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FCPE – Les Lilas (93): «quand viendra le temps d’une véritable prise en compte de ces phénomènes de rixes ?»

Voici le communiqué des fédérations de parents d’élèves FCPE du lycée et des deux collèges concernés par la mort insupportable d’un jeune s’étant opposé à une rixe pendant un cours d’EPS aux Lilas, en Seine-Saint-Denis :

« Aux Parents et responsables légaux des élèves,

Les membres de la FCPE du Collège Marie-Curie, du Lycée Paul Robert des Lilas, du collège Jean-Jacques Rousseau du Pré Saint Gervais tiennent à exprimer leurs sincères condoléances à la famille de Kewi, Gervaisien, décédé suite à une rixe qui a eu lieu ce vendredi 4 octobre 2019 aux Lilas. Nous témoignons aussi notre profonde solidarité à l’ensemble de la communauté éducative et particulièrement à ceux et celles qui ont été impliqués dans ce tragique évènement survenu pendant le temps scolaire.

La mort de Kewi est une nouvelle fois, après celle d’Aboubakar en octobre 2018, un drame pour tous. Elle n’est pas issue d’un accident, ou d’un geste malheureux, elle résulte d’une violence indescriptible.

Quand viendra le temps d’une véritable prise en compte de ces phénomènes de rixes qui ne cessent de se répéter ?

Quand viendra le temps d’une véritable prévention avec l’ensemble des acteurs des quartiers, de la communauté éducative, des collectivités locales, de la Préfecture et de la Police pour se donner les moyens d’en finir avec ces actes de violence ?

A de nombreuses reprises, nous, parents d’élèves, avons fait remonter lors de conseils d’administration, de réunions publiques ou de rendez-vous avec les instances notre inquiétude face à cette installation et banalisation de violences subies par tous : enfants, parents, équipes pédagogique et administrative.

Aujourd’hui nous sommes très en colère et abattus par le trop peu d’actions communes menées par les instances sur le territoire.

Bien sûr, des mesures exceptionnelles pour assurer la sécurité des élèves et des habitants ont été prises immédiatement : la Police Nationale, les services de l’Education Nationale et la Préfecture maintiennent une vigilance extrême, sécurisent aujourd’hui les accès au lycée et aux collèges et accompagnent psychologiquement les enfants.

Mais que se passera-t-il dans les prochaines semaines ? Les prochains mois ? Les prochaines années ?

Nous en avons assez d’entendre que nos communes sont les privilégiées du 93.

Nous demandons à ce que de véritables moyens humains et financiers soient mis en place immédiatement et sur le long terme.

Nous demandons à ce qu’une instance de coordination incluant tous les acteurs du territoire soit créée et s’inscrive dans la durée.

FCPE – Lycée Paul Robert des Lilas – fcpelyceepaulrobert@gmail.com
FCPE – Collège Marie Curie des Lilas – parents.college.lilas@gmail.com
FCPE – Collège Jean-Jacques Rousseau du Pré Saint Gervais – fcpejjrousseau@gmail.com »

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Succès de la manifestation du 6 octobre 2019 contre la «PMA sans père»

Des dizaines de millier de personnes ont manifesté ce dimanche 6 octobre 2019 à Paris pour s’opposer à la « PMA sans père », c’est-à-dire l’extension de l’aide « médicale » à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules. Organisée par les milieux activistes liées à l’Église catholique, la manifestation a été une réussite indéniable.

Le succès de manifestation s’explique par le fait que la société française s’avère en général rétive aux grandes réformes sociétales du libéralisme, étrangère à son exigence historique d’humanisme et d’universalisme, au moins en apparence.

La France n’est pas un pays façonné directement par le capitalisme dans ses fondements comme le sont les États-Unis : le libéralisme n’est accepté massivement qu’à travers le filtrage de l’État. Là, il y a l’impression tout à fait juste qu’il y aura une absence totale de cadre.

« Liberté, égalité, paternité », « Un vrai daron pas des échantillons », « Il est où ton papa ? », « La médecine ? C’est fait pour soigner ! », « Maman tu es unique, papa tu es fantastique ». Tels ont été les principaux mots d’ordre – savamment choisis – de la manifestation rassemblant autour de 74 000 personnes selon la presse ce 6 octobre 2019 à Paris (et même 600 000 personnes selon les organisateurs, 42 000 selon la préfecture).

La cible, c’est donc ce qui est appelé la « PMA sans père », c’est-à-dire l’extension de l’aide « médicale » à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules.

À l’arrière-plan, il y a toute une critique de l’évolution ultra-libérale de la société, pratiquement en confrontation avec le capitalisme… Mais pour faire de la Droite catholique le bastion romantique formant une prétendue solution. Voici la liste des principaux organisateurs :

Les Associations Familiales Catholiques, Alliance VITA, Les Veilleurs, Les Sentinelles, EVeilleurs d’espérance, Juristes Pour L’Enfance, La Manif Pour Tous, Générations Avenir, La Voix des Sans Pères, Vigi Gender, Maires pour L’Enfance, Institut Famille & République, Les Familles Plumées, Trace ta route, Collectif pour le respect de la médecine, CPDH – Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine, Agence Européenne des Adoptés – European Agency for Adoptees et Les Gavroches.

On a donc la mouvance, grosso modo, qui s’est mobilisée il y a sept ans en opposition au mariage homosexuel (qui représente seulement 3,5 % des mariages environ), avec une tonalité alors très familiale-bourgeoise et une hégémonie ouvertement de la Droite.

Les enjeux sont cette fois totalement différents, ils n’ont même franchement rien à voir, mais la Droite catholique compte bien présenter la lutte contre la « PMA pour toutes » comme un prolongement logique de l’initiative d’il y a sept ans. Il s’agit bien entendu d’ôter le terrain à toute critique de la part de la Gauche.

Comme la Gauche post-moderne a le dessus en ce moment, la Droite catholique se dit qu’elle aurait tort de ne pas en profiter pour se donner le monopole de la rébellion contre l’ultra-modernité capitaliste.

Cela se voit très bien lorsqu’on comprend qu’à l’arrière-plan, ce n’est pas le caractère naturel du couple hétérosexuel faisant des enfants qui est mis en avant. C’est évidemment là une thématique de la Gauche historique.

La défense de l’altérité biologique comme base de la vie est le fondement même de la critique de la « PMA pour toutes » et de la GPA de la part d’une Gauche assumant son parcours historique. C’est en ce sens qu’il faut lutter !

La Droite catholique ne compte pas du tout s’attarder sur cette dimension. Elle insiste plutôt sur la thématique du père, avec une part de justesse, mais évidemment une vraie orientation patriarcale en filigrane. Ludovine de la Rochère, la présidente de La Manif Pour Tous, a très bien résumé cela en expliquant que :

« Depuis 1917 la République française accompagne et soutient les pupilles de la nation car elle sait que l’absence de père, le vide que cause cette absence, sont difficiles. La PMA sans Père signifie que la république française ferait sciemment des orphelins de père. »

Elle a également précisé ainsi son propos :

« L’adoption n’a rien à voir avec la PMA sans Père. L’adoption vient réparer une situation. La PMA sans Père, c’est volontairement faire un enfant sans père. »

À la tribune, Pascale Morinière de la Confédération nationale des Associations Familiales Catholiques a formulé cela de la manière suivante :

« Nous ne voulons pas de votre révolution de la filiation ! Monsieur Touraine, les enfants ont vraiment besoin d’un père ! »

Nicolas Bay, du Rassemblement National, a tourné cela ainsi :

« Créer de toutes pièces une situation où un enfant serait privé de son père, et privé même de la possibilité de connaître un jour son père, ça nous paraît être une régression absolument majeure »

Encore est-il que la bataille pour la critique adéquate de la « PMA pour toutes » n’a lieu pour l’instant que dans de faibles proportions, puisque la Gauche commence seulement à se mobiliser (de manière assumée on a un secteur du féminisme, ainsi que les Poissons roses rassemblant des chrétiens de gauche).

Mais il est encore temps de se mobiliser, les organisateurs de la manifestation du 6 octobre prévoyant déjà quatre grandes mobilisations au cours de l’année, les 1er décembre, 19 janvier, 8 mars, 17 mai et 14 juin.

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Emmanuel Désveaux : pourquoi la PMA et la GPA ne sont pas «progressistes»

Voici l’extrait principal d’une tribune publiée dans Le Figaro, Pourquoi la PMA et la GPA ne sont pas « progressistes ». Il y est affirmé avec justesse que l’extension de la PMA présuppose la compartimentation des hommes et des femmes en niant leur complémentarité naturelle.

L’auteur de la tribune est Emmanuel Désveaux, un universitaire anthropologue et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Il y exprime les raisons l’amenant à refuser la PMA et la GPA, après avoir constaté que la Gauche et la Droite ont perdu de leur cohérence et qu’il existe des divisions chez les uns et chez les autres au sujet « de l’économie, des mœurs et de l’identité ».

L’extrait, plein de vérités, est d’autant plus intéressant (ou paradoxal) que la démarche de l’auteur (le structuralisme en philosophie) et l’institution dont il fait partie (l’EHESS) relèvent entièrement de la Gauche post-moderne et de son relativisme assumé.

« Revenons à notre table des permutations des trois registres du progressisme. Une combinaison y reste vacante : celle qui associe des positions progressistes en économie et au regard de l’identité, avec une position « réactionnaire » au regard des mœurs.

D’un point de vue logique, une telle combinaison n’est pas moins incohérente que celle qu’incarne le centre selon Emmanuel Macron.

Nous assumons à titre personnel pleinement cette position et notre hostilité à la PMA sans pour autant nous considérer comme étant « de droite », car, au fond, nous éprouvons de sérieux doutes sur le caractère progressiste du projet de loi en train d’être discuté au Parlement.

Ce dernier contrevient en effet à deux valeurs foncièrement progressistes à nos yeux, à savoir le refus du repli sur soi ou sur sa communauté et, serait-ce plus nouveau, une exigence de respect vis-à-vis de la nature.

La PMA est synonyme de fermeture sur elles-mêmes des communautés féminines.

Elle ouvre la voie, d’un point de vue ontologique, à une société où les hommes et les femmes vivraient des existences à la fois parallèles et compartimentées. Elle écrase la figure du père. Elle est captation de l’idée de liberté individuelle.

Enfin, la PMA s’avère être la négation de l’altérité première que la nature nous a donnée en partage.

À l’heure d’une grave crise écologique où d’aucuns parmi nos meilleurs penseurs en viennent à se demander si la nature n’a pas ses propres droits, la PMA, avec ses forts relents d’eugénisme, vient les piétiner en réfutant haut et fort que la procréation doive nécessairement résulter de la rencontre charnelle de deux corps différents.

Les abus dont les femmes ont souvent été l’objet dans le passé (ou le sont encore ponctuellement) ne justifient pas la dérive actuelle.

L’altérité a longtemps fait les beaux jours de la pensée « de gauche ».

Aujourd’hui, celle-ci, et sa frange ralliée au néolibéralisme macronien, crie victoire, après avoir brandi pendant des années la PMA (et la GPA, pourtant chargée d’un lourd potentiel mercantiliste) comme un étendard du progressisme social, alors qu’il s’agit en fait d’une véritable régression.

Au mieux, c’est une victoire de la technè et de l’ingénierie sociale. Trouver désormais le chemin du bureau de vote va nous être difficile. »

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Coup de force anti-démocratique de la Cour de cassation en faveur de la GPA

La Cour de cassation a procédé ce vendredi 4 octobre 2019 à un véritable coup de force contre le principe même de droit en considérant qu’un recours à une mère porteuse réalisé à l’étranger pouvait être accepté au nom du concept juridique grotesque de « mère d’intention ». Sur le fond comme sur la forme, on a ici un État décadent, incapable de s’en tenir tant aux valeurs démocratiques qu’à une notion correcte du droit.

La nouvelle décision de la Cour de cassation rendue par son assemblée plénière est un bon exemple de la tendance actuelle. Elle montre que le droit vacille profondément sous les coups de l’élargissement du capitalisme à tous les domaines de la vie. On a ainsi un couple qui, ayant pratiqué la GPA, non seulement n’est pas en prison, mais réussit à écraser le droit français pour lui forcer à accepter le droit de l’État de Californie.

La Cour de cassation reprend en effet directement le concept barbare et absurde de « mère d’intention » :

« Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants. »

Bien malin le juriste capable de prouver ce qu’est une mère d’intention. La vie explique d’elle-même ce qu’est un père et une mère. Mais une mère d’intention, c’est du niveau de quelqu’un rentrant dans un magasin avec l’intention d’acheter un iphone ou un sac Louis Vuitton. Et il se trouve donc des juristes, les plus compétents de France en principe, pour admettre une telle énormité juridique et en plus trouver cela très bien, conforme à l’esprit du droit ?

Car bien malin aussi qui peut faire reconnaître au droit, tel qu’il existe depuis des siècles, le principe de GPA. Même le droit positif ne peut pas accepter une pratique criminelle rien que par le fait qu’elle implique l’aliénation corporelle d’une personne, donc le déni d’elle-même, donc par définition son incapacité à signer un quelconque contrat. Mais les affaires sont les affaires. La Cour de Cassation dit elle-même : la GPA a été faite par le couple, cela fait longtemps maintenant, donc acceptons-la parce que sinon les enfants seront dans un vide juridique. La transcription en France des actes de naissance désignant la « mère d’intention », avec laquelle le lien est depuis longtemps largement concrétisé, ne doit pas être annulé.

C’est là plier le droit au besoin des affaires. Et ces gens sont juristes ! Ils nient le sens même du droit ! Au nom des affaires… Et celles-ci tournent tellement qu’à l’Assemblée nationale, Jean-Louis Touraine a mené rondement une petite opération.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, soit juste avant le vendredi où on attendait l’arrêt de la Cour de cassation, cet ancien socialiste ayant dirigé les travaux à l’Assemblée nationale pour l’adoption de la « PMA pour toutes » a fait voter un amendement en faveur de la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger.

Le gouvernement a immédiatement fait savoir qu’il allait recadrer sa majorité et que l’amendement sera revoté, puis normalement rejeté. Poudre aux yeux ? Véritable petite embrouille ? Dans tous les cas, « PMA pour toutes », GPA, cela revient au même, c’est du capitalisme dans sa substance même. Il y a donc une tendance irrépressible à ce que cela s’impose concrètement. À moins que la Gauche ne stoppe radicalement cela, temporairement du moins, pour lancer une contre-offensive par la suite et balayer les forces qui produisent une telle barbarie.

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La Gauche post-moderne à l’avant-garde du libéralisme

Le gouvernement libéral actuel adore le discours de la Gauche post-moderne sur l’écriture inclusive, la « PMA pour toutes », la « transphobie », l’«hétéro-norme», les « féminicides »… Et pour cause : la Gauche post-moderne a été le fer de lance de la poussée ultra-libérale.

Les galeries Lafayette ont ouvert en mars 2019 un espace de 6 500m². Le rayon mode ne sépare pas les produits pour hommes et pour femmes, suivant la « théorie du genre ». D’ailleurs, les toilettes sont également mixtes.

Le capitalisme adore cette remise en cause de toute norme biologique, cette mise en valeur démesurée de la « conscience individuelle », seul apte pour lui à porter entièrement la figure du consommateur.

Il faut le dire nettement : qui est pour le libéralisme des mœurs est pour le libéralisme économique, et inversement. La gauche historique a toujours vu les choses ainsi, et avec raison.

L’extension de la PMA passe comme une lettre à la poste dans la société française et le processus de légalisation n’est même pas terminée que déjà la GPA apparaît sur le devant de la scène. La légalisation du cannabis, on le devine, est déjà au coin de la rue.

C’est que le gouvernement réussit à concrétiser un calendrier de mesures libérales avec d’autant plus de réussite que la Gauche post-moderne lui a pavé la voie. Le libéralisme, c’est l’affirmation du choix individuel au-delà de toute autre considération, c’est l’idéologie du consommateur.

Le thème de la « transphobie » est un excellent exemple de cette folie furieuse libérale. Comme si l’on pouvait avoir un esprit dans un mauvais corps, comme si le corps et l’esprit étaient séparés ! On est ce qu’on est, donc sa réalité matérielle et rien d’autre.

Cela est évidemment inadmissible pour les figures errantes, sans contenu, de la consommation capitaliste. Les fantômes que sont les citoyens volontaires et actifs du capitalisme n’existent que par une consommation effrénée, qu’ils imaginent leurs choix, l’expression de « leur » volonté.

On a atteint un degré d’aliénation vraiment terrible et terrifiant. Dire qu’il y a des jeunes qui déjà sont nés dans une société où le capitalisme prétend que tout, absolument tout, peut se vendre et s’acheter… si on le « décide ».

Pourquoi la Gauche n’est-elle pas encore en mesure de contrer cette idéologie du libre-arbitre, chose pourtant totalement absurde ? Vues les capacités techniques du capitalisme, il faut pourtant d’autant plus faire vite. Car toute cette conception de la conscience comme seule reine, comme seule « valeur » à admettre, amène la civilisation à la décadence, par la destruction des normes, de la réalité biologique, des valeurs universelles.

Le génie des libéraux – ou plutôt le pragmatisme, le machiavélisme – a été de présenter comme un progressisme leur vision du monde. La généralisation du libéralisme se prétend objectivement positive pour les gens, par la conquête de « droits individuels ».

Ce qui est fou, c’est que ce n’est rien d’autre que l’argument de fond de n’importe quelle publicité commerciale. Chaque entreprise prétend apporter, par son produit, un « plus » dans la vie quotidienne. Quand on voit une publicité, on le sait bien.

Et maintenant le capitalisme est tellement riche qu’il a de l’argent en trop et peut le déverser sur une Gauche post-moderne cherchant à mobiliser pour que tout système de valeurs, quel qu’il soit, vacille et disparaisse. Comment il est facile ici pour les réactionnaires, les conservateurs, que de mettre toute la Gauche dans la même sac et de se prétendre le seul rempart contre l’effondrement en cours !

Pour contrer la chose, il faut les ouvriers. Qu’attendent-ils pour se bouger ? S’imaginent-ils protégés dans leur existence, car leur style de vie n’a rien à voir avec ce que promeut la Gauche post-moderne bien à l’abri dans ses centre-villes, avec son style de vie hédoniste superficiel, la vacuité de son art contemporain, ses prétentions de hipster ou son porte-feuille de bobo ?

Il faut le détonateur ouvrier à Gauche, dans le sens de l’universalisme et de la modernité, pas pour un retour en arrière mais pour un vrai saut dans le futur. Les ouvriers doivent rompre avec le carcan syndicaliste réduisant l’horizon à un bilan comptable forcément trompeur. Ils doivent faire de la politique. Seul leur universalisme et leur réalisme peut empêcher la catastrophe en cours.

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Le rachat du site Alltricks par Decathlon

Decathlon fait partie de ces immenses entreprises de la distribution qui tendent à monopoliser leur marché en réduisant toujours plus les coûts, menant ainsi une course folle à la productivité et à l’agressivité commerciale. Le groupe vient de racheter Alltricks, un site spécialisé dans la vente en ligne d’articles liés au cyclisme, augmentant ainsi sa main-mise sur la distribution des articles de sport, qu’elle a considérablement asséchée.

Il y a 1 560 magasins Decathlon dans le monde, dans 55 pays. En France, l’entreprise est devenue incontournable dans de nombreuses villes. Son modèle est simple : proposer une gamme réduite de produits, mais censés répondre à tous les usages, en tirant les prix vers le bas. La conséquence est un assèchement drastique du nombre d’article de sport disponibles pour le grand public et de la qualité du conseil qui en découle.

Le schéma est là encore très simple : les petites boutiques spécialisées ne peuvent pas faire face au mastodonte et concentrent leur activité sur des niches, quand elles ne disparaissent pas. Ces niches sont soit l’ultra-spécialisation dans un sport, pour un public très restreint et à prix très élevé, soit la focalisation sur une activité permettant une continuité commerciale, par exemple en se focalisant sur la réparation de vélo pour les personnes qui ont les moyens. Les autres clients se retrouvent donc chez Decathlon, mais avec une très faible offre. Par exemple, même dans les plus gros Decathlon, il n’y a presque aucun choix en pneu de vélo, alors que c’est un domaine connaissant de nombreux modèles correspondant à des spécificités très précises, même pour la pratique de loisir.

L’avènement de sites internet comme Alltricks a permis en partie de contourner ce problème ces dernières années. Les amateurs de cyclisme les plus aguerris ont pu retrouver un accès bien plus large et intéressant aux nombreux produits liés au cyclisme, alors que les boutiques, à cause notamment de Decathlon, ne distribuaient quasiment plus rien, ou alors à prix très élevé ou sur commande.

Le souci avec Alltricks et les autres sites du genre, c’est que c’est de la vente en ligne. D’une part, ce n’est pas pratique et il n’y a plus aucun conseil de vente, ni sélection de produit par des vendeurs connaissant leur sujet ; c’est de la consommation pure et dure. D’autre part, cela pose un certain nombre de problèmes, notamment en perturbant l’organisation générale de la distribution des marchandises dans le pays, ce qui génère un accroissement des transports et de la pollution.

Le modèle de ces sites internets est en fait très proche de celui de Decathlon, qui a en toute logique racheté l’un des plus gros du secteur, ce qui fera probablement encore évoluer le modèle selon la même tendance.

Prenons un autre exemple, le tennis. Il n’existe quasiment aucune boutique de tennis, à part quelques-unes très spécialisées dans quelques grandes villes, alors que ce sport historiquement très bourgeois est devenu populaire (la fédération est la 2e plus importante en France avec 1 million de licenciés contre un peu plus de 2 millions pour le football). Les grandes enseignes comme Decathlon ont littéralement asséché la possibilité d’avoir des boutiques spécialisées, mais accessibles, regroupant des personnes impliquées sur le long terme dans un sport et la distribution de produits inhérents à ce sport.

Au contraire, les magasins Decathlon regroupent un sport comme le tennis dans un rayon, voir une partie d’un rayon et le conseil éventuel d’un vendeur se fait à la volée, car il n’y a plus grand-chose à dire. Les produits eux-mêmes sont très standardisés et bien-sûr fabriqués en Chine, avec des prix très bas négociés du fait de la puissance permise par les volumes achetés. C’est une course folle au prix le plus bas, permis par une exploitation très forte des ouvriers dans les usines à l’autre bout du monde et un réseau de vendeurs peu qualifiés sur-place, ne restant en général pas très longtemps dans l’entreprise.

Il faut ajouter à cela le travail très difficile des opérateurs dans les immenses entrepôts logistiques du groupe tournant à plein régime. Les tâches sont aliénantes au possible, puisqu’il ne s’agit que de rapidement fournir les différents magasins produit par produit, à la chaîne dans des immenses couloirs remplis de cartons semblables, alors que les magasins commandent quasiment en temps réel leurs produits par un processus entièrement automatisé.

Ce modèle est absolument détestable est ne correspond en aucun cas à celui d’une société meilleure, comme peuvent le prétendre certaines personnes pensant que le Socialisme ne consisterait finalement qu’en une « socialisation » des grandes entreprises capitalistes monopolisant leur secteur. Ces gens sont en général des techniciens ou ingénieurs, confortablement assis dans leur bureau avec de bons salaires, s’imaginant de gauche mais ne connaissent rien ou plus rien au travail ouvrier et à la vie quotidienne des classes populaires.

Ce sont d’ailleurs ce genre de personnes qui sont à la pointe pour aider les grands groupes comme Decathlon à maximiser leurs profits, par exemple en les aidant à dématérialiser et automatiser les processus, afin de gagner du temps et économiser des emplois.

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La faible mobilisation à Rouen malgré le choc face à la pollution chimique

L’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen a provoqué un gigantesque émoi dans la population, mais il n’existe pas de mobilisation populaire d’ampleur significative. Tout comme pour l’incendie de Notre-Dame à Paris, tout est géré de manière froide et administrative : s’il y a des protestations, elles ne produisent rien de politique.

L’absence d’une mobilisation d’envergure à Rouen montre que la Gauche ne dispose plus de relais populaires comme elle en avait par le passé. Le niveau d’organisation est à l’image du niveau de conscience politique : terriblement faible, pratiquement anéanti en-dehors des démarches corporatistes.

La conquête de la conscience de millions de gens demande un travail ardu ; que dire alors du fait de les organiser, de les habituer à s’organiser ? Si jamais le principe de révolution a un sens et qu’on est pas un blanquiste, un putschiste, alors on voit qu’on est extrêmement loin de l’auto-organisation de la société par elle-même !

Objectivement, les gens peuvent tout gérer, mais subjectivement, ils sont totalement déboussolés. Ce qui se passe à Rouen est une épreuve terrible pour les habitants et pourtant il n’existe pas de structuration sur le plan de l’organisation, de la politique.

Même si on est réformiste et pas révolutionnaire, on voit bien que c’est davantage la stupeur qui prédomine qu’autre chose. Il s’agit d’une sorte d’événement sorti de nulle part pour les gens, qui ont totalement perdu la moindre idée du fait de se concevoir comme une partie de la société.

Les gens se considèrent dans la société, mais pas une partie de la société. Ils prennent, ils donnent, ce n’est qu’un échange à dimension individuel :  voilà leur vision des choses. Il n’y a aucune considération générale, en terme de société, du pays lui-même.

Même l’extrême-Droite est d’ailleurs obligée de se tourner vers le discours identitaire , tellement la considération « nationale » exige déjà trop une remise en cause de l’amour-propre individualiste propre à une société de consommation maximalisée.

Toute la Gauche, qu’elle soit révolutionnaire ou réformiste, voit bien qu’il y a un problème de fond dans la réceptivité des gens et dans leur capacité à se tourner de manière consciente vers une critique raisonnée de la société. Les gens sont devenus rétifs à tout engagement passant par une dynamique générale, ils ne réagissent plus qu’en tant qu’individus.

Quiconque ose poser quelque chose de différent que ce prisme individuel est par définition une sorte de facho ou de conservateur vivant dans le passé. Il y a là un paradoxe puissant, car en même temps le Peuple, dans son ensemble, exige des normes, des règles, des principes. Il raisonne en termes d’universalisme.

Mais les gens, s’ils sont le peuple, ne s’accordent pas sur ce qu’ils sont. Chacun veut s’en sortir individuellement, ce qui produit des esprits petits-bourgeois ou bourgeois à l’infini, alors que le niveau de vie ne suit nullement derrière. Le décalage entre les illusions des gens et leur réalité sociale est immense – et quand ils le saisissent, ils deviennent aigris et cela donne des gilets jaunes.

Ce qui se passe à Rouen est donc un terrible exemple, un aveu de faiblesse gigantesque pour la Gauche. Les protestations des organisations populaires auraient été massives il y a 10, 20, 30 ans. Aujourd’hui il y a la simple constatation de ce que le gouvernement fait ou pas, avec une critique cherchant à être bien placé, mais passant toujours au-dessus de la réalité concrète, politique, de l’existence des gens.

Le capitalisme a véritablement engourdi les esprits à un degré très profond, les gens sont comme congelés. Comment les remises en cause futures vont-elles se dérouler ? Cela va être un profond traumatisme.

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SUD éducation : «Minute de silence lundi en hommage à Chirac : l’indécence»

« Minute de silence lundi en hommage à Chirac : l’indécence

Compte tenu de l’actualité, les personnels auraient pu légitimement s’attendre à ce qu’une minute de silence soit observée à la mémoire de Christine Renon, directrice d’école à Pantin qui s’est suicidée sur son lieu de travail samedi 21 septembre. Il n’en sera rien.
En revanche, le Premier ministre n’a pas perdu de temps pour publier une circulaire dans laquelle il invite les personnels à observer une minute de silence en hommage à Jacques Chirac lundi à 15 heures.

La circulaire ne prévoit aucun caractère obligatoire à cette minute de silence : elle “permet” aux agent-e-s d’y participer.

Ne cédons pas à l’angélisme du moment : Jacques Chirac n’est pas le personnage sympathique que l’on veut nous présenter. C’est un homme politique aux nombreuses sorties publiques sexistes et racistes dont la carrière s’est bâtie notamment :

– sur d’innombrables malversations financières et de détournements d’argent public, qu’il s’agisse de logement social ou du système de corruption communément appelé la “Françafrique”. Il a d’ailleurs été condamné en justice pour prise illégale d’intérêt ;

– sur le sang des Kanaks : alors Premier Ministre, il porte la responsabilité directe de l’exécution par les forces armées françaises des militants Kanaks qui luttaient pour leur indépendance ;

– sur des essais nucléaires dans le Pacifique, dont les retombées sur la santé des peuples riverains ne sont toujours pas admises par le gouvernement.

Jacques Chirac était un homme dont la politique a toujours servi le capitalisme et les intérêts particuliers. Les salarié-e-s et la jeunesse lui ont opposé les deux plus grandes grèves de ces dernières années : en 2006, contre la « loi sur l’égalité des chances » (dont le contrat première embauche qui aurait précarisé encore un peu plus les jeunes), et en 1995 contre la casse du système de retraites que le gouvernement actuel ressort du placard.

Pour SUD éducation, il n’y a donc aucune bonne raison de rendre hommage à Jacques Chirac. SUD éducation appelle les personnels à ne pas respecter cette minute de silence, et rien ne peut les y contraindre. »

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Extension de la PMA : l’absence d’une opposition de gauche à l’Assemblée nationale

Le débat parlementaire sur le projet de loi bioéthique est très intense, avec pas moins de 587 amendements déposés sur l’article premier concernant l’extension de la PMA. Au lieu d’être à l’avant-garde de l’opposition, la « Gauche » représentée à l’hémicycle se fait l’accompagnatrice forcenée du libéralisme – ce sont d’autres forces qui, malheureusement, s’accaparent et détournent les valeurs qu’elle devrait porter.

Ce sont surtout la Droite et l’extrême-Droite qui mènent l’opposition à l’extension de la PMA. C’est là quelque-chose de terrible car cela renforce leur hégémonie culturelle sur la société française et leur apparente crédibilité aux yeux des classes populaires.

Il ne faut pas être dupe ici : si beaucoup de Français n’étaient jusque-là pas opposés à l’extension de la PMA, car ils sont très perméables au libéralisme, ce n’était pas pour autant un soutien engagé. Mais quand on rentre au cœur du sujet, quand les vraies questions sont posées, alors les arguments contre la PMA touchent largement la population et tout le monde le sait.

Marine Le Pen s’en donne donc ici à cœur joie pour apparaître démocratique, s’accaparant la morale populaire, rappelant des choses fondamentales : « on ne peut pas naître de deux mères » et le projet de loi revient à « mettre en place un mensonge légal » en faisant croire qu’il n’y a plus de père.

La députée RN se paye même le luxe de préciser qu’elle pense que deux femmes peuvent très bien élever un enfant, ainsi que deux hommes – il faudrait effectivement être très réactionnaire et pétris de certitudes conservatrices pour penser l’inverse.

On a dans le même genre les propos du député Joachim Son-Forget, une personnalité très complexe, brillante mais tourmentée, qui penche vers la Droite. Rappelant avoir apprécié le discours de Marine Le Pen soutenant « l’intérêt premier de l’enfant », il explique alors :

« Les faits sont tenaces. Je ne peux pas entendre que la biologie n’existe pas et que seul l’environnement compte. Je sais que j’ai les yeux bridés, que j’ai une couleur de peau qui fait que quand je croise des Coréens, ils me reconnaissent, étant d’origine coréenne.

Je sais qu’au fond de moi, je suis probablement un bon Haut-marnais, bien de ma campagne haut-marnaise. C’est tout cela qui cohabite en moi. Donc, on ne saurait nier l’un, pour accepter l’autre. Les faits sont vraiment tenaces. »

C’est la même rengaine anti-PMA du côté de la Droite traditionnelle, qui explique en long, en large et en travers en quoi tout cela mène évidemment à l’autorisation de la GPA. Le député LR Arnaud Viala a par exemple reproché au gouvernement et à la majorité de « mentir aux Français », tellement le projet de loi porte en lui « une ouverture presque immédiate » de la GPA.

Rien de tout cela chez les députés liés à la fausse Gauche, celle qui est post-industrielle et post-moderne, qui a pour seul horizon d’accompagner le libéralisme prenant le masque du « progrès » et des « droits ». Des socialistes ont même déposé des amendements réclamant l’autorisation de la PMA post-mortem, alors que le PS a de son côté produit un communiqué pour dénoncer les opposants :

« Celles et ceux qui s’opposent à ce texte continuent malheureusement d’ignorer les familles homoparentales qui vivent dans notre pays et de s’opposer aux droits des femmes. »

Il y a même des fous furieux qui veulent pousser encore plus loin le projet en prônant l’ouverture de la PMA à des soi-disant « hommes transgenres ». Cela aboutirait donc à ce que des personnes ayant voulu être identifiée comme « homme » à l’état civil deviennent… mère !

On nage en plein délire, mais c’est pourtant très sérieusement que cela a été discuté en commission, sous la présidence de l’ancien socialiste Jean-Louis Touraine. Il y a également des propositions de fécondation in vitro dite ROPA, c’est-à-dire le fait de féconder l’ovocyte d’une des femmes d’un couple lesbien puis de faire porter l’enfant à l’autre femme, histoire de faire comme s’il y avait vraiment « deux mamans »…

Ironie du sort, c’est du côté de La République en marche qu’il faut se tourner pour trouver un propos sérieux ayant un minimum de dimension. Ou plutôt, ex-LREM, car la députée Agnès Thill a été exclue du mouvement en juin suite à ses prises de positions allant «  à l’encontre de la Charte et des valeurs inclusives du Mouvement ».

On notera ici qu’avant d’atterrir chez Emmanuel Macron, elle a été membre du Parti socialiste dans les années 1980 et qu’elle est fille d’ouvrier. Ce qu’elle dit dans l’extrait ci-dessous, c’est exactement le genre de propos que devraient avoir des députés vraiment à Gauche, pour s’opposer à l’extension de la PMA :

« Votre loi, Madame la Ministre, est criminelle. C’est souffrance contre souffrance. Il ne faudra pas dire « cette France-là a été humiliée ». Votre loi, c’est s’offrir un être humain. On ne s’offre pas un être humain, Madame la Ministre. Un être humain n’est ni un objet, ni un projet, ni une promesse de campagne.

Loin d’abolir les inégalités, votre loi les aggrave. Votre loi soulève des questions de marchandisation du vivant, d’eugénisme, de sélection, le dévoiement du sens de la médecine et la voie du design de l’enfant parfait « comme nous le voulons » que vous déverrouillez. Au delà des bornes, il n’y a plus de bornes.

Ce n’est pas le droit qui refuse un enfant à ces femmes, c’est la biologie. Il n’y a ni discrimination, ni inégalité et vous le savez très bien. L’affirmer à longueur de média c’est mentir et manipuler l’opinion. La liberté si fièrement revendiquée n’est qu’une liberté de consommateurs. Des Français accèdent au hard-discount reproductif, qu’il faudra reconnaître en France.

Si la PMA, la congélation ovocytaire, le DPI, la recherche sur embryon, si tout cela existe, c’est aussi parce qu’elle enrichit médecins, généticiens, biologistes, patrons de start-up, juristes, avocats, banquiers en sperme et en ovule. Et vous faites semblant de ne pas le voir !

Aidez l’autre, voyez-vous, et vous le savez, c’est l’aider à accompagner ses limites. C’est l’aider à accepter ses limites et vivre avec. Ce n’est pas dépasser le possible humain. On ne peut décemment pas destituer la figure paternelle au motif que des nouvelles familles apparaissent. »

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Quelques questions à Martine Segalen, ethnologue opposée à la GPA

L’examen du projet de loi bioéthique, qui inclut l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, a commencé ce mardi 24 septembre à l’Assemblée nationale. Nous avons posé quelques questions à Martine Segalen, spécialiste de la sociologie de la famille, connue pour son engagement féministe contre la GPA et s’interrogeant sur l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de lesbiennes.

Martine Segalen est professeure émérite à l’université de Paris Nanterre et membre du LASCO (Laboratoire d’analyses socio-anthropologiques du contemporain). Elle a dirigé la revue Ethnologie française et a publié plusieurs ouvrages parmi lesquels A qui appartiennent les enfants ?, Eloge du mariage ou Sociologie de la famille (9e edition avec Agnès Martial)

– Pour quelles raisons avez-vous émis des réserves à l’extension de la PMA ?

« Il y a 50 000 raisons, mais ce que j’avais mis en avant et qui me frappait, c’est que l’État fabrique un enfant sans père, ce qui est assez fort du point de vue du droit. Par ailleurs, le grand problème est celui de la dérive vers la technicisation du corps humain, sujet que Sylvianne Agacinski (auteur de L’Homme désincarné [2019], NDLR) a bien traité. Mais, j’ai le sentiment que lutter contre la PMA n’a pas de sens, car on voit bien que c’est un projet politique qui va se faire. Là où vraiment on essaiera de retrousser ses manches, c’est pour l’étape d’après, la GPA. »

– Vous avez affirmé récemment que la procréation est devenue un marché et que cet élargissement de la PMA pourrait être utilisé pour demander l’accès à la GPA au nom de l’égalité. Vous voyez un lien direct entre PMA et GPA ?

« En effet, il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas s’en rendre compte avec les matraquages médiatiques récents, qui nous expliquent toujours que la GPA c’est merveilleux et qu’on fait ça dans les meilleures conditions et que les enfants sont très heureux. D’ailleurs le bonheur des enfants n’est pas en question, c’est quand-même leur mode de production qui pose question. »

– Pensez-vous que l’extension de la PMA va bouleverser les modèles familiaux ?

« Je ne dis pas que c’est un bouleversement du modèle familial, je reconnais que maintenant il y a énormément de formes familiales. Un modèle familial unique d’ailleurs, il n’y en a jamais eu. Au cours du temps, les modèles familiaux comme vous dites sont extrêmement divers et depuis que la famille change, avec le divorce, les recompositions familiales, le non-mariage, etc., il y a longtemps que tous les sociologues sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas de définition unique de la famille et que le modèle dit bourgeois a disparu.

On pouvait tenir le discours du bouleversement dans les années 1980 ou 1970 en se référant aux années précédentes, mais depuis il y a eu suffisamment de changements familiaux pour dire qu’il n’y en a pas.
Par ailleurs, le fait de faire élever des enfants par deux personnes du même sexe, ce n’est pas du tout non plus un bouleversement familial. J’ai déjà écrit cela depuis longtemps, quand on travaillait sur les grand-parents. Jean-Paul Sartre et tant d’autres gens ont été élevés par une grand-mère et une mère, une mère et une tante, etc. Je récuse donc les mots de bouleversement familial. Pas plus que le mariage pour tous, je ne pense pas que cela va bouleverser la société. »

– L’opposition à la PMA est surtout le fait de mouvements liés à la Droite et aux catholiques. Selon vous, pourquoi la Gauche a-t-elle abandonné ces thèmes ?

« J’ai lu cela quelque part : ce sont des procréations médiatiquement assistées ! C’est-à-dire que les médias n’arrêtent pas depuis des années de travailler l’opinion, les mouvements LGBT nous montrent que c’est normal, que c’est un progrès, qu’il y a eu l’évolution depuis la famille patriarcale jusqu’à l’homoparentalité, tout ça c’est des progrès. Discours donc soutenus par la gauche qui réfute toute critique ou repousse toute contestation.

C’est vrai que c’est plus de liberté, ce sont des libertés nouvelles, des occasions, des opportunités ouvertes bien entendu aux couples homosexuels femmes pour l’instant. Donc, s’il y a plus de libertés, c’est un progrès ; c’est vrai que c’est un progrès pour ces couples-là mais est-ce que ça veut dire qu’on est « progressiste » ? Quand on est de gauche, on est forcément progressiste, donc les autres sont forcément réactionnaires. Ainsi la gauche a du mal à se placer à contre-courant, même s’il existe quelques paroles courageuses.

Cependant, il y a des murmures, qu’on n’entend guère mais par exemple, j’ai surtout travaillé dans le cadre d’actions contre la GPA et il y a des gens qui sont écolos qui pensent que PMA, puis GPA, sont tout à fait contraires aux valeurs du mouvement écologiste. Mais pour l’instant, si on est de gauche et qu’on dit qu’on est contre la PMA, on va être mis au banc de la société de gauche et de la société des médias.

J’ai fait tout un travail, qui n’est pas publié, sur Le Monde et les articles du Monde dans les années 1980. C’était au moment de la naissance de la petite Louise Brown, d’Amandine et de toutes les avancées technologiques en matière de reproduction. Il y avait une prise de parole dans le Monde qui était très forte de la part de médecins, de philosophes qui en tout cas posaient des questions en termes philosophiques et éthiques, qu’on n’entend absolument plus aujourd’hui. C’est très curieux et maintenant il n’est plus question que de répondre aux désirs puisqu’on peut les satisfaire. »

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Les réserves de l’Académie de médecine sur l’extension de la PMA

Alors que le débat sur le projet de loi de bioéthique incluant l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) doit s’ouvrir à l’Assemblée nationale, l’Académie de médecine s’est invitée à la discussion en publiant samedi 21 septembre 2019 un document très critique.

L’Académie de médecine a produit un Rapport sur le Projet de loi relatif à la bioéthique dans lequel elle émet notamment de larges réserves au sujet de la PMA, dénommée AMP (Aide médicale à la procréation, le terme utilisé par les médecins). Il est considéré que « la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure », affirmant même que la disposition du projet de loi est « contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 ».

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a réagit en considérant que le propos était « peut-être daté », mais sans argumenter sur le fond. Le gouvernement a en effet tout fait pour éviter un débat de société sur une question pourtant d’une grande importance.

L’Académie de médecine rappelle des choses essentielles, alors que l’ultra-libéralisme veut tout réduire à l’état de marchandise. Voici un long extrait du rapport concernant le Titre I du projet de loi de bioéthique, au sujet donc de la PMA, mais aussi de l’autorisation de l’autoconservation des ovocytes :

« POSITIONS DE L’ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE sur le titre I

1)
Pour l‘ANM [Académie nationale de médecine, NDLR] l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules relève davantage d’une loi sociétale s‘inscrivant dans la suite des lois sur le Pacte civil de solidarité et du Mariage pour tous, que de la loi de bioéthique dans la mesure où les techniques utilisées sont anciennes et ne soulèvent pas de nouvelles questions d’ordre médical. S’agissant, selon elle, d’une mesure à caractère sociétal et au-delà des convictions de chacun, l‘ANM ne s’estime pas à même de donner un avis hors du champ de ses missions. En revanche, elle se sent impliquée et estime de son devoir de soulever un certain nombre de réserves liées à de possibles conséquences médicales.

L’ANM reconnaît la légitimité du désir de maternité chez toute femme quelle que soit sa situation, mais elle veut souligner que si l‘invocation de l’égalité des droits de toute femme devant la procréation est compréhensible, il faut aussi au titre de la même égalité des droits tenir compte du droit de tout enfant à avoir un père et une mère dans la mesure du possible.

Sur ce point, il y a donc une rupture volontaire d’égalité entre les enfants. A ce titre, la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n‘est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant.

L’argument régulièrement avancé pour rejeter le risque pour l’enfant se fonde sur certaines évaluations, essentiellement dans quelques pays anglo-saxons et européens, faisant état de l’absence d’impact avéré sur le devenir de l’enfant.

L’ANM ne juge pas très convaincantes ces données au plan méthodologique, en nombre de cas et en durée d’observation sur des enfants n’ayant pas toujours atteint l’âge des questions existentielles. Quoi qu’il en soit, l’ANM rappelle que l’incertitude persiste sur le risque de développement psychologique de ces enfants au regard du besoin souvent exprimé de connaître leurs origines. Cela conduit donc à souhaiter qu’il y ait des études en milieu pédopsychiatrique à partir d’enfants privés de pères, parmi lesquels ceux issus de l’AMP pour des femmes seules ou en couples.

Cela permettra d’évaluer le devenir de ces enfants au nom du principe de précaution si souvent évoqué pour des sujets d’importance moindre. II apparaît, à l’ANM que cette disposition est contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, ratifiée par la France. Celle-ci mentionne le droit de l’enfant à connaître ses parents en insistant sur le «bien de l’enfant » comme sur son «intérêt supérieur». De fait, on quitte le domaine de la vraisemblance puisque deux parents du même sexe ne suffisent pas pour donner vie à un enfant. Il s’agira pour la première fois de permettre à deux femmes d’être les deux mères d’un même enfant. Pourtant, l’existence de deux mots distincts, père et mère, signifie que l’un ne peut se substituer à l’autre car le rôle des mères et des pères ne sont pas équivalents.

L’ANM estime que, de plus en plus malmenée par les évolutions sociétales, la figure du père reste pourtant fondatrice pour la personnalité de l’enfant comme le rappellent des pédopsychiatres, pédiatres et psychologues qui demeurent dans leur majorité pour le moins réservés sur cette innovation radicale. A la différence notoire des situations subies par certaines familles monoparentales, des réserves médicales sont également exprimées sur l’extension de la procréation volontaire aux femmes seules en raison de l’observation d’une vulnérabilité, source d‘anxiété et de fragilité maternelle avec des couples mère/enfant qui peuvent être pathologiques comme cela a été souligné lors des auditions par la commission spéciale à l’Assemblée nationale. Dans tous les cas d’extension de l’AMP, on ne peut méconnaître la question de l’altérité et celle de la différence homme-femme.

2)
Concernant la question de l’anonymat du donneur, l’ANM rappelle que ce choix fait par les CECOS dès le début de l’Insémination artificielle avec sperme de donner (lAD) a été régulièrement rediscuté. On sait, désormais, que le maintien de l’anonymat a suscité chez un certain nombre d’adolescents ou jeunes adultes connaissant leur mode de conception, le besoin de rechercher leur géniteur et leurs origines biologiques.

Cette quête pouvait même devenir obsessionnelle et nuire à leur épanouissement comme à leur équilibre psychologique, ce qu’on ne peut ignorer. En outre, l’accès de plus en plus facile au séquençage de son génome et aux réseaux généalogiques sur internet a déjà permis à certains de retrouver leur géniteur ou des demi-frères ou demi-soeurs. La nécessité de faire évoluer le processus est donc légitime. Les dispositions proposées dans le projet de loi permettant d’accéder à des données non identifiantes sont satisfaisantes et peuvent être utiles sur le plan médical.

Quant à l’accès à l’identité du géniteur lui-même, il sera rendu possible à la condition que celui-ci y consente au moment de la demande d’accès. Un dispositif semblable à celui du Centre National d’Accès aux Origines Personnelles (CNAOP) créé en 2002 pour répondre au même besoin exprimé par les enfants nés sous X de mère anonyme, sera organisé pour guider les demandes. L’ANM est favorable à une telle évolution maîtrisée vers l’accès aux origines. Elle observe néanmoins que 75% des candidats au don de sperme sont pour le maintien total de l’anonymat et pourraient revenir sur leur intention initiale en cas de sa levée, même partielle.

Sur ce point, l’ANM veut souligner l’actuel équilibre fragile entre donneurs et couples hétérosexuels infertiles demandeurs d’une IAD, avec un délai moyen d’un à deux ans entre la demande et sa réalisation. II apparaît évident que la demande accrue du fait de l’extension prévue de l’AMP entrainera un déficit de spermes et un allongement des délais portant préjudice aux couples hétérosexuels souffrant d’une infertilité qui relève pourtant d’une indication véritablement médicale.

Dans les faits, il s’agira donc pour ces couples d’une régression dans leur prise en charge et il reviendra aux médecins de l’expliquer aux patients. Les médecins ne comprennent pas qu’on puisse considérer de la même façon les indications médicales et les demandes sociales. Dans de telles conditions où la demande sera supérieure à l’offre, l’ANM exprime sa crainte de voir s‘établir un marché déjà en voie d’organisation dans certains pays voisins.

L‘éventuelle marchandisation des produits du corps humain est donc un réel danger qui menace le principe essentiel de l’éthique française, à savoir la gratuité du don et la non-marchandisation du corps humain. En outre, l‘ANM estime que le financement de ce choix sociétal personnel par l’Assurance-Maladie n‘est pas cohérent avec les missions qui lui sont assignées.

3)

Concernant la filiation qui ne va pas de soi pour deux femmes qui souhaitent être toutes les deux les mères du même enfant, nonobstant les réserves de l’ANM sur l’extension prévue de l’AMP, elle estime que la procédure de filiation retenue semble la plus à même de créer un cadre aussi rassurant que possible pour l’enfant bien que reposant sur des critères non biologiques et en dehors de toute vraisemblance.

4)
Concernant la possibilité pour les femmes de conserver leurs ovocytes en dehors de tout motif médical, sans s’y opposer formellement, l’ANM souligne que si les risques que pourrait entraîner une telle pratique sont bien connus des professionnels, ils ne sont pas mentionnés dans l’exposé des motifs de la loi et n’ont pas été réellement discutés lors des débats préparatoires,ce qui est éminemment regrettable. Ils n’ont donc pas été repris par les medias et les femmes n’ont généralement pas une juste idée de la réalité de l’entreprise. D’une part, le recours à l’autoconservation des ovocytes augmenterait davantage encore la surmédicalisation des grossesses.

D‘autre part, elle pourrait contribuer au recul de l’âge moyen de la première grossesse. Or, on sait l’augmentation significative des Infirmités motrices-cérébrales qui en découlent pour l’enfant. Enfin, la présentation banalisée qui en est faite semble sous-estimer, voire méconnaitre, les risques que la méthode induit par elle-même. Ceux liés aux inductions de l’ovulation, souvent répétées pour obtenir le nombre d’ovocytes nécessaires.

Ceux concernant lesrisques d’échecs non négligeables dont il n’est pratiquement pas fait mention alors que le taux de réussite est estimé à 60% après quatre tentatives et décroit notablement avec l’âge. L‘ANM regrette que, dans les débats,l’information des femmes ne soit pas présentée de façon suffisamment objective et que l’autoconservation de leurs ovocytes puisse apparaître commeune garantie de réussite lorsqu‘elles décideront du moment de leur grossesse. En pareil cas, il s’agirait d’une grave mésinformation que les médecins auront du mal à réparer sans décevoir.

En outre, l’ANM déplore qu’à aucun moment il ne soit fait mention de la nécessaire information sur la fertilité d’une femme et sa décroissance en fonction de l’âge. L‘ANM veut encore souligner que l’extension de l’AMF à toutes les femmes comme celle de l’autoconservation des ovocytes par volonté personnelle correspondent à des demandes sociétales pour des femmes qui ne souffrent d’aucune pathologie de la reproduction.

Il ne s‘agit aucunement d’indications médicales conformes à la mission de la médecine qui est de soigner. Ce changement de nature de l’acte médical n’est pas sans soulever de sérieuses questions de fond pour l’avenir de la pratique médicale. D‘autant qu’auregard d’une aspiration sociétale vers le report banalisé de l’âge de la conception, l’importance d’un avertissement des femmes n’est même pas mentionnée quant aux pertes de chance de fertilité et de risque foetal. L’ANM insiste à nouveau sur l’information nécessaire des femmes sur l’évolution de leur fertilité et souligne qu’il s’agit là d’un enjeu de santé publique majeur. »

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Un grand plan «anti-stups» qui ne vise pas à endiguer le trafic de drogue

Le ministre de l’Intérieur a annoncé mardi un grand plan « anti-stups », non pas pour en finir avec les trafics de drogue, mais pour encadrer cela dans un sens administratif/anti-démocratique. La drogue est acceptée, mais la grande marche quotidienne du capitalisme ne doit pas être perturbée par les trafics illégaux.

Le trafic de drogue est tellement implanté en France, il est si omniprésent et conquérant, que l’État doit réagir pour ne pas être débordé. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a présenté à Marseille mardi 17 septembre un plan national censé lutter contre les stupéfiants. Il était accompagné de son secrétaire d’Etat Laurent Nunez, de la garde des Sceaux Nicole Belloubet et du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, pour présenter en grandes pompes une nouvelle organisation des services.

Depuis l’hôtel de police de Marseille, il a annoncé la création d’un nouvel Office anti-stupéfiants (Ofast) en 2020, accompagné de 55 mesures censées parer à l’urgence de la situation. En lien avec les autorités judiciaires, cette nouvelle entité doit coordonner les services de police, de gendarmerie, des douanes ainsi que ceux du secrétariat général de la mer, du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère des Armées.

Il s’agit surtout de mieux organiser les renseignements, tout en ayant une surveillance plus fine des territoires. L’enjeu pour l’État est de reprendre la main dans un certain nombre de quartiers et sur un certain nombre de réseaux, après avoir littéralement laissé pourrir des situations pendant de nombreuses années. Le choix de la cité phocéenne pour annoncer ce plan n’est pas anodin puisque la ville est littéralement rongée par les trafics, rendant certains quartiers invivables pour la population, avec déjà 9 morts issus de règlements de compte depuis le début de l’année. D’autres villes comme Lille ou Grenoble, ainsi que bien-sûr certains endroits de la région parisienne, sont aussi particulièrement touchés.

Cela concerne néanmoins tout le pays à des degrés divers. Il est expliqué dans le document présentant les mesures que le trafic de drogue a explosé ces 50 dernières années et particulièrement depuis le début du siècle. Le nombre de trafics identifiés aurait doublé entre 2000 et 2017 et si l’on s’en tient au cannabis, les saisies auraient augmenté de 343 % simplement entre 2010 et 2017.

On apprend également qu’en 1996, la France interpellait 46 000 personnes pour des affaires de stupéfiants, alors que le seuil des 200 000 a été franchi en 2013. En 1968, ces personnes n’étaient que… 283 ! L’État n’envisage pas cependant d’en finir avec la drogue et d’en revenir au moins à ce qui existait il y a 50 ans. Les annonces du ministère de l’Intérieur ne visent qu’à mieux encadrer un trafic qui a simplement été laissé faire avec peu de contrôle et une simple répression à la marge.

Il est estimé que le marché des stupéfiants génère 3,2 milliards d’euros de revenus en France. Ce chiffre est probablement donné à la volée, car on n’imagine pas que l’État sache véritablement ce qu’il se passe dans une situation qu’il admet ne pas contrôler. Il donne cependant un ordre de grandeur, qui correspond grosso modo à n’importe quel autre secteur commercial traditionnel.

C’est important donc, mais pas suffisamment pour justifier autant de troubles, comme l’insécurité chronique dans certains quartiers qui a tendance à s’étendre, mais surtout des comportements mafieux qui troublent de plus en plus l’ordre public ailleurs que dans les quartiers pauvres. Le trafic se « professionnalise », mais de manière chaotique, générant une grande instabilité. Le ministère estime que 80 % des règlements de comptes en France sont liés à la drogue et que 3 milliards d’euros sont blanchis chaque année grâce aux trafics.

Voici comment sont résumées les choses :

« Les réseaux du narco-banditisme utilisent toutes les nouvelles technologies et, de plus en plus, des méthodes violentes jusque-là réservées au grand banditisme ou au terrorisme (utilisation de moyens de géolocalisation, de vidéo et de sonorisation pour déjouer les surveillances de la police ou piéger une équipe concurrente, guetteurs dissimulés sur des points hauts et communiquant à distance, nouveaux lieux de stockage des stupéfiants en dehors des cités, utilisation d’armes de guerre pour sécuriser les lieux de vente ou procéder à des intimidations ainsi qu’à des règlements de comptes, vie en clandestinité de certains chefs de réseaux…). »

On annonce donc qu’on va faire du ménage, avec la prétention que la situation sera rapidement sous contrôle. Il est hors de question pour l’État d’accepter que les réseaux mafieux empiètent sur les autres secteurs industriels et commerciaux, perturbant la marche générale du capitalisme.

Il n’est nullement question cependant de procéder à un véritable plan d’éradication de la drogue dans le pays. Tout juste est-il question de « prévention », mais encore que cela n’est qu’un aspect annoncé au passage, avec une énième « campagne de prévention » bidon qui est annoncée, ne faisant même pas partie des 55 mesures opérationnelles du plan « anti-stups ».

> Lire également : Des familles face aux dealers devant une école de Saint-Denis

La volonté n’est pas de combattre démocratiquement ce fléau qu’est la drogue, en harcelant les trafiquants à la base, avec l’appuie de la population et particulièrement de la jeunesse. Cela reviendrait à donner du pouvoir aux habitants des quartiers populaires, ce qui est dangereux pour le capitalisme. Le trafic de drogue est au contraire très utile pour maintenir la tête sous l’eau aux habitants des quartiers populaires, afin d’endiguer tout esprit de révolte.

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Caisse automatique, capitalisme et vie quotidienne

Avec les progrès technologiques de ces dernières décennies, tout particulièrement l’évolution des dernières années, le capitalisme fait participer de plus en plus chaque personne à sa marche générale. Caisses automatiques, communautés liées à des produits, etc. : le mode de production capitaliste s’introduit toujours plus dans la vie quotidienne en faisant activement participer chacun.

L’exemple le plus frappant est celui des caisses automatiques : non seulement l’entreprise détruit des emplois mais elle les remplace en partie par celui, non rémunéré, de ses clients. L’emploi de caissier ne disparaît pas parce qu’une machine perfectionnée est capable de réaliser le même travail avec une plus grande productivité, mais parce qu’une partie du travail a tout simplement été déportée sur le client. Ce dernier travaille gratuitement pour l’entreprise à chaque fois qu’il utilise une caisse automatique.

L’intrusion du capitalisme dans tous les aspects de la vie est toujours plus grande. Après avoir parcouru des rayons remplis de produits industriels nocifs vendus à des prix agressifs, d’animaux morts, et de rayons poisons (la taille des rayons d’alcool dans certains supermarché fait froid dans le dos), le client va aider l’entreprise à réaliser sa marge.

Tous les sens sont de plus en plus corrompus et attaqués par une vie quotidienne toujours plus aliénante. Il faudrait maintenant donner de son temps et de son énergie pour que la machine continue de fonctionner ?

Les avis en ligne prennent de plus en plus d’ampleur ces dernières années. Au-delà de grandes entreprises sur lesquelles ceux-ci sont déposés (Google, Tripadvisor, etc.), beaucoup d’acteurs de plus petite taille proposent des services pour mieux les gérer (vision d’ensemble, réponses sur les différentes plateformes, etc.)

Les sommes générées directement et indirectement par ces avis sont importantes : beaucoup de personnes en vivent professionnellement. Et tout ça grâce… à d’autres qui ont gratuitement déposés des avis sur ces plateformes.

Les grands groupes emploient des personnes à temps plein pour répondre aux avis déposés par des internautes. Ces mêmes personnes vont souvent utiliser une solution pour avoir des statistiques et une vue d’ensemble. Ces solutions, souvent bancales bien entendu, dépendent des géants qui acceptent de rendre ces données accessibles facilement.

Tout un système absurde fonctionne, fait vivre toujours plus de personnes et permet aux grosses plateformes d’asseoir leur position et d’éliminer les concurrents trop faibles. Tout cela au final, pour gérer des avis d’utilisateurs plus ou moins de mauvaise foi, sans parler de toute l’économie de la production de faux avis.

Ainsi, plus une plateforme devient incontournable, plus les gens vont y consulter les avis de telle ou telle enseigne et plus ils auront tendance à déposer des avis sur celle-ci. Et tout cela pour quoi ? Pour de simples avis, peut-être vrais, peut-être faux, peut-être déposés par la concurrence, peut-être créés par une personne à des milliers de kilomètres de là.

Le tout est vendu comme un progrès : les entreprises sont obligées d’être plus transparentes, les gens savent et se partagent l’information. Mais il n’en est rien. La réalité est que tout ce système ne fait qu’accroître la position d’entreprises toujours plus fortes. Tout cela formate et tend à faire en sorte que toujours plus d’aspects de la vie quotidienne prennent part à la marche forcée d’un mode de production en perdition.

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Rapport entre les classes Société

L’évolution de la figure du livreur «Deliveroo» dans les grandes métropoles

Le livreur « Deliveroo », du nom de la principale plateforme de livraison de plat à domicile, est devenu une figure incontournable du centre-ville des grandes métropoles. Elle a cependant très vite évoluée, passant en quelques années d’une image très moderne et branchée à ce qu’il y a de plus terrible en termes d’exploitation capitaliste.

Il y a quelques années, cinq ans peut-être, Deliveroo se payait des livreurs-ambassadeurs pour promouvoir sa plateforme. C’était des jeunes, forcément branchés, avec du style sur le vélo, de préférence en pignon-fixe, si possible brakeless (sans frein). Ceux-ci recrutaient dans leur entourage en promouvant des conditions de travail et de rémunération attrayantes pour de jeunes urbains au mode de vie libéral. Être payé à faire du vélo en ville en choisissant ses horaires à la carte, sans un chef sur le dos et en pouvant partir en vacances quand on veut : le rêve ! C’est en tous cas ce que se sont dit de nombreux jeunes dont beaucoup d’étudiants et il y a eu un afflux pour ce nouveau job.

Le petit-bourgeois urbain, trop content d’avoir une nouvelle application à utiliser sur son iphone, a lui aussi pleinement répondu à l’appel. Il s’est mis à commander des hamburgers végétariens ou un petit plat asiatique très sympa, sans bouger de chez lui.

Les livreurs étaient un peu des copains, ou s’ils ne l’étaient pas, ils auraient très bien pu l’être, car ils avaient toujours l’air cool et ils avaient du style. D’ailleurs, cela payait relativement bien à ce moment d’être livreur par rapport à d’autres jobs. Il y avait une rémunération fixe qui était majorée à chaque livraison et même une petite prime les jours de pluie.

Rapidement cependant, on a vu apparaître des livreurs d’un tout autre style. C’était ce trentenaire un peu perdu, lassé de l’intérim, qui a ressorti son vieux VTT pour essayer un job qui a l’air moins ennuyeux. Ou encore cette étudiante fraîchement arrivée de la campagne, un peu perdue dans la grande ville où elle n’a pas eu le temps de trouver mieux. Elle aussi avait un VTT et c’est là quelque-chose de très marquant : les urbains branchés portent en horreur ce VTT qui n’a rien à faire en ville, symbole du périurbain, de gens pas hype.

Forcément, le livreur n’est alors plus un pote, juste un prestataire lambda à qui ont fait appel par habitude. On a vite pris cette habitude. Le profil des clients a changé aussi puisqu’il s’est élargi, comme c’était prévu. Le livreur en VTT a de plus en plus livré des plats basiques, le plus souvent froids et renversés dans le sac, à monsieur et madame tout le monde.

Les livreurs-ambassadeurs sont en général passés à autre chose. Il faut dire que les conditions de rémunération des plateformes se sont dégradées, petit à petit. Il a fallu se connecter chaque semaine à une heure très précise sur le serveur pour avoir la chance d’obtenir les créneaux de livraison les plus intéressants, tellement il y a de monde. Il n’y a plus de rémunération fixe. Depuis quelques mois, les livraisons courtes sont même encore moins bien payées.

Une poignée d’« historiques » tentent de s’organiser contre cela, ou plutôt s’imaginent pouvoir peser en s’y opposant. On a entendu parler de quelques « grèves » cet été, bien relayées par la presse, probablement parce que les journalistes sont eux-mêmes des grands clients de ces plateformes.

Cela ne représente cependant rien du tout face à la grande machinerie que sont devenues ces plateformes. Déjà, parce qu’on ne peut pas vraiment faire grève quand on a soi-même accepté de devenir auto-entrepreneur à la base. Mais surtout, car il y a des dizaines et des dizaines d’autres livreurs qui acceptent ces nouvelles conditions.

Tout le monde l’a remarqué tellement c’est flagrant : le profil des livreurs a bien changé ces deux dernières années, d’abord à Paris puis maintenant dans toutes les villes. Ils sont de plus en plus des immigrés fraîchement arrivés, dans des situations très précaires.

Quelques jeunes prolétaires de banlieue ont également rejoint le cortège des livreurs, mais en scooter par contre, avec l’idée de pouvoir optimiser bien plus les livraisons par la vitesse. C’est complètement absurde, car l’amortissement d’un scooter (complètement à sa charge) rend vraiment ridicule la possibilité de rémunération avec ce travail dans ces conditions. Mais ce n’est qu’une absurdité de plus dans la folie des grandes métropoles.

En quelques années, la figure du livreur « Deliveroo » a complètement changé. C’était un jeune urbain branché, faisant quelque-chose ayant l’air moderne et sympa. C’est maintenant un africain sans-papier sur un vélo en piteux état, qui sous-loue le compte de quelqu’un d’autre s’octroyant une partie de sa rémunération. C’est quasiment de l’esclavage, c’est absolument ignoble et tout le monde le sait. Mais tout le monde s’en fiche, ou prétend ne pas le savoir.

Les restaurants eux aussi sont devenu complètement dépendant de ces plateformes, qui changent totalement la nature de leur travail le rendant de plus en plus industriel. Le comble de l’horreur en ce domaine consiste même, à Paris, en des entrepôts en banlieue pour des restaurants uniquement dédiés à la production de plats pour la livraison via ces plateformes.

Voilà à quoi ressemble aujourd’hui la pseudo-modernité dans les grandes métropoles. C’est du capitalisme, toujours plus de capitalisme et encore plus de capitalisme, partout, tout le temps…

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Société Vie quotidienne

«Le facteur ne passera jamais»

Depuis la privatisation de La Poste, un grand décalage se produit entre la figure historique du facteur servant le peuple et le rôle froid d’exécutant dans lequel il se retrouve enfermé par le capitalisme. C’est aussi un grand vide pour beaucoup de gens dans la vie quotidienne.

Le facteur tenait une place importante dans la vie sociale. C’était le personnage que l’on voyait tous les jours, avec qui on pouvait parler, il amenait les nouvelles, les bonnes et les mauvaises. C’était une personne de confiance, avec qui on pouvait s’arranger pour ne pas rater telle missive urgente. Il savait les habitudes des uns et des autres, pouvait s’inquiéter d’une absence et donner de sa présence.

C’était un petit travail tranquille, ou alors les difficultés étaient compensées par le plaisir d’être là pour les autres.

On imaginait le facteur comme une gentille personne, pas vraiment futée, mais avec un rôle central dans le quotidien.

Tout cela est fini, car ce genre de personnage ne peut exister dans le capitalisme broyant tout sur son passage. Mais les gens ne voient pas cela et la rancœur remplace le bon sentiment.

Le préjugé sur une supposée bêtise se renforce et on s’imagine que si le facteur n’est pas passé, c’est que c’est un fainéant et que décidément « les gens sont de plus en plus cons ».

C’est bien évidemment une manière de tout réduire aux seuls individus et c’est plutôt pratique puisque ça n’engage à rien.

Alors que si on regarde les choses dans leur ensemble, la colère des gens est autant compréhensible que la détresse du facteur, mais ce n’est la faute ni de l’un, ni de l’autre.

La facteur, qui voit sa tournée sans cesse se rallonger et les « clients » s’éloigner. La villageoise, qui n’a pas son journal pendant trois jours.

La Poste a fait repousser les boîtes aux lettres au bout des chemins ou les regrouper par quartier, afin de réduire le temps entre chaque point de distribution et pouvoir ainsi rallonger la tournée. Cela permet de distribuer aussi des colis et puis des publicités, puis faire des prestations diverses et variées.

En plus de distribuer du courrier, de la publicité, des colis et des lettres recommandées, les facteurs doivent parfois placer dans les halls des plaques fibres d’opérateurs téléphoniques, relever le papier à recycler dans les entreprises ou encore apporter des repas à domicile. La Poste, dans ce domaine, est un trésor d’inventivité.

Chaque geste est chronométré de manière à optimiser le temps au maximum. Cela paraît très rigoureux, mais toutes les procédures cachent en fait un système anarchique avec des flux de courrier et de colis qui ne rentrent pas dans les moyennes calculées. Pour faire simple, la majorité du temps, beaucoup de tournées sont impossibles à finir. Parler aux gens, n’en parlons pas.

Les facteurs, livrés à eux-mêmes, prennent alors sur leur temps de pause pour pouvoir finir le travail. Cela donne donc des gens qui travaillent pendant 7h sans s’arrêter, parfois sans manger.

C’est proprement une situation de moins en moins tenable, avec de nombreux burn out et même des suicides. Pour des postiers qui ont le métier dans la peau, en tant que rôle social, cela peut provoquer de grandes souffrances de ne pas être à la hauteur des attentes des gens.

Le capitalisme va vers toujours plus de barbarie et cela se voit dans les hôpitaux, les EHPAD, dans la brutalité de la voiture, la souffrance des animaux ou dans la course vers la guerre…

Et finalement, si tout se dégrade vers toujours pire, c’est la faute d’un peu tout le monde car, corrompu par le capitalisme, on s’accommode du pire.

> À voir ailleurs : l’émission « Envoyé spécial » sur France 2 diffusera demain jeudi 12 septembre 2019 un reportage « La Poste sous tension »

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Société

Les mauvais chiffres de la sécurité routière en août et depuis le début de l’année 2019

Les chiffres de la sécurité routière pour le mois d’août et depuis le début de l’année sont mauvais, avec une augmentation du nombre des victimes par rapport à l’année dernière. Les comportements n’évoluent pas sur la route, car la France est largement prisonnière de mentalités rétrogrades et d’un libéralisme total sur le plan des mœurs.

Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 290 personnes ont été tuées sur les routes en France au mois d’août 2019. C’est 44 personnes de plus qu’en août 2018, soit une hausse de 17,9 %.

En tout, ce sont 4 314 accidents corporels qui ont été dénombrés, contre 4 156 l’an passé, ce qui fait une augmentation de 158 accidents corporels (+3,8%). Le nombre de blessés s’élève à 5 652 personnes, soit 245 de plus qu’en août 2018 (+4,5%).

Ce sont surtout les automobilistes qui sont concernés par la hausse des cas mortels avec 31 tués de plus qu’en 2018, ainsi que les motocyclistes avec 12 tués de plus. La mortalité des cyclistes est en baisse et celle des piétons est considérée comme stable pour le mois d’août (un triste « record » avait cependant été atteint en février 2019 avec 18 cyclistes tués).

Cette hausse correspond à une tendance depuis le début de l’année : 2 133 morts sont dénombrés sur les huit premiers mois de l’année, ce qui fait 35 tués de plus que l’an passé à la même période. Si le début d’année avait connu une hausse des tués ( +9,3%, soit 63 tués de plus que l’an passé sur au premier trimestre 2019), les mois d’avril et de mai avaient pourtant connu une baisse, puis il y a eu une stabilité en juin et juillet.

Ce ne sont là que des statistiques bien sûr, des chiffres pouvant paraître abstraits et qui n’expriment que partiellement la réalité, c’est-à-dire des situations concrètes à des moments particuliers. Ils montrent néanmoins une tendance et ce n’est pas une bonne chose de constater que celle-ci est à la hausse. L’année 2018 avait pourtant connu une baisse historique du nombre de morts, mais cela n’a pas pu continuer.

Il est nécessaire ici d’être un peu plus concret pour aborder cette question de la sécurité routière et des victimes de la route. Intéressons-nous à la situation dans le département du Lot, en région Occitanie.

Le préfet du département a communiqué sur le sujet hier en expliquant que la situation était catastrophique. 10 personnes sont mortes sur les routes du département depuis le début de l’année, dont 3 au mois d’août. Ce sont dix vies, dix individus qui avaient des proches, des connaissances, des projets et qui ne vivent plus. C’est très concret et à l’échelle d’un petit département comme le Lot (173 000 habitant, environ la population de la commune de Saint Étienne), ce n’est vraiment pas rien dix personnes en huit mois.

À ces personnes tuées, il faut ajouter toutes celles qui sont blessées, parfois gravement. Il y a depuis le début de l’année 8 % de blessés de plus qu’en 2018, alors que le nombre d’accidents a lui augmenté de 16,7 % dans le département.

Voici comment le journal La Dépêche rapporte les propos du préfet dénonçant la dégradation des comportements engendrant ces accidents :

« Le préfet pointe la multiplication des conduites à risques (alcool ou stupéfiants) et pour l’illustrer rappelle le cas d’une conductrice qui roulait à 19 heures, avec un taux d’alcool de 3,11 g/l tout en étant positive au cannabis ou l’exemple de ce jeune conducteur intercepté 11 jours après avoir eu son permis à 211 km/h sur l’autoroute.

Le chiffre des suspensions de permis est éloquent: depuis le 1er janvier, il y a eu 190 suspensions pour alcoolémie, 390 en raison des stupéfiants et 145 à cause de la vitesse. Autre statistique tragique: dans 5 des dix accidents mortels, il y avait de l’alcool ou du cannabis. »

Ces chiffres sont vraiment incroyables et en disent long sur les mentalités en France, où le libéralisme dans les mœurs semble être triomphant, tout puissant. Dans ce petit département de 173 000 habitants, en seulement huit mois, ce sont en tout 725 personnes qui se sont faite attraper parce qu’elles n’en avaient rien à faire de respecter les règles les plus élémentaires de sécurité routière.

Quand on connaît les difficultés que connaissent les effectifs de police et de gendarmerie pour assurer leurs missions, cela laisse imaginer le nombre de gens avec le même comportement qui ne se sont pas fait prendre. C’est effarant.

Il règne en France sur les routes, et pas seulement dans Lot qui n’est ici qu’un exemple, un sentiment d’impunité général. Les contrôles se font de plus en plus rares du fait de la faiblesse des effectifs et n’importe qui ayant pris la route cet été a pu constater à quel point les chauffards roulant à toute allure sont nombreux, alors qu’on en voyait de moins en moins ces dernières années, notamment du fait d’une multiplication des radars automatiques.

Il faut pointer du doigt ici avec une extrême sévérité le comportement des gilets jaunes, dont un des faits d’arme a été et est encore de s’en prendre aux radars automatiques, considérés de manière populiste comme de simples « machines à fric ». Il faut rappeler que ce mouvement s’est constitué sur les braises d’une offuscation généralisée contre la baisse de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire, de loin le plus accidentogène.

Si l’on reprend le cas du département du Lot, ce sont selon la préfecture 60 % des radars automatiques qui ont été neutralisés dans les derniers mois (ce qui correspondrait à la situation sur le plan national, alors que 75 % des radars avaient connu des dégradations cet hiver). Quand on voit la grande catastrophe que représente encore à notre époque les accidents de la route, on ne peut qu’être révolté contre ces comportements irresponsables, relevant d’une fuite en avant criminelle.

> Lire également : Conséquence fasciste des gilets jaunes : 130 radars détruits

C’est le marqueur terrible d’une grande arriération des mentalités dans notre pays ; il n’y aura jamais aucun grand changement social sans un grand changement culturel sur ce plan. La Gauche doit assumer le combat culturel et politique contre le libéralisme et ces mentalités rétrogrades qui ont des conséquences désastreuses sur la route.

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Société

Des familles face aux dealers devant une école de Saint-Denis

Les télévisions ont relayé ces derniers jours l’initiative de parents contre les trafiquants de drogue à Saint-Denis, au nord de Paris. Ce sont surtout des mères de famille qui ont repris avec la rentrée la chaîne humaine qu’elles constituent chaque jour devant l’école de leurs enfants, pour la protéger symboliquement. Le trafic de drogue y est en effet un véritable fléau, qui pourrit littéralement la vie des habitants.

L’intrusion de dealers dans le groupe scolaire l’Ermitage-Balzac-Hugo le 13 mai dernier a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’école est en effet située entre deux « fours », c’est-à-dire des points de vente très fréquentés, pour ainsi dire quasiment des supermarchés de la drogue, ou plutôt des drives où les clients ne font que passer rapidement.

Cela fait déjà des années que la ville de Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, le fameux département 93, est ravagée par les trafics de drogue ainsi que tout un tas de comportements anti-sociaux. Le trafic y est tentaculaire, il s’insinue partout comme le rapporte une habitante. La ville est aux portes de Paris, relativement accessible, alors les clients parisiens viennent s’y approvisionner en masse.

Le trafic se fait à ciel ouvert, au vu et su de tout le monde. Les plus jeunes, qui officient en tant que simples guetteurs dont le rôle est de crier « ça passe », disent gagner 80 euros par jour. Ce commerce est complètement ancré dans la vie locale et son tissu économique et social.

Pour autant, il n’y a rien de véritablement organisé et c’est un véritable chaos qui règne dans ces quartiers gangrenés par le trafic et les comportements mafieux, soumis à une concurrence sauvage entre les différents « fours ».

On comprend alors que les familles en ont ras-le-bol, surtout quand le trafic s’insinue dans l’école du quartier, en pleine journée. Les propos du collectif « Coup de balai à Saint-Denis – Bien vivre à Saint-Denis 93 » sont ainsi très dures, mais aussi très justes :

« Nous sommes des parents, enseignants, habitants du quartier Delaunay-Belleville-Sémard à Saint-Denis (93) bien décidés à récupérer notre espace public envahi par la drogue et les dealers et à lutter pour plus d’égalité dans tous les domaines. »

Il faut s’imaginer ici que les gens sont venus chercher leurs enfants à l’école et ont vu la police armée dans l’établissement. Les élèves avaient été confinés dans les classes le 13 mai dernier (selon le même protocole qu’en cas d’alerte attentat), alors que des individus liés au trafic s’étaient introduits dans l’établissement parce que poursuivit par la police.

Trente grammes de résine de cannabis (l’équivalent de 100 euros de marchandise) ont été découverts quelques jours plus tard, alors que ce n’était pas la première fois que de la drogue était retrouvée dans le groupe scolaire.

Il est très intéressant d’écouter ici ce reportage diffusé mardi sur France culture, qui prend le temps de donner la parole aux habitants, y compris aux jeunes liés au trafic :

Le portrait de la ville qui y est dressé est vraiment saisissant. Une telle situation est absolument inacceptable et on se dit que, si cette chaîne humaine est un geste évident de dignité populaire, c’est bien la moindre des choses. Comment ne pas vouloir prendre la fuite, plutôt ? À moins de ne pas pouvoir partir, d’être coincé là…

On ne peut qu’être saisi d’effrois en entendant cette personne rapporter les propos du commissaire, disant que ce n’est pas son problème et que de toutes façons les gens sont complices, eux-mêmes étant consommateurs et peu enclins à aider la police. Quel triste panorama.

Il faut dire ici la faillite terrible du PCF, qui gère cette ville de 111 000 habitants depuis plus de cent ans (hormis quelques années où les maires PCF Jacques Doriot puis Marcel Marschall sont passés sous l’égide fasciste du PPF). Le premier maire SFIO, Gaston Philippe, y a été élu en 1912. C’était un bastion ouvrier, c’est devenu une zone de non-droit.

Il serait trop facile cependant d’incriminer simplement le « 93 ». Si le trafic de drogue existe ainsi dans cette excroissance sombre de la grande métropole capitaliste parisienne qu’est Saint-Denis, c’est parce que la drogue est aussi présente partout ailleurs. Il n’y a pas de trafic à Saint-Denis sans des centaines de milliers de consommateurs à Paris et dans toute l’Île-de-France, comme partout ailleurs dans le pays.

Ce devrait être le rôle de la Gauche, l’un de ses grands combats, que de rejeter fermement la drogue en la combattant culturellement et socialement. Seulement, il faut pour cela accepter d’en finir avec le libéralisme, cette idéologie bourgeoise qui fait qu’on considère que chacun a le droit de faire ce qu’il souhaite, qu’il doit se voir respecté en tant qu’individu, en fait en tant que consommateur.

La véritable Gauche, celle de la classe ouvrière, du mouvement ouvrier, n’accepte pas ce libéralisme. Le combat culturel et social contre la drogue est alors une évidence. C’est une condition indispensable pour reconquérir des endroits comme Saint-Denis, en refaire des bastions populaires, des places fortes de la Gauche en région parisienne.

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Société

L’enquête annuelle de l’Unef sur le coût de la vie étudiante

Comme chaque année, l’Unef publie un étude portant sur le coût de la vie pour les étudiants. D’après leur enquête, la hausse du coût de la vie étudiante est deux fois supérieure à l’inflation, soit une augmentation de 2,83%. Les difficultés concernent surtout le logement, car les prix se sont envolés dans les grandes villes ces dernières années et continuent d’augmenter.

Voici l’étude, qui est très détaillée et accompagnée des revendications de l’organisation étudiante :

Dossier-panier-social-3

L’Unef propose également un étude comparative du coût de la vie pour les étudiants dans les différentes villes :

classement-des-villes-universitaires-2019

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Rapport entre les classes Société

La bonhomie, la rondeur, ce qui définit le «prolétaire»

Le prolétaire, c’est celui qui n’a rien, à part ses enfants. L’appel de Karl Marx, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », s’adresse à cette catégorie de gens qui portent véritablement toute la société sur leurs épaules par leur travail. Comment pourtant choisir un terme pour désigner leur nature propre, leur caractère ? On peut prendre celui de bonhomie. Le prolétaire est rond, le bourgeois est carré.

Si l’on prend l’image habituelle, celle du XIXe siècle, alors on a le prolétaire maigre, décidé, décisif, qui fait face au bourgeois ventripotent et incapable de savoir ce qu’est réellement le travail. C’est là un cliché erroné, qui est plus « syndicaliste » qu’autre chose.

En réalité, c’est le bourgeois qui est décisif, au sens de borné, étriqué, totalement bloqué dans son esprit, agissant mécaniquement. Le prolétaire est au contraire affable, d’esprit rond, il accepte. Et s’il accepte, c’est parce qu’il a le goût du réel.

Sa vie étant une succession d’expériences concrètes, de transformation de la matière, il sait que la vie a beaucoup d’aspects, que chacun fait son expérience. Le prolétaire a ainsi bon esprit, il est pratiquement bon enfant.

C’est bien pour cela d’ailleurs qu’il se fait tout le temps avoir : il ne lève pas le bout de son nez et ne sort pas de son expérience. La social-démocratie historique l’a toujours souligné, il faut que les prolétaires aient une vision d’ensemble, sans quoi ils se contentent d’être, somme toute, simplement ronds.

Lénine, dans son fameux ouvrage Que faire ?, ne fait que reprendre ouvertement cette conception social-démocrate, qui est le pendant de l’interprétation syndicaliste-révolutionnaire, pour qui le prolétaire est naturellement et forcément incisif, rude, batailleur, rebelle, etc.

Les faits montrent bien que ce sont les sociaux-démocrates qui avaient raison, et pas les syndicalistes-révolutionnaires, pas les anarchistes. La bonhomie, la rondeur, voilà ce qui définit le prolétaire, celui qui n’a rien. On a l’allégorie de cette forme de gentillesse avec l’homme sur le banc.

Cet homme, on l’a tous vu. Il a un certain âge, en tout cas son visage est au moins marqué. Ses habits, si ce ne sont des guenilles, ne ressemblent pas à grand-chose. On dirait qu’il vient de loin et souvent il a un sac, presque une sacoche ou en tout cas quelque chose d’un peu solide, pour ses affaires, peu nombreuses. On voit tout de suite qu’il n’a rien, strictement rien. Il est pourtant éveillé sur son banc, et il a une activité ronde : il donne à manger aux pigeons, avec bienveillance et un regard ému.

Il est impossible de ne pas avoir vu cette image si classique des villes. Elle est une parfaite allégorie du sens du partage, de la rondeur de celui qui veut le partage. Le bourgeois, lui, est vil. Il sait ce qu’il veut et il n’y a de place pour rien d’autre. Il n’a ni compassion, ni empathie. Sa passion est vivace, mais lui fournit un esprit sordide, bassement utilitariste. Il n’y a de place pour rien à part son élan dans son activité ciblée et réduite à sa substance même, lui-même se confondant avec ses propres objectifs, sans aucune distance.

Et face à de tels carrés, il faudra que les ronds sachent être aussi carrés, afin de les mettre de côté. C’est là toute une question de vision du monde et des moyens de faire en sorte qu’elle triomphe.

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Société

Le Parti animaliste et Michel Sardou le romantique

« On n’a plus aucune liberté » : c’est la vieille rengaine des anarchistes de droite depuis les années 1960. Michel Sardou se situe sur cette ligne, même s’il porte une critique romantique de la société dans une veine nostalgique, l’amenant à Droite. Son soutien au parti animaliste dit bien des choses sur l’utilisation de la juste défense des animaux pour une posture apolitique, anti-politique.

Au début des années 1970, Michel Sardou racontait comment il entendait dénoncer les choses :

« Je ne suis pas foncièrement un homme de révolte. Je chante les choses de la vie, faites de violence, d’amour, de soucis. Nous vivons dans une période d’agressions. »

Il était alors le barde de la Droite, au point qu’il y avait des Comités Anti-Sardou. Cependant, il faut faire attention, car il porte une dénonciation réelle de la société, qu’il croit de droite, car malheureusement c’est le romantisme qui a pris en charge une dénonciation de la folie moderne.

Pour preuve, sa chanson « Les Villes de Grandes Solitudes », cherchant à dresser le portrait de quelqu’un brisé par l’anonymat propre au capitalisme de son époque. Il y a eu un gigantesque malentendu à l’époque, où des féministes n’ayant rien compris à sa dénonciation ont cru qu’il fallait prendre cela au premier degré.

C’est ici la preuve d’un échec complet de la Gauche dans la critique du capitalisme, qui a prolongé la domination du romantisme basculant dans la nostalgie réactionnaire.

« Dans les villes de grande solitude
Moi le passant bien protégé
Par deux mille ans de servitude
Et quelques clous sur la chaussée

Dans les villes de grande solitude
De nouvel-an en nouveaux nés
Quand j’ai bu plus que d’habitude
Me vient la faim d’un carnassier

L’envie d’éclater une banque
De me crucifier le caissier
D’emporter tout l’or qui me manque
Et de disparaître en fumée

Mais dans les villes de grande solitude
Tous les héros se sont pollués
Aux cheminées du crépuscule
Et leurs torrents se sont calmés

Alors je fonce comme une bête
Sur le premier sens interdit
Aucun feu rouge ne m’arrête
Je me sens bien dans ma folie

J’ai envie de violer des femmes
De les forcer à m’admirer
Envie de boire toutes leurs larmes
Et de disparaître en fumée

Mais dans les villes de grande solitude
Quand l’alcool s’est évaporé
Je replonge dans la multitude
Qui défile au pas cadencé

J’ai peur d’avoir brisé des vitres
D’avoir réveillé les voisins
Mais je suis rassuré très vite
C’est vrai que je ne casse rien »

Quel gâchis pour la Gauche de ne pas avoir vu le besoin de changer la vie sous-jacent à de telles critiques. Cela a malheureusement formidablement aidé la formation d’une Droite populaire durant les années 1980.

Michel Sardou s’est bien entendu enferré dans sa démarche. Il idéalise donc la période qu’il dénonçait hier… Comme avec ses derniers propos sur RTL.

« On fumait, on faisait l’amour, on roulait vite, on pouvait boire, le théâtre marchait, les affaires marchaient… La vie est moins souple, moins détendue que dans les années 80. Le téléphone portable, je hais ça et les réseaux sociaux, n’en parlons pas. Et les gilets jaunes et les gilets rouges et les gilets bleus et les gilets verts… Et merde, ça va ! La seule politique que je pratique, c’est que je fais partie du Parti animaliste. Je défends les petites bêtes. »

Il rejoint donc la ligne, bien connue, de Brigitte Bardot. Et c’est une raison d’avoir critiqué ici le Parti animaliste pour son apolitisme. La défense des animaux, leur protection, même la révolution de leur condition… tout cela concerne la Gauche et doit être dans le programme de la Gauche.

> Lire également : Le parti animaliste aux élections européennes

Cela ne doit pas être prétexte à une posture pour voir tout en noir et se cantonner à caresser un chien ou un chat en disant : le monde est pourri ! C’est là une critique ayant sa part de valeur, mais conduisant dans un cul-de-sac, qui dessert la cause qu’on prétend servir.

Combien il reste de travail en France pour arracher la critique de la société aux postures romantiques-nostalgiques !