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Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de s’adresser à la Gauche ce mardi 23 avril en lançant « un appel à la création d’une fédération populaire » dans le journal Libération, qui consiste en un rassemblement autour de sa démarche. C’est contraire au principe de Front populaire qui consiste en une unité politique des forces de la Gauche contre le danger du fascisme.

Dans un long entretien à Libération, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la Gauche, ce qui a pu être considéré comme un appel à l’unité. Il a surtout expliqué que le rassemblement devrait se faire autour de sa démarche, qui aurait la légitimité populaire, qui serait forcément la bonne formule alors que la « vieille gauche » est méprisante à son égard.

Il considère avoir acquis une légitimité avec son score au premier tour de la Présidentielle en 2017 (19,58 %, soit 7 059 951 voix). Les élections Européennes doivent être une continuité de cela :

« notre force doit recevoir l’aval populaire. Comme je l’ai reçu pendant la présidentielle. Là sera le centre de gravité pour la suite contre le macronisme. »

Jean-Luc Mélenchon s’estime farouchement mis à l’écart par les formations politiques de gauche elle-mêmes, et les rejette. Ce qui semble l’intéresser, c’est surtout de capter la base électorale de la Gauche, mais pas de participer à une unité. Ses réponses à ce propos sont très claires :

« – Avez-vous abandonné tout espoir d’unité ?
– Je suis réaliste.
– Donc vous espérez toujours rassembler.
– Le peuple, oui. Mais chaque fois que je l’ai proposé, la vieille gauche m’a envoyé balader. Elle n’accepte pas la réalité, c’est-à-dire notre centralité et celle du programme «l’Avenir en commun». Mais si l’élection nous en donne la force, nous assumerons de nouveau notre responsabilité. Nous proposerons de nouveau une fédération populaire à construire dans les élections suivantes et dans les mouvements écologiques et sociaux. »

Quand il lui est posé la question de savoir s’il est capable de faire des compromis avec des gens ne pensant pas comme lui, il répond qu’à l’Assemblée son groupe « vote même des fois avec la droite » et que ce n’est « l’étiquette » qui compte.

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Il assume ainsi son orientation populiste, en mettant de côté le débat idéologique et politique à Gauche, qui devrait s’incliner par rapport à sa démarche :

« Je me répète : tout le monde doit se mettre au service de la fédération du peuple. »

La « base de départ pour discuter partout » devrait donc être le programme de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon est d’accord avec la proposition du journal Libération d’avoir un débat avec la Gauche, mais il précise :

« Il ne faut jamais oublier le but, la fédération populaire entre les classes populaires et les classes moyennes plus favorisées qui n’appartiennent pas à l’oligarchie. C’est la grande question. Elle ne sera pas réglée par la guirlande des sigles de partis. Nous ne sommes plus dans les années 70. Le champ politique s’est effondré. Pas de mon fait. Ce sont les électeurs qui ont dissous le PS et nous ont portés en avant. Nous assumons notre situation. Pas les autres. »

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Quand Jean-Luc Mélenchon a lancé La France insoumise, il s’agissait en effet de se libérer de la Gauche, considérée comme un carcan, en préférant une sorte de populisme social, très poreux au nationalisme.

Pour lui, la société a changé et la modèle de la Gauche est d’une « autre époque » :

« La société était assez stable et les liens de représentation politique fonctionnaient. Le PCF représentait une grande partie de la classe ouvrière. Les socialistes, plutôt les classes moyennes. Tout cela a volé en éclats. Un acteur nouveau est né. C’est ce peuple urbanisé qui s’oppose à l’oligarchie. Voir les gilets jaunes ou l’Algérie. Son existence quotidienne dépend de l’accès aux réseaux collectifs. Cet accès est l’enjeu social central. »

Il précise plus loin que :

« l’évolution du capitalisme a atomisé la société, les formes habituelles de représentation ont explosé. Voyez où en sont les partis politiques traditionnels. »

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Cela justifie son écartement de la Gauche, et donc du Socialisme. Il propose donc autre chose, qui y ressemble vaguement, mais sans que cela soit très précis :

« il y a une conscience nouvelle qui rétablit l’idée de changement global, c’est la conscience écologique. Beaucoup ont compris que l’économie productiviste conduit à la catastrophe. Mais c’est un constat qui ne porte pas sa solution en lui-même. Car quels sont les moyens de remédier à la mise en danger de l’écosystème ? Certains pensent que c’est possible dans le cadre de l’économie de marché actuelle, que le système va finalement se réguler. Nous ne le croyons pas. Quand Jadot [le candidat d’Europe Ecologie-les Verts] fait l’éloge de l’écologie de marché, nous sommes en désaccord. Il y faut une intervention collective volontaire et énergique, une planification écologique de la transition. »

Cependant, il n’envisage pas de supprimer l’économie de marché mais est partisan d’une « économie mixte », c’est-à-dire donc pas du Socialisme, qui est le fondement historique de la Gauche (largement abandonné par celle-ci, il est vrai).

Sa vision consiste en une proposition très vague, classiquement réformiste, mais bien en deçà de la radicalité et de l’envergure que pouvait proposer un François Mitterrand en 1981, qui n’était pourtant pas un « révolutionnaire » :

« Nous dénonçons la marchandisation généralisée voulue par les traités européens. Nous préférons revendiquer l’intérêt général, l’action collective. Nous ne pourrons pas relever le défi écologique dans le cadre de la concurrence libre et non faussée, dans le cadre du libre-échange généralisé. La planification est de toute nécessité pour appliquer la règle verte : on ne prend plus à la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. »

Sur le plan politique, Jean-Luc Mélenchon considère donc que le rassemblement de la Gauche est à la fois possible et pas possible, car « certains sont restés productivistes, nucléaristes, d’autres continuent de faire l’éloge du marché partout. »

La Gauche dans sa forme et sa proposition historique ayant donc échoué selon lui, il n’y aurait pas d’autre choix que de rejoindre sa démarche :

« au demeurant, je ne crois plus à l’ancien modèle de rassemblement des organisations. Nous devons certes nous rassembler, mais au service d’une tâche en commun : fédérer le peuple, réunir ses revendications, en faire un programme compatible avec l’impératif écologique et social. »

Il faut pour cela :

« aller idéologiquement au bout de la mutation écologique et populaire qui est nécessaire. Il faut qu’on soit tous clairs. Pas de tambouille sur la question européenne, sur le nucléaire, sur la question décisive de la paix, de la sortie de l’Otan. »

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Jean-Luc Mélenchon ne propose donc pas un Front populaire, qui est la proposition historique de la Gauche face à la menace du fascisme. Le nationalisme ne représente pas un danger pour lui puisqu’il n’en parle pas. Il ne parle d’ailleurs à aucun moment du danger que représente Marine Le Pen. Son nom n’est cité qu’une seule fois dans ce long entretien, pour se comparer à elle, comme s’il se considérait en concurrence avec elle sur le terrain du populisme (« quand Marine Le Pen dit «vous êtes des Blancs chrétiens», je réponds «vous êtes des enfants des Lumières». »)

Précisons pour finir, à propos de sa formation La France insoumise, puisqu’il considère que sa démarche est la bonne et qu’il faut la suivre, qu’elle n’a pas un fonctionnement démocratique.

Il explique en effet, de manière assez obscure, qu’il n’y a « pas de dirigeants » à la France insoumise et qu’il n’y a donc pas de problème au fait qu’aucune direction ne soit élue… C’est pour le moins nébuleux, et effectivement contraire aux pratiques des formations de gauche.

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Il considère ainsi comme de bonnes choses les « 4 000 comités qui fonctionnent en autonomie » et les « 60 % des candidats n’ont pas de carte du parti ». Cela est inacceptable du point de vue de la Gauche traditionnelle car cela empêche toute démarche politique démocratique, en laissant libre cours à des individus et à l’émergence de tribuns ou petits chefs.

Ce n’est pas ainsi que le mouvement démocratique et populaire avancera. Seul un retour aux fondamentaux de la Gauche historique peut permettre de progresser, et certainement pas une liquidation totale de ses principes dans une fuite en avant populiste.

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Dissolution du mouvement Bastion social, une victoire du camp démocratique

La dissolution du mouvement Bastion social par l’État français ce mercredi 24 avril 2019 est une nouvelle importante pour toutes les personnes ayant conscience de l’importance du combat antifasciste. C’est indiscutablement une bonne chose, car ce groupe d’activistes d’extrême-droite représentait une menace directement dangereuse pour le mouvement démocratique et populaire en France, notamment à Lyon.

De manière typiquement fasciste, l’idéologie du mouvement Bastion social consistait à prôner une « troisième voie », nationaliste, par rapport au capitalisme et au Socialisme.

Nous avons évoqué ce mouvement à plusieurs reprises dans des articles, et nous l’avions présenté dans un article complet et détaillé en février 2018.

> Lire également : Le “Bastion social” et ses locaux à Lyon, Strasbourg, Chambéry, Aix-en-Provence, Marseille

Organisé autour de ce qui se voulait être des squats d’extrême-droite, sur le modèle de Casapound en Italie, il devait être un mouvement fédérateur de la jeunesse nationaliste radicale, avec pour objectif de constituer des brigades de choc, afin de se confronter, de provoquer.

La dissolution du mouvement Bastion social est donc une victoire, partielle mais réelle, du camp démocratique sur le fascisme. Cela ne sera bien sûr pas suffisant, car seule la classe ouvrière, en portant le Socialisme, peu véritablement écraser le fascisme. Le libéralisme d’un Emmanuel Macron, qui s’avère être par ailleurs un réactionnaire partageant des valeurs de la Droite la plus conservatrice, notamment sur la chasse à courre, ne peut pas grand-chose face au romantisme nationaliste. Il est même évident que cela l’alimente.

Il faut cependant raisonner de manière politique, intelligente, et reconnaître ici à quel point il était juste de voter pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen au second tour de la Présidentielle, justement parce que le gouvernement d’Emmanuel Macron a dissout Bastion social, ce que n’aurait jamais fait Marine Le Pen.

Il ne s’agit pas pour autant d’avoir des illusions sur la capacité d’Emmanuel Macron à mener la bataille qu’il imagine contre le populisme, voire le nationalisme – les déboires de la tête de liste LREM aux Européennes Nathalie Loiseau, concernant sa présence sur une liste d’extrême-droite à une élection étudiante dans sa jeunesse, en dit déjà très long sur tout cela.

Cette dissolution par l’État d’un groupe fasciste est importante, mais elle n’est qu’un aspect partiel, temporaire, à l’efficacité très limitée. C’est un coup porté au fascisme, mais il se renforcera d’une autre manière si la situation ne change pas.

C’est à la Gauche de mener pleinement la bataille contre le nationalisme et le fascisme, de manière unitaire, en assumant les valeurs historiques du mouvement ouvrier. Ce qu’il faut, évidemment, c’est un nouveau Front populaire en France, comme en 1936 !

Voici le communiqué du Ministère de l’Intérieur sur la dissolution du mouvement Bastion social :

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Tribune du Président de l’UEJF : « D’où parles-tu, camarade ? 

Le Président de l’Union des étudiants juifs de France a publié un Tribune dans l’Express dans laquelle il fustige les dérives du syndicats étudiant Unef, qui organisait le weekend dernier des Assises nationales jeunes contre le racisme.

Sacha Ghozlan reproche en quelque sorte à l’Unef d’abandonner ses traditions de gauche en passant de la lutte des classes à la « lutte des races » :

« Je t’ai rencontré à l’Université. Tu militais pour défendre les droits de tous les étudiants. Nous assumions des désaccords politiques mais républicains en conseil universitaire ou au sujet de la politique nationale.

Je t’ai connu laïc et farouchement républicain, universaliste et de tous les combats pour les opprimés, pour la justice et pour l’égalité. Je t’ai trouvé à nos côtés en Pologne et au Rwanda pour préserver les Mémoires, en Israël à la rencontre d’une société civile porteuse d’espoir de paix, à Lyon III et à Assas pour combattre l’extrême droite. Ta présence à nos côtés était alors si précieuse.

Quelques années se sont écoulées et tu t’es éloigné. Je ne te reconnais plus.

Ton bureau national se réunit en non-mixité raciale quand il ne méprise pas l’incendie de Notre-Dame de Paris dont il estime qu’il s’agit d’une histoire de « Français blancs ». Tu adoptes le vocabulaire des Indigènes de la République, tu demandes à censurer Charb et Eschyle à l’Université, tu restes muet quand nos locaux sont vandalisés à Tolbiac ou à Dauphine sur fond d’antisémitisme et tes sections locales appellent au boycott d’Israël. Et si tout cela pourrait sembler anecdotique, tu ponctues désormais chacune de tes phrases de qualificatifs raciaux : « blancs » et « racisés ». Par-delà l’Université, les Français entendent ce grand basculement idéologique.

D’où parles-tu, camarade ?

Si tu posais cette question dans une logique marxiste pour démontrer que tout orateur expose ses thèses selon sa construction sociale, tu la déplaces aujourd’hui vers une construction raciale. Et je crains que, de la lutte des classes, tu ne deviennes aujourd’hui que le sombre héraut d’une lutte des races. Tu te coupes de la société, des victimes de racisme mais aussi de ceux dont l’identité plurielle, mouvante et complexe ne peut se réduire à une intersectionnalité dont on voit bien qu’elle produit elle-même une violence symbolique.

Ton Union organise cette semaine des Assises contre le racisme. Dans la vidéo officielle de lancement, tu le dis avec certitude « les dominants sont les blancs, tandis que les racisés sont les personnes non-blanches. Il existe un racisme systémique ».

Le racisme doit être combattu sous toutes ses formes – discrimination à l’embauche, au logement, rumeurs visant les Roms, racisme anti-musulmans, xénophobie visant les migrants -, mais il emprunte des chemins plus complexes que cette suma divisio aussi hasardeuse que nauséabonde. Elle porte en elle les germes d’une société fragmentée selon des critères raciaux et génère une dangereuse assignation identitaire. Les réunions en non-mixité raciale sont des pratiques discriminatoires, et quand elles se déroulent à l’Université, c’est une circonstance aggravante.

Les victimes d’actes racistes souffrent une première fois des actes de leurs agresseurs, faut-il y ajouter un verrou identitaire et communautariste ?

Que dois-je en conclure, moi qui suis un étudiant juif ? D’où voudrais-tu que je parle, camarade ? Ou plutôt, où souhaiterais-tu m’assigner ?

Suis-je du côté des dominants, prêtant ainsi le flanc aux thèses antisémites de Dieudonné qui qualifie les juifs « de négriers reconvertis dans la banque et la finance » ? Suis-je du côté des racisés, m’enfermant ainsi dans une posture victimaire dans laquelle Alain Soral veut acculer les juifs, les accusant d’utiliser la Shoah ou l’antisémitisme pour se hisser dans la société ? L’une ou l’autre de ces assignations me sont insupportables, et mon identité juive française est bien plus complexe que cet enfermement qui m’est proposé.

Notre génération est phagocytée par des individus malveillants qui entretiennent volontiers la concurrence victimaire dans le débat public, par des propagandistes haineux qui dénaturent les réseaux sociaux, par des pseudo-humoristes qui veulent prendre en otage l’humour pour propager la haine et par des identitaires qui veulent imposer un agenda politique qui agit en miroir de l’extrême droite comme les deux faces d’une même pièce.

L’UNEF fut un rédacteur de la charte de Grenoble en 1946 qui a structuré le syndicalisme étudiant au sortir de la guerre, en donnant aux étudiants le rôle de vigie de la société. Par-delà l’UNEF, quand un grand syndicat étudiant abandonne ses valeurs fondatrices, c’est toute notre génération, et toute la société qui en sort déboussolée.

Les étudiants ont besoin de l’UNEF pour porter des combats universalistes. Nous avons besoin de toi, camarade ! »

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Andrea Kotarac de la France insoumise à un forum russe avec l’extrême-droite

Le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes et membre de la France insoumise Andrea Kotarac était présent la semaine dernière à un forum international organisé par le pouvoir russe à Yalta. Il y a croisé Marion Maréchal et Thierry Mariani, ancien député de la Droite ayant rejoint Marine Le Pen pour les Européennes. La question de l’alliance avec la Russie est un sujet important pour ces personnes, dans une perspective nationaliste évidente.

Selon la démagogie classique de l’extrême-droite, largement partagée par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, la France devrait se libérer d’une certaine emprise américaine. Selon eux, le pays ne serait pas suffisamment indépendant et l’alliance avec la Russie serait un moyen de se renforcer sur le plan international.

C’est un point de vue nationaliste, qui envisage le monde en termes de blocs et de concurrence entre ces blocs, avec l’idée d’y tirer son épingle du jeu. C’est exactement le genre de raisonnement qu’a eu la partie des élites britanniques favorable au Brexit.

La Gauche, historiquement, ne sait que trop bien à quel point de telles perspectives sont des poisons pour le peuple et ne mènent qu’à la guerre et au fascisme. Si la question du racisme est souvent considérée comme l’aspect principal de la lutte antifasciste en France, cela est une erreur, car le danger majeur est vraiment le nationalisme.

La présence d’Andrea Kotarac à ce forum du pouvoir russe est ainsi pleine de sens, comme le sont ses propos relayés dans Le Monde :

« Je ne suis pas d’accord avec Mariani et Maréchal sur de nombreux sujets. Mais sur la défense de la souveraineté nationale et sur la nécessité de s’allier à la Russie, je suis d’accord »

« Je suis venu pour dire qu’une partie de la gauche française ne considère pas la Russie en ennemi, bien au contraire. »

Selon ce même journal, le Lyonnais prétend « avoir l’oreille de Jean-Luc Mélenchon » sur les questions internationales. Ce n’est pas étonnant, car ses propos sont conformes à la perspective sociale-chauvine du chef « insoumis ». La prose nationaliste d’Andrea Kotarac n’est de toute manière pas nouvelle et n’a jamais été condamnée par son organisation.

Il y a pourtant de quoi sauter au plafond quand on lit, dans sa tribune publiée dans Marianne le 8 mars dernier, que :

« La patrie doit être au peuple ce que la religion est à Dieu. »

Il s’agissait pour lui de défendre les gilets jaunes qui montreraient « à l’oligarchie française et européenne, promotrice d’une société post-nationale, que le peuple et la nation ont encore un sens. »

Andrea Kotarac s’est donc rendu à un Forum intitulé « Monde, Russie, Crimée » aux côtés de nombreuses figures nationalistes du monde entier. Il a justifié sa présence au site Sputnik en expliquant que «la Russie n’est pas un ennemi» et qu’il souhaite que les relations françaises avec ce pays s’améliorent.

Sa perspective nationaliste est là encore assumée de manière franche, avec des propos nationalistes que ne renierait pas Marine le Pen :

« la France aujourd’hui, après le Brexit, c’est la seule nation qui dispose de l’arme nucléaire en Union européenne, c’est la seule nation qui dispose d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU et c’est un pays qui doit être en avant-garde pour maintenir des relations stables et un partenariat avec la Russie ».

Il s’agirait pour lui, toujours d’après Sputnik, de promouvoir une France «ni prorusse, ni proaméricaine, simplement indépendante et qui gère ses intérêts sur le continent européen en partenariat avec la Russie».

Cette prose nationaliste est un poison, d’autant plus quand elle est mélangée à des prétentions sociales, avec l’idée que les classes sociales devraient s’unir derrière le drapeau national. .

La Gauche doit ici faire front contre ce qui représente une horreur historique, qu’on a connue dans les années 1920-1940 et qui a mené l’humanité à une catastrophe gigantesque. Si la critique des idéologies individualistes post-industrielles est juste, elle ne doit pas s’appuyer sur le romantisme nationaliste, mais sur la perspective de la Gauche historique : le Socialisme.
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Acte 22 des gilets jaunes : désormais comme Nuit debout

La petite minorité des gilets jaunes perpétue sa tradition, vaine et ayant lassé le pays depuis longtemps. C’est une faillite intellectuelle totale, mais les gilets jaunes ne conçoivent même pas de quoi il peut en retourner.

22 samedis d’affilée ! Sur ce plan, c’est un indéniable succès, la preuve d’une grande ténacité, et c’est bien le problème. Comme il était dit dans le monde romain, Errare humanum est, perseverare diabolicum, L’erreur est humaine, l’entêtement [dans son erreur] est diabolique. Tout ça pour ça, tout pour rien, avec comme seul horizon l’amertume, c’est terrible.

En 22 samedis, il n’y a eu aucune progression sur le plan des idées, de l’organisation, des valeurs. Il n’y a eu aucun saut qualitatif, et ce malgré les multiples changements de situation selon les samedis. Le grand symbole de ce 22e acte des gilets jaunes, c’est d’ailleurs leur nombre à Toulouse : 4 500. Un nombre ridicule de par l’ancrage de la ville dans un horizon marqué par l’engagement contestataire. C’est le symbole même d’une incapacité à avoir la moindre formulation politique.

Qui est-ce que cela va servir ? L’extrême-droite. Les un peu plus de 30 000 personnes ayant manifesté avec les gilets jaunes ce samedi n’ont qu’un seul rôle, celui de contribuer à saper la légitimité du régime, sans proposer rien d’autre, tout en diffusant les valeurs patriotiques et le refus de toute contestation de la propriété et de la bourgeoisie. Objectivement, ils servent l’extrême-droite, si ce n’est d’ailleurs subjectivement, tellement les raccourcis sur le plan des idées sont littéralement terrifiants.

Cela est vrai partout sur le territoire, des 500 personnes à Caen au 400 à Laval, des quelques centaines à Bordeaux aux 700 à Nantes, des 300 à Nancy au millier de personnes à Lille. C’est un véritable militantisme du néant, un travail au corps de la société française qui, heureusement, somme toute, a fini par se tenir éloignée de tout ça.

Car il est beaucoup parlé par certains de la popularité des gilets jaunes. Mais c’est là confondre une sympathie pour les luttes, pour la critique des puissants, avec une réelle sympathie pour les gilets jaunes. En pratique, n’importe quelle grande manifestation syndicale ou n’importe quelle journée de championnat de football mobilise bien plus de monde. Les gilets jaunes sont une sorte de micro-monde vivant en parallèle, avec une base totalement auto-intoxiquée, précisément comme hier Nuit debout ou les zadistes.

Quand on regardera les choses dans quelques années, on verra que la France a connu une poussée anti-politique, anti-culturelle, portée par les classes moyennes, avec un donc un esprit oscillant entre l’extrême-droite et le populisme anarchisant. On considérera les gilets jaunes comme une sorte de Nuit debout à l’échelle nationale, avec la même capacité d’imagination jusqu’au délire. Faut-il se rappeler du discours des gens de Nuit debout, qui s’imaginaient vraiment qu’une nouvelle constitution allait être mise en place grâce à eux, qu’il allait y avoir une nouvelle Révolution française !

Non, tout cela est anti-socialiste, tout cela est en-dehors de l’Histoire. Il ne reste d’ailleurs plus que le mythe pour porter les gilets jaunes : ceux-ci ont déjà annoncé que le 20 avril serait le prétexte d’une mobilisation de choc ! La fuite en avant continue… Jusqu’à ce que les combattants, épuisés, se jettent dans les bras de la démagogie fasciste.

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Marion Maréchal prépare un après Marine Le Pen

Dans un entretien à Valeurs Actuelles, Marion Maréchal rappelle sa présence, comme elle le fait régulièrement maintenant. Son positionnement est subtil : elle n’intervient pas formellement dans le débat politique, tout en donnant son avis pour être celle « qui l’avait dit ». Cela lui permet de laisser les autres faire, probablement se tromper, et de se présenter plus tard comme un recours.

L’entretien à Valeurs Actuelles est précédé d’une présentation élogieuse de Marion Maréchal, où l’on apprend des choses sur elles, sur sa vie, ses ambitions. Cela permet d’exprimer ce que Marion Maréchal ne peut dire elle-même. C’est savamment orchestré, et on a compris depuis longtemps à quel point la revue de la Droite traditionnelle a fait le choix de l’ancienne député Front national.

Le moment a donc été bien choisi. L’entretient est publié alors que la campagne pour les élections européennes est lancée, mais qu’elle ne bât pas encore son plein. On nous explique qu’elle vient parler « d’Europe », mais que le sujet « Les européennes » serait « trop politicien » pour elle.

C’est qu’il s’agit surtout de préparer l’après, tout en travaillant au passage sa posture de femme d’État, cultivée, minutieuse et, surtout, stratège. Les fondamentaux sont rappelés, rabâchés : ce qui compte est le conservatisme, c’est-à-dire une expression de Droite, dans sa version traditionnelle, viscéralement opposée à la Gauche.

« Je me suis moi-même toujours définie comme une femme de droite. Le clivage droite-gauche continue d’irriguer la vie politique française, mais il n’épuise pas tous les autres clivages présents »

Cette question des « autres clivages » est très importante, c’est le cœur de sa divergence stratégique avec Marine Le Pen. Cette dernière, lorsqu’elle a pris les commande du Front national, a élaboré une stratégie d’écartement opportuniste du clivage Gauche-Droite.

C’est un choix populiste, « facile » d’une certaine manière car correspondant au niveau de dépolitisation de la société française. Cela est considéré comme insuffisant par Marion Maréchal :

« J’ai dit en revanche pourquoi le clivage entre populistes et mondialistes me semble être une impasse électorale. Je crois qu’on ne peut pas gagner en s’adressant seulement aux classes populaires. Ceux qui rêvent d’une grande alliance de partis entre La France insoumise et le Front national se trompent.

Cette alliance me semble d’autant moins possible que la souveraineté, dont se réclame timidement Jean-Luc Mélenchon, n’est pas une fin en soi. La souveraineté, c’est le contenant ; la vision de la société, c’est le contenu. Au service de quoi met-on la souveraineté ? Une République islamique souveraine, ça ne m’intéresse pas… »

Si Jean-Luc Mélenchon est cité, c’est évidemment de Marine Le Pen qu’il s’agit, puisqu’ils ont une stratégie et une expression quasiment identique. Leur seul différence est de dire l’inverse l’un par rapport à l’autre sur la question de l’immigration.

Marion Maréchal a bien compris que cela revenait au même sur le plan idéologique, qu’il s’agissait dans les deux cas d’aller au nationalisme. Ce qui l’intéresse cependant est d’ordre politique, c’est-à-dire la façon de prendre le pouvoir. Elle explique ainsi :

« Deux gros blocs ont depuis émergé : celui du centre droit et gauche d’Emmanuel Macron, ainsi que le bloc populiste (je ne partage pas la diabolisation de ce mot, qui a des relents d’anathème dans la bouche de certains) de droite et de gauche. Deux blocs inadaptés à notre système électoral qui entraînent une situation de blocage. »

La question de fond est bien-sûr la question culturelle, celle des valeurs. C’est pour cela qu’elle parle de « République islamique » au sujet de Jean-Luc Mélenchon, pour discréditer son nationalisme, lui ôter toute substance. Elle dit ni plus ni moins qu’il faut en revenir aux fondamentaux de la Droite, des valeurs conservatrices de la Droite, car ce sont les sujets culturels, suffisamment clivants, qui mobilisent et devraient permettre de prendre le pouvoir.

Ce qu’elle suggère est une position intermédiaire, non pas entre les populistes, mais entre le populisme issu de la Droite, celui de Marine Le Pen, et la Droite conservatrice elle-même :

« C’est à la France de se faire une place dans le dispositif [de l’Union européenne, NDLR]. De marquer sa différence. D’être capable d’engager un rapport de force. Je ne crois pas que Marine dise autre chose. François-Xavier Bellamy non plus d’ailleurs. À la seule différence que Bellamy est plus difficile à suivre, car enfermé dans une forme d’« en même temps ».

Pour résumer simplement, il a du mal à dire que l’Union européenne est un échec dans sa forme actuelle. De mon côté, le postulat de ma réflexion repose sur l’affirmation qu’il s’agit d’un mauvais système, inopérant, mal pensé, mal conçu et philosophiquement délétère pour les nations européennes. »

Elle dit aussi, de manière encore plus politique :

« Le populisme est moins un programme qu’un style : il existe des populistes de gauche et de droite. C’est un mouvement polymorphe. Ses caractéristiques pourraient être un chef charismatique, le rejet des élites et du système de manière générale, la défense d’une démocratie idéale contre une démocratie représentative qui serait dévoyée, l’appui exclusif sur les classes populaires.

Le positionnement populiste semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut pas faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute. Il faut rassembler autour d’une vision commune et non faire de la politique catégorielle. »

Ce qu’elle reproche à Marine Le Pen, c’est-à-dire de proposer un populisme qui manquerait de substance culturelle et de profondeur civilisationnelle (d’où, de son point de vue, l’importance de la classe « moyenne et haute »), elle le reproche inversement à François-Xavier Bellamy :

« J’ai également conscience qu’en France le conservatisme, en tant que courant politique, est mort et enterré depuis la IIIe République. Il s’était largement construit dans la contre-révolution, intrinsèquement liée au catholicisme français. Aujourd’hui, un conservatisme français émergeant de nouveau après de telles décennies de silence ne pourrait pas se contenter de ressusciter ce courant-là.

François-Xavier Bellamy dit en substance la même chose, quand il affirme que, s’il y avait quelque chose à conserver, il serait pour, mais qu’il faut tout changer.
Je suis d’accord avec lui sur ce point : conserver quoi ? Il faut s’entendre. Mais entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui affirme préférer conserver Macron. »

Ce dernier aurait donc raison sur le plan culturel, mais il ne serait pas suffisamment enclin à accepter le nationalisme de Marine Le Pen, ce qui serait son erreur, qu’elle entend corriger.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Marion Maréchal fait donc de la politique, de manière très sérieuse, très impliquée, très stratégique, en visant le long terme. Son ennemi est bien évidemment la Gauche, l’idée même de socialisme, d’une société pacifique aux valeurs universelles. Il est donc impératif pour la Gauche de la prendre très au sérieux, et de se mettre au niveau, en travaillant ses fondamentaux pour avoir une vision du monde conséquente à lui opposer.

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Politique

L’attaque fasciste du local de l’Union des étudiants juifs de France à Paris-Dauphine

Samedi 30 mars, le local de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) de l’Université Paris-Dauphine, a été vandalisé. C’est un acte antisémite de plus en France, qui s’ajoute à une liste déjà très longue.

Aller uriner un samedi, c’est à dire un jour de Shabbat, dans le local d’une organisation juive, c’est tout un symbole. Plusieurs personnes se sont en effet introduites dans ce local et ont uriné sur le matériel de l’association en filmant leur méfait.

Cela rappelle l’attaque antisémite du local de l’UEJF à la fac de Tolbiac, qui avait été tagué avec des inscriptions telles que « ANTISIONISTE », « Bonjour les fascistes », « A mort Israël », « Vive la Palestine », etc.

Il faut rappeler ici la grande responsabilité des organisation de gauche dans les universités, qui se sont pour la plupart totalement fourvoyées dans l’antisionisme, prenant en otage la résistance Palestinienne pour faire d’Israël un épouvantail.

L’UEJF est ainsi devenu une cible, présentée parfois comme fasciste, alors que cette organisation a toujours été de gauche, proche du Parti socialiste et de la sociale-démocratie israélienne. C’est que pour les antisémites, toute personne juive qui ne se renie pas serait forcément un fervent soutien de « Ligue de  Défense Juive » et du gouvernement réactionnaire de Benyamin Netanyahou. Ils confondent, sciemment, la culture juive des juifs de France, avec Israël. Pour eux : juifs = sionistes = Israël = fascisme, alors juifs = fascisme.

> Lire également : L’inévitable prochaine montée de l’antisémitisme

Cet antisémitisme est insupportable, et devrait être combattu avec acharnement par la Gauche, pour ne pas laisser les masses juives sous l’emprise néfastes des réactionnaires, qui prétendent êtres les seuls à les défendre.

Voici le communiqué de l’association :

« L’UEJF dénonce la vandalisation de son local à l’Université Paris Dauphine

Le 30 mars 2019, des individus se sont introduits dans le local de l’Union des Étudiants Juifs de Dauphine à l’Université Paris Dauphine (Paris 16ème). Ces individus qui ont uriné sur le matériel du local associatif, ont filmé leur délit puis l’ont partagé sur les réseaux sociaux.

C’est le local des étudiants juifs de Dauphine qui a été visé exclusivement et spécifiquement comme en atteste la vidéo diffusée sur le réseau social Snapchat par les auteurs de cet acte inadmissible.

L’UEJF qui a déposé plainte et s’est entretenue avec les responsables de l’Université Paris Dauphine et salue leur réactivité et leur intention de signaler ces faits au Procureur de la République de Paris.

L’UEJF rappelle qu’en mars 2018, le local de l’UEJF avait été saccagé à Tolbiac avec des inscriptions antisémites, et que depuis le début de l’année universitaire des inscriptions antisémites se sont multipliées et banalisées à HEC, La Sorbonne, Assas, Grenoble ou Toulouse.

L’UEJF appelle à la plus grande sévérité à l’encontre des individus responsables du saccage du local des étudiants juifs de Dauphine et rappelle que la dégradation d’un bien en raison de l’appartenance réelle ou supposée du propriétaire du bien et de son utilisateur à une ethnie ou une religion est passible de trois ans de prison et de 45 000 € d’amende au sens du Code Pénal.

Pour Sacha Ghozlan, Président de l’UEJF : Cet acte de vandalisme s’inscrit dans un contexte de recrudescence des actes antisémites à l’Université. Alors que 89% des étudiants juifs de France ont déjà été confrontés à l’antisémitisme dans leur vie étudiante, selon notre Baromètre de l’antisémitisme à l’Université IFOP pour UEJF, l’antisémitisme se banalise dans l’Enseignement Supérieur. Il suffit d’une minorité active et virulente pour que ces actes s’inscrivent dans le quotidien des étudiants. Nous demandons des sanctions extrêmement fermes à l’encontre des auteurs et une mobilisation totale de la communauté universitaire pour que ce type d’agissement cesse. »

Attaque à Tolbiac en 2018
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Politique

Marine Le Pen utilise l’écologie pour son nationalisme

Afin de satisfaire au besoin d’argumentation justifiant le nationalisme, Marine Le Pen développe désormais le thème du protectionnisme comme seul vecteur réel de l’écologie. Seule la nation saurait se confronter à « la logique marchande des mondialistes ».

La Gauche assumera-t-elle la reconnaissance de la nature ? Sera-t-elle en mesure de prendre en compte de manière authentique, complète, la question animale ? Il y a là deux défis, et si c’est l’échec, alors l’extrême-droite profitera d’un élan sans pareil, tout comme en Allemagne dans les années 1930.

Marine Le Pen est, en effet, malheureusement, parvenue à une synthèse tout à fait moderne de l’option fasciste sur le plan des idées. Elle n’a évidemment pas fait cela toute seule, mais cela doit être justement d’autant plus une source d’inquiétude.

Cette synthèse vient d’être formulée lors d’une réunion publique à Mormant, en Seine-et-Marne. Elle n’y a pas parlé que des Européennes, mais également des municipales, régionales et départementales ; elle considère que c’est une seule vaste séquence. Joviale, elle a souligné que le Rassemblement National se présentait comme la seule alternative à Emmanuel Macron.

Cependant, là n’est donc nullement l’essentiel : il y a désormais la nouvelle idéologie du Rassemblement National, le grand argumentaire pour aller jusqu’à la victoire. En voici les principaux éléments.

Il y aurait un lien entre la protection de l’environnement et le nationalisme : préserver son pays, dans un cadre « immémorial », c’est maintenir l’équilibre nécessaire à la nature.

Elle parle de « la logique marchande des mondialistes », d’ « orgie marchande », de « l’abondance factice qui anéantit la planète ». Elle dit qu’il faut en finir avec cette « société qui congédie les valeurs naturelles et détourne les individus-rois du sens de l’intérêt collectif ». En tant que « parti localiste », le Rassemblement National serait seul capable de protéger l’environnement.

C’est là l’affirmation d’un argument « biologique » pour justifier le nationalisme, qui serait le seul garant d’une protection face à la « société de « l’hyperconsommation » qui s’étend au niveau planétaire. Elle a lourdement insisté justement sur ce concept d’hyperconsommation, le consommateur étant un « hamster » devenu la proie des « multinationales ». « Le système a réinventé Descartes : je consomme donc je suis », dit-elle.

Cela veut dire que Marine Le Pen assume un discours anticapitaliste romantique très développé, digne des années 1930. On a passé un cap : à l’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen, « facho réac » et provocateur, succède une ligne fasciste relevant entièrement de la tradition française, celle du « retour à la terre ».

C’est là le produit implacable du débat du second tour des présidentielles. On s’est beaucoup moqué, avec erreur, de la position « caricaturale » de Marine Le Pen. Car, dans les faits, elle a fait un rentre-dedans ouvert sur le plan des idées ; elle a fait une véritable proposition stratégique de rupture complète.

La France l’a alors refusée, espérant en la modernisation d’Emmanuel Macron. Mais la proposition ressort d’autant plus fortement maintenant qu’Emmanuel Macron a ouvertement échoué. Loin d’être carbonisée politiquement, Marine Le Pen est toujours présente et se profile toujours plus au centre de la vie politique.

Il y a toutefois pire encore. Marine Le Pen a longuement parlé de la souffrance animale, les animaux étant victimes des multinationales en quête de profit, mais aussi de l’abattage halal. Elle tape là sur un thème où la Gauche a gravement failli ; ici aussi, elle a un boulevard. Soit la Gauche se met à niveau, soit elle se fera broyée.

Évidemment, c’est de la démagogie. Marine Le Pen considère qu’il faut rejeter les « khmers verts », qu’il faut refuser toute taxe liée à l’écologie, affirmant que la France fait partie des pays les plus vertueux, etc. Les éoliennes seraient une escroquerie écologique, les panneaux solaires des produits chinois à refuser, le nucléaire quelque chose de très bien, etc.

Mais vu le niveau de conscience du peuple, toute cette démagogie peut porter, et on sait même déjà : elle va porter. Il appartient à la Gauche de se mettre à niveau et d’assumer l’Utopie nécessaire pour convaincre le peuple de partir dans la direction du grand changement nécessaire. Sans le Socialisme comme drapeau et objectif, ce sera la peste prune qui l’emportera !

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Politique

L’insignifiante « attaque » de l’École de Marion Maréchal par les anarchistes

La devanture de l’ISSEP, l’École de science politique de Droite de Marion Maréchal à Lyon, a été abîmée et recouverte de peinture noire. L’action a été revendiquée par un communiqué au style « antifa » anarchiste.

C’est un excellent exemple de la différence de substance entre la Gauche et les anarchistes. Ces derniers contournent les exigences démocratiques, ils en restent à des actions directes symboliques, qui n’interfèrent pas réellement avec le sens des choses.

De quoi s’agit-il en l’occurrence ? Comme on le sait, Marion Maréchal a ouvert une École supérieure privée, l’ISSEP, dont l’importance est très grande. Elle-même se profile comme la future grande dirigeante de la Droite, son école va servir de formation à de nouveaux cadres. On a vu également comment la première lettre interne a été un prétexte pour elle à faire un véritable manifeste stratégique pour le triomphe de la Droite.

> Lire également : Les mots de Marion Maréchal contre l’« hanounacratie »

Il est donc tout à fait juste de parler de cette École, de mener une intense propagande contre elle, de s’y opposer par un nombre très important de moyens. Mais cela doit toujours être politique, et jamais sombrer dans une sorte de gratuité dont le seul sens est de jouer aux chevaliers blancs qui se substituent au peuple.

Telle est précisément la démarche des anarchistes « antifa »,  qui revendiquent une « attaque » contre l’ISSEP dans la nuit du 26 au 27 mars 2019. Cela consiste surtout en une tentative d’effraction, une vitrine fissurée, une serrure forcée et la devanture recouverte de peinture noire, c’est à dire en fait pas grand-chose.

Cela a été jugé suffisant important par les protagonistes pour qu’il en fasse un communiqué, relayé par le « Groupe antifasciste Lyon et Environ », de culture anarchiste.

Cette « attaque » est présentée comme une « réponse à tous les actes racistes, sexistes, homophobes, transphobes, ainsi qu’aux politiques meurtrières anti-migratoires et à l’attentat de ChristChurch perpétré dernièrement.»

La presse de Droite, dont le Figaro, s’est bien sûr empressée de relayer l’information à son tour, en donnant la parole à Marion Maréchal qui « ne cache pas son exaspération » :

«Nous userons de toutes les voix légales pour faire respecter la liberté d’enseignement en France, manifestement bafouée par des milices d’extrême gauche violentes et dont les membres sont connus des services de police. Ceux-ci se croient suffisamment libres pour revendiquer leurs actes sur leur page Facebook. C’est dire leur sentiment d’impunité. En plus de porter plainte, je vais demander un rendez-vous au préfet, au rectorat comme au maire de Lyon pour que des dispositions soient prises contre ce genre de menaces pour la sécurité de mon établissement.»

Vu comment on va dans le mur, il est évident que ce genre d’actions est de la poudre aux yeux. Il s’agit même d’une banalisation de la très grande force de l’extrême-droite. Et ce n’est pas pour rien que le communiqué utilise l’écriture inclusive et reprend toutes les valeurs de la gauche post-moderne, post-historique, parlant notamment des trans.

> Lire également : Marion Maréchal, la réaffirmation politico-culturelle du conservatisme de Droite

On est là dans la négation de la bataille démocratique, la négation de la lutte pour la mobilisation populaire. On est dans une démarche individuelle, qui revendique haut et fort que tout est une question d’individus. C’est la négation de la lutte de classes, alors qu’il y a malheureusement d’énormes tâches à effecteur dans le peuple pour l’éduquer, lui faire passer des valeurs, pour transmettre des messages importants.

Malheureusement, Marion Maréchal a ici une très grande longueur d’avance sur le plan de la compréhension de la bataille pour conquérir les esprits du peuple. Il est vrai que pour la Droite, le travail est plus facile, car se fondant sur la démagogie, appuyant les conservatismes.

Cela n’empêche, il faut être à la hauteur et savoir véhiculer dans la population les valeurs de la Gauche, en considérant que le peuple lui-même doit les assumer, les porter. On ne peut pas contourner cela avec des « recettes » traditionnellement « substitutistes ». L’idée qu’on démolirait l’extrême-droite avec un petit groupe de gens ayant rassemblé leurs volontés est pour cette raison tout à fait étrangère à la Gauche historique.

> Lire également : Que représente l’ISSEP, l’école inauguré par Marion Maréchal ?

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail d’avant-garde à mener – un concept de la Gauche historique par excellence – c’est-à-dire un travail de conscientisation, d’ouverture des espaces où le peuple peut s’engouffrer pour agir. Mais si ce travail est déconnecté du peuple, si son orientation n’est pas en dynamique avec lui, cela ne sert à rien et c’est même contre productif, car cela donne l’impression qu’il y a quelque chose, alors qu’il n’y a rien.

De la même manière que la valorisation idéalisée de l’Union Européenne ne sauvera pas la Gauche, l’action directe ne le fera pas non plus. Ce dont la Gauche a besoin, c’est de reprendre ses valeurs historiques et d’assumer le travail politique dans la population.

Voici le communiqué :

« Dans la nuit du 26 au 27 Mars 2019, nous avons attaqué l’ISSEP, Institut des sciences sociales, économiques et politiques.

Cette école créée par Marion Marechal Le Pen a ouvert en cette rentrée 2018, au sein du quartier de la confluence, dans le but de former la future élite de l’extrême droite identitaire.

Considérez cette attaque comme une réponse à tous les actes racistes, sexistes, homophobes, transphobes, ainsi qu’aux politiques meurtrières anti-migratoires et à l’attentat de ChristChurch perpétré dernièrement.

Nous attaquons la montée en puissance dans le monde entier de l’extrême droite et du populisme.
Nous attaquons les laboratoires institutionnels des théories qui influencent ce climat nauséabond et mortifère.
Nous attaquons le renforcement sécuritaire dans nos villes, nos quartiers, nos mouvement sociaux, aux frontières de leur monde.
Nous attaquons tout ce qui sert et alimente le maintien du capitalisme par des moyens totalitaires et répressifs.
Nous attaquons cette pensée bourgeoise qui maintient et alimente les oppressions tout en développant leurs privilèges.
Nous attaquons ce qui neutralise toute perspective d’une émancipation commune, nous retranche dans nos individualités, nous pousse à la concurrence entre peuples et au sein de nos classes.

Nous ne cesserons jamais d’attaquer toutes les faces du fascisme que ce soit dans le centre historique du vieux Lyon ou dans la smart city de Confluence, nous continuerons de combattre les groupuscules violents qui usent de traditionalisme à des fins communautaires et identitaires ainsi que cette élite pensante qui se fait une place dans un quartier aseptisé, ultra sécurisé, ultra libéral, réel prototype d’un monde Orwellien.
Des gen.te.s dynamiques et motivé.e.s »

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Politique

Djordje Kuzmanovic lance « République souveraine »

Ancienne figure de La France Insoumise, Djordje Kuzmanovic lance un nouveau mouvement, que l’on doit qualifier de nationaliste : République souveraine. La polarisation Droite / Gauche serait dépassée, il s’agirait de défendre désormais la nation française pour qu’elle retrouve sa « puissance ».

Djordje Kuzmanovic avait fait parler de lui récemment, notamment au sujet de la question de la migration. Cela lui avait valu les foudres de nombreux responsables de La France Insoumise et il avait finalement démissionné de son poste d’orateur national de ce mouvement. Il justifiait alors sa position en faisant référence à l’Allemande Sahra Wagenknecht et au mouvement ouvrier historique.

En cela, il avait indubitablement raison ; jamais le mouvement ouvrier n’a fait des migrations un phénomène positif, tout en soulignant évidemment à côté les droits des travailleurs immigrés. Sahra Wagenknecht n’a fait que rappeler des fondamentaux, et son discours est ouvertement anti-militariste, anti-guerre, anti-nationaliste, opposant les riches et les pauvres.

> Lire également : Immigration : Jean-Luc Mélenchon désavoue Djordje Kuzmanovic

Impossible par contre de faire confiance à Djordje Kuzmanovic, qui n’utilisait cet argument de la Gauche historique que par démagogie. Et, finalement, cet ancien militaire, fier d’aller à la séance religieuse du dimanche de l’ultra-réactionnaire Église orthodoxe russe, lance aujourd’hui son propre mouvement, République souveraine.

La rhétorique est classiquement d’extrême-droite. Dans le cadre d’une « situation de crise profonde : sociale, économique, politique, morale et existentielle », il faut que toutes les forces s’unissent comme cela avait été le cas pour le Conseil National de la Résistance.

La France serait-elle occupée ou sous tutelle, comme à l’époque par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste ? Selon lui, oui, par la Commission européenne et les traités de libre-échange. D’où l’appel « à une union sacrée, à un sursaut patriotique pour mener la reconquête de notre souveraineté perdue ».

Est-ce là du souverainisme, comme le propose par exemple Dupont-Aignan ? En fait, non. Car Dupont-Aignan est sincère dans sa démarche et, s’il est de Droite, il cherche d’une manière ou d’une autre à combiner des forces. Concrètement n’importe qui peut apporter son grain de sel.

À l’époque du Conseil National de la Résistance, il n’y avait pas l’effacement de la Droite et de la Gauche, mais leur combinaison temporaire face à un ennemi commun. Dupont-Aignan relève de cette même démarche, toutes choses étant égales par ailleurs.

Les souverainistes veulent ainsi l’unité de la Droite et de la Gauche en posant le cadre national comme prioritaire ; les nationalistes par contre, disent qu’il faut le dépassement de la Droite et de la Gauche. C’est donc tout à fait différent.

Voici ce que dit Djordje Kuzmanovic :

« Face à l’unification du bloc élitaire, incarné par l’actuel pouvoir, il faut dépasser les vieilles identités partisanes. Ce bloc est minoritaire, mais il peut continuer son œuvre de déprédation si les forces d’opposition restent prisonnières des stéréotypes de gauche et de droite qui les empêchent de s’entendre sur un socle commun.

Nous proposons à tous les républicains qui veulent lutter contre le bloc ultralibéral, européiste et atlantiste de se fédérer au sein d’un mouvement politique ouvert et structuré de façon à concilier efficacité de l’action et démocratie du fonctionnement (RIC interne) pour ensemble bâtir de nouveaux « jours heureux ». »

C’est là ni plus ni moins que du nationalisme. Il faudrait protéger la nation d’une agression extérieure insidieuse, réactiver la communauté nationale unifiée, au-delà des divergences politiques. C’est tout à fait dans l’air du temps : tout un pan des gilets jaunes dit la même chose. C’est bien pour cela qu’ils sont d’extrême-droite.

Djordje Kuzmanovic a-t-il pour autant changé de camp ? Sans doute pas, car il n’a jamais été de Gauche. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait partie de La France Insoumise, qui a toujours eu des positions très strictes en ce qui concerne les ambitions militaires françaises et l’utilisation systématique de la rhétorique patriotique.

Il suffit de remarquer ici avec quel lyrisme Jean-Luc Mélenchon s’est adressé hier « aux militaires eux-mêmes », leur demandant de ne pas tirer « quand bien même ils en recevraient l’ordre », expliquant qu’il avait « compris que leur avis n’a pas été sollicité », prenant même le parti du chef d’état major des armées, dont « il n’est même pas certain [qu’il] ait été informé ».

D’où l’importance pour la Gauche de réactiver ses fondamentaux à ce sujet. Il y a un terrible recul dans la conscience de Gauche à ce propos. Car quoiqu’on pense du rôle au gouvernement du PCF et du PS, on est obligé d’admettre qu’ils ont aidé au renforcement et à la modernisation du militarisme, qu’ils n’ont jamais remis en cause ces institutions totalement réactionnaires que sont l’Armée, son administration, sa direction. On en paie le prix aujourd’hui.

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Société

Le sens historique du massacre de Christchurch

L’attentat meurtrier qui s’est produit en Nouvelle-Zélande n’est pas un acte raciste flottant au-dessus de l’Histoire, il est au contraire l’expression de toute une décadence qui vise à faire le plus de bruit possible pour empêcher qu’on assume les défis de notre époque.

Christchurch

 L’attentat terrible ayant frappé deux mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, ayant fait 49 morts et un nombre très important de blessés, rappelle immédiatement les actions en Norvège d’Anders Breivik, notamment lorsque celui-ci a froidement assassiné des jeunes socialistes, un par un, sur une petite île. On a pareillement un « manifeste » qui a été laissé, avec une vision du monde à la fois paranoïaque et raciste, ce qui va bien souvent ensemble par ailleurs, car pour agir ainsi, il faut être porté par une peur panique sur le plan social.

Il n’y a en effet pas de racisme qui flotte au-dessus de la société tel un préjugé, et qu’il s’agirait de déconstruire : cette expression post-moderne est fausse. La réalité est que le racisme est relié à des forces sociales, à des expressions de couches sociales bien particulières utilisant le racisme comme levier pour faire avancer leurs intérêts.

Qui refuse d’admettre que la société capitaliste est comme Rome à la veille de son effondrement ne peut pas le comprendre, évidemment. Car c’est d’une nouvelle civilisation qu’on a besoin et justement les actions terroristes visent à empêcher l’émergence de celle-ci. Les attentats meurtriers de l’État islamique, d’Anders Breivik ou comme là en Nouvelle-Zélande relèvent du même procédé : celui de la terreur de masse visant à provoquer une fracture sociale et un choc médiatique, avec l’affirmation d’une contre-civilisation qui serait la réponse à la « crise ».

La crise est naturellement présentée comme religieuse ou relevant des « races » ; ici que l’attentat contre deux mosquées se soit déroulé dans une ville dénommée Christchurch – l’église du Christ – a une portée symbolique évidente. L’attentat vise à présenter « l’Islam » comme un phénomène unifié et organisé qui serait l’ennemi d’un monde « occidental » en déliquescence. Le meurtrier s’imagine comme un chevalier des temps modernes et il avait d’ailleurs une caméra sur son casque, le film de son action se retrouvant sur internet.

Et cette conception du monde est très répandue en France. Toute une frange du black metal a été happé par le nationalisme plus ou moins ouvert, et diffuse exactement cette même démarche où des chevaliers isolés ayant pris conscience de « l’agression » de la « communauté » doivent aller à l’affrontement en assumant individuellement le combat. Rappelons que le principal activiste historique d’une telle démarche, le Norvégien Varg Vikernes, s’est installé dans le Limousin avec son épouse, française, après sa peine de prison en Norvège.

Les identitaires racialistes en Ukraine sont également très puissants et alimentent puissamment en imageries, idées et matériel de propagande la scène française. Il s’agit là-bas d’un mouvement de masse et cela ajoute à la crédibilité en termes de perspective, avec évidemment un indéniable romantisme, un facteur déterminant.

Ainsi, on a le même risque d’attentats de ce type en France, où toute une « scène » tend à réaliser de tels actes ; ces « identitaires » profitent également de la polarisation recherchée par toute la propagande anti-« islamophobe » diffusée par des secteurs islamistes aidés par la « gauche » post-moderne.

Tout cela est l’expression d’un profond pourrissement de la société capitaliste, et ce dans le monde entier ; c’est une société qui ne peut rien proposer à part la consommation et si l’on ne voit pas la lutte des classes, on a vite fait de basculer dans un anticapitalisme romantique sur la base d’un idéalisme communautariste.

Un tel anticapitalisme romantique n’est nullement forcément terroriste : les zadistes et les gilets jaunes ne vont nullement dans le sens d’attentats de masse. Il y a par contre le même irrationalisme, l’idéalisation d’une communauté remise sur pied, avec à chaque fois la valorisation du passé. Cette obsession du passé, ce fondamentalisme, a comme ennemi central la vision d’un futur idéal, de l’utopie socialiste, de la transformation collective et collectiviste.

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Politique

Marine Le Pen déroule son populisme dans l’Émission politique

Marine Le Pen était à l’honneur hier soir de l’Émission politique sur France 2. Elle a pu y dérouler son populisme nationaliste, s’installant de plus en plus comme figure de l’opposition en France, dans une sorte de grand face-à-face avec Emmanuel Macron entretenu par Emmanuel Macron lui-même.

Beaucoup de constats exprimés de manière vindicative, peu de contenus concrets assumés sérieusement. Voilà comment on pourrait résumer la prestation de Marine Le Pen hier sur le plateau de France 2 dans une émission de deux heures trente qui lui était entièrement consacrée.

Cela est bien sûr le propre du populisme, où ce qui compte n’est pas le fond mais la forme, pour apparaître comme voulant changer les choses sans n’avoir jamais besoin d’expliquer comment on change les choses.

L’écologie ? Il faut changer ce « système mondialiste », mais il ne faut surtout pas accabler la France qui serait un des pays les plus « vertueux » du monde en la matière, avec des « résultats exceptionnels en termes d’émission de CO2 ». Le problème viendrait en fait surtout de l’étranger, des autres pays.

La redistribution des richesses ? D’accord, mais elle n’est pas « en guerre contre les riches », plutôt « en guerre pour les Français les plus modestes ». C’est la même chose sur les frontières où chacun peu comprendre ce qu’il veut puisqu’elle dit vouloir les renforcer tout en prônant un « pragmatisme », pour laisser entrer « ce qui est positif ».

On a eu la même chose à propos de la Police, où elle explique que le Gouvernement pratiquerait une grande répression contre le mouvement des gilets jaunes, mais que par contre il faudrait respecter l’ordre et l’uniforme.

C’est pratique, c’est d’ailleurs tout à fait conforme aux gilets jaunes, qui « râlent » mais ne veulent surtout pas avoir à assumer de choix politiques, de grands changements. Il faut bien voir ici comment le mouvement des gilets jaunes facilite grandement la tâche du Rassemblement national sur le plan politique. Un exemple très concret de cela a été au début de l’émission quand elle a rétorqué à une proposition de taxe par le gouvernement que les gilets jaunes étaient à la base un mouvement d’opposition aux impôts et aux taxes, qu’il ne fallait donc pas le faire.

En répondant ainsi, elle peu satisfaire tant une base populaire apolitique aux revenus modestes, que l’électorat traditionnel de la Droite, souvent plus bourgeois, qui afflue de plus en plus vers elle. L’ouverture à la Droite était d’ailleurs très flagrante pendant l’émission, en appuyant sur les questions sécuritaires, en assumant totalement l’origine identitaire (c’est-à-dire d’extrême-droite) du Directeur de la campagne européenne Philippe Vardon, en expliquant que les gilets jaunes avaient été « expulsés des rond-points par l’extrême-gauche », etc.

Cependant, en deux heures et trente minutes d’émission, alors que se profilent les élections européennes, Marine Le Pen n’a jamais véritablement expliqué des projets ou mesures concrets, présenté un programme par rapport à la question européenne.

On ne sait toujours pas depuis le débat au second tour de l’élection présidentielle, si elle veut ou non sortir de l’euro, sortir de l’Union européenne, sortir de tel ou tel traité, en signer de nouveaux, etc.

Il faut dire qu’elle a été bien aidée par des intervenants tous plus caricaturaux les uns que les autres, qu’elle pouvait souvent laisser parler de longs moments sans intervenir, tellement cela servait son propos par miroir inversé.

Que cela soit Jacques Attali, d’une mauvaise foi ahurissante sur son libéralisme, le youtubeur « Hugo Décrypte », qui fait Science po et dit exactement la même chose que les journalistes classiques, la Maire PCF d’Aubervilliers, qui s’écoutait parler de manière hystérique, l’ancien Président du conseil italien, un avatar de Macron avec l’accent exotique en direct depuis Londres. La palme revient bien sûr à la ministre des Affaires européennes dans son style « premier de la classe », qui de manière grand-guignolesque a conclu l’émission en prétendant qu’elle avait eu un déclic pendant son échange avec Marine Le Pen et qu’elle souhaitait maintenant être tête de liste pour le parti présidentiel aux élections européennes !

Très bien. Elle aura fait son petit numéro après avoir été « incollable » sur ses dossiers. Sauf qu’elle n’a jamais obligé la présidente du Rassemblement National à parler politique sur le fond, à exprimer ses points de vue en profondeur. Cela est en fait très utile à Emmanuel Macron, qui de son côté s’imagine pouvoir simplement lui opposer les gens qui sont « raisonnables » et transi par le populisme.

Cela est un jeu très dangereux, cela revient à ouvertement jouer avec le feu, et l’Histoire au XXe siècle fût malheureusement d’un grand enseignement à ce sujet. Il y a péril en la demeure, littéralement. La Gauche a le devoir de comprendre ce danger, de saisir l’urgence qu’il y a à s’organiser contre ce face-à-face périlleux entre libéraux européens et populistes nationalistes. Il faut tout faire pour l’unité de la Gauche contre l’éparpillement qui mène tout droit à la catastrophe.

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Eric Zemmour et le « nationalisme des imbéciles »

Le dernier livre d’Eric Zemmour, Destin français, prolonge la proposition nationaliste qui est la sienne, tentant de contourner la question de l’antisémitisme propre au nationalisme de notre pays. Il s’agit pour lui de reformuler ce nationalisme, sa base, son histoire, pour la dériver de sa tendance à l’antisémitisme vers la lutte contre un « mondialisme nomade » auquel précisément il ne parvient pas à donner une forme alternative.

Eric Zemmour a beau contourner le problème, il en revient au même point : la centralité de la question antisémite pour le nationalisme français. Sa vaine tentative n’est donc qu’un appui à un élan qui le dépasse et qui l’emportera inévitablement en tant que Juif. Il n’aura somme toute formulé qu’un « nationalisme des imbéciles » ne voulant pas voir l’antisémitisme comme tel, tout symétriquement comme la « gauche » antimatérialiste formule inlassablement un « anticapitalisme » antisémite, comme « socialisme des imbéciles ».

Eric Zemmour est un intellectuel français issu de la minorité nationale juive algérienne, qui se présente comme relevant de la Droite conservatrice la plus réactionnaire. Il a saisi partiellement ce qu’est le nationalisme et partiellement ce qu’est l’antisémitisme. Il est même parvenu à saisir comment la Gauche se tort dans ses contradictions lorsqu’elle rejette le matérialisme qui la constitue, et sombre d’une part dans les démarches post-modernes et d’autre part dans l’antisémitisme.

Mais Eric Zemmour ne fait pas confiance à la Gauche pour dépasser cette contradiction. Il cherche une solution, un remède politique et intellectuel, depuis la Droite et pire même depuis le nationalisme. C’est à ce titre qu’il a produit dans son dernier livre un exposé sous la forme d’une autobiographie et d’une galerie de portraits l’ayant « construit »  (par opposition à ceux qu’il présente comme les « déconstructeurs » de la gauche post-moderne) comme français, au sens politique et même clairement nationaliste.

La base que pose Eric Zemmour pour sa proposition nationaliste est sans surprise celle de la France des années 1960, complètement idéalisée sous la forme d’une société moderne mais qui serait encore marquée significativement du sceau de la « tradition », de « l’identité » française juste avant le basculement dans la post-modernité du capitalisme des années 1970, suite à la « rupture » de Mai 1968. Il entend ici donner une densité, une « incarnation » à cette base en la présentant sous une forme autobiographique, « vécue », comme un témoignage, dans une démarche toute romantique, mais suintant l’esprit de la réaction la plus brutale.

Cet aspect globalement réactionnaire, voire ultra-réactionnaire de son livre, poussant au nationalisme le plus décomplexé, n’a bien sûr pas échappé aux journalistes de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Mais comme ceux-ci ne saisissent pas correctement ce qu’est l’antisémitisme, ils ont pensé qu’il suffirait de mettre à jour ce que Eric Zemmour affirme du Maréchal Pétain, pour le présenter comme un dangereux nationaliste poussant à l’antisémitisme et à la haine raciale.

Or, précisément, Eric Zemmour rejette ces critiques comme superficielles. Ce n’est pas son sujet, il ne voit ni l’une ni l’autre de ces questions comme centrale à son analyse. Avant d’en arriver au Maréchal Pétain, Eric Zemmour pose en effet le cadre de l’État français, qui est le principal personnage de son livre, le sujet même de sa réflexion. Pour Eric Zemmour, l’État est ce qui donne corps à la nation française, ce qui « matérialise » en quelque sorte son « génie » identitaire dont il propose justement de suivre le « destin ». Le choix même de ce terme traduisant toute la perspective qu’il met en avant.

Là où la Gauche dit que ce sont les masses qui font l’Histoire, pour Eric Zemmour, ce sont des élites, en mesure de contrôler l’État qui la font, le peuple se bornant à n’appuyer que ses élites « naturelles » ou à se faire dévoyer par des saboteurs plus ou moins conscients. Là où Eric Zemmour voit de la permanence « naturelle » dans l’affirmation identitaire de la Nation par l’État, la Gauche voit des ruptures historiques en fonction des cadres successifs de l’économie politique par lesquels notre pays est passé.

Là où Eric Zemmour voit le mouvement historique comme un affrontement à mort entre « nomades » et « sédentaires » dans un pays de « guerre civile », aboutissant à la victoire du « réel », à la « revanche de l’Histoire », c’est-à-dire soit au triomphe de la réaction soit à celui de « l’invasion », la Gauche voit la lutte des classes et le mouvement général et contradictoire de la matière vers toujours plus de science, toujours plus de symbiose.

L’Histoire de France selon Eric Zemour se voit donc ratatinée par ce prisme étroit de la « destinée » de la Nation, par la trajectoire unilatérale de l’État qui l’incarnerait. La répression des Protestants, l’élaboration de l’administration centralisée, la formulation de l’absolutisme monarchique, le tout aboutissant à l’épopée napoléonienne, constituent ainsi autant de jalons de la « longue durée », de la supposée permanence d’un « esprit » français, politique mais néanmoins quasiment providentiel, remontant à « Rome ».

L’influence maurrasienne sur la pensée d’Eric Zemmour est donc manifeste. A ceci près qu’il se montre d’un monarchisme moins anti-républicain, dans le sens où la « substance » de la France comme il la définit, a selon lui été incorporée par la République qui, sous son meilleur jour, la prolonge.

C’est ainsi qu’il peut mettre en avant certaines figures qu’il tente d’annexer au nationalisme de manière définitive : Robespierre, Napoléon bien sûr, et plus particulièrement, Pétain et De Gaulle. Ce qu’il avance à ce sujet est correct sur le fond : Pétain et De Gaulle, ce sont tous les deux des figures de ce qu’est la France, au plan historique, en tant que Nation.

Là où il commet deux erreurs gigantesques et impardonnables c’est d’abord en nuançant de manière outrancière le caractère non exterminateur du régime de Vichy à l’égard des Juifs, en tout cas des Français juifs. Le régime de Vichy ne fut certes pas un régime unifié. Plus précisément, seules ses fractions catholiques traditionalistes et planistes dans une moindre mesure, n’adhéraient pas à la perspective ouvertement génocidaire. Mais c’était pour prôner un antisémitisme assimilateur ou éducateur, sur la même base de l’anticapitalisme romantique réactionnaire que les mouvements plus authentiquement fasciste.

Eric Zemmour tente de contourner cela, en rejetant totalement les milieux les plus collaborationnistes et génocidaires comme hors de Vichy, et donc de sa perspective « française », et surtout en éludant la question de l’antisémitisme en tant que tel au sein des nationalistes, à partir du moment où elle se pose comme seulement pour ainsi dire « éducatrice », « assimilationniste » sur la base d’une contre-révolution nationale-conservatrice.

Celle-ci serait acceptable en ce qu’elle manifesterait finalement une dimension « post-juive » de la France, qui s’appuyant sur la tradition catholique depuis la monarchie capétienne, se vit comme un « nouvel Israël ». Cela n’est ni plus ni moins que la tradition même du christianisme romain depuis ses origines, qui fonde d’ailleurs son anti-judaïsme, mais Eric Zemmour semble découvrir dans cela une sorte de clef qui relierait sa propre judaïté à la ligne réactionnaire qu’incarne aujourd’hui cette tradition.

La seconde erreur, consiste à penser la Gauche comme anti-française.

Fondamentalement, la Gauche ne peut être « française » selon Zemmour qu’en cédant au nationalisme, à « l’esprit » national qu’il tente de décrire. Par conséquent, certaines figures de gauche peuvent être incorporées. Mais pas toutes. A la base de la rupture, dans le prolongement de la Révolution française, heureusement cadrée par Napoléon en fin de compte, il y a Victor Hugo. Eric Zemmour en fait une sorte d’ancêtre des post-modernes selon une logique très forcée. Mais le grand renversement, la « victoire » de la Gauche sur le « destin » national c’est bien sûr l’élan post-moderne poursuivant Mai 1968.

C’est là toute l’insuffisance par laquelle il tente vainement de saisir ce que représenta une figure comme celle du Général De Gaulle, qu’il oppose de manière erronée à ce post-modernisme.  Cette erreur de perspective s’explique essentiellement en raison du fait qu’Eric Zemmour ne voit la figure de De Gaulle qu’à travers la question actuelle du néo-gaullisme pour la Droite. Pour lui, cette proposition néo-gaulliste permettrait le développement d’un nationalisme à la fois traditionnel dans sa forme, moderne sur le contenu, permettant aussi de constituer sinon un rempart, du moins une alternative au fascisme, ce qui est partiellement vrai, et surtout à l’antisémitisme, et ce qui est relativement faux.

Ce que tente en réalité de formuler Eric Zemmour, c’est un nationalisme ultra-conservateur, dans la droite ligne de Charles Maurras, prolongé par une démarche populiste et réactionnaire, mais qui ne serait pas antisémite. Un « nationalisme des imbéciles » en somme qui ne peut tout simplement pas exister comme tel, réplique symétrique et vaine, par la réaction et par la Droite, au « socialisme des imbéciles » de la Gauche égarée.

C’est là toute sa tentative : « noyer » l’antisémitisme dans sa critique des déconstructeurs, en particulier de la Gauche, et dans le rejet du « nomadisme » de la mondialisation, qu’illustre de manière sensible les circulations de capitaux, de marchandises et des migrants.

En quelque sorte, l’antisémitisme nationaliste serait une expression faussée, dévoyée, de cette lutte contre le « nomadisme » de la haute bourgeoisie capitaliste, réduite à une oligarchie « financière » et à quelques grandes firmes, à ses soutiens ou idiots utiles libéraux, de la Gauche post-moderne et des grands médias.

Face à ces « nomades », c’est l’intangibilité de l’État, souverain et autoritaire, qu’il convient de restaurer, quitte à aller à la « guerre civile » et la répression contre les libéraux et la Gauche.

Eric Zemmour prétend donc faire de l’Histoire mais il ne saisit ni ce qu’est le nationalisme, ni ce qu’est l’antisémitisme, ni même ce qu’est finalement l’Histoire de France. Il bricole simplement une sorte de théorie « néo-maurrasienne » qui tente de reformuler l’antisémitisme des nationalistes en rejet du « nomadisme mondialiste » et de pousser à la réaction par le néo-gaullisme propre à la Droite conservatrice de notre époque. Ceci alors même que l’antisémitisme l’a déjà devancé sur ces deux terrains.

> Lire également : « Egalité & Réconciliation » et le capitalisme des « nomades »

En outre, Eric Zemmour tente de proposer un style, un populisme « cultivé » en mesure de flatter l’esprit « populaire » propre à la petite bourgeoisie réactionnaire qui constitue son public. Celle-ci se flatte de ses images relevant de la France d’Audiard, de Johnny, de celle de Nicolas Dupond-Aignan, de Laurent Wauquiez, de Marine Le Pen, de Marion Maréchal, mais aussi de Michéa ou de Soral.

C’est-à-dire de toute la clique réactionnaire et populiste à laquelle la Gauche doit faire face, avec sa culture, ses valeurs et la seule analyse claire et nette sur ce qu’est l’antisémitisme, ce qu’est le fascisme, ce qu’est le nationalisme français, et l’Histoire de France.

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Un acte XVI des gilets jaunes simplement vulgaire

L’image symbolique de l’acte XVI des gilets jaunes, ce sont ces femmes en gilets rouges avec une cocarde rouge sur la capuche, des bandes noires sur la bouche pour symboliser que la France serait bâillonnée, en train de pointer du doigt une succursale de la BNP à Lille. C’est, somme toute, le symbole de « la France » contre « la finance », c’est-à-dire, pour dire les choses clairement, un exemple de plus du caractère tout à fait brun des gilets jaunes.

Comment qualifier autrement ce qui relève d’une dénonciation du « mauvais » capitalisme, présenté comme parasitaire, sans aucune critique rationnelle du capitalisme en général ? Quiconque est de Gauche ne peut que s’apercevoir que depuis trois mois, les gilets jaunes étouffent littéralement toute contestation politique, toute lutte sociale, tout mouvement à la base. Le populisme des gilets jaunes, avec ses simplifications outrancières et sa démagogie, a asséché massivement toute « opposition ».

Les 40 000 personnes qui se sont mobilisées hier en France témoignent par ailleurs d’une énième transformation des gilets jaunes : désormais, c’est un style. Il y a une manière gilets jaunes de poser les questions, de formuler les réponses. C’est la conséquence logique de l’hégémonie des gilets jaunes sur « l’opposition » au gouvernement.

C’est donc désormais bien un mouvement politique à part entière. En passant d’environ 300 000 à un noyau dur d’autour de 40 000 personnes, il y a eu beaucoup de contorsions, mais les bases sont maintenant posées, le populisme à la gilet jaune a des contours bien définis. Sur le plan des idées, c’est un syncrétisme, puisant au populisme de Jean-Luc Mélenchon, à l’ultra-gauche, à l’extrême-droite complotiste, au nationalisme. Il est parlé de la « tyrannie de la Macronie », d’une « France pillée par l’oligarchie ».

Les approches, quant à elles, sont éclectiques, comme hier. À Paris, les quelques milliers de gilets jaunes ont marché sur douze kilomètres, avec encore et toujours les Champs-Élysées, cette obsession. Il n’y avait qu’une vingtaine de personnes à Nice, alors qu’à Nantes un peu moins de 2000 personnes étaient rassemblées pour ce qui devait être le grand rassemblement de l’Ouest, avec une traditionnelle ultra-gauche très agressive comme à son habitude, alors que sa variante toulousaine a mis en place des ballons remplis d’excréments comme projectiles.

À Angers, un centre commercial a été bloqué, tandis qu’un millier de gilets jaunes était présent dans le centre de Toulon ; à Soissons c’est le centre commercial Cora, qui accueillait Miss France, qui a été le lieu d’un petit rassemblement, alors qu’un petit groupe organisait un péage gratuit à Chartres. Un autre petit groupe a tenté de bloquer la plate-forme Colis Poste à Erstein, plus d’un millier de personnes était présente à Colmar, cinq cent à Strasbourg, etc.

C’est là du folklore, du pittoresque, mais rien de politique, au sens où il n’y a ni perspective, ni valeurs, ni projet de société. Le drapeau français et l’image d’une France « assaillie » par la finance est le seul horizon de ce qui est une vision du monde véritablement grossière. Ou devrait-on peut-être dire vulgaire ?

Le terme a comme étymologie le mot latin vulgus, désignant la multitude. C’est donc ici très utile, car les gilets jaunes se prétendent le peuple, mais ne sont qu’une foule se vautrant dans l’outrance et la symbolique à peu de frais. C’est donc vulgaire, au sens où cela manque d’élévation, de distinction. Il n’y a pas de valeurs, de culture, d’organisation, tout ces traits du mouvement ouvrier historique, de la Gauche politique qui l’a porté.

En ce sens, si les gilets jaunes s’imaginent de grands rebelles, ils ne sont que le produit du grand lessivage apolitique de ces vingt dernières années, et l’ennemi le moins dangereux qui soit pour le capitalisme que, de toutes façons, les gilets jaunes ne remettent nullement en cause. La seule chose que remettent en cause les gilets jaunes, c’est la politique, et donc la Gauche, car finalement, qui a besoin de la politique à part la Gauche, la classe ouvrière, les exploités et les opprimés ?

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L’histoire refoulée – La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français, sous la direction de Zeev Sternhell

C’est un ouvrage collectif important qui vient de sortir. Intitulé : L’histoire refoulée – La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français, il présente le parcours de François de La Rocque, qui a été à la tête d’un littéralement gigantesque mouvement d’extrême-droite lors de l’entre-deux guerres. Le paradoxe est que malgré l’importance de cela – le quotidien Le Figaro a appartenu à un moment à ce mouvement – il y a très peu de connaissances à ce sujet.

On ne s’étonnera pas que derrière cet ouvrage on retrouve l’historien israélien Zeev Sternhell, auteur de grands classiques sur la  « droite révolutionnaire » en France, présentant notre pays comme un grand laboratoire d’idées mêlant nationalisme et un « socialisme » anti-marxiste. Cette thèse a historiquement mis en rage les historiens français, qui ont toujours nié le fascisme français, présentant notre pays comme « immunisé ».

On va donc en savoir enfin plus sur les Croix de Feu, même si les communistes orthodoxes de lesmaterialistes.com avaient déjà publié un très long dossier sur les Croix de Feu et le Parti Social Français, reprenant les thèses du Parti Communistes français alors. Ce dernier remarquait en effet qu’au-delà de l’apparence « populiste », comme on le dirait aujourd’hui, le mouvement de La Rocque accumulait des armes et organisait de véritables structures militaires, avec même une aviation !

Il est évident que du côté communiste, les Croix de Feu apparaissaient comme une sorte d’anti-mouvement, c’est-à-dire comme les fascistes italiens et les nazis allemands, un mouvement visant directement à concurrencer l’affirmation révolutionnaire communiste.

Telle n’est pas la mise en perspective de Zeev Sternhell, qui est lui d’esprit social-démocrate et voit la « droite révolutionnaire » comme un mouvement d’idées dont la base serait les « anti-Lumières ».

C’est là le prolongement de son ouvrage Ni droite ni gauche, l’idéologie fasciste en France, déjà en 1983 ; Zeev Sternhell se considère comme le grand protecteur des Lumières sur le plan des idées, affirmant que les historiens français ont toujours masqué l’existence d’un fascisme français en quelque sorte « bien de chez nous », dont la base est justement le rejet des Lumières. La préface de l’ouvrage souligne d’ailleurs avec insistance le fait que le philosophe Alain, très connu puisque encore largement présent dans les sujets du bac philosophie, exprimait dans son journal récemment publié un antisémitisme exterminationniste.

De manière intéressante, il est présenté comme « l’idéologue organique du parti radical et, de fait par extension, l’idéologue quasi-officiel de la troisième république » ; on reconnaît ici le concept d’intellectuel organique du communiste Antonio Gramsci, avec en arrière-plan le principe de la bataille des idées pour l’hégémonie culturelle.

Cet ouvrage est donc extrêmement intéressant ; il présente un phénomène historique très important dans l’histoire de France, il permet de renforcer la culture antifasciste, et on peut même y voir une opposition intellectuellement productive entre la vision social-démocrate (ou socialiste) de Zeev Sternhell et la lecture communiste orthodoxe. La Rocque était-il la principale figure d’un mouvement de masses sur la base d’idées anti-Lumières, comme le pense Zeev Sternhell, ou bien l’expression du fascisme comme massification dans une perspective anti-Socialisme, comme l’affirme le dossier des Matérialistes mentionné plus haut ?

Cela ne peut être un débat qui ne fait que commencer et qui doit par ailleurs se multiplier ; il appartient à la Gauche de mettre en place une véritable réflexion quant à la nature du fascisme, la réalité de sa menace, le sens de ses activités. Personne de sérieusement à Gauche ne peut penser que le Fascisme n’a été qu’un accident historique, une simple anomalie de parcours dans l’établissement d’une sorte de société capitaliste libérale-sociale stable au point de devenir éternel. Parler du Fascisme, c’est malheureusement parler de son actualité.

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L’avocat Emmanuel Pierrat et l’arsenal législatif contre l’antisémitisme

L’avocat et écrivain Emmanuel Pierrat a publié une tribune dans Le Parisien, qui a son importance. Il aborde en effet la question de l’antisémitisme et il dit une chose indiscutable : il existe déjà un arsenal répressif juridique contre l’antisémitisme. C’est la motivation politique pour appliquer la loi qui manque.

Emmanuel Pierrat, avocat et écrivain

« Des portraits de Simone Veil recouverts de croix gammées, le mot Juden tagué sur un magasin Bagelstein, deux arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi sciés, Alain Finkielkraut insulté, des tombes profanées… Le bilan le plus récent est effrayant. Mais il existe surtout une cyberhaine, signée par de courageux anonymes, qui inonde les réseaux sociaux et en particulier Twitter, ce réseau social sur lequel la terrifiante Ligue du LOL a œuvré durant des années.

La France républicaine de 2019 est défiée par les discours et les propos qu’elle croyait réservés aux combattants en déroute de l’État islamique ou du lointain Ku Klux Klan. Emmanuel Macron a déclaré au dîner du Crif que la France mettra en œuvre la définition de l’antisémitisme adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah. Or, ce faux masque est déjà sanctionné s’il est synonyme -et c’est souvent le cas- d’antisémitisme et non de critique citoyenne de la politique de Benyamin Netanyahou.

L’arsenal législatif est plus que suffisant pour éviter toute dérive. La justice dispose en effet d’instruments nombreux pour condamner les ex-humoristes ou les simples internautes. La loi du 29 juillet 1881 sanctionne tant la diffamation que l’injure et la provocation et envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Sans oublier la pénalisation du révisionnisme, de l’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité… Et la loi du 30 décembre 2004 qui est venue réprimer les propos homophobes ou sexistes.

La liberté d’expression -un principe fondamental que nous tenons de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789- ne permet pas de justifier ce qui est un délit et non une opinion. Le 19 février, la Cour de cassation a encore souligné, à propos du sinistre Alain Soral, qu’en matière d’injures à raison de l’origine raciale ou religieuse supposée […], il n’existe pas d’excuse de bonne foi ; et les juges d’ajouter que les propos constitutifs d’injures visant la personne concernée en raison de son origine ou de son orientation sexuelle, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d’expression dans une société démocratique, ne relèvent pas de la libre critique, participant d’un débat d’intérêt général.

Les arguments du droit américain, partisan d’une liberté d’expression absolue, et de la supposée complexité juridique liée à la globalisation des réseaux sociaux ne sont ni tenables ni plaidables. De fait, en 2013, eBay a fini par retirer de ses catalogues des dizaines d’effets et de souvenirs liés à l’Holocauste (y compris un vêtement porté par un détenu du camp d’extermination d’Auschwitz). Leboncoin en a fait de même, début 2018, alors que s’y vendaient brassards nazis et étoiles jaunes.

Le chef de l’État se déclare pourtant opposé à la levée de l’anonymat sur Internet. Saluons la députée Laetitia Avia qui estime nécessaire de modifier le droit existant, reposant essentiellement sur la loi de confiance sur l’économie numérique qui date de 2004, soit avant l’arrivée de Facebook en France et veut rendre juridiquement responsables les Gafa. Les réseaux sociaux coopèrent spontanément en matière de pédophilie et de terrorisme. Las, pour le reste, Twitter et consorts ne daignent pas répondre aux autorités qui osent à peine toquer, en vain, à leur porte.

Il nous manque une volonté politique permettant au parquet de poursuivre et à la police judiciaire d’agir. Commençons donc par utiliser les armes dont nous disposons déjà et que nous n’osons pas brandir en matière d’évasion fiscale comme de discours de haine. Et nous aurons moins à rougir de nos brebis galeuses. »

 

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Les mots de Marion Maréchal contre l’« hanounacratie »

Les propos de Marion Maréchal sont rares et toujours très commentés. Elle vient de rédiger un long texte dans lequel elle oppose démocratie et « hanounacratie » ; c’est un positionnement politique.

Marion Maréchal a mis en place une newsletter dans son école hors contrat, l’ISSEP, et a écrit à cette occasion un long texte, intitulé « Le mot de Marion Maréchal : Démocratie ou hanounacratie ? ».

C’est un document très important, car cela a maintes fois été souligné ici, Marion Maréchal est une cadre dirigeante d’avenir, la clef du rassemblement de la Droite et de l’extrême-droite. Sachant que ses propos sont très suivis et commentés, elle place de manière adéquate les bases de ce prochain rassemblement. C’est une menace terrible pour la Gauche.

Ce qu’elle dit en effet, c’est qu’il ne faut pas porter d’attention aux gilets jaunes comme expression « économique, sociale ou territoriale ». Du point de vue de la Gauche, c’est évidemment au contraire là le seul intérêt, puisque culturellement et idéologiquement, les gilets jaunes sont réactionnaires. Mais du point de vue de la Droite évidemment, cela n’a pas d’intérêt et mieux vaut les voir comme expression d’une « maladie française ».

Comme Marion Maréchal relève de la Droite la plus dure, elle considère que cette maladie est « institutionnelle ». Or, justement les gilets jaunes ont évolué de plus en plus dans ce qui doit être considéré comme quelque chose de proto-fasciste, voire de fasciste, comme cela été très clair début février 2019.

Il faut donc en profiter ! Ce qu’elle dit, si on le décode, c’est ni plus ni moins qu’on peut profiter des gilets jaunes pour provoquer une crise de régime. Voici un petit extrait de sa prose :

« Ce n’est pas pour rien que ce mouvement a progressivement muté d’une forme de jacquerie fiscale vers des revendications d’ordre démocratique dont le RIC, référendum d’initiative citoyenne, est le marqueur principal. Cette crise politique est la conséquence d’un pouvoir devenu totalement illégitime. »

Marion Maréchal fournit alors les concepts. Le régime serait aux mains d’une « oligarchie dissimulée » apparue au cours des années 2000. Il s’agit désormais de tenir un discours très dur, anti « système », pour profiter d’une mobilisation populaire. Du point de vue historique, c’est ce qu’on appelle le Fascisme ; voici comment Marion Maréchal tourne cela :

« Le système – entendu comme le consensus idéologique d’une grande partie des dirigeants politiques, des grands décideurs économiques et des médias – vacille sous les coups de boutoir de ceux qui ne veulent plus tolérer un mécanisme démocratique confiscatoire dont ils ne tirent aucun bénéfice. »

Il faut ici comprendre quelque chose de fondamental : la violence, la dimension belliqueuse du fascisme, n’en est qu’un aspect, une sorte de force mobilisatrice initiale.  Celui-ci arrive cependant au pouvoir de manière « légale ». Cette légalité s’appuie bien-sûr sur des milices dans les rues, sur un État déjà policier, sur plein de choses qui ne relèvent pas de la démocratie… Mais le Fascisme s’exprime par l’intermédiaire d’une base populaire, avec une vaste capacité électorale.

C’est vrai pour les fascistes italiens comme les nationaux-socialistes allemands. Cela ne veut pas dire que les agressions systématiques de l’extrême-droite n’aient pas joué, que leurs bastonnades, leurs incendies, leurs meurtres… n’aient pas eu d’impact. Mais ils accompagnent toujours une progression électorale.

> Lire également : nos articles sur Marion Maréchal

Si on rate cela, on ne comprendra pas pourquoi Marion Maréchal explique que le « grand débat » est une fumisterie et que ce qui compte ce sont les élections. Ici notons qu’elle se démasque : elle prétend ne plus faire de politique, alors qu’elle explique que l’objectif c’est la victoire électorale ! Cependant ce qui compte surtout, c’est sa proposition d’une ligne stratégique à toute la Droite.

Une longue citation est ici nécessaire, pour bien voir comment elle définit ce que doit être le populisme.

« L’échange sur un projet de société, qui doit avoir lieu avec les Français, a un nom : il s’appelle élection. Ce sont les élections qui permettent d’encadrer et de trancher le débat. Or, il n’y a pas de réelle crise de l’idée démocratique : 89% des Français pensent que la démocratie est toujours le meilleur moyen de gouverner un pays.

« La tentation totalitaire » dont on accuse souvent « les populistes » français n’existe pas. Il existe une crise de confiance entre les gouvernants et les gouvernés. La concorde est brisée entre un peuple et son élite qui ne respecte pas la confiance qui lui a été accordée. Une élite de plus en plus homogène qui capte le pouvoir au détriment de la nation.
Le populisme du peuple est une réponse à l’élitisme des élites. Ce pouvoir creuse sa tombe en imaginant que la contestation des Français pourra être calmée en leur accordant un débat au paperboard dans une émission de divertissement ; en transformant leur vote en posts ou en tweets ; en faisant de la politique une franche rigolade.

C’est une illusion : l’oligarchie ne sera pas sauvée par l’hanounacratie. »

Il y a ici un aspect essentiel, qui a n’a  jamais été compris en France, malheureusement. Il est dit que le Fascisme est un totalitarisme, que les gens s’y comportent comme des robots, avec un contrôle absolu. C’est totalement inexact. Le fascisme est un libéralisme absolu et général, où chacun peut faire ce qu’il veut, du moment qu’il ne fait pas de politique. Les Italiens et les Allemands n’étaient pas du tout surveillés par une horde de policiers : ils soutenaient le Fascisme dans leur grande majorité, ils le portaient, ils en étaient très contents car ils considéraient qu’ils étaient ainsi débarrassés d’avoir à prendre la moindre responsabilité.

Si une chose est « totalitaire », c’est à l’opposé la Gauche, et c’est une bonne chose ! Car la Gauche est totalitaire quand elle dit que la Droite a tort et doit s’effacer, quand elle dit que le capitalisme est une chose à supprimer, que le partage social doit être la norme indiscutable. Mais cela c’est la Gauche historique et on en est encore loin… Par contre, la Droite historique a clairement commencé à se reconstituer.

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De justes rassemblements contre l’antisémitisme le 19 février 2019

Plus de soixante-dix rassemblements ont eu lieu hier contre l’antisémitisme. Même si ce ne fut pas une mobilisation populaire, par en bas, et encore moins portée par la jeunesse, ce fut un marqueur de plus dans une longue bataille. Cette dernière n’est par ailleurs pas tant politique que culturelle.

Les rassemblements d’hier soir contre l’antisémitisme se sont déroulés dans de nombreuses villes, avec des foules de plusieurs centaines ou quelques milliers de gens à Paris, Marseille, Strasbourg, Annecy, Nantes, Pau, Nice, Lille, Lyon, La Rochelle, Dijon, Cherbourg ou encore la Roche-sur-Yon.

Du côté du Rassemblement National, qui a été ostracisé pour les rassemblements, Marine Le Pen est allée avec Jordan Bardella à Bagneux (Hauts-de-Seine) devant une plaque en hommage à Ilan Halimi. Jean-Luc Mélenchon, qui n’est pas du tout antisémite mais a eu un positionnement très oscillant en raison de son populisme outrancier, a participé au rassemblement à Marseille.

S’il faut porter son regard sur les chiffres, cela n’a pas été un succès, cela reste dans la dimension très restreinte des rassemblements de 2012, à la suite des meurtres commis par Mohammed Merah. Cependant, cette fois, il y a une profonde insistance sur le refus général de l’antisémitisme de la part des institutions et du personnel politique. C’est un écho direct du mouvement « Je suis Charlie », qui le premier a mis la question de l’antisémitisme et de son refus sur la table.

Car l’antisémitisme est redevenu un fléau en France ; largement battu en brèche dans les années 1980-1990, il a réémergé de manière virulente par l’intermédiaire de la théologie islamique, du djihadisme et des différents discours nationaux-sociaux, dont Alain Soral est le principal représentant, aux côtés d’un « antisionisme » factice ne s’intéressant aux Palestiniens que comme vecteur d’un fantasme antisémite bien européen.

C’est donc une bonne nouvelle que d’avoir eu une série de rassemblements contre l’antisémitisme dans tout le pays, c’est un marqueur d’envergure nationale et les antisémites ont bien compris cela, d’où leur initiative criminelle et provocatrice de la profanation du cimetière juif de Quatzenheim, dans le Bas-Rhin.

Emmanuel Macron en a bien compris la portée symbolique et s’est rendu sur place ; il est par la suite allé au mémorial de la Shoah. Il est en phase avec le profond rejet de l’antisémitisme de la part des couches éduquées, qui se demandent bien comment cela peut encore exister et qui ne voient pas du tout comme éradiquer un tel irrationalisme. Même la bourgeoisie catholique-réactionnaire a balancé l’antisémitisme par-dessus bord, à l’instar de Georges Bernanos qui a eu ce mot à la fois odieux et révélateur disant qu’Hitler aurait déshonoré l’antisémitisme.

En ce sens, les rassemblements sont également une preuve d’échec de la part de la société française, qui pensait s’être débarrassé d’une infamie et qui la voit réapparaître, avec des traits virulents. Elle s’aperçoit que ses prétentions à disposer d’une éducation avancée à l’échelle du peuple tout entier est un échec complet en ce domaine. La fuite des enfants juifs du système scolaire public en témoigne, dans une proportion massive. On assiste concrètement à une ghettoïsation des Juifs de France et cela est d’autant plus terrible que les Juifs de France s’imaginent « choisir » ce repli communautaire, alors qu’il est littéralement forcé.

Cela correspond à ce grand changement historique : l’antisémitisme, hier d’origine catholique et aristocratique, est désormais populaire et « anticapitaliste romantique », au sens d’une révolte contre les élites. Cela signifie que le national-socialisme, un courant qui n’a jamais réussi à avoir un ancrage de masse en France, émerge finalement… en 2019.

La question de savoir si les gilets jaunes sont antisémites n’a ainsi pas de sens : c’est simplement qu’ils ont la même matrice « nationale-sociale ». Ils sont à la fois concurrents et convergents ; ils correspondent à la même « révolte contre le monde moderne » portée par une petite-bourgeoisie s’agitant en raison de la pression capitaliste toujours plus grande.

Il n’est clairement pas possible aujourd’hui de comprendre l’antisémitisme en France sans cette dimension national-socialiste, et c’est vraiment très inquiétant pour l’avenir !

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Liste des rassemblements en France contre l’antisémitisme du mardi 19 février 2018

Voici une liste de rassemblements contre l’antisémitisme partout en France ce mardi 19 février 2018. 

Merci de nous signaler tout rassemblement qui ne serait pas dans cette liste.

Lire également : L’appel des partis politiques à l’union contre l’antisémitisme (« Ça suffit ! »)

Sauf mention contraire, les rassemblements sont à 19h.

Agen, place Armand-Fallières

Amiens, place de la Mairie

Angers, 17h place du ralliement

Annecy, devant le monument aux combattants d’Annecy

Aurillac, 18h30 place des Droits de l’Homme

Bayonne, au pied du Château vieux

Besançon, sur l’esplanade des Droits de l’Homme

Béthune, sur la Grande Place

Bordeaux, place de la République

Brest, place de la Liberté

Caen, place Saint-Sauveur

Chartres, 18h devant le monument Jean Moulin – Esplanade de la Résistance

Clermont-Ferrand, place de Jaude

Dijon, place François Rude

Dunkerque,  18h stèle des Droits de l’Homme à la CUD

Foix, halle au grain

Grenoble, 18h30 place de Verdun

Lille, place de la République

La Rochelle, 18h à l’entrée du Vieux Port

Laval, 18h30 devant la mairie

Le Havre, 18h30 dans les jardins de l’Hôtel de Ville

Lorient, devant l’hôtel de ville

Lyon, place Bellecour

Marseille, sous l’Ombrière du Vieux Port

Mont-de-Marsan, devant le mémorial des enfants juifs déportés, au parc Jean-Rameau

Montluçon, place Piquand

Montpellier, 18h30 autour de la fontaine de la place des Martyrs de la Résistance

Moulin, place de l’Allier

Nantes, devant le Monument aux 50 Otages

Nice, 18h30 place Garibaldi

Nîmes, Maison Carrée

Niort, place de la Brèche

Orléans, place de la République

Paris, place de la République

Pau, devant la Préfecture

Poitiers, place Leclerc

Rennes, place de la République

Rouen, place de l’Hôtel de ville

Saint-Brieuc, place du Général de Gaulle

Saint-Malo, 17H30 esplanade de la Grande-Passerelle

Sarreguemines, devant le palais de justice

Strasbourg, place de la République

Tarnos, 18h30 devant la Mairie

Toulouse, devant le mémorial de la Shoah

Tours, place Anatole France

Valence, devant la Préfecture

Vannes, sur l’esplanade du port

Vichy, place Charles De Gaulle