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Guerre

L’armée française augmente son budget d’un tiers

La France s’accroche tant bien que mal à sa puissance.

« Le monde ne nous attend pas, car les rivalités aiguisent les appétits et les stratégies, car nous devons tenir notre rang », voilà les propos on ne peut plus clairs d’Emmanuel Macron pour ses vœux aux armées à la base aérienne de Mont-de-Marsan lors desquels il a présenté les contours de la future loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM).

La LPM 2024-2030 vise un budget visant à répondre à hauteur de 413 milliards d’euros de besoins militaires, soit environ 57 milliards par an, contre 44 milliards pour l’année 2023 qui est déjà marquée par une rallonge substantielle dans le cadre de la dernière LPM.

Entre les deux LPM, on a une hausse de près de 36 % du budget militaire !

Après avoir remis à niveau l’armée française, la puissance capitaliste française vise dorénavant à la mettre à niveau des conditions de la grande bataille pour le repartage du monde.

Les choses sont claires et actées devant la société française : le monde va vers la guerre et il s’agit de la préparer pour défendre la puissance française, le capitalisme français.

Comme la France est devenue une puissance de second ordre, elle ne peut compter uniquement sur la masse, passant ici par l’annonce du doublement de la réserve opérationnelle et un nouvel horizon pour la SNU : elle vise surtout le renforcement de « l’épaisseur » de sa cuirasse militaire.

Ce sont les « quatre pivots » énoncés par Emmanuel Macron, à savoir la souveraineté, passant tout à la fois par le renforcement des moyens du renseignement militaire et la réforme de la Direction générale de l’armement en vu de fluidifier le fonctionnement du complexe militaro-industriel et de le faire entrer dans l’ « économie de guerre » annoncée en juin 2022 au salon de l’armement Eurosatory.

A ce titre, il a été opté par la mise à niveau complète de l’armée de l’air avec un passage au « tout Rafale », ce qui exige une certain niveau de production.

Il y a également l’augmentation des moyens pour la cyberdéfense, la haute intensité, c’est-à-dire la hausse de la production de munitions mais aussi le maintien en condition opérationnelle des équipement avec l’augmentation des exercices de grande envergure – comme le sera l’exercice Orion cette année dans l’est du pays.

Enfin, on retrouve ce qui est appelé l’engagement dans les « espaces communs », comme l’Espace ou les espaces marins mais aussi l’Europe et les alliances en vue de conserver une autonomie d’action, et surtout de commandement.

L’insistance sur les « espaces communs » est cruciale. Les océans et les mers, notamment et surtout les grands fonds marins sont devenus un nouvel espace pour l’accumulation capitaliste pour la décennie à venir et il s’agit de les défendre coûte que coûte pour une puissance française qui a la seconde zone économique exclusive du monde.

C’est le sens de la construction d’un nouveau porte-avion nouvelle génération qui devra succéder à l’actuel Charles de Gaulle. Cela doit permettre à la France de se positionner « correctement » dans la très chaude région indo-pacifique et ainsi défendre ses pré-carrés en relative autonomie d’avec la superpuissance américaine.

Tout comme d’ailleurs Emmanuel Macron a bien fait mention, à propos des zones de tensions maritime, de « la Méditerranée orientale » du fait de la forte implication de la France auprès de la Grèce contre la Turquie.

Dans ce panorama marquée par la crise, on peut et doit comprendre la réforme des retraites comme le côté pile de la pièce de la restructuration capitaliste, la hausse du budget militaire en étant le côté face.

Non pas de manière réformiste-populiste comme quoi il y aurait de l’argent pour l’armée et pas pour les retraites, mais en ce que ces choses sont l’expression d’un capitalisme français pourrissant qui tente de se maintenir coûte que coûte…et qu’il s’agit donc de renverser et non pas d’aménager par d’autres « orientations budgétaires ».

Car cette hausse du budget militaire vise non plus qu’à conserver les positions de la France capitaliste dans un monde toujours plus en proie aux antagonismes économiques, politiques, militaires. Ni plus, ni moins.

Quant à la réforme des retraites, elle n’est là que pour assurer la capacité de l’État à continuer à emprunter sur les marchés financiers à des taux qu’il juge soutenables alors que l’endettement du pays a flambé pendant la pandémie de Covid-19. Donc à lui assurer son train de vie, sa puissance économique, sa capacité à conserver sa place dans le monde là aussi.

Dans tous les cas, ce sont les masses qui en paient le prix fort par la dégradation progressive de leurs conditions de vie sur fond de militarisation de la société au dépends de la démocratie elle-même.

Mais entend-on une telle analyse chez les forces qui dirigent le mouvement ? Nullement. Au contraire, on a le niveau zéro de la conscience, le pur populisme comme avec la leader d’EELV Marine Tondelier qui voudrait une « France sans milliardaire ». Mais pas sans capitalisme ! Pas sans le militarisme français et l’OTAN !

Les députés d’une NUPES ont choisi de suivre la tendance, celle d’une France capitaliste forte pour mieux grappiller quelques concessions sociales, ou plutôt conserver quelques miettes sociales. Jamais il n’est question de crise, donc de capitalisme et de militarisme car tout tomberait du ciel, ou plutôt de la tête d’une « oligarchie » qui voudrait le mal des gens…

Mais le problème, c’est bien que les masses veulent elles-aussi conserver leur mode de vie dans une France stable, prospère, à l’écart des troubles du monde… sans aucune implication réelle pour renverser le vieux ordre.

De fait, on aura encore malheureusement bien de la peine à voir se former une opposition politique aux orientations de cette LPM qui sera bientôt débattue au parlement. Pour cela, il faut raisonner en termes de crise…et de révolution.

Et malheureusement, il semble bien que c’est la troisième guerre mondiale qui va précipiter les choses.

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Politique

Aucune contestation en France contre l’escalade guerrière

L’Histoire avance dans la dépolitisation générale.

Entre le mois d’octobre et le début de l’année 2023 vient de se jouer une séquence politique majeure, qui marque un tournant dans l’implication française pour l’OTAN dans la guerre en Ukraine.

Le 31 octobre 2022, le journal Le Monde publiait une tribune de dirigeants libéraux-atlantistes appelant la France à prendre les devants en assumant en premier de livrer des armes offensives en faveur du régime ukrainien.

Pour les auteurs de cette tribune, représentants de toute une couche d’experts animée par la défense de la superpuissance américaine et dont le point d’ancrage sont les pays baltes violemment anti-russe, la France se devait de prendre l’initiative pour se repositionner correctement dans l’OTAN.

C’est chose faite puisque le 4 janvier 2023, juste après la visite du ministre de la défense Sébastien Lecornu à Kiev, Emmanuel Macron annonçait l’envoi d’une quarantaine de chars AMX10-RC. Cela signifie que la France suit toujours plus les consignes des pays d’Europe de l’est, en fait de l’OTAN, et devient un moteur du bellicisme anti-russe en Europe.

Il n’y a qu’à voir comment l’annonce d’envoi de chars français a été suivi de tout une discussion politique en Europe, de la Pologne à l’Allemagne en passant par Londres et sa décision d’envoyer des chars Challenger II.

Depuis cette annonce qui sonne comme un véritable tournant du fait que ce type d’armes permet de mener des contre-offensives et donc prolonge ouvertement la guerre, il est stupéfiant de noter qu’il n’y a aucune réaction politique, ni à Gauche, ni à Droite.

À gauche, des gens comme Boris Vallaud du PS préféraient rencontrer à la mi-novembre l’Union des ukrainiens de France, dont le président promeut l’interdiction du ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski.

Ce qui n’est pas un simple positionnement « tactique » : pour le nationalisme ukrainien, la Russie n’existe pas, c’est une malédiction moscovite.

Lors des manifestations parisiennes de cette même association, parsemée de drapeaux bandéristes et de personnes faisant le salut du parti d’extrême-Droite Svoboda, on retrouve parfois Yannick Jadot, dont le parti EELV est d’un bellicisme fou, mais aussi des drapeaux du NPA. C’est dire…

Mais on ne trouve rien non plus ni du côté de Révolution Permanente, ni du côté de l’ultragauche. À Lutte Ouvrière, on se contente d’un dernier communiqué sur une simple motion, histoire de dire quelque chose, votée le 7 décembre dernier. Depuis, plus rien.

En fait, du côté de l’extrême-gauche, on ne trouve que les maoïstes du PCF(mlm) pour prendre les choses au sérieux et de promouvoir l’engagement anti-OTAN et anti-guerre, comme l’illustre d’ailleurs l’un des articles du numéro 22 de la revue Crise qui anticipait correctement l’impact politique joué par la tribune des libéraux-atlantistes mentionnée plus haut.

Quant à l’extrême-Droite, si prompt à se faire la championne du nationalisme et du souverainisme, chaque jour de plus dans la guerre en Ukraine contribue à la ringardiser.

Il suffit de voir que lors de sa niche parlementaire du 12 janvier, moment où l’on peut mettre au débat n’importe quel sujet, le groupe RN a préféré parler d’exonération des cotisations sociales, de la suppression des zones à faible émission, de la légitime défense des policiers ou encore de l’uniforme à l’école plutôt que des décisions pro-OTAN du cabinet présidentiel.

Le constat est sans appel : l’Histoire se fait en France dans le désert total ou plutôt dans l’acceptation générale de décisions militaristes faites sans aucun processus démocratique, au moins parlementaire.

C’est là le signe d’une profonde dépolitisation dans une démocratie où les principales forces d’opposition ne sont même pas en mesure d’axer leurs interventions sur la véritable actualité qui apparaît donc sous le signe d’un consensus général dont il n’est même pas question de débattre.

Pourtant, depuis la réélection d’Emmanuel Macron, alors même que la guerre en Ukraine n’a jamais été au centre des débats de la présidentielle et des législatives, toutes les décisions concernant le financement ou l’envoi d’armes ne sont jamais passées par l’assemblée nationale.

Le seul moment, formant un nœud de la séquence politique dont il est question ici, a été l’ovation générale au régime ukrainien lors de la rentrée parlementaire début octobre.

Moment qui n’était même pas suivi d’un vote législatif mais seulement d’un débat symbolique en présence de l’ambassadeur du régime de Kiev. Autrement dit, cela n’était là que pour renforcer la légitimité de toutes les décisions militaires prises dans l’ombre du cabinet présidentiel.

Un exemple de propagande : le 17 janvier 2023 Le Parisien parle de bombardements russes à Donetzk, alors que c’est l’armée ukrainienne qui a visé un centre commercial et une zone résidentielle de Donetsk

La Gauche est même incapable de mobiliser sur une chose si simple que la guerre en Ukraine et ses conséquences sur l’augmentation du coût de la vie en France, préférant faire de l’inflation une chose tombée d’on ne sait trop où. Mais il est vrai que pour cela, il faudrait avoir des bases historiques à gauche, de celles qui relient la crise économique à la guerre, et la guerre aux restructurations capitalistes.

Et c’est là que l’on comprend que la protestation contre la réforme des retraites est l’expression du vieux monde. C’est même une actualité qui vient du monde d’avant, d’avant 2020.

Et forcément, plutôt que de s’actualiser, la Gauche française reste dans ses habitudes routinières et elle y met même le paquet. Le constat fait ici dès le mois de mars 2022 d’un militantisme incapable de saisir les changements dans le monde s’avère toujours plus juste.

Et comme l’Histoire travaille dorénavant contre ces vieilles forces militantes, celles-ci redoublent d’effort pour imposer coûte que coûte la réforme des retraites comme la grande actualité. Cela serait même le vecteur d’une politisation à entendre certains, quel délire !

Mais tout le monde y croit, du Figaro jusqu’au Rassemblement national en passant par la NUPES, dans un grand mensonge collectif qui voudrait que l’actualité serait de savoir comment la stabilité sociale va être négociée et conservée dans ce pays.

D’ailleurs, s’il y a vraiment une mobilisation contre les retraites, ce serait la preuve que la société française s’est repliée sur elle-même, pensant que l’on peut encore et toujours raisonner comme ces quarante dernières années. Ce serait une expression de la stabilité capitaliste, nullement de sa remise en cause pourtant bien à l’ordre du jour.

La seule actualité de l’époque, c’est la tendance à la guerre. Il n’y rien en dehors, rien à côté : qui ne met pas les pieds dans le plat reste en dehors de l’Histoire.

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Guerre

La Grèce, poste-avancé de l’OTAN contre la Turquie

La Grèce se militarise pour le compte de l’OTAN.

La Grèce a toujours été un fer de lance de l’OTAN, hier dans sa lutte contre l’URSS, aujourd’hui dans sa défense de l’hégémonie occidentale.

Dès 1947, la Grèce signait un accord bilatéral avec les Etats-Unis pour mettre à disposition toutes ses infrastructures pour le compte de l’OTAN, avant de rejoindre officiellement l’alliance atlantique en 1952…en même temps que la Turquie.

Le bloc occidental était alors concentré sur l’opposition à l’empire soviétique et se devait de maintenir la discipline de ses membres, tous ses membres, y compris donc la Grèce et la Turquie malgré leur opposition historique commencée avec la guerre d’indépendance grecque en 1821 et allant jusqu’à la persécution des Grecs d’Anatolie en 1922.

Mais tout cela est du passé. La situation qui prime dorénavant est la tendance à la guerre et les antagonismes refont surface.

Car si la Turquie était depuis la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal Atatürk en 1923 un simple satellite des États-Unis, avec des centres urbains modernes dans un océan rural isolé, l’arrivée d’Erdogan au pouvoir à la fin des années 1990 a coïncidé avec une vague de modernisation qui a bénéficié aux gens ayant quitté les campagnes arriérées dans les années 1970.

Cette nouvelle génération de « turcs noirs », en opposition aux « turcs blancs » des grands centres urbains, se trouve en phase avec l’idéologie du parti de la justice et du développement (AKP) qui a su dépasser les vieux mouvements islamistes turcs en maintenant le conservatisme religieux comme levier d’organisation civile tout en acceptant la laïcité comme fondement de l’Etat turc moderne.

Bref, la Turquie n’est plus celle des années 1960, et la vague de modernisation alliée à la mobilisation de pans entiers de la société lui permet de rêver au retour du passé ottoman…et le coup de frein engendré par la pandémie de Covid-19 ne peut que la faire basculer dans l’expansionnisme et le militarisme.

Mais la Turquie reste membre de l’OTAN, tout comme la Grèce, ce qui provoque forcément des remous comme lors d’une réunion de l’alliance de décembre 2020 où les ministres des affaires étrangères grecs, français, des États-Unis et de la Turquie se sont accusés de favoriser les tensions en Méditerranée.

Évidemment, face à cela, la Grèce n’est pas en reste. Sauf qu’à la différence de la Turquie, elle est un pays affaibli par la crise financière de 2008, incapable de défendre seule ses zones d’influences, d’autant plus que l’armée grecque compte un peu plus de 100 000 militaires actifs contre 735 000 en Turquie.

Si la Grèce a annoncé le rallongement de son service militaire obligatoire de 9 à 12 mois dès le mois de mai 2021, avec la perspective de former 15 000 nouveaux soldats, ainsi qu’une augmentation hallucinante de son budget militaire, elle ne peut faire face à la Turquie sans se vendre en découpe à l’OTAN.

Dès 2019, elle signe un accord de mise à jour du partenariat de défense mutuelle avec les États-Unis, revenant en fait à ouvrir les vannes à la présence des forces américaines en Grèce.

En septembre 2020, le secrétaire d’État à la défense Mike Pompeo venait affirmer cet accord, en proclamant au passage qu’il était envisagé le déplacement des forces américaines des bases turcs d’Incirlik et de Kürecik vers la Thrace orientale et la Crète.

Et c’est bien ce qui est en train de se passer. En 2021, le gouvernement de droite grec ouvrait ainsi les portes du port d’Alexandroúpolis dans le Nord-Est de la Grèce, à la frontière avec la Turquie, aux forces américaines.

Un port qui s’est avéré central pour la livraison d’armes occidentales au régime de Kiev ainsi que pour le renforcement des positions de l’OTAN en Roumanie et Bulgarie, après que la Turquie a fermé les détroits de Bosphore et des Dardanelles en vertu de la convention de Montreux de 1936.

En fait, le port est carrément devenu l’une des plus grandes bases américaines en Europe, avec des agrandissements qui lui permettent d’accueillir dorénavant des bâtiments maritimes de gros tonnages. À terme, il doit également se doter d’un système de radar en lien avec la station mère de l’île de Samothrace pour surveiller les détroits de la mer noire dans l’optique de remplacer la station-radar turque de Kürecik.

Heureusement, une partie de la population conteste cette militarisation car cela l’expose directement aux conséquences d’un conflit direct avec la Russie ou la Turquie. Du bon sens pacifiste quand on sait que les avions de chasse turcs violent régulièrement cet espace aérien grec à cet endroit !

Mais au-delà d’Alexandroúpolis, c’est également la base historique de l’OTAN en baie de Souda au sud de la Grèce qui a été modernisé pour y accueillir des drones de combat et de surveillance F-22 et F-35, trois nouveaux avions ravitailleurs essentiels pour les AWACS, ces Boeings E-3A dotés d’un système aéroporté de détection et de contrôle qui sont basés à l’ouest de la Grèce sur la base d’Aktion. Enfin, la base de Souda doit également voir s’installer un radar de veille pour la surveillance de la Méditerranée orientale et de la Mer Égée.

Boeing E-3A AWACS

A cela s’ajoute, les bases aériennes en Thessalie de Larissa et Vólos, qui accueillent respectivement des drones américains MQ-9Reaper spécialisés dans la surveillance et des hélicoptères Apache et Chinook.

En violet : bases grecques modernisées pour l’OTAN, en marron : quelques bases grecques, en jaune : bases militaires mises à disposition des armées françaises, en violet : bases britanniques à Chypre, en vert : base turques de l’OTAN, en bleu : détroits de la mer noire fermés depuis mars 2022

Ce déploiement massif des États-Unis en Grèce est le reflet que l’OTAN prépare la guerre contre une Turquie dont elle pense qu’elle va basculer à terme dans le bloc sino-russe. Une perspective soi-disant justifiée notamment par la décision de cette dernière de se fournir en missiles S-400 russes après le refus américain de lui vendre ses systèmes Patriot.

Un des tournants qui apparaît comme un marqueur historique est la levée par les États-Unis en septembre 2022 de son embargo pesant sur la République de Chypre sur l’exportation d’armes américaines décidé en 1987. Avant de venir en Grèce, Mike Pompeo est d’ailleurs passé par l’île.

Cet embargo servait à geler la situation du conflit entre la Turquie et la Grèce sur cette île de la Méditerranée depuis 1974 où un coup d’État militaire en faveur du rattachement à la Grèce avaient eu pour conséquence l’envahissement par la Turquie de la partie nord de l’île, contribuant à la séparation entre une République de Chypre au sud et une République Turc de Chypre Nord (RTCN), avec en parallèle une partage entre populations turcophones et grécophones.

Au centre de la rivalité gréco-turque du fait de sa place pour l’exploitation des hydrocarbures, l’île est prise en étau entre les partisans ultranationalistes grecs de l’ « Enosis » et l’expansionnisme turc et l’idéologie de la « Patrie bleue », dont la dernière manifestation a été l’intégration de la RTCN comme membre observateur de l’Organisation des Etats turciques en novembre 2022.

A la lumière de ce contexte, il est évident que si les États-Unis réorientent leur implantation militaire vers la Grèce, et surtout de sa partie orientale pour mieux anticiper la séparation avec ses bases en Turquie et son centre de commandement terrestre à Izmir, il y a clairement un partage des tâches occidentales dans la zone.

Ainsi le Royaume-Uni est en charge de la mission européenne du groupe d’intervention littorale fondée sur une capacité de débarquement optimale grâce à l’interopérabilité de ses forces aériennes, maritimes et terrestres.

Pour s’entraîner à ses manœuvres, le Royaume-Uni peut compter sur ses bases de Dhekelia et d’Akrotiri qui s’étalent sur 3 % de son ex-colonie Chypre, portions de territoire sur lesquels il reste pleinement souverain.

La base d’Akrotiri abrite le quartier général des forces britanniques et apparaît comme un lieu central pour les opérations occidentales en Irak, Libye et Afghanistan mais aussi plus récemment dans la guerre en Ukraine.

Elle est tellement centrale que l’état-major britannique a entrepris une vaste modernisation de la base, le commandant adjoint du Commandement stratégique britannique affirmant que le rôle de Chypre était appelé à devenir plus important pour « la sécurité mondiale et notre posture mondiale ».

Mais le rôle principal dans la zone pour le compte de l’OTAN revient à la France. Elle a toujours considéré la Méditerranée comme une de ses chasses gardées, remontant à la percée du Canal de Suez et à l’expédition de Morée au XIXe siècle et allant jusqu’à l’intervention militaire en Libye en 2011 en passant par la forte implication de Nicolas Sarkozy dans le projet d’Union pour la Méditerranée en 2008.

Le pacte d’assistance militaire mutuelle signé entre la France et la Grèce en septembre 2021 illustre le rôle joué par la France dans la zone, avec notamment le renforcement d’exercices interarmées comme l’exercice ARGO22.

Le complexe militaro-industriel français est même aux avant-postes de la construction du « bouclier » méditerranéen grec, avec la livraison de 24 rafales stationnés à la base de Tanagra ainsi que de 3 nouvelles frégates.

A cela s’ajoute l’accord de défense signé entre la République de Chypre et la France à Paris en avril 2017 qui lui donne l’accès total au port de Limassol, faisant de la France le second partenaire militaire de l’île après la Grèce. Une des premières illustrations de cet accord a été la mission Clemenceau 2022 entre février et avril 2022 lors de laquelle le porte-avion Charles de Gaulle a stationné dans la zone, permettant l’exercice aérien conjoint TALOS22 avec la garde nationale chypriote.

C’est pourquoi les pacifistes en France doivent se concentrer sur le conflit gréco-turc, en se focalisant forcément sur la Grèce et les agissements de son régime. Car bientôt la France et la Grèce seront en guerre ouverte pour le compte de l’OTAN contre la Turquie et il faudra assumer ses responsabilités historiques.

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Société

L’aide médicale à mourir, ou l’échec de la société face à la dignité

La vie n’est pas une variable d’ajustement.

Depuis décembre 2022 la convention citoyenne sur la fin de vie a débuté en France. Elle est pilotée par le CESE, Conseil Économique Social et Environnemental.

Jusqu’à mars 2023, 150 citoyens tirés au sort devront débattre du sujet de la fin de vie et apporter des éléments de réponse à la question suivante :

« Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »

C’est une question vaste qui mérite un débat de fond.

Dans le capitalisme les personnes en fin de vie sont un fardeau, elles ne produisent plus rien mais ont besoin d’énormément d’attention et donc de moyens. On arrive dans une situation où on laisse les malades dans des chambres d’hôpital, isolés du reste de la société. Une vie se résumant à se voir se dégrader entre 4 murs pâles, aux sons des bips des machines, des soignants qui courent et qui n’ont pas le temps nécessaire à un accompagnement réellement humain. La plus grande crainte des personnes se sachant condamnées c’est finalement d’être en dehors de la vie, de ne plus pouvoir faire ce qu’elles faisaient auparavant et d’être un poids financier et émotionnel pour leur famille et la société.

C’est pourquoi l’argument principal des pro-euthanasie ou du suicide assisté est la liberté pour chacun de quitter une vie qui ne ressemblerait qu’à un enfer, bien souvent en mettant en avant les souffrances physiques ou psychologiques des gens. Il faut comprendre qu’ils ne souhaitent pas mourir mais simplement ne plus souffrir.

C’est tout à fait différent.

A l’heure de la réalité virtuelle et des avancées technologiques en matière de robotique, tout les moyens doivent être donnés pour que ces capacités soient mises aux services des personnes malades bien avant d’en être au stade de la fin de vie.

Une expérience virtuelle immersive de vol avec des oiseaux migrateurs, l’ascension d’une montagne, une visite des profondeurs marines ou encore une longue ballade dans un champs fleuri au printemps, les possibilités sont immenses.

Ce qu’il faut aussi prendre en compte, c’est l’état de l’hôpital en France qui manque inimaginablement de moyens, et que la prise en charge des personne en fin de vie demande des investissements colossaux tant en matériels qu’en personnels, pour pouvoir aller se balader dans les villes ou la nature peu importe la mobilité des personnes, des gens avec qui discuter de ses questionnement, de ses craintes.

Car si pour l’entourage la fin de vie d’un proche est une terrible épreuve, n’oublions pas que la personne concernée a tout le travail de deuil de sa propre vie à faire, en toute connaissance de cause et avec moult détour.

Accepter l’aide médicale à mourir c’est laisser gagner la souffrance et refuser la complexité de la vie, sa dignité quoi qu’il arrive. Voulons-nous vraiment foncer tête baissée dans l’optique que la vie n’est qu’un paramètre à ajuster ?

Les libéraux diront que oui, le chemin qu’ils tracent vers la GPA en est la preuve.

La question est de savoir quelle place consacrer au handicap et la maladie dans notre société. Chacun, peu importe sa condition, doit pouvoir participer à la production que ce soit matériellement ou culturellement et bénéficier de tout ce que la collectivité peu nous apporter, comme par exemple DJ Pone, atteint de la Maladie de Charcot, qui a réussi à composer un album entièrement avec ses yeux grâce à un logiciel adapté.

A l’heure du Covid où l’humanité s’est heurtée à sa contradiction avec la biosphère et où la population française se vautre dans l’individualisme, le devoir de la Gauche historique est de défendre une société où chacun a sa place et a la possibilité de s’épanouir quoi qu’il arrive…

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Écologie

Les stations de ski, ce vieux monde qui s’arc-boute

Le réchauffement climatique les a déjà condamnées.

Station des Gets, 1800m d’altitude

Cela fait maintenant bien une décennie que les hivers sont irréguliers, avec des chutes de neige aux quantités aléatoires, surtout en-dessous de 1200 mètres d’altitude.

Mais cet hiver 2022-2023 est déjà surprenant car s’il était habituel de voir l’hiver commencer tard ou se finir plus tôt, là il a commencé plus tôt pour terminer plus tôt et éventuellement recommencer on ne sait quand.

En quelques jours à peine, ce sont des dizaines de centimètres de neige qui ont disparu y compris très haut jusqu’au-dessus de 1800 mètres d’altitude, provoquant même des situations plus que dangereuses, comme des affaissements de terrain à Châtel en Haute-Savoie.

Si bien qu’aux dernières nouvelles, il y avait plus de la moitié des pistes de ski en France qui étaient fermées fin décembre après qu’un déluge de pluies torrentielles s’est abattu sur tous les massifs à la veille de Noël.

Châtel
Villard-de-Lans à 2000m d’altitude

Et c’était sans compter ces trois derniers jours marqués par des températures hallucinantes de chaleur, avec dans les Alpes du Nord des + 12°c à 1000 m d’altitude !

A ce niveau, les capitalistes de l’or blanc sont désemparés car la neige stockée l’été (« snowfarming ») a déjà été utilisée en partie et les canons à neige, cette stupidité anti-écologique, ne peuvent fonctionner avec de telles températures.

Si bien que tous les moyens technologiques mis en place par la bourgeoisie pour faire sauter les limites naturelles ne sont plus d’aucune utilité : la nature a triomphé de l’anthropocentrisme.

Il n’empêche que les magnats de l’or blanc, ou de ce qu’il en reste actuellement, font comme si de rien n’était, à l’instar de Jean-Luc Boch, maire de la Plagne-Tarentaise en Savoie et président de l’Association nationale des maires de stations de montagne et du syndicat « France Montagne » :

« Nous ne sommes pas inquiets sur le long terme. Le modèle a encore un bel avenir devant lui. Dans 20 ans, selon les experts, on fera encore du ski, car il y aura encore de la neige en altitude. En revanche, on aura des périodes avec beaucoup de neige, d’autres avec des précipitations et des périodes de redoux, comme aujourd’hui. Regardez ce qui se passe aux États-Unis : on ne vit pas un réchauffement climatique, mais un dérèglement. On aura de plus en plus de précipitations intenses, sans pouvoir les prévoir. »

Puis de justifier en parallèle à cette imprévisibilité, la fuite en avant dans la neige artificielle très gourmande en eau, et nécessitant des retenues collinaires pour la stocker l’été, déstabilisant au passage le cycle de l’eau et abîmant le plus souvent des zones humides.

A lire ces propos, on est pris d’une rage face à une bourgeoisie hors sol qui se pense toujours comme un Dieu au-dessus de la nature et de la grande masse des gens :

« Quand on a une surabondance de matière première comme la neige et l’eau, il faut la distribuer à bon escient. Les retenues d’eau sont indispensables à la survie des êtres humains, et elles vont devenir obligatoires, donc je ne comprends pas les extrémistes qui s’élèvent contre le stockage de ces matières premières… Sauf si l’on veut tuer le modèle de la montagne, et même le monde rural !

Certains dénigrent aussi systématiquement la neige de culture. Elle utilise de l’électricité, c’est vrai, et de l’eau, mais celle-ci est stockée quand elle est en surabondance, qu’elle se jette dans les ruisseaux, puis dans les rivières, fleuves, et enfin dans la mer. Autrement dit, elle n’est utilisée par personne. »

Et cette mentalité typique du paysan parvenu qui ne voit la nature que comme une matière première à valoriser n’est pas isolée. Voici ce qu’a dit Gilles Chabert, ex président du Syndicat national des moniteurs de ski et conseiller régional LR Auvergne Rhône-Alpes, lors du congrès annuel de Domaine skiable de France en 2022 à Lyon :

« Pendant le covid, dans le Vercors, avec tous les randonneurs il paraît qu’il n’y avait plus de quinoa au supermarché, mais nous, on n’a pas rentré de sous dans la caisse ! Il n’y a qu’un modèle économique, c’est la neige [sous-entendu, la neige artificielle]. »

Ce discours masque bien le fait que la canicule de l’été 2022 accompagnée d’une sécheresse historique a profondément déstabilisé le cycle de l’eau, si bien que le barrage hydroélectrique des Bouillouses dans les Pyrénées a dû faire à la mi-décembre un lâché de 90 000m3 d’eau pour alimenter les nappes phréatiques de 4 villages en contre-bas, un phénomène stupéfiant pour la saison.

En réalité, à y regarder de plus près, tous ces discours sont le reflet d’une posture défensive car ces gens savent que tout est fini. Leur responsabilité de classe est surtout de défendre les derniers espace du business de l’or blanc sur la base du mot d’ordre « après moi le déluge! » ou plutôt « encore moi, et après le déluge! ».

Car quand on connaît les stations comme la Plagne-Tarentaise, ces stations construite lors des plans-neiges des années 1960, on comprend que tout cela est terminé, et qu’il n’y en aura plus rien d’ici la fin de ce siècle.

Ces stations de seconde et troisième génération ont été l’expression d’une nouvelle époque, celle de la modernisation de la bourgeoisie, plus soucieuse d’elle-même et de sa santé, avec la consommation des « sports d’hiver » comme forme de distinction sociale et culturelle. C’était Valéry Giscard d’Estaing contre Georges Pompidou.

Aujourd’hui, ces stations buildings façon barres HLM nichées à plus de 2000 mètres d’altitude sont à la fois les seules qui bénéficient encore d’un enneigement correct et à la fois elles sont un repoussoir tant elles sont une telle insulte à la nature.

Flaine, station de seconde génération
La Plagne, « station-intégrée »

Si Jean-Luc Boch tient ce genre de propos de manière si prétentieuse c’est bien parce que son domaine skiable de La Plagne grimpe jusqu’à la haute montagne, soit à plus de 2000 mètres d’altitude.

En effet, les études climatiques sont claires à ce sujet : le manque de neige a affecté principalement les fonds de vallée et la moyenne montagne, soit ce qui se situe entre 1000 et 1800 mètres d’altitude. Dans ces espaces, le manteau neigeux a tout à la fois baissé en épaisseur et en durée : il y a moins de neige et moins longtemps.

En moyenne montagne, c’est près de 5 jours d’enneigement qui sont perdus en une décennie, sans compter l’accélération du réchauffement comme le montre ces 5 dernières années.

L’année 2022 est ainsi l’année la plus chaude depuis 1900, prenant le record à l’année 2020 : ce qui se passe actuellement n’est pas passager mais la nouvelle donne météorologique et saisonnière.

S’ajoute à cela la dégradation de la situation économique, avec la crise énergétique qui fait s’envoler le prix de l’électricité, principal poste de dépense des stations de ski, et la flambée des matières premières qui annule des projets d’infrastructures extrêmement coûteux sans en connaître la pérennité à long terme, à l’instar du funiflaine en Haute-Savoie. Enfin, comment oublier la fermeture des remontées mécaniques lors de l’hiver 2020-2021 ?

Face à la ringardisation du ski, la bourgeoisie s’organise et propose comme porte de sortie, le fameux « tourisme 4 saisons » porté par tout un secteur capitaliste-modernisateur qui voudrait pouvoir rentabiliser la montagne été comme hiver, automne comme printemps.

Porté par des associations comme « Mountain Wilderness » ou « Transitions des Territoires de montagne », ce secteur de la modernisation a tenu des états généraux de la transition en montagne au centre de recherche et développement de Quechua (Decathlon) à Passy en Haute-Savoie les 23 et 24 septembre 2021. Voici leur axe principal énoncé dans leur déclaration commune :

« L’idée est d’imaginer ensemble l’avenir de la montagne pour qu’elle demeure une terre d’envies et une montagne à vivre. »

Traduction : exploiter la montagne toujours à base de remontées mécaniques bruyantes pour une vie sauvage si fragile en ces endroits, à coups de pelleteuses façonnant des pistes pour VTT de descente qui saccagent tout, à base de lacs aménagés en bases de loisirs ou de forêts en parcours acrobatiques.

D’ailleurs des stations de ski qui voient leurs pistes fermées ont déjà réouverts certains tracés pour VTT voir même des accro-branches comme à Lannemezan.

On peut donc s’étonner de l’impact foudroyant du réchauffement climatique dans les massifs montagneux, de surcroît dans les Alpes où celui-ci est plus rapide qu’ailleurs du fait des conditions naturelles qui amplifient le phénomène, il n’en reste pas moins vrai que le capitalisme épuisera jusqu’aux derniers flocons et dernières edelweiss les possibilités de profit.

Ce qui se pose comme enjeu, c’est celui d’une transformation du mode de vie dans les montagnes. Cela regarde principalement les habitants de ces régions, principalement les villages de moyenne montagne, mais le souci est qu’ils sont totalement imbriqués dans la dynamique touristique.

C’est le retour de bâton en pleine figure des populations de montagne, et principalement de l’ancienne paysannerie qui a cru bon éviter la prolétarisation à la sortie de la Seconde Guerre mondiale en se transformant en une petite-bourgeoisie vendue au business de l’or blanc.

Et maintenant que tout cela s’effondre, il n’y a plus d’alternative, si ce n’est que le bon sens veuille que la montagne soit dorénavant considérée comme un espace de nature très fragile devant être préservé au maximum des activités humaines, et donc émancipée du faste de la consommation touristique de quelque nature qu’elle soit.

Et pourtant il faudra bien trouver une porte de sortie démocratique et surtout populaire, car ce ne sont pas avec des actions isolées, fussent-elles pleine de dignité tel le sabotage d’enneigeurs aux Gets entre la nuit du 25 au 26 décembre, que l’on sera à même d’aller vers une pleine reconnaissance naturelle de la montagne.

L’enjeu est trop grand pour être limité à un activisme minoritaire qui évite la grande bataille pour l’opinion, celle-là même qui permettra la mobilisation pour le Socialisme seule solution à même de planifier de nouvelles activités humaines à l’écart d’une montagne ayant retrouvée sa paix méritée.

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Société

Le conseil d’État s’aligne sur les capitalistes du CBD

C’est une victoire du turbocapitalisme.

Il n’aura fallu qu peu de temps pour que la France s’aligne totalement sur les règles du marché du CBD édictées par l’Union européenne.

Né quelques part dans les années 2010, ce marché avait pris un essor rapide ces dernières années, à tel point que cela avait engendré des remous juridiques.

Et pour cause… Le CBD est une molécule, le cannabidiol, qui est contenue dans certaines fleurs de chanvre de l’espèce Cannabis sativa.

Lié à la grande question du cannabis, il pose donc question aux plans sanitaire et psychologique, et cela d’autant plus que l’Union européenne autorise la vente et la commercialisation de la fleur en elle-même, qui peut donc être fumée comme le sont les fleurs de cannabis contenant du THC, autre molécule du chanvre.

Ces dernières années, la grande bataille des petits boutiquiers du CBD a résidé dans le fait d’avancer que le CBD était une molécule non-psychotrope mais ayant des propriétés apaisantes, par conséquent bien différente de la substance hallucinogène du THC.

Mais en réalité, personne ne sait vraiment s’il n’a pas d’impact sur la santé en général et d’ailleurs il serait bien stupide de penser l’inverse à partir du moment où est inhaler une fumée issue d’une combustion, par nature mauvaise pour le système respiratoire. Quel délire d’ailleurs que de rajouter des variantes de fumette quand on voit les ravages causés par l’industrie du tabac.

Mais en plus de cela, un rapport de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives montrait que le cannabidiol agissait bien sur les récepteurs du cerveau de la sérotonine et la dopamine, avec des effets de sédation et de somnolence.

Plus inquiétant, le CBD est une substance qui n’est pas « inerte pharmacologiquement », c’est-à-dire qu’elle peut interagir « négativement » avec d’autres médicaments immunodépresseurs, anticoagulants ou contre l’épilepsie, cela alors même que le CBD est justement présenté comme pouvant être utilisé en automédication pour soulager des maladies présentant ces symptômes.

Pour ces raisons, une bataille juridique était engagée depuis l’affaire Kanavape en 2014, où un petit boutiquier fut ensuite condamné justement pour vente d’une cigarette électronique au CBD.

Mais en 2020, la cour de justice de l’Union européenne disait que cette interdiction était contraire aux règles de commercialisation sur le marché commun… avant que, le gouvernement français maintienne l’interdiction de vente des fleurs et des feuilles avec un arrêté interministériel le 20 décembre 2021.

Car la législation française est très stricte à ce sujet : oui à la culture agricole, à l’usage des graines et aux dérivés des fibres pour usage alimentaire, non à la vente des fleurs et des feuilles brutes, quel que soient leur format.

Mais c’était sans compter sur la mobilisation de tout le secteur du CBD autour de l’Union des professionnels du CBD, alliée à la très nauséabonde Confédération des buralistes, qui demandèrent dès janvier 2022 un recours suspensif et un recours sur le fond auprès du Conseil d’État.

Le Conseil d’État a donc tranché en faveur des capitalistes : l’interdiction est jugée « disproportionnée », le CBD aurait de surcroît des « effets contractants et relaxants » et « anticonvulsivants » et des tests existeraient pour contrôler les consommateurs et discriminer consommation de THC et de CBD.

C’est un alignement complet sur l’arrêté de la Cour de justice de l’Union Européenne, et une négation de l’arrêté gouvernemental et des précautions sanitaires édictées par la MILDECA.

Mais peu importe car en réalité, tout était joué d’avance, entre laisser-aller sur l’ouverture de « shops CBD », existence d’une filière chanvre française (pour d’autres débouchés) et chantage aux propriétés médicales (même s’il y a déjà des médicaments à base de CBD disponibles sur ordonnances).

Tout était déjà tellement bien ficelé qu’à la mi-novembre, le groupe écologiste au Sénat faisait approuvé à la majorité une résolution pour le développement de la filière chanvre en France, avec pour toile de fond la question de la consommation de fleurs de CBD.

Car si on utilise depuis extrêmement longtemps le chanvre dans le textile, la construction, la pharmacologie, tout cela n’est plus suffisant et il faut bien continuer à élargir les marchés, d’autant plus que la France en est un grand producteur. Relancer le capitalisme, coûte que coûte, vaille que vaille et peu importe les effets sanitaires à long terme.

Les gens les plus attentifs ne sont pas dupes et savent que tout cela n’est que le prélude à une légalisation plus générale, incluant le cannabis récréatif à l’instar du gouvernement allemand qui vient d’ouvrir la brèche. Pour la France, il faut un sas pour faire accepter la pilule à l’opinion publique et le CBD remplit parfaitement ce rôle de d’incubateur culturel.

Et derrière, ce sont surtout les buralistes qui applaudissent des deux mains, trop contents d’envisager sereinement une compensation de la baisse de la consommation de tabac pour continuer à vendre des tas de sortes de poisons, mais aussi les petits boutiquiers du CBD qui se pensent à la tête d’une « cause » alors qu’ils ne sont que les valets du turbo-capitalisme.

Alors même que plusieurs enquêtes montrent que la jeunesse consomme moins d’alcool et de cannabis ces dernières années, notamment depuis la pandémie de Covid-19, le turbo-capitalisme est là comme un rouleau compresseur pour anéantir tout élan moral.

Pourtant, si l’on a besoin d’une chose en notre époque, ce ne sont pas sédatifs pour nous « apaiser », fussent-ils parés de « modernité », mais bien d’un lucidité pour regarder le réel en face, pour mieux se rebeller.

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Société

Il ne s’agit pas d’être « pour » ou « contre » les coupures d’électricité

On se situe au niveau de la civilisation elle-même.

L’annonce de coupures d’électricité par le gouvernement, avec un plan détaillé à ce sujet envoyé à toutes les préfectures, devrait normalement interpeller les gens sur la situation de blocage que vit l’humanité. Mais, cela semble passer comme tout le reste, et c’est normal car il y a là un problème complexe qui exige un niveau de conscience adéquat.

Quand on y réfléchit raisonnablement, on se dit qu’on ne peut ni être « contre », ni être « pour » les coupures d’électricité. On voit d’ailleurs ici combien le populisme style gilet jaune renforce la logique pragmatique de la bourgeoisie qui gère les choses en fonction d’une société minée par une crise profonde.

Pour les populistes, il ne s’agit que d’une « mauvaise gestion » due à deux hommes, François Hollande puis Emmanuel Macron. Par miroir inversé, le gouvernement peut facilement s’appuyer sur la réalité de la guerre en Ukraine, mais aussi et surtout sur l’impact qu’a eu la pandémie sur la maintenance des centrales nucléaires pour dire que le problème vient de là. À « la mauvaise gestion » répond la « gestion du cours des choses ».

Au centre de ce débat, les gens normaux restent désemparés. Il a été compris qu’on avait affaire ici à un problème d’une grande complexité où s’entremêlent de nombreux aspects. A ce titre, il ne faut pas écouter la bourgeoisie qui nous parle d’une succession de crises pour mieux masquer le fait que c’est une seule et même chose qui s’appelle la crise générale du capitalisme en ce début de XXIe siècle, et qui va donc en fait marquer tout ce siècle.

De quoi relèvent les coupures d’électricité ? D’une mauvaise gestion ou d’une nécessité liée à une « conjoncture » ? Évidemment, cela n’est ni l’un ni l’autre : les coupures d’électricité, c’est l’expression émergée du crash du capitalisme, en tant que mode de production apte à reproduire la vie quotidienne des gens.

Derrière les multiples causes que sont la guerre en Ukraine et l’inflation du prix du gaz qui impact, en tant que dernier moyen de production mobilisable pour fournir de l’électricité, le prix général de l’électricité, la sécheresse estivale comme expression de l’écocide qui mine les réservoirs des barrages d’hydroélectricité, sources essentielles pour faire face aux pics de consommation hivernale, et le retard de maintenance de centrales électriques due à la pandémie, il n’y a pas une accumulation d’aspects, mais un seul et même problème qui s’exprime à travers divers phénomènes.

Cet aspect central, c’est le fait que le capitalisme se heurte à son propre blocage historique, blocage qui lui est propre car c’est bien sa dynamique d’accumulation qui a fait entrer l’humanité dans ce mur et continue à le faire en forçant le cours des choses.

C’est finalement la même chose qu’au début de la pandémie, où le confinement était critiqué par certains comme une « gestion du moyen-âge » alors même qu’il ne s’agissait pas de savoir si l’on était pour ou contre, car telle était dorénavant la situation, exigeant d’y faire face, mais de comprendre comment et pourquoi une telle situation minait l’humanité toute entière.

Et comme pour les coupures d’électricité, on trouvait là concentré en lui le réchauffement climatique, la destruction de la nature, l’enfermement et l’anéantissement des animaux, l’asphyxie de la grande ville, etc.

C’est bien là qu’on voit qu’il y a une continuité historique entre les effets de la pandémie et la cause des coupures d’électricité, renvoyant aux oubliettes la logique d’explication de « cause à effets ».

Le rapport bancal de l’Humanité a amené à la situation d’une pandémie historique, bloquant l’ensemble de la production mondiale qui, pour redémarrer dans un cadre capitaliste, donc marchand, a connu des distorsions majeures.

Distorsions qui sont le terrain à l’accentuation d’antagonismes entre puissances, donc à la tendance à la guerre de repartage… mais aussi à des pénuries en tout genre, y compris de main d’œuvre qui minent le travail de maintenance alors même que l’écocide s’exprime toujours plus, comme les canicules et sécheresses majeures de l’été 2022.

Les potentielles coupures d’électricité de l’hiver 2022-2023 ne sont donc pas un « nouveau » phénomène après la pandémie, puis après la guerre en Ukraine et à côté du réchauffement climatique, mais l’expression nouvelle d’un même phénomène, celui de la crise générale du capitalisme.

De fait, les coupures d’électricité ne posent pas la question formelle « pour ou contre », mais bien une problématique d’ordre civilisationnel de type : « comment faire pour ne plus arriver dans une telle situation ? ».

De plus, il est fort à parier que l’anarchie du capitalisme associée à la décadence toujours plus prononcée des couches dirigeantes, cette autre expression de la crise générale, vont donner, si elles ont lieu, une tournure ubuesque à ces coupures d’électricité…

La Gauche historique se doit d’être à la hauteur de sa responsabilité en posant le problème au niveau de la civilisation humaine elle-même et non pas se ranger derrière la critique populiste, ou bien derrière un pragmatisme « de gauche » proposant une « autre gestion » plus « équitable », plus « rationnelle » etc.

On ne peut ni être pour, ni être contre les coupures d’électricité, mais on se doit d’élever le niveau de conscience pour embarquer l’Humanité dans la nécessité d’une nouvelle civilisation qui s’épargnera à l’avenir les régressions qu’elle éprouve depuis maintenant trois ans et qu’elle ne va manquer d’endurer si elle ne s’émancipe par du cours des choses.

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Guerre

L’État relance la fabrication d’armes légères Saint-Etienne

Le complexe militaro-industriel se restructure.

Dans les années 1990, avec la fin de la guerre froide, l’industrie de l’armement de petit calibre a subit un net coup de frein à son développement.

Dès 1989, le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement privatisait en quelque sorte le Groupement industriel de l’armement terrestre (GIAT) car l’objectif était à la spécialisation et à l’allègement industriel dans un contexte de baisse générale de l’armement. Le GIAT devenait ainsi Nexter Group en 2005, et entre temps des entreprises emblématiques fermaient leurs portes, telle la Manufacture d’armes de Saint-Étienne.

Fondée en 1864 et héritière des manufactures royales du XVIIe siècles, la « Manu » était connue pour avoir équipé équiper l’infanterie française de son fameux FAMAS, acronyme désignant le « Fusil d’Assaut de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne ». Et depuis cette fermeture, l’infanterie française se fournissait en armes légères à l’étranger, comme avec les pistolets GLOCK autrichiens ou bien les fusils d’assaut HK 416 F allemands.

Mais à l’heure de la crise générale du capitalisme et de sa tendance à la guerre de repartage, la puissance française cherche à « sécuriser » ses équipements pour son modèle d’armée complète, et cela d’autant plus qu’avec la guerre en Ukraine, l’Allemagne se retourne vers son allié historique que sont les États-Unis.

C’est pourquoi il a été envisagé depuis quelques années de reconstruire l’élément de production d’armes de petits calibres dans le cadre du complexe militaro-industriel français. Et c’est l’entreprise Cybergun qui doit se charger de cette besogne… Au départ spécialisée dans les armes de loisirs tels que le airsoft, l’entreprise s’est progressivement tournée vers les armes d’entraînement pour l’armée et la police, puis directement les armes réelles. Ainsi fournit-elle la police des fameux flashball.

C’est cela qui, entre autres, lui a permis de devenir actionnaire majoritaire (65%) dans l’une des dernières manufactures d’armes de Saint-Étienne, Verney-Carron fondée en 1820 et spécialisée dans les fusils de chasse.

Pour freiner son érosion, cette entreprise lançait en 2021 la fameuse marque Lebel avec notamment le fusil d’assaut (VCD15) dont les régimes marocains et malgaches se sont montrés intéressés, le flash-ball Superpro 2, le lance-grenade Le Matru, s’ajoutant aux fusils de précision (VCD10) et mitrailleuses de calibre de 9 mm (VCD9). Ce qui ne l’empêchait pas pour autant d’être sous le coup d’une procédure de sauvegarde depuis septembre 2021…

Il a fallu l’intervention de Cybergun et de sa prise de participation pour sauver cette fabrique d’armes. Dans son communiqué de prise de participation majoritaire de Verney-Carron officialisée en juin 2022, Cybergun déclare viser :

une montée en puissance de l’activité « DÉFENSE & SÉCURITÉ » et notamment de la marque « LEBEL », permettant ainsi de recréer une véritable filière française de l’équipement des forces armées.

Ce qui se passe derrière ce rachat est en réalité une commande de l’État lui-même.

Car Cybergun était depuis 2011 en mauvaise santé financière (sa valeur boursière a fondu de 99 % en quelques années) , à tel point que l’entreprise fut rachetée en 2014 par un fonds d’investissement belge Restarted Investment, lui ayant apporté 20 millions d’euros.

Pour continuer à être soutenu par les marchés financiers, le groupe s’est toujours plus tourné vers le marché militaire, si bien qu’il constitue aujourd’hui l’immense majorité de la rentabilité du groupe. En 2016, il lance une division spécialisée dans le marché des répliques d’armes pour l’entraînement de la police et des armées, division alors dirigée par le général de l’armée de terre (2s), Emmanuel Maurin.

En 2018, il obtient l’accord par le ministère de l’Intérieur pour produire des armées réelles et annonce envisager un partenariat avec un fabricant pour produire des armes de petits calibres.

La pandémie de Covid-19 a été pour l’entreprise une « aubaine » pour concurrencer les autres fabricants d’armes légères, attestant de la restructuration en cours. Comme le dit son PDG Hugo Brugière en décembre 2021 :

Grâce à nos efforts pour augmenter massivement nos stocks à l’été 2019 (les OCABSA [types de titres financiers] n’ont pas servi qu’à éponger la dette), Cybergun a pu considérablement accroître ses parts de marché pendant la pandémie, alors que nos concurrents plus petits (titulaires des rares licences que nous ne possédons pas, comme Beretta et H&K) n’ont pas pu s’approvisionner suffisamment. 

En 2020, Cybergun obtient ainsi en partenariat avec l’autrichien Glock le marché du remplacement des plus de 74 000 pistolets de l’armée de terre.

Puis intervient l’annonce du rachat de Verney-Carron qui ne se réalise officiellement qu’en juin 2022. Entre temps, Cybergun absorbe Vallantur, un équipement de haute technologie tourné vers l’aéronautique et dont sa branche Huard est reconnue dans la fabrication d’emballages haute sécurité pour l’armée. Grâce à cette absorption, Cybergun lance sa filiale Arkania entièrement tournée vers le secteur militaire, disposant de bureaux d’études pour des « armes innovantes ».

Ainsi, le rachat de Verny-Carron par Cybergun permet à celle-ci d’augmenter son capital, et ainsi de passer la barrière des 50 millions d’euros de chiffre d’affaire annuel, condition nécessaire pour répondre aux appels d’offres de l’État lui-même.

Il est donc fort à parier que derrière toute l’opacité de ces rachats et redressements financiers se loge en fait une consigne de l’État lui-même, prise en charge concrètement par la Direction générale de l’armement qui, par le truchement de l’entre-soi mêlant chefs d’entreprises, cadres militaires et dirigeants politiques, vise à remettre sur pied une filière d’armes françaises destinées à l’infanterie.

Nul hasard donc si le député Renaissance Thomas Gassilloud, et président de la commission défense de l’Assemblée nationale, était en visite à l’usine Verney-Carron vendredi 9 décembre. Une conférence de presse a même eu lieu dans les ateliers en sa présence, ainsi qu’avec les patrons de Verney-Carron, de Cybergun et du député Renaissance local, Quentin Bataillon.

Lors de cette conférence de presse, Thomas Gassilloud a notamment déclaré la chose suivante :

On a cru être à l’abri des conflits avec la mondialisation et les intérêts commerciaux (…)

La réalité est apparue brusquement : un conflit de masse, avec de nombreux mobilisés, à forte létalité où la technologie joue son rôle décisif mais pas plus que les hommes et les armes de petits calibre [la guerre en Ukraine]. Or, nous achetons les fusils d’assaut (forces spéciales exceptées) à l’Allemagne, nos munitions à la Belgique, nos pistolets à l’Autriche… »

Verney-Carron passé sous contrôle de Cybergun prévoit ainsi la construction d’une nouvelle usine, avec à la clef la fabrication de 100 000 fusils d’assauts par an à l’horizon 2025. Les débouchés futurs ? Remplacer tous les stocks d’anciens FAMAS en même temps que l’exportation au quatre coins du globe, mais aussi et surtout anticiper l’armement des soldats de la guerre de « haute intensité » à venir. Thomas Gassilloud n’y allant sur ce point pas par quatre chemins :

Rappelons aussi que nous allons augmenter considérablement le nombre de nos réservistes et qu’au-delà, nous devons être en mesure d’équiper une mobilisation plus large encore… 

Voilà qui est donc tout à fait clair et confirme ce qui est dit depuis quelques temps ici : le complexe militaro-industriel français se renforce et par ce renforcement il prend toujours plus d’importance dans l’appareil d’État lui-même.

Ce n’est là ni plus ni moins qu’une expression de la marche à la guerre générale. Et la France s’y jette à corps perdu.

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Restructurations économiques

Les coupures d’électricité posent encore une fois la question de l’opposition ville/campagne

Le chaos du développement propre au capitalisme s’exprime ici.

La situation énergétique en France est catastrophique. Dès cet été, comme il l’avait été remarqué sur agauche.org, un membre de la majorité présidentielle promettait « du sang et des larmes » pour cet hiver.

Nous y voilà et le gouvernement tente de sauver ce qu’il peut sauver en assurant une continuité des activités tout en annonçant clairement de possibles délestages, c’est-à-dire concrètement des coupures d’électricité.

Et lorsque le capitalisme est confronté à une crise d’une telle ampleur, il fait payer les pots cassés aux classes populaires qui sont sa variable d’ajustement.

Cette situation se comprend bien à travers la lecture de l’opposition ville/campagne, que les coupures d’électricité risquent de mettre encore une fois à nu.

En effet, dans son annonce d’un plan de coupures d’électricité, le gouvernement a repris une circulaire du 5 juillet 1990 qui prévoit l’organisation de délestage par zone, en excluant 14 000 sites prioritaires et secrets, mais dont on se doute qu’ils rassemblent les lieux de sécurité, de santé et de la défense.

Cela signifie qu’il sera procédé au cas échéant à des coupures sur des zones d’environ 2 000 habitants qui sont raccordées à la même ligne électrique, soit entre 8h et 13h, soit entre 18h et 20h. Sauf si cette même ligne alimente un site prioritaire !

Ce sont 40 % de la population qui sont quasi certains d’échapper à ces coupures parce qu’ils vivent dans un quartier relié par leur ligne électrique à un site prioritaire. Ainsi de nombreux foyers de grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, vont voir le risque de coupure amoindri car la densité urbaine est telle qu’il sont forcément rattachés à une ligne alimentant un site stratégique.

D’ailleurs, si l’on peut parler de délestage pour un quartier en ville, ce sera plusieurs communes en campagne.

On pourrait se dire « ô et bien c’est comme ça »… Or non car c’est là l’expression de tout un développement réalisé par le capitalisme, ou plutôt à travers le capitalisme, et son anarchie intrinsèque.

Car ce que cela signifie c’est qu’il y a une majorité de gens qui sont éloignés de sites qualifiés de prioritaires mais en fait essentiels à la vie quotidienne, tel un hôpital, un commissariat, une caserne de pompier, etc.

Ce n’est pas un hasard si plus de 6 millions d’habitants vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence, l’immense majorité vivant à la campagne.

A ce titre, un scénario parlant serait celui de la perte d’accès aux donnés mobiles téléphoniques (4g et mobile) car l’antenne relais à côté de chez soi serait touchée par un délestage alors que ne le serait pas l’électricité courante pour chez soi car la ligne serait différente que celle alimentant l’antenne téléphonique !

Dans les grandes villes, ce risque serait là aussi moins prononcé du fait d’un réseau bien plus dense d’antennes relais mobiles qu’à la campagne…

Cela montre combien le capitalisme a concentré ses éléments clefs en ville et sa proche périphérie, à commencer par sa matière humaine tels les cadres supérieurs, les ingénieurs, les directeurs et présidents-directeurs, etc., et les infrastructures fondamentales.

Alors qu’il a dans le même temps expulsé dans la campagne les prolétaires qui travaillent dans des zones industrielles infâmes, se déplacent en voiture sur des routes dangereuses tout habitant dans des maisons uniformisées et loin de tout…

Et maintenant, à ce triste panorama, il faut s’imaginer la pagaille que va être la fermeture de l’école délestée et l’absence de feux de circulation…

Le délestage de l’électricité révèle en fait tout le pourquoi du comment le capitalisme est un mode de production qui est périmé…parce que cette situation est l’expression de tout un système bancal, inégal et anarchique, et que la propension qu’a prise l’opposition ville/campagne illustre parfaitement.

La bourgeoisie croit ainsi qu’il suffit de faire un plan pour « s’adapter » aux « crises », mais c’est une illusion qui masque le fait que c’est bien tout le développement des choses qui est à revoir.

Sans même parler que ces délestages sont le résultat nécessaire de toute une situation historique marquée par la guerre (de repartage) en Ukraine ainsi que par l’écocide (effets de la pandémie sur les retards de maintenance des centrales, sécheresses pour les barrages hydroélectriques…).

Bref, c’est tout le logiciel de civilisation qui est à revoir et au coeur de ce reformatage, il ne peut y avoir que les prolétaires, marqués au fer rouge par l’opposition ville/campagne et qui s’ils s’emparent de la Gauche historique, seront à même de tout surmonter.

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Culture

Le cycle des tendances culturelles selon Jeff Mills

La réédition du disque « Cycle 30 » porte une réflexion et une mise en pratique.

Jeff Mills est ce qu’on peut appeler un des pionniers de la musique Techno venue de Detroit aux États-Unis. Si l’utilisation des machines pour créer de la musique remonte à la fin des années 1970, le style Techno, son nom, son identité est entériné véritablement en 1988 avec la compilation Techno! The New Dance Sound Of Detroit après une décennie d’expérimentations notamment autour du groupe Cybotron.

C’est tout un mouvement qui naît des cendres de la crise de l’automobile. Dans cette grande ville industrielle en désolation, la jeunesse se tourne alors vers les machines, promesse du renouveau.

Né en 1964, Jeff Mills est considéré comme faisant partie de la deuxième vague et il a la particularité d’être toujours là et productif en 2022. Depuis la fondation du label Underground Resistance (UR) en 1989 et le début de sa notoriété en tant que producteur, son travail a toujours été soutenu par une véritable réflexion.

Ainsi le contenu d’Underground Resistance était très politisé et antagoniste, revendiquant le fait d’être quelque chose à part, ne montrant jamais son visage et refusant toute absorption par les grandes maisons de disques.

Pour les membres de ce label, la musique est donc dès le départ une expression relevant forcément d’un mouvement historique, politique, culturel de quelque chose de plus grand, de quasiment cosmique dans le cas de Jeff Mills.

C’est ce qui marque aussi les productions de son label Axis Record créé en 1992 et toujours actif. Résolument tourné vers le futur, très ouvert à de nombreuses influences, il n’a pas cessé de regarder vers les astres.

Jeff Mills aura tenu le fil de sa démarche, sans jamais renoncer à la créativité, et en évitant plutôt brillamment de tomber dans les pièges de la standardisation.

En 1994, il sort un disque emblématique de sa réflexion : Cycle 30. Imprimé en 300 exemplaires en 2022 pour les 30 ans du label, le disque est accompagné d’une longue explication de cette théorie.

Ce chiffre 30 n’est pas un hasard puisqu’il représente pour lui un cycle pour les tendances musicales.

À l’origine, le musicien ayant connu cet incroyable et stimulant bouleversement de la musique électronique, s’est posé la question que toute personne impliquée culturellement dans une scène se pose : comment expliquer ces vagues qui déferlent et vous changent tout un paysage musical, graphique, vestimentaire… Et surtout, quand sera la prochaine ? Peut-on la prévoir ? Peut-on la provoquer ?

Se rendant compte que chaque nouvelle tendance de la culture comporte des éléments d’une ancienne tendance formant ainsi une sorte de cycle, Jeff Mills se penche donc sur les mouvements artistiques de ce début des années 1990 et ceux passés dont voici sa synthèse :

« Les décennies 1930, 1960 et 1990 sont apparues comme les plus fructueuses en termes de progrès, mais les décennies 1920, 1950 et 1980 ont été plus propices à la contemplation et à la formulation d’hypothèses. »

Il cherche ensuite à ancrer ces cycles dans des raisons historiques. Il remarque ainsi que les grandes séquences historiques auraient eu des « réponses créatives » :

« La première guerre mondiale/la grippe espagnole des années 1910, la deuxième guerre mondiale/la fin de l’ère industrielle des années 1940. La guerre froide, la guerre du Vietnam, le mouvement hippie et la conception de l’ordinateur individuel dans les années 1960. Chaque situation a contribué à repousser les limites psychologiques et sociales de la théorie de la réflexion à propos du fait de créer jusqu’à la concrétiser matériellement. »

On peut d’ailleurs noter ici une formulation ne faisant pas de séparation entre ce qui relève de la guerre elle-même, de ses conséquences et de sa critique issue du peuple.

Voici donc pour ce qui est de l’idée générale qui a porté l’album cycle 30 à son origine en tant que mise en pratique ou une tentative de refléter une démarche productive.

Dans le contenu l’album cycle 30 est composé d’une face A qui se présente comme une collection de boucle Techno, elles sont au nombre de huit. Sur un vinyle classique, les sillons forment une spirale et le disque a un début et une fin avec plusieurs pistes se succédant. Sur cette face les huit sillons sont strictement parallèles, les boucles se jouent donc à l’infini.

« Chaque boucle représente toutes les 30 années dans le passé et le futur. À partir du bord extérieur du vinyle, les boucles sont plus raffinées dans leur texture et à mesure qu’elles se rapprochent du trou central (et à travers l’horizon des événements jusqu’au point d’infini – le trou central de la broche du vinyle), les boucles deviennent plus primitives et plus dures. »

Sur la face B, trois titres : Man from the Futur qui aborde la connaissance du passé pour prévoir l’avenir ; Vertical qui «  fait référence à l’idée que la réalité ne passe pas d’un moment à l’autre, mais qu’elle s’accumule et est plus ou moins un processus d’empilement d’informations » ; et Utopia qui affirme les aspirations profondes de l’humain pour l’harmonie, pour atteindre, en ses propres termes « un royaume de perfection et de divinité ». Pour lui, « ce sont les nombreuses interprétations de ce souhait (de ce à quoi ressemble l’Utopie) qui créent les débats, les problèmes, les conflits et les solutions qui ont poussé, et parfois traîné l’humanité en avant. »

L’absence criante d’Utopie de nos jours rend pertinente la réimpression de ce disque, d’autant plus que l’Histoire est de retour. La théorie de Jeff Mills serait-elle sur le point de se vérifier ?

En tout cas on ne peut pas accuser le moine de la Techno de ne pas avoir essayé de participer à l’émergence du nouveau pendant ces dernières années, il a toujours renouvelé ses collaborations, tentant des fusions entre Techno et musique classique ou entre Techno et Afrobeat. Comme avec « Blue Potential », collaboration avec l’orchestre philarmonique de Montpellier ou celle avec le gigantesque batteur Tony Allen juste avant son décès pour l’album « Tomorrow Come the Harvest ».

Mais malheureusement en art comme en politique, il ne suffit pas d’être fidèle à ses principes : rien ne peut se faire sans la conjoncture de l’Histoire, et la base pour ne pas rater le train c’est de faire comme s’il pouvait passer à tout moment.

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Politique

Face à l’OTAN, Marine Le Pen s’enfonce

On assiste au crash de l’extrême droite française.

On le sait : depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, jamais l’extrême-droite française dans ses composantes représentatives, pas plus Marine Le Pen qu’Eric Zemmour, n’a osé s’opposer réellement à l’Otan.

Encore lors de la rentrée parlementaire du 3 octobre, pas un député du Rassemblement national n’a eu le courage de refuser l’adoubement général et belliciste de l’Assemblée nationale, alors ornée de drapeaux ukrainiens, à l’ambassadeur de Kiev en France.

Lors d’une interview sur l’émission « Punchlines » animée par Cnews-Europe 1, chaînes connues pour leur populisme outrancier, Marine Le Pen a de nouveau tenté un exercice d’équilibriste, qui se résume en fait très concrètement à un suivisme vis-à-vis de l’Otan.

Elle s’est ainsi déclarée opposée à nouvelles livraisons de canons Ceasar à l’Ukraine, au motif que cela diminuerait la « sécurité nationale ». Elle a critiqué les va-t-en-guerre et appelé à des « pourparlers », et on sent que c’est là une perspective bricolée. Puis, sans aucun esprit de conséquence avec le reste, elle s’écrase :

« Je pense que transmettre du savoir-faire, des formations à l’armée ukrainienne, du matériel de protection, des gilets pare-balles, etc., aller livrer du matériel lourd dont, encore une fois, nos armées ont besoin, est affaiblir et prendre un risque pour notre sécurité intérieure. »

Marine Le Pen adopte ainsi une posture bien timide tout en se parant des vertus de grande opposante car elle aurait été la seule qui depuis le début aurait critiqué ces livraisons d’armes lourdes.

Pourtant, on notera qu’aucun extrait de ses propos ne sont publiés sur son compte Twitter, à l’inverse de déclarations sans grande surprise sur l’immigration, l’insécurité, les difficultés sociales, etc.

Car Marine Le Pen est comme tous les autres représentants politiques : elle cherche à éviter au maximum le sujet brûlant de la guerre car elle sent que le cours de l’Histoire a dorénavant basculé en sa défaveur et qu’il lui faudrait bien expliquer, par une sacrée contorsion, qu’elle reste la voix du nationalisme français…tout en ayant abandonné la France à l’Otan, donc aux États-Unis. Alors aux contorsions, est préférée au mieux l’esquive, au pire la tiédeur centriste.

Cela pose un problème, et non des moindres, pour le nationalisme français. La France, ce n’est pas l’Italie avec une Droite et une extrême-Droite qui a toujours été pro-États-Unis et pro-Otan, du fait du partage nucléaire et des multiples bases américaines, expliquant d’ailleurs la position pro-Otan de Giorgia Meloni.

En France, pour se poser en champion du nationalisme, difficile de ne pas assumer la tradition gaulliste, dont le point d’orgue a été les années 1960 avec la mise en place de la dite « autonomie stratégique » construite autour d’une armée complète et surtout d’une « dissuasion » nucléaire déployée sur les trois champs de la conflictualité (terre, air, mer).

C’est d’ailleurs toute la subtilité des propos de Marine Le Pen : refuser l’abandon de canons Caesar pour s’attirer la sympathie de certains officiers inquiets de la situation des armées, tout en rassurant l’Otan, en fait les États-Unis, sur le soutien avec les formations militaires.

La France est en effet connue et reconnue par les pays du capitalisme occidental comme ayant une grande tradition militaire dans les modalités de formation des armées, expérience des répressions des mouvements anticoloniaux oblige.

Mais quand l’Histoire roule à grande vitesse comme aujourd’hui, la subtilité ne compte plus. Ce qui compte c’est la capacité à assumer une position fidèle à sa conception justement historique.

La vérité c’est que Marine Le Pen essaye de composer bien maladroitement entre le nationalisme et la réalité d’une France moribonde bien incapable de se maintenir sans la force de frappe économique et militaire des États-Unis.

Si la France comme nation reléguée a été la situation qui a apporté de l’eau au moulin du nationalisme-social de Marine Le Pen, cela s’est retourné en son contraire depuis le 24 février 2022, voire même depuis l’irruption de la pandémie de Covid-19.

La France est tellement rabougrie que son sort est scellé : au sein du monde capitaliste qui marche vers la guerre entre les deux superpuissances américaine et chinoise, l’avenir de la France se fera en soumission à l’Otan. Il n’y a pas d’alternative possible pour la bourgeoisie, en tous cas pour l’instant.

La fraction de la bourgeoisie représentée par Marine Le Pen n’a plus les leviers politiques, culturels, idéologiques pour s’assumer telle qu’elle est. Elle est K-O et à la dérive totale. En réalité, c’est toute la bourgeoisie française qui est dans cet état et laisse donc les États-Unis piloter tant bien que mal la marche du capitalisme occidental, en espérant pouvoir mettre quelques limites de ci, de là…

Même s’imaginer taper très dur sur les travailleurs, car il faudrait vraiment taper très, très fort, pour ramener une croissance telle que le capitalisme français pourrait s’assumer indépendant, est devenu un rêve nationaliste inatteignable. Ainsi, même un nationaliste qui chercherait à le rester jusqu’au bout, risque de basculer en fait dans le camp du socialisme.

Ce qui laisse l’espace à qui voudra assumer la Gauche historique. Car la relance générale d’une France indépendante, sur les plans économique et social mais aussi moral et culturel, ne peut se faire qu’avec la classe ouvrière au poste de commandes, avec le Socialisme.

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Guerre

« Le militarisme » par Frans Fischer (1902)

Extrait d’une brochure anti-militariste écrite par le militant socialiste belge Frans Fischer en 1902.

La raison capitaliste  

A vrai dire, l’hypocrite et monstrueuse mégalomanie des rois et autres pasteurs des peuples ne suffirait pas à justifier l’existence d’armées permanentes, alors que ces peuples eux-mêmes demandent ardemment la paix.  

Le militarisme est un mal nécessaire à l’existence même du régime capitaliste. C’est grâce à lui, grâce à sa force, que des hommes qui ne se laisseraient pas dépouiller impunément, sont frustrés des richesses qu’ils ont créées et dont ils sont les maîtres légitimes.  

Si l’on voulait, en les dégageant des mensonges voulus de l’histoire, rechercher les causes de toutes les guerres qui ont ensanglanté l’humanité, on devrait bien vite reconnaître que toujours ces causes furent économiques et que les luttes visaient la conquête de richesses par la force. A plus forte raison, dans une société basée sur la libre concurrence, où les plus grands et les plus puissants doivent nécessairement écraser les plus petits et les plus faibles, la guerre et son expression immédiate, le militarisme doivent inévitablement perdurer.  

Sans doute, lorsqu’on envisage la politique internationale moderne, on peut affirmer que les guerres entre peuples civilisés d’un même continent deviennent de moins en moins fréquentes. C’est la conséquence du régime de la paix armée qui a contraint toutes les nations à augmenter leurs charges militaires, à s’armer jusqu’aux dents et à créer, par des alliances, ce qu’on appelle notamment l’équilibre européen. C’est la paix du chat et du chien qui s’épient et se gardent bien de commencer l’attaque, parce qu’ils savent réciproquement que le chat possède des griffes et que le chien a ses crocs.  

Mais du moment où l’on croit l’adversaire inférieur en force, où l’on est certain de l’indifférente inaction des autres puissances, la guerre est bien vite déchaînée. Qu’un pays réputé inférieur ait le malheur de recéler des richesses, et l’on verra d’autres nations, sous le mensonger prétexté de civilisation et d’expansion coloniale, se ruer sur ce malheureux peuple et, par le fer et le feu, lui dérober ses biens et sa liberté.  

Aussi l’on comprend que tous les « glorieux faits d’armes « des guerriers de nos jours constituent en réalité des brigandages d’individus munis d’armes perfectionnées contre des pauvres gens sachant à peine se défendre ; le pillage du Palais d’Eté, les exactions des Français au Tonkin et à Madagascar, les exploits de nos coupeurs de mains au Congo, des civilisateurs hollandais à Atjeh, et des bourreaux anglais au Transvaal, tout cela révèle la même cruauté, la même lâcheté et la même cupidité des capitalistes. Humanité, Justice, défense des petits et des opprimés sont autant de mots qui disparaissent lorsqu’on invoque la nécessité de conquérir la richesse sans travailler.  

Conquérir et conserver la richesse, car les armées ont un double rôle. 

[…] 

Dans la société capitaliste, cette paix universelle ne saurait être qu’une utopie, puisque le régime tout entier procède de la lutte et de l’écrasement des faibles par la force. C’est en supprimant les causes fondamentales de la guerre et du militarisme, les antagonismes économiques, que l’on fera disparaître à jamais ces deux maux.  

Le Socialisme a pour mission de détruire les causes de lutte et de souffrance ; en établissant la justice sociale, en restituant aux travailleurs la part de richesse et de liberté qui leur revient légitimement, en proclamant la solidarité internationale de tout ce qui travaille, pense et crée, il fera définitivement la paix entre les hommes.  

Et d’un grand geste libérateur, il appellera l’humanité à consacrer, à donner tout son merveilleux effort, non plus aux œuvres de haine et de destruction, mais à l’amélioration, à l’épanouissement, à la glorification de la vie.  

Qui veut combattre la guerre, doit lutter contre le militarisme et aider au renversement du capitalisme.

Qui veut la paix doit rechercher la justice toute entière dans le Socialisme. 

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Société

Coup de pression des grands laboratoires pour préserver leurs marges de profit

L’État est incapable de collectiviser ce secteur de la santé.

À partir du 14 novembre une prétendue grève est déposée par le syndicat « Alliance de la biologie médicale » (ABM), suite à la volonté du gouvernement de « récupérer » 250 millions d’euros chaque année pendant 4 ans en réduisant les tarifs des actes pratiqués par les laboratoires.

En signe de protestation, de nombreux laboratoires ont décider de fermer leurs portes en plus d’avoir suspendu les remontées du nombre de tests covid positifs. Les dirigeants des groupes de biologie médicale, représentés par l’ABM ont proposé une contribution exceptionnelle en rapport avec les profits des seules années 2020 et 2021.

Derrière cette alliance syndicale, on retrouve les plus gros laboratoires de France tels que Biogroup un leader européen avec 25 % de parts de marché dans le secteur, ou encore le groupe Inovie qui possède plus de 500 laboratoires en France et Cerba Healthcare, 600 laboratoires en France et présent dans 11 pays d’Afrique qui est également signataire de la « grève ». À eux trois, BiogroupInovie et Cerba représentent 40 % du marché.

C’est que le secteur est soumis à d’intenses fusions-acquisitions depuis les années 2000, pour arriver à une situation rapprochant chacune de ces enseignes d’une situation de monopole. En France il y avait 5000 enseignes de laboratoires en 2008, aujourd’hui elles ne sont plus que 400.

À ce titre, le chiffre d’affaire de Biogroup est passé d’un chiffre d’affaire estimé à 600 millions en 2019 à 950 millions d’euros en 2020, 1,3 milliards en 2021. Celui d’Inovie de 465 millions en 2019, à 741 millions en 2020, un peu plus de 1 milliard en 2021. Chez Cerba on est autour du milliard en 2019, 1,3 milliard en 2020 et 1,5 milliards en 2021.

On voit donc bien que les profits de ces groupes ne datent pas du covid et que la privatisation de la santé est un problème général, mais ceux-ci ont en effet augmenté de 85 % durant la pandémie.

Mais ce qu’il faut saisir, c’est que plus le capital grossit, plus d’argent est emprunté, le covid et la confiance des marchés dans ce secteur en ayant amplifié le montant. Ainsi par exemple Biogroup a emprunté un total de 2,8 milliards d’euros en 2021 afin de stabiliser son capital et pouvoir continuer sa série de rachat de laboratoires en France et en Europe.

Il y a donc d’un côté une intense activité de concurrence nécessitant toujours plus d’emprunts pour ne pas perdre sa place, de l’autre, tout ce beau monde s’organise pour la défense de leur intérêt commun à pouvoir continuer à se manger entre eux.

C’est cela que défendent les syndicats de biologistes en fermant les laboratoires qui, plutôt qu’une grève, est un véritable coup de force antipopulaire pour faire pression sur le gouvernement.

C’est un secteur qui a eu un rôle de premier ordre d’un point de vue social durant la pandémie de covid-19, mais les premières lignes étaient davantage les étudiants en médecine, les secrétaires, les employés de laboratoire, les transporteurs des écouvillons que l’Alliance de la Biologie Médicale. Si l’on parle de grève, on s’attendrait à avoir l’avis de ces personnes sur les bénéfices faits par le cartel des biologistes…

Malheureusement l’activité exemplaire de ce secteur ne permet pas une collectivisation de cette richesse pour l’ensemble du secteur de la santé : l’hôpital public, les EHPAD qui sont dans un état catastrophique.

On est face à une contradiction typique de notre époque. La pandémie avait en effet obligé le gouvernement à faire un pas dans le collectivisme en tentant de faire primer le bien-être collectif dicté par la lutte contre le virus avec la politique du « quoiqu’il en coûte ».

Désormais tout un pan de l’économie s’apprête à s’écrouler avec le retour du libéralisme débridé et l’État ne veut assumer ce qui va avec, c’est-à-dire l’austérité en rognant sur les budgets de la sécurité sociale. Alors il tergiverse et s’enfonce dans ses propres contradictions, soulevant une pierre bien trop grosse pour lui : grappiller quelques miettes de profits pour mieux esquiver la nécessité de collectiviser les laboratoires de biologie médicale.

Car collectiviser le secteur de la santé est comme ailleurs une urgence d’époque que seule la Gauche historique est en mesure d’assumer.

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Guerre

L’exercice SERRAT 2022 en Ardèche, une préparation à la guerre psychologique

L’armée française teste sa propagande politico-militaire sur la population civile.

La guerre n’est pas qu’une question de rapport de forces militaire entre différentes puissances qui s’affrontent, le domaine de l’information est d’une importance cruciale et impliquer les populations derrière les intérêts militaires de telle ou telle puissance est essentiel pour préparer une intervention ou pour tenir dans la durée.

Il est impossible de faire la guerre sans le soutien de larges pans de la société civile qui composent « l’arrière ». On peut même carrément affirmer que les deux précédentes guerres mondiales ont démontré que la qualité des arrières était l’aspect central dans le succès militaire, du fait de l’inéluctable guerre d’usure qui s’impose lorsque le conflit s’ancre dans la durée.

En France, le vaste dispositif militaire compte en son sein un organisme dédié spécialement à cette tâche, rattaché directement au renseignement militaire. En plus d’être spécialisé dans les actions armées en relation avec les civils, le Centre interarmées d’action sur l’environnement (CIAE) est aussi spécialisé dans les opérations psychologiques.

Basée à Lyon, cette unité de 200 militaires (plus 100 réservistes) regroupe depuis le 1er juillet 2012 la Coopération Civilo-Militaire (CIMIC) et les Opérations Psychologiques ou Opérations Militaires d’Influences (OMI).

Elle est chargée de réfléchir à l’organisation de la propagande militaire dans les zones de conflit avec comme horizon l’idée émise par l’ex-chef d’état-major des armées Pierre de Villiers comme quoi « gagner la guerre ne suffit pas, il faut gagner la paix ».

Pour cela, il faut être en mesure d’impliquer les gens et lorsqu’on est une armée qui est de fait séparée de la vie quotidienne, qui plus est au service d’intérêts antipopulaires, cela ne va pas de soi.

Les missions civilo-militaires remplies par le CIAE visent donc à contre-carrer toute tentative de la population de s’organiser sur ses propres bases lorsqu’un conflit survient et qui occasionne forcément un chaos antisocial. Il faut donc militariser la société civile, c’est-à-dire faire encadrer toutes les activités essentielles d’une région par l’armée pour éviter de laisser le terrain vacant…

Voici par exemple une illustration de ce type d’action lors de l’opération Serval au Mali entre 2013 et 2014 donnée par Renaud Ancelin, chef du corps du CIAE en 2017, dont on comprend aisément qu’elle est une opération de propagande militariste opposée à l’émancipation populaire :

« Le marché de Gao est, comme dans tous les villes ou villages d’Afrique, le centre de vie de la cité, mais aussi de la région. Le marché a été détruit dès le début du conflit, lors de la descente des terroristes vers le sud. Après que la ville a été libérée par la force Serval, l’officier responsable des APEO dans la partie nord du pays, décidait de mener, dans le cadre des ACM [Action Civilo-Militaire], la reconstruction de ce lieu de vie. Son objectif facial était de montrer à la population locale que Serval était là pour les aider à retrouver une vie normale (…).

Les équipes d’ACM ont donc aidé les entreprises locales à reconstruire le marché. Les OMI [Opérations Militaires d’Influences] ont permis de multiplier les contacts avec les acteurs locaux, les autorités et les relais d’influence afin de leur expliquer nos opérations et de faire accepter la présence de la force, mais également de lutter contre le soutien local résiduel aux groupes terroristes qui pouvait perdurer dans la région. »

Depuis 2021, le CIAE va plus loin dans sa maîtrise de la propagande avec une doctrine qui assume clairement le fait que « l’information fausse, manipulée ou subvertie, est une arme ». Dans ce cadre, « la possibilité de diffuser de fausses informations afin de tromper l’adversaire ou de convaincre les acteurs d’une crise d’agir dans le sens souhaité ».

Cette semaine, du 14 au 18 novembre, cet organisme se prépare donc à utiliser la population civile du nord de l’Ardèche dans le cadre de l’exercice interarmées baptisé SERRAT en collaboration avec des militaires belges et espagnols.

Les symboles employés, l’OTAN d’un côté et un symbole représentant le communisme de l’autre, veulent tout dire. C’est aussi une manière de désigner la Russie comme ennemi, bien sûr, de manière caricaturale. Mais c’est également et surtout, du point de vue de la Gauche historique, un reflet du caractère d’affrontement que prend la lutte des classes. La bourgeoisie assume le combat contre-révolutionnaire.

Le scénario présenté publiquement sur le site des mairies où va se dérouler cet exercice parle d’une situation de guerre civile ou d’une insurrection des secteurs séparatistes de la population. On retrouve ici les récits d’anticipation avec notamment une Red Team composée de dix auteurs de science-fiction chargée de proposer à l’armée de tels scénarios en vue d’exercices.

Voici la présentation du scénario que l’on peut trouver sur le site de la mairie de Vernoux-en-Vivarais où doit se dérouler l’exercice :

« Cet exercice interallié se propose de nous immerger dans un contexte de crise en nous plongeant dans la situation d’une province, l’Isardro dont la capitale est Valence, venant de faire sécession avec sa nation mère, la Saupaudie. Sur fond de tensions ethniques voyant s’opposer Avernes (population majoritaire de l’Isardro) et Saupaudiens (forte minorité en Isardro et soutenue par son ancienne nation mère), la Saupaudie envahi l’Isardro jusqu’à l’intervention de l’OTAN.

Au début de l’exercice, notre commune issue de la minorité saupaudienne, a déjà subi les affres de la ségrégation averne et est donc plongée dans les marasmes d’un conflit qui semble se finir. Les équipes s’entrainant lors de l’exercice SERRAT 2022 auront la lourde tâche de dialoguer avec une population en souffrance afin de lui éviter de retomber dans les travers qui ont plongé son pays dans la guerre. »

A ce titre, le fait que cet exercice soit communiqué publiquement plusieurs semaines avant fait sûrement déjà partie de l’exercice tant les activités militaires sont généralement opaques. Ici, l’enjeu est bien de tester la population, de voir comment l’armée est à même de s’intégrer dans la société civile pour mieux désamorcer tout ce qui pourrait sortir du cadre pensé par l’état-major.

Couplé à la hausse du budget militaire et aux multiples exercices dits de « haute intensité », un tel exercice psychologique illustre comment l’armée française se prépare à une guerre généralisée qui implique tous les aspects de la vie d’un pays capitaliste moderne, bien loin des OPEX des années 1990-2000.

Si elle se veut pacifiste et démocratique, la Gauche se doit de dénoncer les mises en œuvres du Centre interarmées d’action sur l’environnement qui ne vise qu’à approfondir la militarisation de la société toute entière en vue de la conditionner à la guerre mondiale de repartage.

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Culture

« Teen Beat » nouveau clip du groupe Automatic

Le nouveau clip d’un album retro acidulé.

Le groupe de new wave Automatic vient de sortir le clip du titre Teen Beat, faisant suite aux trois autres marquant la sortie de l’album « Excess » sorti en juin dernierAprès le débordant d’énergie « Signal », sorti en septembre 2019, le trio féminin, composé notamment de la fille du batteur du groupe de post-punk Bauhaus, nous propose dix titres aux atmosphères plus variées.

Teen Beat est un titre marqué par des sonorités distordues et ponctué d’un rire métallique sur le quel viennent se superposer des images évoquant la destruction de la nature sous plusieurs formes. Les paroles évoquent un conflit soit générationnel autour de l’écologie ou entre les victimes de l’écocide et ses responsables, tandis que le clip semble montrer une génération qui essaye de composer entre vivre sa jeunesse et anticiper un avenir sombre.

Le reste de l’album n’est pas moins intéressant, voir davantage, les artistes le qualifient elles-mêmes de « dystopique » mais l’ambiance n’y est pas pour autant nihiliste.

New Beginning est le morceau le plus révélateur d’une démarche entre bilan effronté et refus de ranger ses espérances dans le placard de la morosité. Les accords de basse et les percussions sont entraînants, et les nappes synthétiques sont fulgurantes, rugueuses et robotiques. Avec même quelques notes électroniques, ajoutant une ambiance presque mystérieuse.

Les paroles évoquent l’espoir d’un nouveau départ avant la fin du monde, ailleurs dans le cosmos.

The stars will light the way / Les étoiles éclaireront le chemin

Though we face resistance / Bien que nous rencontrions de la résistance

There’s hope to make it out / Il y a de l’espoir pour s’en sortir

And I can still remember dancing / Et je me souviens d’avoir dansé

I been hearing music play / Avoir entendu de la musique

Maybe there’s enough to save us / Peut-être qu’il y en a assez pour nous sauver

Maybe there’s enough to dream / Il y en a peut-être assez pour rêver

L’univers des clips superposent les périodes dite des « trente glorieuses » et celle de la fin des utopies, les années 1990, dans un style résolument retro avec une image texturée et acidulée. 

New Beginning nous rappelle par exemple à quel point on pouvait rêver d’un mode de vie différent, que ce soit dans les représentations type science-fiction occidentale ou dans l’imagerie soviétique. 

Skyscraper, montre en revanche comment la monotonie capitaliste a mis fin aux idéaux, on ne rêve plus de conquérir l’espace, les gens sont transformés en des robots dans des bureaux et les esprits sont pervertis.

No country or cause / Pas de pays ni de cause

You’re lost in the fog / Tu es perdu dans le brouillard

Your skin fits so tight now you can’t move at all / Ta peau est si serrée que tu ne peux plus bouger du tout.

Certains morceaux vont sur des thématiques précises, comme la condition féminine avec Venus Hour qui dénonce avec poésie les standards sexistes de trois époques différentes (successivement les années 1930, 60 et 90).

Du point de vue ambiance, le morceau Realms fait exception et dénote d’une sorte d’abattement face à « un monde si irréel » et une volonté de lâcher prise.

Alors que composé en grande partie avant la guerre, on a en somme un album qui reflète déjà une époque où se projeter est compliqué pour la jeunesse, les perspectives utopiques étant bien maigres. Automatic est en tout cas un de ces groupes qui pourrait bien saisir et refléter avec sensibilité un grand idéal commun quand l’avenir sera plus clair.

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Écologie

En Chine, l’usine de l’horreur

L’humanité persiste à basculer dans l’horreur.

Touchée par une épidémie de fièvre porcine africaine (FPA) depuis 2019, la Chine a investi des millions d’euros pour la construction de gratte-ciels d’élevage monstrueux pouvant contenir 650 000 cochons sur 26 étages, afin de reconstituer son cheptel de porcs et garder sa place de premier producteur de viande porcine.

Si celui-ci était auparavant en grande majorité réparti sur des exploitations paysannes, la filière chinoise prend un virage entièrement industriel sur le modèle européen. Un modèle porté à son paroxysme dans la négation de la vie des animaux et sans aucune garantie d’être épargné par l’épidémie qui continue à se répandre dans le monde.

L’immeuble-usine est ainsi climatisé à chaque étage pour aérer les salles, de la même manière que chaque porc verra sa température suivie à la trace numérique afin de détecter au plus vite tout cas de fièvre porcine. Avec ces immeubles-usines, on est dans le pire du capitalisme avec sa mentalité infâme qui veut qu’on pourrait « produire » de la matière vivante comme bon nous semble, sans se soucier d’aucune sensibilité.

Les épidémiologistes annonçaient en 2019 qu’un quart du cheptel mondial pourrait être menacé, la chine ayant sur son sol 400 millions de porcs destinés à la consommation et à l’exportation, c’est près de 100 millions d’individus en moins que la filière cherche à compenser dans ces élevages hyper-concentrés. L’idée est de garder les animaux confinés pour défier le virus et ainsi préserver le marché de la viande porcine.

Même si les cas se multiplient en Europe, la France a vu ses exportations vers la Chine augmenter de 55 %. À ce titre la coopérative agricole et agroalimentaire du Grand Ouest revendique être passée de 70 000 tonnes de porc exportée vers la Chine en 2020 à 85 000 en 2021. En 2021 également, un accord a été signé entre la Chine et la France pour pouvoir continuer ces exportations même si un élevage en France venait à être touché par la FPA.

Rien que cela montre à quel point mentent tous ceux qui parlent d’avancées pour les animaux puisque de grandes entreprises proposent des gammes de nourriture végétale… Au contraire, les animaux subissent une situation toujours plus infâme, toujours plus dégradante, toujours plus insoutenable.

Tout est fait pour que les choses continuent comme si de rien était, tant en France qu’en Chine alors que de nombreux rapports pointent la responsabilité de la concentration de l’élevage associé à la déforestation comme source des zoonoses.

Notons que dans le cas de ces « porcheries gratte-ciel » on se trouve à Ezhou non loin de Wuhan. Une ville à l’expansion galopante, mordant sur les forêts alentours et où la proximité entre animaux d’élevage et animaux sauvages a été pointée dans le cadre du covid-19. Bref, l’Humanité n’a décidément aucune envie d’apprendre de ses erreurs, pire elle persiste à basculer dans l’horreur.

Le seul moyen de sortir du cercle vicieux menant aux pandémies et aux ignobles abattages préventifs d’animaux d’élevage, c’est évidemment d’arrêter la consommation d’animaux et de produits d’origine animale. Non seulement parce que c’est ignoble moralement de considérer des animaux comme des objets-marchandises, mais aussi parce que les épidémies de zoonose en sont le revers tout comme les émissions de gaz à effets de serre.

Que de telles choses soient encore possibles en 2022 révèle bien que l’Humanité a besoin d’une grande vague morale qui soit en mesure de la purifier de toutes les horreurs qu’elle commet…

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Politique

L’extrême Droite a loupé le train de l’histoire…et c’est tant mieux

Pour la sortie de l’OTAN, place à la Gauche historique.

Sur agauche.org qui suit en long et en large depuis maintenant avril 2021 le conflit en Ukraine, il n’a pas été cessé de rappeler que cette guerre, loin d’être une fantaisie sortie de la tête de Poutine, relevait d’une tendance générale à la guerre de repartage du monde.

Chaque jour confirme cela et il va sans dire qu’une telle réalité amène fatalement les choses à prendre des tournures d’importance. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on fait de la politique : nier ou contourner la guerre en Ukraine dans ses implications totales, c’est se couper de l’Histoire en marche.

Cela, les lecteurs assidus d’agauche.org l’ont bien compris. Ce qui amène à cette autre question qui ne manque d’émerger : si la politique est dorénavant conditionnée à des prises de positions sur ce conflit, qu’en est-il de l’extrême Droite ? Car force est de constater que l’extrême Droite qui a repris le flambeau du néo-gaullisme soulève une pierre trop grande pour elle, pour ne pas dire insoutenable en pratique comme il l’a été dernièrement remarqué.

Oui mais alors, au-delà de l’impossible néo-gaullisme du fait de ses vaines prétentions d’indépendance nationale, l’extrême Droite n’est-elle pas vue comme une force pro-russe ? Question tout à fait sérieuse et qui montre le rouleau compresseur de l’histoire en marche. Car oui, plus qu’être vue comme telle, l’extrême Droite a toujours entretenu des liens directs avec le régime de Poutine. Cela s’explique notamment par sa défense d’un ordre traditionnel-conservateur contre un occident « dégénéré » (et en réalité capitaliste décadent).

A moins d’être de mauvaise foi, l’extrême droite ne peut qu’admirer le discours critique de Poutine contre la propagande LGBT et la transformation des états civils en « parent n°1 et parent n°2 ». D’ailleurs, c’est pour cette raison que Marion Maréchal accompagnée de Thierry Mariani et d’André Kotarac, alors cadre de LFI, se rendaient en Crimée au Forum économique de Yalta en avril 2019.

« Je ne suis pas d’accord avec Mariani et Maréchal sur de nombreux sujets. Mais sur la défense de la souveraineté et sur la nécessité de s’allier à la Russie, je suis d’accord », disait Andréa Kotarac, qui devait passer au Rassemblement National quelques jours après ce voyage en Crimée.

En dehors des (très minoritaires) nationalistes-révolutionnaires qui soutiennent depuis 2014 les clans néo-nazis intégrés dans l’armée ukrainienne, donc l’OTAN, l’extrême Droite française est évidemment pro-russe, comme preuve renouvelée de son impossible néo-gaullisme.

Mais le problème historique, c’est bien que cette extrême Droite française s’est couchée et pas qu’un peu. Il peut bien y avoir des prises de position individuelles de-ci, de-là, et il est fort à parier que les discussions en « off » soient critiques de l’OTAN et des États-Unis. Il n’en reste pas moins vrai que l’Histoire ne se fait pas « en coulisse » mais devant la face du monde et sur ce terrain là, l’extrême Droite française a choisi de s’aligner sur l’OTAN et les États-Unis.

Aucun député RN, pas plus que LFI, n’a eu le courage de ne pas applaudir et de refuser de soutenir l’ambassadeur ukrainien lors de la session de rentrée parlementaire du 3 octobre. Voilà tout, fin de l’histoire. Mais maintenant, qui prendra au sérieux demain le RN ouvertement pro États-Unis et pro-OTAN ? De la même manière que la chance de se « rattraper » en réassumant ouvertement son soutien à la Russie s’éloigne toujours plus, à tel point que l’on peut dire qu’elle est même définitivement passée.

De fait pour l’extrême Droite, son espace-temps politique aurait été d’assumer le positionnement pro-russe, en attendant que justement l’histoire, toute l’Histoire se déroule, mais cela demandait d’être contre vents et marées. Et l’extrême Droite est une force bien trop corrompue pour assumer un quelconque antagonisme. Il suffit de voir le vacarme populiste qu’elle fait à propos de l’horrible meurtre de la jeune Lola alors même qu’elle reste silencieuse sur le fait que l’on est au bord d’une guerre mondiale, pour voir qu’elle a été court-circuitée par l’histoire.

Le souci pour l’extrême Droite, c’est que le soutien pro-OTAN, pro-États-Unis relève historiquement du camp libéral et social-libéral. Robert Ménard, lui ne s’y est pas trompé et a depuis le 24 février 2022 rejoint de manière assumée le camp pro-OTAN, quand bien même il fut ces dernières années un des acteurs importants de la dite « droite hors les murs » qui réunissait en réalité les forces pro-russes tels Mariani et Maréchal. Voici par exemple ce que déclarait Marion Maréchal lors du Forum économique de Yalta de 2019 :

Les Russes se souviennent de mes positions dans le débat français, loin de celles de l’élite libérale. Ils invitent les acteurs européens qu’ils perçoivent comme de bons interlocuteurs pour eux.

Même si cela était visible avant, il est maintenant évident que la guerre en Ukraine comme expression de la tendance à la guerre de repartage mène à la polarisation entre la superpuissance américaine et la superpuissance chinoise. Les puissances de second ordre, tels que la Russie, la France, l’Italie, etc., n’ont plus les moyens de leur indépendance et doivent obligatoirement se positionner sous tel ou tel giron au risque de perdre tout crédit.

A moins d’être fidèle à la Gauche historique et de refuser ce réalisme capitaliste, au nom de valeurs réelles, historiques, révolutionnaires.

Le fait même que l’extrême Droite ait loupé le coche met ainsi sur le devant de la scène le retour de la Gauche historique comme force de proposition en France – à condition de comprendre que l’aspect principal de l’évolution du monde, c’est l’affrontement sino-américain pour l’hégémonie mondiale.

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Guerre Refus de l’hégémonie

La fin de l’utopie bourgeoise

L’utopique mondialisation s’est une nouvelle fois évanouie.

Hier, utopie du chemin de fer et de l’acier, aujourd’hui utopie de l’entrepôt et du conteneur, le rêve d’une humanité unifiée à travers les flux économiques parcourt le monde depuis que le capitalisme s’est réellement élancé au seuil du XIXe siècle.

Car la mondialisation telle qu’on l’entend aujourd’hui n’a pas commencé comme cela est souvent dit en 1991, mais véritablement au XIXe siècle lorsque se sont constitués les premiers trusts internationaux exportant leurs capitaux aux quatre coins du globe.

Et déjà en cette fin de siècle qui avait vu fleurir les mouvements de libération nationale, nombreux étaient les commentateurs proclamant la fin des guerres grâce au règne de la dépendance économique généralisée, alors baptisée « première mondialisation ».

A tel point que la Ligue internationale de la paix et de la liberté fondée en 1867 à Genève avait intitulé son organe « Les Etats-Unis d’Europe ». Il en allait d’une portée historique, celle d’un capitalisme bâtissant une nouvelle civilisation pacifiée. Douce et vaine illusion bourgeoise : le développement des richesses nationales restait fondé sur de puissantes inégalités entre pays, formant le lit de la rancœur et du nationalisme.

Si l’illusion fut critiquée théoriquement par quelques grandes figures du mouvement ouvrier international, tel par-exemple Rosa Luxembourg et Lénine à travers deux articles que sont « Utopies pacifistes » et « Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe », l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale se chargea du reste.

Maintenant soyons lucides. La « mondialisation » de l’après-guerre froide ne fut rien d’autre qu’un retour à l’élan de cette « première mondialisation ». De cet élan qui fit le bonheur des capitalistes de grandes puissances, trop content de s’élancer à la conquête des terres vierges de l’Est et de l’Asie, enfin domestiquées par l’économie de marché.

Hier comme aujourd’hui, l’illusion ne pouvait durer qu’un temps, le temps d’un cycle d’accumulation du capital. Un cycle qui a vu certains pays stagner, d’autres fleurir, le tout dans le chaos mondial d’une économie de marché qui devient tôt ou tard le tremplin pour une grande guerre de repartage.

Et c’est dans cette conjoncture historique que reprend forme le fameux « retour des nations », ce retour en arrière qu’a déjà connu l’Europe et le monde au seuil de 1914 et qui atteste la péremption de la bourgeoisie comme porteur de la civilisation humaine.

Ce processus qui prend partout en Europe, d’une manière ou d’autre, la forme d’un relatif retrait de certaines règles communautaire de commerce, voir carrément l’autonomisation de certaines chaînes d’approvisionnements économiques mondiales, à l’instar de l’industrie des semi-conducteurs.

À la télévision américaine CNN, Emmanuel Macron déclarait récemment d’une manière pragmatique qui sous-entend clairement la tendance à la guerre de repartage :

Il faut passer d’un monde où l’interdépendance et le commerce étaient un moyen d’éviter les guerres, à un monde où il faut être autonome et indépendant.

Ce qui se passe est donc tout à fait simple. La bourgeoisie a historiquement et positivement constitué des marchés nationaux à travers un processus d’unification sociale et culturelle nationale, puis de cet élan s’est constitué une spécialisation des économies alors interdépendantes, donnant lieu à un marché mondial, une « mondialisation ».

Mais la bourgeoisie ne peut aller jusqu’au bout de ce processus car sa portée historique est fondée sur l’économie de marché qui connaît des antagonismes économiques et des développements inégaux entre pays. Le clash est tôt ou tard inéluctable, et le retour à la base du marché national incontournable.

Le Brexit était déjà annonciateur de tout ce processus historique et les événements historiques de ces cinq dernières années n’ont fait que confirmer une accélération des choses.

Il y a évidemment l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les poussées des forces nationalistes un peu partout en Europe, comme en France avec les 89 députés RN élus en juin, en Suède avec les « Démocrates de Suède » devenu deuxième force politique du pays aux dernières élections législatives, et dernièrement en Italie avec la poussée fulgurante de la figure de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, passée de 4,35 % aux élections de 2018 à 26,47 % en 2022.

En Italie, Giorgia Meloni est très claire sur cette perspective, se disant « prête à faire revivre l’Italie » et à la « faire respecter en Europe ». Et c’est le rêve de l’Union européenne, corollaire de l’illusoire mondialisation, qui s’effondre : elle reste ce qu’elle a toujours été, une interface de négociations financières et commerciales pour les pays développés de l’Ouest européen.

Là aussi, il faut se souvenir de comment le mot d’ordre des « États-Unis d’Europe » était défendu dans les années 1900 par les forces libérales-modernisatrices, tel Georges Clémenceau cherchant à s’appuyer sur l’élan de la « première mondialisation ».

Chimère car déjà se cachait la soumission aux États-Unis qui allaient devenir la principale force capitaliste mondiale au sortir de la première guerre mondiale. Et l’on remarquera combien la filiation historique de Georges Clémenceau se trouve en Emmanuel Macron, l’un comme l’autre soutenant une Europe au service de la France dans le cadre d’une alliance avec les États-Unis.

Finalement, en ce début de XXIe siècle, nous voilà revenus au point de départ de la fin XIXe siècle. Et de ce point de vue, l’enjeu est de ne pas retomber dans les erreurs du mouvement ouvrier français, alors divisé entre réformateurs et syndicalistes, tous finissant dans l’Union Sacrée d’août 1914.

Reconnaître la fin de l’illusion bourgeoise, c’est repartir sur les bases de l’utopie socialiste, celle-là qui fait de la fin des antagonismes économiques et des inégalités de développement la condition pour la réalisation d’une coopération entre les peuples du globe.

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Politique

François Ruffin, ennemi n°1 de la Gauche historique

Il est indéniablement une tête de pont du fascisme.

La Gauche historique fait face à deux tendances qui la rongent depuis une dizaine d’années : d’un côté le post-modernisme, de l’autre le national-populisme.

Il apparait de plus en plus que le post-modernisme et son idéologie « décontructiviste » a toujours moins d’emprise sur la classe ouvrière. Son côté libéral-libertaire ne faisant plus illusions quant à ses buts : l’accompagnement du turbocapitalisme. L’alliance de la NUPES avec ses figures médiatiques telles que Sandrine Rousseau ou Danièle Obono, les récentes affaires « Adrien Quatennens », « Julien Bayou » finissent de faire craqueler l’influence du postmodernisme, qui n’est évidemment pas compris comme tel par les sympathisants populaire de la Gauche.

Mais forcément, cela laisse apparaître l’autre grande force qui a toujours saboté la Gauche de l’intérieur : le national-populisme. La figure montante de ce courant est François Ruffin. Et cela ne manque d’interpeller les éléments qui sont le plus intéressés par cette dynamique : les fascistes !

Dans le dernier numéro de la revue « Éléments pour la civilisation européenne« , revue fondée en 1973 autour de l’idée de mener une bataille culturelle axée sur la défense identitaire de type civilisationnel, on retrouve une interview de Marine Le Pen par le directeur de rédaction Pascal Eysseric mais aussi son reportage sur François Ruffin lors d’un débat à la fête de l’Humanité.

Dans une interview sur le dernier numéro de la revue par la chaine YouTube d’extrême-droite TV Libertés, on apprend de la bouche même de François Bousquet, alors rédacteur en chef, que Pascal Eysseric entretien une relation ancienne avec François Ruffin. Avant de se féliciter du fait que « la revue Éléments a accompagné beaucoup de gens qui sont passés de la gauche vers la droite, si tant est que le clivage soit encore opérant ».

Et les gens de cette revue sont d’une habileté redoutable dans leur capacité à pilonner la Gauche dans le pur style fasciste. Ainsi à la question de savoir si le « programme social du RN peut se faire l’économie de la lutte des classes », Marine Le Pen répond :

Le problème en France n’est pas qu’il y ait des riches, mais plutôt qu’il y ait des pauvres, de plus en plus de pauvres. Il ne faut pas lutter contre la richesse légitimement acquise, mais contre la pauvreté qui est incompatible avec la vision d’une société harmonieuse que, comme nationaux, nous défendons […] Nous pensons que le marxisme haineux comme le capitalisme prédateur réduisent toute la vie nationale à confrontation fratricide sur le champ de bataille économique. C’est un projet incompatible avec la conception fraternelle que nous défendons de la communauté nationale.

On comprend alors que le reportage dans ce même numéro sur François Ruffin ne relève en rien du hasard mais bien du fait qu’il est vu comme une tête de pont dans le cadre d’une offensive « métapolitique » visant à récupérer le reste des classes populaires qui n’ont pas encore été emportées par la démagogie national-sociale du RN. Derrière, il y a une opération de sabotage de la lutte des classes visant à barrer la route à toute reconstruction de la Gauche sur ses bases historiques.

Dans son reportage sur François Ruffin, Pascal Eysseric se félicite que « la grande nouveauté de la fête de l’huma […] c’est que la rédaction d’Éléments ait reçu une invitation du département de la Seine-Saint-Denis ». Puis il lance son opération idéologique par ces lignes habiles :

A Gauche, ce sont les deux seuls députés de la NUPES [Roussel/Ruffin] à parler ouvertement d’ « assistanat », de « système de revenu de substitution à vie pour certaines familles », de « cas soc' », à parler de frontières et de protectionnisme […]

Pour l’heure, Ruffin ne veut pas aller plus avant. Il s’accroche à des hochets indignes de lui sur « l’économie de guerre climatique », mais un mot, timidement , a fait son apparition « faire Nation ». Il est répété deux fois, curieuse coquille […]

Comme tous les assiégés, il se pose des questions : « sera-t-on abandonnés par les états-majors ? » Croit-il seulement à la dédicace qu’il nous a écrite en page de garde de son livre : « Pour Pascal, et pour qu’à la fin, c’est les gentils qui vont gagner »

Pour cause, François Ruffin a été réélu député aux élections législatives 2022 dans une circonscription où Marine Le Pen a atteint des sommets vertigineux lors du premier tour des présidentielles. Cette réélection est alors présentée comme une victoire de Gauche face à l’extrême droite, avec en apparence une bataille antifasciste contre la démagogie.

Sauf que non… car en fait François Ruffin et Marine Le Pen, vue comme la « Vierge Marine » dans sa circonscription, ce sont les deux faces d’une même pièce, celle de l’union nationale sur la base de la solidarité sociale.

On ne peut pas arriver avec 65,56 % des voix à Flixecourt aux législatives, seulement deux mois après après que Marine Le Pen ait obtenu 44,29 % voix au 1er tour des présidentielles, sans se demander ce qui cloche. Et en fait, il n’y a rien qui cloche car François Ruffin n’est pas sur des positions de lutte de classe, mais pratique le national-populisme.

Pour la Gauche historique, la bataille antifasciste s’est toujours effectuée dans le cadre d’un affrontement politique dans lequel des portions populaires étaient arrachés à la démagogie fasciste, et non pas dans une superposition sur fond de paix sociale.

C’est que François Ruffin développe un positionnement qui relève en apparence de la Gauche historique, mais est en réalité très proche des thèses du cercle Proudhon de 1911. Il vante ainsi la fierté du travail, mais ne parle jamais de classe ouvrière…encore moins de bourgeoisie. Parler de la « fierté des travailleurs » n’est qu’un discours para-syndical qui n’a que peu de dimensions politiques, et cela est malheureusement très français.

Comme lorsqu’il évoque de manière mielleuse le fait que ce qu’il appelle « la fierté du travail » ne se transmette pas dans les familles car le travail est caché et qu’il faudrait le photographier. Si François Ruffin était sur des positions de lutte de classes, il serait pourtant que oui lorsque l’on a pas le pouvoir sur les moyens de production, mettre en avant son travail n’est que vanité (ce qui ne signifie pas pour autant qu’on le rejette !).

La seule grande tradition du mouvement ouvrier, celle qui regorge de cartes postales et de photographies, c’est celle de la mise en avant des moments de grève, et surtout d’occupation, car c’est le moment où l’intelligence ouvrière se met au service de la politique d’émancipation.

François Ruffin formule alors des propositions sympathiques comme le « faire-ensemble » plutôt que le « vivre-ensemble » pour mieux désamorcer toute relance générale de la lutte des classes. Ce qui l’intéresse ce n’est pas la transformation de la société avec la classe ouvrière aux commandes, non ce qui le motive c’est comment garantir l’union nationale grâce au protectionnisme économique.

Pour cela, il faut que les prolétaires puissent accéder sans embûches au mode de vie bourgeois, et c’est pourquoi François Ruffin prend comme exemple de son « faire-ensemble » l’idée, toute sauf anecdotique et tout à fait fade, que pour qu’un couple tienne dans la durée il lui faudrait « un projet d’un enfant, d’une maison, de vacances, d’un film à voir ».

Le national-populisme de Ruffin qui apparaissait plus ou moins caché l’est, au fur et à mesure que la crise s’approfondit, de moins en moins. Et c’est savamment bien repéré et mis en avant par les idéologues d’extrême droite, comme ici Marc Eynaud de Boulevard Voltaire et donc Pascal Eysseric d’Eléments.

La vérité c’est que François Ruffin a besoin d’une bourgeoisie française riche, très riche, pour qu’elle soit en mesure d’aider les travailleurs les plus pauvres. En somme, François Ruffin, c’est l’héritage du catholicisme-social d’un Victor Hugo, plutôt que du marxisme d’un Paul Lafargue. Caricatural ? Il suffit de relire un passage de son livre « Je vous écris du front de la Somme » pour s’en convaincre :

À son arrivée à Matignon, en juin 1997, Lionel Jospin conditionne les allocations familiales : au-dessus de 25 000 francs par mois, les foyers ne toucheront plus rien. C’est une œuvre de justice, estime la gauche plurielle : les plus riches n’en ont pas besoin. Auteuil-Neuilly-Passy se révoltent, Versailles aussi, la Manif pour Tous avant l’heure. Mais, plus inattendu, les familles catholiques, bourgeoises, sont rejointes par… le député communiste de la Somme Maxime Gremetz ! La presse se moqua de lui, et moi avec. Jusqu’à un échange avec Serge Halimi, journaliste au Monde diplomatique : « Tu as tort de le railler. Aux États-Unis, ça s’est déroulé exactement comme ça : les plus aisés furent écartés de la sécurité sociale. Après tout, ils pouvaient se la payer. Mais du coup, au fil des années, comme ils ne touchaient rien, ils ont cotisé de moins en moins. Le système pour pauvres est alors devenu un pauvre système. »

Plus de riches = plus de contributions pour les pauvres ! Nous voilà renvoyé au début du XIXe siècle, à l’enfance du mouvement ouvrier et à son « socialisme conservateur » dont parlait le Manifeste du parti communiste… On ne s’étonnera donc guère que, comme tous les autres, François Ruffin ne dise rien sur la tendance à la guerre, encore moins sur l’OTAN et l’armée française car demain, il nous expliquera que l’armée est le grand creuset de la « communion nationale », du « faire-ensemble »…

François Ruffin n’a plus 36 000 voies possibles : ou bien il disparaît politiquement, ou bien il finit cadre du fascisme en suivant la marche nationale vers la guerre. Dans tous les cas, celles et ceux qui ont compris la tâche de reconstruire la Gauche historique doivent prendre pour acquis qu’il est indéniablement un obstacle à cette reconstruction.

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Société

Influenceuses en féminisme ou l’apogée du féminisme bourgeois

Une grande diversion.

Le coup de force du post-modernisme ces quinze dernières années et son combat contre l’universalisme a amené les féministes universalistes a prendre leurs distances. On a donc une scission qui existe sur plusieurs plans, notamment concernant la question du voilement des femmes et de l’activisme trans. Ces deux sujets n’étant que deux aspects du post-modernisme qui réduit tout à des questions d’identité, à une sorte d’identitarisme contre toutes les normes sociales et contre l’émancipation collective.

On se retrouve donc avec des féministes bourgeoises qui essayent de se battre contre le post-modernisme mais sans parler de post-modernisme. Le clivage essentiel étant autour de la question du genre et des stupidités queers, elles appellent cela transactivisme ou encore queerisme.

C’est le cas du féminisme radical qui, même étant capable d’avoir un réel contenu de gauche est englué par son absence d’antagonisme avec le capitalisme. Le problème c’est que la sphère féministe radicale, comme très isolée à cause de l’hégémonie de l’idéologie queer, se rabat en masse sur un militantisme quasi exclusivement virtuel.

Deux figures affiliées, peut-être à tord, au féminisme radical ont résulté d’une intense activité sur les réseaux sociaux : La première étant Marguerite Stern qui se veut alternative, une artiste vivant en squat tout en mettant son activisme en scène avec les « collages féminicides ».

La deuxième étant Dora Moutot tenant le compte Instagram « T’as Joui », sur le sujet de la sexualité féminine. Une voie de garage classique équivalent des réunions Tupperware, consistant à borner les femmes dans les questions sexuelles, une déviation qui les empêche de s’ouvrir à la société et donc à l’émancipation sociale.

Cette façon d’aborder la question des femmes à travers une sorte d’obsession sexuelle a depuis les années 1970 amené un nouveau cycle de consommation. Derrière la prétendue réappropriation de leur plaisir, les femmes sont désormais victimes et/ou rabatteuses pour le sexe facile pour les hommes, gratuit ou tarifé.

C’est à travers des exemples comme celui-ci qu’on voit que l’absence d’antagonisme avec les valeurs capitalistes amène le patriarcat à se régénérer dans les initiatives féministes elles-mêmes.

Par conséquent, quand Dora Moutot choisit d’assumer récemment son partenariat avec l’application « Wyylde », c’est comme le dénonce l’inflexible Collectif Abolition Porno-Prostitution, un pied de nez aux féminisme et à la lutte contre la prostitution.

En effet, ce « partenariat » signifie faire la promotion d’une plateforme pour des rencontres « libertines », où on trouve sans grande surprise beaucoup de profils de femmes venues de plateformes de vente de contenu pornographique comme Mym ou Onlyfans mais aussi de rabatteurs pour la prostitution ou des tournages X. C’est naturellement abject et rejoint complètement la démarche d’hommes misogynes qui poussent des jeunes femmes dans le proxénétisme et autres pratiques décadentes et destructrices.

Sans surprise, elle est soutenue par Marguerite Stern, ces deux personnalités ne jurant toutes deux que par « la liberté de penser », revendiquant chacune personnellement l’absence de dogme, de fidélité à un courant et quasiment d’être à elle-seule à l’origine d’une pensée féministe.

On peut considérer qu’on est là au cœur et à l’apogée du libéralisme. Pas de fidélité à des principes, au contraire, il s’agit de transformer des convictions en promotion personnelle via les réseaux sociaux. L’équivalent d’un Aymeric Caron pour le féminisme en somme.

On a donc sur le plan du militantisme, une opération d’engloutissement complet des initiatives par le capitalisme. Il faut être incroyablement stupide ou naïf pour en attendre quoique ce soit, ou considérer n’importe quelle figure d’un compte avec beaucoup de « followers » comme autre chose qu’un ou une opportuniste incapable de convictions.

Si les féministes radicales ont, dans la séquence de ces huit dernières années, permis de faire vivre la ligne universaliste, l’unique option pour l’émancipation des femmes est la gauche historique. Seule capable de combattre et dépasser le post-modernisme en assumant l’héritage universaliste.