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Politique

Des socialistes anglais, espagnols, allemands, autrichiens… mais pas français, pourquoi ?

Pourquoi la social-démocratie est-elle encore si puissante en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Autriche ? Parce que dans ces pays, la social-démocratie a été un mouvement de masse à l’origine. Elle est ancrée dans la population. Il n’y a jamais eu rien de tel en France.

Il faut bien une explication ! Pourquoi le Parti socialiste est-il si faible ? Parce qu’il a participé au gouvernement, qu’il est corrompu ! Allons donc ! En Allemagne et en Autriche, les socialistes participent aux institutions depuis 1945, ont formé d’innombrables gouvernements d’alliance avec la Droite. Ils sont pourtant toujours là ! En Angleterre, le Labour a été au pouvoir plusieurs fois, et Tony Blair était encore plus libéral que François Hollande. En Espagne, le PSOE a toujours plus trahi ses traditions aussi. Et il existe encore, puissant !

Non, la réponse ne peut pas être la corruption de la direction, la participation au gouvernement. Car une direction, cela se change, une orientation, cela se modifie. Mais justement, en Allemagne, en Angleterre, en Autriche, en Espagne, il y a une base pour impulser ce changement, pour le forcer. En France, il n’y a pas cela. Et cela s’explique par des raisons multiples.

Primo, le Parti socialiste n’a jamais atteint une réelle base de masse, il a toujours été un petit parti électoral avec beaucoup de voix, et ce déjà à l’époque de Jean Jaurès. Par contre, en Allemagne et en Autriche c’était un vaste mouvement politique marxiste qui faisait le choix de participer aux élections (et de former des syndicats). En Angleterre, c’était un mouvement syndical qui a fait le choix d’établir un parti politique et de participer aux élections pour gagner de l’espace pour ses revendications. En Espagne, ce fut un mouvement de masse également, avec une histoire plus tortueuse.

Secundo, les traditions historiques jouent. Les socialistes se sont donnés comme naissance historique le congrès d’Epinay, fusion organisé par François Mitterrand de plusieurs courants socialistes, dans les années 1970. Cela ne peut pas suffire. Les socialistes allemands, anglais, autrichiens, espagnols, assument eux un siècle de mouvement. Et vues les histoires tourmentées de l’Espagne, de l’Autriche, de l’Allemagne, forcément, assumer l’identité socialiste, cela pèse.

Tertio, même lorsqu’il y a eu des références au-delà des années 1970, les socialistes n’ont rien pu en faire. Léon Blum ? Ouvertement marxiste, pas possible. Jean Jaurès ? Parfait car mélangeant tout de manière confuse mais avec un grand lyrisme, et pourtant par là même inutilisable. Les autres ? Tous aussi confus, tous incapables de formuler une doctrine.

Restèrent donc les grandes personnalités. Les François Mitterrand, Michel Rocard, Lionel Jospin, ou même François Hollande. Des gens avec de la culture, de la prestance, de l’ambition mais politique, bien cadré, bien posé. Ce sont des gens qui sentent les choses, qui portent les événements, qui comprennent, et qu’on comprend, cette chose si rare en politique. Oui, mais tout cela n’a rien de spécifiquement socialiste comme approche, et une fois les types partis, que reste-t-il ? Pas grand-chose, au mieux, des décombres, au pire.

Il ne reste plus qu’à reconstruire par en bas, donc. Mais avec quelle base ? Le Parti socialiste a eu ces dernières années une base où les entrepreneurs prenaient une place toujours plus importante. À part certaines sections, l’embourgeoisement était flagrant. Ces gens-là sont partis, évidemment. Et les autres aussi ! Il n’y a pas eu la fierté d’être socialiste, de maintenir le drapeau. Même les derniers volontaires ont quitté le navire, allant avec Benoît Hamon faire autre chose ou bien parasiter Jean-Luc Mélenchon en attendant mieux.

C’est que le Parti socialiste était un parti comme les autres. Ce n’est pas le cas des partis sociaux-démocrates d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche et d’Espagne. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas s’effondrer, s’enliser, échouer. Mais eux ont une histoire, alors que le Parti socialiste a montré qu’il n’aura été qu’un appareil électoral ou bien gouvernemental.

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Société

Le cofondateur de Facebook appelle à démanteler l’entreprise

La petite entreprise, quand elle réussit, devient une grande entreprise, puis une très grande entreprise. Le monopole met alors fin à la concurrence, et donc à la libre-entreprise. Ce schéma raconté par Marx ou Lénine est une horreur pour le cofondateur de Facebook Chris Hughes. Il appelle donc à couper l’entreprise en morceaux et à superviser ceux-ci par les institutions.

Chris Hughes est, avec Mark Zuckerberg, l’un des fondateurs de Facebook. Il a quitté cette entreprise, vendant toutes ses parts en 2012. Il vient de publier un très long article dans le New York Times, appelant ni plus moins qu’à démanteler Facebook.

Ses motivations sont très simples à comprendre. Il constate, de manière fort juste, que Facebook est un monopole. Cependant, ce n’est pas un disciple de Lénine. Il ne pense pas que les monopoles soient l’antichambre du socialisme. Ou plutôt, il l’entrevoit et il est contre. C’est la raison pour laquelle il dit : il faut démonter Facebook en plusieurs fractions et superviser celles-ci.

Ses arguments concernent tous le capitalisme. Il raconte que Facebook n’est plus en situation concurrentielle, que l’entreprise achète ou copie ce qui lui fait de l’ombre. Or, seule la compétition peut à ses yeux amener des choses nouvelles. Facebook est donc un obstacle au capitalisme lui-même. Il faut donc le mettre en pièces.

Le ton de l’ensemble est ainsi profondément nostalgique quant au Facebook du début, Chris Hughes racontant avec émotion des anecdotes de cette époque pour lui bénie. Pour lui, Facebook a réussi parce que l’entreprise était en situation de très dure concurrence avec surtout Myspace, mais aussi Friendster, Twitter, Tumblr, LiveJournal, etc.

Il faut donc pour lui stopper Facebook le plus vite possible, pour deux raisons. La première, c’est son omniprésence et sa capacité à manipuler les opinions : ici, Chris Hughes présente Mark Zuckerberg comme très sympathique, sobre dans sa vie privée (soit disant), mais candide et manipulable par le monstre qu’est devenu Facebook, avec ses besoins de croissance. La seconde, c’est que Facebook assèche toute une partie du capitalisme. Voici ce qu’il constate, entre autres :

« Plus d’une décennie plus tard, Facebook a remporté le prix de la domination. Il vaut plus de 500 milliards de dollars et représente, selon mon estimation, plus de 80% des revenus mondiaux des réseaux sociaux. C’est un puissant monopole, éclipsant tous ses rivaux et effaçant la concurrence de sa catégorie. »

Chris Hughes n’exprime pas seulement sa panique libérale avec Facebook, qui possède WhatsApp et Instagram, deux monopoles dans leur genre. Il vise également Google pour la rechercher sur internet et Amazon pour le commerce en ligne. Il élargit même la question aux entreprises pharmaceutiques, aux compagnies aériennes… expliquant, horrifié, que 75 % de l’économie américaine est touchée par le phénomène de la concentration capitaliste.

Cela signifie selon lui le déclin de l’esprit d’entrepreneur, de la croissance de la productivité, moins de choix et des tarifs plus élevés pour les consommateurs. Sa grande référence est Adam Smith, qu’il présente comme la figure tutélaire des « pères fondateurs » des États-Unis. L’Amérique, c’est la libre-entreprise, et inversement.

On est libre de croire cette fable, si on est soi-même contaminé par l’idéologie de la libre-concurrence, si l’on est soi-même un capitaliste. Sinon, on ne peut que rire de ces lamentations d’ailleurs ridicules. S’il est vrai que les monopoles dans les nouvelles technologies sont récents, dans les autres domaines cela fait longtemps qu’ils existent. Le capitalisme américain dispose de géants monopolistes depuis longtemps, depuis l’aviation jusqu’à l’armement en passant par l’automobile, les banques, etc.

Chris Hughes raisonne ici comme tous les entrepreneurs de la Silicon Valley, qui croient en le capitalisme concurrentiel parce que pour eux il existe encore, ou plutôt il existait encore il y a peu. Une bonne idée, un peu de financement et tout se met en branle. C’est le principe de la start up. Cela existe encore, un peu. Mais les débuts sont terminés et l’émergence des monopoles est obligatoire.

Et que fait-on quand on a les monopoles ? On socialise, on met le tout au service de la population. Le capitalisme a été utile, maintenant on le dépasse !

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Politique

Le volontarisme du manifeste écologiste de Génération-s

Les efforts de Benoît Hamon sont sincères, volontaristes, mais très inégaux. L’appel à ce que l’écologie soit assumée à Gauche est une initiative excellente. Mais pas une seule fois il n’est parlé des animaux, ce qui expose un manque immense tout de même lorsqu’on parle d’écologie, et surtout le Manifeste récuse tant le Socialisme que le « système libéral-productiviste ».

« Ils sont dans une espèce de surenchère écologique à quelques jours des élections européennes » : c’est ce qu’a affirmé Jordan Bardella sur LCI au sujet de la LREM et de sa proposition que l’Union Européenne mette 1 000 milliards d’euros dans la transition écologique d’ici 2024. La critique est révélatrice : au lieu de dénoncer le populisme de LREM (car LREM ne peut rien proposer du tout au niveau de l’Europe, seulement participer), c’est l’écologie qui est dénoncée.

> Lire : Le Manifeste pour l’écologie du monde qui vient

L’écologie est source de panique chez les forces conservatrices et Jordan Bardella ne fait même pas semblant de faire de l’écologie différemment, ce qui était pourtant la ligne de Marine Le Pen pour le lancement de la campagne de ces élections européennes.

Elle est par contre source d’inspiration pour les gens comprenant le besoin de transformation. Génération-s a ainsi rendu public un Manifeste pour l’écologie du monde qui vient, sous-titré Engageons le cycle des « trente vertueuses ». Benoît Hamon, dans la préface, résume avec un grand lyrisme ce besoin de transformation :

« L’Europe a définitivement tout à voir avec l’écologie, car elles nourrissent l’une et l’autre le besoin viscéral de se projeter dans un avenir commun positif. Là où l’idéologie libérale a supprimé depuis trente ans tout repère collectif, l’Europe et l’écologie recréent du commun, du lien, une fraternité. »

Pourquoi l’Europe et pas le monde, l’idée d’un gouvernement mondial ? Après tout c’était déjà le rêve d’Emmanuel Kant, ce grand penseur des Lumières, et la chanson l’Internationale demande justement cela aussi. L’écologie n’a de toutes façons pas de sens si l’on ne se place pas dans une perspective mondiale. Les anti-écologistes le rappellent suffisamment en disant que tant que les États-Unis et la Chine ne changeront pas leur approche…

Mais gageons que Benoît Hamon propose simplement de faire de l’Europe un levier pour changer les choses dans le monde, une sorte de modèle. Et c’est ce qu’affirment justement les dernières lignes du Manifeste. Benoît Hamon parle de l’Europe, pour parler du monde, il veut trouver une voie positive dans le monde, et cela passe par l’Europe. Cela peut sembler naïf ou idiot, mais quand on lit cette perspective, on se dit : un type bien, ce Benoît !

L’idée proposée dans le Manifeste est que les prochaines années soient donc justement idéales, à l’opposé des années passées. Aux « trente honteuses » du passé sont opposées les « trente vertueuses » de l’avenir, en allusion aux « trente glorieuses », les années 1945-1975 d’importantes croissance dans les pays occidentaux.

L’idée a un vrai contenu, mais il est considéré que ce serait là quelque chose de naturel, que les « trente vertueuses » ont en fait même déjà commencé :

« La jeunesse mondiale qui manifeste dans la rue ouvre majestueusement le cycle des « trente vertueuses ». Avec l’intransigeance propre à son âge, une détermination proportionnelle à ses craintes et une indignation indexée sur son dégoût, la génération qui vient prend son destin en main et nous intime d’agir.

Comment ces jeunes ne seraient-ils pas « plus chauds que le climat » face à l’état ravagé de la planète dont ils héritent, la cupidité de leurs aînés, le cynisme des dirigeants, l’obséquiosité des politiques, l’hypocrisie du système ? La lâcheté et l’égoïsme qui ont caractérisé d’abord l’Occident puis l’ensemble du monde dans son sillage sont honnis. Le modèle productiviste est mort. La pression populaire pour engager la transition, maintenant, est considérable. »

Ces lignes sont incompréhensibles. La jeunesse mondiale ne manifeste pas du tout, la jeunesse française encore moins. Les quelques initiatives ont été téléguidées par les réseaux sociaux et ne sont nullement ancrées dans la réalité. Il n’y a aucune intransigeance non plus. Les jeunes sont très modernes, ils vont changer le monde, mais pour l’instant ils mangent des kebabs et vont au Mc Donald’s.

D’ailleurs, notons au passage que sortir un tel Manifeste sans mentionner une seule fois le terme « animal » au moment où pareillement est sorti un rapport de l’ONU sur la biodiversité, c’est au mieux ballot, au pire criminel. Franchement, quoi !

De plus, contrairement à ce qui est dit, la pression populaire est inexistante, soit parce que les gens sont passifs, soit parce qu’ils veulent vivre comme avant, comme le montrent très bien les gilets jaunes (que le Manifeste attribue à une simple colère sociale, ce qui est réducteur et même faux).

Cet idéalisme n’étonnera pas qui connaît Benoît Hamon et ses partisans, qui s’imaginent que la « gauche » post-moderne répond à des exigences naturelles. Et comme souvent, cela va avec de véritables exigences, très justes, ou au moins très sympathiques. Il y a de l’envergure dans les propos suivants du Manifeste :

« Les 2,5 millions de signataires de la pétition pour le climat confirment la fin du déni humain et la force de l’attente. En France et partout dans le monde, nous disons que « l’Affaire du siècle » sera de sortir la Terre de son asservissement, de définir ses droits et d’ouvrir une nouvelle ère de partage de la vie. C’est une force immense qui exige de changer d’échelle et invente les moyens d’agir. En créant de nouveaux droits pour que la nature puisse se défendre et s’opposer à la violence d’un marché vorace et destructeur, elle engage un nouveau monde. »

La Manifeste, qui fait une vingtaine de pages, consiste alors à dire que l’écologie ne peut exister qu’avec la justice sociale, qu’elle ne peut pas être apolitique, qu’elle implique une rupture complète avec le « système libéral-productiviste ». D’un côté, on se dit : bravo, il faut soutenir Benoît Hamon, il y a une vraie affirmation d’une utopie de Gauche. Surtout qu’on lit ces lignes favorables à la Gauche historique, étonnantes car telle n’est pas du tout la ligne assumée par Génération-s :

« Notre première responsabilité est de changer radicalement de mode de production, de consommation, et de repenser notre rapport au temps et au travail.

Sous une forme renouvelée, ces sujets ne sont autres que ceux des mouvements ouvriers du XIXe siècle, du Front populaire de 1936, du Conseil national de la résistance de 1945. L’écologie est la réponse à la question sociale de notre siècle. »

Bravo, vive le mouvement ouvrier, vive le Front populaire, vive l’esprit de la Résistance ! Dommage d’avoir oublié mai-juin 1968, mais bon (on notera au passage que le programme commun de 1981 est également soigneusement oublié), il y a déjà les fondamentaux du point de vue de la Gauche historique.

De l’autre, il y a un souci, c’est un côté ni Capitalisme ni Socialisme qui sonne très années 1930, dans sa variante spiritualiste. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, Benoît Hamon est un rocardien, c’est-à-dire quelqu’un de la droite du Parti socialiste, un partisan d’une sorte de « troisième voie ». Pas bon ! Et les lignes suivantes, qu’on lit dans le Manifeste, sont précisément infestées des idéologies d’Emmanuel Mounier (et le personalisme), de Martin Heidegger (et l’existentialisme), de tous les discours des années 1930 sur une autre richesse que celle matérielle, sur le besoin spirituel dans le rapport à la réalité :

« Aveuglés par des mécanismes de marché qui n’ont jamais intégré la question de la finitude des ressources, les néolibéraux courent sans cesse après un nouveau modèle de croissance qui ne vient pas. Les productivistes sont, eux, terrifiés à l’idée de perdre tout ressort de redistribution des richesses – qu’importe si le système qui les produit est la cause même de la crise sociale et environnementale.

Les mêmes symptômes guettent les mouvements collectivistes, qui ne croient qu’en un système de production centralisé et planifié incompatible avec l’économie des ressources. Il ne s’agit plus de savoir comment produire à tout prix des richesses pour les redistribuer plus ou moins. Il s’agit de changer fondamentalement de logiciel, de s’interroger sur la notion même de richesse, qui n’est plus aujourd’hui l’accès illimité au « confort matériel » mais à un air respirable, une eau buvable, des aliments comestibles, une terre cultivable, une santé préservée, une vie possible. »

Ici, il faut dire : halte-là, Benoît Hamon ! Si tu bascules dans la métaphysique de la sobriété de la petite production, tu changes de camp ! Tes exigences néo-humanistes sont appréciables, mais si ton mouvement publie un Manifeste avec de telles lignes, c’est qu’il y a un problème. Et ce problème, c’est que le système de références n’est pas la Gauche historique, mais les discours intellectuels bobos à la Pierre Rabhi.

Alors, comment faut-il considérer le Manifeste : comme un texte pro-zadiste, pro-décroissance, très années 1930 ? Comme un appel à ce que la Gauche assume enfin l’écologie ? Le Manifeste lui-même dit tout et son contraire et assume de ne pas choisir :

« Il ne s’agit pas de refuser ou d’épouser les théories de la décroissance, mais d’inventer une nouvelle forme de prospérité collective qui tienne compte des limites de la biosphère. »

Et, assumant son incohérence, se conclut par un appel à la Yannick Jadot, avec un appel à un capitalisme décentralisé et vertueux :

« Dans la course contre la montre qui s’impose à nous, force est de constater que les États ne sont pas à la hauteur, pris dans l’inertie économique et technocratique qui les empêche d’agir vite. En revanche, les acteurs non étatiques, citoyens et ONG, entreprises et collectivités territoriales lucides, s’emploient à faire émerger un avenir désirable.

Les appels à la mobilisation se multiplient, la jeunesse donne l’alerte et prend les devants pour secouer la léthargie établie, les actions des associations et des lanceurs d’alerte font date et sont salvatrices. Notre responsabilité est de donner un débouché politique concret à cette énergie puissante.

Une bataille sans merci doit être menée face aux acteurs économiques qui exploitent les biens communs pour s’enrichir en épuisant les ressources et notre santé.

En revanche, toutes les forces économiques pleinement intégrées dans la dynamique de transition énergétique et écologique qui développent des modèles alternatifs de production et de gouvernance doivent être considérées et soutenues comme moteurs des politiques publiques qui produiront de nouvelles opportunités de développement raisonné et résilient. »

Il y aurait donc les bonnes entreprises et les mauvaises entreprises, la bonne consommation et la mauvaise consommation. Ce ne serait pas le peuple qui devrait décider, mais les acteurs conscients. Pas très démocratique, tout cela ! Et même pas démocratique du tout !

Pourquoi les ONG auraient-elles une légitimité ? Pourquoi les collectivités territoriales auraient-elles une nature particulière par rapport au reste ? Qui décide que le telle entreprise propose un avenir désirable, telle autre non ? Qu’est-ce qu’un modèle alternatif de gouvernance ? Qu’est-ce qu’un modèle alternatif de production ?

Le fait est que ni Génération-s, ni Benoît Hamon ne parviennent à se transcender. On a ici le programme de la CFDT des années 1970, du PSU ou d’Alternatives Rouge et Verte, des Alternatifs, bref des rocardiens liés aux « mouvements sociaux » (du type LIP, le Larzac, etc.). Si Benoît Hamon veut rééditer cela, qu’il le dise. S’il veut faire autre chose, qu’il l’assume.

C’est tout de même un garçon étonnant : il a clairement une très grande envergure, il a saisi les enjeux immenses du siècle… mais il ne dispose que de vieux outils, même pas fonctionnels. En ce sens, il reste une partie de la solution, et pas du problème. Et le Manifeste est un intéressant appel à réfléchir, se positionner, assumant par ailleurs de ne pas être un programme réponse à tout.

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Politique

Élections européennes : les dix points de la Fédération des Associations Familiales Catholiques

La famille est un thème essentiel pour l’Église catholique, au sens où pour elle c’est le point de départ et d’arrivée de l’individu et de la société. Sa lecture est, de fait, anti-historique et anti-culturelle, mais face au libéralisme économique et à la « déconstruction » promue par les libéraux culturels, elle trouve le moyen de maintenir ses positions et de repartie à l’offensive.

La Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe, présente dans 18 pays de l’Union Européenne, a rédigé un Manifeste proposant un engagement en dix points aux candidats aux élections européennes. Ce n’est pas rien : même si on refuse l’hypothèse d’un divinité omnisciente, omnipotente, etc., la religion est un phénomène social ayant de multiples caractères, qui porte historiquement également de nombreuses valeurs culturelles et civilisationnelles.

Ici, on sait comment on fait face à deux courants unilatéraux : celui qui fait de la religion une chose sacrée, le noyau de la civilisation, et celui qui, ne faisant confiance qu’à l’individu-roi, ne prend pas en compte en l’Histoire et donc la question religieuse. Ce second courant a largement travaillé la Gauche, malheureusement, et cela se lit très bien si l’on imagine les réponses possibles aux dix points de la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe.

Surtout que l’Église catholique romaine est d’une intelligence rare. On ne le dira jamais assez. On comprend donc que tout est très subtil, très construit, résolument machiavélique. Prenons le point 7. La Gauche historique est bien entendu d’accord avec ce point en général, car il a une lecture biologique, naturelle. Les courants post-industriels, post-modernes, le rejettent par contre catégoriquement.

« 7. Reconnaître la complémentarité de l’homme et de la femme
La famille est le premier lieu d’ingénierie créative pour toute la société. Je reconnais la complémentarité de l’homme et de la femme, et m’opposerai à toute politique qui tenterait de gommer la différenciation sexuelle. »

Seulement voilà, à la dialectique homme-femme, il a été ajouté la famille comme « ingénierie créative pour toute la société ». C’est là un autre thème. Dire que l’humanité repose sur une opposition homme-femme productive, c’est une chose. Faire de la famille la base de la société, c’est autre chose. On voit comment, de manière subtile, l’Église profite des errements ou délires des courants post-industriel, post-moderne, pour réactiver le thème réactionnaire de la « famille » conservatrice, repliée sur elle-même, niant le reste de la société.

L’un des points proposés par la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe est même explicite en ce sens :

« 2. Mettre en œuvre le « Family Mainstreaming »
La famille est la pierre angulaire de toute société. L’UE doit prendre en compte le développement des familles dans toutes ses décisions, dans le respect du principe de subsidiarité.

Je m’engage à promouvoir la mise en œuvre du « Family Mainstreaming », examen préalable des conséquences sur la famille, pour toutes les politiques publiques de l’UE. »

Le reste est du tout avenant : l’économie doit être au service de la famille (c’est dit tel quel, point 4), les associations familiales doivent se voir accorder un rôle significatif (point 3), il faut leur donner de l’argent pour relancer la démographie (point 1), la vie professionnelle doit s’adapter à la forme familiale (point 6).

Le point 5 est, quant à lui, un exemple pratiquement parfait d’anticapitalisme romantique, avec la « personne » avant l’économie et la finance, etc.

« 5. Un travail digne et productif, nécessaire pour chaque famille
La famille est un acteur premier et naturel dans la promotion de l’inclusion sociale. Je m’engage à travailler en faveur de politiques publiques n’abordant pas le marché du travail sous l’angle exclusif de l’économie et de la finance, mais d’abord en considérant la personne et ses talents, capable de contribuer au bien commun et de prévenir la pauvreté.

Je m’engage également à soutenir la reconnaissance du travail domestique accompli par les mères et pères de famille, et de la valeur du bénévolat comme contribution à la cohésion sociale. »

Le point 10 serait malheureusement accepté par toute une partie de la Gauche, devenue relativiste, communautariste. Il est considéré comme odieux, inacceptable, pour les partisans de l’universalisme, pour la Gauche historique.

« 10. Père et mère, premiers et principaux éducateurs de leurs enfants.
Les familles s’inscrivent toujours dans une perspective de long terme, et travaillent à un avenir durable. Je m’assurerai que les programmes de l’UE en faveur des jeunes respecteront et protégeront le droit des parents à diriger l’éducation de leurs enfants conformément à leurs traditions culturelles, morales et religieuses qui visent leur bien et leur dignité. »

Le point 9 est décevant et montre que l’Église n’est pas en mesure d’affronter les questions morales de notre époque. Il fait en effet seulement allusion à l’avortement et à l’euthanasie. Cela montre que l’Église est du passé, qu’elle n’est pas capable d’affronter l’ultra-individualisme et son utilitarisme.

Une partie de la Gauche non plus d’ailleurs, qui considère l’avortement comme une simple formalité administrative, alors que cela pose la question du rapport à un être vivant en partie formée. La question de l’euthanasie est pareillement très délicate : si on peut juger tout à fait logique de vouloir abréger les souffrances (ce que l’Église catholique refuse), il n’en est pas moins vrai que vue la société, les critères vont être très bas afin de se débarrasser des indésirables, des inutiles…

« 9. Respecter la dignité de l’être humain jusqu’à sa mort naturelle
La famille est le lieu naturel de l’accueil de toute vie nouvelle. Je soutiens le respect de la dignité inhérente à toute vie humaine, à toutes ses étapes, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Je soutiendrai les politiques et les bonnes pratiques accordant un soin particulier aux enfants avant et après leur naissance et à leurs mères, ainsi qu’aux familles d’accueil et aux familles adoptantes. »

Le point 8 contourne quant à elle la question du droit au mariage homosexuel, en disant qu’il ne faut pas modifier les lois sur le mariage dans l’Union Européenne et que cette dernière ne doit pas donner pas de définition légale du mariage. C’est là rater ce qu’est le libéralisme, qui ne vise pas tant à élargir le mariage, qu’à supprimer la notion même de couple, en appelant à une infinité de formes familiales, d’alliances individuelles, etc.

Il est vrai que l’Église catholique romaine cherche simplement à maintenir ses positions, pas à supprimer le libéralisme culturel ni le libéralisme économique, car elle a accepté le capitalisme. Cela n’était pas vrai encore dans les années 1930-1940, où elle cherchait une troisième voie, national-catholique et corporatiste (notamment avec l’Espagne et l’Autriche, ses deux bastions). D’un côté, tant mieux qu’elle cesse de diffuser un romantisme fasciste. De l’autre, ses prétentions à s’opposer à l’individu-roi sont devenues bien légères sans la charge de ce romantisme. Il n’y a même pas un semblant d’idéalisme à la Bernanos… L’Église est bien dépassée !

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Écologie

Génération-s : « Manifeste pour l’écologie du monde qui vient »

Génération-s a fait l’effort d’appeler à l’écologie, en cherchant à formaliser si ce n’est un programme, du moins une certaine approche, un style. L’accentuation sur la nécessité de l’effort écologiste est un marqueur très fort de la Gauche et des gens conscients en général de la gravité de la situation. Le Manifeste, un texte relativement court mais assez dense, répond à un vrai besoin de réflexion et d’engagement.

> Lire également : Le volontarisme du manifeste écologiste de Génération-s

Voici le Manifeste. S’il est erroné de critiquer directement un document en cherchant uniquement à le présenter de la manière la plus large, force est de noter tout de même que l’absence complète de la question animale – le mot animal ne revient pas une seule fois – est quelque chose d’inacceptable quand on parle d’écologie au 21e siècle.

Manifeste pour l’écolog… by on Scribd

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Politique

Acte XXVI des gilets jaunes, la vacuité politique

Le dernier carré des gilets jaunes prolonge les rassemblements hebdomadaires, mais c’est désormais un mouvement autocentré, tournant sur lui-même. Les élections européennes sont désormais trop proches pour que la vacuité politique, auparavant une caractéristique donnant une dynamique populiste, ne soit désormais trop apparente et ne dévalorise totalement l’ensemble.

Le symbole de ce 26e samedi des gilets jaunes, c’est un petit rond-point à Toulouse, dans le centre-ville. Des ballons jaunes y ont été disposés, pour revigorer l’esprit des ronds-points propres aux gilets jaunes à leurs débuts. Après la nostalgie de la France d’il y a 25 ans, les gilets jaunes passent à la nostalgie d’eux-mêmes. Rien d’étonnant : les gilets jaunes ne savent être que nostalgiques. C’est un mouvement par définition opposé à l’avenir. C’est très exactement réactionnaire, et ce depuis le départ.

Et la question est réglée, enfin. Le rassemblement hebdomadaire des gilets jaunes n’a désormais plus aucune signification. Alors que les élections européennes arrivent, la politique reprend ses droits et efface forcément un mouvement à bout se souffle qui n’a reposé que sur l’irrationalisme et la recherche d’un bouc-émissaire étatique à tous les problèmes posés par un capitalisme prenant en tenaille les classes moyennes.

Avec un peu moins de 20 000 personnes, le nombre de manifestants est le plus bas de tous les samedis ; un chiffre qu’on est obligé de comparer avec celui de la grande manifestation des fonctionnaires, le jeudi 9 mai : plus de 250 000 personnes. Avec, en prime, dans le cortège parisien de 30 000 personnes, les principaux dirigeants syndicaux faisant bloc : Philippe Martinez (CGT), Laurent Berger (CFDT), Yves Veyrier (FO) et Laurent Escure (Unsa). Le syndicalisme rattrape l’espace perdu et réoccupe le terrain de la contestation classique (et répétitive, et bornée, et lancinante, et sans envergure, et sans aucun lien avec le secteur privé).

Ce qu’ont totalement raté les gilets jaunes, c’est la formation d’un espace populaire autonome par rapport aux institutions, avec des revendications par en bas. Et s’ils l’ont raté, c’est qu’ils ne l’ont jamais voulu, n’ayant jamais été autre chose qu’une expression de la crise des classes moyennes. Ce tremblement de terre d’une partie de la France « périphérique » va d’ailleurs avoir un strict équivalent pour les élections européennes. L’abstention dans un esprit apolitique et le succès de la démagogie de l’extrême-droite sont déjà les prochains vainqueurs.

Pour ce 26e samedi, les gilets jaunes avaient pourtant cherché à mobiliser en deux endroits principalement, Lyon et Nantes. Las, à chaque fois environ 2 000 personnes seulement sont venus, et les inévitables heurts avec les forces de l’ordre, surtout à Nantes, ne relèvent que d’un folklore auquel la population ne fait même plus attention.

Il y a eu également un millier de personnes à Paris, quelques centaines de personnes à Caen, Bordeaux, Marseille, Montpellier, La Roche-sur-Yon, Montluçon… Ainsi que quelques ronds-points occupés comme à Chateau-Thierry et Castelnau-de-Médoc.

Cela pourra-t-il seulement se maintenir d’ici les élections ? Peut-être, mais ce ne sera qu’une anecdote, quelque chose de tout à fait à la marge de la société, et ce de manière assumée. Avant les élections, personne ne peut prétendre vouloir changer les choses et en même temps se débarrasser de la politique. En cela, les gilets jaunes montrent qu’ils ont toujours été le fer de lance du refus de la Gauche (et cela tant de la Gauche qui se présente aux élections que celle, plus radicale, qui ne le fait pas). Les gilets jaunes n’ont jamais été qu’une révolte contre la révolte, l’espoir de retourner en arrières, à peu de frais, juste à la force de la volonté.

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Écologie

Des étudiants opposés à un centre de primatologie à l’Université de Strasbourg

Des membres de l’association étudiante strasbourgeoise ANIMALISE de défense des droits des animaux  ont mené une action dans un bâtiment de l’Université de Strasbourg vendredi 10 mai 2019. Ils s’opposent à un centre de primatologie hébergé par l’Université de Strasbourg et critiquent l’exploitation animale dans les facs.

Ils souhaitaient obtenir le rendez-vous qu’il demande depuis longtemps, afin d’exprimer leur opposition à la capture et la détention de singes à des fins prétendument scientifiques.

Voici une vidéo, réalisé par Rue 89 Strasbourg, qui a également écrit un reportage sur l’opération :

Voici le communiqué de l’association ANIMALISE :

Il existe déjà une mobilisation contre ce centre et les projets d’extension qui l’accompagnent. Différentes actions et manifestations ont déjà eu lieu et une pétition circule, que l’on peu retrouver sur :

mesopinions.com/petition/animaux/refusons-ouverture-extension-elevage-1600-primates/13210

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Société

Le prise d’otages de Blagnac et les gilets jaunes

Le preneur d’otages dans un bar-tabac PMU de Blagnac près de Toulouse était un jeune de 17 ans, déséquilibré et reprenant la ligne des gilets jaunes : il voulait un État plus juste, moins de taxes. On n’a pas fini de payer le prix de la diffusion de l’irrationalisme par les gilets jaunes…

La prise d’otages de mardi est une anecdote de la vie quotidienne française qui possède un sens auquel il faut faire attention. Rappelons les faits : pendant plusieurs heures dans un bar-PMU de Blagnac à proximité de Toulouse, un jeune de 17 ans a gardé des otages, lui-même étant armé (en fait d’un pistolet d’alarme), casqué et muni d’une Go Pro sur le torse.

Ce qu’il y a de particulier, c’est que ce jeune s’est défini comme « la branche armée des gilets jaunes ». Il a expliqué avoir choisi un bar-tabac PMU « parce que c’était un lieu très taxé, il voulait une France égalitaire », comme l’a raconté une otage, fille du propriétaire.

S’étant filmé, il s’est également mis en scène sur les réseaux sociaux, tenant un discours paranoïaque :

« Pour info j’ai été recruté par une milice qui s’appelle : vous le verrez très bien. Elle ne s’appelle pas comme cela mais vous le verrez très bien dans les prochains jours. C’est une milice armée qui cherche juste que l’État soit plus juste. Je ne suis pas un terroriste. Je fais juste cela pour les gens vivent mieux. »

Il avait laissé une sorte de testament chez lui et était connu depuis l’âge de 13 ans pour des « violences, recels et dégradations de biens publics ». On l’aura compris, on a affaire à un déséquilibré. Cependant, cela commence à faire beaucoup.

Entre les déséquilibrés commettant des actes antisémites meurtriers, ceux basculant dans l’islamisme, et maintenant cela… La France connaît un processus d’effondrement psychologique réellement profond. La diffusion du complotisme, des religions, des populismes… a contaminé les esprits et lorsque ceux-ci se brisent sur une insupportable vie quotidienne, c’est la fuite en avant.

Les gens de Droite diraient ici : vous répétez la thèse du bon sauvage, comme quoi l’Homme est bon, mais la société le corrompt si elle est mal faite. Tout à fait, répondra-t-on, et c’est juste. Ce qui se passe dans la société n’est nullement imputable aux « individus », cette invention du libéralisme. Il y a des personnalités, mais elles appartiennent à des classes sociales. Et qui est coupé du travail, de la socialisation par le travail, de la transformation de la réalité, ne peut que tourner en rond dans sa tête, et s’effondrer.

Évidemment, cela ne va pas sans refus de la collectivité. Quelqu’un qui se sent mal et qui reconnaît la collectivité comprend qu’il faut aller dans le sens de la rupture avec les valeurs dominantes. À condition d’avoir été touché par les idées de Gauche, c’est vrai. Par contre, quelqu’un qui rejette la collectivité navigue en boucle dans son esprit et dérape, dans une logique paranoïaque.

Cela peut se produire à grande échelle. Les gilets jaunes sont un excellent exemple de plèbe, c’est-à-dire d’individus se précipitant dans des actions irrationnelles, sur un mode à la fois existentiel et identitaire. En substance, les islamistes ne sont pas différents, même si eux sont d’un degré de morbide qui n’a bien entendu rien à voir… Rien à voir pour l’instant. Car le principe d’une fuite dans l’irrationnel, c’est que comme cela ne peut produire aucun résultat, on passe alors plus ou moins directement à un autre stade : celui où l’on décide de pourchasser ce qui est un bouc-émissaire.

Les gilets jaunes ne peuvent que secréter le Fascisme, comme d’ailleurs tout mouvement irrationnel en général. Plus la charge irrationnelle de celui-ci est forte, plus sa nature est ancrée dans des secteurs de la population, plus l’impact est dévastateur dans la société, à court, moyen et long terme. L’épisode de Blagnac n’est ainsi qu’un avatar parmi une foule d’autres qui nous attendent. Nous n’avons pas fini de payer le prix des gilets jaunes.

Et comment va-t-on être en mesure d’assécher cet irrationalisme ? Le mouvement des gilets jaunes a été galvanisé par les médias, par une partie de la Gauche même, par les anarchistes des black blocks, bien sûr par l’extrême-Droite. Les gilets jaunes ont été mis en avant comme une force capable de modifier les choses en France, du moins de les ébranler. Leurs méthodes auraient été « efficaces », bien plus que tout autre chose.

Combien d’idéalistes alors vont-ils se précipiter encore dans cette brèche irrationnelle ?

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Des élus locaux de la Gauche républicaine et socialiste appellent à soutenir la liste de la France insoumise aux élections européennes

La Gauche républicaine et socialiste a lancé un appel d’élus locaux à voter pour la liste de la France insoumise conduite par Manon Aubry aux élections européennes.

La Gauche républicaine et socialiste (GRS) est le parti fondé en début d’année par Marie-Noël Lienmann et Emmanuel Maurel, après avoir quitté le Parti socialiste. Dès le début, il a été expliqué que cette structure serait une force d’appui à Jean-Luc Mélenchon, afin d’attirer des personnes de la Gauche vers le populisme de la France insoumise.

> Lire également : Fondation du nouveau parti « Gauche républicaine et socialiste »

Il est donc logique qu’elle soutienne et participe à la liste de La France insoumise pour les prochaines élections. Un appel a donc été lancé et il est fait comme s’il s’agissait d’une dynamique avec des élus de gauche rejoignant l’initiative. Il est proposé de signer l’appel en précisant son nom et son mandat.

Dans les faits, les dix premiers signataires mis en avant sont tous déjà liés à GRS, ou directement membre de l’organisation. C’est donc un soutien à sa propre alliance qui est fait, mais présenté comme quelque-chose venant de l’extérieur.

Le contenu de ce court appel consiste en un keynésianisme classique, avec l’idée qu’il faudrait de la dette pour soutenir les secteurs d’État, ce qui serait forcément bon pour la population. Il n’y a pas une critique du capitalisme ni une perspective de Socialisme mais un rejet des logiques « austéritaire » et du « capitalisme financier ». C’est le discours typique de la « gauche » souverainiste et antilibérale.

« Européennes 2019 : Appel des élus locaux à voter pour la liste de la France Insoumise conduite par Manon Aubry.

Les traités européens qui se sont empilés depuis plus de 30 ans fonctionnent exclusivement selon une logique libérale et austéritaire. Cette orientation impacte lourdement nos collectivités et leurs habitants.

Le carcan des 3% de déficit a entraîné des baisses drastiques de dotations de l’Etat pour les collectivités (moins 10 milliards entre 2012 et 2017 !), réduisant considérablement leurs budgets au détriment des habitants, des investissements d’avenir et de l’entretien des équipements et infrastructures de proximité.

La « concurrence libre et non faussée » a affaibli les services publics et rompu l’égalité républicaine dans de nombreux territoires. Partout la compétition accroît les inégalités, particulièrement dans les banlieues et les territoires ruraux.

Le dumping fiscal et social a favorisé les délocalisations qui privent nos concitoyens de leurs emplois et contribuent à désindustrialiser et dévitaliser notre pays.

L’injonction des institutions européennes à la constitution des grandes régions et des métropoles a éloigné les habitants de leurs élus et affaibli leurs capacités à agir dans les territoires ruraux et périurbains.

Alors que nous aurions pu attendre des politiques fortes pour la transition écologique et un nouveau mode de développement, l’Union européenne maintient une politique agricole productiviste et chimique. Elle reste inféodée au capitalisme financier qui mène l’humanité à la catastrophe écologique et sociale.

Il est désormais clair que nous ne répondrons pas aux attentes de nos concitoyens sans rompre avec

les traités de l’Union Européenne.

Face aux lobbies, aux multinationales et à la technostructure euro-libérale, nous avons besoin d’eurodéputés de combat au Parlement européen, pour défendre l’intérêt général, la souveraineté populaire, le progrès social et la transition écologique.

C’est pourquoi nous, élus locaux, appelons à voter aux élections européennes du 26 mai 2019 pour une Europe enfin au service des peuples !

Les 10 premiers signataires

  • Marc Vuillemot, Maire de la Seyne-sur-Mer (83), Vice-Président de la métropole de Toulon, président de l’Association des maires Ville & Banlieue
  • Monique Bonnet, Maire-adjointe de Clermont-Ferrand (63)
  • Pascal Noury, Maire de Morangis (91)
  • Hadhoum Belaredj-Tunc, conseillère départementale de Reims-2 (51)
  • Bastien Faudot, Conseiller départemental du Territoire de Belfort (90)
  • Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris, Ancienne Ministre
  • Jean-Luc laurent, Ancien Député, Vice-président chargé de la culture de l’Etablissement Public Territorial Grand-Orly-Seine-Bièvre, Conseiller municipal du Kremlin Bicêtre (94)
  • Dominique Subra, Adjointe au Maire de Foix (09)
  • Philippe Bonnin, Maire de Chartres-de-Bretagne et Conseiller départemental (35)
  • Thierry Cotelle, Conseiller régional, conseiller municipal de Toulouse (31) »
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Politique

La République en marche récupère Simone Veil : c’est dans l’ordre des choses

Des gens sont choqués que La République en marche (LREM) utilise Simone Veil pour mettre en avant sa campagne pour les élections européennes. Cependant, Simone Veil était à l’UDF, l’ancêtre direct de LREM sur le plan des idées. C’était une femme membre assumée de la Droite et le droit à l’avortement était mis en avant par elle au nom de l’ultra-libéralisme.

« Non à la privatisation choquante de la mémoire de Simone Veil par LREM » dit Yannick Jadot, tête de liste EELV pour les européennes. « Je pense que les magnifiques yeux de Simone Veil déchargeraient de la mitraille vers tous ceux qui aujourd’hui utilisent sans vergogne son image et son nom » dit Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des Départements de France.

Ces dénonciations, et il y en a un certain nombre sur la « récupération » à laquelle on assisterait, rentrent dans le cadre d’une triple initiative :

  • Nathalie Loiseau est passée au Panthéon le 9 mai pour honorer Simone Veil, accompagnée notamment de l’avocat Jean Veil, fils de celle-ci et candidat en 78e position sur la liste de La République en marche ;
  • un rassemblement plus large de LREM a eu lieu au même endroit un peu plus tard ;
  • Marlène Schiappa, Nathalie Loiseau et Chrysoula Zacharopoulu avaient, quelques jour plus tôt, publié une tribune dans le Journal Du Dimanche pour proposer un « pacte Simone Veil », avec comme objectif l’harmonisation par le haut les droits des femmes, avec principalement le droit à l’avortement mis en avant à mots couverts.

Pourtant, tout cela est tout à fait cohérent. Simone Veil a toujours été une femme politique relevant de la Droite. Si elle a mis en avant les droit des femmes, c’est uniquement dans le sens de l’ultra-libéralisme. Le droit à l’avortement établi administrativement, en niant toute question de morale, relève résolument de la position libérale selon laquelle l’individu fait ce qu’il veut comme il l’entend, sans qu’on ait à le juger. Il suffit de lire comment elle a justifié l’avortement pour s’en convaincre.

> Lire également : Mai 1968, la droite libérale et l’interruption volontaire de grossesse

Évidemment, si l’on réduit le combat politique à une bataille pour l’élargissement des droits individuels, on trouvera cela très bien. D’ailleurs, tant les libéraux que la « Gauche » post-industrielle, post-moderne, ont fait de Simone Veil une icône. Et c’est d’ailleurs aussi en ce sens qu’il faut voir la critique d’EELV, qui dit somme toute : nous aussi nous sommes libéraux sur le plan des mœurs, Simone Veil est aussi à nous !

Mais si l’on est partisan de la Gauche historique, alors Simone Veil est inacceptable et sa manière de permettre le droit à l’avortement a uniquement servi l’esprit libéral, faisant de l’avortement une simple formalité, niant toutes les questions morales qui vont avec. Le droit des femmes a ici été dévié en rejet de la biologie, en liquidation de toute valeur à ce qui est naturel, en affirmation unilatérale du libre-arbitre absolu.

C’est pour cela que la question de l’avortement reste paradoxalement si actuelle dans la société et que de larges parties de la population européenne sont contre. Ce n’est pas qu’elles soient réactionnaires, mais elles sont piégées par la réaction, qui a beau jeu de profiter des positions caricaturales des ultra-libéraux.

La question de Simone Veil est donc tout à fait pertinente, mais pas du tout parce que LREM fait une récupération. Bien au contraire, on voit comment beaucoup de gens se sont fait aspirés par le libéralisme. Pensant bien faire, être ouvert d’esprit, beaucoup de gens de gauche ont considéré qu’il était dans l’ordre des choses de laisser faire les gens ce qu’ils veulent, comme ils veulent, que c’était là s’opposer au conservatisme, aux fachos.

Mais l’alternative n’est pas le conservatisme contre le libéralisme. Elle est entre un capitalisme toujours plus libéral et relativiste, ou bien le retour en arrière réactionnaire, ou bien la démocratie la plus large en défense de la culture, le Socialisme. C’est une bataille pour les valeurs qui se joue et qui croit combattre la réaction en niant le principe même de valeurs ne fait que servir le libéralisme… Un libéralisme qui n’est pas qu’économique, mais est également moral, culturel, idéologique.

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L’Union européenne est-elle l’un des plus grands espaces de démocratie, comme le disent les jeunes socialistes ?

Le Mouvement des jeunes socialistes a relayé et signé une tribune appelant la jeunesse à voter pour les élections européennes, parce que l’Union européenne serait l’un des plus grands espaces de démocratie. Qu’en est-il réellement ?

Deux associations destinées à la jeunesse, mais organisées par des adultes, ont commandé un sondage qui confirme ce que tout le monde sait. Les jeunes se désintéressent des élections et la plupart d’entre eux n’envisagent pas de se rendre aux urnes le dimanche 26 mai 2019.

L’enquête d’opinion réalisée par l’IFOP pour l’Anacej et les Jeunes Européens – France estime que seuls 23 % des jeunes de 18 à 25 ans pensent aller voter. Cela serait un record.

Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) s’en est désolé et a signé la tribune publiée par ces deux associations pro-européennes (que nous reproduisons à la fin de l’article), afin d’appeler au vote.

Dans une publication Facebook, le MJS a partagé cette tribune en expliquant :

« L’Union Européenne est l’un des plus grands espaces de démocratie. Pourtant une part de sa population s’abstiendra en trop grand nombre : la jeunesse.

Si son doute est compréhensible, nous ne nous résignons pas à cette abstention qui consiste à laisser aux autres le choix de faire changer les choses.

Même dans des formes différentes, la jeunesse s’engage ; le 26 mai elle doit voter. »

Ce message est très problématique. On peut très bien déplorer le fait que la jeunesse ne s’intéresse pas aux élections et penser que l’abstention n’est pas une solution. C’est d’ailleurs l’une des grandes bataille de la Gauche que de politiser la jeunesse, au contraire de la Droite dont l’essence est de confisquer la politique au profit de notables.

Cependant, il faut savoir de quoi l’on parle, et ne pas lancer de grands phrases abstraitement, sans se soucier de la réalité. Appeler au vote pour défendre des idées, c’est une chose, et c’est le rôle de la Gauche ; c’est en tous cas le choix qu’elle a quasiment toujours fait historiquement. Cela n’a toutefois rien à voir avec le fait de défendre le vote pour le vote, en faisant la promotion des institutions elles-mêmes.

N’est-il pas problématique d’ailleurs de la part de Julien Lesince, le « responsable des relations avec les partenaires aux Jeunes Socialistes », de signer cette tribune aux côtés du délégué général des Jeunes avec Macron ?

Cela ne revient-il pas à vouloir dépolitiser la jeunesse, en faisant comme si tout se valait, comme si la Droite et la Gauche étaient deux options tout autant acceptables, relavant d’une sensibilité personnelle ? C’est d’ailleurs le discours des populistes que de dire que la Gauche et la Droite se valent et on connaît les ravages que font de tels propos.

Le point de vue de la Gauche, c’est au contraire de considérer que cette société ne fonctionne pas comme elle le devrait, qu’il faut la changer en profondeur. Les modalités du changement différent suivant les courants de la Gauche, mais l’idée est toujours de proposer un accès égalitaire et massif aux richesses par un fonctionnement démocratique général.

La Droite ou les libéraux-centristes tels Emmanuel Macron disent l’inverse. Ils pensent que cela est très bien qu’il y ait des riches et des pauvres, que ce sont des personnes riches et bien établies qui doivent diriger, etc.

D’ailleurs, n’a-t-on pas appris récemment qu’Emmanuel Macron a largement fait financer sa campagne présidentielle par des personnes riches, contournant toute pratique démocratique réelle pour se faire élire avec de grands moyens ?

Quel sens cela a-t-il alors pour la Gauche, de surcroît pour la jeunesse de gauche, d’appeler les jeunes au vote pour le vote, aux côtés d’un soutien d’Emmanuel Macron ? Cela revient à soutenir le fonctionnement des institutions, précisément ce que rejette la jeunesse, à juste titre. C’est une grande erreur.

Et c’est là qu’on en vient à la question de l’Union européenne. Est-ce un des plus grands espaces démocratiques, comme le disent les jeunes socialistes ? Est-ce même un espace démocratique ? On pourra toujours discuter des nuances, mais il est indéniable que l’Union européenne n’est pas une instance démocratique. N’importe quel constitutionnaliste sérieux le reconnaît sans problème – elle n’a d’ailleurs pas de Constitution.

Son Parlement n’est pas un réel parlement. Il n’a qu’une valeur de témoignage quand il s’oppose et n’est efficace que quand il va dans le sens du Conseil et de la Commission. Autrement dit, ce sont les gouvernements nationaux qui font l’« Europe », avec principalement le moteur franco-allemand qui la dirige.

L’Union européenne n’est pas pour autant cette sorte de « dictature » que décrivent les populistes et les nationalistes, évidemment. Elle n’est que la déclinaison des gouvernements nationaux et des rapports de force politiques en son sein ; ses institutions n’ont d’ailleurs bien souvent pas d’autre choix que de passer outre leurs propres règles ou les traités – rien n’empêche par exemple la France qui ces dernières années ne respectaient pas la règle des 3 % de déficit ou ne respecte pas un certain nombre de réglementations environnementales.

L’important est donc la politique, en tant que rapport de force général dans la société et rapports de forces particuliers s’exprimant dans des situations particulières.

De ce point de vue, on aurait tort de penser que la jeunesse ne s’intéresse pas à la politique. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans les collèges par exemple, où les jeunes sont très organisés et très malins pour s’opposer aux professeurs et aux règles qui les agacent, presque tout le temps à juste titre d’ailleurs. Si ce n’est pas de la politique, ça !

Le MJS en a certainement conscience ceci-dit, quand il écrit que « même dans des formes différentes, la jeunesse s’engage ». Par contre, il se trompe en disant que la jeunesse a forcément tort de ne pas voter.

Il est faux de prétendre ici que l’abstention aux élections européennes « consiste à laisser aux autres le choix de faire changer les choses. » Les députés européens ne changeront rien eux-mêmes, en tant que députés européens. Ils ne pourront qu’aller dans le sens du Conseil et de la Commission, car les institutions européennes ne sont pas démocratiques et sont par ailleurs travaillées au corps par des lobbies industriels ultra organisés.

C’est donc causer un grand tord à la Gauche et aux principes de la Gauche que de vouloir faire croire à la jeunesse qu’elle devrait embrasser les institutions de l’Union européenne, qui serait un des plus grands espaces démocratiques. Cela revient à faire de la Gauche un truc de « vieux », dépassé, en dehors du mouvement réel des choses existantes.

Le Mouvement des jeunes socialistes français est ici complètement « à la ramasse », hors-jeu, à des années lumières de son équivalent en Allemagne dont le dirigeant provoque au même moment un coup de tonnerre politique dans le pays en parlant de collectivisation et de Socialisme.

Le MJS se fourvoie en signant cette tribune intitulée « Nous irons voter pour refonder l’Europe ! », alors qu’on sait très bien que les députés européens n’ont aucun pouvoir pour faire cela.

Un tel discours mensonger n’est pas étonnant de la part d’une association comme l’Anacej, dont le rôle consiste à faire croire à des jeunes (non démocratiquement élus), qu’ils ont un pouvoir auprès des institutions par le biais de pseudo-conseils municipaux « enfants ».

Un tel discours de la part d’une organisation de jeunesse de la Gauche est par contre inacceptable. Il ne s’agit pas ici de défendre l’abstention, en tant qu’acte relevant d’un certain nihilisme. Il ne faut par contre pas accepter cette idée qu’il faudrait voter, pour voter. S’il faut voter, alors c’est pour des idées, pour une vision du monde, pour renforcer la Gauche et changer vraiment la vie !

Voici pour information cette tribune initiée par l’Anacej et les Jeunes Européens – France et signée par le MJS :

« Nous irons voter pour refonder l’Europe !

Le 26 mai, les citoyens sont appelés aux urnes pour élire leurs députés européens. Si l’abstention des Français pour les élections européennes est importante dans les sondages (60 % en mars 2019), elle est massive et atteint le chiffre de 77 % chez les jeunes de 18 à 25 ans (avril 2019). De plus, 69 % des jeunes estiment être mal informés sur l’Union européenne et ses actions.
Nous, jeunes engagés, ne pouvons nous résoudre à une participation si faible de notre génération à un scrutin aussi déterminant pour l’avenir de notre continent et de ses citoyens.

La méfiance croissante des jeunes envers les institutions politiques traditionnelles, la méconnaissance des enjeux européens et du fonctionnement de l’Union européenne, et leur déception face à l’incapacité de ces instances à répondre à leurs préoccupations premières sont autant de facteurs qui expliquent l’abstentionnisme des jeunes. Notre génération a tendance à se reporter sur d’autres modes d’engagement, ne trouvant pas sa place dans la démocratie représentative que nous partageons avec 500 millions d’Européens.

Pourtant, l’Union européenne a un impact direct sur notre vie quotidienne par les lois qu’elle adopte. Et ces mesures sont votées par nos députés européens.
L’Union européenne est aussi la seule à même de pouvoir répondre aux grands défis de notre génération, parmi lesquels la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité, une gouvernance mondiale pacifique, et enfin les migrations et la lutte contre les inégalités dans le monde.

Les jeunes placent ces sujets au cœur de leurs préoccupations et attendent des engagements forts dans ces domaines de la part des candidats et des responsables politiques.

Il est donc temps que des propositions concrètes, répondant aux attentes des jeunes, émergent dans cette campagne. Candidates et candidats, arrêtez la bagarre politico-politicienne relevant d’enjeux nationaux, et engagez-vous dans un débat d’idées sur les grands défis européens ! L’avenir de notre génération et des suivantes en dépend.

Nous formulons donc trois propositions pour tenter d’infléchir à court et moyen terme cette situation désolante de désintérêt massif des jeunes pour la démocratie européenne :

• Que les candidats en lice publient enfin leurs principales propositions à destination des jeunes en vue du scrutin du 26 mai ;
• Que les candidats et les responsables politiques s’engagent sur la multiplication par dix du budget consacré à Erasmus + pour faire de la mobilité une opportunité pour toutes et tous ;
• Que l’éducation à la citoyenneté européenne devienne une priorité nationale dans la politique éducative du Gouvernement français
Nous ne ferons pas l’Europe sans ses citoyens, nous ne ferons pas l’Europe sans la mobilisation générale des jeunes du continent. Relevons le défi de raviver la démocratie européenne, soyons la génération de refondateurs de l’Europe !
Liste des signataires :
• Hervé Moritz, président des Jeunes Européens – France
• Léanna Vandewalle, vice-présidente de l’Anacej et membre du Comité jeunes
• Thomas Khabou, coresponsable du Forum français de la jeunesse
• Orlane François, président de la FAGE
• Martin Bohmert, délégué général des Jeunes avec Macron
• Théo Garcia-Badin et Nina Cormier, co-secrétaires des Jeunes Écologistes
• Mathilde Karceles, vice-présidente Europe des Jeunes Démocrates
• Henry Dupas, président des Jeunes Radicaux
• Rabi Bakkali, président du Syndicat Général des Lycéens
• Benjamin Flohic, représentant de Place Publique Jeunes
• Maylis Lavau Malfroy, référente Nouvelle Donne Campus
• Laure Gombert, présidente de l’UNEAP
• Julien Lesince, responsable des relations avec les partenaires aux Jeunes Socialistes »

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Politique

Le dirigeant des Jeunesses socialistes d’Allemagne parle de collectivisation et de Socialisme

Au moyen d’une simple interview, le dirigeant des Jeunesses socialistes d’Allemagne Kevin Kühnert a provoqué une onde de choc politique en utilisant des termes tabous. La Droite est vent debout contre le projet social-démocrate réactivé de collectivisation partielle de l’économie, dans une sorte de fusion forcée capital-travail.

« Qu’est-ce que le Socialisme pour vous, Kevin Kühnert ? » Avec cette question en titre de son interview placé à la page 8 de sa parution du deux mai, le quotidien allemand Die Zeit savait très bien qu’une petite tempête politique allait traverser l’Allemagne. Cela n’a pas manqué. Imaginez ! Le lendemain du premier mai, il est parlé ouvertement de Socialisme, de nationaliser BMW !

C’est que le chef des Jeunesses socialistes a un point de vue bien arrêté, comme en témoigne sa position sur la nationalisation des grandes entreprises propriétaires d’appartements à Berlin. Et il est très populaire. Il fait un grand tour d’Allemagne dans le cadre des élections européennes et est très apprécié par la base du SPD. Il est considéré qu’avec lui, il y a un retour aux sources.

Dans l’interview, composée de 24 questions, Kevin Kühnert y va franco. En expliquant par exemple, que le Socialisme c’est la collectivisation de grandes entreprises, de manière démocratique. Qu’entend Kevin Kühnert par là ? Qu’il n’y a pas de droits d’auteur dans une entreprise et que ce n’est pas parce qu’elle a été lancée de par le passé avec un certain risque qu’aujourd’hui, une fois en place, les travailleurs n’ont pas une place aussi importante que les propriétaires. Le travail a autant d’importance que le capital. Et d’ailleurs, même la première voiture fabriquée par une entreprise ne l’a pas été par les propriétaires.

C’est un retour aux thèses social-démocrates ouest-allemandes des années 1970, mais dans le contexte actuel, c’est explosif. Car Kevin Kühnert explique ouvertement que le capital doit reculer. Quelqu’un qui a la propriété d’un terrain mais qui n’en fait rien doit se soumettre aux intérêts de la commune, en le lui vendant. Il y a ici une ligne de restriction du droit de faire ce qu’on veut avec sa propriété. C’est absolument inacceptable dans les règles traditionnelles du capitalisme… ou bien pour le capitalisme en général.

Pire encore pour ses détracteurs, Kevin Kühnert a expliqué que selon lui on devrait seulement posséder son propre logement, et pas plus. Il prône pour cela la mise en place de coopératives. Il n’est pas normal selon lui que quelqu’un vive du travail d’un autre par l’intermédiaire du besoin de logements. Il trouve cela injuste. Là, il attaque directement la question de l’accès à la propriété comme valeur en général.

Kevin Kühnert reste, on le notera, très vague quant à ce qu’il entend par Socialisme en tant que tel, et il ne répond pas à la question de la mise en commun des moyens de production, du marxisme. Il contourne ouvertement les questions en répondant suivant un leitmotiv très simple : il dit simplement que les choses sont inacceptables, qu’il faut dépasser le capitalisme par les collectivisations, mais en même temps qu’il se situe dans la démarche social-démocrate historique d’économie sociale de marché.

Est-il ici tacticien ou sincère ? En tout cas, au pays historique de Karl Marx, mais aussi de Rosa Luxembourg, et depuis l’interdiction du communisme organisé en Allemagne de l’Ouest au début des années 1950 (avec également l’interdiction de devenir fonctionnaire, etc.), une telle affirmation a provoqué de sacrés remous. Le quotidien populiste Bild assimile Kevin Kühnert à « Staline, Mao, Pol Pot, Castro, Ceausescu et Honecker » et le journal Handelsblatt dit pour provoquer que son programme est de fabriquer des Trabant (une marque est-allemande) dans les usines BMW et qu’il faudra les attendre pendant vingt ans.

Le responsable du forum économique du SPD, Michael Frenzel, est clairement pour son exclusion. Johannes Kahrs, figure de la droite du SPD, se demande ce que Kevin Kühnert a fumé. D’autres ont enjoint Kevin Kühnert à rejoindre Die Linke, bien plus à Gauche et en quelque sorte dans le prolongement culturel de la République démocratique allemande.

Le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, a tenté quant à lui de calmer le jeu, en disant que c’était là une vision utopique, pas le programme du SPD. Car Kevin Kühnert n’est pas du tout isolé, ses soutiens sont nombreux, même sans être d’accord sur le fond avec lui, comme le vice-chef du SPD, Ralf Stegner, qui parle de tempête dans un verre d’eau. En fait, sans être forcément sur la même ligne que lui, de nombreux cadres du SPD reconnaissent ouvertement que le capitalisme touche à ses limites et que dans le pays, cela murmure beaucoup.

Même Reiner Hoffmann le patron du DGB, la principale centrale syndicale, le dit en parlant de l’initiative du dirigeant des Jeunesses socialistes : « Nous voyons le capitalisme dérailler ». Le barrage à Gauche est ainsi toujours plus vigoureux en Allemagne ; dans les sondages, le SPD, les Verts (bien plus à Gauche qu’en France, avec une dimension planificatrice de l’économie) et Die Linke rassemblent 45 % des voix. Il y a une tendance de fond et Kevin Kühnert l’exprime. L’idée générale est la suivante : il y a des domaines où le marché n’a rien à faire, du moins en tout cas pas à décider. Il ne faut donc fermer aucune porte à Gauche.

Kevin Kühnert a parfaitement conscience de cela, et s’il parle de collectivisation comme seul levier pour dépasser le capitalisme, il ne précise pas la nature de cette collectivisation, ni la forme de semi-socialisation des entreprises que cela implique, ni quels seraient les rôles du capital et du travail. Il laisse toutes les possibilités ouvertes. Ira-t-il jusqu’au bout de son raisonnement ? Rien n’est moins certain : beaucoup de figures historiques du SPD ont été auparavant des dirigeants des « Jusos », tel Gerhard Schröder, pour devenir ensuite des opportunistes carriéristes millionnaires.

Mais, dans tous les cas, cela penche à Gauche en Allemagne et la social-démocrate existe réellement. Et maintenant que le capitalisme est partout, l’idée de le faire reculer par une « collectivisation » porte en soi une charge terrible de luttes de classe, même si cela peut être flou, hypothétique, incohérent ou néo-réformiste.

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Les slogans très différents du PCF et de Die Linke pour les élections européennes

L’excellent discours anti-militarisme de Fabien Roussel du PCF que nous avons publiée hier ne masque pas un aspect essentiel : la Gauche allemande est bien plus avancée sur le plan des idées, plus volontaire, plus profonde aussi. La Gauche française a en comparaison l’air d’un mouvement « catho de gauche ».

Le discours à l’occasion du 8 mai de Français Fabien Roussel ( pour le PCF ), accompagné de l’Allemand Bernd Riexinger ( pour Die Linke ), au sujet des élections européennes, est un vrai appel contre le militarisme. Il y a même une référence ouverte à la crise des années 1930 ! On devine aisément que ce n’est pas le PCF qui est à l’origine de la majorité du texte, mais bien Die Linke.

Le PCF a en effet malheureusement une approche qui n’est pas du tout « années 1930 ». Il n’y a pas la bataille pour la base populaire. En Allemagne, on l’a par contre bien compris, comme en témoigne l’activité de Sahra Wagenknecht, notamment. Et cela se lit très bien dans les slogans utilisés pour les Européennes.

Le slogan du PCF est le suivant :

Pour l‘Europe des gens, contre l’Europe de l’argent

C’est un slogan apolitique, avec même une référence à l’argent qui, dans un pays marqué par Proudhon et le catholicisme, est toujours douteux. En France, l’argent est mal vu, même dans les classes dominantes. On ne parle pas de combien on gagne, cela ne se fait pas. L’esprit catholique de gauche prédomine et on a l’habitude partout de dénoncer les « nouveaux riches » qui eux étalent leurs richesses.

Le slogan utilisé en Allemagne par Die Linke est par contre bien différent :

Für ein solidarisches Europa der Millionen, gegen eine Europäische Union der Millionäre!

( Pour une Europe solidaire des millions, contre une Union européenne des millionnaires ! )

Die Linke oppose les millions ( de gens ) qui n’ont pas grand-chose aux quelques uns qui ont des millions. Le contraste entre les deux aspects est saisissant et relève nettement d’une lecture en termes de classes. Ce n’est pas « l’argent » comme abstraction qui est dénoncé, mais ceux qui se l’accaparent. Cela peut paraître une nuance infime, mais cela change tout. Le Vatican peut ouvertement dire la même chose que le PCF… mais ne peut pas du tout dire la même chose que Die Linke.

Une autre différence très importante est la question des institutions. Die Linke oppose une Europe solidaire des millions de personnes à l’Union européenne des millionnaires, c’est-à-dire qu’un autre projet européen est sous-jacent. Le PCF lui oppose l’Europe à l’Europe, comme si la même chose pouvait indifféremment avoir deux formes. On a ici quelque chose de totalement différent de ce que dit Die Linke.

Cette différence entre le PCF et Die Linke repose bien entendu sur des visions du monde fondamentalement différentes. Tous deux sont très marqués par l’expérience des pays de l’Est européen. Seulement, le PCF entend faire autre chose, considérant que l’expérience a totalement failli à la base, alors que Die Linke est davantage dans l’optique de faire pareil, mais totalement différemment. La République démocratique allemande est considérée comme une tentative sur un vaste chemin, en quelque sorte globalement positive.

On n’est pas obligé d’être d’accord. On ne peut que voir toutefois qu’il existe dans la Gauche allemande autour de Die Linke une valorisation du patrimoine du mouvement ouvrier, un prolongement dans l’identité. Ce n’est pas du tout le cas dans le PCF, à part pour quelques épisodes symboliques, vidés de leur sens.

Il ne s’agit pas ici de considérer positivement ou non l’expérience dans les pays de l’Est, soulignons le bien. Il s’agit simplement de voir que le PCF se veut quelque chose de totalement nouveau et que cela ne donne pas grand-chose sur le plan du contenu. Il y a beaucoup de promesses pour une dynamique future, mais cela tarde, cela ne ressort pas. Die Linke puise par contre dans le passé et cela lui insuffle une dynamique. On pourrait en préférer une autre, bien entendu, cependant cela ne change pas le fond de la question : on en revient à l’opposition entre la Gauche historique et celle de nature post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale.

Ce qui va se passer pour ces élections européennes est donc très important. Il faudra bien évaluer quel type de Gauche parvient à s’affirmer, lequel ne donne rien ou pas grand-chose. Lequel parvient à s’ancrer dans la population, lequel lui reste extérieur. La situation est différente selon les pays évidemment, mais il y aura forcément des enseignements, parce qu’au-delà des résultats électoraux ( qui sont bien secondaires par rapport à l’essentiel ), il y a le contenu, la perspective, la dynamique.

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Culture

Vers le soleil, vers la Kabylifornie

Qui s’intéresse à la fois à la France et l’Algérie avec du cœur imagine très bien une fédération des deux pays, où les deux pays devenus socialistes se développeraient fraternellement. L’immigration irait alors vers le soleil, notamment la Kabylifornie.

Le groupe français Bagarre a tourné la vidéo de sa chanson Kabylifornie juste avant les événements caractérisés par la révolte populaire contre le président Bouteflika, pauvre vieil homme malade utilisé comme marionnette par le pouvoir militaire. Cependant, sur le plan historique, la convergence est parfaite. L’Algérie est un pays où la jeunesse est prépondérante, sans pour autant que les infrastructures aient suivi, sans parler de l’ennui.

Il y a 20 ans, cet ennui aurait été comblé par une religiosité très marquée et l’islamisme. Ce dernier a échoué et s’est enlisé, au point de ne plus représenter grand-chose, à l’opposé de la religiosité personnelle, qui reste intense. Mais si elle satisfait des questions intérieures, au sens où cela fait un thème par où passer pour se sentir exister, cela ne fait pas disparaître l’ennui. Il faut donc une révolte contre l’ennui, et la vidéo de Kabylifornie est ici splendide.

Naturellement, la Kabylie n’est pas l’Algérie dans son ensemble. On sait comment les Kabyles évitent beaucoup ce fanatisme religieux faisant du Coran un texte intouchable, comment également les valeurs de partage restent très présentes, comme prolongement d’une vie communautaire longtemps maintenu.

Mais l’Algérie, c’est aussi la Kabylie et il faudra bien que l’Algérie l’accepte, elle qui se définit comme arabe et musulmane seulement. L’unité populaire va forcément passer par une prise en compte de la dimension kabyle, et de toutes façons c’est toute la jeunesse algérienne qui exprime le besoin de se tourner vers une Kabylifornie.

 

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KABYLIFORNIE…FAILED VERSION 🤡

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Ne peut-on d’ailleurs pas dire que la jeunesse française, elle aussi, recherche la Kabylifornie ? Il y a un besoin de modernité qui frappe la jeunesse du monde. Elle sent qu’il y a beaucoup de choses possibles, alors pourquoi cela n’existe-t-il pas ? Les possibilités matérielles de l’amusement, de la culture, sont énormes, et pourtant on s’ennuie ! Tout cela parce que les vieux veulent que tout reste pareil !

Il est évident qu’un nouveau mai 1968 se profile, qu’une révolte de la jeunesse est en train de couvert, contre un monde trop gris, dépassé par les échanges culturels, la diffusion de la musique, du design, du style vestimentaire, de l’exigence d’une certaine classe dans les comportements. Ce besoin de modernité personnelle ne peut être exprimé par le Socialisme, mais les jeune sauront-ils abandonner leur individualisme ?

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Guerre

Le PCF et Die Linke rendent hommage à Jean-Pierre Timbaud en plaidant en faveur d’une Europe de la paix

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le secrétaire général du parti allemand de gauche Die Linke, Jörg Schindler, étaient réunis ce mardi 7 mai 2019 à Paris pour rendre hommage à Jean-Pierre Timbaud. C’était l’occasion de dénoncer l’Europe guidée par « la coopération militaire et l’armement », et de plaider en faveur de la paix.

Jean-Pierre Timbaud est une grande figure communiste de la Résistance, fusillé par les nazis en octobre 1941. Il est connu pour avoir crié « Vive le Parti communiste allemand » au moment de sa mort, ce qui fut un acte d’internationalisme prolétarien d’une grande valeur.

Le discours de Fabien Roussel publié ci-dessous va pleinement dans ce sens, en rappelant « le combat commun des classes ouvrières française et allemande » contre le nationalisme et le fascisme, cette « bête immonde ».

Les deux partis siègent ensemble au Parlement européen et ont eu plusieurs initiatives communes dans le cadres des élections européennes. Il est question ici de leur combat en faveur d’une «Europe de la paix », alors que la course à l’armement est de plus en plus folle et grande.

Il est critiqué, conformément aux valeurs historique de la Gauche, l’« Europe de la défense que Macron et Merkel appellent de leurs vœux » et « l’industrie de l’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, toutes les bonnes guerres ».

Voici le discours de Fabien Roussel du PCF :

« Initiative PCF – Die Linke
Hommage à Jean-Pierre Timbaud :
Pour une Europe de la paix, contre l’Europe du surarmement

Chère Maryse Veny petite fille de Jean-Pierre Timbaud,
Chère Michèle Gauthier, fille d’Henri Gauthier,
Chère Carine Picard Niles, petite fille d’Odette Niles, représentant  ici l’Amicale Châteaubriant Voves Rouillé Aincourt
Cher Claude Ven représentant la Fédération CGT Métallurgie ainsi que son Institut Histoire Sociale qui est installée ici même dans leur Maison des Metallo
Mesdames et messieurs les représentants des organisations et associations militant pour la paix
Mesdames et messieurs les parlementaires
Mesdames et messieurs les élu·es de Paris
Cher·es ami·es, cher·es camarades

Je suis heureux de nous voir réunis ici en cette veille du 8 mai et des célébrations de la Victoire contre le nazisme, avec notre camarade Jörg Schindler, secrétaire général de Die Linke.

C’est une initiative à laquelle je tenais particulièrement et dont nous avons convenu fin avril avec Berndt Riexinger, le co-président de Die Linke que j’ai eu le plaisir de recevoir à Paris, au siège du Parti.

Il est pour nous très important  à la fois de faire vivre la mémoire de la Grande Victoire de 1945 contre le fascisme, de rendre hommage aux héros morts en déportation et exterminés, Juifs, Tsiganes, homosexuels, communistes, progressistes.  Mais aussi de rendre hommage aux héros de la Résistance tombés dans toute l’Europe, du maquis des Glières aux actions de la résistance allemande.

Ce n’est pas uniquement une question de mémoire. La lutte continue aujourd’hui contre le fascisme, contre la montée des idéologies nauséabondes, racistes et des idéologies de guerre en Europe. Les appels à la haine s’entendent aujourd’hui à nouveau partout en Europe.

Comme l’a écrit Berthold Brecht, « Le ventre est encore fécond d’où est sorti la bête immonde ».

Nous sommes ici pour dire ensemble que le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui renforce véritablement la fraternité et la solidarité entre les peuples dans le respect de leur souveraineté – et non leur mise en concurrence exacerbée ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui défend les intérêts des classes populaires et des travailleurs –et non ceux des banquiers et des multinationales ; le seul projet européen qui vaille, c’est celui qui fait de la construction de la paix et d’une culture de paix son axe essentiel et sa priorité absolue.

C’est cette ambition-là que nous voulons porter, à rebours du modèle ultra-libéral dont Emmanuel Macron et Angela Merkel veulent intensifier la marque, au nom d’un« couple franco-allemand » autoproclamé moteur de l’Union européenne.

Un couple tellement centré sur la domination qu’il passe son temps à s’affronter pour savoir qui est le plus fort des deux !

Nous, les communistes, nous formons avec Die Linke un autre couple franco-allemand ! Un vrai couple, dont les relations sont fondées sur les principes d’égalité, de solidarité et d’épanouissement respectif.

Notre « couple franco-allemand », c’est celui qu’incarnait le syndicaliste et dirigeant politique communiste, Jean-Pierre Timbaud, auquel nous voulons rendre un hommage fraternel ce soir.  Bien d’autres avec lui ont porté ce combat pendant la guerre, le combat commun des classes ouvrières française et allemande, le combat commun des communistes français et allemands ; le combat commun des démocrates, femmes et hommes, militant-es de l’émancipation humaine et sociale – français et allemands- qui s’engagèrent dans la Résistance et ont abattu nazisme et fascisme il y a 75 ans.

Notre couple franco-allemand, c’est celui qui se lève pour s’opposer à l’augmentation indécente des budgets de Défense, sur ordre de l’OTAN, pour atteindre 2 % du PIB d’ici 2024. L’OTAN exige en outre que 20% de ces budgets faramineux soient consacrés à l’achat d’armement neuf.

La France va dépenser 295 milliards d’euros au total pour sa défense entre 2019 et 2025 alors que toutes les politiques publiques sont privées de l’argent indispensable pour rénover et développer nos infrastructures et nos services publics de santé, d’éducation, de transport, de culture. Sur le nucléaire, pour la même période, le budget de la modernisation est en hausse de 60% par rapport à la période précédente ! Il passera de 23 milliards à 37 milliards d’euros. 14,5 millions d’euros par jour !

A-t-on besoin d’investir 14,5 millions d’euros par jour dans la modernisation nucléaire quand notre pays a tant besoin d’hôpitaux, d’écoles, de services publics ?

Savez-vous ce que cet argent représente ?

Nos amis du Mouvement de la paix ont fait le calcul, c’est simple : 1 missile M51 c’est l’équivalent de 100 scanners médicaux mais des départements entiers du pays se transforment en déserts médicaux ; 1 Mirage, c’est l’équivalent de deux collèges en milieu rural mais nos campagnes, notre ruralité se meurt un peu plus chaque jour

Tout le monde appelle à la paix mais les dépenses mondiales d’armement explosent à nouveau : 1 700 milliards de dollars pour 2017 dont la moitié pour les seuls pays membres de l’OTAN.

Non seulement nous nous emprisonnons dans la stratégie belliciste de l’OTAN mais nous en « rajoutons » quand Macron et Merkel cherchent, à relancer le projet d’« une Europe de la Défense » .

Cette « Europe de la défense » qu’ils appellent de leurs vœux en agitant toutes les peurs, les haines possibles, ces 13 milliards d’euros de dotation, prévu pour 2021-2027, pour le « Fonds européen de la Défense », c’est le « cadeau » qu’ils réservent à l’industrie d’armement, à l’affût de toutes les bonnes affaires, les bonnes guerres…

« Qui veut la paix, prépare la paix » et c’est pour cela que nous appelons l’Europe, la France et l’Allemagne à ne pas vendre d’armes aux pays en guerre, aux dictatures, aux pays qui entretiennent des conflits coloniaux, expansionnistes, soutiennent le terrorisme international ; la France ne doit pas vendre des armes à l’Arabie saoudite, 11 milliards d’euros en 9 ans, et prétendre que ces armes ne sont pas utilisées au Yemen !

Nous appelons à interdire toutes les opérations militaires extérieures en dehors des résolutions de l’ONU ; nous appelons à redonner tout son rôle à cette organisation internationale au lieu de promouvoir le devoir d’ingérence.

Et nous appelons à signer et à ratifier le traité international d’interdiction des armes nucléaires ;

Nous disons NON à l’« Europe de La Défense » et  oui à la dissolution de l’OTAN. Et sans attendre, la France doit quitter l’OTAN.

L’ « Europe de la défense » et l’OTAN doivent être remplacés  en Europe par un traité de coopération et de sécurité collective qui implique tous les pays du continent en mettant un terme aux stratégies de tensions et de surarmement ; nous opposons à l’idée de militarisation sans fin du continent l’idée de sécurité collective, principe qui est un des fondements de la charte des Nations Unies selon lequel les mesures de défense prises par un État ne doivent pas compromettre la sécurité d’un autre état.

La tenue, sous l’égide de l’ONU, d’une conférence pan-européenne de paix et de sécurité collective est urgente et nécessaire pour faire baisser les tensions entre l’UE et ses voisins. Ce qui a été possible en pleine guerre froide, avec la conférence d’Helsinki, l’est d’autant plus aujourd’hui.

Nous appelons à abroger les accords de libre-échange pour les remplacer par des accords de maîtrise des échanges avec les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique…

Nous appelons à réinvestir l’ONU et ses agences pour qu’elles soient de véritables outils au service de la prévention des conflits et du développement humain.

Nous appelons à bannir les racismes, les discriminations, et à restaurer la justice et l’égalité des droits, à conquérir de grandes avancées sociales pour les travailleuses et travailleurs du monde entier.

L’Europe de la paix, chers amis, chers camarades, c’est celle qu’a portée Jean-Pierre Timbaud au moment mourir.

C’est notre vision à nous aujourd’hui, c’est celle d’une union de peuples et de nations libres, souverains et associés.

« C’est le plus grand des combats », nous exhortait Jaurès et nous ne cesserons jamais d’en faire notre priorité car elle donne tout son sens à une Europe des gens, une Europe qui n’a d’autre visée que l’humain d’abord.

C’est dans cet esprit que nous nous battons pour faire élire au parlement européen, le 26 mai, le plus de députés communistes, de Die Linke et de la gauche européenne. »

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Politique

Le Royaume-Uni participera aux élections européennes

Le chaos politique du Brexit ne s’arrête pas. Sa source est il est vrai intarissable : c’est l’accroissement de la compétition internationale pour le repartage du monde. Les alliances se font et se défont, alors que les dépenses d’armement explosent. Avoir un pied dedans et un pied dehors est le plus grand luxe qu’on puisse se fournir.

Personne ne peut comprendre pourquoi le Royaume-Uni va participer aux élections européennes, alors que son gouvernement est très clair sur sa sortie prochaine. Si encore il y avait un doute, un nouveau référendum, mais non, ce n’est pas le cas. Le pays va sortir, c’est une certitude. Mais qu’est-ce qui est sûr alors que ces derniers jours, Donald Trump a relancé la guerre commerciale avec la Chine et que son armée aurait un plan d’invasion de l’Iran assez précis ? La tendance n’est-elle pas également à une production d’armement toujours plus grande, toujours plus sophistiquée ?

Si l’on prend les critères de la Gauche historique, la chose est très claire : on va à la guerre. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme. Il est cependant clair pour tout le monde que les deux principaux protagonistes seront les États-Unis, à l’immense potentiel militaire, et la Chine, qui a comme horizon de devenir la plus grande puissance mondiale d’ici 30 ans. Les tensions entre les deux pays ne peuvent qu’augmenter, jusqu’à la confrontation.

La France n’est pas en reste. On accuse souvent et avec raison la Russie de se militariser, mais la France la dépasse en ce domaine. Plus personne ne s’arrête dans la militarisation, en fait. Un jour, l’un est plus puissant, un autre jour, c’est l’autre. C’est ce contexte instable par définition qui fait que le Royaume-Uni tergiverse. Dans le fond, il n’en a rien à faire de l’Union européenne et de son inévitable moteur franco-allemand. Il dispose de son « Commonwealth » et il est bien connu que stratégiquement, c’est pratiquement un État américain.

Mais qu’y a-t-il de mieux que de faire en sorte que la manière de sortir de l’Union européenne se déroule de la manière la plus adéquate pour ses intérêts ? Et pour cela, il faut gagner du temps. Et comment gagner du temps, si ce n’est en ayant des élus européens fraîchement élus ? Il faut voir le chaos provoqué par la participation du Royaume-Uni. Normalement, les postes pour ses députés auraient dû être dispatchés à d’autres. Là, ce ne sera pas le cas. Il faudra le faire par la suite, mais à quoi va ressembler la suite ?

On voit également comment la Gauche est ici coincée. D’un côté, pour renforcer l’Union européenne, si on a l’espoir de la tourner dans un sens démocratique ( ce qui est discutable bien entendu ), il faudrait dire que le Royaume-Unis fait du sabotage. De l’autre, pour refuser l’esprit international de division, il faudrait saluer le fait que le Royaume-Uni soit resté jusque-là, et l’encourager à continuer…

Dans tous les cas, la Gauche est perdante. La raison en est que l’agenda est à la fois national et international, et que la Gauche est très différente selon les pays, notamment en France où elle est majoritairement post-industrielle, post-moderne, post-historique, post-nationale. Il n’y a pas le poids international qu’il y avait de par le passé, lorsque le mouvement ouvrier réussissait, au moins en partie, à exercer une pression à l’échelle de plusieurs pays. Si demain, il y avait une tension menant ouvertement à la guerre, il n’y aurait même pas les moyens d’une protestation internationale, si ce n’est symbolique.

> Lire également : nos articles sur le Brexit

Le Royaume-Uni est conscient de cela, tout comme il sait qu’au sein de l’Union européenne, il y a de nombreuses divisions. Il a donc les coudées franches. Il ne fait pas face à une opposition anti-guerre, anti-nationaliste, ni à l’extérieur, ni en son sein. Il ne fait pas non plus face à un front uni des pays de l’Union européenne. Il peut donc se balader, prolonger la bataille pour ses propres intérêts. Ce faisant, il renforce d’ailleurs ses contradictions internes, mais il s’en moque. On voit bien que le Brexit a été décidé par en haut et que l’avis des gens ne compte pas.

Tout cela est très mauvais et la situation va bien finir par être intenable à un moment. L’esprit anti-guerre doit absolument se renforcer, se généraliser à Gauche, sans quoi les vents mauvais qui arrivent seront meurtriers.

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Politique

Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste

Le programme de la liste conduite par Raphaël Glucksmann pour les élections européennes a été publié ce lundi 6 mai et a été présenté comme « l’embryon de ce qui va reconstituer la Gauche dans les années qui viennent ». On n’y trouvera cependant pas beaucoup de rapport avec la Gauche historique et ses fondamentaux liés aux classes populaires.


Le cœur du projet présenté par Raphaël Glucksmann et soutenu par le Parti socialiste est défini comme « la rencontre du social et de l’écologie », ce qui serait « un projet de rupture » avec « l’idéologie du libre-échange » et « le dogme de l’austérité ».

Il est considéré que les institutions européennes sont indispensables pour cela, afin de lutter contre le réchauffement climatique et régler les questions d’ordre économique et social. L’Union européenne étant cependant « dénaturée par les intérêts privés et les forces de l’argent des lobbies », il faudrait changer radicalement les politiques qu’elle mène.

C’est le sens donné au programme de cette liste « envie d’Europe écologique et sociale », qui s’intitule : « Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens. »

Les mots « changer la vie » sont une référence évidente aux grandes années du Parti socialiste. C’était le nom de l’hymne du parti adopté en 1977, dans la lignée du Programme commun de gouvernement avec le PCF en 1972, dans lequel figuraient aussi ces mots. La victoire de François Mitterrand en 1981 fut ensuite directement associée à cette idée de « changer la vie ».

On remarquera également une similarité avec les « 110 propositions pour la France » de François Mitterrand en 1981, puisque le programme de la liste européenne est constitué de 119 propositions.

Ces propositions visent donc à séduire les gens de gauche, d’autant plus qu’il y est aussi parlé de justice sociale, d’imposition des grandes entreprises ou encore de droits des travailleurs. Ces derniers sont cependant considérés comme relevant des droits humains en général, et pas d’une question centrale. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un programme écrit en priorité pour les classes populaires, sans même parler de la classe ouvrière, ce qui est pourtant l’ADN de la Gauche historiquement.

Lors de la présentation du programme, il a clairement été question de s’adresser aux « orphelins de la Gauche », avec dans l’idée de préparer l’après, l’indispensable reconstruction à venir. La liste est donc présentée comme une liste d’unité, mais le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a eu la drôle d’idée d’affirmer qu’elle est la seule « à promouvoir l’Europe, le social, l’écologie ».

Cela est faux bien entendu, puisqu’il y a au moins les listes dirigées par Benoit Hamon et Ian Brossat qui disent exactement la même chose à ce sujet. On peut même considérer qu’une partie importante des personnes potentiellement convaincues par ce discours européen, social et écologiste choisiront plutôt la liste des Verts menée par Yannick Jadot, voir même celle de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron, qui ne disent pas forcément grand-chose de différent.

Il faut ajouter ici une remarque très importante sur le fond, à propos de ce programme. Il est fait à travers ces 119 propositions comme s’il s’agissait d’un programme de gouvernement, qui pourrait être appliqué.

Cela n’est pas vrai du tout, pour deux raisons essentielles. Il y a d’abord le fait que l’élection est européenne, donc la France n’élit qu’une petite partie ( 79 ) des 750 députés européens. Le travail parlementaire s’effectue ensuite en groupes, constitués obligatoirement de députés de plusieurs pays : il faut donc raisonner par rapport à un groupe parlementaire européen, ce que ce programme ne fait pas du tout, et ce dont il ne parle pas du tout.

L’autre point important est que les députés européens n’ont pas l’initiative législative, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent rien proposer. Leur rôle n’est que d’approuver ou rejeter les propositions législatives, ou alors de les amender, mais c’est là un processus très complexe nécessitant une multitude de compromis et d’alliances électorales.

Il est donc entièrement mensonger de dire « nous ferons ceci, nous ferons cela » si nous sommes élus comme cela est écrit dans ce programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale ». Même si elle raflait l’ensemble des 79 sièges qui lui sont accessibles, elle ne pourrait pas faire ce qu’elle prétend, par définition.

On ne peut pas dire ici que ce n’est qu’une question de forme et que la liste présente des orientations générales, ce qu’elle pourrait voter ou non lors des sessions parlementaires. Les 119 propositions de son programme sont très précises, et formulées pour la plupart de manière affirmative.

En voici quelques-unes :

11. […] Nous favoriserons en particulier le retour de la nature en ville,
d’espaces verts dans les zones carencées, et la restauration écologique des rivières et des espaces bétonnés superflus. […]

13. Nous sortirons les dépenses liées à la transition écologique du calcul des « 3 % » de déficit public.

52. Nous interdirons les emballages plastiques et polystyrènes sur tout le territoire de l’Union européenne d’ici 2025.

56. Nous renforcerons les pouvoirs du Parlement face au Conseil et à la
Commission, en lui donnant un réel pouvoir législatif et en élargissant le champ de la codécision avec le Conseil à des domaines comme le budget, la fiscalité et la protection sociale.

69. Nous ferons de l’Europe un leader dans la défense des droits des personnes LGBTI+. […]

72. Nous mettrons fin au règlement de Dublin qui renvoie les demandeurs d’asile vers les pays de première entrée qui se retrouvent seuls en Europe à assurer le premier accueil. […]

77. Nous créerons une garantie européenne pour l’enfance, visant à assurer à tout enfant vivant sur le sol de l’Union européenne un accès à un logement, un système de garde, une éducation, une alimentation et aux soins de santé.

79. Nous mettrons en place un « Erasmus pour tous » qui permettra à chaque jeune européen de 16 à 25 ans de bénéficier d’une bourse à la mobilité allant jusqu’à 5 000 euros pour mener un projet éducatif, professionnel ou associatif dans un autre pays européen que le sien. […]

Notons également que, de manière très étrange, certaines propositions ne sont pas affirmatives, mais formulées comme des propositions justement :

14. Nous proposerons de taxer le kérosène sur tous les vols intra-européens.

54. Nous défendrons une reconnaissance internationale de l’écocide en tant que crime contre la nature et la biodiversité.

113. Nous plaiderons pour une Union européenne mieux représentée au Conseil de sécurité des Nations unies, avec un soutien clair à l’obtention d’un siège de membre permanent pour l’Allemagne, en plus du siège de la France.

Cela est encore plus faux ! Les députés européens ne peuvent rien proposer, cela n’a aucun sens d’écrire cela dans un programme pour les Européennes. Tout cela consiste donc surtout en un catalogue de mesures « idéales », pour prétendre avoir une identité « européenne », mais sans rapport réel et concret avec ce qu’est en pratique l’Union européenne.

C’est, sur le plan strictement politique, d’une grande faiblesse, et aura de la peine à convaincre. Cela n’a pas grand-chose à voir avec les fondamentaux de la Gauche historique, des grands partis de gauche en Europe qui ont à l’origine porté le point de vue de classe ouvrière et des classes populaires en général, qui ont su élaborer dans les années 1930 des fronts populaires solides contre aux nationalismes – ce dont nous avons à nouveau besoin aujourd’hui.

> Le programme de la liste « envie d’Europe écologique et sociale » : Nos 10 combats écologiques et sociaux pour changer la vie des Européennes et des Européens.

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Réflexions

Même l’imprévu reste élémentaire

La société de consommation amène tout un chacun à se construire une sorte de petite bulle. Les productions « culturelles » du capitalisme s’adaptent à cette psychologie incapable de profondeur, d’abstraction, de saisie des concepts de transformation, modification en profondeur et changement complet.

L’histoire humaine est passée par des moments douloureux et la culture a digéré tout cela notamment au moyen des tragédie et des drames. La culture, même si elle est formée consciemment par des artistes, est toujours le reflet d’une époque, le produit d’un temps. Et force est de constater que l’une des expressions de l’effondrement de la culture est la disparition du drame et de la tragédie. Non pas qu’il faille croire au destin et se conditionner à s’apitoyer sur des moments dramatiques. Toutefois, la dimension que le drame et la tragédie transportaient, ce moment de dignité humaine, avec le courage, l’abnégation, l’effondrement devant l’adversité, les tourments intérieurs, etc., tout cela a disparu.

Qui se serait imaginé il y a trente ans que sur France Culture, on pourrait entendre des propos fascinés pour une sombre stupidité comme le dernier film Avenger Endgame ? Et qu’il y aurait un scénario complexe où des personnes agiraient de manière diverses en s’entrecroisant, telle dans la Comédie humaine de Balzac ! Alors qu’en réalité, tout cela n’est que psychologisant, et encore, il faut souligner que cette psychologie est celle d’un enfant de dix ans. Même dans Game of Thrones la psychologie est basique, simpliste, réductive au possible.

Il y a ici un fil conducteur, celui de la fascination pour le simpliste, l’élémentaire, le cadre pittoresque justifiant une histoire qui, elle, n’a pas de fond. Ni les Harry Potter ni La guerre des étoiles, ni les Avengers ni aucun blockbuster ne peut atteindre un certain niveau de complexité psychologique. On a des caractères figés dans des attitudes, stéréotypés dans le sens non pas où ils sont typiques, mais au sens où ils sont totalement prévisibles.

Il en va ainsi comme de la télé-réalité : on est rassuré par ce qu’on voit, car même l’imprévu reste élémentaire, saisissable sans efforts. C’est étonnant, mais cela ne change pas le rythme intérieur où l’on se place, qui est répétitif, très simple, quasiment hypnotique pour la conscience. C’est ainsi le prolongement d’une vie quotidienne où on est tellement aliéné que le moindre imprévu réel prend des proportions incroyables. L’infantilisme a tellement gagné les gens que la moindre petite chose peut prendre des proportions incroyables pour des esprits devenus faibles.

N’est-ce pas étonnant que les gens soient de plus en plus surpris par n’importe quoi, alors que normalement on est chacun censé pouvoir faire toujours plus ce qu’on veut ? On devrait s’étonner de moins en moins, par acception toujours plus grande de la différence de l’autre, puisque on serait, selon le capitalisme, tous différents. Et pourtant le capitalisme endort dans un conformisme ronronnant, avec des moments où tout s’enraye et où c’est une sorte de panique qui se développe, un crise infantile.

Inversement, les médias racoleurs jouent justement là-dessus, au moyen de fausses actualités, notamment avec la presse people. Les démagogues à la Trump, avec les fake news, ne font pas autre chose. Les annonceurs « putaclics », comme le dit l’expression, relèvent de cette même démarche.

On se demande bien comment on peut arriver à quelque chose avec de tels gens. Car tout cela, c’est bon pour le Fascisme, pour une société atomisée, sans imprévu, ou bien des imprévus tout à fait élémentaires ( notre glorieuse nation est attaquée par de lâches ennemis, etc. ) Le simplisme aboutit au fascisme, il ne peut pas en être autrement. Quand on supprime la complexité, que reste-t-il ? Les pulsions élémentaires, des réactions basiques.

C’est tellement vrai que, et fort heureusement, les gilets jaunes n’ont même pas été foutus de devenir des fascistes. Ils n’ont même pas été capables de se projeter vers l’avant, tellement la crise économique les frappant les pétrifie tel un imprévu angoissant un enfant. Et la société française a apprécié cela, comme s’il n’y avait jamais eu de critique du capitalisme par la Gauche depuis un siècle ! C’est dire à quel point la France est en attente d’un secours de type bonapartiste, par en haut, avec un chef indiquant comment reprendre la route traditionnelle. Sur le plan des fondamentaux de la société, on est toutes choses étant égales par ailleurs très proches de l’état d’esprit allemand des années 1920.

Évidemment, toute la société n’a pas basculé dans l’infantilisme. Paradoxalement, les jeunes l’évitent encore, car ils n’ont pas le temps de réduire leur approche à celle des enfants, car ils ont été enfants et ne veulent plus l’être. C’est la jeunesse lycéenne qui sauve la France en ce moment, parce qu’elle entend bien vivre et avoir un futur, et par conséquent ne se tourne pas du tout vers le passé. Recherchant l’imprévu pour vivre, l’élémentaire ne l’intéresse pas. Il suffit de regarder le dédain de la jeunesse pour les gilets jaunes. Pour le reste également, c’est vrai, mais les portes ne sont pas fermées, alors que pour les gilets jaunes il n’y a pas eu d’attirance et les choses sont entendues.

C’est la jeunesse qui va être décisive dans les années à venir, qui va faire que cela bascule dans un sens ou dans un autre.

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La Gauche pourrait n’avoir aucun député au Parlement européen

Un sondage publié ce dimanche 5 mai 2019 donne la liste menée par Raphaël Glucksmann et soutenue par le Parti socialiste en dessous des 5 % requis pour avoir des élus aux Européennes. Cela serait un grand échec politique pour la Gauche française si aucune de ses listes ne parvenait à obtenir des députés européens.

Les sondages valent ce qu’ils valent et on peut même penser qu’ils sont très critiquables dans la mesure où ils influencent injustement les campagnes électorales. En attendant, ils existent et ils participent de la réalité, tout en la reflétant au moins dans les grandes lignes.

La grande information politique d’hier était donc ce sondage donnant la liste emmenée par Raphaël Glucksmann ( ENVIE D’EUROPE ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE ) sous la barre des 5 %, soit le seuil minimum pour avoir des élus.

L’enquête réalisée par l’institut Harris Interactive-Epoka pour les médias RTL, Le Figaro, et LCI-TF1 donne la liste à 4,5 %, en recul de 0,5 point par rapport à l’enquête précédente. C’est border-line comme ont dit, et si on peut penser que cela se situe dans la marge d’erreur, que c’est rattrapable avec une bonne dynamique de campagne pendant trois semaines, le signal est néanmoins très clair.

Force est de constater que la Gauche est tombée très bas en France. Son principal parti, le PS, ne présente même pas de tête de liste, et se retrouve maintenant menacé par un sondage de soutenir une liste qui fera chou blanc.

C’est que la Gauche est dispersée, elle n’a pas été en mesure de s’entendre. Ni Ian Brossat, tête de la liste liée au PCF ( POUR L’EUROPE DES GENS CONTRE L’EUROPE DE L’ARGENT ), ni Benoît Hamon, tête de la liste liée à Génération-s ( LISTE CITOYENNE DU PRINTEMPS EUROPEEN AVEC BENOÎT HAMON SOUTENUE PAR GÉNÉRATION.S ET DÈME-DIEM 25 ), n’ont su aller dans le sens de l’unité.

À elles trois, ces listes cumulent pourtant aux alentours de 10 %, en fonction des sondages. Ce n’est pas énorme, mais au moins cela serait significatif, marquant un pôle de la Gauche, établissant une dynamique nécessaire pour faire face à l’extrême-droite.

C’est malheureusement tout l’inverse qui se passe. En plus d’être rongée de l’intérieur, la Gauche est attaquée par les flancs, surtout par son flanc droite en fait. Yannick Jadot, qui conduit la liste EUROPE ÉCOLOGIE, explique partout qu’il n’est surtout pas de gauche, mais un sorte d’équivalent d’Emmanuel Macron en un peu moins libéral. Il entraîne cependant avec lui beaucoup de gens de gauche, notamment des personnes qui sont ou étaient liées aux Verts.

> Lire également : Yannick Jadot fait en sorte qu’EELV tourne le dos à la Gauche

C’est d’ailleurs exactement la même chose pour l’ancienne socialiste Delphine Batho, présente sur la liste URGENCE ÉCOLOGIE, qui avait expliqué récemment qu’elle n’est plus de gauche.

Il se passe bien-sûr la même chose avec la formation de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, qui assume ouvertement le populisme plutôt que la gauche, mais attire à elle une partie de l’électorat de la gauche. La tête de la liste LA FRANCE INSOUMISE, Manon Aubry, n’est pas de gauche mais entend bien s’accaparer des voix pour faire un score important et mettre la Gauche dans les cordes.

> Lire également : Alexis Corbière assume de rejeter la Gauche

À gauche de la Gauche, si l’on peut dire les choses ainsi, il y a les listes LUTTE OUVRIERE – CONTRE LE GRAND CAPITAL, LE CAMP DES TRAVAILLEURS menée par Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière et PARTI RÉVOLUTIONNAIRE COMMUNISTES menée par
Antonio Sanchez, issu du PCF. Cela ne représente toutefois a priori pas grand-chose et ces personnes n’ont de toutes manières, traditionnellement jamais fait le choix de l’unité à Gauche, à part pour des visées électoralistes.

Cela n’est pas tout. La Gauche, en étant incapable de se positionner comme un pôle clair et dynamique aux yeux de la société française, favorise de surcroît un éparpillement des initiatives. Il y a parmi les 33 listes déposées officiellement pour les élections du 26 mai prochain, beaucoup de petites listes que l’on pourrait qualifier de « thématiques » et qui pourraient séduire des gens de gauche.

C’est le cas par exemple de la liste « animaliste », de la liste « décroissance », de la liste censée représenter les jeunes ( ALLONS ENFANTS ) ou encore les questions liées au numérique ( PARTI PIRATE ), et même d’une certaine manière des « listes gilets jaunes ».

Tout cela relève de problématiques qui devraient être largement assumées par la Gauche, qui attirerait alors à elle les initiatives, pour former un grand élan démocratique et populaire dans la société française. Il en est de même évidemment de l’écologie, qui n’a pas de raison d’être considérée de manière autonome, mais doit faire partie de la proposition d’ensemble de la Gauche.

C’est d’ailleurs ce que disent tant Raphaël Glucksmann que Benoît Hamon et Ian Brossat, sauf que la dynamique de gauche n’est pas suffisamment puissante pour que cela se traduise concrètement, ici dans les votes, et autrement dans les pratiques quotidiennes et les préoccupations politiques concrètes.

La Gauche donc, risque de se retrouver bien mal dans trois semaines, avec un score très faible et une incapacité à faire front face au grand succès d’extrême-Droite qui se profile. Si, de son côté, l’extrême-Droite connaît aussi de nombreuses listes, celles-ci sont bien plus l’illustration d’une dynamique générale que d’un éparpillement. La liste PRENEZ LE POUVOIR, LISTE SOUTENUE PAR MARINE LE PEN de Jordan Bardella du Rassemblement national est promise à un très gros score et pourrait même obtenir le meilleur score en France, devant la liste représentant la majorité présidentielle.

La Gauche ne sera en mesure d’y faire face qu’en faisant front, en assumant ses valeurs historiques liées au mouvement ouvrier, en assumant le Socialisme, en assumant de vouloir réellement changer la vie pour emmener avec elle les classes populaires vers de meilleurs lendemains.

N’avoir aucun député européen à l’issue de ces élections ne changerait pas grand-chose à la donne politique et à la possibilité de construire un Front populaire dans les années à venir. Cela serait toutefois un échec symbolique retentissant pour la Gauche, qu’il vaudrait probablement mieux éviter.

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Le parti animaliste aux élections européennes

Mouvement apolitique défendant une noble cause, le parti animaliste a mis en place une liste comportant exclusivement, à très peu de choses près, des gens relevant de la bourgeoisie, des entrepreneurs, des cadres. C’est là ne pas être capable de relier la question animale aux enjeux d’une époque attendant des changements profonds et populaires.

Pour ces élections européennes, il y a un « parti animaliste » qui se présente. Si l’on est sincèrement de gauche, alors on entrevoit quelque chose de positif. La question animale se pose enfin et cela devient un thème incontournable. Cela manquait véritablement et il est indéniable que le véganisme est depuis longtemps une valeur sûre de la Gauche dans de nombreux pays déjà, tels l’Allemagne ou l’Autriche.

Le thème était en fait déjà présent dans le mouvement ouvrier dès le début, avant de disparaître une fois qu’il a été récupéré par l’anarchisme, qui lui-même l’a abandonné. Il revient et c’est une bonne chose… À condition que le regard qu’on porte sur lui soit cohérent. À moins en effet de considérer que le rapport aux animaux, à la nature, ou encore celui des hommes sur les femme, soit un phénomène qui se balade au-dessus de l’économie et de la société, on ne peut pas échapper à la nécessité d’une analyse liée au capitalisme.

Quand on dit cela, cela ne veut pas dire qu’il suffit de penser qu’une fois le capitalisme critiqué, on est dans le bon camp. Il faut analyser la société et voir les valeurs qui vont avec. Le fait de manger de la viande de manière massive est une conséquence d’une démarche du capitalisme lui-même, qui cherche des moyens de se renforcer et qui voit une possibilité pour cela avec des gens toujours plus gros.

Le capitalisme exige également l’individualisme, l’indifférence aux autres, des choix purement individuels, en toute « conscience ». L’empathie et la compassion sont donc rejetés, tout comme l’exigence de la sensibilité par rapport aux vivants. Être véritablement à Gauche, c’est ici saisir cela et assumer une démarche personnelle ouverte à la nature, aux animaux, à la végétation. C’est ni plus ni moins quelque chose qui relève du Socialisme, ou du Communisme, comme on le voudra. En tout cas, c’est le sens de la socialisation la plus large, du partage le plus grand.

Or, le Parti animaliste ne se situe pas du tout dans une telle perspective. Et pour cause ! On trouve sur son site la liste des candidats. Qu’y trouve-t-on ? Plusieurs responsables des Ressources Humaines, un chef d’entreprise, une avocate, une ancienne conseillère en communication, un commercial, un ingénieur consultant, une maître de conférences, une analyste recherche, une professeure en marketing, des juristes, une gestionnaire marchés publics, une indépendante en conseil en stratégie, un directeur commercial, plusieurs professeurs, une responsable Administratif et Financier, etc.

Humainement, ces gens ont très certainement un rapport positif aux animaux, ils sont dans le bon camp. Mais de par leur nature sociale, ils contribuent inéluctablement à appuyer le capitalisme. Ils sont étrangers à la classe ouvrière, voire même ils sont eux mêmes des capitalistes. On sait bien ce qu’est notamment quelqu’un s’occupant des Ressources Humaines aujourd’hui dans notre pays… C’est une fonction qui, par définition même, s’oppose fondamentalement aux intérêts des salariés, c’est une arme de l’entreprise contre eux…

Pourtant, n’est-ce pas le système tel qu’il existe qui amène un rapport néfaste pour les animaux ? Et ne faut-il pas être cohérent ? Car des gens qui ont une position sociale très favorable dans un système ne remettent pas en cause le système. Des gens qui font partie d’un système ne peuvent pas aller au bout d’une logique prônant son renversement, son dépassement. Immanquablement, il y aura une capitulation, car ces gens vivent par le système lui-même. Seul le mouvement ouvrier peut porter quelque chose qui aille jusqu’au bout.

Et, pire encore, l’idée de faire de la défense des animaux un thème indépendant de tout le reste, est une attaque directe à l’idée d’un projet révolutionnaire bouleversant tous les aspects de la vie quotidienne telle qu’on la connaît. D’ailleurs, le système appuie lui-même le Parti animaliste, qui existe en participant aux élections et en touchant des fonds par conséquent de l’État, après avoir récolté des voix avec des affiches présentant des animaux, histoire de s’attirer les sympathies. Il se revendique haut et fort comme au-delà des classes sociales :

« La question animale est transversale, elle concerne toutes les familles politiques, toutes les catégories sociales, les ruraux comme les urbains, les jeunes comme les personnes âgées, … »

Rien n’est pourtant au-dessus des classes sociales. La question animale d’ailleurs moins qu’une autre peut-être. La défense des animaux est portée en très grande majorité par des femmes, et en grande majorité par des personnes d’un certain âge, et en grande majorité par des gens d’origine populaire. Cette vérité est très lourde de sens. Elle a toute sa dignité et est un appel à transformer la réalité, car ici des valeurs s’expriment qui exigent la compassion.

Cela n’a rien à voir avec des gens des hautes couches sociales qui, par en haut, veulent un changement, même s’il apparaît comme positif. Aucun changement n’est possible par en haut. C’est le peuple seul qui transforme la réalité. Qui veut défendre les animaux agit pour mobiliser le peuple et ne réduit pas en le véganisme un phénomène bobo, mais en saisit la portée historique, en liaison avec le Socialisme.