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La lettre de Charlotte Girard quittant la France insoumise

L’universitaire Charlotte Girard a annoncé son départ de la France insoumise, dont elle était une figure appréciée, ainsi que la responsable du programme. Dans une lettre à ses camarades, elle pointe les nombreux dysfonctionnements de ce mouvement populiste, qui voit actuellement le sol se dérober sous ses pieds.

La déception suite au score de la France insoumise aux élections européennes a engendré une grande instabilité dans le mouvement. Cela ne pourrait pas arriver de cette manière dans une formation de gauche structurée de manière démocratique, autour d’idées fortes, avec des gens engagés sur le long terme dans une bataille qu’ils savent difficile.

Seulement voilà, la France insoumise n’est pas une structure de gauche justement, mais un mouvement populiste. Il est porté par des gens s’imaginant qu’il suffirait d’une sorte de spontanéité « populaire », dans un grand élan « fourre-tout » aux contours vaguement sociaux, pour aller forcément dans le bon sens, et ce rapidement.

C’est exactement la même démarche que des mouvements comme « nuit debout » ou les gilets jaunes. Sauf que cela ne mène à rien à rien du tout, si ce n’est à renforcer les frustrations et l’irrationalisme d’extrême-droite.

En l’occurrence, c’est exactement ce qui arrive à la France insoumise. Il lui aura suffi d’un mauvais score à une élection, qui somme toute n’a pas un très grand intérêt politique, pour que tout vacille, avec des gens s’en allant de partout ou d’autres ne s’exprimant plus, etc.

La lettre à ses camarades de Charlotte Girard, que nous reproduisons ci-dessous, est très intéressante de ce point de vue là. Il ne s’agit pas bien sûr de tirer sur une ambulance en moquant les défections, mais de profiter de cette réflexion utile, de cette tentative de bilan.

Ce que montre cette lettre, qui raconte assez succinctement, mais de manière précise le fonctionnement de la France insoumise, c’est qu’on a des gens qui ont cru inventer l’eau chaude, en faisant fi du patrimoine historique de la Gauche, de ses structures, de ses idées, de ses principes.

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

Il y a eu un élan autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2017, mais la suite a montré que c’était une coquille vide. Non pas que ces gens n’ont rien à dire ou n’aient pas d’idées, bien sûr. Mais ce que personne n’a vu, ou voulu voir, c’est que ce succès n’a pas reposé sur une identité propre, mais précisément sur le fait qu’il n’y avait pas d’identité clairement définie.

Chacun a donc pu y voir ce qu’il avait envie de voir.

Les gens de gauche déçus par François Hollande ont pu se dire qu’en tant qu’ancien socialiste se revendiquant de François Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon était leur homme. Pareil pour les gens ayant une sensibilité communiste, puisque le PCF lui avait quasiment donné les clefs de la maison les années précédentes. À cela se sont ajouté des gens quasiment d’extrême-droite, mais n’assumant par le FN, qui appréciaient le nationalisme affiché ou encore la critique de la finance flirtant avec l’antisémitisme, etc.

> Lire également : De la FI au RN, Andréa Kotarac : l’inévitable convergence des populismes

Ce genre d’amas populiste semble fonctionner tant que c’est nouveau, mais très vite cela fait flop, inévitablement.

Au contraire de cela, la Gauche a besoin de se reconstruire sur des bases solides, en assumant son héritage historique plus que centenaire, avec des réussites ô combien plus grandes qu’un simple score à la Présidentielle et quelques députés dans la foulée.

Ces quelques mots de Charlotte Girard sont donc une contribution utile, pour en quelque sorte savoir ce qu’il ne faut justement pas faire pour reconstruire la Gauche…

 

« Les chemins

Mes cher.e.s camarades,

Je n’ai jamais voulu déranger. J’ai été élevée comme ça. Quand les désaccords sont venus, j’aurais beaucoup donné pour pouvoir partir sur la pointe des pieds. On m’a dit alors que ça n’allait pas être possible.

Se rendre à l’évidence : ni vous, ni les journalistes n’auraient laissé faire. Vous, parce que vous auriez voulu comprendre davantage ; les journalistes, parce qu’on ne va tout de même pas laisser passer une telle occasion de montrer les dissensions dans la France insoumise.

Comment faire alors pour dire ce qu’il y a à dire …et pour partir ? Surtout quand il n’y a pas de lieu permettant de s’adresser aux insoumis.es sans qu’une nuée de caméras et de micros fasse écran entre vous et moi.

J’avais d’abord pensé venir avec d’extravagantes lunettes noires comme maître Gims et lire ce texte à l’Assemblée représentative. Puis j’ai pensé faire lire le texte par mon amie Manon Le Bretton à la même Assemblée. Mais là encore c’était perdu d’avance : mes cheveux m’auraient trahie et puis c’était risquer de déranger davantage les débats à venir dans l’Assemblée. Autant que vous puissiez travailler en pleine connaissance du nouveau contexte et sans surprise.

Alors pourquoi je quitte mes fonctions de coordination du programme et pourquoi j’arrête ma participation à la France insoumise ?

La question de ma mise en retrait n’est plus posée. C’est un fait acquis. Mais être là sans être là, ce n’est une situation confortable pour personne ; ni pour la France insoumise, ni pour moi. Toute la difficulté était de trouver la bonne distance : la distance respectueuse.

Respectueuse vis-à-vis des camarades pleinement engagés et sincères, qui, en particulier, faisaient la campagne des européennes. Ne pas exprimer de divergences sur la ligne comme sur la stratégie au risque d’ajouter encore plus de trouble et de difficulté. Et puis ce n’est pas quand la campagne est lancée qu’on jette le doute, surtout depuis une dernière place. Or ces doutes exprimés lors de la constitution de la liste et de la rédaction chaotique du programme n’ont pas trouvé de cadre où être travaillés et élaborés suffisamment pour qu’il en sorte une perspective claire et partagée ; en l’occurrence une véritable stratégie politique qui oriente à proprement parler la campagne et, au-delà, le mouvement lui-même.

Respectueuse vis-à-vis de moi-même aussi. Ne pas battre les estrades avec des directives au mieux brouillées, au pire contraires à mes préférences et mes raisonnements. Il n’en sortirait rien de bon et rien du niveau de conviction qui avait été celui de la présidentielle. Souvenons-nous de la présidentielle. Des interventions toujours fondées sur l’explication, jamais sur l’invective. Une anticipation précieuse qui avait permis que tout le monde s’approprie les contenus chemin faisant. Parler à l’intelligence. Mes camarades des ateliers des lois et des méthodes d’éducation populaire savent bien de quoi il s’agit.

La campagne est passée. Les camarades sont restés avec leurs questions pendant tout ce temps, quoique certains, dont je suis, ont alerté, à plusieurs reprises, au sujet du fonctionnement – juste le fonctionnement – de la France insoumise. Il avait été dit que des réponses seraient données après les Européennes. C’est ce qui devrait avoir lieu lors et à la suite de l’Assemblée représentative. C’est une bonne chose si ça arrive.

Mais pour ma part, le chemin fléché par la France insoumise s’arrête. J’ai donné tout ce que je pouvais tant que je pensais que l’outil – le mouvement – était conforme au but – la révolution citoyenne. Mais je n’en ai plus la certitude et je n’ai pas la certitude non plus que les efforts qu’il faudrait fournir pour obtenir la refondation interne de l’outil seront au rendez-vous. Que ma défiance ne soit pas un obstacle à l’aspiration au changement et à l’effort de réflexion collective qui aura lieu. De toutes façons il n’y a pas d’autre voie que le collectif. Allons au bout de l’explication.

Ma défiance porte sur l’outil d’abord. La désorganisation que je ne suis pas seule à déplorer produit une telle perte d’énergie que c’en est désespérant. Or les voies pour y remédier demeurent opaques et difficiles à emprunter. Il n’y a pas de mode d’emploi, ni pour utiliser, ni pour réparer. Il est donc aussi usant de faire que de chercher un moyen de faire. Résultat : tant qu’on est d’accord tout va bien. Mais il n’y a pas de moyen de ne pas être d’accord.

Or une dynamique politique – surtout révolutionnaire – dépend de la capacité des militants à s’approprier des raisonnements, c’est-à-dire potentiellement à les contester. Cette option est obstruée pour le moment, d’autant plus que dernièrement, on a eu parfois du mal à identifier avec quoi être d’accord ou pas. Le reproche d’inefficacité se confond finalement avec celui du manque de démocratie. J’en prends ma part. Juste après les législatives, je n’ai pas réussi à convaincre que le chantier de l’organisation était nécessaire et urgent.

Après le début de la campagne des Européennes, les Gilets jaunes ont fait irruption. Hors de tout ce que ce mouvement nous a fait découvrir sur la capacité de mobilisation vivace des gens, il nous a dit beaucoup sur notre organisation, en particulier l’écart que nous n’avons pas comblé entre le monde militant institutionnel et les gens.

C’est la seconde raison qui me conduit à penser que l’outil, trop tourné vers l’exercice institutionnel du pouvoir, en l’occurrence l’exploitation du seul contre-pouvoir parlementaire que nous avons encore, n’a pas permis de travailler à réduire cet écart. Or la révolution citoyenne dépend essentiellement du succès de la jonction entre ce que le mouvement insoumis produit idéologiquement et le peuple. Sur le fond, on a touché du doigt cette rencontre quand on a réalisé que les revendications étaient les mêmes que celles de l’Avenir en commun. Et pourtant la jonction n’a pas eu lieu.

La forme institutionnalisée de notre mouvement ajoutée à son expression électoraliste ont révélé deux handicaps auxquels il n’était pourtant pas possible d’échapper. Un mouvement même gazeux est un groupement politique régi par la constitution et la loi. Et nous présentions une liste aux élections en cours. Il n’est pas question ici de prétendre que nous n’aurions pas dû. Cet état de fait a permis de réaliser le caractère auto-contradictoire de notre situation.
L’exercice du pouvoir dans le cadre stérilisant de la Ve République – serait-ce un contre-pouvoir aussi énergiquement et brillamment investi par le groupe insoumis à l’Assemblée nationale – produit une défiance immédiate du peuple lorsqu’il prend conscience de ce que précisément ce cadre est hostile.

Lorsque la répression atteint un tel niveau de violence, non seulement la démobilisation par l’effroi augmente, mais il n’est plus possible de distinguer un consentement minimal aux règles qui permettent des expressions politiques comme la nôtre et une compromission avec le pouvoir qui menace.

Dans ce contexte de grande violence – et il n’est pas possible qu’un projet aussi alternatif que l’Avenir en commun n’y conduise pas par réaction du pouvoir oligarchique –, l’outil FI identifié à la conquête du pouvoir en Ve République ne peut suffire à produire cette jonction incontournable. J’ajoute qu’il ne faut pas confondre cette jonction avec une approbation électorale. Ce qu’il faut rechercher est un niveau de conscience populaire acquise non seulement à ce qu’il existe une oligarchie bien identifiée qui est dangereuse pour soi socialement et écologiquement, mais aussi à l’idée qu’un rôle politique légitime incombe souverainement à soi en tant que peuple. Rien de nouveau ici ; c’est la stratégie de l’ère du peuple.

Mais c’est l’instrument pour produire ce niveau de conscience menant à la révolution citoyenne qui pose problème et qu’il faut résoudre. Une piste a été suggérée, celle des « cercles constituants », ni un parti, ni une association, sans doute encore un mouvement ; à ceci près qu’ils n’ont pas d’objectif électoraliste et qu’ils ne concurrencent donc pas l’outil FI tourné vers la conquête du pouvoir d’État en Ve République. Et s’il s’agissait au fond de distinguer la perspective constituante et la perspective électorale sans pour autant les opposer ?

C’est ce questionnement qui gît sous les demandes de réflexion sur le fonctionnement ; pas une minable demande de reconnaissance individuelle.
Comme il ne m’apparaît pas qu’on ait bien perçu cet enjeu soit en niant avec constance la dimension centrale de l’objection relative au fonctionnement, soit en persévérant dans une ambition de sauvetage à court-terme de l’outil, je préfère me libérer des préoccupations et projections qui m’éloignent de cette recherche.

En attendant, nos chemins se séparent ici pour les raisons que j’ai dites avec la certitude que rien n’a été vain.

La suggestion poétique est de Manon Le Bretton.

Voici cet extrait de Caminante no hay camino du poète républicain espagnol Antonio Machado.

Caminante, son tus huellas [Toi qui marches, ce sont tes traces]
el camino y nada más; [qui font le chemin, rien d’autre ;]
caminante, no hay camino, [toi qui marches, il n’existe pas de chemin,]
se hace camino al andar. [le chemin se fait en marchant.]
Al andar se hace camino [En marchant on fait le chemin]
y al volver la vista atrás [et lorsqu’on se retourne]
se ve la senda que nunca [on voit le sentier que jamais]
se ha de volver a pisar. [on n’empruntera à nouveau.]
J’ajouterais le vers qui précède et que Manon ne m’avait pas suggéré :
Nunca perseguí la gloria. [Je n’ai jamais cherché la gloire.]

À vous, camarades de lutte.
Charlotte. »

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Culture

Only lovers left alive et la corruption culturelle du cinéma

Only lovers left alive est une expression de la corruption culturelle de notre époque : des sommes colossales sont mises en circulation afin de produire des œuvres qui répondent aux intérêts du capitalisme. Ces montants permettent de faire vivre tout une population de parasites dont le seul but est de diffuser et d’entretenir une vision du monde qui correspondent aux intérêts d’un mode de production en perdition.

L’individualisme est ainsi toujours de mise, la culture est niée et les classiques sont vidés de toute substance et réduits à des objets de consommation. Peu importe la forme, tant que cela s’oppose au Socialisme.

> lire également : Only Lovers Left Alive (2013)

Le capitalisme du XXIe siècle a depuis longtemps renversé le mode de production féodal dans les pays occidentaux, il n’a aucune raison de produire des Lumières. La question n’est plus de partir à l’assaut du vieux monde, mais de se maintenir à tout prix : produire toujours plus, écouler toujours plus de marchandises… Culturellement, le film est plus proche d’une montre Apple que d’un Spleen de Paris de Baudelaire.

Aux productions les plus racoleuses et les plus caricaturales répondent d’autres plus réfléchies, plus travaillées. D’un côté des séries comme Game of thrones ou Star Trek : Discovery, et de l’autre des films comme Only lovers left alive.

Les personnes trop corrompues se contenteront des premières et les personnes qui cherchent à se raccrocher à quelque chose de plus fin, des secondes.

Le piège est de chercher ce qui s’oppose, en apparence, aux grosses productions. Le piège est de trop s’intéresser aux détails et à la technique. Le piège est d’en arriver à un matérialisme primitif qui est prêt à louer un film pour ses plans et le jeu de ses acteurs.

Tout le problème du cinéphile contemporain est là : il est capable de voir toutes les prouesses technique d’une œuvre, de la situer dans une époque, un contexte ; il connaît tous les autres films du réalisateur et tous les films des principaux acteurs ; etc. mais il est incapable de voir qu’un film n’a pas d’âme.

Le cinéphile est trop passif dans sa démarche : il place le cinéma dans un petit monde à part et à chaque visionnage ne regarde que ses sens. À la fin du film, il demande à ses sens si ce qui leur a été proposé leur a plu. Si sa vue a apprécié une scène, il demande pourquoi et répond sur un plan purement technique : le mouvement de la caméra et le jeu des acteurs étaient parfaits. Si son ouïe a aimé, il répond que le son était de bonne qualité, que la bande originale était agréable à entendre et bien choisie. Mais il a du mal à aller au-delà : le cinéphile ne veut pas aller au-delà de l’écran, ou très peu. Le cinéphile veut être guidé, et si le voyage lui a plu, alors le film est jugé positivement.

En ne regardant qu’à l’intérieur de soi, on oublie le monde. Le cinéma devient alors un refuge, voire un moyen de reconnaissance sociale pour les plus opportunistes. Au lieu de rejeter, en général, les productions des sociétés capitalistes et de faire quelques exceptions, le cinéphile cherche un marché, une niche et accepte ce petit monde. La démarche se comprend… mais c’est une impasse de laquelle il faut sortir.

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Écologie

Appel : « Sauvons le train Perpignan – Rungis »

Voici l’appel à sauvegarder la ligne de train fret Perpignan – Rungis, initié par le PCF et soutenu par différentes personnes ou élus de gauche et verts :

> Pour rejoindre l’appel : sauverleperpignanrungis.wordpress.com/contact

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Culture

Only Lovers Left Alive (2013)

Only Lovers Left Alive est une film de Jim Jarmusch sorti en 2013. Prétentieux, sans âme et sans contenu, il a pourtant été acclamé par la critique. Le film est un exemple parfait de l’incapacité des sociétés bourgeoises à produire de la culture : il n’y aucune proposition, aucune perspective, aucun esprit de synthèse ; simplement une logique d’accumulation.

L’histoire est centrée autour d’un couple de vampires : Adam et Eve. Le premier est un dandy misanthrope et le second vit principalement à travers lui. Adam est au début du XXIe siècle une rock star de l’ombre, un musicien mystérieux vivant dans une maison à moitié abandonnée de Detroit. Eve vit à ce moment là à Tanger ; elle a ses habitudes nocturnes loin du monde.

Le film commence réellement avec l’arrivée d’Eve à Detroit, elle y retrouve son amant et le reste du film suivra leurs nuit passées ensemble chez Adam, dans les rues de Detroit, dans une salle de concert et pour finir à Tanger. On y apprend quelques anecdotes sur leur relation, leurs relations passées ou encore leur moyen de se procurer du sang sans avoir à tuer.

L’image du poète torturé et du génie

Si l’on devait résumer le film en quelques mots, on pourrait dire qu’il est un film de l’image : l’image du poète torturé, l’image de génie créateur, l’image du romantique suicidaire, l’image de l’artiste drogué, etc. Le film n’a aucune dignité, il ne vit que par et pour ces images : une accumulation – censée donner une esthétique, une culture et surtout une profondeur.

Adam est présenté comme un musicien extrêmement talentueux, il vit entouré d’instruments (surtout des guitares) et de matériel d’enregistrement. Il cherche à produire et à expérimenter : il se retrouve à jouer de la guitare avec une baguette de batterie puis un archet de violon… dans un logique de déconstruction sans intérêt. On est dans du pseudo-psychédélique.

Vient ensuite la drogue et ses paradis artificiels : le sang humain est dégusté dans des petits verres et la première gorgée procure une sensation de bonheur intense, les personnages sont enfin délivrés, pour quelques instants, du monde matériel.

Mais cela ne suffit pas, il en faut plus au héros de Jim Jarmusch : Adam est un romantique. Ou plus exactement l’image d’un romantique : sensible et suicidaire, génie créatif et hautain.

Les cheveux mi-longs et en bataille, il apparaît souvent torse nu ou en partie, pieds nus sur ses tapis. Il ne sourit jamais, et vit dans le passé : vinyles, collection d’anciennes guitares, portraits de grands personnages historiques.

Une insulte à Byron et aux époux Shelley

Tourmenté, il méprise profondément les humains qu’ils nomment « les zombies ». Ce mal lui viendrait de la fréquentation de Byron et de Shelley puis de français, si l’on en croit Eve. On pouvait tolérer jusque là la platitude du film, qui n’était pas complètement dénué d’intérêt sur le plan purement technique, mais là Jim Jarmusch a franchi la limite : cracher sur Byron et Shelley !

Que le réalisateur s’imagine cultivé parce qu’il distille tout un tas de références culturelles et scientifiques tout au long de son film, passons. Mais faire de Byron et de Shelley des poètes torturés qui diffusent des idées suicidaires… Non. Ce n’est pas acceptable. Être imbu de sa personne est une chose, cracher sur ceux qui ont représenté des grands moments dans l’histoire de l’Angleterre, et par extension de l’humanité, non.

Byron et Shelley n’avaient rien à voir avec un dandy misanthrope comme Adam. Le travail des deux amis et poètes n’est pas comparable avec la musique fade et sans envergure d’une rock star décadente. La mort de Byron est aux antipodes de la vie retranchée et sans envergure du vampire. La défense d’une vie naturelle de Shelley va à l’encontre du mépris qu’a Adam pour la vie et son attitude de camé raffiné.

On pourra essayer de défendre le directeur en disant que le personnage partageait peut-être les opinions de Shelley et Byron à l’époque et que le temps l’a tout simplement usé. Dans ce cas, Adam serait nostalgique de ce passé, il essaierait de s’y raccrocher, il chercherait un refuge… quelque chose, un idéal, même un reste, une miette. Mais il n’en est rien. Le personnage n’est qu’une image, l’image malsaine du poète torturé.

De plus, s’il avait encore ne serait-ce qu’un reste de romantisme, il n’aurait jamais pu qualifier Mary Shelley, née Wollstonecraft Godwin, de « délicieuse ». L’auteur de Frankenstein (œuvre immense et malheureusement méconnue en raison de caricatures) est simplement placée là, pour ajouter une nouvelle référence… (Les plus ardents défenseurs de Jim Jarmusch pourront toujours dire qu’il s’agissait probablement de la mère de Mary Shelley, toutes deux portaient le même prénom, mais évoquer une Mary Wollstonecraft quelques secondes après avoir parlé de Byron ne peut que faire penser à la fille qui épousera Percy Shelley et deviendra Mary Shelley – et dans tous les cas, la remarque reste abjecte.)

D’ailleurs, toute cette mentalité de consommateur qui ne voit dans la culture que des objets à poser sur une étagère est parfaitement illustrée dans la scène du départ de Tanger.

Eve prépare alors ses valises pour rejoindre son amant à Détroit et décide d’emporter des livres. Bien évidemment, son appartement comporte des piles de livres anciens disposées contre les murs, sans raison sinon de faire passer Eve pour une personne cultivée. Au moment de choisir, le film la montre en train de feuilleter de nombreux ouvrages en plein de langues, et à ce moment on peut en apercevoir un au fond de la valise : un livre sur Basquiat, l’artiste contemporain américain. De l’art contemporain, des références pour les références, des classiques consommés et vidés de toute substance… Voilà la culture portée par le film.

On pourrait continuer avec la référence à Faust : lorsqu’Adam se rend à l’hôpital pour chercher du sang humain, il se déguise en médecin et porte un badge au nom de « Dr. Faust ». Et la liste des références plus ou moins cachée est encore longue. Et tout ça pour quoi ? Rien.

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Politique

La colère qui monte dans les services d’urgence

Les services publics de santé en France se dégradent de manière importante et se sont les personnels qui, en première ligne, doivent malgré tout « gérer », tant bien que mal, car ils sont la conscience professionnelle.

La situation est particulièrement difficile dans les services d’urgence, où la colère est grande avec un mouvement de contestation prenant de l’ampleur.

Suite à la manifestation nationale des urgentistes ce jeudi 6 juin 2019, voici le communiqué du collectif inter-urgences, qui organise la mobilisation des personnels urgentistes de nombreux établissement :

D’après le collectif, ce sont actuellement (vendredi soir) 83 établissements qui connaissent un mouvement de grève, comme le montre cette carte (mise à jour automatiquement) :

Légende de la carte :
– en bleu, les SAU (Service d’accueil et traitement des urgences) connaissant un mouvement de grève ;
– en vert les contacts en cour.

Sur un registre plus politique, voici également le communiqué du groupe Sénateurs Communistes Républicains Citoyens et Écologistes qui dénonce la complicité de la Droite avec le gouvernement sur le projet de loi santé auquel s’opposent les urgentistes mobilisés :

« LA MAJORITÉ SÉNATORIALE COMPLICE DU PROJET DU GOUVERNEMENT DE RÉDUIRE LES HÔPITAUX DE PROXIMITÉ À DES COQUILLES VIDES

Alors que l’examen du projet de loi « organisation et transformation du système de santé » vient de s’achever au Sénat, ce texte entérine notamment la disparition des hôpitaux de proximité en les vidant de leurs services essentiels : gériatrie, maternité, plateau technique, et chirurgie.

Depuis près de 30 ans, les politiques successives ont attaqué ce qui constitue la colonne vertébrale de notre système de santé : l’hôpital public. Et aujourd’hui, ce projet poursuit et aggrave les recettes qui ont échoué. Au nom de la pénurie médicale, il accélère les Groupements Hospitaliers Territoriaux et instaure la gradation des soins, privant certains territoires d’établissements de proximité au bénéfice de superstructures plus éloignées et donc moins accessibles.

Avec la complicité bienveillante de la majorité sénatoriale de droite, tous les articles ont été votés au mépris des souffrances des personnels qui se mobilisent dans l’intérêt général.

Ainsi, alors que les urgences sont, à juste titre, en grève, le projet de loi ne contient ni recrutement ni augmentation de salaires, pas plus que d’ouvertures de lits d’aval dont les suppressions sont en nombre exponentiel.

Les difficultés d’accès aux soins sont liées entre elles, et seule une politique globale peut les résoudre. Pour y parvenir, un investissement financier est indispensable.

Notre groupe s’est battu pied à pied pour une autre logique : augmentation des moyens des universités pour former davantage d’étudiantes et d’étudiants, expérimentation, dans les zones sous denses volontaires, de l’installation de jeunes médecins pendant deux années suivant l’internat, préservation du statut des centres de santé et carte hospitalière totalement différente.

Nous pensons, en effet, que le maillage d’hôpitaux de proximité doit être maintenu et développé avec des services d’urgence 24h/24h, de médecine, de chirurgie, d’unité obstétrique, de soins de suite et de structures pour les personnes âgées en lien avec la médecine de ville, le réseau de centres de santé et la psychiatrie de secteur.

Le gouvernement répond au personnel hospitalier en grève « soigne et tais- toi », et aux parlementaires qui proposent une autre vision de la politique de santé, avec le recours aux ordonnances : « vote et tais- toi ». Nous ne nous tairons pas et nous voterons contre ce projet de loi Mardi 11 juin lors du scrutin solennel !

Nous continuerons à défendre, comme nous nous y sommes engagés lors du tour de France des hôpitaux et EHPAD, des propositions alternatives en faveur d’une santé de qualité et de proximité pour toutes et tous. »

> Lire également : Communiqué du mouvement Génération-s sur la colère dans les services hospitaliers

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Nuit et Brouillard de Alain Resnais (1956)

Nuit et Brouillard est un film documentaire d’Alain Resnais sorti en 1956. Il s’agit d’un film de commande du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, dont l’objectif est de documenter, d’effectuer des recherches, de rassembler des témoignages ayant trait à la Seconde Guerre mondiale.

Nuit et brouillard

Le documentaire est réalisé pour marquer les dix ans de la libération des camps de concentration et d’extermination.

D’une durée de 32 minutes, il vise à marquer les esprits par une succession d’images d’archives, que ce soit photos ou vidéos, de la déportation, de la vie et de la mort dans les camps. Sont également intercalées quelques séquences filmées en couleur des camps à l’époque de la réalisation du film, contrastant par le vert éclatant de l’herbe qui a repoussé là où s’est tenu un des actes les plus barbares de l’histoire de l’Humanité.

Par dessus ces images, la voix off de Michel Bouquet déclame un texte de l’écrivain Jean Cayrol.

Le titre fait directement référence au nom des directives du Troisième Reich visant à faire disparaître, dans le plus grand secret, par la déportation en Allemagne, toutes personnes représentant une menace. C’est devenu, par extension, le nom donné par les nazis aux déportés dans les camps, les NN pour Nacht und Nebel.

Nuit et brouillard

Le film présente un certains nombre de limites, pour certains inhérente à l’époque à laquelle il a été réalisé.

Beaucoup ont pu lui reprocher un manque de rigueur, dans les chiffres, ou dans la présentation des images d’archives, on ne sait jamais s’il s’agit d’un camp d’extermination ou de concentration.

Cependant c’est passé à côté de l’objectif, de l’approche du film qui n’est pas de documenter les images qui sont présentées, mais d’en faire une œuvre révélant, par l’image, l’horreur et la barbarie nazi. Et c’est en cela qu’il est d’une grande valeur.

Loin de la représentation d’un système nazi totalement fou et psychotique, le régime du Troisième Reich apparaît au contraire comme un ensemble rationnel, dont les camps sont le prolongement industriel de son idéologie et où les officiers, les surveillants, les kapos, se sont organisés, avec leur famille, une vie presque normal, au beau milieu de la barbarie.

En plus de l’horreur des images des victimes, c’est ce contraste avec la froideur des nazis, tout à leur tâche, qui marque, qui choque.

Comme cette courte séquence au procès de Nuremberg où tous déclarent calmement qu’ils ne sont pas responsables.

Nuit et brouillard

Un autre point important, qui peut apparaître comme un parti pris, mais qui relève aussi de son époque est que le mot « juif » n’est prononcé qu’une seule fois sur l’ensemble du documentaire. Chaque déporté est fondu dans un grand ensemble, victime de la même barbarie. Ce n’est qu’un peu plus tard, dans les années 1970 que l’accent sera mis sur les spécificité de la Shoah et de l’idéologie dont elle découle, avec en son centre l’antisémitisme.

Si cette approche se comprend au vu de l’angle pris par Alain Resnais, il n’en demeure pas moins une réelle limite dans la compréhension de l’horreur nazi.

Il représente ainsi une œuvre importante, d’une valeur certaine, mais qui évidemment est loin de se suffire pour représenter l’ampleur de la barbarie de ces années.

Notons quelques autres films documentaires de grande qualité et dont l’approche totalement différentes se complète bien :

  • Shoah, de Claude Lanzmann (1985), rassemblant une très grande quantité de témoignages sur près de dix heures.

  • De Nuremberg à Nuremberg, de Frédéric Rossif (1988) portant davantage sur le contexte politique du régime nazi.

  • Le Chagrin et la Pitié, de Marcel Ophuls (1971) présentant la vie dans la ville de Clermont-Ferrand de 1940 à 1944, et plus généralement en Auvergne.

Il est évidemment primordiale de poursuivre l’effort de recherche, de documentation, d’éducation ayant trait à la Seconde Guerre mondiale et à la barbarie nazi. L’Histoire de l’Humanité ne s’écrit jamais en ligne droite, et les démons d’hier peuvent toujours ressurgir dans le présent ou le futur tant que leur source n’aura pas été tari.

C’est le sens de la fameuse citation :  « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde », approximative traduction d’une réplique de la pièce de théâtre La Résistible Ascension d’Arturo Ui, de Bertold Brecht  : « Der Schoß ist fruchtbar noch, aus dem das kroch. »

Et c’est aussi en ce sens que ce termine Nuit et Brouillard, avec ce fort monologue :

« Neuf millions de morts hantent ce paysage.

Qui de nous veille de cet étrange observatoire, pour nous avertir de la venue des nouveaux bourreaux ? Ont-ils vraiment un autre visage que le nôtre ? Quelque part parmi nous il reste des kapos chanceux, des chefs récupérés, des dénonciateurs inconnus…

Il y a tous ceux qui n’y croyaient pas, ou seulement de temps en temps.

Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s’éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous, et qui n’entendons pas qu’on crie sans fin. »

Voici pour finir quelques extraits du film et le témoignage d’un survivant des camps, Alain Stanké  :

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Le compte-rendu d’une assemblée de la section PCF Paris 18e

La section PCF du 18e arrondissement de Paris organisait une assemblée générale faisant office de debriefing de la dernière campagne européenne et de questionnements pour la suite. Un compte rendu très intéressant a été fait, que nous reproduisons ci-dessous car c’est un travail collectif de qualité.

C’est tout à fait le genre de démarche démocratique qui permet d’aller de l’avant dans la reconstruction de la Gauche : partir de la base en se posant sur le terrains des idées plutôt que de simples discutions entre appareils pour des accords électoraux.

Les problématiques évoquées lors de cette assemblée sont typiques de celles des militants de gauche un peu partout en France. Il y a le constat d’une situation assez catastrophique pour la Gauche, avec une population française largement dépolitisée. Les préoccupations sont l’écologie, l’extrême-droite, la définition de la Gauche, le capitalisme et les classes populaires.

 

« La dépolitisation est immense ! »

Une semaine après l’élection européenne, les communistes du 18e arrondissement de Paris débriefent à chaud. 35 présents, l’ambiance est studieuse. Dans une courte introduction, Alain Wlos, le secrétaire de la section, pointe une abstention en baisse, même si logiquement elle se concentre dans les quartiers les plus populaires quand on fait le détail par bureau de vote. Un fait marquant : celui d’une défaite idéologique de la gauche. Pour Alain, le bilan de la campagne du PCF est décevante. Pas d’élus et pas de remboursement. Mais il note un état d’esprit positif, la très bonne conduite de notre tête de liste, Ian Brossat, relevée par tous les observateurs.

« Nous avons franchi une étape qualitative dans la communication numérique comme dans des tâches militantes plus traditionnelles tel le porte-à-porte. Mais nous n’avons pas été identifiés comme une force capable de porter la transformation qu’attend la population. »

Le débat s’engage sur une interpellation venue de la salle : « C’est quoi la gauche ? » « EELV n’est pas de gauche, car elle ne s’en réclame pas », observe Françoise. « Il y a une confusion qui est entretenue. Si on ne met pas en numéro un la question de la planète, on ne sera pas entendus. Il faut dire que si on ne sort pas du capitalisme, on est foutus ! On est trop timides sur cette question. »

« Il faut réarmer idéologiquement la gauche pour convaincre, trier les bouteilles ne suffira pas », interpelle Philippe. Lounis, lui, est plus circonspect. « Il y a la question du climat, du coût de l’énergie, de la transposition de la directive européenne. Sur toutes ces questions, nous avons un programme mais le combat est très difficile. Le vote s’est cristallisé dans la dernière semaine où nous avons été écartés des médias comme par exemple lors de l’émission de France 2. »

Pour Gérald, « c’est un résultat qui doit nous interroger avec beaucoup d’humilité. Nous avons affaire à un résultat plein de contradictions. Si notre score s’est maintenu par rapport aux législatives de 2017, nous avons tous observé dans la campagne l’arrivée de nouveaux électeurs communistes. Ça veut dire qu’on en a perdu d’un autre côté. » Et il pointe la question du « mouvement des gilets jaunes où notre carton rouge à Macron n’a pas eu l’effet escompté ».

« Il y a un effet de mode sur la question écologique, il ne faut pas être naïfs », doute Nina. Pour qui « l’élection européenne est un terrain naturel pour Europe écologie ». « Notre priorité c’est ceux qui ne votent pas », défend-elle.

Dominique témoigne d’un « électorat qui ne comprend pas nos divisions à gauche. On est bien accueillis à la Goutte d’or, vus comme proche des gens, anticapitalistes, mais nous manquons de crédibilité ». « La question écologique monte. On a raté quelque chose avec le mouvement des gilets jaunes, qui témoigne d’une fracture sociale, de classe, comme d’ailleurs le mouvement syndical. Ça dit quelque chose de notre rapport à la société. »

Catherine nuance : « On est partis d’un rejet des partis politiques aux manifestations de gilets jaunes à un début d’acceptation. Le vote d’extrême droite est devenu le vote crédible anti-Macron. il faut aller plus dans les quartiers. » Et non pas, comme le dit Dominique, « seulement pendant les élections ».

Catherine est perplexe : « On a vu des gens qui se sont décidés au dernier moment, alors qu’on les avait convaincus en porte-en-porte mais qui ont finalement choisi un autre bulletin. »

Pour Jean, « malgré notre excellent candidat, c’était une campagne très difficile qui portera ses fruits. Beaucoup de gens à gauche ne veulent pas des communistes, c’est ainsi. Pour eux, nous ne sommes pas crédibles. Pour eux, c’est impossible de changer les choses. Il faudra beaucoup de discussions pour faire reculer cette pression idéologique. Les mensonges anticommunistes ont fini par porter. »

Jean-Pierre observe que « même ceux qui n’ont pas voté pour Ian ont apprécié sa campagne. On a une faiblesse sur ce qui s’est passé dans les pays de l’Est et le bilan de cette période n’a toujours pas été tiré. Notre faiblesse sur les lieux de travail demeurent. On existe dans les quartiers mais pas suffisamment. »

« La dépolitisation est immense !, dit Marie-France, il y a besoin de se poser, de faire le bilan de notre activité, sur notre rayonnement. On a un atout, notre candidat. Il ne faut pas se replier. »

Pour Pierre, « le PCF ne doit pas céder aux sirènes du capitalisme vert ». Matthieu relativise : « On a marqué des points, tout s’est joué dans les derniers jours. On ne peut pas se limiter à faire l’écho de la “colère populaire” comme l’a fait la France Insoumise. »

Malgré les résultats, et en forme de clin d’œil, nombre de présents ont invité à la défense de leur journal l’Humanité, et insisté sur les abonnements et le paiement des vignettes de la Fête. Incorrigibles communistes !

Gérald Briant

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Rapport entre les classes Réflexions

La vie étriquée au sein de l’entreprise

Le passage de la jeunesse au conformisme adulte s’appuie grandement sur la neutralisation des personnalités au sein de la vie étriquée de l’entreprise. Il faut s’adapter à un environnement entièrement façonné par le capitalisme et au-delà des obligations à assumer, on doit changer ses comportements et son esprit, se forcer à les changer.

Quand on travaille, on est dans un certain milieu. Et lorsque ce milieu consiste en quelques personnes, même plusieurs dizaines, en tout cas toujours les mêmes, on est formaté. Ce qu’on dit, comment on se comporte, la manière de s’habiller… la moindre chose compte de manière disproportionnée, va profondément marquer les esprits. On est alors catalogué et vue la faible intensité des relations, des rapports, cela va durer. On peut se retrouver plomber pendant longtemps, ou bien être mis à l’écart. Et cela n’est pas possible dans une entreprise.

C’est cela qui explique que les jeunes deviennent des adultes. À l’école, à l’université, lors d’une formation… on peut donner son avis. On fréquente des gens dans un milieu temporaire. Quand on passe dans le monde du travail, il y a également une dimension temporaire, puisqu’on peut changer d’entreprise. Mais le fait qu’on dépende du salaire implique qu’on se tienne un minimum. Avec les gens autour, le minimum devient maximum.

On peut expliquer, au lycée ou dans une soirée, qu’on veut la révolution. Cela ne prête pas à conséquence. Dans une entreprise, on ne peut pas le dire. D’ailleurs, cela ne se dit pas, il y a une neutralisation de toutes les considérations politiques ou sociales, sauf lors des grandes élections, mais ce sont au mieux des affinités avec un candidat qu’on exprime, pas un point de vue opposant la Droite et la Gauche.

Dans une entreprise, on est bien sûr connu comme plutôt de droite ou plutôt de gauche, mais cela reste flou, et pas lié à des valeurs, ni à une organisation. On est jamais qu’un individu. Et le point de vue politique est réduit au même niveau que les anecdotes sur le vie privée : on fait de la guitare, on est célibataire, on est allé à tel resto, on est parti en vacances en Provence, etc.

Et de par le poids de l’idéologie beauf, cela est très dangereux pour les femmes, qui deviennent aisément des cibles propices à des « évaluations » sexistes, des opérations de séduction n’étant que du harcèlement. Les personnes non cyniques sont également des victimes potentielles des esprits manipulateurs, car comme on le sait l’entreprise divise pour régner et les carriéristes en profitent pour leurs manigances.

La vie étriquée de l’entreprise, c’est ainsi un petit monde où chacun agit tel un petit Prince tel que décrit par Machiavel, soit pour avoir la paix, soit pour avancer dans l’organigramme. On est en permanence sur le qui vive, au point qu’à un moment d’ailleurs on ne le remarque même plus. On devient chez soi le fantôme qu’on est à l’entreprise, sans s’en apercevoir. Le masque qu’on employait devient une part de nous-mêmes, puis nous-mêmes.

En fait, la vie dans une entreprise est tellement étriquée, qu’aucun densité intellectuelle ne peut être atteinte, aucune densité émotionnelle, aucune affirmation personnelle. On ne peut être qu’un individu, remplaçable, à responsabilité limitée, un spectre. C’est cela qui détruit la démocratie dans son essence même. C’est pour cela que la Gauche historique a toujours mis en avant la démocratie du travail et que le principe des « conseils », les « soviets », relève de la tradition ouvrière. Dans une assemblée générale, on dit ce qu’on pense, on est qui on est, alors que dans la vie étriquée de l’entreprise, on assume son rôle de figure aliénée se pliant aux règles de l’idéologie dominante.

Un vrai mouvement permet toujours de faire vaciller cette idéologie dominante, en posant une telle actualité, si pleine d’acuité, que l’espace démocratique se forme. Un mouvement contre la chasse à courre dynamite en certains endroits les verrous de l’idéologie dominante, tout comme l’a fait en région parisienne la grande grève des transports à Paris en 1995. Des thèmes d’importance nationale ont pu faire de même, comme « Je suis Charlie » ou bien l’opposition à la participation française à la guerre du Golfe contre l’Irak. C’est pour cela que l’État soutient les initiatives nationales « vides » de sens démocratique, comme la victoire à la coupe du monde de football, le 14 juillet… afin de proposer une contre-actualité, à la fois neutre et endormant les esprits.

La Gauche pour exister, ne peut pas contourner ce dispositif d’endormissement des esprits ; il lui faut se structurer pour partir à l’assaut des entreprises, de dépassement de sa vie étriquée.

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Société

Noa Pothoven, un assassinat maquillé en suicide

C’est une affaire bouleversante, dont la portée ne peut pas être sous-estimée. Noa Pothoven s’est suicidée aux Pays-Bas, mais cela a été annoncé sur Instagram et avec l’accord des médecins. Cela s’appelle un meurtre et c’est un exemple de plus de comment le capitalisme va dans le sens de la suppression des « inutiles », faisant de la vie une marchandise comme une autre.

La Gauche historique considère que l’être humain relève de l’humanité, celle-ci de la Nature, et la vie ne procède jamais à sa propre suppression. Cela rentre en conflit ouvert avec le capitalisme qui dit que les êtres humains sont des individus dont la liberté de choix serait totale. Partant de là, le suicide relèverait du libre-arbitre.

C’est pourquoi la médecine a, aux Pays-Bas, accepté de laisser Noa Pothoven aller au suicide. Elle avait décidé de cesser de s’alimenter et de s’hydrater, à la suite d’un stress post-traumatique et d’anorexie consécutif à trois viols subis à 11, 12 et 14 ans. Elle est donc morte à Arnhem, chez ses parents, dans un lit d’hôpital placé dans le salon, supervisé par une clinique de fin de vie.

Les médecins néerlandais se dédouanent en disant que ce n’est pas une euthanasie, ni un suicide assisté, car ils ne sont pas intervenus pour faire en sorte qu’elle meurt. Ils contournent ici la question du « caractère insupportable des souffrances du patient » nécessaire pour l’accompagnement dans la mort. Sauf qu’en pratique ils ont laissé quelqu’un capituler et mourir.

C’est absolument inacceptable. Et ça l’est d’autant plus que Noa Pothoven a annoncé sa décision sur instagram, où elle postait régulièrement. On est là dans le spectacle morbide propre au capitalisme, dans la lignée de la série Netflix 13 Reasons Why qui a mis en scène le suicide en en faisant un « choix ». C’est la faillite de l’humanité sur toute la ligne.

Le capitalisme a réussi à faire en sorte que les choix individuels deviennent des marchandises comme des autres, obtenant une reconnaissance sociale totale. Mais de quels choix parle-t-on d’ailleurs ? En réalité, tout est déterminé. Ce qu’on fait est le produit de la société, il n’y a pas d’individus « libres ».

D’ailleurs, Noa Pothoven avait par ailleurs également publié un livre au sujet de son parcours, de ce qu’elle appelait son « combat ». On est là dans un positionnement identitaire. Sa souffrance était réelle, mais passant par le prisme des médias, elle prenait une ampleur aliénée d’autant plus forte, ne pouvant que nourrir encore plus sa tendance à l’auto-destruction.

C’est la société capitaliste qui a tué Noa Pothoven, après s’être délectée de sa souffrance réduite à un parcours individuel unique. Le choix de Noa Pothoven n’a été que le prolongement conséquent de l’individualisme forcené établi comme unique horizon.

Il est justement ici bien connu que l’anorexie, comme expression d’une souffrance personnelle, est l’apanage de jeunes filles de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie. Incapables, malheureusement, de saisir la nature sociale (et naturelle) de leur mal-être extrêmement profond, ces jeunes filles expriment leur désarroi en se mutilant, en cherchant l’auto-destruction comme moyen d’expression.

C’est précisément ce qu’on a avec Noa Pothoven et vue comment la société est en train de tourner, de tels phénomènes ne peuvent qu’empirer. D’où la volonté du capitalisme de légaliser les suicides assistés pour quiconque considère « souffrir de manière insupportable ». C’est un effacement de toute question sociale et naturelle, pour tout focaliser sur l’individu, ses choix, son parcours unique, son ressenti unique, etc.

Une telle société va droit dans le mur. Et vue comment la Gauche est pourrie par le post-modernisme et son individualisme, non seulement on va aller dans le mur, mais en plus on aura l’extrême-droite qui elle va prétendre s’opposer à tout cela au moyen du conservatisme. Alors qu’on a besoin vite fait du Socialisme pour sauver les gens de leur souffrance, pour trouver des points d’appuis positifs, par la nature, le travail, la culture.

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Politique

L’appel « Convergeons ! » pour l’unité des Verts et de la Gauche

Voici un nouvel appel à l’unité à gauche, qui cette fois défend l’idée d’une « nouvelle maison commune » entre la Gauche et les écologistes, sur la base du bon score aux élections européennes d’Europe Écologie-Les Verts.

L’appel est initié justement par des membres d’Europe Écologie-Les Verts, mais de ceux qui ne souhaitent pas se couper de la Gauche, comme l’a fait au contraire Yannick Jadot.

On retrouve parmi les signataires Clémentine Autain, à l’origine hier d’un appel au Big bang à Gauche, ainsi que des membres du mouvement Génération-s et quelques personnes liées au PCF, ou biens des personnalités politique non-associées à un parti actuellement. Il y a des personnalités non directement politiques comme les réalisateurs Coline Serreau et Robert Guédiguian ou l’acteur Jean-Pierre Darroussin.

Tout cela sonne très « bobo » évidement et n’est pas une initiative venant de la Gauche historique, celle qui croit encore en le Socialisme et la primauté de la classe ouvrière.

Ce n’est pas un projet précis et concret, mais un appel à faire, comme sait très bien le faire la Gauche avec ce genre de tribunes, très nombreuses dans l’histoire politique récente. Néanmoins, il y a la volonté saine et indispensable de vouloir confronter les points de vue tout en ayant à l’esprit la recherche d’unité.

On pourra regretter cependant que l’appel ne réussisse pas à dépasser l’horizon immédiat des prochaines élections municipales. L’alliance électorale immédiate apparaît finalement comme un horizon indépassable, alors que cela ne résoudra rien aux problèmes de fond de la Gauche, et que c’est peut-être même l’un des problèmes de fond les plus évident de la Gauche.

Voici donc l’appel :

« Convergeons !

« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat »
Louis Aragon, la Rose et le Réséda.

Les résultats des élections européennes confirment la poussée des forces nationalistes et d’extrême droite, un effondrement des partis sociaux-libéraux, ainsi que le recul important des forces de gauche de transformation. La responsabilité dans ces bouleversements du social-libéralisme au pouvoir, en avalisant et en encourageant toutes les politiques néolibérales et antiécologiques, est manifeste.

Par ailleurs les écologistes, comme dans plusieurs pays européens, réalisent une poussée significative. Ce résultat montre que l’enjeu écologique est devenu primordial et que le cEcoutons-nous ! Trouvons les formes qui nous permettront de bâtir ensemble : assises, états généraux, constituante, archipels, actions communes ou autre fédération populaire autour de combats communs, à l’échelle locale, régionale, nationale, européenne… Rien ne doit être par avance écarté. Mettons tout sur la table sans tabous, nos projets, nos analyses, les incompréhensions réciproques comme les combats partagés ces dernières années.livage productivisme libéral-écologisme social prend corps.

Pour autant, les écologistes doivent prendre garde au péché d’orgueil et d’isolement.

Chaque élection est différente, nous le constaterons rapidement pour les élections municipales qui se profilent. Une hirondelle de 13,5% de voix ne fait pas le printemps de la transformation sociale et écologique et ne met personne en capacité de peser sérieusement dans le débat public et de représenter une alternative au capitalisme néolibéral.

Ce score confère au parti écologiste une responsabilité historique accrue. Aujourd’hui, il doit plus que jamais être à la hauteur des enjeux, participer activement à la reconstruction d’un grand mouvement populaire, écologiste et social, engager une démarche qui s’adresse aux forces politiques de la gauche d’émancipation et plus largement à toutes celles et ceux qui veulent s’engager dans un tel projet.

Alors que le mouvement des gilets jaunes et les marches pour le climat ont exprimé une volonté de changer de modèle de développement, de société et de vie politique, les forces politiques de l’écologie sociale, de la gauche d’émancipation, des mouvements citoyens et alternatifs, syndicaux et associatifs restent divisées, enfermées dans des habitudes usées, incapables de construire et défendre un projet commun.

Nous pensons que la division et la dispersion des forces qui se situent dans une perspective d’émancipation et qui font de l’écologie un point central de leur projet sont mortifères au moment où l’immense majorité des vivants est confrontée au réchauffement de la planète, à la perte de la biodiversité, à la sixième extinction des espèces, à la déforestation, au pillage des ressources de la planète, au creusement des inégalités sociales, à l’augmentation de la pauvreté dans le monde, à la souffrance animale, aux discriminations sous toutes leurs formes.

Plutôt que les méfiances, les rancœurs, nous devons confronter avec bienveillance nos points de vue et abandonner l’esprit de clocher ou d’hégémonie, dépasser nos «petites» différences qui ont fait tant de mal ces dernières années aux millions d’individus en colère qui cherchent une solution politique au désastre environnemental, social et démocratique.

Ecoutons-nous ! Trouvons les formes qui nous permettront de bâtir ensemble : assises, états généraux, constituante, archipels, actions communes ou autre fédération populaire autour de combats communs, à l’échelle locale, régionale, nationale, européenne… Rien ne doit être par avance écarté. Mettons tout sur la table sans tabous, nos projets, nos analyses, les incompréhensions réciproques comme les combats partagés ces dernières années.

Faisons tomber nos murs pour construire une nouvelle maison commune !

La préparation des élections municipales peut être l’occasion d’inverser le cours des choses. Il faudra rassembler dès avant le premier tour le camp écologiste et social, construire ensemble listes et programmes, pour prétendre gagner des milliers de municipalités. En effet, les politiques qui seront menées par les collectivités territoriales représentent une formidable opportunité de recréer de la justice sociale et d’engager la transition écologique indispensable.

Nous avons plus à partager, nous avons plus de désirs et de projets qui nous rassemblent que de différends qui nous séparent. Ne laissons pas le fossé se creuser entre les forces écologistes, les forces de gauche et nos concitoyens, qui un peu partout expérimentent, cherchent de nouveaux chemins, œuvrent dans leurs engagements citoyens, associatifs, mouvementistes, syndicaux et politiques pour une société plus juste et plus résiliente construite autour d’un axe écologiste, féministe, populaire et social.

Parce que nous partageons l’essentiel du diagnostic, parce que nous en avons assez de la désunion des forces de gauche et écologistes, nous, signataires de ce texte, nous engageons à favoriser et à participer à toutes initiatives politiques, syndicales, altermondialistes, culturelles, citoyennes, allant dans le sens du rapprochement de nos forces autour de la responsabilité écologique, de la justice sociale et de l’exigence démocratique.

La multiplicité de nos engagements et de nos parcours politiques ne doit plus être un frein mais une ressource dans laquelle puiser pour bâtir la cité écologique, la cité sociale et des justices que toutes et tous nous voulons.

A toutes celles et ceux qui déclarent vouloir se battre pour la planète et l’humanité, nous disons :

Cela ne peut plus durer, écoutons-nous, bâtissons, convergeons ! »

La liste des signataires est disponible sur la page de l’appel.

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Politique

Gauche : l’appel « pour un big bang »

Clémentine Autain, qui évolue en marge de la France insoumise, avait annoncé une initiative en faveur de la reconstruction et de l’unité de la Gauche. La voici, nommée « pour un big bang », avec un appel, relayé ci-dessous, et une date, le 30 juin, pour un rendez-vous au Cirque Romanès à Paris (qui est un cirque sans animaux).

C’est une démarche nécessaire, politique, qui part du constat essentiel que la Gauche n’arrivera à rien temps qu’elle est divisée et qu’elle refuse le débat d’idée, alors qu’il y a urgence à s’organiser face au libéralisme et au nationalisme, face à la Droite et l’extrême-droite.

La députée PCF Elsa Faucillon qui défendait l’initiative de ce « big bang » hier soir à la télévision a eu tout à fait raison de dire qu’il faut assumer à Gauche de « s’engueuler », de manière constructive, en pointant le risque de « disparition des idées et du corpus de valeurs de la Gauche ».

On retrouve parmi les premiers signataires mis en avant surtout des universitaires, ainsi que quelques élus, du PCF, du Parti de Gauche ou de Génération-s.

Ce n’est pas la Gauche historique bien sûr, qui se revendique du mouvement ouvrier et du Socialisme, mais une Gauche des valeurs, plutôt urbaine et intellectuelle, qui a en tous cas le mérite de vouloir assumer le débat d’idée, en partant de la base.

Voici le communiqué, publié sur pourunbigbang.fr :

« BIG BANG Il est minuit moins deux. L’urgence nous oblige.

Où sont passés la colère sociale et l’esprit critique qui s’aiguisent depuis des mois dans notre pays ? Ils demeurent dans les têtes, dans les cœurs et dans la rue. Mais la situation politique est catastrophique. Au lendemain des élections européennes, le bon résultat de l’écologie politique ne peut masquer le fait que la gauche est en miettes, désertée par une très grande partie des classes populaires. La gauche et l’écologie politique sont loin de pouvoir constituer une alternative alors même que le pouvoir en place et la droite fascisante dominent la scène politique dans un face à face menaçant où chacun se nourrit du rejet de l’autre et le renforce. Le pire peut désormais arriver. Nous n’acceptons pas ce scénario. Nous devons, nous pouvons proposer un nouvel horizon.

​La raison essentielle de ce désastre est l’absence d’une perspective émancipatrice qui puisse fédérer les colères et les aspirations autour d’un projet politique de profonde transformation de la société. Un big bang est nécessaire pour construire une espérance capable de rassembler et de mobiliser.

Il y a du pain sur la planche : réinventer nos modèles et nos imaginaires, rompre avec le productivisme et le consumérisme qui nous mènent au chaos climatique, à la disparition des espèces et à une dramatique déshumanisation, substituer le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs aux lois de la finance et de la compétitivité. L’enjeu, c’est aussi d’articuler les différents combats émancipateurs pour dégager une cohérence nouvelle qui s’attache aux exigences sociales comme écologiques, à la liberté des femmes comme à la fin de toutes les formes de racisme, aux conditions et au sens du travail comme au droit à la ville, à la maîtrise de la révolution numérique comme à l’égalité dans l’accès à l’éducation et à la culture, à la promotion des services publics comme au développement de la gratuité. Nous n’y parviendrons qu’en assumant des ruptures franches avec les normes et les logiques capitalistes. Ce qui suppose de nous affranchir des logiques néolibérales et autoritaires qu’organisent les traités européens et de donner à nos combats une dimension internationaliste.

Et pour cela, ce big-bang doit aussi toucher aux formes de l’engagement. La politique est en crise globale. La défiance est massive à l’égard des représentants et des partis politiques, et plus généralement à l’égard de toutes les formes délégataires de représentation. Il est impératif d’inventer la façon de permettre, à toutes celles et ceux désireux de s’engager, de vivre ensemble et d’agir avec des courants politiques constitués qui doivent intégrer dans leurs orientations les expériences alternatives en cours. Et cela suppose de repenser les lieux et les modalités du militantisme autant que les rouages de la délibération collective. L’exigence démocratique se trouve dans toutes les luttes de notre époque, sociales, écologistes, féministes, antiracistes…, des nuits debout aux gilets jaunes. Elle implique de penser les médiations, de favoriser des liens respectueux, loin de toute logique de mise au pas, avec les espaces politiques, sociaux, culturels qui visent l’émancipation humaine. Puisque nous prônons une nouvelle République, la façon dont nous allons nous fédérer dira notre crédibilité à porter cette exigence pour la société toute entière.

Le pire serait de continuer comme avant, de croire que quelques micro-accords de sommet et de circonstances pourraient suffire à régénérer le camp de l’émancipation, que l’appel à une improbable « union de la gauche » à l’ancienne serait le sésame. Nous sommes animés par un sentiment d’urgence et par la nécessité de briser les murs qui se dressent au fur et à mesure que la situation produit des crispations et des raidissements. Il est temps de se parler et de s’écouter, de se respecter pour pouvoir avancer en combinant le combat pour les exigences sociales et écologiques. Nous pensons bien sûr aux forces politiques – insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme. Mais ce dialogue entre mouvements politiques constitués ne suffira pas à soulever les montagnes pour redonner confiance et espoir. C’est plus largement que les portes et les fenêtres doivent s’ouvrir aux citoyens, à la vitalité associative, au monde syndical, aux espaces culturels et intellectuels critiques, aux désobéissants du climat, à celles et ceux qui luttent au quotidien contre les oppressions et les violences policières.

Il y a urgence. Nous savons la disponibilité d’un grand nombre de citoyen.ne.s et de militant.e.s à unir leurs énergies pour ouvrir une perspective de progrès. Ces forces existent dans la société mais elles n’arrivent pas à se traduire dans l’espace politique. C’est ce décalage qu’il faut affronter et combler. Sans raccourci. Un travail patient autant qu’urgent de dialogue, d’ouverture, d’expérimentations est devant nous si nous voulons rassembler pour émettre une proposition politique propulsive. Il faut de la visée, du sens, de l’enthousiasme pour qu’une dynamique s’enclenche, pour qu’elle se fixe l’objectif d’être majoritaire. C’est d’une vision plus encore que d’une juxtaposition de colères et de propositions dont notre pays a aujourd’hui besoin. Loin du ressentiment et de la haine pour moteur, nous devons faire vivre un horizon commun de progrès pour l’humanité. La réussite de cette entreprise tient en grande partie à la capacité à assumer un pluralisme authentique tout en dégageant de nouvelles cohérences partagées. Toute logique de ralliement, de mise au pas derrière un seul des courants d’idées qui composent ce large espace à fédérer, se traduira par un échec à court ou moyen terme.

C’est pourquoi nous appelons au débat partout pour la construction d’un cadre de rassemblement politique et citoyen, avec l’objectif de participer activement à la réussite de cette invention à gauche que nous appelons de nos vœux. Nous savons la difficulté de l’entreprise. Mais elle est indispensable. Et beaucoup de voix s’élèvent pour en affirmer l’exigence. Faisons converger nos efforts. Engageons-la ensemble le 30 juin prochain au Cirque Romanès. »

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Politique

Communiqué du mouvement Génération-s sur la colère dans les services hospitaliers

Voici le communiqué de Génération-s, qui reflète la grande colère qui existe dans les services hospitaliers en France face à un service qui se dégrade, avec des situations toujours plus compliquées tant pour les personnels que pour les personnes soignées.

« Après 3 mois d’une grève qui touche désormais 65 services hospitaliers d’urgence, le point de rupture est atteint.

Le mouvement Génération.s soutient l’ensemble des revendications des grévistes et participera aux deux journées d’action du 6 et du 11 juin aux côtés des personnels des hôpitaux en lutte.

Après 3 mois d’une grève qui touche désormais 65 services d’urgence, les personnels hospitaliers de Lons-Le Saulnier et de l’hôpital Lariboisière à Paris durcissent leur position. Professionnels dotés d’une incontestable conscience professionnelle, ils sont épuisés par le rythme infernal et les conditions de travail dégradées et en sont arrivés à n’avoir plus d’autre recours que d’être eux-mêmes en arrêt maladie. Cette forme de protestation peut sembler extrême. Mais c’est bien la surdité et l’absence de réponses du gouvernement qui conduisent à de telles extrémités.

Conscients du poids qui pèse sur leurs collègues réquisitionnés, les personnels restent cependant déterminés quant aux revendications communes concernant leurs conditions de travail, les effectifs et notamment la titularisation des contractuels, les revendications salariales ainsi que la création d’un statut spécifique pour les urgentistes.

À Mme Buzyn, ministre de la Santé, qui affirme : “Ce n’est pas bien, cela entraîne une surcharge de travail pour les autres”, nous disons que “ce qui n’est pas bien” c’est de mettre en cause le manque d’engagement des personnels hospitaliers alors même qu’ils se battent pour pouvoir continuer à offrir la meilleure qualité de soins possible. Pour Génération.s, l’inacceptable ce n’est pas le comportement des soignants mais bien la négligence et le mépris des pouvoirs publics face à un mouvement qui n’a d’autre souci que de préserver ce qui constitue un bien absolu : notre santé. »

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Société

Le rapport caricatural de l’OIP sur les gardiens de prison

L’Observatoire international des prisons a publié un rapport mettant en cause la violence des gardiens de prison : c’est typique de la « Gauche » qu’on définira comme chrétienne-démocrate si l’on est gentil, comme bisounours si on est réaliste. La prison est à l’agonie comme institution, les prisonniers basculent dans la folie alors que la démarche anti-sociale de beaucoup d’entre eux est une norme. Mais ce serait la faute au personnel pénitentiaire !

La société est toujours en retard par rapport à sa propre transformation. Elle s’aperçoit bien après que des choses ont changé. Prenons les policiers et les gardiens de prison. Auparavant, c’était des gens arriérés culturellement, venant directement de la campagne. Cela en faisait des cogneurs, des « fachos ». Et cela était vrai jusque les années 1980.

Puis la société s’est urbanisée et maintenant le policier, le gardien de prison, c’est bien souvent simplement quelqu’un cherchant du travail et se disant : là je peux aider, j’ai une certaine sécurité de l’emploi, c’est rude, mais j’aime bien me confronter au réel.

Or, les prisons françaises sont explosives. Locaux vétustes, surpopulation, manque de moyens à tous les niveaux, c’est une catastrophe. À cela s’ajoutent des détenus gangrenés par la folie et les comportements anti-sociaux virulents pour une large partie d’entre eux. Ce n’est pas de leur faute : c’est la société qui est responsable. Cela n’en rend pas les choses plus faciles pour autant au quotidien.

On imagine donc que tout est moche et que les salauds se révèlent vite du côté des matons, que même sans en être un on tombe forcément dans la pratique d’une forme d’injustice. C’est inévitable, c’est un déterminisme social évident.

Que faut-il comprendre de cela ? Que les matons sont des ordures, ou bien que le capitalisme est décadent et incapable de gérer l’emprisonnement ? L’Observatoire international des prisons a choisi son camp : la prison est une institution dont les employés ont des comportements mauvais, car eux-aussi sont mauvais. C’est ce qu’on comprend de son rapport qui vient de sortir.

C’est un raccourci, c’est trop simple, c’est de la fausse Gauche, qui se donne bonne conscience pour pas cher. C’est une manière de ne pas dénoncer la prison comme institution chaotique, laissée à l’abandon… Parce que la société ne fait qu’obéir au capitalisme et à son souci de rentabilité. C’est d’ailleurs cela ou l’enfer des prisons américaines, avec leur privatisation, etc.

L’Observatoire international des prisons fait donc son Victor Hugo, en déconnexion complète de la réalité. Voici par exemple ce qui est raconté dans son rapport.

« Il est fréquent que, lors d’altercations entre un détenu et un ou plusieurs surveillants, des personnels soient appelés au renfort pour contenir la situation. Il existe, dans ces situations à l’occasion desquelles les surveillants sont amenés à recourir à la force, des risques de dérives. »

Une recherche en sociologie note qu’ils sont plus importants encore « lorsque l’intervention fait suite à l’agression d’un agent ». Elle cite notamment un surveillant qui explique : « Quand il y a une alarme, tout le monde arrive parce qu’ils sont contents de maîtriser et de donner des coups, ou de protéger des collègues. »

Quelle incroyable recherche en sociologie ! Lorsqu’un collègue ou un ami est agressé, la motivation est d’autant plus grande pour le défendre ! Et c’est transformé en maton salaud cherchant un prétexte pour faire sa crapule.

Voici un autre exemple, tout aussi significatif.

« Plusieurs affaires récentes révèlent des complicités de violence ciblant tout particulièrement les auteurs d’infraction à caractère sexuel (AICS). Fin 2018, neuf personnes incarcérées pour des affaires de mœurs à la maison d’arrêt de Metz portaient plainte : elles se plaignaient d’avoir été passées à tabac par d’autres détenus, avec la complicité de surveillants qui leur ouvraient les portes. »

Pauvres violeurs, agressés par des gens qui, au-delà d’être anti-social bien souvent individuellement, connaissent personnellement les valeurs populaires fondamentales…

L’Observatoire international des prisons n’est tout simplement pas sérieux. Les prisons sont des lieux de corruption, de mal-être, de maladies, d’isolement, de folie… Et il serait possible de faire abstraction de cela, et de dénoncer le personnel pénitentiaire, toujours plus prolétarisé ? C’est tout simplement ridicule, à moins que ce soit pour donner raison à Marine Le Pen et surtout Marion Maréchal, en publiant des documents caricaturaux.

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Société

Communiqué de l’OIP : « Violences des surveillants de prison : brisons le silence »

Voici le communiqué de l’association Observatoire international des prisons présentant un rapport présenté comme un état des lieux de la violence des gardiens dans les prisons.

Le rapport est disponible en cliquant sur ce lien. C’est un document très unilatéral, qui fait un raccourci caricatural en prétendant que tout serait la faute des « maton ».

« Violences des surveillants de prison : brisons le silence

Derrière les portes closes des prisons, des personnes détenues sont régulièrement victimes de violences physiques de la part d’agents pénitentiaires. Après une enquête d’une ampleur inédite, l’OIP publie aujourd’hui un rapport qui dresse un état des lieux de ces violences, décrypte les rouages qui leur permettent de se perpétuer et propose des recommandations pour mettre fin au déni et à l’impunité.

Ces deux dernières années, l’OIP a reçu près de 200 appels ou courriers de détenus qui déclarent avoir été violentés par des personnels pénitentiaires – deux signalements par semaine en moyenne, qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Pourtant, rares sont les cas qui font l’objet d’un traitement médiatique ou d’une décision de justice. Pourquoi ? Parce que vérifier les faits pour faire éclater une affaire de ce type au grand jour est souvent mission impossible. Parce que pour une personne détenue, porter plainte est un véritable parcours du combattant et un pari risqué. Parce que ces violences surviennent le plus souvent à l’abri des caméras de vidéosurveillance et sans témoins, et que ceux qui voudraient les dénoncer, qu’ils soient détenus ou agents pénitentiaires, s’exposent à des représailles. Parce que l’institution préfère souvent fermer les yeux, et que saisir la justice ou les organes de contrôle est presque toujours vain. Parce qu’en prison, opacité et omerta se conjuguent, jusqu’à l’impunité.

Après un an d’enquête et une centaine d’entretiens avec des victimes, des surveillants, des directeurs de prison mais aussi des magistrats, des avocats, des médecins, etc., c’est tout un système que ce rapport entend faire éclater au grand jour. Un système qui permet à ces violences de perdurer, quand bien même elles seraient le fait d’un petit nombre. Un système où des dysfonctionnements en série font qu’aucun des acteurs et institutions ne joue son rôle de garde-fou, où chacun s’en remet à l’autre pour rendre une justice qui, le plus souvent, ne vient pas. Un système enfin sur lequel repose une véritable chape de plomb.

À l’heure où les violences policières sont régulièrement pointées du doigt, ce rapport rappelle qu’il est un autre espace, non public, où la légitimité de la violence étatique devrait être questionnée, où aucun débordement ne devrait être toléré, où le silence devrait être brisé : la prison. »

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Politique

Les caractéristiques de la gauche post-industrielle, post-moderne, post-historique

La « nouvelle Gauche » qui s’est développée à partir des universités américaines a largement contribué au démanchement de la Gauche historique française. Posant des questions parfois pertinentes, ses réponses sont systématiquement la « déconstruction » et l’ultra-individualisme comme lecture du monde.

Michel Foucault

La société de consommation implique que tant qu’on n’a pas choisi, on est indépendant du reste. On choisit ce qu’on achète et ce qu’on n’achète pas, on choisit pour qui travaille et pour qui on ne travaille pas, avec qui on partage des éléments de sa vie ou pas, et tout est fixé par un contrat. La « nouvelle gauche » est le produit de cette société de consommation, dont elle a assimilé l’existence de bout en bout.

Elle raisonne ici en termes d’individus et prône l’élargissement maximal des possibilités pour l’individu de s’affirmer. Tout ce qui empêche cela doit être déconstruit. Pour la « nouvelle gauche », il n’y a donc plus de pays et de liens de l’individu avec lui, il n’y a plus non plus de données biologiques, comme le fait d’être homme ou femme, qui amèneraient l’individu à être par nature comme ci ou comme cela.

Il n’y a pas non plus de classes sociales. Il y a seulement des individus pauvres et des individus riches, les premiers connaissant des « injustices » en tant qu’individus. La société entière serait même traversée de préjugés, d’idées qui façonneraient les rapports sociaux. C’est le contraire du marxisme, pour qui les rapports sociaux donnent naissance aux idées, qu’elles reflètent.

Pour la « nouvelle gauche », farouchement opposé à tout déterminisme, il ne peut exister que des individus avec parfois des influences, mais jamais totalement décisives. C’est le libre-arbitre qui serait la substance de chaque individu, qui serait en mesure de choisir ce qu’il veut, comme il veut, d’avoir la capacité d’utiliser sa conscience en dominant tous les aspects de la réalité. L’individu serait tout-puissant.

Toute observation extérieure, toute remarque concernant un individu, serait un « truc de facho ». Chaque individu serait une micro-société, voire un micro-univers. Personne ne pourrait ni évaluer, ni juger un autre individu pour ses choix, qui seraient uniques. Chacun fabrique sa vie indépendamment des autres, ou au moyen de rapports bien choisis. Comme l’a dit Sarte, chacun consisterait en ses « choix ».

Le capitalisme propose justement les choix, mais cela la « nouvelle gauche » ne le voit pas. Elle ne peut plus le voir, car elle rejette les notions d’histoire, d’industrie, le pays comme cadre politique. Elle vit dans une « modernité » ayant dépassé tout cela, et même dans une « post-modernité ». L’impressionnisme avait déjà affirmé la modernité subjective contre le réalisme, la « nouvelle gauche » est elle même partisane de l’abstraction, de l’art contemporain, de la subjectivité la plus totale.

queer
« Cologne est colorée – La diversité au lieu de la simplicité »

L’individu serait donc au-dessus de tout, car le monde ne consisterait qu’en ses choix. Chacun serait un micro-monde façonné par ses choix : tel est l’idéal de la « nouvelle gauche », qui voit là un monde parfait. Pour elle, la société doit accorder le plus de droits et de possibilités à l’individu, pour qu’il vive de manière totalement indépendante.

Ce qui est faisable est donc possiblement à faire. Il n’y a plus de normes, tout est possible, surtout ce qui permet de s’affirmer individuellement, de « développer » son individualité, tel se prostituer, acheter des enfants à une mère porteuse, avorter à n’importe quel comment, « changer » de sexe, élever son enfant de manière « neutre » quant à son « genre », « aimer » plusieurs personnes en même temps, avoir des rapports sexuels avec autant de gens qu’on veut (y compris en même temps), prendre n’importe quelle drogue, etc.

L’individu n’est pas au-dessus des responsabilités, mais seules les responsabilités qu’il a choisies auraient un sens. Le reste serait une « construction », une « structure » oppressive pour l’individu. On retrouve ici la philosophie structuraliste née en France, qui exportée aux États-Unis a amené l’émergence de la philosophie de la « déconstruction ».

En France, c’est l’université de Paris 8 qui a alors servi de laboratoire à tout cela, puis de caisse de résonance. Elle a été fondé après mai 1968 à Vincennes en banlieue parisienne, pour rassembler les professeurs et les élèves correspondant aux exigences libérales-libertaires du moment. On y trouve notamment Michel Foucault et Gilles Deleuze, l’un « structuraliste », l’autre exprimant une ligne « désirante ». Après l’exportation des idées dans les universités américaines, Paris 8 a récupéré les idées pour les diffuser dans notre pays.

Cependant, c’est toute la couche sociale des étudiants de gauche, notamment en sciences humaines, qui a adopté la ligne de la « nouvelle Gauche ». Souvent leurs parents ont capitulé par rapport à leur engagement à Gauche, tout en gardant des espoirs, et la nouvelle génération a trouvé un nouveau terrain, plus conforme à leur mode de vie propre à la petite-bourgeoisie, résolument étrangère au peuple.

Il y a vraiment un parallèle strict entre la contamination de toute la Gauche par cette « nouvelle Gauche » et le triomphe du Front National dans les classes populaires lors des années 2000 ! C’est qu’aucun ouvrier, et encore moins un jeune ouvrier, ne peut ne serait-ce que saisir les thèses de la nouvelle gauche. C’est trop irrationnel, cela reflète trop un style de vie décadent propre aux villes d’une certaine taille, caractéristique d’une certaine oisiveté propre justement aux étudiants en sciences humaines.

Qui dans le peuple, de toutes façons, pourrait soutenir une « nouvelle Gauche » hostile à tout principe ? Quel ouvrier, quelle femme du peuple, quel employé pourrait dire : oui, supprimons tous les principes, faisons ce qu’on veut comme on veut ? C’est là simplement un rêve de bourgeois moderne, qui plein d’aisances, a envie d’être encore plus à l’aise, et de résumer sa vie à ses propres choix, dans la négation de toute collectivité, de toute société, de tout engagement, de tout devoir.

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Guerre

Le communiqué de la CGT refusant de charger des armes au port de Marseille-Fos

Il a beaucoup été question ces derniers jours des dockers refusant de charger des armes sur un navire à destination de l’Arabie Saoudite.

Il y a d’abord eu une alerte en provenance des dockers du Havre, puis c’est au port de Gêne en Italie que le chargement a été refusé, avant que ce soit au Grand Port Maritime de Marseille-Fos.

Voici le communiqué de la CGT des Dockers de ce port, qui rappel à juste titre les fondamentaux du mouvement ouvrier, et donc de la Gauche, concernant la guerre :

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Culture

Roky Erickson, figure hippie marquante

La mort de Roky Erickson a été annoncé et cela a marqué les personnes aimant la musique et particulièrement celle produite par la scène hippie. C’est que l’histoire est connue et terrible : ce musicien formidable est devenu très rapidement totalement fou en raison des drogues. La carrière du groupe The 13th Floor Elevators, une grande référence, s’effondra ici dès le départ, ce qui marqua fortement les esprits.

La sortie de l’album The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators en octobre 1966 fut un tournant sur le plan musical. Il y avait un esprit d’expérimentation, de découverte de nouveaux sons, sans jamais pour autant perdre de vue la mélodie ni le haut niveau de musicalité. La musique psychédélique, c’est pour résumer comme le grunge, mais avec l’enthousiasme et la volonté d’affirmer une culture nouvelle, de faire des mélodies accrocheuses et populaires.

La chanson You’re Gonna Miss Me est un classique du genre.

Seulement voilà, les hippies combinaient esprit de révolte, mise en avant de la culture, et un comportement anti-social expérimentateur typiquement classes moyennes. Les expérimentations avec les drogues étaient censées apporter un « plus » pour l’ouverture d’esprit.

Il y a ici deux interprétations, justement. Pour l’une, reflétant le libéralisme culturel, c’est bien par les drogues qu’un haut niveau culturel a été atteint. Ce sont les individus créatifs qui apportent des choses. Pour l’autre, c’est malgré les drogues que le haut niveau culturel a été atteint.

On remarquera bien entendu que la première interprétation est partagée par la « Gauche » post-moderne, post-industrielle, la seconde par la Gauche historique.

Il y a ainsi la légende comme quoi Roky Erickson ne serait devenu fou qu’après un passage en hôpital psychiatrique, qu’il a choisi pour éviter la prison pour possession de marijuana. Il aurait été maltraité au point de succomber mentalement. Et il a indubitablement été torturé, puisqu’il a subi des électro-chocs.

Mais en réalité il avait craqué déjà à la base, ce qui l’amena donc à se considérer comme un extraterrestre. Roky Erickson n’a par la suite été plus que l’ombre de lui-même, produisant quelques disques sans valeur, finissant sa vie dans un taudis avec sa mère, tout en consommant du LSD de manière hebdomadaire.

Son apport a marqué et en 1990, une compilation de reprises (When the pyramid meet the eye-tribute to Roky Erickson) avait été faite pour l’aider financièrement. Mais si l’idée est sympathique, c’est se focaliser sur un individu, alors qu’il s’agissait d’une personne membre d’une large scène en 1965-1968, dont le grand témoignage sont les fameuses compilations Nuggets, incontournables.

Quant à l’album des 13th Floor Elevators, il est vraiment incontournable et fait partie des plus grandes œuvres musicales de la seconde moitié du XXe siècle.

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Société

La Collectivité Européenne d’Alsace, une expérimentation au service du marché

À compter du 1er janvier 2021, les conseils départementaux du Haut-Rhin (68) et du Bas-Rhin (67) fusionneront au profit d’une innovation institutionnelle nommée Collectivité Européenne d’Alsace. Cette expérimentation transfrontalière menée dans le cadre de l’intégration européenne s’appuie sur la sensibilité régionaliste alsacienne pour développer le capitalisme local.

Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin formaient la région Alsace, dont le nom a disparu avec la création de la région Grand Est ; ils ne formeront bientôt plus qu’un sous le nom de Collectivité Européenne d’Alsace. Les deux Préfectures et leurs prérogatives liées à l’État resteront cependant.

Bien sûr, on peut discuter de ce que représente l’Alsace en tant qu’expression nationale germanique minoritaire dans le cadre de notre pays. Mais alors, il faudrait le faire dans un cadre forcément populaire et dans une perspective démocratique. Ce n’est en rien le cas dans la situation présente. Il n’est pas non plus simplement question ici de se poser la question de la nécessité d’un cadre administratif pour affirmer l’histoire ou la culture alsacienne.

Il est question de comprendre comment la sensibilité régionaliste est littéralement instrumentalisée par les libéraux alsaciens de type centristes, qui dominent culturellement la vie politique de la région, afin de promouvoir un démantèlement du cadre administratif national au profit du marché et de ses soutiens institutionnels locaux, qui ne voient dans l’Alsace qu’un label de promotion.

Le terme « collectivité » tout d’abord permet de contourner la question de la région, voire d’en sortir de facto, en faisant des deux départements un genre de « super-département » ou de « sous-Région » intégrée au Grand Est. La réactivation du terme « Alsace » permet de faire un clin d’œil opportuniste à la sensibilité régionaliste à peu de frais, tout en liquidant l’héritage anti-provincialiste de 1791, qui avait voulu proposer par la division départementale, une organisation brisant l’ancien cadre hérité du féodalisme.

L’air de rien, on réactive donc ainsi sur une base pseudo-romantique un prétendu cadre significatif qui lui est bel et bien réactionnaire. Ce que le gouvernement présente comme relevant d’un nouveau « Pacte girondin ».

Le Conseil d’État lui-même a toutefois relevé cette attaque contre ce qui été jusque là considéré comme un acquis républicain, et le côté aventureux, provocateur et irrationnel de la dénomination du CEA.

Le terme « Européen » enfin n’est aussi qu’un simple faire valoir permettant d’affirmer une certaine modernité, un esprit d’ouverture nuançant de manière contradictoire la base identitaire « Alsace » qui se voudrait à la fois « locale » et « Européenne », sans que le cadre national ne soit pris pour autre chose qu’une sorte de violence post-jacobine qu’il serait bienvenue de dépasser par une intégration européenne unilatéralement vue comme forcément positive.

La CEA telle que définit par ses fondateurs pose les choses clairement :

[…] Il s’agit de construire une collectivité européenne d’Alsace dont le territoire et les compétences opérationnelles seront de nature à répondre au « désir d’Alsace » et à doter l’Alsace d’une pleine capacité à agir en faveur de l’attractivité du territoire et de la vie quotidienne de ses habitants […]

Il s’agit dans le même élan de s’appuyer de manière démagogique sur les aspirations régionalistes, en se donnant à peu de frais des allures « populaires », voire une contenance démocratique. Il est d’ailleurs significatif de parler de « désir », une chose bien abstraite qui n’engage à rien, au lieu de « besoin », exprimant concrètement et rationnellement un projet, un contenu reflétant les aspirations des masses alsaciennes.

Concernant les compétences du nouveau cadre administratif « alsacien » en revanche, on quitte la fantaisie hypocrite pour exposer les choses clairement. En s’appuyant notamment sur la question transfrontalière, la CEA chercher à multiplier les dérogations et les petits arrangements avec les Ministères ou les Régions, dans le but de mieux servir les intérêts locaux du marché et du capital. Toute l’action déployée s’articule donc dans ce cadre, y compris le bilinguisme perçu dans une logique capitaliste de « ressources » à promouvoir dans une optique marchande.`

C’est là tout le sens donné à cette « décentralisation » des moyens publics pour mieux les mettre dans les mains des acteurs économiques locaux et des élus qui les servent. On est loin de l’intérêt général et de la démocratie, rien donc d’étonnant à ce que cette réforme bureaucratique n’intéresse finalement pas les Alsaciens.

On peut donc dire clairement que le projet du CEA n’est pas celui d’une Alsace démocratique et populaire, mais celui d’une fraction libérale pensant en désarticulant le cadre national, conforter ses positions au prétexte du régionalisme, afin d’orienter les fonds publics vers l’appui au « petit » capitalisme local.

Alors même qu’une large majorité des Alsaciens reste attachée à l’idée de maintenir une institution administrative appelée « Alsace », la proposition de la fusion puis du projet de CEA n’a jamais obtenu un quelconque appui populaire et démocratique digne de ce nom.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout le processus se déroule par le haut, sans élan, sans enthousiasme populaire. On n’est là dans la pure démarche bureaucratique typique de la gestion des affaires publiques par le capitalisme. Même la consultation référendaire de 2014 témoigne de cette indifférence populaire : une majorité de voix avait rejeté la fusion telle que proposée dans le Haut-Rhin, et même dans le Bas-Rhin, où le « oui » l’a emporté, le vote n’avait même pas mobilisé le quart du corps électoral.

Les élus qui mènent ce projet proposent donc ouvertement de gérer l’Alsace comme on manage une entreprise capitaliste. Les compétences retenues seront donc principalement des compétences de nature économique destinées à appuyer les entreprises privées dans une optique de compétitivité et d’attractivité du territoire.

Cinq domaines ont été ainsi visés :

  • l’action transfrontalière,
  • le bilinguisme,
  • le développement économique,
  • l’attractivité,
  • le tourisme,
  • les transports,
  • la culture,
  • le sport.

C’est-à-dire que cette collectivité « alsacienne » se fixe comme objectif premier d’être non pas au service des Alsaciens, mais ni plus ni moins à celui du marché et des acteurs économiques du capital. La culture et le patrimoine alsaciens ne sont simplement affirmés dans la mesure où il peuvent porter une dimension marchande, se traduire en un label dans le cadre notamment du tourisme ou de la consommation de masse.

Les compétences plus sociales des départements (gestion du RSA ou des collèges par exemple) devraient forcément être intégrées, mais ce sont bien sûr les compétences économiques précitées, jusque là domaine des Régions, que les débats sont les plus vifs. Et cela veut en soi tout dire. Cela va même jusqu’à la précision des futurs budgets, fléchés par l’accord même : le développement économique (c’est-à-dire l’aide aux entreprises) devant représenter 55% des dépenses, l’attractivité et le marketing territorial 25%, l’insertion par l’activité économique 5%, la solidarité territoriale 10% et l’accès aux services départementaux 5%.

Les moyens alloués aux différentes compétences parlent d’eux-mêmes et se passent de tout commentaire.

Au-delà de la question des missions propres de cette CEA, il y a aussi la perspective de la coopération transfrontalière, telle que posée dans le Traité de l’Élysée de 2018, dont la CEA est définie comme un agent. Il s’agit de pousser les communes à fusionner dans des Eurodistricts aux compétences élargies et qui seraient maîtres des fonds publics municipaux.

Dans le même ordre d’idée, il apparaît clairement la volonté de s’appuyer sur l’idée de la coopération transfrontalière pour liquider des services publics en matière de santé au nom de leur présence outre-rhin au sein d’une structure intégrée. Un futur Eurodistrict par exemple devrait liquider certains établissements de soin « redondants » de l’autre côté de la frontière comme cela est explicitement évoqué à Wissembourg par exemple.

Le seul point à peu près positif pourrait être l’idée (mais qui reste encore au niveau de l’intention) de faire de la requalification de la centrale nucléaire de Fessenheim un projet transfrontalier, si tant est encore que ce chantier puisse prendre une réelle dimension internationale visant le progrès de l’Humanité dans son ensemble.

Les besoins de formation, de compétences, d’expériences, d’accumulation et de partage des connaissances en un mot sur la question du démantèlement des centrales nucléaire puis de la requalification des sites industriels sont en effet encore immenses, en France comme dans toute l’Europe.

On a là en tout cas concernant cette CEA, tous les ingrédients pour développer un système bureaucratique, confisquant les moyens publics des besoins du peuple pour les mettre avant tout au service du capital et des intérêts des entreprises locales au motif du régionalisme et de l’intégration européenne.

Toute cela montre à quel point le gouvernement, qui a fait voter la loi adoptant la CEA, est incapable de proposer un cadre répondant aux besoins populaires et démocratiques des masses de notre pays, particulièrement de celles portant une culture nationale minoritaire comme l’Alsace. Il n’a à proposer qu’une démarche aventureuse en vue d’appuyer l’élan capitaliste dans une perspective de conquête du marché européen.

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Politique

Socialistes et communistes, l’un miroir de l’autre

Pour les communistes, les socialistes sont des communistes qui n’ont pas tout compris. Pour les socialistes, les communistes sont des socialistes qui pensent trop avoir tout compris. C’est la clef d’une différence historique, qui se maintient encore, même si de manière bien différente dans notre pays.

SPD Rosa Luxemburg

Après la révolution russe, Lénine n’a cessé de pester contre les communistes des pays occidentaux, c’est-à-dire les socialistes qui ont été d’accord avec lui. C’est paradoxal : il est mécontent des gens qui ont rompu avec ce qu’ils avaient été et qui adoptent ses propres positions ! Mais la raison de cela est très simple à comprendre. Il avait vu que la social-démocratie était un mouvement de masse et que seule une partie était devenue communiste.

Voilà pourquoi il disait aux communistes, ex-socialistes, d’aller chercher les autres. Sauf qu’évidemment, les communistes ne comptaient pas du tout le faire. Ils n’étaient tout de même pas devenus communistes pour aller avec les socialistes, qui eux justement refusaient de devenir communistes. Alors, ils ont refusé, ou bien fait semblant, ou bien traîné des pieds.

On notera que Rosa Luxembourg avait constaté le même problème lors de sa fondation du Parti Communiste d’Allemagne – Spartacus. On est trop peu, on est loin d’avoir les masses avec nous, disait-elle en substance. On s’en fout, répondaient en substances les ultras. La différence est que Lénine avait lui centralisé tous les partis communistes dans l’Internationale Communiste.

Pas une, pas deux, Lénine leur force la main. Il fait donc en sorte d’éjecter des nouveaux partis communistes tous les « ultras », publie Le gauchisme, maladie infantile du communisme, force les communistes à s’allier avec autant de forces que possible, notamment en Allemagne. Ceux qui ne sont pas contents peuvent aller voir ailleurs, et le font (cela donnera les bordiguistes italiens, les conseillistes hollandais et allemands, plus tard les trotskistes français, etc.)

Les socialistes s’en aperçoivent bien, évidemment. Alors ils font monter les enchères et disent que si les communistes ne cessent de se tourner vers eux, c’est qu’au fond ils savent qu’ils se trompent. Les communistes leur répondent en les traitant de salauds ou de traîtres, ou bien les deux. Les socialistes les accusent d’être des charlatans, des autoritaires, voire pire. Tout continue ainsi, jusqu’à la catastrophe allemande, qui met tout le monde d’accord.

Front populaire

C’est alors le Front populaire, né par en bas, par la pression des socialistes et des communistes, dont les associations populaires fusionnent alors. Cela deviendra le modèle pour les communistes et pour certains socialistes, surtout après 1945 dans les pays de l’Est. D’autres socialistes considèrent par contre alors que la fracture est complète et irrémédiable et rejettent les communistes de manière formelle. Cela sera le cas dans les pays occidentaux, notamment en France, jusqu’en 1981.

Les communistes sont-ils alors les mêmes ? Les socialistes sont-ils alors les mêmes ? Et y a-t-il encore aujourd’hui, au sens strict, historique, au-delà des mots, des socialistes et des communistes ? En tout cas, on ne peut pas comprendre les uns sans comprendre les autres. Forcément, les deux relèvent du mouvement ouvrier et il n’y a qu’un mouvement ouvrier.

Il est ainsi inévitable qu’à l’avenir, les identités socialiste et communiste ressurgissent, comme fruit historique du patrimoine du mouvement ouvrier. Mais cette fois, il ne faudra pas faire les mêmes erreurs, qui ont coûté si cher. Le Fascisme n’aurait jamais gagné en Allemagne si toute la Gauche avait agi collectivement, massivement, de manière unanime. À un moment, il faut bien assumer si on veut que la Gauche gagne, et si on est prêt à assumer que pour la Gauche gagne, il ne faut qu’il y ait plus que la Gauche, car inévitablement la Droite bascule du côté de l’extrême-Droite.

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Société

La consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladies cardiovasculaires

Les chercheurs de l’étude Nutrinet-santé ont publié jeudi un article alertant sur les liens entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladies cardiovasculaires.

L’article publié dans le British Medical Journal (en anglais) se base sur des données statistiques issues d’une grande enquête menée par des chercheurs en France sur l’alimentation de milliers de personnes.

Ce qu’on y apprend n’est pas nouveau et a déjà été montré depuis au moins les années 1980, notamment par des universitaires américaines. Cependant, l’agro-industrie accroît toujours plus son emprise sur l’alimentation et cela commence à faire des dégâts très facilement observables.

Dans leur incessante quête de profit, les industriels inondent le marché de produits de mauvaises qualité, transformés à l’aide de procédés qui ne devraient pas exister et gorgés d’additifs, de sucres, de matières grasses et de sel.

Voici le communiqué publié sur le site de l’étude Nutrinet-santé qui présente l’article et ses enjeux :

CP_AUT_CARDIO.pdf