le niveau de corruption qu’on observe dans toutes les strates de la population liées au mode de vie « corpo ». Cet esprit de rébellion passe principalement par le personnage joué par Keanu Reeves, un rockeur connu pour avoir posé une bombe nucléaire au siège social d’une des ces corporations (en plein centre-ville), ou encore Judy Alvarez, une hackeuse anarchiste qui lutte pour l’autogestion des maisons closes. Au long de l’aventure, les espoirs d’un monde un tant soit peu meilleur sont constamment douchés, tant par le monde lui-même que par le jeu.

Toutes les quêtes ayant un minimum de dimension politique finissent mal, invariablement, comme pour enfoncer la tête du joueur sous l’eau, dans le fatalisme : la maison close « autogérée » est reprise par un gang, les policiers corrompus s’en sortent et le lanceur d’alerte River capitule, le candidat aux élections municipales Jefferson Peralez est contrôlé par une IA et sombre dans l’amnésie, le siège social de la corporation Arasaka atomisé est reconstruit à l’identique, le guitariste Kerry Eurodyne se laisse corrompre par l’industrie du divertissement…

Le parti pris de Cyberpunk 2077, c’est d’embrasser cet horrible monde, le colorer et nous le faire vivre à travers les pérégrinations d’un lumpen-prolétariat hyper stylisé. Et, en cela, l’esprit originel de l’univers est absolument respecté : « Il ne s’agit pas de sauver le monde mais de se sauver soi-même », comme se plaisait à répéter Mike Pondsmith au début de chaque partie de son jeu de rôle. L’obsession de quasiment tous les personnages peuplant la ville de Night City est de laisser une trace avant de mourir, d’entrer personnellement dans la légende, que ce soit en se sacrifiant pour une cause perdue ou grâce à des faits d’arme dans le gangstérisme.

Au début du jeu, on peut choisir la « classe » de son personnage (au sens donné dans les jeux de rôle), ce qui influence (toutefois assez marginalement) le déroulement de l’histoire : un arriviste corpo raté, un nomade de type Mad Max ou un voyou urbain. À travers ces personnages, le joueur trouve évidemment intérêt à profiter du chaos pour tirer son épingle du jeu, en piétinant les autres sur son chemin. En errance dans une métropole sans visage, où les seules œuvres d’art sont des publicités ou des tags, visitant le pire du cannibalisme social à travers des quêtes, accumulant une quantité astronomique d’objets de consommation inutiles dans son inventaire, le game-play du jeu n’est par ailleurs qu’une boucherie constante où pas une mission ne se déroule sans meurtre.

La seule catégorie qu’on a pas le choix d’incarner, c’est au final la classe ouvrière, pourtant omniprésente dans le jeu, mais sous la forme d’une masse silencieuse de PNJs (Personnages Non Jouables), tout juste bons à être écrasés en voiture ou victimes collatérales des guerres de gangs. Ouvrir un tel arc aurait forcément impliqué un minimum de dimension collective, un refus de la destruction et donc une expérience de jeu originale, sans en faire nécessairement un brûlot révolutionnaire pour autant. Mais on est bien loin de ce genre de parti pris dans ce blockbuster, finalement très proche d’un GTA-like.
Tout cela rend l’expérience de jeu assez frustrante, avec une impression désagréable d’être confiné à un tunnel de violence gratuite, d’être contraint à passer ses nerfs sur ses semblables, les autres options nous étant interdites.

Cyberpunk 2077 est un jeu graphiquement éblouissant. Son monde est très riche, l’architecture très variée, l’ambiance bien travaillée et tout cela permet de flâner des heures dans Night City, de quartier en quartier, sans s’ennuyer. La bande sonore est aussi très réussie, avec la participation de groupes comme Converge, A$AP Rocky et Run The Jewels. Mais, malgré l’aspect technique, le manque totale de décalage et de perspective générale éloigne largement Cyberpunk 2077 de la qualité de chef-d’œuvre. La grande force d’un outil comme la science fiction, c’est de prévenir le futur : là où les textes d’Asimov ou encore Star Trek ont façonné notre idée du progrès, Cyberpunk 2077 peut clairement être vu comme une ode au nihilisme. Si on pouvait voir l’aspect dystopique d’œuvres comme Ranxerox ou Judge Dredd comme une dénonciation, dans Cyberpunk 2077 c’est la mécanique du jeu lui-même qui participe à assombrir notre horizon.

Plus généralement, le cyberpunk est un monde où le capitalisme pourrissant réussit à perdurer indéfiniment. C’est un monde sans la perspective du socialisme. La résonance d’un tel univers aujourd’hui montre bien que la phase historique des années 1980-1990 (qui a vu naître le genre) a du mal à se clore : nous sommes toujours coincés entre la disparition de l’URSS et la reconstruction de l’idéal socialiste.
Et sans idéal, l’an 2077 s’annonce gris et sans joie : les premières victimes du capitalisme pourrissant sont toujours la vie et la culture.

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Écologie Planète et animaux

Super Cow

Un clip saisissant.

Moby, musicien et artiste renommé ayant adopté une démarche démocratique, socialement consciente au sujet de la question animale au point de devenir vegan, a sorti une nouvelle vidéo réalisée avec l’écrivain et réalisateur Dustin Brown et l’organisation Last Chance for Animals sur laquelle il est impossible, en 2022, de faire l’impasse.

Tout y est. Tout brûle d’empathie pour les vaches victimes des abattoirs, dans un clip dont le style artistique très réussi et le message véhiculé par le scénario et son « twist final » ne peuvent laisser personne indifférent si ce ne sont les individus sans conscience ayant déjà depuis longtemps perdu la capacité de s’émouvoir de quoi que ce soit.

Ce clip rappelle un fait que tout le monde préfère ignorer pour éviter d’avoir à y faire face : les animaux sont des êtres sensibles, capables d’émotions, de construction sociale et qui, rongés par la terreur, préféreraient évidemment fuir les couloirs froids d’un lieu de mort pour rejoindre l’herbe et la chaleur du soleil à l’air libre s’ils en avaient la possibilité.La musique accompagnant le clip est une reprise de sa propre chanson « Why does my heart feel so bad ? » de 1999, que l’on pourrait traduire par « Pourquoi ai-je si mal au coeur ? (et à l’âme, dans la suite des paroles) ». Déjà à l’époque associée à son clip original, cette chanson était d’une mélancolie arrachante… La reprise est ici est donc très pertinente, et compte tenu de la scène qui se déroule au long de ces 2 minutes et 33 secondes, la mélancolie est décuplée et se mue en véritable sentiment de tristesse face à une porte scénaristique qui se referme violemment, exactement comme le rideau métallique menant à l’enclos de mise à mort du début de la vidéo.

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Politique

Fiasco de la grève nationale du 29 septembre 2022

Le misérabilisme ne paie pas.

Prise avec Lumia Selfie

La société française ne sort pas de sa léthargie, et il ne faudra évidemment pas compter sur la CGT pour faire bouger les choses. Ce vendredi 29 septembre 2022, une énième « mobilisation interprofessionnelle pour les salaires  » était ainsi organisée dans le pays, avec un résultat pathétique.

On ne trouvera d’ailleurs aucun décompte sérieux et concret des français grévistes du jour, car on est dans la mise en scène, avec la CGT qui revendique même 250 000 manifestant défilant à 200 endroits en France (le ministère de l’intérieur dit pour sa part 120 000 personnes), ce qui est dans tous les cas extrêmement faible alors que c’est la misère qui est censée se propager à grande vitesse, que le pays est censé être à genoux avec l’inflation, etc.

En réalité, c’est un défilé réactionnaire de plus qui a eu lieu, une marche corporatiste, avec notamment les enseignants, quelques emplois du secteur public tels les personnels de restauration des cantines, les machinistes RATP, qui connaissent traditionnellement une proportion de gens sensibles à l’agitation syndicale.

Ce fut une marche comme il y en a eu un nombre incalculable, avec aucune dimension, ni sur le plan historique, ni sur le plan culturel, ni sur aucun plan d’ailleurs. C’était une grève et ce n’était pas une grève, en fait ce n’était rien.

Pratiquement personne en France ne savait d’ailleurs qu’il devait y avoir une grève ce jour et, pire encore, le soir même, la plupart des français l’ignoraient encore, à moins d’être passé pile à l’heure d’une manifestation dans un centre-ville, d’avoir eu la cantine de ses enfants fermée, ou bien, à Paris, d’avoir vu son bus annulé.

Cela n’empêche pas la CGT d’avoir un discours triomphaliste qui est son fond de commerce :

« Au vu des luttes engagées dans de nombreux secteurs professionnels, depuis des mois, autour de la question des salaires, tout portait à penser que la mobilisation par la grève allait s’amplifier et se généraliser ce jeudi.

Cela s’est vérifié avec des taux forts de grève : dans l’agro-alimentaire, la fédération a recensé près de 400 appels à la grève pour aujourd’hui. Le taux de gréviste allant de 30 à 100% des salariés dans les entreprises de ce secteur, ce représente au bas mot, 50 000 grévistes. »

La CGT propose en ce sens « de poursuivre et renforcer ces mobilisations, sans attendre et dans l’unité la plus large ». C’est la démagogie traditionnelle. En vérité, la CGT est complètement dépassée, coupée de la réalité concrète et quotidienne du pays, totalement hors-sol.

Il n’y a qu’à voir son affiche pour la mobilisation du jour, qui utilise l’écriture « inclusive » décadente des universitaires post-modernes, et qui fait tomber du chapeau la revendication loufoque d’une semaine de travail à 32 heures, d’un SMIC à 2000 euros. Comme si c’était possible de par le rapport de force actuel!

Tout cela ne mène à rien, et ne mènera jamais à rien. C’est un simulacre de lutte des classes, et même un simulacre de lutte tout court. C’est du vide et comme le vide n’existe pas, cela implique que cela joue un rôle néfaste. Cela épuise, cela trompe, cela invalide les luttes.

Bien sûr, il y a la grève dans les raffineries françaises depuis le début de semaine, avec la plupart des capacités de productions bloquées. C’est bien, ou plutôt c’est la moindre des choses dans un des rares secteurs ouvriers ou la capacité d’organisation est encore là. Pour autant, cela ne sort pas du cadre et est tout à fait sous contrôle de la bourgeoisie, il ne faut pas se faire d’illusions là dessus.

Le manque d’envergure, le manque d’ambition, la soumission complète au capitalisme, l’absence totale d’utopie, le refus des valeurs historiques du mouvement ouvrier… tout cela saute aux yeux. Concrètement, il ne se passe rien en France. Il n’y a pas de lutte des classes. Tout est à construire, à re-construire, minutieusement, avec de grandes ambitions, celles de la Gauche historique, celles du Socialisme.

Il faut œuvrer à former cette base – qui seule pourra être à la hauteur de l’Histoire lorsque les choses vont mal, très mal tourner!